Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a demandé à la Commission de revoir l’une de ses décisions en vertu de l’art. 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), afin d’avoir des précisions au sujet de l’ordonnance de redressement figurant dans la décision – la Commission a rendu cette décision en 2018, laquelle visait plusieurs griefs présentés par la demanderesse dans Sandhu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 63 – la Commission a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son lourd fardeau de démontrer que des considérations spéciales ou des motifs impérieux justifiaient un réexamen – une demande de réexamen est une exception limitée au caractère définitif des décisions de la Commission qui permet aux décideurs de réexaminer leur décision en tenant compte d’un nouvel élément de preuve ou d’un nouvel argument (Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 376, au par. 8 – la demanderesse n’a pas allégué qu’il existait de nouveaux éléments de preuve qui auraient eu un effet déterminant sur le résultat de la décision originale et qui n’auraient pas pu être soulevés devant la Commission à l’audience – elle n’a pas allégué non plus qu’il existait de nouveaux faits qui ne pouvaient pas être connus à l’audience – elle souhaitait plutôt obtenir une précision au sujet de la décision – par conséquent, la Commission a déterminé que cela ne respectait pas les critères justifiant un réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi.

Demande rejetée.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Demande devant la Commission

A.  Pour la demanderesse

[1]  Le 13 avril 2019, Sabrina Sandhu (la « demanderesse ») a demandé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») de revoir l’une de ses décisions en vertu de l’art. 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui est rédigé en partie comme suit :

43(1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

 

[2]  La Commission a rendu la décision en question le 13 août 2018. Cette décision, soit Sandhu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 63, concernait plusieurs griefs présentés par la demanderesse. La Commission a accueilli les griefs concernant son licenciement et les autres ont été rejetés.

[3]  À titre de réparation, la Commission a ordonné ce qui suit :

[…][232] Mme Sandhu réintégrera un poste d’agente correctionnelle classifié au groupe et au niveau CX-02, avec solde et sans interruption des prestations, à compter du 2 décembre 2013.

[233] Dans les 60 jours suivant la présente décision, l’administrateur général devra rétablir le salaire de Mme Sandhu au groupe et au niveau CX-02, ainsi que ses prestations, à compter du 2 décembre 2013.

[234] Dans les 60 jours suivant la présente décision, l’administrateur général devra verser à Mme Sandhu, à compter du 2 décembre 2013, un dédommagement pour la perte de son salaire au groupe et au niveau CX-02, dont seront déduits les sommes habituelles et tout revenu d’emploi touché par Mme Sandhu à compter du 2 décembre 2013, jusqu’à la date de sa réintégration dans ses fonctions.

[…]

 

[4]  La demanderesse déclare qu’après la publication de la décision de la Commission, son agent négociateur, soit l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, et le défendeur ont eu de nombreuses discussions afin de déterminer le montant qui lui serait versé.

[5]  En fin de compte, les parties ont réglé la plupart des questions. Toutefois, une question concernant le dédommagement des possibilités perdues de faire des heures supplémentaires, des heures compensatoires et des primes de poste n’est toujours pas réglée.

[6]  La demanderesse demande à la Commission de préciser si le passage suivant, « [...] l’administrateur général devra verser à Mme Sandhu, à compter du 2 décembre 2013, un dédommagement pour la perte de son salaire au groupe et au niveau CX-02 [...] », dans l’ordonnance de la Commission comprend les possibilités perdues de faire des heures supplémentaires, les primes de poste et les heures compensatoires.

[7]  En juin 2019, le mandat du commissaire qui compose la formation et qui a entendu le renvoi à l’arbitrage des griefs et rendu la décision a pris fin. La demande de la demanderesse en vertu de l’art. 43 m’a donc été renvoyée.

B.  Pour le défendeur

[8]  Le défendeur est d’avis qu’aucune raison impérieuse n’oblige la Commission à revoir sa décision et que la demande devrait être rejetée.

[9]  Le défendeur affirme que, conformément à la jurisprudence, un examen d’une décision en vertu du paragraphe 43(1) doit respecter ce qui suit :

 

[10]  Le défendeur soutient que, dans la présente demande, rien n’indique que les circonstances ont changé ou que de nouveaux éléments de preuve ou arguments qui auraient un effet déterminant sur le résultat de la décision initiale et qui n’auraient pu être soulevés devant la Commission à l’audience initiale, ont été présentés. La présente affaire ne porte pas sur de nouveaux faits qui ne pouvaient pas être connus à l’audience ou sur des développements subséquents qui comprennent des raisons impérieuses nécessitant un réexamen.

[11]  Dans les autres affaires où les heures supplémentaires perdues ont été prises en compte dans une réparation à la suite d’une réintégration, la Commission l’a précisément indiqué dans ses ordonnances.

C.  Réponse de la demanderesse

[12]  La demanderesse soutient que le défendeur cite, afin d’appuyer sa position, de nombreuses affaires dont aucune ne se rapproche même de loin de la situation en l’espèce. Par conséquent, il est impossible d’en tirer des conclusions.

[13]  La demanderesse affirme qu’elle ne tente pas de remettre en litige une question ou d’en interjeter appel et qu’il n’y a aucun débat quant à l’issue de l’audience initiale devant la Commission.

[14]  Elle fait valoir qu’il y a un désaccord quant à l’interprétation de l’ordonnance de la Commission et qu’elle souhaite obtenir une clarification de la part de la Commission. Elle déclare que la Commission n’a pas maintenu sa compétence pour se pencher sur les difficultés découlant de la mise en œuvre de son ordonnance; elle n’est pas non plus demeurée saisie du dossier pendant un certain temps une fois la décision rendue. Dans ces circonstances, il y a des motifs impérieux de faire droit à la demande.

