Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a été licencié de son poste d’inspecteur auprès de l’Agence canadienne d’inspection des aliments – il a déposé un grief contestant son licenciement, lequel a été renvoyé à l’arbitrage – avant que la Commission entende le grief, les parties ont conclu un protocole d’entente (PE) pour le régler – par la suite, il a porté plainte contre le défendeur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) – il a soutenu que le défendeur n’avait pas respecté son devoir de représentation équitable parce qu’il a refusé de le représenter et a cessé de le représenter dans le cadre de son grief visant son licenciement – il a également nommé six personnes à titre de défendeurs dans la plainte – la formation de la Commission a accueilli la demande des parties de sceller le PE – la formation a rejeté la plainte contre les six personnes nommées puisqu’une plainte concernant le devoir de représentation équitable peut viser uniquement l’agent négociateur dûment certifié pour représenter une unité de négociation – la formation n’a trouvé aucune preuve selon laquelle l’AFPC ou l’un de ses employés, directeurs, agents ou représentants avait agi de manière discriminatoire selon l’un des motifs de distinction illicite – la formation de la Commission a aussi conclu que l’AFPC n’avait pas agi de manière arbitraire ou de mauvaise foi lorsqu’elle a représenté le plaignant.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20200827

Dossier: 561-32-00705

 

 Référence: 2020 CRTESPF 84

 

Loi sur la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral et Loi sur les

relations de travail dans le

secteur public fédéral

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

Paul Wurdell

plaignant

 

et

 

Alliance de la fonction publique du Canada, Élément du Syndicat

de l’agriculture, ET Robyn Benson, Bob Kingston, Krista Devine, David Orfald, Sylvie ROCHON et Glenn Miller

 

défendeurs

Répertorié

Wurdell c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant :  John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant :  Jennifer Zdriluk et Wade Poziomka, avocats

Pour les défendeurs :  Jeffrey Andrew et Lauren Sheffield, avocats

 

Affaire entendue à Hamilton (Ontario),

du 24 au 27 septembre 2018, les 24 et 25 avril et du 20 au 23 août 2019,

et à Oakville (Ontario),

le 24 octobre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Plainte devant la Commission

[1]  Avant le 27 février 2013, Paul Wurdell (le « plaignant ») était employé de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA ou l’« employeur ») en tant qu’inspecteur de l’abattage (« inspecteur »). Cette journée-là, il a été licencié (le « licenciement »). Le 15 mars 2013, il a déposé un grief à l’égard de son congédiement.

[2]  Le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), telle qu’elle était nommée à l’époque, pour arbitrage. Il devait être entendu à London, en Ontario, entre le 3 et le 6 juin 2014. Il a été reporté à la demande du plaignant, avec le consentement de l’employeur. Un règlement a été conclu, et les parties ont signé un protocole d’entente (PE) les 19 et 20 juin 2014.

[3]  Le 1er août 2014, le plaignant a déposé une plainte auprès de la CRTFP contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance » ou l’« agent négociateur ») et l’élément du Syndicat de l’agriculture (l’« élément ») ainsi que Robyn Benson, Bob Kingston, Krista Devine, David Orfald, Sylvie Rochon et Glenn Miller (les « défendeurs ») en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP), telle qu’elle était nommée à l’époque. Le plaignant a soutenu que les défendeurs n’ont pas respecté leur devoir de représentation équitable à son égard et qu’ils ont agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi, selon l’art. 187 de la LRTFP en refusant de le représenter et en se retirant du grief contestant le licenciement.

[4]  Le 1er août 2014, la CRTFP a écrit au plaignant et lui a demandé plus de détails. Le 1er septembre 2014, le plaignant a envoyé par courriel un ensemble complet de précisions et, le 21 septembre 2014, il a encore fait parvenir par courriel un ensemble modifié de précisions (les « précisions de la plainte »). Pour les fins de la présente décision, les différences entre les deux versions ne sont pas pertinentes. Le 24 octobre 2014, les défendeurs ont présenté une réponse à la plainte et, le 18 novembre 2014, le plaignant a présenté une réplique à cette réponse.

[5]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) qui remplace la CRTFP et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la LRTFP avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[6]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[7]  Le plaignant a demandé ce qui suit en tant que réparation :

  • des dommages-intérêts équivalant au salaire qu’il a perdu à compter de la date du licenciement (le 27 février 2013) jusqu’au mois suivant son 65e anniversaire de naissance, y compris les augmentations de salaire et les changements d’échelons ainsi que les heures supplémentaires qu’il aurait travaillées, selon les heures supplémentaires moyennes qu’il a effectuées au cours des cinq années précédant le licenciement;
  • des dommages-intérêts pour les dépenses personnelles, y compris les avantages sociaux perdus qu’il aurait reçus à compter de la date du licenciement jusqu’au mois suivant son 65e anniversaire de naissance;
  • des dommages-intérêts pour toute perte de pension et de prestations complémentaires jusqu’au mois suivant son 65e anniversaire de naissance;
  • des dommages-intérêts généraux de 100 000 $;
  • une lettre d’excuses de l’Alliance, de l’élément, des Mmes Benson et Devine et de M. Kingston;
  • une déclaration selon laquelle l’Alliance doit publier toute décision à cet égard dans son site Web.

 

A.  Allégations du demandeur

[8]  Le plaignant a soutenu ce qui suit :

  • les défendeurs n’ont pas veillé à ce que son grief soit entendu à un palier ou à un autre, ce qui contrevenait également à la convention collective et à son droit à une procédure de règlement des griefs;
  • les défendeurs n’ont pas exercé leur pouvoir discrétionnaire de bonne foi, de façon objective ou honnête lorsqu’ils ont décidé de se retirer puisqu’ils n’ont pas fait une étude approfondie du grief et du cas;
  • les défendeurs, alors qu’ils le représentaient dans le cadre de son grief jusqu’au moment où il a été informé qu’ils se retiraient, ne l’ont pas fait de façon équitable ou véritable et leur représentation n’était qu’apparente;
  • les défendeurs, alors qu’ils le représentaient dans le cadre de son grief jusqu’au moment où il a été informé qu’ils se retiraient, ne l’ont pas fait avec intégrité et compétence et ils ont fait preuve de négligence dans leur traitement ou absence de traitement;
  • les défendeurs ne lui ont jamais demandé une version complète des événements;
  • les défendeurs ne lui ont jamais demandé de décrire les incidents et de mettre les questions par écrit;
  • les défendeurs n’ont jamais fait une enquête complète des questions et des circonstances liées au licenciement et au grief, lesquels n’ont pas fait l’objet d’une enquête à la première occasion;
  • les défendeurs s’en sont remis uniquement à l’enquête de l’employeur lorsqu’ils ont décidé de se retirer;
  • les défendeurs n’ont pas interrogé tous les témoins disponibles et ne leur ont pas demandé de déclarations écrites;
  • en aucun temps les défendeurs ne l’ont complètement interrogé ni ne lui ont demandé de déclaration écrite;
  • la décision des défendeurs de se retirer était arbitraire, capricieuse, discriminatoire, erronée et prise de mauvaise foi;
  • les défendeurs n’ont pas respecté les lignes directrices figurant dans la politique de l’Alliance ainsi qu’elle est indiquée dans sa trousse de représentation;
  • les défendeurs ont contrevenu à ses droits de membre en ne le représentant pas complètement;
  • les défendeurs ont agi de manière arbitraire et négligente lorsqu’ils ont décidé de se retirer puisqu’ils n’avaient pas suffisamment enquêté pour gérer son cas ou les circonstances de ce dernier et qu’ils n’avaient pas pris en compte ses intérêts;
  • les défendeurs ont agi de mauvaise foi puisque leur décision de se retirer était motivée par des sentiments, des objectifs politiques et des questions monétaires, ce qui a entraîné un comportement trompeur et malhonnête de leur part lorsqu’ils ont décidé de se retirer;
  • le processus suivi par les défendeurs lorsqu’ils ont décidé de se retirer était erroné et lacunaire puisqu’ils n’ont pas examiné le bien-fondé de son cas;
  • les défendeurs n’ont pas examiné les facteurs pertinents ni fait preuve d’un jugement objectif et rationnel lorsqu’ils ont pris leur décision;
  • le défendeur M. Rochon ne l’a pas correctement représenté et il n’a pas respecté son devoir de représentation équitable au troisième palier de la procédure de règlement des griefs et avant que le grief soit renvoyé à la section de représentation de l’Alliance;
  • le défendeur M. Miller a grandement participé au cas du plaignant et a participé à une longue réunion avec lui le 7 juin 2014.

B.  Question procédurale

[9]  Le plaignant a été le premier à témoigner et il a appelé deux témoins pour son compte. Après le témoignage des trois personnes, l’avocat des défendeurs a indiqué son intention de déposer une requête en non-lieu. Vu la requête possible, le plaignant a décidé d’appeler comme témoin deux personnes que le défendeur aurait appelées si la requête avait été rejetée. Il s’agissait de M. Kingston et de James Cameron.

[10]  M. Cameron est un avocat de pratique privé auprès du cabinet Raven, Cameron, Ballantyne et Yazbeckqui (le « cabinet Raven ») qui est spécialisé dans le droit de l’emploi, du point de vue syndical. Pendant la période visée par la question en litige dans la présente plainte, l’Alliance avait retenu ses services pour représenter le plaignant en ce qui concerne le licenciement.

C. Noms caviardés

[11]  Un certain nombre de personnes ont été identifiées, mais elles n’ont pas témoigné et elles ont donc été identifiées par M. ou Mme, selon le cas, suivi d’une lettre.

II.  Résumé de la preuve

A.  Contexte

[12]  En 1988 ou vers cette date, le plaignant a commencé son emploi à la fonction publique fédérale auprès du prédécesseur de l’ACIA. En 1997, il s’est joint à l’ACIA, et à l’époque visée par la plainte, il travaillait comme inspecteur, classifié au groupe et au niveau EG-03. Son poste faisait partie de l’unité de négociation du groupe Soutien technologique et scientifique (l’« unité STS »).

[13]  L’Alliance est un agent négociateur accrédité, selon la définition prévue par la loi, et est l’agent négociateur accrédité pour les inspecteurs qui appartiennent à l’unité STS et qui sont représentés par l’élément. L’Alliance est composée de 17 éléments partout au pays et son siège est situé à Ottawa, en Ontario.

[14]  Durant la période visée par la présente plainte, et avant le licenciement, le plaignant travaillait à l’installation appartenant à Great Lakes Specialty Meats of Canada Inc. (« Great Lakes »), appelé Établissement 419 (« Éta. 419 »), à Mitchell, en Ontario, qui abattait et transformait du porc. Il était le président de la section locale de l’élément, un vice-président régional remplaçant de la région de l’Ontario et membre de l’équipe de négociation collective de l’Alliance.

[15]  À titre d’inspecteur, son emploi l’obligeait à veiller au respect du règlement portant sur l’abattage, la transformation et l’expédition de la viande dans des usines privées de transformation de la viande. Il devait respecter tous les règlements, protocoles et politiques pertinents et s’assurer que le personnel de l’usine les respecte aussi.

[16]  Durant la période visée par la présente plainte, Mme Benson était la présidente nationale de l’Alliance, Mme Devine était la directrice de son unité de négociation collective, M. Orfald était le coordonnateur intérimaire de sa section de représentation, Mme Rochon était une agente des relations de travail (ART) auprès de l’Alliance et M. Miller était un vice-président régional de l’élément.

[17]  Au moment de l’audience, M. Kingston avait pris sa retraite de l’ACIA. Entre le mois d’août 2007 et le mois d’août 2017, il a été le président national de l’élément.

[18]  Durant la période visée par la présente plainte, les personnes suivantes occupaient les postes indiqués :

  • Stephen Michon était directeur régional de la région du Sud-Ouest de l’Ontario de l’ACIA, laquelle comprenait l’Éta. 419;
  • Tom Doyle était gestionnaire de l’inspection dans cette région;
  • Brian McCann était employé de l’ACIA, membre de la direction de la section locale de l’élément, délégué syndical et représentant du fonctionnaire s’estimant lésé;
  • Bronwyn Kurtz-Cooke était employée de l’ACIA, membre de l’élément, déléguée syndicale et représentante du fonctionnaire s’estimant lésé;
  • Jason Garnett était employé de l’ACIA, membre de l’élément et président de la section locale 16 de l’élément;
  • Christal Côté était analyste aux griefs et à l’arbitrage (« G et A ») auprès de l’Alliance.

 

[19]  Au moment de l’audience, M. Cameron était associé principal du cabinet Raven. Il a été admis aux barreaux de la Nouvelle-Écosse et du Québec en 1986 et de l’Ontario en 1991.

[20]  À l’audience, Mally McGregor était associée du cabinet Ault and Ault à Cornwall et à Winchester, en Ontario. Elle a été admise au barreau de l’Ontario en juin 2014. Entre août 2013 et son admission au barreau, elle était stagiaire au cabinet Raven. Selon la preuve, la dernière fois qu’elle a travaillé au dossier de grief du plaignant était le 3 juin 2014.

[21]  M. Cameron a confirmé que le cabinet Raven est, et était à l’époque visée par la présente plainte, l’avocat de l’Alliance, et ce depuis 27 ans. Il a confirmé que l’Alliance a renvoyé le grief du plaignant relativement au licenciement au cabinet et qu’il en était responsable.

B.  Faits à l’origine du licenciement

[22]  Au moyen d’une lettre du 3 octobre 2011, Great Lakes a communiqué à l’ACIA des préoccupations au sujet du comportement de certains employés de l’ACIA à l’Éta. 419, y compris le plaignant. De son côté, l’ACIA a retenu les services d’Anper Management Consultants Inc. (« Anper »), en particulier Anabela Pereira, pour enquêter sur le comportement (l’« enquête Anper »).

[23]  Le plaignant a soutenu que l’ACIA, par l’entremise de M. Michon ou de M. Doyle, a amené Great Lakes à formuler cette plainte; toutefois, aucune preuve n’a été déposée pour justifier son allégation.

[24]  Vers le 12 octobre 2012, Anper a produit un rapport provisoire (le « rapport provisoire »). À cette date, dans le cadre du processus d’enquête, le plaignant a reçu une copie du rapport provisoire. Puis, à une date non précisée, il a fourni une réponse dactylographiée de 19 pages (la « réponse Wurdell »), dont une copie a été déposée en preuve. Anper a déposé son rapport final le 21 février 2013 (le « rapport final »).

[25]  L’enquête Anper portait sur cinq allégations de comportement répréhensible attribué au plaignant. Le licenciement découlait de quatre allégations jugées fondées dans le rapport final, qui sont rédigées comme suit :

[Traduction]

i. Allégation no 1 – Familiarité; M. Wurdell aurait mis de côté son rôle officiel et participé à des activités qui contrevenaient à son rôle et à ses responsabilités prévues par le Code de conduite de l’ACIA et le Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat.

ii. Allégation no 2 – Violation des protocoles établis; M. Wurdell aurait participé à des activités qui, compte tenu de la nature de ses responsabilités d’emploi, peuvent avoir contrevenu aux règles qu’il devait appliquer.

iii. Allégation no 3 – Milieu de travail respectueux; M. Wurdell aurait omis de se comporter de manière respectueuse et civile avec les autres.

iv. Allégation no 5 – Plaintes du personnel de l’usine; M. Wurdell aurait participé à des activités qui étaient considérées comme répréhensibles par certains employés de l’usine à l’Éta. 419.

