Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a participé à un processus interne de nomination annoncé – elle a soutenu que le défendeur avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite – au début de l’audience, son représentant a demandé que la commissaire siégeant à titre de formation de la Commission se récuse – la plaignante a soutenu que la commissaire avait fait preuve de partialité durant la période précédant l’audience, y compris en ce qui concerne sa mise au rôle, la tenue de la conférence préparatoire à l’audience et l’absence de prise de mesures d’adaptation à l’égard de son témoin – la commissaire a appliqué le critère de la crainte raisonnable de partialité indiqué dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369 – elle a conclu que les allégations étaient fondées sur de fausses accusations, de fausses déclarations et de fausses idées – la plaignante n’a déposé aucune preuve convaincante qui pouvait réfuter la présomption d’impartialité – la commissaire a conclu qu’une personne sensée et raisonnable, bien renseignée, conclurait qu’il n’y avait pas de crainte raisonnable de partialité de sa part – l’audience s’est déroulée ainsi qu’elle avait été fixée – comme la plaignante et son témoin n’ont pas comparu, aucune preuve n’a été présentée pour appuyer les allégations de la plaignante – la plainte n’a donc pu être maintenue et elle a été rejetée.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20200304

Dossier: EMP-2017-11112

 

Référence: 2020 CRTESPF 26

 

Loi sur la Commission des relations de travail et de

l’emploi dans le secteur public

fédéral et Loi sur l’emploi

dans la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Crystal Shura

plaignante

et

 

Le président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada

défendeur

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Shura c. Président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir déposée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant :  Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante :  Elle-même et Satinder Bains, Syndicat des employés du Solliciteur général

Pour le défendeur :  Patrick Turcot

Pour la Commission de la fonction publique :  Louise Bard

 

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

le 9 janvier 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Introduction

[1]  La présente décision porte sur la demande de Crystal Shura (la « plaignante ») pour que je me récuse de la présente affaire ainsi que la requête du défendeur en rejet de sa plainte pour manque de preuve. Conformément à l’art. 88 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), j’ai été désignée à titre de formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») pour entendre et trancher la présente plainte, qui porte le numéro EMP-2017-11112. La plainte a été déposée contre l’administrateur général de la « Commission nationale des libérations conditionnelles », l’ancien nom de l’organisation. Je l’appellerai par son nom approprié, la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC). La plainte vise une nomination pour une durée indéterminée au moyen d’un processus interne de nomination annoncé au poste de conseiller régional, vérification des peines, classifié AS-02, au Programme de mise en liberté sous condition, région des Prairies, de la CLCC.

[2]  Une requête en récusation est toujours une question de la plus haute importance pour les parties, le décideur et, plus important, l’administration de la justice. Par conséquent, une allégation de partialité réelle ou appréhendée doit être prise au sérieux, et le décideur appelé à rendre une décision dans un tel cas a le devoir envers les parties intéressées par l’issue d’une procédure d’aborder la question avec transparence, intégrité et ouverture d’esprit. Je me suis efforcée de le faire en rendant ma décision.

[3]  Pour toutes les raisons qui suivent, après avoir examiné avec soin la requête de la plaignante pour que je me récuse, la requête du défendeur en rejet de la plainte, les arguments des parties et la jurisprudence applicable, je rejette sa requête et sa plainte.

II.  Contexte

[4]  La plainte a été déposée le 12 avril 2017 en vertu de l’art. 77 de la LEFP. On y soutient que l’administrateur général de la CLCC a abusé de son pouvoir prévu au par. 30(2), en particulier dans l’application du mérite lorsqu’il a nommé la personne nommée. La plaignante a été jugée pleinement qualifiée dans le cadre du processus. Le 3 mars 2017, elle a été avisée que son nom avait été placé dans un répertoire de candidats qualifiés qui demeurerait en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018. Elle a déménagé à Ottawa, en Ontario, à la fin de 2017 en raison de la réinstallation de son conjoint avec les Forces armées canadiennes. Elle demeure employée de la fonction publique.

A.  Allégations d’abus de pouvoir

[5]  En résumé, la plaignante a allégué ce qui suit :

la création du critère de mérite et les outils utilisés pour évaluer les candidats comportaient des lacunes puisqu’ils n’évaluaient pas véritablement les exigences pour l’accomplissement des fonctions du poste;

le comité d’évaluation n’était pas qualifié pour évaluer les critères de mérite parce que le conseiller national, vérification des peines, n’a pas été sélectionné en tant qu’évaluateur;

les évaluateurs ne pouvaient pas accomplir les fonctions du poste en raison de la complexité de la détermination d’une formule de calcul de la peine, et les candidats jugés qualifiés ont donc tous été évalués incorrectement;

dans au moins trois processus de nomination antérieurs, l’administrateur général a fait preuve de mauvaise foi, de partialité et de discrimination à son égard;

la véritable raison pour laquelle elle n’a pas été nommée au poste est qu’elle était enceinte.

B.  La position du défendeur

[6]  Le défendeur a soutenu que tous les candidats ont fait l’objet d’un examen attentif et qu’ils ont tous été évalués équitablement par rapport à un corrigé détaillé. Les outils d’évaluation et l’échelle de cotation ont été établis conformément aux critères de mérite. Les mêmes outils d’évaluation ont été utilisés pour tous les candidats. La plaignante a été jugée qualifiée et son nom a été placé dans un répertoire de candidats qualifiés à prendre en considération pour des possibilités futures.

[7]  Le défendeur a invoqué Sampert et c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 9, et Portree c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14, où l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique a conclu qu’aucune disposition de la LEFP n’oblige un administrateur général à constituer un comité d’évaluation ni à faire en sorte que celui-ci soit composé dune certaine façon. Elle exige seulement que le comité d’évaluation connaisse bien les fonctions du poste à doter et que, dans le cas d’un processus de nomination annoncé, il n’ait aucune idée préconçue quant à la personne qui devrait être nommée.

[8]  Le rôle de la Commission n’est pas de réévaluer les notes attribuées à un plaignant pour une réponse donnée ou d’examiner les réponses données durant une entrevue. Le simple fait qu’un plaignant n’approuve pas la décision relativement à une question d’entrevue n’équivaut pas à une erreur grave ou à une omission équivalant à un abus de pouvoir. Les critères de mérite ont été établis conformément aux exigences du poste à doter à l’époque. Comme il a été déterminé dans Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, en vertu de la LEFP, un gestionnaire dispose d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’il souhaite doter et pour choisir la personne qui non seulement satisfait aux qualifications essentielles, mais représente la bonne personne pour occuper le poste visé.

[9]  En ce qui concerne les allégations de la plaignante relatives à des pratiques de mauvaise foi, de partialité et de discrimination dans les processus de sélection passés, le défendeur a soutenu que les allégations n’étaient pas visées par la plainte. Elle n’a jamais déposé de plaintes ou présenté de griefs au sujet des processus passés.

[10]  La direction a tenu compte de tous les candidats du répertoire. La bonne personne a été choisie selon la note globale la plus élevée en fonction du critère de l’aptitude personnelle. La plaignante a simplement communiqué une croyance abstraite qu’elle avait été victime de discrimination. Une simple affirmation qu’un motif de distinction illicite a joué un rôle dans une évaluation ne suffit pas. Il doit y avoir une preuve pour l’appuyer. Elle ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, le défendeur s’est livré à une pratique discriminatoire.

C.  Médiation et mise au rôle de l’audience

[11]  En février 2018, les parties ont participé à une séance de médiation à Ottawa. La médiation a échoué et l’affaire a été retournée au Secrétariat de la Commission (le « Secrétariat ») pour mise au rôle, selon la pratique normale. De février 2018 au 13 août 2019, le dossier est demeuré dans la file en attente de la mise au rôle, en même temps qu’un certain nombre d’autres affaires.

III.  Questions procédurales avant l’audience

A.  Avis d’audience et demande de changement de lieu

[12]  Le 13 août 2019, un avis d’audience a été envoyé à toutes les parties pour les informer que la plainte devait être entendue les 9 et 10 janvier 2020 à Edmonton, en Alberta. Conformément au Guide de procédures pour les plaintes relatives à la dotation de la Commission, les audiences se tiennent habituellement dans la collectivité où les plaignants travaillent ou habitent. Toutefois, le lieu de résidence des témoins peut aussi déterminer l’emplacement. À la même date, le représentant de la plaignante a demandé que l’audience ait lieu à Ottawa.

[13]  Toutes les demandes des parties envoyées au Secrétariat sont transmises au commissaire saisi de l’affaire pour obtenir des directives. Le commissaire examine alors les demandes. Des directives sont ensuite données à l’agent du greffe qui à son tour informe les parties par décision-lettre.

[14]  Le 15 octobre 2019, le défendeur a été invité à répondre à la demande de la plaignante. Le 18 octobre 2019, le défendeur a indiqué qu’il n’assumerait pas ses frais de déplacement ni ceux de son représentant et il a soutenu qu’il subirait un préjudice si le lieu d’audience était changé à Ottawa parce que ses témoins se trouvaient à Edmonton. De plus, il subirait un fardeau financier inéquitable. Son avocat a été affecté à une autre affaire à Edmonton la même semaine. Il ne lui était pas possible du point de vue logistique de se rendre d’Edmonton à Ottawa pour commencer l’audience le 9 janvier 2020.

[15]  Je devais présider l’audition d’une autre affaire à Edmonton du 7 au 8 janvier 2020.

[16]  Le 21 octobre 2019, le représentant de la plaignante a transmis la réponse détaillée de cette dernière, qui indiquait que le défendeur n’avait pas soulevé la question lorsqu’il a participé à la séance de médiation à Ottawa en 2018. Elle a décrit sa situation financière difficile et les nombreuses difficultés qu’elle a subies. Elle a décrit sa situation familiale et déclaré qu’elle devrait emmener ses jeunes enfants à l’audience à Edmonton et trouver une garderie. Pour ce qui est des considérations de logistique, elle a présenté la téléconférence et la vidéoconférence comme options.

[17]  Dans le cadre de l’examen de la demande de vidéoconférence de la plaignante, le 25 octobre 2019, j’ai demandé aux parties de communiquer au Secrétariat le nombre de témoins qu’elles appelleraient ainsi qu’un résumé de la preuve qu’elles présenteraient. Le 31 octobre 2019, son représentant a transmis sa réponse d’un témoin et des renseignements généraux sur le témoignage qu’elle fournirait.

[18]  La plaignante a indiqué qu’elle appellerait un témoin de la Colombie-Britannique qui témoignerait par affidavit qui serait disponible pour contre-interrogatoire à l’audience par téléconférence ou vidéoconférence. Le témoin témoignerait du processus antérieur et d’une pratique de discrimination, de partialité et d’abus de pouvoir de la part de l’administrateur général. Elle fournirait également un témoignage d’expert sur les qualifications essentielles appropriées pour le poste en litige dans l’un des processus antérieurs.

[19]  Le défendeur a répondu qu’il aurait deux témoins possibles d’Edmonton, en plus d’un troisième témoin possible de la Colombie-Britannique. Il s’est opposé à ce que le témoin de la plaignante témoigne par affidavit et a proposé que cette personne témoigne par téléconférence ou vidéoconférence. Il a demandé des précisions sur la question de savoir si elle était appelée en tant que témoin expert et, dans l’affirmative, elle devrait déposer un rapport au préalable.

[20]  Le 6 novembre 2019, le défendeur a soulevé quelques objections aux renseignements relatifs au témoin de la plaignante. En particulier, il s’est opposé à ce que son témoin fournisse une preuve par affidavit. Il a soutenu que la preuve par affidavit ne convient pas parce que la plainte comporte de nombreuses allégations de partialité et de discrimination. La preuve testimoniale est nécessaire pour évaluer la crédibilité du témoin. Il a proposé que le témoin témoigne par téléconférence ou vidéoconférence.

[21]  Le défendeur s’est opposé à ce que le témoin témoigne à titre d’expert parce qu’elle n’avait pas participé au processus de nomination en litige. De plus, si la Commission reconnaît sa qualité d’expert, il a demandé à obtenir son rapport avant l’audience. Il s’est opposé à l’admission de la preuve du processus de dotation de 2013 parce qu’il n’était pas visé par la plainte. Ce processus n’a pas entraîné de nomination et portait sur un détachement. Si la plaignante avait subi de la discrimination à la suite du détachement de 2013, elle aurait pu déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) ou présenter un grief à son employeur. Le défendeur ne serait pas en mesure de répondre à ces allégations compte tenu du délai important. Il a réitéré sa demande de détails sur ses allégations de discrimination. Il lui a demandé de préciser si elle avait allégué qu’il s’agissait de discrimination personnelle ou systémique.

[22]  Le 7 novembre 2019, la plaignante a confirmé que son témoin serait appelé à titre d’expert. Elle a soutenu que la preuve des processus antérieurs était pertinente à sa plainte relative au processus contesté parce qu’elle établissait des pratiques de mauvaise foi, de partialité et de discrimination. Elle a renvoyé le défendeur à son Formulaire 7, dans lequel ses allégations contenaient les dates et les détails précis des pratiques discriminatoires personnelles et systémiques de l’administrateur général.