[15]  La jurisprudence indique clairement que si des primes de poste avaient été payées, elles doivent être incluses dans le calcul du salaire. De plus, les possibilités perdues de travailler des heures supplémentaires doivent aussi être incluses. Rien ne permet de conclure que la décision de la Commission ne comprenait pas tout ce que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait gagné si elle avait travaillé pendant la période en question.

II.  Motifs

[16]  Il convient de noter qu’il ne s’agit pas de la première demande adressée à la Commission qui concerne l’application de la décision. En octobre 2018, la demanderesse a demandé que la Commission en produise une copie certifiée auprès de la Cour fédérale, conformément au paragraphe 234(1) de la Loi. Elle a soutenu qu’elle avait épuisé tous ses recours pour obtenir la mise en œuvre de la décision de la Commission.

[17]  Le 17 décembre 2018, la Commission a rendu une décision dans laquelle elle a conclu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La Commission est convaincue, selon les renseignements fournis par Mme Guzina, que l’ordonnance de la Commission dans 2018 CRTESPF 63 a été respectée et que le dépôt de l’ordonnance devant la Cour fédérale ne serait d’aucune utilité.

[…]

 

[18]  La Commission a alors rejeté la demande de la demanderesse voulant qu’une copie certifiée de son ordonnance soit produite auprès de la Cour fédérale.

[19]  Dans Institut professionnel du Service public du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 172-02-76 (19730605), [1973] C.R.T.F.P.C. no 7 (QL), la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a indiqué les circonstances dans lesquelles elle exercerait les pouvoirs qui lui sont accordés en vertu de l’art. 25 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35), soit le prédécesseur de l’art. 43 de la Loi. Essentiellement, les articles ne diffèrent pas.

[20]  Aux pages 5 à 7 de sa décision, la CRTFP a énoncé le raisonnement suivant :

9 [...] la décision doit comporter une erreur manifeste touchant son application à la situation dont elle traite ou portant sur certains faits nouveaux dont une ou des parties ont appris l’existence après l’audition primitive.

10. La première de ces possibilités peut avoir trait à des erreurs techniques ou de copiste dans la décision ou l’ordonnance. Elle comprendrait des choses comme des erreurs d’écriture ou des fautes de frappe. [...] Dans ces cas, on peut dire que l’autorité élucide le texte ou précise ses intentions.

11. La seconde raison pour laquelle la Commission entreprendrait un nouvel examen de ses décisions ou ordonnances a trait plus au fond de l’affaire qu’à la façon dont la décision est formulée. Dans de tels cas, il faut qu’on fasse voir à la Commission qu’il existe une raison majeure pour que la Commission entreprenne d’examiner de nouveau ses décisions. [...] D’une manière générale, avant que la Commission procède à un nouvel examen de ses décisions ou ordonnances lorsque l’examen demandé porte sur le fond de l’affaire, la partie requérante a donc l’obligation de présenter de solides raisons justifiant cet examen. Il se peut que la partie requérante ait eu connaissance de nouveaux éléments de preuve, mais, dans ce cas, elle doit démontrer à la Commission que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas disponibles aux fins d’examen au moment où a été rendue la première décision ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas possible de les trouver, en faisant preuve de diligence, lors de la préparation et de la présentation de l’affaire. De toute manière, il faut démontrer que les éléments de preuve que la partie tente de produire devant la Commission sont d’une nature presque décisive et qu’ils ne feraient pas que seulement corroborer le point en litige, c’est-à-dire que le fait ou document qu’on cherche à produire est essentiel à l’affaire et son existence ou son authenticité ne peut être sérieusement mise en doute.

12 Bien sûr, d’autres motifs peuvent inciter la Commission à entreprendre un nouvel examen d’une de ses décisions ou ordonnances, mais, répétons-le, dans de tels cas il incombe à la partie requérante de démontrer qu’il existe des considérations particulières qui justifient le nouvel examen. [...]

 

[21]  Comme la Cour d’appel fédérale l’a aussi indiqué dans Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 376, au par. 8, une demande de réexamen n’est ni un appel ni une demande de révision. Il s’agit plutôt d’une exception limitée au caractère définitif des décisions de la Commission qui permet aux décideurs de réexaminer leur décision en tenant compte d’un nouvel élément de preuve ou d’un nouvel argument.

[22]  En effet, la demanderesse a reconnu dans ses arguments que l’art. 43 ne peut pas être utilisé comme un mécanisme d’appel ou une solution de rechange à un contrôle judiciaire, et que les procédures doivent être définitives. L’article 43 n’a pas pour but d’être utilisé pour remettre en litige une question déjà tranchée.

III.  Conclusion

[23]  Dans sa demande adressée à la Commission pour interpréter la décision originale, la demanderesse demande plus qu’une simple correction des erreurs techniques ou de rédaction.

[24]  D’un autre côté, la demanderesse ne soutient pas qu’il existe de nouveaux éléments de preuve qui auraient eu un effet déterminant sur le résultat de la décision originale et qui n’auraient pas pu être soulevés devant la Commission à l’audience. Elle n’allègue pas non plus qu’il existe de nouveaux faits qui ne pouvaient pas être connus à l’audience.

[25]  La demanderesse indique elle-même dans sa demande qu’elle souhaite plutôt obtenir une [traduction] « précision » au sujet de la décision.

[26]  La demande ne respecte pas les critères justifiant un réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi et, à mon avis, la demanderesse ne s’est pas acquittée de son lourd fardeau de démontrer que des considérations spéciales ou des motifs impérieux justifient un réexamen.

[27]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV.  Ordonnance

[28]  La demande est rejetée.

Le 24 juillet 2020.

(Traduction de la CRTESPF)

David P. Olsen,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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