 

[26]  Le 26 février 2013, une audience disciplinaire a été tenue et, par lettre datée du 27 février 2013 (la « lettre de licenciement »), Stephen Baker, vice-président des opérations, ACIA, a mis fin à l’emploi du plaignant. Voici les sections pertinentes de la lettre de licenciement :

[Traduction]

En plus d’avoir été personnellement interrogé par l’enquêtrice tierce, vous avez eu amplement l’occasion de participer au processus d’enquête, y compris la possibilité de répondre aux allégations et de formuler des commentaires écrits sur le rapport préliminaire préparé par Anper Management Consultants Inc. Puis, le 22 février 2013, vous avez obtenu une copie du rapport final, y compris ses conclusions, et vous avez eu à ce moment la possibilité de me rencontrer personnellement pour expliquer la situation à l’occasion de votre audience disciplinaire du 26 février.

Dans l’avis d’audience disciplinaire écrit qui vous a été remis le 22 février et à l’audience en tant que telle, à laquelle vous avez assisté avec votre représentant syndical, M. Brian McCann, vous avez été invité à me fournir toute preuve ou observation supplémentaire que vous n’aviez pas déjà fournie à l’enquêtrice, qui peut être pertinente à ma décision dans la présente affaire ou que vous souhaitez me voir examiner avant de rendre ma décision sur la question de savoir s’il y a eu une inconduite et, le cas échéant, quant à la disposition ou à la sanction appropriée. Malheureusement, vous avez choisi de ne fournir aucun autre renseignement à l’audience, indiquant seulement que vous étiez prêt à fournir des excuses si vos agissements étaient perçus comme du harcèlement. Par conséquent, tout ce dont je dispose est cet unique commentaire et la preuve et les conclusions figurant dans le rapport final de l’enquêtrice.

Conformément à la politique et à la pratique de l’ACIA, en tant que gestionnaire délégué, j’ai le pouvoir d’accepter, de rejeter ou de modifier les conclusions de l’enquêtrice et les conclusions formulées dans le rapport final, en totalité ou en partie. Après avoir lu tout le rapport et avoir soupesé cette preuve, j’accepte les conclusions du rapport dans leur intégralité.

D’après les faits et les renseignements que vous avez fournis à l’occasion de votre audience disciplinaire, selon la prépondérance des probabilités, je vous reconnais coupable des quatre allégations d’inconduite indiquées dans le rapport, lesquelles peuvent être résumées ainsi :

1. Conflit d’intérêts et familiarité : Vous avez mis de côté votre rôle officiel d’inspecteur des viandes et participé à des activités qui contrevenaient à votre rôle et à vos responsabilités prévues par le Code de conduite de l’ACIA et le Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat. Je conclus que vos agissements constituaient une violation de vos responsabilités en tant qu’employé de l’ACIA, y compris sans toutefois s’y limiter, celles précisément décrites dans le Code de conduite de l’ACIA, section (E), Conflits d’intérêts.

En tant qu’autorité réglementaire à l’Établissement no 149, vous saviez ou auriez dû savoir que vos agissements constitueraient une violation de vos responsabilités d’employé de l’ACIA, puisque vous aviez la responsabilité d’examiner vos activités et intérêts personnels et professionnels et de reconnaître, d’éviter, de signaler et de régler toute situation de conflit d’intérêt réel, potentiel ou apparent et vous avez omis de le faire.

2. Violation des protocoles établis : Je conclus que vous avez participé à des activités qui, compte tenu de la nature de vos responsabilités d’emploi en tant qu’inspecteur des viandes, contrevenaient aux règles mêmes que vous deviez appliquer. Vos agissements, qui sont fondés, constituent une violation de vos responsabilités en tant qu’employé de l’ACIA, en particulier celles décrites dans le Code de conduite de l’ACIA. De plus, les employés d’inspection de l’ACIA ont une obligation spéciale de s’assurer que leur travail contribue à la protection et à la salubrité du système canadien des aliments. Le respect des politiques, des procédures et des instructions établies n’est pas une option, il s’agit plutôt d’une exigence obligatoire du poste que vous occupez. Votre manque de diligence raisonnable dans l’accomplissement de vos fonctions aurait pu avoir une incidence grave sur la salubrité de notre approvisionnement alimentaire ainsi que la santé et le bien-être des Canadiens.

3. Milieu de travail respectueux. Je conclus que vous avez constamment omis de vous comporter d’une manière respectueuse et civile avec les autres, que vous avez abusé de votre pouvoir et harcelé personnellement vos collègues ainsi que vos supérieurs et les employés de l’usine et avez omis de faire preuve de respect, d’équité et de courtoisie avec vos collègues, en contravention du Code de conduite de l’ACIA et de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail de l’ACIA.

4. Comportement répréhensible et plaintes des employés de l’usine : Je conclus, selon la prépondérance de la preuve, que vous avez régulièrement et de façon répétée eu un comportement en milieu de travail que vous saviez ou auriez dû raisonnablement savoir répréhensible, déplacé et inacceptable. L’obligation d’agir de façon professionnelle et appropriée, tout en faisant preuve de respect pour la dignité humaine et la contribution à un milieu de travail libre de harcèlement, fait partie inhérente de votre poste, obligation que vous n’avez pas respectée, en violation du Code de conduite de l’ACIA, qui indique en partie ce qui suit :

[…]

Malheureusement, mes conclusions démontrent que vous n’avez pas respecté la norme de comportement qui est attendue des employés de l’ACIA. Votre inconduite avérée est inacceptable et incompatible avec vos obligations et responsabilités, en tant qu’inspecteur des viandes et employé de l’ACIA.

En votre qualité d’inspecteur des viandes, vous devez vous assurer que l’Établissement respecte les règlements appropriés de l’ACIA; toutefois, durant l’enquête, il a été conclu qu’à plusieurs occasions vous n’avez pas vous-même respecté les règlements, normes et exigences de sécurité que vous deviez appliquer, ce qui remet en question votre capacité à accomplir notre mandat, met à risque la salubrité des aliments et nuit à la réputation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Vous avez abusé de votre pouvoir d’inspecteur des viandes en utilisant à tort votre pouvoir pour influencer la direction et le personnel de l’usine. Votre conduite a causé beaucoup de craintes et de stress parmi eux et d’autres employés et démontre un comportement calculé qui a créé un environnement de travail toxique.

[…]

Je conclus que vous avez irrémédiablement trahi la confiance que l’employeur vous avait accordée dans l’accomplissement approprié de vos fonctions. L’employeur ne peut accepter ni tolérer les comportements que vous avez eus en milieu de travail, et il n’existe aucune attente raisonnable que votre comportement change ou puisse changer. Dans les circonstances, je n’ai d’autre choix que de mettre fin à votre emploi immédiatement pour un motif valable.

[…]

 

[27]  À peu près en même temps que le licenciement, un autre inspecteur, aussi de l’Éta. 419, a été licencié, licenciement qu’il a contesté par grief. Il était aussi représenté par l’élément et l’Alliance, et son grief a suivi la procédure de règlement des griefs en même temps que celui du plaignant. Un grand nombre des documents déposés en preuve renvoient souvent aux fonctionnaires s’estimant lésés, plutôt qu’au plaignant, et les nomment tous les deux. Dans la présente décision, j’appellerai l’autre inspecteur licencié « M. A ».

[28]  Dans son témoignage, le plaignant a confirmé qu’en tant qu’inspecteur, il avait la capacité d’interrompre la chaîne de production si un élément n’était pas conforme au règlement qu’il avait le pouvoir d’appliquer.

[29]  En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé avoir reçu le rapport provisoire et le rapport final. On lui a présenté les allégations formulées contre lui qui étaient fondées, puisqu’elles figuraient dans le rapport final. Elles ne donnent pas un portrait flatteur de son comportement. Pour les fins de la présente décision, je n’ai pas à examiner la preuve dans ce domaine.

[30]  En contre-interrogatoire, la réponse Wurdell a été montrée au plaignant. Il l’a identifiée et a confirmé qu’il comprenait que sa préparation était sa possibilité de répondre aux allégations figurant dans le rapport provisoire. Il a confirmé avoir pris son temps et l’a préparé avec minutie. Il a aussi confirmé qu’il était important pour lui de réfuter et de corriger les allégations figurant dans le rapport provisoire qu’il considérait comme fausses ou inexactes.

[31]  En contre-interrogatoire, l’avocat des défendeurs a examiné la réponse Wurdell en détail; encore une fois, pour les besoins de la présente décision, je n’ai pas à en examiner la majeure partie. Toutefois, il a dit au plaignant qu’il ne pouvait pas trouver la réponse de ce dernier aux allégations en matière de santé et de sécurité, ce à quoi le plaignant a répondu qu’elle ne se trouvait pas dans la réponse, elle était dans le rapport provisoire.

C.  Du 27 février 2013 à septembre 2013

[32]  Au moment de l’audience, Mme Devine était la directrice de la représentation et des services juridiques de l’Alliance. Sa carrière y a commencé en 2006 en tant qu’agente aux G et A. En 2009, elle est devenue coordonnatrice de la section de la représentation et, en 2013, elle est devenue directrice de la Direction de la négociation collective.

[33]  Mme Devine a déclaré qu’elle a rencontré le plaignant pour la première fois à une réunion peu de temps après être devenue directrice de la négociation collective. La réunion a été tenue afin de discuter du poste de ce dernier dans l’équipe de négociation collective. Elle a déclaré que, pour faire partie de cette équipe, un membre doit être présent dans le milieu de travail et, comme il venait d’être licencié, il ne respectait plus cette exigence; une exemption était donc requise. Elle a déclaré que M. Kingston avait écrit à l’Alliance pour demander l’exemption et que M. Benson l’avait accordée.

[34]  En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé qu’il a rencontré M. Kingston le 24 mars 2013 et lui a donné une série de documents, dont certains qu’il a obtenus dans le cadre du processus d’accès à l’information (AI) en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. A-1). Il a confirmé que M. Kingston l’a écouté et lui a dit qu’il craignait que les documents ne réfutent pas les allégations figurant dans le rapport final.

[35]  Un document de quatre pages intitulé [traduction] « Liste de témoins – employés de l’ACIA et de l’usine » (la « liste de témoins de 2013 ») était joint aux précisions de la plainte à titre d’annexe B. Sa première page contient 11 noms. La partie supérieure de la deuxième page contient les cinq allégations du rapport final qui sont suivies de l’intitulé suivant : [traduction] « Témoins et personnes énumérés ». Le reste du document concerne les 11 noms figurant sur la première page. Toutefois, après chaque nom se trouve un bref paragraphe portant sur chaque personne relativement au plaignant et ce qu’il croit que chacune d’elles dirait pour son compte.

[36]  Le 1er mai 2013, le fonctionnaire s’estimant lésé, avec M. McCann et Mme Kurtz‑Cooke, s’est rendu à Ottawa et a rencontré Mmes Benson et Devine ainsi que Christopher Aylward qui, durant la période visée par la présente plainte, était le vice-président exécutif de l’Alliance (la « rencontre du 1er mai »). Le plaignant a affirmé qu’à la rencontre, il a fourni des renseignements généraux ainsi que la liste de témoins de 2013. L’ordre du jour de la réunion qui renvoyait à une liste de témoins a été déposé en preuve; toutefois, aucune liste n’était jointe à l’ordre du jour.

[37]  Mme Devine a confirmé sa participation à la rencontre. Elle a déclaré qu’à cette étape précoce, selon sa version et celle des personnes qui l’appuyaient, elle croyait qu’il avait été ciblé pour ses activités d’agent négociateur. Elle a dit que son travail ne consistait pas à enquêter sur les griefs, mais d’attribuer le travail à d’autres personnes, ce qu’elle a fait. Elle a dit qu’elle a attribué le dossier à Mme Côté et l’a informée de sa compréhension des circonstances sous-jacentes.

[38]  Rien dans la preuve n’indique que le grief du plaignant n’a été entendu à aucun palier de la procédure de règlement des griefs. Toutefois, les griefs visant un licenciement, étant donné la perte d’emploi, sont rarement entendus à un palier, sauf le dernier. La preuve a révélé que l’élément a tenté de discuter avec l’employeur et de tenir une audience sur le grief, qu’une certaine forme de présentation ou de représentation a été faite et que les représentants du plaignant et de l’employeur ont eu des discussions. De plus, la preuve a révélé que le plaignant a été tenu informé des étapes franchies dans la procédure, comme l’attestent les documents suivants :

  • Un courriel du 1er mai 2013 à 13 h 36, de Mme Rochon à M. McCann, le représentant de la section locale du plaignant, qui présentait des demandes de renseignements et indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Nous avons des problèmes importants avec l’ACIA à ce moment-ci. Le premier étant qu’elle n’a pas prévu une audience au dernier palier pour Paul et [M. A]. Bob rencontre Dapont demain. Si nous n’avons aucune nouvelle d’ici lundi, j’enverrai les griefs la section de la représentation de l’AFPC pour demander qu’ils soient renvoyés à l’arbitrage sans réponse de l’employeur au dernier palier.

  • Une lettre du 6 mai 2013 de Mme Rochon à l’élément à Mme Devine, Alliance, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Vous trouverez ci-joint les dossiers de grief pour les fonctionnaires s’estimant lésés susmentionnés. Ils étaient EG-03 et travaillaient à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Ces griefs ont été déposés après la décision de l’employeur de mettre fin à leur emploi le 27 février 2013.

[…]

Vous noterez que l’employeur n’a pas répondu au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Nous avons tenté de fixer une date pour la consultation, mais l’employeur n’a pas encore répondu à notre demande. Nous avons communiqué avec Tammy Jeffery, agente principale des relations de travail, Megan McMurchy, gestionnaire nationale, Relations de travail et des relations avec les employés, Gerard Etienne, vice-président, Ressources humaines. Nous croyons que le report continu de l’audience au dernier palier causera un préjudice à nos membres.

[…]

L’ami  Wurdell, au moyen de l’accès à l’information, a obtenu beaucoup de documents qui révèlent le coup monté. Nous allons transmettre les documents liés aux demandes d’AI sous pli distinct et dès que possible.

Nous avons demandé que les fonctionnaires s’estimant lésés remplissent le formulaire 21 et vous le transmettent dès sa réception. Au nom de ces derniers, nous vous demandons d’examiner les documents et de les représenter.

[…]

  • Un courriel du 8 mai 2013, à 10 h 37, du plaignant à l’intention de Mmes Benson et Devine et de M. Aylward, une copie conforme étant envoyée à M. McCann et à Mme Kurtz-Cooke et à deux autres personnes, dans lequel il leur transmettait le courriel envoyé le 1er mai 2013 à 13 h 36, par Mme Rochon à Mme Côté et qui indiquait ce qui suit :

 

[Traduction]

Vous trouverez ci-dessous le dernier courriel et la mise à jour que nous avons reçus en ce qui concerne la situation de nos griefs visant un licenciement, au troisième palier.

Pourquoi l’ACIA ne prévoit-elle pas une audience au troisième palier de nos griefs?

Il s’agit d’un autre exemple qui démontre que cet employeur fait les choses à sa façon, même si c’est une mauvaise décision, et qu’il ne respecte pas les règles.

[…]

  • Un courriel du 13 mai 2013 à 16 h 17, de Mme Côté à Mme Rochon qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Chantal m’a informée des griefs susmentionnés. Je ne peux pas encore renvoyer ces griefs parce qu’ils n’ont pas été entendus au dernier palier. Je viens d’examiner les règlements et nous pouvons peut-être présenter une demande pour ordonner le respect. Tentez de recommander le libellé qui suit pour voir s’il les motivera à aller de l’avant. Il se peut que le Syndicat de l’agriculture doive présenter les demandes.

[…]

  • Un courriel du 15 mai 2013 à 9 h 17, de Mme Rochon à Mme Côté qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Conformément à l’article 226 de la LRTFP, nous avons présenté les griefs à l’employeur, mais ce dernier n’a pas encore répondu.