[23]  Le même jour, le représentant de la plaignante a transmis la réponse non sollicitée de cette dernière à la position du défendeur. Elle a indiqué que son témoin témoignerait par affidavit et qu’elle serait disponible pour contre-interrogatoire à l’audience par téléconférence ou vidéoconférence, selon ce que la Commission était disposée à organiser.

[24]  Elle a accusé le défendeur de tenter de la distraire et d’occuper ses ressources et son temps limités avant l’audience. Elle a dit qu’elle attendait toujours des renseignements concernant sa demande relative à la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21) qu’elle avait déposée en 2017 avant les processus de nomination antérieurs. Elle a demandé que le défendeur lui dise s’il allait répondre à sa demande ou si elle devait demander une ordonnance de communication de renseignements (OCR).

B.  Avis de conférence de règlement

[25]  Le 4 novembre 2019, le Secrétariat a rappelé aux parties qu’elles devaient fournir des dates pour fixer une conférence de règlement, laquelle a ensuite été fixée au 19 décembre 2019. L’audience devait se dérouler les 9 et 10 janvier 2020. Les conférences de règlement sont présidées par un commissaire autre que celui qui présidera l’audition de la plainte, si l’affaire n’est pas réglée.

[26]  Le 13 novembre 2019, un « Avis de conférence de règlement » a été envoyé aux parties et indiquait les détails des questions à examiner. Comme dans ce genre d’avis, la Commission a dit que, [traduction] « lorsque les parties règlent une plainte, le résultat est souvent préférable à celui décidé par un tiers » comme raison pour la tenir.

[27]  Le 18 novembre 2019, la Commission a informé la plaignante et son représentant qu’elle avait accueilli sa demande de réservation d’une salle de réunion à Ottawa pour la conférence de règlement qui serait menée par téléconférence et qu’une salle avait été réservée. Elle-même et son représentant devaient y participer à partir de cette salle.

C.  Vidéoconférence à partir de trois endroits différents

[28]  Le 14 novembre 2019, j’ai communiqué avec les Services juridiques de la Commission pour vérifier s’il était technologiquement possible de tenir une vidéoconférence à trois endroits différents, soit Ottawa pour la plaignante, la Colombie-Britannique pour son témoin et peut-être l’un des témoins du défendeur, et Edmonton pour le lieu de l’audience. Comme il s’agirait d’une première pour la Commission, soit le fait d’avoir des témoins de trois endroits différents, plusieurs demandes de renseignements concernant le greffe de la Commission et les Services de la technologie de l’information du Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs (SCDATA) ont été présentées pour établir l’approche la plus rentable afin de répondre à la demande de la plaignante.

[29]  Le 18 novembre 2019, comme je n’avais toujours pas tous les renseignements sur la possibilité que des témoins témoignent à partir de trois endroits différents et compte tenu de la conférence de règlement prévue pour le 19 décembre et de la possibilité que les parties parviennent à un règlement, j’ai déplacé la téléconférence préparatoire à l’audience au 20 décembre 2019.

[30]  Le 19 novembre 2019, dans l’avis de téléconférence préparatoire à l’audience, j’ai demandé à un agent du greffe d’informer les parties que la demande de changement de lieu serait examinée pendant l’appel. Avant de rendre une décision définitive, je souhaitais entendre toutes les parties. J’ai ensuite transmis ma demande au greffe de la Commission et demandé que les demandes de renseignements soient présentées immédiatement.

[31]  Le 19 novembre 2019, le gestionnaire du Secrétariat m’a informée que ni le Conseil canadien des relations industrielles ni le SCDATA n’avaient d’espace d’audience disponible à Edmonton ou à Kaleden, en Colombie-Britannique. Le greffe n’avait pas les ressources pour l’organiser. Il devait réserver des salles de conférence dans trois hôtels différents, un à Edmonton pour l’audience, un à Ottawa pour la plaignante et un à Kaleden pour son témoin. J’ai demandé qu’une demande spéciale soit envoyée aux STI pour trouver d’autres options.

D.  Demandes de divulgation

[32]  Le 25 novembre 2019, le représentant de la plaignante a transmis son courriel au sujet de documents provenant des processus de dotation antérieurs qui n’avaient pas été divulgués ainsi que les documents pour la conférence de règlement fixée au 19 décembre 2019.

[33]  La plaignante a refusé de signer une entente de non-divulgation pour tout règlement qui pourrait être conclu au moyen de la conférence de règlement. Dans son courriel envoyé à son représentant, elle a indiqué qu’elle venait de découvrir un autre cas d’abus de pouvoir dans l’application du mérite qui était particulier à l’évaluation des qualifications essentielles, en particulier la connaissance de l’art. 742.7 du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46). Son courriel a été porté à mon attention le 2 décembre 2019. Son représentant n’a pas demandé à modifier ses allégations.

E.  WebEx

[34]  Le 29 novembre 2019, il a été décidé que le SCDATA offrirait une conférence par WebEx pour faciliter la participation de la plaignante à l’audience depuis Ottawa et celle de son témoin depuis Kaleden. Conformément à la pratique de la Commission, les parties seraient informées qu’elles étaient responsables de tous les coûts et de l’équipement liés à leur participation et à celle de leurs témoins à l’audience. La Commission serait responsable uniquement des installations d’audience à Edmonton et à Ottawa.

[35]  Le 2 décembre 2019, j’ai demandé à l’agent du greffe d’informer le représentant de la plaignante que, s’il souhaitait demander une OCR pour les documents d’anciens processus, il devait le faire dès que possible et que la demande de changement de lieu serait examinée durant la conférence téléphonique préparatoire à l’audience le 20 décembre 2019. J’ai aussi demandé aux parties d’être prêtes à discuter de la possibilité que la plaignante et son témoin témoignent par vidéoconférence. L’agent du greffe a envoyé les directives aux parties le 3 décembre 2019.

[36]  Le 4 décembre 2019, un avis du lieu d’audience a été envoyé aux parties, indiquant l’heure et l’endroit de l’audience, soit les 9 et 10 janvier 2020 à Edmonton.

F.  La première demande d’OCR de la plaignante et sa demande de modification de ses allégations

[37]  Le 5 décembre 2019, le représentant de la plaignante a envoyé la demande d’OCR au sujet des processus de nomination antérieurs.

[38]  Le 11 décembre 2019, le défendeur a répondu à la demande de la plaignante. Il a réitéré sa demande de détails supplémentaires. Même si les faits de ses allégations sont indiqués en détail dans son Formulaire 7, ce dernier manque de détails au sujet de ses allégations de discrimination. Le défendeur a demandé les dates, les raisons, le nom des témoins et des précisions sur le motif de partialité. Il s’est opposé à sa nouvelle allégation, a demandé qu’elle présente le formulaire requis et a demandé à bénéficier d’un délai de 10 jours pour transmettre sa réponse. Il a soutenu qu’elle ne respectait pas le critère de pertinence défendable puisqu’il n’y avait aucun lien évident entre les documents demandés et la plainte. Sa demande était trop générale parce qu’elle portait sur des processus de dotation qui n’étaient pas visés par la plainte. De plus, la demande de production de tous les documents des trois anciens processus de dotation constituait un fardeau trop lourd.

[39]  Le 11 décembre 2019, la plaignante a envoyé un Formulaire 8 ainsi que sa demande pour ajouter ou modifier ses allégations. Le 12 décembre 2019, le Secrétariat a informé son représentant de problèmes techniques quant à son adresse de courriel. Le même jour, il a reconnu avoir reçu sa demande d’OCR, la réponse du défendeur et sa demande de modification de ses allégations. Les parties ont eu jusqu’au 17 décembre 2019 pour répondre à sa demande.

G.  Documents pour la conférence de règlement

[40]  Le 12 décembre 2019, le Secrétariat a rappelé au représentant de la plaignante que l’exposé de règlement rempli et le formulaire d’entente sur les modalités signé étaient dus le 9 décembre 2019. Il lui a demandé de les envoyer dès que possible.

[41]  Le 13 décembre 2019, à 15 h 34, la plaignante a écrit à son représentant pour exprimer ses préoccupations sur le fait de ne pas avoir reçu tous les documents demandés de la part du défendeur et indiquant sa réticence à signer le formulaire d’« Entente sur les modalités de la conférence de règlement » et le formulaire « Condition de règlement » en raison de leurs clauses de non-divulgation. Le représentant a transmis ce courriel à la Commission et aux autres parties.

[42]  Elle a déclaré que la Commission n’avait pas répondu aux préoccupations en matière procédurale que les parties avaient soulevées et elle a déclaré qu’elle [traduction] « […] semble faire plus qu’encourager le va-et-vient incessant et improductif entre [elle‑même] et le défendeur ». Elle était troublée par le dysfonctionnement qui s’était manifesté depuis qu’elle avait déposé sa plainte en 2017. Elle avait attendu un an et demi avant qu’elle soit entendue. Elle voulait obtenir une explication de la Commission quant à sa réticence à tenir une conférence de règlement et, de même, quant à l’audience fixée le mois suivant alors que les préoccupations en matière procédurale n’étaient toujours pas réglées. Elle ne voulait pas gaspiller les fonds publics ou prendre congé de son emploi pour participer à des procédures improductives.

H.  Avis à la CCDP

[43]  Le 17 décembre 2019, le Secrétariat a appris que la CCDP n’avait pas reçu le Formulaire 5 - Avis, requis en vertu de la LEFP. La plaignante a dit qu’elle l’avait envoyé au moment où elle avait déposé sa plainte et qu’elle avait fait un suivi avec la CCDP pour s’assurer qu’il se trouvait dans son dossier. La Commission lui a indiqué, ainsi qu’à son représentant, comment l’envoyer. Comme on le verra plus loin dans la présente décision, il a en fait été envoyé le 17 décembre 2019.

I.  Réponse à la demande de vidéoconférence, aux demandes d’OCR, à la demande de changement de lieu, aux allégations modifiées et à la demande de remise

1.  La position de la plaignante

[44]  Le 17 décembre 2019, j’ai rejeté la demande de changement de lieu d’audience. J’ai permis à la plaignante de témoigner par vidéo depuis Ottawa au moyen du portail WebEx de la fonction publique fédérale et j’ai permis à son témoin de témoigner par WebEx à partir de Kaleden. J’ai rejeté sa demande d’OCR parce qu’elle n’a pas établi la pertinence défendable des renseignements demandés avec ses allégations. J’ai conclu que sa demande pour obtenir tous les documents relatifs aux processus de sélection antérieurs, sans autre explication ou justification, correspondait à une recherche à l’aveuglette.

[45]  Le 17 décembre 2019, le représentant de la plaignante a transmis un courriel de la part de cette dernière, indiquant ce qui suit : [traduction] « […] Je n’ai reçu aucune réponse de la part de [la Commission] quant à mes préoccupations […] Il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’un règlement soit conclu alors que je n’ai toujours pas reçu les renseignements que j’avais demandés pour ma cause. » Elle n’était donc pas disposée à assister à la conférence de règlement fixée au 18 décembre. Selon ma compréhension de son courriel, elle n’était pas convaincue du fait que le défendeur participerait aux autres mécanismes de règlement de bonne foi étant donné qu’il a mis fin abruptement au processus de médiation antérieur, en particulier compte tenu de son refus de fournir les renseignements demandés.

[46]  Elle a dit qu’elle ne souhaitait pas participer [traduction] « […] à […] d’autres formes d’arbitrage avec le défendeur », qu’elle allait se concentrer sur la préparation de l’audience prochaine, qu’elle déposerait de nouveau sa demande de renseignements auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et qu’elle soulignerait le fait que le défendeur ne s’était pas pleinement conformé à sa demande de 2017.

[47]  Elle a indiqué qu’elle croyait que sa demande d’OCR, sa demande de modification des allégations, ainsi que la nouvelle demande déposée auprès du Commissariat à la protection de la vie privée allongeraient le délai. Elle a donc demandé que la Commission reporte l’audience prévue pour les 9 et 10 janvier jusqu’à ce que ses demandes soient complètement traitées. Comme ces demandes portaient sur la conférence de règlement, dont je n’étais pas saisie, elles n’ont jamais été portées à mon attention.

2.  La position du défendeur

[48]  Le 18 décembre 2019, le défendeur a répondu à la demande de remise de la plaignante. Il a soutenu que le rejet par la Commission de la demande d’OCR ne pouvait pas justifier la remise. Sa demande de protection de la vie privée a été déposée en 2017 et elle a attendu deux ans pour déposer de nouveau sa demande visant la communication de renseignements.

[49]  La plaignante n’a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle elle avait attendu plus de deux ans. La remise aurait causé un préjudice au défendeur parce qu’il avait assuré la présence de ses témoins et qu’il avait consacré beaucoup de temps à se préparer pour l’audience. Il s’est opposé à sa nouvelle allégation parce qu’elle ne respectait pas les critères indiqués au par. 23(2) du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006-6), qui indique que les plaignants peuvent ajouter une nouvelle allégation à leur plainte seulement s’ils n’ont pas pu obtenir les renseignements avant de présenter leurs allégations initiales ou s’ils doivent le faire par souci d’équité.

J.  Deuxième décision-lettre

[50]  Par courriel du Secrétariat le 19 décembre 2019, j’ai appris le refus de la plaignante de signer les ententes de confidentialité nécessaires pour la conférence de règlement prévue cette journée-là. Un courriel au dossier de la Commission indiquait que le commissaire présidant la conférence de règlement l’avait annulée.

[51]  Le 19 décembre 2019, le Secrétariat m’a transmis deux demandes de la plaignante. La première, présentée le 11 décembre 2019, visait à modifier ses allégations. La deuxième, présentée le 17 décembre 2019, avait pour but la remise de l’audience. La demande du défendeur du 18 décembre 2019 à sa demande de modification était aussi incluse. Ce courriel comportait la position de la Commission de la fonction publique (CFP) par rapport à la demande de remise et à la réponse du défendeur à cet égard.

[52]  Le 19 décembre 2019, le Secrétariat m’a informée que la plaignante avait rempli le Formulaire 5 obligatoire, « Avis à la Commission canadienne des droits de la personne » en mai 2017, mais qu’elle ne l’avait envoyé à la CCDP que le 17 décembre 2019. La Commission attendait alors une réponse de la CCDP pour l’informer des dates d’audience. Le Secrétariat a alors informé la CCDP des dates d’audience et cette dernière a indiqué qu’elle ne participerait pas à l’audience.

[53]  Après avoir reçu la position des parties quant aux demandes de la plaignante, le matin du 20 décembre 2019, j’ai demandé au Secrétariat d’envoyer une réponse à sa demande de modification de ses allégations, à sa demande de divulgation et à sa demande de remise.

[54]  J’ai accueilli la demande de modification des allégations de la plaignante. J’ai conclu que l’allégation n’était pas nouvelle puisqu’elle découlait de sa plainte originale. J’ai rejeté la demande de remise de l’audience au motif qu’elle n’avait pas reçu les documents en vertu de sa demande d’OCR. Étant donné que j’avais rejeté la demande d’OCR pour les documents concernant les processus de sélection antérieurs et accueilli la demande de modification, j’ai conclu que la question de la remise était théorique. J’ai accepté la position du défendeur selon laquelle la remise lui causerait un préjudice. La plaignante n’a pas fourni de motifs clairs, logiques et convaincants pour en justifier une, comme l’exige la politique sur les remises de la Commission. J’ai conclu que l’audience se déroulerait, ainsi qu’elle avait été fixée, les 9 et 10 janvier 2020, à Edmonton, et par WebEx pour elle-même et son témoin, selon l’ordonnance rendue le 17 décembre 2019.

K.  La téléconférence préparatoire à l’audience

[55]  Au cours de l’après-midi du 20 décembre 2019, j’ai tenu la téléconférence préparatoire à l’audience avec toutes les parties. La plaignante était présente en compagnie de son représentant, Satinder Bains. Étaient présents pour le défendeur, des Services juridiques du Conseil du Trésor, Patrick Turcot, avocat, et April Conn, parajuriste. Étaient aussi présents Zoe Alshuler, du Centre d’expertise du Conseil du Trésor, Louise Bard, de la CFP et, de la CLCC, Shauna Murphy, Benoit Lamarche et Eric McMullen. L’avis de téléconférence indiquait qu’elle se tenait en préparation de l’audience à venir fixée aux 9 et 10 janvier 2020. Comme pour ce genre d’avis, il indiquait qu’elle avait pour but de rationaliser le processus d’audience.

[56]  Les participants ont été explicitement informés qu’ils devaient se préparer à discuter de toutes les questions suivantes :

l’identification des témoins et la détermination de la nature de la preuve à présenter et de la durée des témoignages;

la détermination des faits et des documents non contestés qui peuvent être produits sur consentement,

la détermination et l’examen des questions dans le but de simplifier et d’accélérer l’audience;

un règlement;

l’audience (une audience sur pièces);

l’ordre de la procédure;

les délais pour présenter les arguments;

l’échange des documents qui seront produits à l’audience à titre de pièces;

la jurisprudence;

la nécessité de services d’interprétation;

toute demande de mesure d’adaptation;

l’heure et la durée prévue de l’audience;

toute autre réparation;

[57]  L’avis indiquait que la téléconférence aurait lieu le 20 décembre 2019 à 13 h 30, heure d’Ottawa, ou à 11 h 30, heure d’Edmonton, et qu’elle durerait environ 60 minutes. Les détails sur la façon de s’y joindre ont été fournis. Les participants ont été avisés qu’ils devaient être pleinement disposés à discuter des questions indiquées dans l’« Avis de conférence préparatoire à l’audience ».

[58]  On a rappelé aux représentants que leurs clients devaient assister à la conférence préparatoire à l’audience à titre d’observateurs, mais qu’ils ne pouvaient pas participer aux échanges. Seules les autres parties qui avaient déposé une réponse aux allégations pouvaient y participer. Elle a duré environ 1 heure 30 minutes. Comme le représentant de la plaignante n’était pas tout à fait prêt à discuter de sa plainte, j’ai autorisé la participation active de cette dernière.

[59]  Pendant la conférence préparatoire à l’audience, les parties ont discuté de toutes les questions indiquées dans l’avis de conférence préparatoire à l’audience. Elle s’est opposée à l’examen de sa plainte en détail et a indiqué que son représentant lui avait dit que la conférence préparatoire à l’audience était simplement une formalité à laquelle toutes les affaires de dotation devant la Commission étaient assujetties. Une grande partie de la requête en récusation de la plaignante repose sur ce qui a été dit à la téléconférence préparatoire à l’audience, en particulier : le traitement préférentiel du défendeur, le refus de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son témoin, l’interrogatoire de la plaignante au sujet de ses allégations de discrimination et la demande d’une requête pour rejeter sa plainte. Je vais indiquer ces allégations plus en détail et les aborderai plus loin dans mes motifs.

[60]  Après cette téléconférence, j’ai fait parvenir un courriel au Secrétariat et l’ai informé qu’un nouvel avis d’audience avait été envoyé, que le défendeur présenterait une requête en rejet de la plainte au plus tard le 27 décembre 2019 et que la plaignante avait jusqu’au 3 janvier 2020 pour y répondre.

[61]  Étant donné que l’autre affaire que je devais présider avait été réglée, j’ai décidé de tenir l’audience depuis Ottawa par WebEx en présence de la plaignante, alors que le défendeur et ses témoins se trouveraient à Edmonton. La plaignante m’a informée que son témoin avait besoin d’une mesure d’adaptation et qu’elle ne pouvait pas se déplacer pour témoigner. J’ai décidé que son témoin témoignerait de chez elle en Colombie-Britannique. Son représentant n’était pas certain d’être présent à Ottawa aux dates d’audience. Je lui ai laissé entendre qu’il serait plus facile de la représenter s’il était présent avec elle à Ottawa.

[62]  Le 23 décembre 2019, le représentant de la plaignante a transmis un courriel qu’il a reçu de sa part pour l’informer de ses préoccupations sur son amitié avec son témoin et l’un des témoins du défendeur. Le même jour, j’ai demandé à l’agent du greffe affecté à l’affaire d’accuser réception des renseignements non sollicités et de les lui retourner ainsi qu’à son représentant et j’ai demandé à son représentant de soulever ces questions au début de l’audience le 9 janvier 2020.

L.  La demande du défendeur de déplacer l’audience à Ottawa et pour que les témoins témoignent par WebEx depuis Edmonton et Abbotsford

[63]  Le 24 décembre 2019, le défendeur a fait parvenir un courriel à la Commission pour indiquer qu’après réflexion, lui-même et son représentant souhaitaient participer aux audiences à Ottawa et que ses témoins témoigneraient depuis Edmonton. Il a demandé les commentaires des parties et l’approbation de la Commission pour changer le lieu de l’audience. Il a demandé que l’un de ses témoins soit autorisé à témoigner depuis chez elle à Abbotsford, en C.-B., en raison d’obligations familiales.

[64]  Le 24 décembre 2019, un nouvel avis d’audience a été envoyé aux parties. Il indiquait que la commissaire présiderait l’audience depuis Ottawa en présence de la plaignante. Son témoin témoignerait par WebEx. Entre autres choses, il rappelait aux parties les éléments suivants :

elles devaient s’assurer que les témoins témoignant par WebEx possèdent l’équipement nécessaire;

la Commission communiquerait avec les parties pour vérifier la technologie;

les parties devaient informer leur témoin de la date et de l’heure de l’audience;

la Commission pouvait procéder à l’audience malgré l’absence d’une partie ou de tout autre participant;

la Commission ne paie pas ou ne rembourse pas les coûts d’une partie, de son représentant ou de ses témoins.

M.  La requête en rejet de la plainte

1.  La position du défendeur

[65]  Le 27 décembre 2019, le défendeur a présenté une requête en rejet de la plainte, avant l’audience. Il a soutenu que la plaignante ne disposait pas des éléments requis pour établir une preuve prima facie de discrimination. Le fait qu’elle n’a pas pu répondre à mes questions durant la conférence préparatoire à l’audience en ce qui concerne les détails de ses allégations de discrimination ainsi que le fait qu’elle n’a pas répondu à la demande de détails du défendeur indiquaient qu’elle ne pouvait pas s’acquitter de son fardeau et que la tenue d’une audience ne constituerait pas un usage approprié des ressources de la Commission ou qu’elle ne serait pas dans l’intérêt de la justice.

[66]  Il a soutenu que les autres allégations de la plainte, en dehors de celles fondées sur la discrimination, n’ont pas été correctement adressées à la Commission ou qu’elles n’étaient pas pertinentes au bien-fondé de la plainte parce que la plaignante avait été jugée qualifiée durant le processus. En tout état de cause, il était évident que ces allégations ne reposaient sur aucun fondement probant.

[67]  Le défendeur a fait remarquer que le 6 et le 15 novembre et le 11 décembre 2019, il a demandé des détails et une description détaillée des allégations que la plaignante avait l’intention d’invoquer ainsi que les détails complets des faits pertinents. Lorsqu’elle a eu la possibilité à la conférence préparatoire à l’audience de fournir un aperçu de la preuve qu’elle avait l’intention d’invoquer pour justifier ses allégations de discrimination, elle n’a pas été en mesure de fournir autre chose que sa propre croyance qu’elle avait fait l’objet de discrimination. Elle n’a présenté aucun renseignement pour démontrer en quoi sa grossesse était liée au fait de ne pas avoir été nommée au poste.

[68]  Le défendeur a soutenu qu’en ce qui concerne les renvois continus de la plaignante à d’autres processus de dotation, la LEFP établit les conditions législatives et réglementaires pour le dépôt d’une plainte. En renvoyant constamment à ces processus, elle a tenté de faire ce qu’elle n’avait pas fait et ne pouvait pas faire directement.

[69]  Ses allégations de partialité auraient dû être rejetées parce qu’elle n’a fourni aucune preuve de partialité réelle liée au choix de nomination de la personne nommée plutôt que d’elle-même. Elle a soutenu qu’il y avait eu partialité à son égard en raison de changements apportés à sa description de travail, qui ont retiré certaines des responsabilités des employés au niveau de titularisation CR-05 et parce qu’un processus de sélection passé avait été annulé. Elle a aussi déclaré qu’elle avait fait l’objet d’un traitement partial parce qu’elle avait présenté un grief concernant une rémunération d’intérim qui avait été réglé. Elle n’a pas démontré la pertinence de ces allégations avec sa plainte. Elle a été sélectionnée dans le cadre du processus et son nom a été placé dans un répertoire de candidats qualifiés.

[70]  Le défendeur a soutenu que les allégations portant sur les étapes antérieures du processus de sélection ne font pas partie de la justification de la raison pour laquelle la plaignante n’a pas été nommée et elles ne sont donc pas liées à sa plainte pour abus de pouvoir. Pour ce qui est de l’examen, la LEFP donne aux gestionnaires délégués un vaste pouvoir discrétionnaire dans le choix des méthodes d’évaluation dans la mesure où elles permettent d’évaluer correctement les qualifications établies dans l’énoncé des critères de mérite (ECM). Le fait qu’elle n’approuve pas l’évaluation n’en fait pas un abus de pouvoir. L’examen et le corrigé ont été élaborés en consultation avec le conseiller national, vérification des peines. Les examens ont ensuite été notés par les membres du comité de façon uniforme, qui ont utilisé le corrigé. Elle n’a fourni aucun élément de preuve du contraire. Elle n’a pas contesté le fait que le comité d’évaluation a conclu qu’elle était qualifiée. Elle a réussi chaque étape du processus de dotation et son nom a été placé dans le répertoire des candidats qualifiés.