[…]

  • Un courriel du 27 mai 2013 à 12 h 41, de Mme Côté à Mme Devine et à Chantal Homier-Nehmé qui, à l’époque, était responsable de la Section de la représentation de l’Alliance, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je vous donne simplement une mise à jour rapide sur ces deux dossiers en fonction des informations reçues au sujet des questions accessoires. L’élément n’a pas été en mesure de me donner la date réelle à laquelle la représentation a été faite, je n’ai donc pas pu calculer un délai approprié. Il semble y avoir eu de la confusion quant à ce qui était considéré comme une présentation, et j’ai dû indiquer que le dernier palier ne serait pas contourné. En fin de compte, Sylvie Rochon va communiquer de nouveau avec l’employeur en vue de lui proposer la date finale du 24 juin 2013 pour fournir une réplique, parce que des représentations et des consultations doivent avoir lieu afin d’obtenir une réplique quelconque. J’ai installé un rappel dans le dossier pour le 24, ce qui nous permettra alors de calculer les délais pour effectuer les renvois appropriés.

J’ai effectué une analyse préliminaire du dossier et l’employeur semble avoir une preuve suffisante qui lui permettra de s’acquitter de son fardeau. Je n’ai pas noté de violation fondamentale dans l’enquête administrative et celles notées seront corrigées de nouveau. Les deux employés auraient avantage à recourir à la médiation, mais je comprends qu’ils ont déjà refusé les offres.

[…]

  • Un courriel du 14 juin 2013 à 8 h 27, de Mme Côté à Mme Rochon, dont M. Kingston a reçu une copie conforme, mentionnant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je sais qu’il y a eu une réunion le 2 mai afin de tenter d’obtenir une réplique, mais quelle était la date réelle à laquelle l’audience a eu lieu? Si vous n’avez pas l’intention de donner une date finale pour fournir une réplique, veuillez alors faire savoir à Lucie la date de l’audience en tant que telle afin que nous puissions modifier les délais en conséquence.

[…]

  • Un courriel du 24 juin 2013 à 11 h 13, de Mme Côté à Mme Rochon qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La dernière fois que nous avons parlé de ce dossier, vous alliez fournir un délai au 24 juin 2013 à l’employeur.

Je suppose qu’il n’y a toujours pas de FLR. Veuillez m’envoyer la confirmation selon laquelle votre demande finale a été envoyée (ou me transmettre le fil de discussion) afin que je puisse agir de mon côté et calculer notre délai pour le renvoi.

[…]

  • Un courriel du 25 juin 2013 à 12 h 19, de Mme Côté à Mme Rochon, lequel transmettait un courriel à Mme Rochon envoyé à un représentant de l’employeur le 24 mai 2013 à 10 h 30, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Je vous fais parvenir ce courriel parce que vous occupez de façon intérimaire le poste de gestionnaire nationale, Relations de travail et des relations avec les employés à l’ACIA de Megan McMurchy.

Nous aimerions fixer une date de consultation avec l’employeur, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, pour les griefs visant un licenciement de Paul Wurdell et de [M. A]. Nous discuterions des questions suivantes (sans s’y limiter) :

[…]

Si aucune date n’est fixée et convenue par les deux parties sous peu, nous vous demanderons de répondre aux griefs au plus tard le 24 juin 2013. Si nous n’avons pas reçu de réponse au plus tard le 24 juin 2013, nous supposerons que l’employeur ne veut pas tenir de consultation au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et nous renverrons alors les griefs à l’arbitrage.

[…]

 

[39]  Rien dans la preuve n’indique que l’employeur a répondu au courriel du 24 mai 2013 de Mme Rochon, l’Alliance a donc renvoyé le grief à l’arbitrage. Cette situation a été confirmée dans une lettre datée du 31 juillet 2013 d’Edith Bramwell (son poste à l’Alliance à l’époque ne m’a pas été communiqué) à Mme Rochon, dont le plaignant a obtenu une copie conforme. La partie suivante de la lettre est pertinente à la présente plainte :

[Traduction]

[…]

Nous avons demandé que cette affaire soit traitée dans le cadre du processus de médiation. Si l’employeur refuse de soumettre le grief au processus de médiation ou si le fonctionnaire s’oppose à ce processus, une nouvelle évaluation du bien-fondé et des conséquences d’une objection sera effectuée par l’agente aux griefs et à l’arbitrage qui sera affectée à la représentation. Par conséquent, ce renvoi est conditionnel et n’indique pas l’engagement de l’ASFC à procéder à la médiation ou à une audience du ou des cas.

[…]

Veuillez aviser la section locale de notre décision de renvoyer ce grief à l’arbitrage et de la nature conditionnelle de ce renvoi.

[…]

[40]  En contre-interrogatoire, on a indiqué au plaignant que l’Alliance avait renvoyé le grief à l’arbitrage puisque l’employeur n’avait pas répondu en temps utile et il a reconnu que si l’employeur ne l’avait pas fait, l’Alliance avait eu raison de le renvoyer à l’arbitrage.

[41]  Le plaignant a déclaré que le 24 mars 2013, il se trouvait à un colloque du syndicat où, entre autres choses, il a rencontré M. Kingston et Mme Rochon. Il a dit qu’il leur avait alors remis des documents, y compris ceux qu’il avait obtenus au moyen d’une demande d’AI. Il a confirmé qu’il leur a remis une série de documents. Il a confirmé qu’ils ont examiné les documents et qu’ils ont écouté ce qu’il avait à dire.

[42]  Le plaignant a confirmé que M. Kingston a dit qu’il craignait que les documents communiqués dans le cadre de la demande d’AI et que le plaignant avait fournis ne réfutent pas les allégations formulées contre lui. Lorsqu’on a dit au plaignant qu’à l’époque, il n’avait pas réfuté auprès de M. Kingston le fait que les lave-bottes étaient sales et qu’il ne lavait pas toujours ses bottes, il a dit qu’il ne se rappelait pas avoir dit cela à M. Kingston. Cependant, le plaignant a dit il se rappelait que M. Kingston lui avait dit de s’assurer que les lave-bottes étaient propres et il l’a informé de sa responsabilité. Il a aussi confirmé à M. Kingston qu’il n’était pas toujours à son poste de travail alors qu’il était censé y être.

[43]  Le plaignant a déclaré avoir dit à M. Kingston que s’il y avait des lacunes, l’ACIA aurait dû les corriger et il a confirmé que M. Kingston lui a répondu : [traduction] « Peut‑être, mais deux vices ne valent pas une vertu; tu n’es pas sans reproche non plus. »

[44]  En contre-interrogatoire, on a indiqué au plaignant que M. Kingston lui a dit qu’il avait besoin de témoins pour réfuter les allégations formulées contre lui dans le rapport final, et non des témoins de moralité; le plaignant a dit qu’il a répondu à M. Kingston que c’était impossible. Il a affirmé avoir dit à M. Kingston que le syndicat devrait enquêter. Lorsqu’on lui a demandé s’il voulait dire que c’était le travail de l’agent négociateur d’obtenir la liste des témoins, afin de réfuter les allégations précises, il a répondu : [traduction] « J’ai dit au syndicat qu’il devrait interroger toutes ces personnes. » Il n’a pas précisé s’il voulait dire l’Alliance, l’élément ou les deux; il n’a pas non plus précisé à qu’il faisait référence par [traduction] « toutes ces personnes ».

[45]  Une copie de la note de service interne de l’Alliance du 19 juillet 2013 et rédigée par Mme Côté (la « note de service du 19 juillet ») en ce qui concerne le plaignant et M. A a été déposée en preuve. Voici les extraits pertinents de la note :

[Traduction]

[…]

NOTE À L’AGENTE AUX G ET A : Il y a plusieurs questions politiques accessoires pour ces deux dossiers et il faudrait demander une mise à jour au directeur. De plus, les deux membres ont déposé des plaintes en vertu de l’article 133, Jean-Rodrigue Yoboua est affecté aux plaintes en vertu de l’article 133 et il devrait être consulté pour obtenir une mise à jour.

Les deux fonctionnaires s’estimant lésés se sont vu offrir un règlement au dernier palier et les deux ont refusé. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont affirmé que les questions devraient bénéficier d’une audience publique par principe.

RAISON DU RENVOI

[…]

Le licenciement des deux fonctionnaires s’estimant lésés découlait de la même enquête. D’autres personnes avaient quitté leur emploi, mais les modalités de leur départ étaient différentes.

Étant donné la nature des allégations, une audience publique peut ne pas être dans l’intérêt supérieur des fonctionnaires s’estimant lésés. Je recommande fortement qu’un règlement soit conclu étant donné l’ensemble des circonstances.

Pour ces raisons et à cause de mon analyse qui suit, je recommande que cette affaire soit renvoyée à l’arbitrage avec médiation. Le délai pour le renvoi est le 6 août 2013.

ANALYSE

La jurisprudence n’est pas favorable sur cette question. Aucune lacune majeure n’a été notée dans le processus d’enquête faisant en sorte qu’il serait déclaré nul ab initio. Les lacunes indiquées ont donc été corrigées de nouveau. J’ai indiqué à l’intention de l’agente les décisions les plus récentes sur des licenciements (disciplinaires) qui portent sur la rupture irréparable du lien de confiance et le point de vue actuel sur ce sujet.

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont aussi laissé entendre qu’il s’agissait d’une hostilité antisyndicale. Rien au dossier ne permet de croit que c’est le cas à première vue. Malgré le fait que les allégations sont générales, les incidents réels et les témoignages à l’appui sont très précis dans le contexte et il n’y a aucun lien causal avec l’activité syndicale. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont produit des documents obtenus à la suite d’un AI relativement à l’évaluation préliminaire en 2009-2010 et à une intervention visant de mauvaises relations de travail. J’ai examiné ces documents et, au mieux, ils prouvent que l’affaire a fait l’objet d’une enquête, qu’elle a été abordée et, pour ce qui est de ces incidents, que les fonctionnaires s’estimant lésés ont agi de façon légitime dans le cadre de leur rôle syndical.

ENQUÊTE ADMINISTRATIVE – PROCÉDURE GÉNÉRALE

La procédure dans son intégralité semble être intacte. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont eu pleinement la possibilité de participer et de répondre à la publication du rapport final. Quelques anomalies mineures ont été détectées, lesquelles pourraient être contestées, comme la durée de l’enquête et le caractère vague des allégations au début de la procédure d’enquête. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont affirmé que le caviardage et l’absence de copie des déclarations des témoins constituaient des violations majeures. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, je soupçonne que les renseignements qui ont été caviardés concernaient des personnes qui n’étaient pas employées par l’ACIA, mais d’un employeur du secteur privé. Malheureusement, l’accès à ces documents a été reporté jusqu’à la divulgation. En ce qui concerne cette question, j’ai énuméré des affaires intéressantes, puisqu’il existe des opinions contradictoires sur ce qui peut ou ne peut pas être divulgué pendant une enquête.

[…]

Les fonctionnaires s’estimant lésés, lorsqu’ils en ont eu la possibilité, ont répondu au rapport provisoire au moyen de commentaires et d’une opinion. Selon ma compréhension de l’élément, les attaques visant la crédibilité de l’enquêtrice n’étaient pas appuyées par l’élément. Je ne crois pas que les attaques persistantes visant la crédibilité de l’enquêtrice s’avéreront bénéfiques.

La liste de témoins supplémentaires des fonctionnaires s’estimant lésés était, au mieux, des références visant leur moralité. Il n’y avait pas d’indication claire que ces témoins étaient réellement présents à chacun des incidents et qu’ils fourniraient des témoignages contradictoires sur les événements qui se seraient produits. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont affirmé qu’il s’agissait d’une « culture d’usine » et qu’il ne devait y avoir rien de mal dans le comportement puisque l’employeur n’avait encore rien fait pour l’arrêter.

[…]

ALLÉGATIONS

Comme vous le verrez dans le dossier, le libellé des allégations est d’emblée vague. Ce n’est toutefois pas ce qui est le plus problématique. L’élément le plus problématique est que 22 témoins ont été interrogés (y compris les fonctionnaires s’estimant lésés) et que la majorité des témoins n’ont pas fourni de déclarations favorables au soutien de ces derniers.

Le maintien d’une indépendance en matière de réglementation est l’essence même du litige en raison du niveau de confiance et d’indépendance que les inspecteurs doivent conserver lorsqu’ils travaillent avec peu ou pas de supervision. L’employeur a précisément désigné la rupture irréparable du lien de confiance comme la cause centrale du licenciement. C’est l’élément avec lequel la jurisprudence est la moins favorable.

[…]

Comme vous pouvez le constater, un grand nombre de questions placent toutes les parties dans une situation précaire. Les facteurs aggravants sont tellement accablants que la probabilité de succès est faible. La jurisprudence indique que les arbitres de grief ne sont pas tendres envers les personnes qui occupent des postes de confiance et qui sont tenues de respecter des normes plus élevées. L’arbitre de grief va très certainement tenir compte du fait que la plainte originale provenait d’une société du secteur privé et que la présence de l’ACIA à ces usines avait pour but de s’assurer que l’approvisionnement alimentaire du public n’est pas contaminé et qu’il est protégé. L’intérêt du public sera pris en considération.

Il est très possible que l’employeur puisse s’acquitter de son fardeau et qu’il soit difficile d’obtenir une autre mesure disciplinaire.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[46]  On a montré à Mme Devine la note de service du 19 juillet. Elle a déclaré que les griefs ont été analysés et que les notes de service ont été rédigées et placées dans des dossiers de façon routinière. Elle a affirmé qu’elle ne consultait pas habituellement ces notes de service et qu’elle en a pris connaissance uniquement à cause de la plainte.

[47]  En contre-interrogatoire, la note de service du 19 juillet a été montrée au plaignant, tout comme sa liste de témoins, laquelle indique que ses témoins s’attarderaient sur sa moralité ce qui, selon lui, était l’avis préliminaire de Mme Côté. Toutefois, il a reconnu qu’il était approprié pour elle d’analyser les allégations le visant et qui ont mené à son licenciement.

[48]  Une autre rencontre a eu lieu dans les bureaux de l’Alliance le 28 août 2013 (la « rencontre du 28 août »), à laquelle ont participé le plaignant, MM. Garnett et McCann et Mmes Kurtz-Cooke et Devine. Mme Devine n’avait aucun souvenir personnel de la rencontre, mais elle a reconnu qu’elle a eu lieu.

[49]  Dans le cadre de son interrogatoire principal, le plaignant a affirmé que l’essentiel de la rencontre du 28 août portait sur Sheryl Heaman, qui était une inspectrice interrogée dans le cadre de l’enquête Anper. Il a déclaré que M. Garnett lui a dit que Mme Heaman lui a affirmé que [traduction] « ce qu’elle a dit à la haute direction de l’ACIA était faux ». Il a dit qu’à la rencontre, M. Garnett a déposé une déclaration écrite de Mme Heaman, puisqu’il la représentait. Selon le plaignant, cette déclaration écrite a été produite comme un élément d’information essentiel.

[50]  Entre 2010 et janvier 2015, Mme Heaman était employée par l’ACIA comme inspectrice. Elle a déclaré qu’elle a rencontré le plaignant en 2012. Elle a été licenciée en janvier 2015.

[51]  Mme Heaman a été interrogée dans le cadre de l’enquête Anper. Voici son témoignage, indiqué dans le rapport final, en fonction de chaque allégation précise :

[Traduction]

[…]

Allégation no 1 – Familiarité : M. Wurdell aurait mis de côté son rôle officiel et participé à des activités qui contrevenaient à son rôle et à ses responsabilités prévues par le Code de conduite de l’ACIA et le Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat.

[…]

Témoignage de Mme Heaman (annexe – CFIA-PW-7a)

Mme Heaman est inspectrice de l’abattage (EG-03) de l’ACIA et elle travaille au gouvernement fédéral depuis environ un an et demi. Mme Heaman n’a pas travaillé à l’Éta. 419; elle s’est présentée à cette usine pendant quelques jours pour y suivre une formation en 2010 et en 2011.

Mme Heaman a précisé qu’elle s’est présentée à l’Éta. 419 pendant une semaine de formation en décembre 2010, puis à deux ou trois occasions pour une journée de formation.

La dernière fois que Mme Heaman s’est présentée à l’Éta. 419 pour suivre une formation, c’était en novembre 2011, avec une autre inspectrice.

Mme Heaman assure son indépendance en matière de réglementation en étant amicale, mais sans fraterniser avec le personnel de l’usine.

À la question de savoir si elle avait remarqué que des inspecteurs de l’ACIA à l’Éta. 419 adoptaient une approche semblable, Mme Heaman a déclaré : « Non. J’étais sous le choc la première fois et chaque fois que j’y suis allée. Le bureau de l’ACIA avait une politique de portes ouvertes pour le personnel de l’usine, en particulier des jeunes femmes (du personnel de l’usine, je ne connais pas leur nom) ». […]

Mme Heaman a ajouté : « Certains employés de l’usine accrochaient leur uniforme sur des crochets dans le bureau où les employés de l’ACIA accrochaient le leur, et dans la salle de bains des femmes, il y avait plein d’uniformes accrochés. Ils se promenaient dans le secteur de l’ACIA comme s’il s’agissait autant de leur bureau que celui du personnel de l’ACIA; ils étaient très à l’aise ».

[…]

À la question de savoir si elle pouvait décrire sa relation avec le personnel de l’usine et la direction de l’usine où elle travaille, Mme Heaman a répondu qu’elle était très bonne, fondée sur le respect mutuel, et qu’ils travaillaient bien ensemble. Elle a ajouté : « Des inspecteurs masculins de l’ACIA y travaillent (à l’usine où elle travaille) ».

Mme Heaman a confirmé qu’elle a vu l’un des collègues de M. Wurdell dans sa voiture en train de fumer avec du personnel de l’usine et a ajouté que c’était avec [nom omis] et certaines des filles qui étaient dans le bureau l’ACIA et qui s’assoyaient sur ses genoux.

Mme Heaman a expliqué que dans sa propre usine, il y avait une division professionnelle qui avait pour but de s’assurer qu’il n’y avait pas ni conflit d’intérêts ni distorsion des résultats des tests en faveur de l’usine ou tentative de pénaliser l’usine.

[…]

Allégation no 2 – Violation des protocoles établis : M. Wurdell aurait participé à des activités qui, compte tenu de la nature de ses responsabilités d’emploi, peuvent avoir contrevenu aux règles qu’il devait appliquer.

[…]

Témoignage de Mme Heaman (annexe – CFIA-PW-7a)

Mme Heaman ne craint pas de prendre des décisions liées au travail puisqu’il s’agit d’excellentes décisions fondées sur les exigences de son emploi.

À la question de savoir si parce qu’il est amical avec le personnel ou la direction de l’usine un inspecteur peut voir son rendement influencé, Mme Heaman a répondu que c’est en effet possible si une personne est trop amicale, au-delà des plaisanteries normales en milieu de travail.

[…]

Allégation no 3 – Milieu de travail respectueux : M. Wurdell aurait omis de se comporter de manière respectueuse et civile avec les autres.

[…]

Témoignage de Mme Heaman (annexe – CFIA-PW-7a)

Mme Heaman a informé l’enquêtrice que, lorsqu’elle s’est rendue à l’Éta. 419 en décembre 2010 pour une semaine de formation, elle n’en a obtenu aucune. Mme Heaman a dit que les inspecteurs qui y travaillent, [l’autre inspecteur licencié], Paul Wurdell et [nom omis] lui ont dit que leur description de travail ne précisait pas qu’ils devaient la former, alors elle s’est assise à un bureau et s’est promenée dans l’usine pendant la semaine.

Mme Heaman a précisé à l’annexe-CFIA-PW-7b que [M. A] y était en 2010 et qu’il lui a fait observer une fois les viscères. Aucun des autres inspecteurs ne l’a aidée ou formée alors qu’elle s’y trouvait. Mme Heaman a précisé que [nom omis] subissait beaucoup de pressions de [l’autre inspecteur licencié] et Paul Wurdell qui a dit : « nous ne formons pas. Nous ne sommes pas payés pour former ».

Mme Heaman a ajouté : « Lorsque je suis arrivée en décembre, ils m’ont permis de me rendre au point d’inspection, mais il a cessé de fonctionner et ils ont dit que c’était trop dangereux ».

Mme Heaman a dit qu’à sa première journée, elle a apporté des beignes, mais les inspecteurs ont refusé d’en prendre, et [M. A] et Paul Wurdell étaient incroyablement impolis.

Mme Heaman a formulé le commentaire suivant : « C’était la première fois que je les rencontrais. Puis ils m’ont informé que la salle de bains des femmes de la zone de l’ACIA leur était réservée pour le fonctionnement de leurs intestins et que je ne devais pas avoir beaucoup d’attentes à cet égard ».

Mme Heaman a dit qu’elle a dû retourner à l’usine à deux ou trois occasions pour une journée de formation. Elle y est allée pour la dernière fois en novembre 2011, et une autre inspectrice, [Mme B] l’accompagnait.

[…]

En réponse à une question qui lui a été posée, Mme Heaman a dit que [l’autre inspecteur licencié] était agité, qu’il s’agissait de son état habituel, alors que M. Wurdell ne criait pas. Mme Heaman a indiqué : « J’avais l’impression que [l’autre inspecteur licencié] était l’élément négatif et l’agitateur, le porte-parole et que tout le monde était d’accord avec lui. »

À la question de savoir si elle avait entendu les inspecteurs manquer de respect envers le VEC lorsqu’ils lui parlaient ou parlaient de lui, Mme Heaman a répondu : « Ils étaient très méprisants envers le VEC, ils lui disaient notamment de retourner à son bureau. J’ai entendu [M. A] dire qu’il était cr******** inutile. [M. A] a tenu ces propos dans le bureau de l’ACIA alors que le VEC y était. »

Mme Heaman a déclaré : « C’était extrêmement non professionnel et je pense que [M. A] faisait tout pour être très intimidant envers tout le monde et que j’étais certainement une cible. Il est fier de dire qu’il a passé du temps avec des motards et, selon son attitude, il ne faut pas lui piler sur les pieds […] »

Mme Heaman a dit : « Paul s’accommodait de ce comportement et il l’approuvait; c’était très désappointant parce qu’il est un représentant syndical et on attendrait à ce qu’il soit plus avisé. »

Mme Heaman a décrit les événements liés à la journée de formation en novembre 2011 : « La dernière fois que j’y suis allée, [Mme B] est venue avec moi à la formation porcine, nous sommes entrées et, de toute évidence, ils ne nous attendaient pas. [Nom omis], [M. A] et Paul étaient présents et ils ont tous dit : il faut que je parte, je vais vomir et ils ont continué comme ça pendant un certain temps. Nous n’avons eu aucune formation. »

À la question de savoir si l’un des trois hommes ([nom omis], [M. A] et Paul Wurdell) ont fait preuve de civilité envers elle en tout temps, Mme Heaman a répondu : « Non. [M. A] et Paul étaient aussi très impolis avec le nouveau vétérinaire [nom omis]. […] [M. A] a commencé à s’énerver à propos de Tom Doyle devant Patty et moi et devant les deux autres inspecteurs, et ils ont tous fait des commentaires. Patty et moi sommes allées manger et nous avons décidé de ne pas y retourner, ça ne servait à rien, ils étaient odieux. Je suis retournée chez moi et j’ai fait parvenir un courriel à Tom Doyle à propos de mon excellente matinée. »

[…]

Allégation no 5 – Plaintes du personnel de l’usine : M. Wurdell aurait participé à des activités qui étaient considérées comme répréhensibles par certains employés de l’usine à l’Éta. 419.

[…]

Témoignage de Mme Heaman (annexe – CFIA-PW-7a)

Mme Heaman a dit qu’alors qu’elle était « sur place » à l’Éta. 419, elle a entendu M. Wurdell crier des choses à des employés de l’usine au sujet de leur vie sexuelle. Mme Heaman a formulé le commentaire suivant : « C’était tout simplement inacceptable. »

Mme Heaman a ajouté : « J’ai vu Paul et [M. A] demander en criant à une fille si c’était vrai qu’elle avait eu des relations sexuelles avec une personne la veille et elle a aussi répondu par une plaisanterie déplacée et Paul a dit qu’elle allait le refaire ce soir. Ça a été comme ça toute la journée. »

Mme Heaman a déclaré : « Je n’étais pas à l’aise avec ce qui se passait, et une autre femme devant moi qui était témoin de Jéhovah n’était pas impressionnée par la conversation. Je pouvais le voir par son expression faciale. Nous n’en avons jamais parlé. Je ne sais pas si elle y travaille toujours. »

À une question, Mme Heaman a confirmé qu’elle avait entendu des commentaires et des blagues qui pouvaient être considérées comme de nature sexuelle ou déplacée lorsqu’elle était à l’Éta. 419. Mme Heaman a expliqué : « J’ai entendu quelqu’un crier à une fille au sujet des relations sexuelles qu’elle avait eues avec un autre employé de l’usine et il y avait une autre fille (je ne connais pas son nom) que Paul et [M. A] agaçaient à propos du fait que son père était un travesti. »

À la question de savoir si l’emploi de blasphèmes et/ou de commentaires de type sexuel était fréquent à sa propre usine, Mme Heaman a répondu : « Les sacres sont fréquents, mais quand même pas dans toutes les phrases. Mais il n’y a pas de commentaires sexuels. »

Mme Heaman a dit que l’emploi de mots grossiers qu’elle a observé alors qu’elle était sur place à l’Éta. 419 est à peu près semblable à celui dans son usine; toutefois, dans le bureau de l’ACIA à l’Éta. 419, il est beaucoup plus fréquent que dans son bureau.

Mme Heaman a dit que lorsqu’elle était à l’Éta. 419 en décembre 2010 elle a vu trois femmes de l’usine assises sur les genoux des inspecteurs; [trois noms des femmes de l’usine omis] et que [nom de deux femmes omis] étaient assises sur les genoux de [M. A] et de M. Wurdell, mais elle ne savait pas quelle femme était assise sur quel inspecteur, mais que [nom d’une femme omis] était assise sur les genoux [d’un autre inspecteur], effectuant une danse-contact sans musique. Mme Heaman a précisé que cette situation a duré quelques minutes. Elle a dit : « Ça ressemblait à une boîte de nuit et non à un bureau. »

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[52]  Le plaignant a reconnu un courriel du 2 septembre 2013, à 8 h 15, qu’il a envoyé à Mme Devine et qui était rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Comme je vous l’ai promis durant notre rencontre de la semaine dernière, le 28 août 2013, vous trouverez ci-joint une chronologie, une copie de la déclaration signée et datée de Sheryl Heaman et de nombreuses autres pièces qui l’accompagnent et qui justifient la chronologie.

[…]

 

[53]  On a montré à Mme Devine le courriel et la pièce jointe d’une déclaration dactylographiée et signée de Mme Heaman. Mme Devine a dit qu’elle n’avait aucun souvenir de l’échange, mais qu’elle reconnaissait la déclaration. C’est le document qui était joint à titre d’annexe D aux précisions de la plainte. Mme Heaman l’a signée; elle contient une date manuscrite du 21 août 2013 (la « déclaration du 21 août »). À la question de savoir comment il a obtenu la déclaration du 21 août, le plaignant a dit qu’il l’a reçue de Mme Kurtz-Cooke. Elle indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En 2009 et avant mon emploi à l’Agence canadienne d’inspection des aliments en 2010, j’ai été contactée par [nom omis, titre omis] et Tom Doyle, gestionnaire de l’inspection de la région du Sud-Ouest de l’Ontario en ce qui concerne un emploi avec l’ACIA et l’Éta. 419 à Mitchell, en Ontario, la ville où j’habite.

[…]

En 2010 et en 2011, j’ai été abordée par ces deux personnes encore une fois pour fournir des renseignements à Mme Anabela Periera en ce qui concerne l’enquête à l’Éta. 419 et les inspecteurs de cette installation. Même si je ne suis allée à cet établissement pendant de très brèves périodes depuis le début de mon emploi à l’ACIA, M. Doyle m’a garanti qu’il allait « m’aider » à ce sujet et il m’a encore une fois promis un poste à cet établissement lorsque le cas des inspecteurs actuels serait « réglé et qu’ils seraient partis ».

En 2011 et en 2012 et avant d’avoir parlé Mme Anabela Pereira, j’ai reçu des renseignements de la part de M. Doyle, gestionnaire de l’inspection, sur ce que je devrais dire à Mme Anabela Pereira, ce dont je devrais discuter avec elle et soulever auprès de cette dernière. Même si M. Doyle m’a fourni cette information, il m’a dit que personne ne pouvait savoir qu’il me l’avait remise et qu’il « devait rester désintéressé par rapport à ces renseignements et de cette enquête pour obtenir le résultat qu’il souhaitait ».

Après avoir parlé avec Mme Anabela Pereira, il m’est devenu très clair qu’elle avait été préparée par la direction de l’ACIA sur les questions à poser, les sujets à discuter et à soulever et les personnes à aborder puisque ces questions étaient directement liées à l’information que m’avait remise M. Tom Doyle. Après avoir parlé à Mme Pereira et lui avoir fourni les renseignements que j’avais obtenus de M. Doyle, Mme Pereira a continué de me harceler pour avoir d’autres précisions et renseignements. Même si elle a été informée par moi-même et mon représentant syndical, M. Jason Garnett, que je n’avais rien d’autre à fournir et que je ne collaborerais pas avec elle et à l’enquête, Mme Pereira a continué de me harceler, sous forme de courriels et d’appels téléphoniques, à ce sujet. Peu de temps après avoir informé Mme Pereira de ma décision, M. Doyle a communiqué avec moi et a commencé à me harceler pour que je fournisse plus de renseignements puisque c’était très important pour lui et l’enquête. M. Doyle a aussi menacé de ne pas me placer à l’Établissement no 419, à Mitchell, comme il l’avait promis, si je ne collaborais pas pleinement à cette enquête, puisque c’était important pour eux obtenir le résultat qu’ils souhaitaient.

Après avoir entendu parler de la situation à laquelle font face les inspecteurs qui se trouvaient à l’Établissement no 419, selon mon expérience personnelle relativement à la situation et compte tenu de la participation de M. Doyle et de M. Greg Shoreman, M. Stephen Michon et la direction de l’Agence canadienne d’inspection des aliments s’efforcent depuis les dernières années de mettre sur pied cette enquête et d’en contrôler l’issue.

Selon mon expérience personnelle, je crois aussi que Mme Anabela Pereira a effectué une enquête partiale et qu’elle a été préparée par la direction de l’ACIA pour effectuer une telle enquête partiale, afin que l’ACIA, M. Tom Doyle et M. Stephen Michon puissent obtenir le résultat pour lequel ils travaillaient et qu’ils avaient prévu.

En tant que l’une des principales personnes interrogées par Mme Anabela Pereira, en ce qui concerne l’enquête à l’Établissement no 419 mise en place par M. Tom Doyle, je réalise maintenant que j’ai eu tort de fournir les faux renseignements qui m’ont été remis par l’ACIA et M. Tom Doyle. Les promesses en l’air que m’a faites M. Tom Doyle, soit d’obtenir un poste à une installation à quelques minutes seulement de chez moi, ont obscurci mon jugement et je réalise maintenant que j’ai eu tort de transmettre les renseignements communiqués par M. Tom Doyle.