[71]  Le défendeur a conclu qu’étant donné que la plaignante a été jugée qualifiée et que son nom a été placé dans le répertoire, les critères d’évaluation ne peuvent logiquement pas être en litige. La question porte plutôt sur l’identification de la personne nommée qui constituait la bonne personne. Toutefois, la plaignante n’a pas indiqué d’éléments de preuve pour contredire cette détermination; elle n’a pas non plus demandé la révocation de la nomination en question. Il s’agit donc d’un point théorique.

2.  La décision de la Commission à la demande du défendeur de participer à l’audience depuis Ottawa

[72]  Le 27 décembre 2019, le Secrétariat a accusé réception de la requête en rejet du défendeur. Il a informé la plaignante que la Commission rendrait une décision sur la requête en fonction des renseignements qu’elle recevrait. Comme son représentant l’a confirmé à la conférence préparatoire à l’audience, la Commission a demandé qu’elle fournisse sa réponse à la requête au plus tard le 3 janvier 2020.

[73]  Le 30 décembre 2019, j’ai accueilli la demande du défendeur pour que son représentant participe à l’audience depuis Ottawa et que ses témoins témoignent par WebEx depuis Edmonton et Abbotsford, respectivement. Le Secrétariat a rappelé aux parties qu’elles devaient s’assurer que leurs témoins sont disponibles et prêts à témoigner les 9 et 10 janvier et que tous les documents qu’elles mentionneraient dans leur témoignage sont envoyés aux autres parties avant l’audience. Les parties ont aussi été invitées à veiller à ce que les témoins qui témoigneraient depuis Edmonton, Kaleden et Abbotsford aient l’équipement nécessaire, y compris des copies de tous les documents qui seraient déposés à l’audience.

[74]  Le même jour, le représentant de la plaignante a fait parvenir un courriel au Secrétariat pour l’informer qu’il répondrait à la requête en rejet, mais qu’il avait [traduction] « […] une préoccupation quant à la façon dont un examen peut être fait sans une présentation complète de la preuve ou une audience appropriée » [je mets en évidence]. Pendant la conférence préparatoire à l’audience, lorsque je lui ai demandé s’il était en mesure de répondre à la requête au plus tard le 3 janvier 2020, il a répondu : [traduction] « Cela devrait aller. » Il n’a pas fait de suivi et ne m’a pas demandé plus de temps pour répondre. Il n’a pas demandé une prorogation du délai pour répondre ni que les questions soient abordées à l’audience.

[75]  Le 30 décembre 2019, l’agent du greffe a envoyé par erreur un courriel pour indiquer que l’audience avait été déplacée d’Edmonton à Ottawa et pour annuler les dispositions WebEx pour les témoins du défendeur à Edmonton. J’ai dit à l’agent de faire parvenir un courriel à toutes les parties pour leur dire de ne pas tenir compte du courriel précédent et que d’autres directives de la Commission suivraient. La plaignante a répondu qu’elle refusait de ne pas tenir compte du courriel parce qu’il indiquait [traduction] « […] un message important qu’ils réalisent maintenant [selon elle] et qu’ils tentent de récupérer ». Elle n’a pas fourni d’autres détails pour appuyer sa prétention. Son représentant n’a pas fait de suivi ni présenté de demande de renseignements.

[76]  Plus tard cette journée-là, j’ai envoyé des instructions claires à l’agent du greffe ainsi que des directives à transmettre aux parties. Comme tous les représentants et leurs clients participeraient à l’audience depuis Ottawa et comme leurs témoins y participeraient au moyen de WebEx à leur endroit respectif, j’ai décidé d’annuler toutes les dispositions en matière d’audience à Edmonton, y compris les services audiovisuels. J’ai aussi demandé au Secrétariat d’envoyer un avis d’audience à jour et d’annuler mes dispositions concernant mes déplacements.

[77]  Le 3 janvier 2020, la CFP a informé la Commission qu’elle n’adopterait pas de position sur la requête en rejet.

3.  La réponse de la plaignante à la requête en rejet

[78]  Le 3 janvier 2020, à 20 h 58, la plaignante a transmis sa réponse à la requête en rejet à son représentant. Il l’a ensuite transmise à la Commission et a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Vous trouverez ci-joint la deuxième requête en rejet dans le dossier de la CRTESPF 2017-11112 (Shura). Ma crainte est que je serai à Ottawa le 7 janvier pour me préparer pour l’audience avec Mme Shura. Je crois que la Commission ne nous a pas donné un délai raisonnable pour répondre à la requête en rejet ou que nous sommes pressés de présenter nos arguments par courriel pendant la période des fêtes de fin d’année alors qu’un grand nombre d’entre nous n’étaient pas disponibles. Pour cette raison et de nombreuses autres, la requête en rejet doit être rejetée.

[…]

[79]  La réponse de 10 pages de la plaignante porte sur les processus de dotation et des événements antérieurs qui selon elles sont l’aboutissement d’événements démontrant l’impartialité, la mauvaise foi et la discrimination qui sont survenus de 2013 à 2017. Même si elle ne l’affirme pas explicitement, je comprends qu’elle a soutenu qu’ils sont liés au processus de sélection en litige. Elle a déclaré que certains des abus allégués étaient dissimulés et que d’autres étaient manifestes. Dans le cadre de son enquête, elle a découvert des abus qui n’étaient au départ que des soupçons. Un gestionnaire responsable de l’embauche a fait pression sur un membre du comité d’évaluation pour modifier la note d’examen d’un candidat, d’échec à réussite, et un gestionnaire responsable de l’embauche a annulé le processus de nomination annoncé pour sélectionner un candidat qui avait échoué à l’examen.

[80]  Elle a accusé la Commission et le défendeur de formuler des affirmations méprisantes qui décrivaient ses efforts pour avoir accès aux renseignements comme une simple recherche à l’aveuglette, alors que des efforts précédents ont en fait permis de découvrir une preuve qui appuyait ses allégations. Cela ajoute foi à ses efforts et à sa déclaration selon laquelle il est déraisonnable, en l’espèce, de présumer l’existence ou l’absence d’éléments de preuve qui peuvent appuyer ses allégations avant que les documents demandés aient été examinés avec soin.

[81]  Malgré le rejet par la Commission des demandes d’OCR de la plaignante, elle a renvoyé à sa demande d’obtenir les documents demandés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. A-1). Elle a soutenu que le refus par le défendeur de fournir ces renseignements était illégal et laissait clairement entendre qu’il retenait ces renseignements pour dissimuler ses abus de pouvoir et se soustraire à sa responsabilité. Elle a dit que, le 18 décembre 2019, elle a présenté une deuxième fois sa demande pour obtenir ces renseignements en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information.

[82]  La plaignante a dit que, le 19 décembre 2019, elle a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada au sujet de sa demande initiale d’avril 2017 à laquelle le défendeur ne s’était pas pleinement conformé. Elle a indiqué qu’elle étudierait tous les moyens à sa disposition, y compris le fait de communiquer avec son député, au besoin, pour avoir accès aux renseignements qui lui permettraient d’éclairer sa décision relative à la question de savoir si elle devait aller de l’avant avec sa plainte de discrimination ou la retirer, laquelle avait aussi été déposée séparément et directement auprès de la CCDP. Elle a soutenu avoir répondu à la demande du défendeur en ce qui concerne les détails sur sa plainte en lui disant de consulter son Formulaire 7 et ses allégations.

[83]  La plaignante a indiqué qu’à deux reprises, en 2013 et en 2017, on lui a refusé une nomination au même poste alors qu’elle en était à son troisième trimestre de grossesse. Elle a renvoyé à son analyse des données démographiques au bureau d’Edmonton. Elle a soutenu que, pendant toute la période où elle y a travaillé, elle a observé qu’un nombre très faible d’employés avaient des enfants, encore moins de jeunes enfants. Elle était la seule personne enceinte à l’Unité des commis d’examen des cas et la seule ayant de jeunes enfants. À l’Unité des agents d’examen des cas, seules deux femmes étaient enceintes et avaient de jeunes enfants et une autre avait des [traduction] « préadolescents » ou des adolescents.

[84]  Il n’y avait aucune femme enceinte ou ayant de jeunes enfants à l’Unité des greffiers d’audience, seulement deux hommes avec de jeunes enfants. En fait, la proportion des membres du personnel qui étaient enceintes ou qui avaient de jeunes enfants était considérablement inférieure à la proportion déjà faible selon une simple comparaison avec le nombre de postes. De plus, elle ne savait pas si des membres du personnel ayant de jeunes enfants ont obtenu des affectations intérimaires ou des promotions durant cette période.

[85]  Grâce à l’évaluation des renseignements qu’elle a obtenus, elle a conclu que la discrimination était un facteur dans la décision de dotation qui a mené à sa plainte. Elle souhaitait examiner les documents qu’elle recevrait en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et du commissaire à la protection de la vie privée et elle voulait avoir une autre possibilité de modifier ses allégations lorsqu’une preuve convaincante en ressortirait.

[86]  Elle a renvoyé à l’« initiative de renouvellement » de la CLCC, qui a réaffecté
les fonctions de gestion des peines du poste de commis d’examen des cas à celui de conseiller régional, vérification des peines. La CLCC l’a fait de mauvaise foi. Elle a fait preuve de mépris et de partialité envers les commis d’examen des cas en concevant le processus de nomination annoncé pour le poste de conseiller régional, vérification des peines, uniquement en tant que mutation. Comme les commis d’examen des cas n’étaient pas au même niveau, ils ont été privés de la possibilité de postuler aux postes ayant des fonctions qu’ils accomplissaient depuis des années.

[87]  Malgré la restriction relative à la mutation, elle a postulé au poste. Le conseiller régional, vérification des peines, l’avait pressée de postuler et avait laissé entendre les recommandations à l’intention du gestionnaire responsable de l’embauche pour qu’il revoie les restrictions dans la zone de sélection. L’annonce visait d’autres groupes. Elle a réussi la sélection initiale. Toutefois, le processus de nomination annoncé a été annulé et le gestionnaire responsable de l’embauche a plutôt annoncé un détachement. La plaignante a découvert plus tard que l’employée détachée ne respectait pas les critères de sélection essentiels et qu’un évaluateur du comité avait été prié de faire passer cette employée. Elle a déclaré qu’elle maîtrisait l’aptitude de gestion des peines et qu’elle avait eu un excellent rendement à cet égard et était compétente à titre de commis d’examen des cas.

[88]  Il n’y a aucune preuve d’incertitude administrative dans la dotation du poste. La véritable raison pour laquelle l’employée a été détachée est qu’il s’agissait d’une mesure d’adaptation. L’employée en question a informé le gestionnaire responsable de l’embauche qu’elle ne savait pas si elle allait accepter un poste à durée indéterminée. Le défendeur n’a fourni aucune raison vraisemblable pour expliquer pourquoi la plaignante n’a pas été prise en compte pour ce poste en 2013, avant l’annulation du processus de nomination annoncé. Dans son esprit, cela ne laissait que les conclusions plausibles de partialité, de mauvaise foi et de discrimination au motif qu’elle était enceinte à l’époque.

[89]  Elle a ajouté que le poste de greffier d’audience, la nomination intérimaire non annoncée et le processus de sélection annoncé portant le numéro 2015-NPB-IA-PRA-102970-A sont autant d’éléments de preuve de partialité, de mauvaise foi et de discrimination. En 2015, elle est retournée au travail après un congé de maternité. Une demande informelle de déclaration d’intérêt a été envoyée au bureau d’Edmonton pour une possibilité intérimaire de moins de quatre mois. En raison de ses excellentes compétences en rédaction et de son intérêt, elle a postulé et a été invitée à subir un examen écrit. Elle a reçu une vague rétroaction positive au sujet de ses résultats, mais aucune indication selon laquelle elle n’était pas qualifiée. Elle n’a pas eu d’autres nouvelles à propos du fait qu’elle était prise en considération.

[90]  Deux agents d’examen des cas ont obtenu des nominations intérimaires à partir de la demande d’intérêt. Ces personnes n’avaient pas d’enfants. Elles n’avaient pas de bonnes compétences en rédaction. Il était manifeste qu’elle avait été privée de la possibilité en faveur d’une personne possédant des compétences insuffisantes en rédaction. Elle a déclaré qu’il s’agissait d’une preuve de plus de partialité, de mauvaise foi et de discrimination.

[91]  En octobre 2015, un processus de sélection anticipée annoncé a été publié pour un poste de greffier d’audience AS-03 pour lequel elle était qualifiée dans le cadre d’un répertoire de candidats qualifiés. Encore une fois, la préférence a été accordée à des personnes sans enfants. Les conditions d’emploi pour ce poste étaient la volonté et la capacité de voyager et de faire des heures supplémentaires. Comme les deux conditions pouvaient être difficiles pour les personnes avec des enfants, en particulier les femmes, qui sont en général les principales pourvoyeuses de soins des jeunes enfants, il n’était pas surprenant de constater que les candidats nommés n’avaient pas d’enfants. Ce processus a maintenu le statu quo de deux greffiers d’audience masculins ayant des enfants, ce qui atteste davantage la partialité et la discrimination.