Enfin, j’ai été ciblée et utilisée par la direction de l’ACIA pour transmettre ses renseignements sur l’enquête à l’Éta. 3419 et le personnel d’inspection à cette installation. Je crois que la direction de l’ACIA et M. Tom Doyle m’ont embauchée et fait des promesses en l’air pour que j’accomplisse ce dont ils avaient besoin. Depuis ma décision de ne plus collaborer avec M. Doyle et avec Mme Anabela Pereira, je suis maintenant ciblée par M. Tom Doyle, gestionnaire de l’inspection, région du Sud-Ouest, et par M. Stephen Michon, directeur régional, région du Sud-Ouest, et je crains beaucoup pour mon emploi à l’ACIA et j’ai peur d’être ciblée comme l’a été le personnel d’inspection à l’Éta. no 419.

J’ai rédigé et fourni cette déclaration de mon propre gré et je suis prête à justifier tout énoncé de cette déclaration et je peux fournir d’autres renseignements sur tout ce qui est mentionné ci-dessus et plus encore.

[…]

 

[54]  On a ensuite montré à Mme Devine une deuxième déclaration non signée et non datée, que Mme Heaman a aussi rédigée (la « déclaration Heaman non datée »). Mme Devine a dit qu’elle ne l’avait pas vue avant le dépôt de la plainte. Elle indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En 2009, bien avant le début de ma carrière à l’ACIA, je travaillais pour une société à Mitchell. L’une de mes collègues, avec qui je travaillais régulièrement, avait une colocataire qui travaillait à l’Éta. 419 – Great Lakes Specialty Meats, aussi appelé l’usine porcine.

Un jour alors que nous travaillions ensemble, elle m’a parlé de certaines histoires que sa collègue racontait à propos de l’usine porcine. Je n’ai pas d’avis sur la validité des histoires. J’avais un ami qui travaillait pour l’ACIA et avec qui j’étais en contact régulier par courriel à cette époque. Lorsque je lui ai fait parvenir de nouveau un courriel, je lui ai raconté ce que j’avais entendu. Il était très préoccupé par les histoires et le fait qu’elles étaient rendues publiques. D’après mon ami, il a communiqué avec le gestionnaire de l’inspection à l’usine porcine, Tom Doyle, et il lui a communiqué ce que je lui avais dit. Tom avait d’autres questions pour moi et mon ami était l’« intermédiaire » entre moi-même et Tom Doyle. Je n’étais pas tellement au courant de la situation en dehors des quelques récits que j’avais entendus, alors la communication a pris fin très rapidement.

Auparavant, j’avais participé à un concours et j’ai obtenu une place dans un répertoire de candidats de l’ACIA. Mon ami communiquait avec M. Doyle lorsqu’il y avait une ouverture dans la région du Sud‑Ouest pour lui rappeler ma collaboration.

En juillet 2010, M. Doyle m’a offert un poste à l’ACIA. Tom était mon gestionnaire de l’inspection;  nous avions une relation très amicale et nous parlions souvent de nos familles, etc. Depuis le début de mon emploi, Tom m’a très clairement laissé entendre qu’il voulait me placer à l’usine porcine après qu’elle « aura été nettoyée ».

J’ai été envoyée à l’usine porcine à quelques occasions pour suivre une formation. Ce n’était pas une très belle expérience en raison des inspecteurs qui s’y trouvaient, un en particulier. Tom communiquait toujours avec moi par la suite pour voir comme les choses s’étaient déroulées et recueillir des renseignements au sujet des inspecteurs.

Le 20 décembre ou vers cette date, j’ai été contactée au travail par Anabella Piera, une enquêtrice privée, engagée par l’ACIA pour enquêter sur les inspecteurs de l’usine porcine. Un rendez-vous a été fixé à une date ultérieure. Entre le moment de la prise du rendez-vous et la date de ce dernier, j’ai eu l’occasion de parler avec Tom. Tom m’a rappelé tous les éléments que je lui avais dits sur la période que j’ai passée avec les inspecteurs à l’usine porcine et l’absence de formation, entre autres. Il m’a même envoyé des courriels auxquels il avait joint des commentaires sur l’usine porcine que je lui avais envoyés au cours de la période de deux ans, certains ayant été extraits des archives. Je me rappelle qu’une journée j’ai envoyé un courriel à propos de ce qu’il fallait faire à l’usine porcine et il m’a répondu « appelle-moi ». Je l’ai appelé à son bureau et il m’a dit qu’il devait m’assurer de donner l’impression d’être désintéressée de l’enquête.

Je me suis rendue à mon rendez-vous avec Anabella Piera dans une chambre d’hôtel à London. J’ai amené mon ami Greg, l’ami de l’ACIA qui m’avait soutenu depuis le début. Anabella a effectué l’entrevue en me posant des questions très précises qui donnaient l’impression qu’elle avait déjà beaucoup des renseignements que je pouvais lui fournir. J’ai dit la vérité durant mon entrevue et je lui ai dit tout ce que savais de la situation. Sur l’insistance de Greg, j’ai dit à Anabella ce que je savais avant même de travailler pour l’ACIA. J’ai fini l’entrevue et je suis partie.

Peu de temps par la suite, j’ai été contactée de nouveau par Anabella qui voulait que je me rende à London afin de signer ma déclaration dactylographiée. Je crois qu’il y avait une ou deux erreurs qui ont été corrigées avant que je signe.

Quelques jours plus tard, j’ai de nouveau été contactée par l’enquêtrice qui m’a demandé d’autres détails ou précisions. Je crois avoir dit à Anabella que je ne pouvais pas parler librement et je lui ai donné mon numéro de téléphone à la maison pour avoir une conversation plus privée plus tard cette journée-là. Elle m’a appelé à la maison et nous avons parlé. Par la suite, nous avons échangé plus de courriels et d’appels téléphoniques jusqu’à ce que je finisse par lui dire que j’en avais assez et que je voulais qu’elle cesse de communiquer avec moi. Je lui ai dit que je lui avais déjà raconté tout ce que je savais. Anabella a continué de me contacter et j’ai demandé à mon représentant syndical son aide pour régler la situation. Mon représentant syndical, Jason Garnett, a envoyé un courriel  à Anabella pour lui interdire de communiquer avec moi. J’ai été de nouveau contacté par Tom Doyle qui m’a dit à quel point ma collaboration et mes renseignements étaient importants. Je n’ai pas répondu.

La relation avec Tom s’est immédiatement refroidie et nous n’avons presque plus eu de discussions par la suite.

À un certain moment au cours du printemps suivant, en février et en mars je crois, une autre inspectrice et moi-même sommes allées à l’usine porcine pour suivre une formation. Alors que nous étions là-bas, nous avons éprouvé certaines difficultés avec le vétérinaire. L’autre inspectrice et moi-même avons communiqué avec Tom Doyle et le directeur régional, Stephen Michon, pour avoir de l’aide à cet égard. Nous n’avons pas obtenu d’aide, en dehors de piètres excuses, pour leur inaction. Comme il était évident pour nous que nous n’obtiendrions pas d’aide, nous nous sommes adressées à notre syndicat encore une fois pour en obtenir. Cette situation se poursuit à ce jour et elle s’est beaucoup envenimée.

Quelques mois après l’incident à l’usine porcine, mon ami Greg, EG‑05 à un établissement avicole, a communiqué avec moi. Il voulait savoir si je souhaitais me rendre à son établissement dans le cadre d’une séance d’« encadrement de formateurs » sur le SVC, puisque la formation sur le SVC est un élément auquel nous participons tous les deux. J’ai accepté d’y aller et il a dit qu’il prendrait des dispositions avec mon supérieur pour que cela se réalise.

Alors que je retournais en voiture chez moi cette journée-là, Greg m’a appelée pour me dire que la véritable raison pour laquelle il m’a invitée à son usine est que Tom Doyle avait communiqué avec lui et lui avait demandé de me « mettre au pas ». Il a demandé à Greg de me montrer les rôles et responsabilités d’un poste EG-05 puisqu’un tel poste serait bientôt disponible à mon usine et que ma candidature serait envisagée. J’ai tout de suite compris que, si je laissais tomber mon grief et que je rentrais dans le rang, je pourrais alors devenir EG-05. Je n’ai pas laissé tomber mon grief et je ne suis toujours pas EG-05. Une femme appelée [nom omis et ci-après appelée M. B] a été nommée pour agir de façon intérimaire en tant qu’EG-05 et un jeune homme, Shawn, agit de temps à autre comme EG-05 aussi.

Selon mon expérience avec [Mme B], depuis le premier jour où elle est venue à notre usine, elle m’a ciblée en ce qui a trait au harcèlement et à l’intimidation et elle m’impose des mesures disciplinaires chaque fois que c’est possible. Elle me réprimande pour des pratiques courantes, elle se moque de moi lorsqu’elle parle et a refusé catégoriquement de me fournir une mesure d’adaptation lorsque j’ai été blessée au travail. J’ai dû m’adresse à la CSPAAT pour avoir l’aide d’un spécialiste en matière de retour au travail. J’ai été réprimandée pour ne pas avoir « terminé un travail important de l’ACIA » alors que je mettais de la glace sur mon genou. Elle m’a imposé une mesure disciplinaire pour avoir refusé de suivre un horaire cruel qu’elle avait préparé. On m’a décrit comme une personne difficile qui faisait preuve d’insubordination et je crois que ma carrière est en danger, tout comme celle des inspecteurs à l’usine porcine.

Tom Doyle m’a dit directement que je n’aurai jamais d’autres postes à l’ACIA et je l’ai cru.

En rétrospective, je peux voir que j’ai été embauchée précisément pour les renseignements et le témoignage que je pouvais fournir au sujet des inspecteurs de l’usine porcine.

J’ai aussi constaté que j’ai été clairement harcelée et ciblée depuis que j’ai cessé de collaborer. À ce jour, [Mme B], Tom Doyle et Stephen Michon continuent de me harceler. Je crois qu’ils s’efforcent de me licencier comme ils l’ont fait à l’usine porcine.

J’écris ceci parce que je crois que j’ai été utilisée uniquement dans le but de fournir des renseignements afin de licencier les inspecteurs de l’usine porcine. Je crois que, compte tenu des renseignements fournis à Anabella,  une enquête impartiale était impossible. Je crois que Tom Doyle a beaucoup plus orienté cette enquête qu’il ne le laissait penser. Je crois que les inspecteurs de l’usine porcine ont été traités de façon inéquitable et que la même chose va m’arriver. J’ai honte d’avoir participé à leur licenciement et je veux simplement corriger les choses.

Si je dois comparaître devant un comité ou un tribunal, j’affirmerai sous serment que ces renseignements sont véridiques. Je peux aussi fournir de nombreux courriels qui attestent ce que j’ai dit.

[…]

 

[55]  Mme Devine a déclaré qu’elle ne savait pas que Mme Heaman avait fait plus d’une déclaration. Elle se rappelait que le plaignant lui avait dit qu’il avait été [traduction] « piégé » et que Mme Heaman avait été utilisée pour le piéger.

[56]  Dans le cadre de son interrogatoire principal, Mme Heaman a déclaré que Mme Pereira l’appelait constamment au travail et à la maison et qu’elle recevait tellement d’appels qu’elle [traduction] « […] s’est adressée au syndicat pour faire cesser tout cela; [elle] croyai[t] [qu’elle] lui avai[t] toute ce [qu’elle] pouvai[t] à ce moment ». Mme Heaman n’a pas dit les éléments suivants :

  • combien de fois elle a rencontré Mme Pereira pour être interrogée;
  • à quelles dates elle a rencontré Mme Pereira pour être interrogée;
  • combien d’appels elle a reçus de Mme Pereira en ce qui concerne son ou ses entrevues;
  • les dates auxquelles elle a reçu les appels de Mme Pereira en ce qui concerne son ou ses entrevues;
  • combien de courriels elle a reçus de Mme Pereira en ce qui concerne son ou ses entrevues;
  • les dates auxquelles elle a reçu les courriels de Mme Pereira en ce qui concerne son ou ses entrevues.

 

[57]  On a aussi montré à Mme Heaman un courriel que M. Doyle lui a envoyé le 3 avril 2012 et un autre de M. Garnett répondant à M. Doyle, le 5 avril 2012. Les courriels sont rédigés comme suit : 

[3 avril 2012; M. Doyle à Mme Heaman]

[Traduction]

[…]

Je voulais vous parler, mais je m’en vais à Ottawa encore une fois pour quelques jours. Anabela a besoin de renseignements de votre part et il est important que vous les fournissiez. Vous pouvez simplement lui faire parvenir un courriel. Il n’est pas nécessaire de lui transmettre plus que ce qu’elle a demandé.

Je comprends que cette situation peut entraîner du stress; toutefois, ces renseignements sont nécessaires pour assurer la tenue d’une enquête complète et équitable.

J'aimerais que vous transmettiez ces renseignements à Anabela aujourd’hui.

[…]

[5 avril 2012; M. Garnett à M. Doyle]

[Traduction]

[…]

Sheryl m’a demandé de vous répondre en tant que son représentant syndical.

Bonjour.

Même si je n’étais pas le représentant de Mme Heaman à son entrevue, elle a communiqué avec moi et m’a demandé de l’être maintenant. Elle a aussi indiqué qu’elle croit avoir fourni les renseignements qu’elle pouvait et qu’elle a pleinement collaboré à l’enquête. Elle a dit à l’enquêtrice et à vous-même qu’elle n’a rien d’autre à ajouter et elle souhaite que toute communication concernant l’enquête prenne fin.

Je vous demande de cesser tout contact en ce qui concerne l’enquête avec Mme Heaman puisqu’elle éprouve beaucoup de stress et nous ne voulons pas qu’elle se retrouve dans une situation malsaine.

[…]

 

[58]  Interrogée au sujet de ce qu’elle entendait par [traduction] « beaucoup de stress », Mme Heaman a répondu qu’elle croyait qu’elle était entraînée dans une situation où elle ne voulait pas se retrouver, que Mme Pereira savait quelle question posée et qu’elle avait [traduction] « une désagréable impression ». Elle a déclaré que M. Garnett lui a dit qu’elle n’avait pas à collaborer. Elle a dit qu’elle n’a pas eu d’autres contacts avec Mme Pereira.

[59]  Elle a dit que le lendemain de l’entrevue, on lui a montré une copie de ses notes d’entrevue et qu’on lui a demandé de les signer. En contre-interrogatoire, elle a confirmé qu’après son entrevue par Mme Pereira, on lui a présenté une déclaration écrite qu’elle a signée, mais uniquement après avoir vérifié qu’elle était exacte.

[60]  Aucune copie de la déclaration écrite présentée dans le cadre de l’enquête Anper n’a été déposée en preuve; et je ne dispose d’aucune preuve que Mme Heaman a conservé une copie.

[61]  À un certain moment lors de son interrogatoire principal, Mme Heaman a dit qu’elle n’a pas obtenu de copie du rapport provisoire. Toutefois, plus tard dans ce témoignage, à la question de savoir si elle avait vu le rapport d’enquête, elle a répondu par l’affirmative. Je suppose qu’elle voulait dire le rapport final. Toutefois, elle n’a pas expliqué ce qui suit :

  • à quel moment elle a vu le rapport final;
  • qui lui en a fourni une copie;
  • ce qu’elle y a constaté;
  • la question de savoir si elle l’a lu au complet ou simplement des parties et, le cas échéant, quelles parties;
  • la question de savoir si elle en avait une copie;
  • la question de savoir si elle l’a utilisé comme fondement pour faire la déclaration du 21 août ou la déclaration Heaman non datée.

 

[62]  Sans indiquer de quelle version du rapport il s’agissait, l’avocat du plaignant a demandé à Mme Heaman si le rapport d’enquête était précis. Elle a répondu qu’une partie du document était hors contexte et elle a mentionné les deux éléments suivants :

  • Mme Pereira a mentionné des propos grossiers, puis elle a dit que le langage à l’Établissement 439 était pire, mais que c’était les employés qui l’utilisaient et non les inspecteurs;
  • un commentaire au sujet du fait qu’elle a dit qu’elle était déçue que le plaignant n’ait pas dit à M. A de se ressaisir.

 

[63]  Lorsque l’avocat du plaignant lui a demandé si les documents qui étaient hors contexte ou inexacts la préoccupaient, elle a répondu [traduction] « pas à [s]a connaissance ».

[64]  On a demandé à Mme Heaman si elle avait rencontré M. Garnett après l’enquête Anper. Elle a confirmé l’avoir fait. Elle a déclaré qu’elle avait de la difficulté avec la direction et qu’elle lui a donné une série de documents lorsqu’ils se sont rencontrés dans un café à Lucan, en Ontario, avec Mme Kurtz-Cooke. Elle n’a pas donné la date de cette rencontre.

[65]  Mme Heaman a ensuite mentionné des courriels échangés avec M. Doyle, M. Michon et [traduction] « l’obtention de renseignements au sujet de l’Éta. 419 ». À la question de savoir à quel moment cet événement a eu lieu, elle n’a pas pu s’en souvenir. À la question de savoir si elle avait les courriels, elle a répondu par la négative. Elle a dit que M. Garnett et Mme Kurtz-Cooke l’ont invitée à une rencontre et que lorsqu’elle est arrivée, elle leur a donné la permission de fournir les renseignements au plaignant. Il semble que ses révélations ait entraîné une autre rencontre avec M. Garnett, le plaignant et peut‑être Mme Kurtz-Cooke dans un restaurant Wendy’s à Stratford, en Ontario, pour laquelle aucune date a été fournie.

[66]  Selon Mme Heaman, une autre rencontre aurait peut-être eu lieu après celle du Wendy’s, mais elle n’était pas certaine et n’a fourni aucun détail au sujet d’une telle rencontre.

[67]  M. Garnett a déclaré que Mme Heaman l’a contacté à un certain moment durant le processus d’enquête et qu’elle lui a dit que Mme Pereira la harcelait. Il a déclaré qu’elle lui a dit qu’on faisait pression sur elle pour qu’elle fournisse plus de détails. Il a dit que sa dernière interaction avec Mme Pereira était par courriel, il lui a demandé de cesser de communiquer avec Mme Heaman. Selon lui, sa participation à l’enquête Anper était limitée à assister à des entrevues avec trois personnes interrogées, dont aucune n’était Mme Heaman. Il n’a pas consulté le rapport final ou le rapport provisoire. M. Garnett a déclaré qu’avant cette affaire, il ne connaissait pas le plaignant et qu’il ne l’a pas rencontré avant le licenciement.

[68]  M. Garnett a raconté la rencontre dans un café à une date non précisée avec Mme Heaman et Mme Kurtz-Cooke. Il a déclaré que Mme Heaman lui a dit qu’elle avait été influencée pendant son entrevue avec Mme Pereira et qu’elle ne lui avait pas dit la vérité. Elle a dit que son superviseur s’était assis avec elle pendant l’entrevue, l’avait influencée et qu’elle croyait qu’elle devait dire la vérité au plaignant parce qu’elle avait ruiné sa carrière.

[69]  M. Garnett a aussi témoigné au sujet de la rencontre au Wendy’s. Il a dit que Mme Heaman avait apporté des courriels de MM. Doyle et Michon. En contre‑interrogatoire, il a dit qu’elle les a remis au plaignant. On a montré à M. Garnett la déclaration Heaman non datée et il a dit qu’il était certain qu’il s’agissait du document qu’elle avait apporté à la rencontre, pour laquelle il n’a pas non plus fourni de date.

[70]  Mme Heaman a dit qu’après la rencontre (sans préciser laquelle), elle s’est rappelé vouloir faire une déclaration à la direction de l’ACIA. Elle a dit qu’elle voulait préciser les renseignements qu’elle avait fournis dans le cadre de l’enquête Anper et que lorsqu’elle utilisait le mot [traduction] « gars », il s’agissait surtout de M. A plutôt que du plaignant. Elle a dit qu’elle se sentait mal de ce qui était arrivé au plaignant.

[71]  Mme Heaman a dit qu’un avocat du Conseil du Trésor (CT) l’avait appelée. Elle semblait faire allusion au ministère communément appelé le CT, plutôt qu’aux trois ministres du Cabinet fédéral qui représentent le CT. Ce ministère est habituellement appelé le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). Elle n’a pas précisé à quel moment l’appel a eu lieu ou à qui elle a parlé.

[72]  Mme Heaman a ensuite dit qu’elle a préparé la déclaration du 21 août en préparation de l’appel conférence avec le SCT. Il n’est pas clair s’il s’agissait de l’appel avec l’avocat du SCT ou avec une autre personne. À la question de savoir si elle se rappelait des détails de l’appel avec le SCT, elle a répondu qu’elle avait besoin de préciser certaines déclarations qu’elle lui avait faites au sujet du plaignant. Elle a dit qu’elle ressentait beaucoup de pression de la part de son gestionnaire, qu’on lui avait promis des promotions et qu’on l’avait envoyée suivre des formations en gestion avant l’enquête Anper. Puis, elle a dit qu’elle sentait le besoin de préciser ce qu’elle avait affirmé et de rétracter certaines déclarations. 

[73]  On a montré à Mme Heaman une copie d’une chaîne de courriels qui comprenaient celui entre elle-même et Mme Kurtz-Cooke le 27 mars 2015 à 11 h 45, qu’elle a transmise à Mme Rochon la même journée à 11 h 54, en même temps qu’une déclaration écrite dactylographiée. Les courriels sont rédigés comme suit :

[De Mme Kurtz-Cooke à Mme Heaman, à 11 h 45]

[Traduction]

[…]

Est-ce celle-ci?

[…]

[De Mme Heaman à Mme Rochon, à 11 h 54]

[Traduction]

[…]

Selon notre conversation de l’autre soirée, voici la lettre que j’ai rédigée. Je crois que c’est la seule chose écrite qu’ils ont à ce sujet.

[…]

 

[74]  La déclaration Heaman non datée était jointe à cette série de courriels. Il convient de noter que l’échange de courriels a eu lieu après que le plaignant a été licencié de l’ACIA (février 2012), après qu’il a réglé son grief avec l’ACIA (juin 2014), après qu’il a déposé sa plainte à la CRTFP (août 2014) et après que Mme Heaman a été licenciée (janvier 2015).

[75]  Dans le cadre de son interrogatoire principal, Mme Heaman a dit qu’elle a envoyé la déclaration Heaman non datée à Mme Rochon parce qu’elle voulait aider le plaignant dans ses rapports avec l’Alliance. L’avocat du plaignant a demandé à Mme Heaman si elle avait transmis la déclaration au SCT, ce à quoi elle a répondu par la négative et déclaré qu’elle se rappelait [traduction] « avoir cela par écrit dans un livre ». Elle a dit qu’elle ne l’avait pas fourni à la direction. Interrogée sur la date à laquelle elle l’a rédigée, elle a répondu [traduction] « probablement à la fin de 2013 ». À la question de savoir si elle l’avait remise à quelqu’un en 2013 ou en 2014, elle a répondu qu’elle pensait l’avoir remise à Mme Rochon, puis elle a dit qu’il pouvait s’agir de Mme Kurtz‑Cooke, parce que celle-ci la lui avait renvoyée (mentionnant la chaîne de courriels).

[76]  L’avocat du plaignant a ensuite montré à Mme Heaman la déclaration du 21 août et lui a demandé de l’identifier. Elle a dit qu’il semblait s’agir de la même que la déclaration Heaman non datée, mais que sa présentation était différente. Lorsque l’avocat lui a laissé entendre qu’une partie du contexte était différent, elle a répondu qu’il était [traduction] « probablement plus condensé ». Lorsqu’il lui a demandé qui avait rédigé la déclaration, elle a dit qu’elle avait fourni le contenu, mais qu’elle pensait avoir reçu un peu d’aide de M. Garnett ou de Mme Kurtz-Cooke pour le condenser. À la question de savoir si le contenu qu’elle avait rédigé était exact, Mme Heaman a répondu qu’il l’était. Interrogée sur ce qu’elle en avait fait, elle a répondu qu’elle était certaine de l’avoir remise à quelqu’un. À la question de savoir pourquoi elle avait reconnu l’avoir signée, elle a répondu avoir [traduction] « la ferme conviction d’avoir contribué à faire avancer le cas de Paul et le mien ».

[77]  Mme Heaman a confirmé que personne à l’Alliance ou parmi les avocats de la représentante ne l’a contactée pour discuter de la déclaration du 21 août. Elle a aussi dit qu’elle n’a pas participé à des rencontres avec des représentants de l’Alliance. De plus, elle a affirmé que personne à l’Alliance ne lui a dit ce que cette dernière ferait de la déclaration.

[78]  En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Heaman quelle partie de la déclaration du 21 août indiquait qu’elle rétractait ce qu’elle a dit dans la cadre de l’enquête Anper. Elle a répondu : [traduction] « Pour être honnête, “rétracter” est un mot que le Conseil du Trésor a utilisé; j’ai toujours voulu apporter des précisions. »

[79]  Mme Heaman était d’accord avec l’avocat de l’Alliance qui lui a dit qu’elle ne voulait pas modifier sa déclaration faite à Mme Pereira, elle souhaitait simplement la préciser. Lorsque l’avocat lui a demandé des détails au sujet des précisions, elle a dit qu’elle croyait qu’elle avait expliqué que MM. Doyle et Michon lui avaient donné les renseignements à transmettre à Mme Pereira. Lorsque l’avocat lui a demandé si elle voulait dire qu’elle a donné à Mme Pereira de faux renseignements, elle a dit qu’elle ne pouvait pas dire que les renseignements étaient faux. Puis elle a dit qu’à de nombreuses reprises, M. Doyle lui a fait parvenir des courriels au sujet d’une promotion à un poste de gestionnaire si les choses se déroulaient comme le souhaitait la direction.

[80]  En contre-interrogatoire, Mme Heaman a confirmé qu’elle avait l’impression que l’ACIA lui avait fait des promesses fondées sur sa collaboration à l’enquête et que l’ACIA n’a pas respecté les promesses de promotion et de possibilités d’emploi. Puis, elle a dit qu’au moment où elle a précisé la situation avec Mme Pereira, leur relation agréable de collaboration s’est transformée en harcèlement.

[81]  En contre-interrogatoire, on a montré à Mme Heaman l’avant-dernier paragraphe de la deuxième page de la déclaration du 21 août qui indique : [traduction] « […] je réalise maintenant que j’ai eu tort de fournir les faux renseignements qui m’ont été remis par l’ACIA et M. Tom Doyle. » On lui a demandé si cette phrase pouvait vouloir dire que M. Doyle lui a remis de faux renseignements à transmettre dans le cadre de l’enquête. Elle a répondu que ce pouvait être le cas, mais qu’elle ne savait pas que les renseignements étaient faux.

[82]  En contre-interrogatoire, on a rappelé à Mme Heaman sa déclaration selon laquelle une personne du SCT avait utilisé le terme [traduction] « rétracter » pour laisser entendre que son témoignage était faux. Elle l’a confirmée et a déclaré qu’elle avait simplement utilisé le mot [traduction] « faux ». Lorsque l’avocat lui a suggéré qu’elle comprenait que c’est ainsi que le SCT l’a compris, elle a confirmé que c’était exact, puis elle a déclaré que ce n’était pas arrivé durant l’appel téléphonique, mais plus tard. Lorsque l’avocat lui a demandé s’il revenait au SCT de confirmer la réponse, elle a répondu : [traduction] « Je le pense, qui d’autre? » Elle ne se rappelait pas d’autres discussions avec quiconque du SCT; et elle n’a pas produit d’échange de courriels.

[83]  En contre-interrogatoire, on a montré à Mme Heaman la déclaration Heaman non datée et on lui a demandé de confirmer qu’elle a aussi été rédigée en 2013. Elle a répété que sa présentation était différente. L’avocat lui a ensuite demandé si elle avait été honnête et précise lorsqu’elle l’a rédigée, ce à quoi elle a répondu qu’elle l’avait été. Il lui a ensuite montré le dernier paragraphe de la première page qui indiquait ce qui suit : [traduction] « J’ai dit la vérité durant mon entrevue et je lui [Mme Pereira] ai dit tout ce que je savais de la situation ». Elle a confirmé que Mme Pereira ne lui a rien dit de malhonnête et qu’elle semblait bien préparée. Enfin, à la question de savoir si elle avait répondu à Mme Pereira de façon honnête, Mme Heaman a répondu par l’affirmative.

[84]  Enfin, en contre-interrogatoire, Mme Heaman a dit que la déclaration Heaman non datée a été rédigée avant la déclaration du 21 août. À la question de savoir si le plaignant lui avait demandé une déclaration plus précise que celle du 21 août, elle a répondu qu’elle croyait que c’était plutôt Mme Kurtz-Cooke qui l’avait demandé.

[85]  Aucun des courriels qu’elle a échangés avec Mme Pereira selon Mme Heaman n’a été déposé en preuve.

[86]  Mme Heaman n’a produit aucune note manuscrite des rencontres auxquelles elle a assisté et elle n’a pas fourni de journal ou d’autres documents pour aider à établir le moment où ces rencontres ont eu lieu.

[87]  Le plaignant ou M. Garnett n’ont pas fourni de notes de la rencontre au café ou chez Wendy’s; ils n’ont pas fourni de journal où figurent les dates des rencontres.

[88]  Une trousse de documents qui totalisait 19 pages a été déposée en preuve par le plaignant. Il a indiqué qu’il l’avait remise à Mme McGregor. Environ un tiers de la première page consistait en un paragraphe dactylographié non daté de Don Gamble (la « déclaration Gamble »), laquelle sera mentionnée plus loin dans la présente décision. Les 18 pages suivantes sont composées de courriels que Mme Heaman a envoyés ou reçus. Dans son témoignage principal, le plaignant a déclaré que la trousse était la preuve des contraintes exercées par la direction de l’ACIA sur Mme Heaman.

[89]  Sur les 18 pages, les 12 dernières sont datées du 24 juin 2010, ou plus tôt, et elles contiennent des courriels administratifs en ce qui concerne l’embauche de Mme Heaman en tant qu’inspectrice en 2010; ce qui laisse cinq pages, dont l’une est un courriel de M. Doyle qu’il lui a envoyé le 3 avril 2012 et la réponse de M. Garnett à M. Doyle du 5 avril 2012.

[90]  Les quatre pages restantes ne semblent pas être pertinentes à l’enquête Anper, aux déclarations de Mme Heaman à Mme Pereira, à ce que Mme Heaman a dit au sujet du plaignant dans le cadre de l’enquête ou à la déclaration selon laquelle le témoignage de Mme Heaman à l’enquête a été obtenu à la suite de promesses faites par M. Doyle. Les courriels ne semblent pas être dans un ordre particulier et il semble plutôt s’agir de courriels différents qui ne font pas nécessairement partie de la même chaîne de courriels, mais qui sont plutôt des parties d’autres courriels. Le seul courriel qui peut avoir une certaine pertinence au comportement du plaignant, du 26 janvier 2012, a été envoyé par Mme Heaman à M. Doyle et était rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Je me demandais s’il était possible de me garantir que je n’aurais plus à travailler avec les gars de Mitchell si je dois suivre une formation porcine. C’est la raison pour laquelle je n’y ai pas donné suite et je crains que, si je suis la formation porcine et s’ils ne perdent pas leur emploi, je sois forcée de travailler avec eux encore et je ne le veux vraiment pas.