[92]  En octobre 2017, elle s’est vu offrir une nomination intérimaire au niveau AS-03. Toutefois, on a décidé qu’elle serait rémunérée au niveau AS-02. Selon la direction, dans le passé, les travailleurs occasionnels accomplissaient ce travail pour une rémunération de niveau AS-02. Elle a contesté le refus de la direction au motif que deux anciens commis d’examen des cas s’étaient vu offrir une rémunération d’intérim au niveau AS-03 dans le passé et le fait que son nom se trouvait dans le répertoire des greffiers d’audience. Il s’agissait d’une preuve de plus de partialité à son endroit.

[93]  En octobre 2017, elle a informé son employeur qu’elle était au début de sa deuxième grossesse et que, étant donné qu’elle n’allait pas bien, elle demandait un congé lié à sa grossesse pour consulter des spécialistes. Ils ont conclu que sa grossesse était à risque élevé et qu’elle l’obligeait à demander fréquemment des rendez-vous auprès de spécialistes. Sa nomination intérimaire a pris fin le 28 octobre 2017, sans autre possibilité de nouvelle nomination intérimaire, même s’il restait un arriéré de travail.

[94]  En avril 2016, un autre processus de sélection a été annoncé pour le poste de conseiller régional, vérification des peines. Il visait les employés de la CLCC, du Service correctionnel du Canada (SCC), du Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada, mais uniquement à titre de mutation. Elle a soutenu qu’il s’agissait encore une fois de partialité envers les commis d’examen des cas puisqu’ils n’étaient pas au niveau de mutation. La partialité en faveur des employés du SCC était élevée.

[95]  La CLCC a de nouveau fait preuve de partialité et de mauvaise foi en omettant une clause pour tenir compte d’autres groupes et niveaux. Elle l’avait fait précisément pour l’exclure et à titre de représailles à son endroit pour avoir soulevé des préoccupations sur la façon dont le processus de sélection annoncé de 2013 avait été géré. Elle ne s’était pas donné la peine de présenter sa demande pour le poste parce qu’elle n’aurait certainement pas été sélectionnée avant une évaluation.

[96]  On a demandé à la plaignante d’accomplir les fonctions de gestion des peines et d’assumer les fonctions de conseillère régionale, vérification des peines, dans son bureau jusqu’à ce que le poste soit doté. Elle a poliment accepté de les accomplir temporairement. Après plusieurs mois, il lui est devenu évident qu’on s’attendrait à ce qu’elle accomplisse ces fonctions indéfiniment sans rémunération parce que la direction n’a fourni aucune solution ni possibilité de doter le poste de façon permanente. Il s’agissait d’une preuve de partialité et de mauvaise foi. Elle a demandé une rémunération d’intérim rétroactive. Le gestionnaire n’a accusé réception de la demande qu’un mois plus tard, ce qui l’a soumise à une contrainte continue. Le directeur général régional a refusé sa demande de rémunération d’intérim. Les tactiques employées par le gestionnaire et le directeur général régional qui l’ont évitée de façon prolongée et qui ont formulé un cortège de refus et de commandes, s’apparentaient à de l’insouciance, à de la mauvaise foi et à de l’intimidation.

[97]  Il s’agissait encore une fois d’une preuve de mauvaise foi, de représailles et d’un stress indu imposé à la plaignante, sans considération du fait qu’elle subissait déjà un stress personnel important en raison de sa grossesse à risque élevé. Pour tenter d’atténuer le stress qui lui était imposé, elle a écrit au gestionnaire pour demander qu’elle soit autorisée à se concentrer sur ses autres fonctions et à ne plus accomplir la fonction de préparer de nouveaux dossiers provinciaux.

[98]  Elle a exprimé son intérêt à accomplir les fonctions de conseillère régionale, vérification des peines, de façon intérimaire jusqu’à ce que le poste soit doté au moyen du processus de sélection anticipée. Elle n’a obtenu aucune réponse favorable. Par mauvaise foi, le gestionnaire a délégué les fonctions au conseiller régional, vérification des peines, et à un commis d’examen des cas non formé. À l’exception d’une discussion informelle avec le gestionnaire, qui est survenue plus tard, le gestionnaire et le directeur général régional ne lui ont plus prêté attention. Elle a présenté un grief concernant la rémunération d’intérim visant la période où elle a accompli les fonctions du poste de conseillère régionale, vérification des peines.

[99]  Le directeur général régional a rejeté son grief au motif que les fonctions qu’elle accomplissait figuraient dans la description de son poste de commis d’examen des cas. Comme la classification n’avait pas été déclassée, il n’y avait aucune obligation de la rémunérer au niveau AS-02. Il s’agissait d’une preuve de plus de partialité et de discrimination à son endroit. Lorsque le poste de conseiller régional, vérification des peines, a été doté en 2013, les fonctions et la formation ont été retirées aux commis d’examen des cas, sans contrepartie. Il était déraisonnable de s’attendre à ce que les commis accomplissent ces fonctions en 2016 sans contrepartie ou nouvelle formation simplement parce que la CLCC avait fait preuve de négligence en retirant les fonctions de leur description de poste en temps opportun. Les agents de vérification des peines doivent assumer les fonctions des autres durant les absences. Son grief a été réglé en mai 2017.

[100]  Lorsque le poste en litige a été annoncé, le grief concernant la rémunération d’intérim de la plaignante était en instance. C’était la première fois que l’annonce comportait une zone de sélection élargie, qui permettait aux commis d’examen des cas de postuler. Les critères liés aux qualifications en ce qui concerne une disposition précise du Code criminel s’appliquaient uniquement aux peines fédérales plutôt qu’aux peines provinciales.

[101]  L’ECM et les conditions d’emploi avaient considérablement changé et ne tenaient plus compte de l’expérience en gestion des peines comme qualification essentielle, ce qui était contraire à la déclaration du gestionnaire responsable de l’embauche en 2013 selon laquelle elle était nécessaire pour le poste. Cette qualification essentielle avait été inexplicablement reléguée au rang d’atout. À son avis, il était ridicule qu’un poste de conseiller régional n’exige pas d’expérience en gestion des peines comme qualification essentielle. Elle a été surprise d’apprendre que le conseiller national, vérification des peines, n’avait pas préparé l’annonce et n’avait pas été invité par le gestionnaire responsable de l’embauche à faire partie du comité d’évaluation. Cela démontrait la mauvaise foi et la partialité. Le conseiller national, vérification des peines, a reconnu que les critères étaient douteux, et l’annonce a été modifiée le lendemain. L’expérience constituant un atout n’a pas été réintégrée dans les qualifications essentielles. La plaignante a postulé, a été retenue à tous les niveaux et son nom a été placé dans le répertoire de candidats qualifiés.

[102]  La personne nommée était une employée du SCC. Deux employés du SCC se sont vu offrir une nomination avant tout employé de la CLCC, ce qui démontrait de la partialité et de la mauvaise foi. Elle a demandé une discussion informelle avec le gestionnaire responsable de l’embauche, qui a insisté pour dire qu’il existait un excellent répertoire de sept candidats et que la sélection de la bonne personne était l’objectif ultime. Elle a été renversée d’apprendre que les qualifications constituant un atout n’ont même pas été prises en considération dans la décision de nomination. Cela démontrait la mauvaise foi.

[103]  Le gestionnaire responsable de l’embauche n’a pas pu expliquer comment des qualifications constituant un atout ont été prises en considération. Même si elles l’ont été dans une certaine mesure, il a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un fort avantage et qu’elles n’ont pas eu beaucoup d’importance. Il a dit que l’aptitude personnelle a eu plus de poids; il s’agissait de la seule qualification essentielle non mesurée de façon quantifiable. Toutes les qualifications essentielles quantifiables pertinentes ont été classées moins bien que la qualité de l’aptitude personnelle subjective. Il s’agissait clairement d’une preuve de partialité et de mauvaise foi.

[104]  Si le répertoire de candidats était à ce point excellent, il aurait logiquement justifié l’application de qualifications constituant un atout afin de trouver la bonne personne. La plaignante a démontré un excellent rendement à tous les niveaux du processus de sélection et elle possédait toutes les qualifications constituant un atout. De plus, elle a adopté plusieurs initiatives dans le lieu de travail qui ont rationalisé les processus et amélioré les gains en efficacité. Tous ses accomplissements ont été fournis à titre d’exemples concrets pour démontrer ses qualifications, mais en vain.

[105]  Le gestionnaire responsable de l’embauche a nommé une candidate sans expérience en gestion des peines selon la perception subjective de sa personnalité. D’après la plaignante, il était évident que le gestionnaire responsable de l’embauche avait décidé d’utiliser l’aptitude personnelle plutôt que les atouts pour trouver la meilleure personne. Par conséquent, la nomination n’a pas été faite de bonne foi. L’aptitude personnelle a été utilisée comme outil pour nommer la personne qu’il voulait et rejeter la personne qu’il ne voulait pas. Encore une fois, il s’agissait d’une preuve de mauvaise foi et de partialité à son endroit.

[106]  Le gestionnaire responsable de l’embauche a indiqué que la personne nommée était hautement qualifiée et que malgré son manque d’expérience à effectuer les calculs de peines, elle avait obtenu une excellente note pour cette aptitude. À cause de cette seule déclaration, il avait complètement abandonné l’importance de l’expertise en gestion des peines et invalidé la justification de ses manœuvres précédentes dans la dotation du poste en 2013. Cela démontre la partialité et la mauvaise foi. Le niveau élevé d’études qu’il invoque n’était ni une qualification essentielle ni une qualification constituant un atout de l’ECM et elle n’était donc pas pertinente à la sélection du meilleur candidat.

[107]  Le fait que le conseiller national, vérification des peines, ne faisait pas partie du comité d’évaluation en tant qu’expert en gestion des peines pour ce processus était imprudent compte tenu de la spécialisation unique requise pour le poste. Le répertoire de candidats qualifiés n’a pas été correctement évalué, et le défendeur a nommé une candidate non qualifiée.

[108]  La qualification essentielle des connaissances de l’art. 742.7 du Code criminel concernait une ordonnance de sursis qui a été suspendue. Seule une question de l’examen renvoyait à une telle ordonnance. Toutefois, elle concernait une ordonnance qui avait pris fin et pour laquelle la connaissance de l’art. 742.7 ne pouvait pas être démontrée. La fin d’une telle ordonnance la convertit en une peine de détention complète et supprime toutes les considérations et formules complexes pour calculer une peine comportant une ordonnance de sursis suspendue.

[109]  Par conséquent, le répertoire de candidats qualifiés n’a pas été correctement évalué, et le défendeur a nommé une candidate non qualifiée. Cela constitue un abus de pouvoir au motif d’incompétence et une erreur grave ou une omission. Le gestionnaire responsable de l’embauche n’était pas compétent pour évaluer les qualifications. Le fait que la plaignante ne demande pas la révocation de la nomination de la personne nommée ne révèle rien sur les questions figurant dans sa plainte. Étant donné qu’aucun des candidats n’a été correctement évalué pour l’ensemble des qualifications essentielles, les candidats du répertoire ne sont pas pleinement qualifiés et le défendeur a illégalement nommé une candidate à partir du répertoire partiellement évalué. Il est impossible pour le défendeur de garantir que le même répertoire ou la même nomination aurait été obtenu si toutes les qualifications essentielles avaient été correctement évaluées. La candidature de la plaignante a été écartée en 2013 alors qu’elle était enceinte et encore en 2016 alors qu’elle était de nouveau enceinte de son deuxième enfant, malgré ses excellentes qualifications et ses évaluations du rendement.

[110]  La plaignante a ajouté que, selon la façon dont la téléconférence préparatoire à l’audience du 20 décembre 2019 s’est déroulée, sa tenue ne constituerait pas un usage approprié des ressources de la Commission et elle ne serait pas dans l’intérêt de la justice puisque la commissaire saisie de l’affaire a contrevenu au « Code de conduite » de la Commission. Pour cette raison et d’autres encore, elle a dit qu’elle déposera une requête pour obtenir une décision sans audience, ou une décision sur pièces, à rendre par un commissaire qui démontrerait la connaissance et le respect de toutes les politiques de la Commission et qui n’aurait pas de connaissances antérieures de la plainte. Elle a énoncé les raisons complètes de ses requêtes dans ses arguments. Aucune autre communication n’a été reçue de sa part ou de celle de son représentant.

4.  Décision sur la requête en rejet du défendeur

[111]  Le 7 janvier 2020, j’ai rendu une décision-lettre en ce qui concerne la requête en rejet du défendeur. J’ai conclu que je n’avais pas suffisamment de renseignements pour justifier le rejet de la plainte, étant donné les positions contradictoires et le fait que l’affaire était à une étape préliminaire, avant que l’audience commence et que les éléments de preuve soient déposés.