Peut-être que nous pouvons en parler en privé lol [sic]

[…]

 

[91]  Mme Heaman n’a pas témoigné au sujet des courriels de la trousse à l’exception de celui que lui envoyé M. Doyle sur le fait que Mme Pereira avait besoin d’un peu plus de renseignements et de celui dans lequel M. Garnett a répondu à M. Doyle en son nom.

[92]  Le plaignant a déclaré que M. Garnett lui a dit que Mme Heaman lui a affirmé que ce qu’elle a dit à la haute direction de l’ACIA était faux. Le plaignant n’a fourni aucune preuve au sujet de sa rencontre avec Mme Heaman.

[93]  En contre-interrogatoire, on a montré au plaignant la déclaration Heaman non datée et on lui a laissé entendre qu’il s’agissait de la première déclaration de Mme Heaman, ce à quoi il a répondu [traduction] « J’imagine ». On lui a alors dit que lorsqu’on a montré la déclaration à M. Kingston, il a renvoyé au paragraphe indiquant en détail que Mme Heaman a affirmé qu’elle avait dit la vérité durant l’enquête, ce à quoi il avait répondu que ce n’était pas utile. Le plaignant a répondu que c’était l’opinion de M. Kingston. On a ensuite dit au plaignant que M. Kingston avait affirmé que le plaignant lui avait dit qu’il parlerait à Mme Heaman et obtiendrait une deuxième déclaration. M. Kingston aurait alors dit au plaignant que ce serait encore moins utile. Le plaignant a confirmé qu’il s’est rappelé ses paroles de M. Kingston. Lorsqu’on lui a montré la déclaration du 21 août, le plaignant l’a désignée comme la deuxième déclaration de Mme Heaman.

[94]  En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé que la déclaration de Mme Heaman avait été soulevée à la rencontre du 28 août. À la question de savoir s’il s’agissait de la déclaration du 21 août, il a dit qu’il n’était pas certain si elle a été soulevée à cette rencontre ou à une autre. À la question de savoir s’il a présenté la déclaration Heaman non datée à Mmes Benson et Devine, il a répondu qu’il ne pouvait pas se rappeler.

[95]  En contre-interrogatoire, on a montré à M. Kingston la déclaration Heaman non datée. Il a confirmé qu’il l’avait vue, mais qu’elle avait été remise à une autre personne. Il a confirmé que lui-même et le plaignant en avaient discuté et qu’il a dit à ce dernier qu’elle ne serait pas utile. Il a déclaré que le plaignant a proposé que Mme Heaman rédige une deuxième déclaration. M. Kingston a affirmé avoir dit au plaignant que ce ne serait pas utile parce qu’il y aurait alors trois documents. Il a dit avoir fait part au plaignant de sa préoccupation au sujet de la crédibilité de Mme Heaman.

[96]  On a montré à M. Kingston la déclaration du 21 août. Il a dit qu’il ne l’avait pas vue avant le dépôt de la plainte.

[97]  L’Alliance a retenu les services du cabinet Raven pour représenter le plaignant et M. A après le renvoi de leurs griefs de licenciement à la CRTFP. Elle l’a fait vers la mi‑septembre 2013, moment auquel aucune date d’audience d’arbitrage n’avait été fixée.

[98]  Une copie de la facture préalable du cabinet Raven pour le dossier du plaignant avec l’Alliance a été déposée en preuve. Sous forme de colonnes, elle donne la date à laquelle du travail a été accompli, l’avocat ou l’étudiant qui l’a accompli (selon ses initiales), une brève description du travail accompli à la date précisée, le temps qui lui a été consacré et le taux horaire de la personne qui l’a réalisé. Seuls le taux horaire et le nombre d’heures consacré au travail étaient caviardés sur la facture préalable. Cette dernière était composée de 13 pages; cependant, le travail effectué sur le dossier jusqu’à la date à laquelle le PE a été signé représentait un peu plus de 11 pages.

[99]  Selon la facture préalable, un travail a été accompli pour la première fois sur le dossier le 18 septembre 2013.

[100]  Dans un courriel envoyé le 27 septembre 2013, Mme Devine a transmis à Andrew Raven une copie de la déclaration du 21 août. Elle y a joint le courriel du 2 septembre du plaignant, dans lequel il lui a transmis la déclaration du 21 août.

[101]  Selon le témoignage de Mme McGregor, elle a reçu les documents du dossier de l’Alliance le 1er octobre 2013, puis elle les a lus du 1er au 4 octobre et le 7 octobre 2013, et elle a rédigé une note de service sur le dossier les 11 et 15 octobre 2013. La première entrée de M. Cameron apparaît le 17 octobre 2013, jour où il a examiné la note de service de Mme McGregor et l’a rencontrée ainsi que M. Raven.

[102]  Mme McGregor a déclaré que sa note de service originale était mise à jour de temps à autre et qu’il s’agissait d’un travail en cours.

[103]  Le 28 octobre 2013, Mme McGregor a rédigé une note de service pour le dossier du plaignant, dont les parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

J’ai appelé P. Wurdell afin de discuter des documents auxquels il fait référence dans sa « chronologie des événements », en particulier les courriels « coercitifs » de la direction envoyée à Sheryl-Ann Heaman pour lui dire ce qu’elle pouvait communiquer dans le cadre de l’enquête Anper.

Il m’a dit qu’il me transmettrait ces documents par courriel. Il avait aussi des déclarations d’autres témoins.

À titre d’exemple, un ancien gestionnaire d’usine a affirmé que lors de rencontres avec la direction de l’ACIA (avant le début de l’enquête), cette dernière a mentionné le nouveau système d’insigne d’identification pour les employés. L’ancien gestionnaire d’usine a demandé s’il y aurait une cérémonie pour remettre ces insignes aux inspecteurs de l’ACIA et la direction de l’ACIA a répondu : « Non, il y aura une cérémonie lorsque les insignes seront repris ».

[…]

 

[104]  Le 1er novembre 2014 à 14 h 10, Mme McGregor a fait parvenir courriel à M. Cameron et à Mme Côté, dont voici la partie pertinente :

[Traduction]

Après plusieurs tentatives infructueuses, j’ai communiqué avec M. Wurdell par téléphone le 28 octobre 2013. Je l’ai interrogé au sujet des courriels « coercitifs » de l’employeur dont il parle dans sa « chronologie des événements » et la déclaration écrite de Sheryl Heaman. Il m’a dit qu’il avait des copies de ces documents et qu’il me les enverrait par courriel, mais je ne les ai toujours pas reçus. Je vais faire un suivi en envoyant un autre courriel à M. Wurdell cet après-midi.

[…]

 

[105]  La première rencontre entre le plaignant, M. Cameron et Mme McGregor a eu lieu le 3 décembre 2013. M. Cameron et Mme McGregor ont témoigné à son sujet et leurs notes manuscrites ont été déposées en preuve. Les deux notes contiennent de brefs renseignements griffonnés. Les deux mentionnaient deux domaines généraux de préoccupation, l’un étant la santé et la sécurité et l’autre, le comportement.

[106]  M. Cameron a déclaré que l’objet de la première rencontre consistait à rencontrer le plaignant et à comprendre ce qu’il voulait obtenir au moyen du grief. M. Cameron a déclaré qu’ils ont discuté de la conclusion d’un règlement et qu’ils voulaient savoir quelle était son idée d’une bonne entente. M. Cameron a dit que son obligation professionnelle consistait à offrir au plaignant une indication de ses chances de succès et de ce qui était possible et probable. M. Cameron a déclaré que les deux principales questions étaient la santé et la sécurité ainsi que le comportement.

[107]  Le plaignant n’a pas témoigné au sujet de cette rencontre dans le cadre de son témoignage principal. En contre-interrogatoire, il a confirmé que les questions relatives à la santé et à la sécurité et au comportement ont été soulevées à la rencontre du 3 décembre et que M. Cameron avait indiqué qu’il s’agissait de préoccupations. Il a aussi confirmé que le plaignant n’avait pas exclu la conclusion d’un règlement avec l’ACIA, dans la mesure où les modalités étaient acceptables.

[108]  Une copie à jour de la note de service en cours de Mme McGregor relative au dossier de plaignant, du 14 avril 2014, a été déposée en preuve. Le passage pertinent de cette note est rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Le 2 septembre 2013, M. Wurdell a transmis deux documents à l’AFPC qui, selon lui, sont la preuve qui permet de remettre en question l’intégrité de l’enquête Anper. M. Wurdell a écrit une « Chronologie des événements : participation de Sheryl‑Ann Heaman à l’enquête ACIA Sud-Ouest/Anper Management Consultant en ce qui concerne Paul Wurdell, [M. A] [nom omis] ». Sheryl-Ann Heaman était un témoin à l’enquête et elle a suivi une formation à l’usine où travaillaient les fonctionnaires s’estimant lésés. Durant l’enquête, elle a fait des déclarations très négatives au sujet de ces derniers. Toutefois, elle est revenue sur sa déclaration et elle affirme qu’elle a subi des pressions de la direction de l’ACIA pour formuler ces commentaires négatifs. Le deuxième document fourni par M. Wurdell est une déclaration signée de Mme Heaman. Selon la chronologie et la déclaration de Mme Heaman, il y a eu de nombreux courriels et appels téléphoniques coercitifs pour l’inciter à fournir des renseignements précis et faux à Anper. M. Wurdell n’a pas fourni de copie de ces courriels. J’ai parlé avec M. Wurdell au sujet de cette question, mais il n’a pas été en mesure de fournir des copies de ces courriels « coercitifs ». Il a fourni des copies de lettres de soutien de certains de ses collègues.

Même s’il y a une preuve de coercition, Mme Heaman était l’un des nombreux témoins et son témoignage ne serait probablement pas nécessaire pour permettre à l’employeur de gagner sa cause.

[…]

Allégation no 2 : Violation des protocoles établis 

Il s’agit peut-être des allégations les plus graves. Dans une note de service interne, l’AFPC était particulièrement préoccupée par un risque possible pour la santé et la sécurité étant donné la récente campagne sur la salubrité des aliments. L’enquête a confirmé les allégations d’hygiène inadéquate, y compris en ce qui concerne le lavage des mains, l’utilisation de filets à cheveux et à barbe et la stérilisation des bottes par le personnel de l’ACIA. Un vétérinaire a aussi noté que les inspecteurs n’effectuaient pas le nombre requis d’essais de sécurité. On a aussi entendu les inspecteurs critiquer les procédures de santé et de sécurité devant le personnel de l’usine. Cette question est particulièrement problématique parce que les inspecteurs de l’ACIA sont censés établir les normes de santé et de sécurité pour l’usine.

[…]

M. Wurdell a déclaré que parfois il ne trempait pas ses bottes parce que l’eau était trop sale; toutefois, la propreté et la disponibilité de ces stations de nettoyage de bottes relèvent de la responsabilité d’un inspecteur de l’ACIA. Il a aussi donné une mauvaise description du nombre de serviettes de nettoyage dans les entrées de l’usine pour la stérilisation des bottes.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[109]  Le 30 avril 2014, M. Cameron a rencontré MM. Orfald et Kingston. M. Cameron a affirmé que son cabinet est payé pour offrir à l’Alliance un point de vue honnête. À son avis, la contestation du grief du plaignant serait une bataille très difficile et il n’aurait probablement pas gain de cause.

[110]  Lorsque l’avocat du plaignant lui a demandé ce qui l’avait amené à cette conclusion, il a déclaré qu’il s’agissait essentiellement des préoccupations en matière de santé et de sécurité indiquées dans l’enquête Anper. Il a déclaré que son cabinet gère uniquement les affaires en matière du droit du travail et de l’emploi. Selon son expérience, un arbitre de grief maintient une mesure disciplinaire, même pour un employé ayant de longs états de service, lorsque l’inconduite de ce dernier vise l’essence même de l’emploi pour lequel il est payé; c’est fondamental à la rupture du lien de confiance concernant une fonction de travail essentielle. Il a donné l’exemple d’un agent des services frontaliers qui permettrait l’entrée au pays d’un colis de drogue ou d’un employé d’un secteur financier qui vole de l’argent. Ces violations visent l’essence même de la fonction de l’organisation et des tâches des employés.

[111]  Il a dit que le travail du plaignant consistait à assurer la salubrité de l’approvisionnement alimentaire et que c’était la raison pour laquelle il allait au travail tous les jours. Le problème avec le cas du plaignant est que les allégations de l’enquête visaient l’essence même des tâches qu’il était payé pour accomplir. Il a dit qu’il pourrait décrire le plaignant comme une bonne personne et l’ACIA comme un mauvais employeur, mais au bout du compte, la décision de licenciement reviendrait à ce pour quoi il était payé et aux allégations en matière de santé et de sécurité.

[112]  M. Cameron a dit qu’en se rendant à la rencontre aux bureaux de l’Alliance, il était très craintif et qu’il a été surpris d’apprendre que MM. Orfald et Kingston partageaient ses préoccupations. À ce moment, l’Alliance l’a informé qu’elle ne représenterait pas le plaignant à l’audience devant la CRTFP.

[113]  M. Kingston a confirmé qu’il s’est présenté à la rencontre du 30 avril 2014 avec MM. Cameron et Orfald. Il a dit qu’il s’est rappelé avoir écouté et que M. Cameron parlait. Il a dit que M. Cameron était parvenu à la même conclusion que la sienne, à savoir que les chances de succès du grief du plaignant à une audience devant la CRTFP étaient minces. M. Cameron a fortement recommandé un règlement. Il a dit qu’à la fin de la rencontre, lui-même et M. Orfald ont décidé que l’Alliance n’irait pas plus loin avec le grief, à l’exception du processus de règlement.

[114]  Le 5 mai 2014, M. Cameron a écrit une lettre d’avis (l’« avis Cameron ») adressée à M. Orfald à l’Alliance, qui a été envoyée par courriel à 14 h 18 cette journée-là. Les parties pertinentes de cette lettre indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les conclusions les plus graves du rapport (rapport Anper) sont liées à une violation des protocoles établis de l’ACIA. Non seulement le rapport a conclu que les fonctionnaires s’estimant lésés n’appliquaient pas les normes appropriées parmi le personnel de l’Éta. 419, mais ils ne respectaient pas non plus ces normes eux‑mêmes. Comme un témoin, un inspecteur collègue de l’ACIA, l’a déclaré : « si l’organe de réglementation ne respecte pas le règlement, comment peut-il l’appliquer? ». Ces violations comprenaient l’omission de porter des filets à cheveux et à barbe, d’avoir un inspecteur sur le plancher à tout moment et d’assurer la température sécuritaire de l’eau durant l’abattage. À la question de savoir pourquoi les gens de l’usine ne stérilisaient pas leurs bottes conformément à la procédure, un employé a dit que c’était parce que l’eau dans les plateaux était noire et sale; selon le témoignage des fonctionnaires s’estimant lésés, ils ne connaissaient pas le nombre de stations de lavage de bottes dans l’usine ou ne savaient pas qu’ils avaient la responsabilité de veiller à ce que ces stations de stérilisation soient propres et accessibles.

Une employée de l’usine s’est dite soulagée de constater que les nouveaux inspecteurs de l’ACIA suivaient correctement les procédures comparativement à [M. A] et à M. Wurdell. Lorsqu’elle a appris que les nouveaux inspecteurs de l’ACIA appliquaient la politique établie, elle a déclaré ce qui suit :

« J’étais heureuse, parce que je ne mange plus de porc depuis les deux dernières années à cause de la négligence des inspecteurs. Il y a une différence maintenant, ces inspecteurs font ce qu’ils sont censés faire ».

Il y a également un autre témoignage dans le rapport selon lequel les fonctionnaires savaient qu’ils ne respectaient pas la procédure parce qu’ils amélioraient intentionnellement leur rendement lorsque leurs superviseurs étaient présents, sans doute pour couvrir leur approche normalement laxiste par rapport à la procédure.