[112]  Par conséquent, j’ai reporté l’audition de la requête à l’audience et permis au défendeur de présenter sa demande de rejet encore une fois s’il le choisissait après le début de l’audience et après la présentation par la plaignante de sa preuve. Elle avait fourni suffisamment de détails à ses allégations pour justifier une audience. Étant donné la gravité de ses allégations et la preuve qu’elle disait posséder, j’ai cru qu’il était justifié de lui permettre de présenter sa preuve et de me prononcer sur la requête en rejet par la suite, si le défendeur choisissait de la présenter.

[113]  J’ai rappelé à la plaignante mes conclusions antérieures pour ces deux demandes d’OCR, soit la plainte dont je suis saisie et celle liée à la nomination en 2016 de la personne nommée au poste de conseiller régional, vérification des peines, dans la région des Prairies.

[114]  En réponse à sa demande de tenir une audience sur pièces, je lui ai rappelé notre discussion pendant la téléconférence préparatoire à l’audience selon laquelle les allégations de discrimination sur les questions de crédibilité ne pouvaient être examinées qu’au moyen d’une preuve testimoniale (témoignage verbal). J’ai conclu qu’étant donné les allégations de fait contradictoires et les prétentions formulées, l’affaire serait entendue dans le cadre d’une audience, aux dates fixées ainsi qu’elles avaient été communiquées dans le récent avis d’audience modifié envoyé aux parties le 2 janvier 2020.

5.  Les arguments de la CFP

[115]  Le 7 janvier 2020, la CFP a fourni ses arguments écrits ainsi que son recueil de jurisprudence et ses documents. Elle a réitéré sa position selon laquelle elle ne participerait pas à l’audience, mais se réservait le droit de présenter d’autres documents et décisions judiciaires avant sa tenue.

6.  Avis à la CCDP

[116]  Le 7 janvier 2020, la CCDP a informé la Commission qu’elle avait reçu le Formulaire 5, Avis à la Commission canadienne des droits de la personne, qu’elle avait avisé la Commission qu’elle n’avait pas l’intention de présenter d’arguments ou de participer à l’affaire et qu’elle allait donc fermer le dossier.

7.  Essai de WebEx

[117]  Par courriel du 7 janvier 2020, le Secrétariat a informé toutes les parties et tous les témoins qu’un essai WebEx serait effectué en vue de l’audience qui se tiendrait les 9 et 10 janvier. Les témoins pourraient avoir accès à l’essai au moyen d’un hyperlien. Il devait se tenir à 11 h, HNE, soit à 9 h, HNR et à 8 h, HNP. Les témoins auraient besoin d’ordinateurs portatifs pour l’essai. Le courriel comportait des instructions détaillées sur la participation. Le représentant de la plaignante n’a pas communiqué avec la Commission pour indiquer que l’heure de l’essai ne convenait pas à son témoin.

[118]  Le 7 janvier 2020 à 17 h 29, le témoin de la plaignante a fait parvenir un courriel au Secrétariat pour l’informer que, si la seule option que la Commission pouvait offrir était une participation par ordinateur portatif, elle ne serait pas en mesure de participer à l’audience puisqu’elle n’en possédait pas. Le 8 janvier 2020, le Secrétariat a répondu qu’elle pouvait participer en utilisant un téléphone intelligent et a de nouveau fourni des instructions détaillées sur la façon d’utiliser WebEx sur ce type d’appareil.

[119]  Aucune autre communication n’a été reçue de la plaignante, de son témoin ou de son représentant. Son représentant n’a pas demandé de mesures d’adaptation pour le témoin. Il n’a pas informé la Commission qu’il ne pouvait pas fournir au témoin l’équipement requis et il n’a pas demandé que le témoin participe à l’audience par téléconférence.

8.  La demande du défendeur pour que son client à Edmonton aide les témoins qui s’y trouvaient

[120]  Le 8 janvier 2020, le défendeur a fourni plus de détails sur ses témoins et leur emplacement. Il a demandé que l’un de ses représentants soit présent pendant toute l’audience pour aider les témoins à Edmonton relativement à tout problème technique et pour les appeler lorsqu’il serait temps de témoigner. J’ai accueilli la demande.

9.  Essai de WebEx

[121]  Le 8 janvier 2020, la Secrétariat et les STI ont effectué l’essai de WebEx. Le défendeur et ses témoins ont tous participé et l’essai a été réussi. Le témoin de la plaignante n’a pas participé à l’essai à l’heure prévue.

[122]  J’ai demandé à l’agent du greffe de communiquer avec le témoin de la plaignante. Il lui a laissé un message vocal pour lui demander de l’appeler afin de vérifier sa participation par WebEx. Il a ensuite tenté de communiquer avec le représentant de la plaignante pour s’informer de la situation du témoin. Ce dernier n’a pas répondu. Son représentant a rappelé l’agent vers 11 h 30 et l’a informé qu’il lui était difficile de communiquer avec le témoin parce qu’il se trouvait à Ottawa et qu’elle était en Colombie-Britannique.

[123]  Le représentant de la plaignante a demandé à l’agent du greffe si lui-même ou l’agent devait communiquer avec le témoin. L’agent l’a de nouveau clairement informé que la plaignante avait la responsabilité de veiller à ce que son témoin ait l’équipement approprié pour participer à l’audience par WebEx. Son représentant a dit à l’agent qu’il tenterait de communiquer avec le témoin et qu’il en informerait la Commission. L’agent a indiqué que la Commission pourrait faire l’essai de WebEx avec seulement le témoin plus tard cet après-midi-là. Le représentant a dit qu’il allait examiner la question. Après l’appel, l’agent a mis fin à la séance d’essai de WebEx avec les témoins du défendeur.

[124]  À 12 h 22, l’agent du greffe a envoyé un courriel de suivi à la plaignante, à son témoin et à son représentant pour les informer que son témoin n’avait pas participé à l’essai de WebEx. Il a indiqué que la Commission devait faire l’essai de WebEx avec son témoin avant l’audience. Il a demandé que le témoin fournisse une heure à laquelle elle était disponible pour l’essai. Il leur a aussi rappelé que les parties devaient prendre les dispositions nécessaires pour participer aux deux jours complets de l’audience, y compris le fait de s’assurer que leurs témoins prennent les dispositions nécessaires pour y participer. La plaignante, son représentant ou son témoin n’ont pas répondu au courriel de l’agent.

[125]  Plus tard cet après-midi-là, l’agent du greffe a de nouveau fait un suivi avec la plaignante, son représentant et son témoin pour obtenir une mise à jour. Son représentant a dit qu’ils tentaient toujours de régler la situation avec le témoin. Aucune autre réponse n’a été reçue de la plaignante, de son représentant ou de son témoin.

[126]  Durant la téléconférence préparatoire à l’audience, j’ai informé les parties que les témoins et l’équipement dont ils avaient besoin pour participer à l’audience relevaient de leur responsabilité. Le représentant de la plaignante a indiqué que le Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), et l’AFPC n’avaient pas de bureau dans la région du témoin et que le témoin de la plaignante était incapable de se déplacer à un endroit pour témoigner ou participer à l’audience. J’ai demandé si elle était en mesure de témoigner de chez elle. La plaignante a dit qu’elle ne savait pas si son témoin avait l’équipement requis, comme un ordinateur portatif muni d’une caméra. J’ai invité son représentant à vérifier avec le témoin et de communiquer avec le SESG ou l’AFPC pour tenter d’obtenir l’équipement requis pour elle.

[127]  Le 8 janvier 2020, le greffe a transmis à la plaignante la lettre de la CCDP pour informer la Commission qu’elle ne participerait pas à l’audience et qu’elle fermait son dossier.

[128]  À aucun moment la plaignante ou son représentant n’a informé le Secrétariat ou le greffe qu’elle n’assisterait pas à l’audience ou que son témoin n’y participerait pas. À aucun moment son représentant n’a demandé une mesure d’adaptation pour son témoin à l’audience, conformément à la Politique sur les demandes d’accommodement de la Commission. Il n’a pas demandé que son témoin témoigne par téléconférence. Il n’a pas demandé une remise pour obtenir l’équipement approprié à son intention.

IV.  L’audience

A.  La requête en récusation

[129]  Le 9 janvier 2020, j’ai commencé l’audience à Ottawa, ainsi qu’elle avait été fixée. Le défendeur et ses clients étaient présents, et tous ses témoins étaient disponibles. Les STI et le Secrétariat avaient préparé l’équipement pour permettre à tous les témoins de témoigner par WebEx. La technologie était fonctionnelle. Le témoin de la plaignante n’a pas participé.

[130]  La seule personne présente pour la plaignante était son représentant; elle n’a pas comparu. Lorsque j’ai demandé à son représentant si elle allait être présente, il a répondu par la négative. Je lui ai demandé pourquoi et il a répondu qu’il ne le savait pas. Il a demandé la tenue d’une audience sur pièces. Encore une fois, j’ai rejeté la demande pour les motifs que j’ai fournis dans la décision-lettre du 20 décembre 2019. Ses allégations de discrimination et de discrimination systémique dans les processus de nomination de la CLCC nécessitaient une preuve testimoniale.

[131]  J’ai demandé si le témoin de la plaignante allait participer à l’audience. Le représentant de la plaignante a dit qu’elle n’y participerait pas. Il a dit qu’il avait une lettre de la plaignante qu’il souhaitait lire à la Commission et qu’il déposerait une requête en récusation. J’ai demandé s’il avait fourni au défendeur une copie de la requête en récusation. Il a confirmé qu’il l’avait fait, tout juste avant le début de l’audience. Je lui ai demandé de résumer les raisons pour lesquelles la plaignante avait demandé ma récusation. Il ne pouvait pas résumer les raisons et a demandé encore une fois de lire son document. Je lui ai demandé de me fournir une copie de la requête et ordonné une pause de 20 minutes pour que je puisse la lire.

[132]  La plaignante a envoyé la requête en récusation à son représentant à 12 h le mercredi 8 janvier 2020. Il n’a pas communiqué avec la Commission à ce moment pour l’informer de la requête; il ne l’a pas mentionnée à l’agent du greffe lorsque la Commission tentait de communiquer avec le témoin de la plaignante pour organiser l’essai de WebEx. La requête en récusation a été envoyée par courriel à la Commission et au défendeur à 10 h 13 le jour de l’audience, soit le 9 janvier 2020.

[133]  Pendant la pause, j’ai pris connaissance de la requête et de ses quatre pages. J’ai repris l’audience et demandé encore une fois au représentant de la plaignante d’expliquer les raisons de la récusation et de fournir la preuve pour la justifier. Il ne pouvait pas fournir un résumé des raisons. Il a demandé que je réponde à la requête sans fournir au défendeur la possibilité d’y répondre d’abord. J’ai rejeté sa demande au motif qu’il serait inéquitable sur le plan procédural de priver le défendeur de la possibilité d’y répondre.

[134]  La plaignante a formulé les allégations suivantes pour appuyer sa requête :

le délai important dans le traitement procédural et la mise au rôle de sa plainte avait imposé un préjudice indu sur sa cause;

le processus décisionnel prolongé de la Commission relativement aux questions procédurales avait imposé des obstacles à sa participation et à celle de son témoin;

j’ai imposé des heures plus longues qu’à l’habitude pour les jours d’audience (de 10 h à 19 h), même si je savais qu’elle avait de jeunes enfants et qu’elle vivait à une heure du lieu d’audience;

j’ai contrevenu au Code de conduite de la Commission et à ses lignes directrices en examinant les documents de l’affaire avant l’audience, comme l’attestent les nombreuses décisions-lettres relativement aux questions procédurales que j’ai examinées avant l’audience;

j’ai fait preuve d’une ignorance délibérée ou de mépris pour la loi et les politiques de la Commission, qui ont provoqué de nombreuses préoccupations en matière de conflit d’intérêts quant à ma capacité à rendre une décision impartiale;

j’ai refusé de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de son témoin en ne la laissant pas témoigner au moyen d’une preuve par affidavit;

le retard de la Commission à rendre une décision sur la façon dont son témoin pouvait témoigner [traduction] « […] a nui à [son] intention de suivre les étapes de la Politique sur les demandes d’accommodement de la CRTESPF, puisque le fait de ne pas savoir ce qui était exigé de [son témoin] [l’]a empêchée de savoir le type de mesure d’adaptation demander »;

je n’ai démontré aucune compassion à l’égard de son témoin et refusé de recevoir tout renseignement supplémentaire sur des problèmes de santé;

j’ai complètement écarté la Politique sur les demandes d’accommodement, honteusement manqué de respect à son témoin et violé ses droits de la personne protégés par la LCDP;

je l’ai indûment et âprement interrogée et j’ai fait pression sur elle durant la téléconférence préparatoire à l’audience pour qu’elle fournisse un témoignage non préparé sur ses allégations de discrimination avant l’audience, portant ainsi préjudice à sa cause.

j’ai indûment énoncé mes opinions sur le bien-fondé de ses allégations et demandé au défendeur de présenter une requête en rejet au plus tard le 27 décembre 2019, avant l’audience, malgré le fait qu’il en avait déjà présenté une le 27 juin 2017;

je l’ai implorée de participer à la conférence de règlement pour parvenir à un règlement de sa plainte et l’ai forcée, ainsi que son représentant, à rester au téléphone après la téléconférence, même si elle avait refusé d’y participer;

j’ai accueilli la demande du défendeur de participer à l’audience à Ottawa puis tenté de rappeler un courriel indiquant que les directives de la Commission suivraient;

le défendeur a profité du fait que la Commission lui a fourni le lieu et l’équipement de technologie de l’information (TI) pour la majorité de ses témoins pour qu’ils comparaissent par WebEx;

j’ai refusé sa demande de mesures d’adaptation adéquates, du temps et un soutien, ce qui l’a forcée à abandonner l’idée de faire comparaître son témoin.

[135]  La plaignante a soutenu que ces allégations démontrent une partialité remarquable et inacceptable en faveur du défendeur. Elle a déclaré ce qui suit au sujet de ma conduite : [traduction] « […] a contrevenu au Code de conduite de la CRTESPF et a démontré une appréhension raisonnable de conflit d’intérêts ». Pour toutes ces raisons, elle n’avait pas confiance en l’équité procédurale de sa cause ou en ma capacité de rendre une décision impartiale. Le fait qu’elle a été forcée de renoncer à la comparution de son témoin à l’audience a nui à sa cause dans la mesure où sa comparution ne rimait plus à rien. Elle a demandé que je me récuse et que je [traduction] « reconnaisse que l’audience doit être décidée par un autre commissaire » au moyen d’une audience sur pièces.

B.  La réponse du défendeur

[136]  Le défendeur a déclaré qu’il ne souscrivait pas à la requête et qu’il était convaincu que j’étais en mesure d’entendre la plainte de façon impartiale. Il n’approuvait pas l’affirmation de la plaignante selon laquelle il avait eu gain de cause lorsqu’il s’était opposé à ce que son témoin témoigne par affidavit sans tenir compte de considérations éthiques et en matière de droits de la personne. Les allégations de discrimination contre lui concernaient des questions de crédibilité et il ne s’opposait pas à ce que le témoin témoigne de chez elle par WebEx. Il ne s’est opposé à aucune mesure d’adaptation à son endroit. Les parties ont été informées à de multiples reprises qu’elles devaient s’assurer que leurs témoins étaient disponibles et qu’ils disposaient de l’équipement nécessaire.

[137]  Pour ce qui est des affirmations de la plaignante selon laquelle j’ai imposé des heures plus longues qu’à l’habitude pour les jours d’audience, le défendeur était d’avis qu’il s’agissait d’une mesure d’adaptation pour elle et les témoins. Si l’audience avait commencé à 9 h 30, comme elles le font habituellement, cela aurait signifié 6 h 30 pour son témoin. Le défendeur et ses témoins se sont rendus disponibles pour commencer l’audience à 8 h (heure d’Edmonton). La Commission n’a pas refusé les demandes de mesures d’adaptation pour le témoin de la plaignante. En fait, elle a répété qu’elle offrirait autant de pauses dont elle aurait besoin, si elle en demandait.

[138]  Le défendeur ne comprenait pas pourquoi la plaignante s’opposait à ce que l’audience se tienne à Ottawa. Au départ, la Commission avait fixé l’audience pour Edmonton et lui avait permis de témoigner par vidéoconférence. En raison des changements dans la disponibilité des parties et des témoins, la Commission a changé le lieu d’audience pour Ottawa et a permis à tous les témoins de témoigner par WebEx.

[139]  Le défendeur ne souscrivait pas aux allégations de la plaignante quant à ma conduite et au conflit d’intérêts. Pendant la téléconférence préparatoire à l’audience, il était évident que son représentant ne l’avait pas préparée à discuter des questions énumérées dans l’avis de la téléconférence. L’avis indiquait clairement les questions qui devaient faire l’objet d’une discussion, et les parties ont indiqué qu’elles seraient pleinement préparées à le faire. Il n’était pas déraisonnable d’en discuter.

[140]  La plaignante a mal interprété la politique de la Commission sur les affidavits. Si la preuve par affidavit est permise, la Commission lui accorde le même poids qu’à la preuve testimoniale. Toutefois, la demande de permettre à son témoin de témoigner au moyen d’une preuve par affidavit a été rejetée parce que la Commission a conclu que les allégations concernaient des questions de crédibilité. C’était la prérogative de la Commission. Si la demande avait été accueillie, la Commission aurait accordé le poids approprié au témoignage. Rien n’indique que la Commission doit permettre la preuve par affidavit.

[141]  Le défendeur n’était pas d’accord pour dire que j’ai manqué de respect envers le témoin de la plaignante et que j’ai violé ses droits protégés par la LCDP en omettant de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Il n’était pas non plus d’accord pour dire que le retard de la Commission à rendre une décision sur la façon dont le témoin pouvait témoigner a nui à son intention de suivre les étapes de la Politique sur les demandes d’accommodement de la Commission parce qu’elle ne savait pas ce qui était exigé de son témoin. Le défendeur a soutenu que la Commission a pris des mesures d’adaptation à l’égard du témoin en lui donnant la possibilité de témoigner par WebEx de chez elle et en lui offrant toutes les pauses nécessaires. Au contraire, le défendeur était d’avis que j’ai tenu compte des besoins du témoin en matière d’adaptation.

[142]  La plaignante m’a accusée d’avoir invité le défendeur à présenter une requête en rejet. Le défendeur a soutenu que je ne le lui avais pas demandé. Il a dit qu’il aurait présenté une requête pour rejeter ses allégations de discrimination au début de l’audience ou après qu’elle eut présenté sa preuve au motif qu’elle ne s’était pas acquittée de son fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination. À plusieurs reprises, depuis le dépôt de la plainte, le défendeur a demandé des détails et elle a toujours refusé de fournir les renseignements demandés et renvoyait simplement à ses allégations. Sa réponse, qui a été obtenue le 3 janvier 2020, contenait des renseignements et des détails supplémentaires qui ne figuraient pas dans son Formulaire 7.

[143]  Selon le défendeur, la discussion portant sur le bien-fondé des allégations de la plaignante et mes questions en ce qui concerne les détails de ses allégations de discrimination lui ont été plus utiles plutôt que de constituer un obstacle. Il s’agissait d’un avertissement raisonnable que si elle n’avait pas plus de renseignements et ne pouvait pas fournir de détails, elle ne s’acquitterait probablement pas de son fardeau.

[144]  En réponse aux allégations de la plaignante relatives aux discussions de règlement, elle n’a pas démontré que la présentation d’options de règlement aux parties témoignait de l’existence de partialité contre elle. Comme l’a indiqué la correspondance de la Commission avec les parties, les règlements leur sont toujours plus favorables qu’une décision de la Commission.

[145]  Le défendeur ne comprend pas l’allégation de la plaignante selon laquelle la tenue de l’audience à Ottawa lui a causé un préjudice et qu’elle a favorisé le défendeur. Elle a déclaré qu’il avait bénéficié du fait que la Commission lui a fourni l’endroit et l’équipement de TI pour la majorité de ses témoins pour qu’ils comparaissent par WebEx. Ses témoins ont témoigné depuis les locaux de la CLCC à Edmonton et ont utilisé son équipement technique pour participer par WebEx. La Commission n’a pas fourni d’aide technique ou d’équipement au défendeur. Les décisions de la Commission de permettre à son témoin de témoigner par WebEx et de déplacer l’audience à Ottawa ont été prises à titre de mesures d’adaptation à l’égard de la plaignante.

[146]  Enfin, la requête en récusation était une tactique dilatoire. La plaignante a demandé la remise afin d’obtenir des documents au moyen d’une demande d’accès à l’information qu’elle a présentée en 2017 qu’elle ne pouvait pas obtenir de la Commission qui avait conclu qu’ils n’étaient pas pertinents. La commissaire n’a pas violé de politiques de la Commission, et le défendeur avait confiance en sa capacité à entendre l’affaire et à demeurer saisie de cette dernière. Pour ces raisons, le défendeur a demandé que la requête soit rejetée.

C.  La réplique de la plaignante

[147]  J’ai ensuite demandé au représentant de la plaignante s’il avait quelque chose à ajouter dans sa réplique à la réponse du défendeur; il a dit qu’il n’avait rien à ajouter. Je lui ai demandé s’il avait les éléments de preuve pour appuyer la requête en récusation. Il a déclaré qu’il n’en avait pas. J’ai informé les parties que la requête était rejetée et que des motifs complets suivraient.

D.  La requête pour rejeter la plainte pour manque de preuve

[148]  Le défendeur a présenté une requête pour que la plainte soit rejetée pour manque de preuve. J’ai demandé au représentant de la plaignante s’il comprenait ce qui arrivait ainsi que les conséquences de ne pas présenter d’éléments de preuve. Je lui ai rappelé que la plaignante avait le fardeau de démontrer que l’administrateur général de la CLCC avait abusé de son pouvoir. Je lui ai demandé de prendre du temps pour lui téléphoner, discuter avec elle et l’informer que je ne me récuserais pas et que je lui donnais du temps pour comparaître si elle souhaitait poursuivre l’audience. Je l’ai aussi informé que je fournirai à son témoin toute mesure d’adaptation dont elle avait besoin pour participer.

[149]  Je l’ai interrogé sur les étapes qu’il avait suivies pour communiquer avec le témoin de la plaignante depuis la téléconférence préparatoire à l’audience. Il a répondu qu’il n’avait suivi aucune. La plaignante avait communiqué avec son témoin. Je lui ai demandé s’il s’était renseigné pour obtenir l’équipement nécessaire pour le témoin. Il a dit qu’il ne l’avait pas fait.

[150]  J’ai ajourné l’audience pendant une heure pour lui donner le temps de discuter avec la plaignante de ma décision de rejeter la requête en récusation et de la requête en rejet du défendeur. Lorsque nous avons repris, il a dit qu’elle n’allait pas comparaître devant la Commission.

V.  Motifs

[151]  Avant d’indiquer pourquoi je rejette la requête en vue de ma récusation et la présente plainte, je souhaite préciser qu’à aucun moment durant les processus menant à l’audience, la téléconférence préparatoire à l’audience et dans les décisions-lettres je n’ai formulé de conclusion ou rendu des directives ou des ordonnances sur le bien‑fondé de la plainte ou la requête en rejet. Je n’ai exercé aucune pression indue sur la plaignante et son représentant pour qu’ils participent à une conférence de règlement ou pour qu’ils règlent la plainte.

[152]  Les demandes de récusation présentées à la Commission ont toujours été traitées par le décideur qui a entendu l’affaire. Par exemple, cette pratique a été suivie dans les affaires suivantes : Bialy c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2012 CRTFP 125; Nelson c. Service canadien du renseignement de sécurité, 2012 CRTFP 65;  Singaravelu c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 8.

[153]  La Cour suprême du Canada a élaboré pour la première fois le critère permettant de déterminer s’il existait une cause raisonnable de crainte de partialité ou une probabilité raisonnable de partialité comme suit dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394 :

La Cour d’appel a défini avec justesse le critère applicable dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique ».

[154]  Par conséquent, la question à poser est la suivante : « une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet aurait-elle une crainte raisonnable de partialité? ». Ou, selon le libellé employé par la Cour d’appel fédérale dans Canadian Arctic Gas Pipeline Ltd. (Re), [1976] 2 F.C. 20 (C.A.), [traduction] « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? ».

[155]   Même si la Commission n’est pas un tribunal judiciaire, ses procédures sont quasi judiciaires. Les principes et les critères juridiques qui déterminent le concept de crainte raisonnable de partialité s’appliquent à la Commission et à ses procédures. La Cour suprême du Canada a aussi examiné ces principes comme suit dans R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au par. 113 :

113 Peu importe les mots précis utilisés pour définir le critère, ses diverses formulations visent à souligner la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente. C’est une conclusion qu’il faut examiner soigneusement car elle met en cause un aspect de l’intégrité judiciaire. De fait, l’allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l’intégrité personnelle du juge, mais celle de l’administration de la justice toute entière. […] Lorsqu’existent des motifs raisonnables de formuler une telle allégation, les avocats ne doivent pas redouter d’agir. […]

[156]  Le fardeau de démontrer la partialité, réelle ou appréhendée, revient à la personne qui l’invoque. Il en est ainsi parce que les tribunaux ont reconnu que les juges et les décideurs administratifs rempliront leurs fonctions avec intégrité et impartialité. Comme il s’agit de décideurs, il existe une forte présomption qu’ils rempliront leurs fonctions avec impartialité.

[157]  De plus, dans Adams v. British Columbia (Workers’ Compensation Board) (1989), 42 B.C.L.R. (2e) 228, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a soulevé la question de la nature de la preuve requise pour démontrer l’apparence de partialité comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Une accusation de cette nature […] ne devrait pas être faite sauf si elle est appuyée par une preuve suffisante pour démontrer que, pour une personne raisonnable, il existe un excellent motif de craindre que […] la personne contre qui elle est formulée n’examinera pas une affaire de façon impartiale […] un soupçon ne suffit pas […]

[…]

[158]  L’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a appliqué ce critère dans Bialy, Nelson et Singaravelu. Dans ces affaires, on a conclu qu’un simple soupçon de partialité de la part d’un membre d’un tribunal administratif ne suffit pas pour que l’on puisse conclure à la partialité de cette personne.

[159]  Au paragraphe 27 de Singaravelu, on a conclu ce qui suit :

[27] […] la personne cherchant à obtenir la récusation d’un décideur doit démontrer que, faisant abstraction de simples soupçons, une personne raisonnable et bien renseignée croirait, selon toute vraisemblance, que le décideur visé est partial et ne rendrait pas une décision juste.

[160]  Appliquant ce critère, je vais résumer les allégations de la plaignante et les traiter séparément.

A.  Allégations de partialité concernant le traitement procédural et la mise au rôle de la plainte

[161]  La plaignante a soutenu qu’un délai important est survenu dans le traitement procédural et la mise au rôle de sa plainte, ce qui avait imposé un préjudice indu sur sa cause. Elle a soutenu que le processus décisionnel prolongé de la Commission relativement aux questions procédurales avait imposé des obstacles à sa participation et à celle de son témoin. Elle n’a pas fourni de détails sur le préjudice imposé à sa cause.

[162]  Du point de vue de la Commission, la plainte a été traitée de la même façon que toutes les autres affaires en matière de dotation dont elle est saisie. Il n’y a pas eu de retard dans son traitement procédural. S’il y en a eu certains, la plaignante n’a pas démontré en quoi ils lui ont causé un préjudice.

[163]  Quant à sa prétention de traitement inégal dans l’octroi de la demande de changement de lieu du défendeur, ce dernier n’a pas obtenu de traitement préférentiel. En raison des changements dans la disponibilité des parties et des témoins, la Commission a changé le lieu d’audience pour Ottawa et a permis à tous les témoins de témoigner par WebEx. Pour ce qui est de sa prétention selon laquelle la Commission a fourni une aide technique au défendeur, la Commission n’a fourni aucune aide technique au défendeur. Le défendeur a utilisé les locaux de la CLCC à Edmonton et a utilisé son propre équipement technique pour participer par WebEx. Comme je l’ai mentionné, les parties doivent s’assurer qu’elles possèdent tout équipement approprié disponible pour participer à l’audience.

[164]  La plaignante a contesté le fait que j’ai imposé des heures plus longues qu’à l’habitude pour les jours d’audience (de 10 h à 19 h), même si la Commission savait qu’elle avait de jeunes enfants et qu’elle vivait à une heure du lieu d’audience. Durant la conférence préparatoire à l’audience, je lui ai demandé si elle était en mesure de prendre des dispositions pour faire garder ses enfants durant les deux jours d’audience pour que l’audience puisse se dérouler. Si elle ne pouvait pas prendre ces dispositions, je lui ai dit d’écrire à la Commission et que nous fixerions des dates de continuation.

[165]   La plainte a été déposée en avril 2017. Une médiation a été fixée en février 2018. Enfin, la plainte devait être entendue en août 2019. Si l’audience des 9 et 10 janvier 2020 n’avait pas lieu, les dates de continuation seraient tombées en juillet 2020. Comme nous en avons discuté à la téléconférence préparatoire à l’audience, mon objectif était d’accélérer l’affaire et de terminer l’audience dans les deux jours prévus. Les plaintes en matière de dotation sont normalement entendues en deux jours. Ni la plaignante ni son représentant n’ont informé la Commission qu’elle avait été incapable de trouver une garderie ou demandé que nous utilisions les heures d’audience habituelles de 9 h 30 à 16 h 30. De plus, les témoins témoignaient dans deux fuseaux horaires différents, ce qui était aussi un facteur important.

[166]  Elle a soutenu que le retard de la Commission à rendre une décision sur la façon dont son témoin pouvait témoigner l’a empêchée de suivre la Politique sur les demandes d’accommodement de la Commission parce qu’elle ne savait pas ce qui serait exigé de son témoin, ce qui l’a empêchée de savoir le type de mesure d’adaptation demandée. Avec égard, je ne trouve pas que cette allégation est crédible. Rien ne l’a empêchée de présenter une demande de mesure d’adaptation en temps utile pour son témoin. Comme je l’ai mentionné, son représentant était bien au courant de la Politique sur les demandes d’accommodement de la Commission. Lorsqu’une audience est fixée, on s’attend à ce que les témoins fournissent une preuve testimoniale.

[167]  L’utilisation de la preuve par affidavit est l’exception. Même si j’avais accepté la preuve par affidavit pour le témoin de la plaignante, le témoin aurait eu besoin de l’équipement approprié pour être contre-interrogé, peu importe si je lui interdisais de témoigner au moyen d’une preuve par affidavit.

B.  Commentaires déplacés et la plaignante étant soumise à des pressions pendant la conférence préparatoire à l’audience

[168]  À aucun moment je n’ai agi d’une façon qui était partiale contre la plaignante ou trop favorable à l’égard du défendeur. Tous les commentaires que j’ai formulés durant la téléconférence préparatoire à l’audience n’étaient rien de plus que des discussions franches et directes des questions pertinentes à aborder à l’audience et une explication de son fardeau de preuve. Il s’agissait d’un avertissement raisonnable que si elle ne pouvait pas fournir suffisamment de détails et renseignements au sujet de ses allégations de discrimination, elle ne s’acquitterait pas du fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination.

[169]  Les discussions durant la conférence préparatoire à l’audience portaient sur des questions procédurales, la délimitation des questions et la preuve à présenter. La plaignante soutient que je l’ai interrogée de façon persistante sur ses allégations de discrimination et forcée à témoigner. Ce n’était pas le cas. Toute question de ma part avait pour but de l’aider à comprendre le fardeau dont elle devait s’acquitter et la preuve nécessaire pour y parvenir.

[170]  À tout moment, il s’agissait d’un effort sincère de ma part pour de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’une plaignante mal représentée. Même si elle était représentée, il est devenu évident depuis le dépôt de sa plainte qu’elle se représentait elle-même et que son représentant lui a fourni peu voire aucune aide pour se préparer pour la téléconférence préparatoire à l’audience, expliquer les objectifs de la conférence de règlement, présenter des demandes d’OCR en temps opportun, fournir un avis à la CCDP comme l’exige la LEFP afin de répondre à la requête en rejet et à la demande du défendeur pour obtenir des détails.

[171]  Tout au long de la procédure, la représentation n’a consisté qu’en la transmission de toutes les communications de la plaignante directement à la Commission. Elle a préparé tous ses arguments, demandes et réponses elle‑même. Son représentant ne faisait que les transmettre à la Commission. On a aussi pu le constater à l’audience lorsque la requête en récusation a été présentée.

C.  Refus de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du témoin de la plaignante

[172]  Avant et pendant l’audience, il est devenu évident que le représentant de la plaignante n’a pris aucune mesure pour s’assurer que son témoin soit en mesure d’y participer. Même s’il a comparu devant la Commission en ce qui concerne plusieurs plaintes en matière d’abus de pouvoir et qu’il connaît les processus de la Commission en matière de dotation, il n’a présenté aucune demande de mesures d’adaptation pour le témoin pendant l’audience.

[173]  Comme je l’ai mentionné, dans toutes les correspondances de la Commission au sujet de l’audience, les parties ont été constamment informées que les témoins et leur comparution relevaient de leur responsabilité. Le représentant de la plaignante n’a pris aucune mesure pour communiquer avec son témoin avant l’essai de WebEx. Pendant la conférence préparatoire à l’audience, j’ai suggéré qu’il communique avec le SESG pour obtenir l’équipement requis pour le témoin afin qu’elle puisse témoigner de la maison. À l’audience, il a admis ne pas avoir pris de mesures pour communiquer avec elle.

[174]  Durant la conférence préparatoire à l’audience, la plaignante m’a informée que son témoin avait besoin d’une mesure d’adaptation. Sans demander de renseignements précis sur les problèmes de santé du témoin, j’ai demandé à la plaignante de fournir des renseignements généraux que la Commission pourrait utiliser pour prendre une mesure d’adaptation à son égard. La plaignante a déclaré que le principal problème de son témoin était son manque d’énergie et qu’elle était préoccupée par la durée pendant laquelle le témoin devrait témoigner. La plaignante a indiqué qu’elle témoignerait par affidavit et qu’elle serait disponible pour contre-interrogatoire.

[175]  Comme elle a formulé de graves allégations de discrimination contre l’administrateur général de la CLCC qui concernent des questions de crédibilité, j’ai dit que je ne permettrais pas la preuve par affidavit. Même si dans le cadre de toute affaire dont elle est saisie, la Commission peut accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice, l’inclusion de la preuve par affidavit n’est pas une question de droit. Les parties ne décident pas comment une audience se déroulera et la façon dont elle présente la preuve. Ce rôle revient à la Commission. J’ai encore une fois rejeté sa demande de présenter une preuve par affidavit, mais l’ai informée que je veillerai à ce que son témoin bénéficie des mesures d’adaptation dont elle avait besoin. Je l’ai informée qu’elle n’avait pas à fournir à la Commission d’autres renseignements sur la santé de son témoin et que je m’assurerai que le témoin profite de toutes les pauses nécessaires pour lui permettre de participer à l’audience.

[176]  À aucun moment je n’ai privé le témoin de la plaignante de mesures d’adaptation ou refusé d’entendre une telle demande. Le greffe est allé au-delà des exigences de son devoir lorsqu’il a tenté de communiquer avec elle pour qu’elle participe par WebEx. La plaignante et son représentant n’ont présenté aucune demande de mesures d’adaptation conformément à la Politique sur les demandes d’accommodement de la Commission.

D.  Incitation à présenter une requête en rejet

[177]  Comme je l’ai indiqué, à aucun moment je n’ai invité le défendeur à présenter à la Commission une requête en rejet. Dans son Formulaire 7, la plaignante n’a fourni aucun détail pour appuyer son allégation selon laquelle la véritable raison pour laquelle elle n’a pas été nommée au poste est qu’elle était enceinte. Le défendeur a présenté plusieurs demandes écrites pour obtenir les détails de ses allégations de discrimination.

[178]  À aucun moment je n’ai forcé la plaignante à témoigner en ce qui concerne ses allégations de discrimination. L’objectif de la téléconférence préparatoire à l’audience consistait à délimiter les questions, à veiller à ce que l’audience se déroule rondement et à veiller à ce que toutes les parties aient connaissance des allégations formulées et de la preuve qui serait présentée pour appuyer ces allégations. Durant la téléconférence préparatoire à l’audience, il était évident qu’elle ne pouvait pas fournir de détails ou de raisons de croire qu’elle avait fait l’objet de discrimination. Le défendeur avait déjà déposé une requête en rejet en juin 2017. En prévision de la réponse du défendeur, je lui ai demandé s’il avait l’intention de présenter une requête en rejet. Au bout du compte, comme le démontre la décision-lettre portant sur cette requête et puisque la plaignante a finalement fourni des détails sur ses allégations, j’ai conclu que je ne me prononcerai pas sur la requête à ce moment-là et que le défendeur pourrait présenter sa requête en rejet après qu’elle aurait présenté sa preuve.

VI.  Conclusion

[179]  L’allégation selon laquelle je ne serais pas en mesure de trancher la plainte équitablement était fondée sur de fausses accusations, de fausses déclarations et des idées fausses. Le représentant de la plaignante n’a déposé aucune preuve convaincante qui pourrait réfuter la présomption d’impartialité. Je crois qu’une personne sensée et raisonnable, bien renseignée, conclurait qu’il n’y avait pas de crainte raisonnable de partialité de ma part.

[180]  La récusation doit reposer sur une crainte réelle ou raisonnable de partialité. Compte tenu de tous les faits indiqués dans les présents motifs, je crois fermement qu’une personne raisonnable ne conclurait pas que je ne peux pas entendre cette affaire avec un esprit ouvert et sans préjugé.

[181]  Le défendeur a présenté une requête en rejet de la plainte au motif que la plaignante n’a pas comparu et qu’elle n’a pas présenté d’éléments de preuve pour démontrer que l’administrateur général de la CLCC avait abusé de son pouvoir dans la nomination de la personne nommée. Elle n’a pas comparu et son représentant n’a formulé aucune observation sur cette requête. Comme la plaignante n’a présenté aucune preuve pour appuyer ses allégations, la plainte ne peut être maintenue. Pour ces motifs, la plainte est rejetée. J’ordonne la fermeture du dossier.

[182]  La Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[183]  La requête en récusation est rejetée.

[184]  La plainte est rejetée pour manque de preuve. J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 4 mars 2020.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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