De nombreux témoins ont exprimé des préoccupations quant à la familiarité entre les fonctionnaires s’estimant lésés et certains employés de l’usine (phrase partiellement caviardée). On voyait régulièrement certains employés de l’usine dans les bureaux de l’ACIA. La préoccupation relative à ce comportement est que les inspecteurs de l’ACIA doivent demeurer indépendants pour effectuer les inspections de l’abattage et que les relations personnelles étroites peuvent influencer leur objectivité. Pour ce qui est du milieu de travail respectueux et des plaintes du personnel de l’usine, de nombreux témoins ont déclaré que les fonctionnaires s’estimant lésés manquaient de respect et formulaient régulièrement des commentaires déplacés, désobligeants et sexistes au travail. Bien que la plupart des personnes travaillant à l’Éta. 419 reconnaissent probablement que le langage vulgaire et les remarques sexistes sont fréquents dans l’usine, le rapport démontre un comportement déplacé en contravention du Code de conduite de l’ACIA. Les gens craignaient également des représailles de la part des fonctionnaires s’estimant lésés, y compris des conséquences financières négatives pour l’usine, si quiconque faisait quoi que ce soit qui les contrariait ou contrariait leurs amis dans l’usine.

[…]

PRÉOCCUPATIONS AU SUJET DE L’ENQUÊTE

[…]

Les deux fonctionnaires s’estimant lésés ont exprimé des préoccupations au sujet de l’enquête. Un témoin, Sheryl Heaman, une autre inspectrice de l’ACIA, qui a fourni un témoignage défavorable, en particulier en ce qui concerne le milieu de travail respectueux, s’est depuis rétractée. Elle a affirmé avoir été contrainte par la direction de l’ACIA et l’enquêtrice de fournir un témoignage négatif en échange d’un traitement favorable au travail. M. Wurdell et Mme Heaman ont déclaré que des courriels permettaient de démontrer cette contrainte, mais malgré les nombreuses demandes de notre cabinet pour obtenir ces renseignements, ils n’ont fourni aucune preuve concrète. Étant donné que Mme Heaman a radicalement modifié son témoignage et compte tenu du fait que sa version actuelle des événements démontre une volonté de mentir pour obtenir un gain personnel, sa crédibilité à l’audience pourrait soulever de sérieuses préoccupations. Il est peu probable que son témoignage se voit accorder beaucoup de poids à une audience. De plus, son témoignage ne porte pas en détail sur les allégations de violation de la procédure de l’ACIA, lesquelles sont les plus graves à notre avis.

[…]

ANALYSE

À l’audience, l’employeur déposera une preuve convaincante concernant l’omission des fonctionnaires s’estimant lésés de suivre et d’appliquer les procédures de l’ACIA et sur leur comportement négatif au travail. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est peu probable que les licenciements soient infirmés ou que le résultat soit positif pour les fonctionnaires s’estimant lésés ou le syndicat.

Le rôle des inspecteurs de l’ACIA consiste à assurer le respect des procédures directement liées à la salubrité des aliments afin de protéger le public. Parmi les témoins potentiels de l’employeur, il y aura non seulement les gestionnaires de l’ACIA et ceux de l’Éta. 419, qui ont un intérêt pour le licenciement des fonctionnaires s’estimant lésés, mais également des inspecteurs, des vétérinaires et des employés de l’usine qui ont peu d’intérêt personnel quant au résultat de cette affaire. L’employeur ne devrait faire comparaître qu’un petit nombre de ces témoins pour démontrer de graves préoccupations quant au comportement des fonctionnaires s’estimant lésés qui pourrait avoir permis, ou qui a réellement permis, l’entrée de produits non hygiéniques dans l’approvisionnement alimentaire canadien.

Nous sommes d’avis que la direction soutiendra que l’affaire établit que la perte de confiance dans les fonctionnaires s’estimant lésés est justifiée et qu’elle concerne l’essence même de la relation d’emploi. Le travail des fonctionnaires s’estimant lésés consistait à assurer le contrôle de la salubrité des aliments produits aux usines qu’ils inspectaient. Ils ont sciemment omis de le faire. L’avocat de l’employeur peut très bien exploiter les préoccupations de l’arbitre de grief en ce qui concerne la santé des personnes et des familles. Malheureusement pour les fonctionnaires s’estimant lésés, l’employeur pourra facilement maintenir le licenciement.

L’AFPC a très bien précisé sa position sur le rôle des inspecteurs de l’ACIA et l’incidence positive qu’ils ont sur l’approvisionnement alimentaire canadien. La preuve dans cette audience deviendra publique et si l’AFPC figure au dossier pour ces fonctionnaires s’estimant lésés, cette participation aura une incidence négative sur la perception publique du rôle des membres de l’AFPC sur la salubrité alimentaire.

CONCLUSION

Il est peu probable que les griefs de [M. A] et de M. Wurdell soient accueillis. Nous recommandons que l’AFPC ne poursuive pas sa représentation dans le dossier. Comme les dates d’audience approchent, il est important qu’une décision soit prise et communiquée aux fonctionnaires s’estimant lésés le plus rapidement possible.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[115]  Dans le cadre de son interrogatoire principal, M. Cameron a confirmé ses préoccupations quant à Mme Heaman et à sa déclaration. On lui a également posé des questions à propos de la position de l’Alliance sur la salubrité des aliments. Il a répondu en déclarant que lui-même et son cabinet sont payés pour réfléchir de façon générale, au-delà d’un dossier en particulier. Ils se consacrent au droit du travail et gèrent une grande quantité de dossiers dans ce domaine pour l’Alliance. Ils peuvent modeler le droit du travail en faisant avancer de bons cas. Il a dit qu’il connaît l’importance du travail des inspecteurs de l’ACIA et du fait d’assurer la salubrité des aliments. Il a affirmé que dans ce paragraphe, il a renvoyé aux conséquences politiques possibles pour l’Alliance.

[116]  Dans le cadre de son interrogatoire principal, on a montré au plaignant une copie de l’avis Cameron qui lui avait été remise et qui comportait certaines annotations, qu’il a reconnues comme les siennes. On lui a montré une partie de l’avis à la page 3. Il était question de lui-même et de Mme Heaman et de l’existence d’une chaîne de courriels qui permettaient de démontrer la contrainte subie par Mme Heaman pour fournir un témoignage négatif en échange d’un traitement favorable au travail par la direction de l’ACIA et Mme Pereira. Il avait à la fois encerclé cette mention et placé un astérisque à côté. Il a déclaré que, selon l’avis Cameron, la chaîne de courriels n’a jamais été fournie, mais elle l’a été dans les faits, avec de nombreux autres courriels.

[117]  Le 8 mai 2014, M. Orfald a fait parvenir un courriel à M. Cameron pour lui dire ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Nous avons le feu vert de la part de Krista et Robyn sur l’avis et la communication de la nouvelle et des options aux fonctionnaires s’estimant lésés. De toute évidence, nous ne pouvons plus le faire cet avant-midi. Bob a confirmé qu’il est disponible demain durant la période dont nous avons discuté : de 13 h à 15 h. Pouvez-vous tenter d’organiser la rencontre?

[…]

[118]  On a demandé à Mme McGregor si elle s’était formé une opinion au sujet du cas du plaignant vers cette époque. Elle a répondu qu’elle l’avait fait, mais elle a précisé qu’elle n’était qu’une stagiaire à l’époque. Elle a déclaré qu’elle entrevoyait des obstacles importants si le grief était entendu du point de vue des questions relatives à la salubrité des aliments. Elle a dit que le plaignant avait promis l’envoi d’une grande partie de la preuve, mais le cabinet Raven ne l’a pas vue. Ils (elle-même et M. Cameron) n’avaient pas vu d’éléments de preuve qui portaient sur les allégations de salubrité des aliments.

[119]  Le 12 mai 2014, une rencontre téléphonique (la « rencontre du 12 mai ») a eu lieu à laquelle ont assisté le plaignant, MM. Cameron, Orfald et Kingston et Mme McGregor. MM. Cameron et Orfald ainsi que Mme McGregor se trouvaient dans le bureau de M. Cameron. Ils ont appelé M. Kingston et le plaignant. Durant l’appel, le plaignant a appris que l’Alliance ne le représenterait pas à l’arbitrage, mais qu’elle le représenterait dans les négociations de règlement avec l’employeur.

[120]  En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé les éléments suivants de l’appel :

  • MM. Cameron, Orfald et Kingston ont dit que leur décision ne visait pas à dissimuler l’affaire;
  • M. Cameron lui a dit que ses chances de succès étaient négligeables;
  • M. Cameron lui a dit que la salubrité des aliments était le facteur essentiel;
  • M. Cameron a recommandé la négociation d’un règlement;
  • MM. Orfald et Kingston ont expliqué que la salubrité des aliments représentait un problème important;
  • M. Cameron lui a dit qu’il recommandait à l’Alliance de ne pas le représenter à l’audience;
  • M. Cameron lui a dit que s’il pensait qu’il y avait une chance raisonnable de succès, il aurait recommandé à l’Alliance de donner suite au grief;
  • M. Cameron lui a dit qu’il pouvait poursuivre le grief à l’arbitrage de son propre chef, mais que la meilleure option était de conclure un règlement;
  • M. Cameron lui a dit que s’il donnait suite à son grief de son propre chef, il perdrait probablement et ne recevrait rien;
  • il a compris que s’il poursuivait son grief et perdait, son inconduite deviendrait publique, ce qui pourrait lui nuire ainsi qu’à ses possibilités d’emploi à l’avenir;
  • il a demandé à M. Cameron de le représenter (sans le soutien de l’Alliance) à l’audience devant la CRTFP, mais M. Cameron a dit qu’il ne le ferait pas.

 

[121]  Le 23 mai 2014, le plaignant a envoyé un courriel à Mme McGregor, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je fais simplement un suivi avec vous en ce qui concerne notre conversation téléphonique du mercredi 21 mai 2014.

Durant cette conversation, j’ai indiqué que, d’ici le vendredi 23 mai 2014 (aujourd’hui), s’il n’avait aucune réponse de la part de l’avocat de l’ACIA en ce qui concerne une offre de règlement ou s’il y avait une offre de règlement que je n’estimais pas acceptable, je demanderai à James d’obtenir l’ajournement de l’affaire par la CRTFP aujourd’hui à l’occasion de sa téléconférence avec les représentants de cette dernière, laquelle, selon vous, était prête à être instruite.

En clair, je demande que cette affaire soit ajournée puisqu’il n’est plus du tout possible que nous puissions être prêts à procéder à l’audience à ces dates en juin parce que nous avons été avisés tardivement des derniers développements.

Je crois que si l’employeur veut tenter de conclure un règlement après l’ajournement, nous pourrons nous en inquiéter à ce moment.

Je demande aussi que cette affaire soit ajournée le plus loin possible pour que j’aie le temps de préparer le dossier et mon affaire avec mon représentant. Je préférais un délai de six mois ou plus.

 

[122]  Le 23 mai 2013, une conférence préparatoire à l’audience a eu lieu avec le commissaire de la CRTFP affecté au grief du plaignant. La remise des dates audience en juin a été demandée. La CRTFP a aussi appris que si l’affaire était instruite, l’Alliance ne représenterait pas le plaignant.

[123]  En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé que, le 23 mai 2014, il envisageait de donner suite à son grief lui-même; toutefois, il était aussi ouvert à un règlement. Il a déclaré qu’à ce moment, il avait aussi l’intention de trouver un représentant.

[124]  Après la rencontre du 12 mai, MM. Cameron et Kingston et Mme McGregor ont participé activement à la négociation d’un règlement au nom du plaignant, laquelle a semblé commencer véritablement à la fin mai 2014. Pendant cette période, le plaignant a continué de faire pression auprès de l’Alliance pour qu’elle le représente à une audience d’arbitrage devant la CRTFP.

[125]  Des négociations importantes ont eu lieu, notamment les discussions que M. Cameron a eues avec le plaignant et l’avocat de l’employeur. Parfois, différentes personnes de l’Alliance, ainsi que M. Kingston, obtenaient des copies conformes des courriels pertinents. Un règlement a été conclu avec l’employeur, lequel a été consigné par écrit dans le PE et signé par le plaignant le 19 ou le 20 juin 2014.

[126]  Les modalités suivantes du PE sont pertinentes à la présente affaire :

[Traduction]

[…]

9. L’employé accepte de retirer son grief et sa plainte par écrit (mentionnés ci-dessus comme dossier de la CRTFP nos 566-32-8855 et 560-32-92) à la signature de la présente entente et de confirmer le retrait par écrit au greffe de la CRTFP dans les 24 heures suivant la signature de la présente entente et de présenter une demande de fermeture des dossiers et d’annulation des audiences prévues dans ces dossiers. L’employé fournira à l’employeur et à l’avocate du Conseil du Trésor, Mme Christine Langill, une copie du retrait et de la communication à la CRTFP pour leurs dossiers.

[…]

11. L’employé accepte aussi de retirer tout grief et plainte qu’il a déposé durant son emploi auprès de l’employeur, y compris, sans toutefois s’y limiter, ceux indiqués à l’annexe D; il s’agira d’un retrait irrévocable de ces griefs et plaintes à tous les niveaux.

[…]

RENONCIATION DÉFINITIVE

14. En signant l’entente ci-dessous, PAUL WURDELL convient de ce qui suit :

a) il a lu et compris et il accepte les modalités de la présente entente et il confirme que les faits indiqués dans le préambule sont exacts et vrais;

b) la présente constitue le contenu intégral de l’entente conclue par les parties, et il n’existe aucune autre garantie ou modalité verbale ou écrite;

c) il signe la présente entente de façon volontaire, sans contrainte ni promesse de récompense, de son plein gré;

d) il a demandé un avis juridique indépendant en ce qui concerne les modalités de la présente entente auprès de son agent négociateur ou d’une autre personne, ou il renonce sciemment et volontairement à cet avis, comprenant pleinement et acceptant les modalités de la présente entente.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[127]  Dans le cadre de son interrogatoire préalable, le plaignant a déclaré qu’il n’avait jamais souhaité un règlement, que son objectif a toujours été de récupérer son travail et qu’il a fait l’objet de pressions et de contraintes pour signer le PE. En contre‑interrogatoire, il a reconnu avoir lu le PE avant de le signer.

[128]  Le 19 juin 2014, M. Cameron s’est fait parvenir un courriel à lui-même, lequel était rédigé comme suit :

[Traduction]

Appel téléphonique à Paul Wurdell

Voir le courriel envoyé à Krista

J’ai examiné le PE modifié avec lui. Pas de questions.

Il m’a demandé si c’était une bonne affaire et je lui ai répondu que je pensais que c’était le cas. Er [employeur] retirera son offre à midi s’il ne la signe pas.

Il a dit qu’il n’avait pas d’autre choix que de signer puisque l’AFPC s’était retirée. Il devait se préparer pour sa prochaine bataille.

Il a noté que j’avais parlé avec Jason Garnett. Il a dit que le fait de parler avec les témoins était maintenant trop tard puisque l’AFPC s’était déjà retirée et que cela ne ferait aucune différence.

Je lui ai dit que s’il comptait signer le protocole d’entente, de le faire et de m’envoyer les documents par courriel ou télécopieur et de me faire parvenir les originaux par courrier. L’AFPC doit aussi signer, alors le plus tôt sera le mieux, étant donné le délai à midi.

Il m’a remercié et m’a rappelé d’inclure une note indiquant qu’une [modalité du PE] serait transmise bientôt.

[…]

[129]  Le jeudi 19 juin 2014 à 11 h 42, le plaignant a fait parvenir à M. Cameron un courriel indiquant : [traduction] « Voici les documents que l’on m’a demandé de signer et d’accepter. Veuillez me faire savoir dès que possible si vous laissez les avez reçus. » Le vendredi 20 juin 2014 à 14 h 09, M. Cameron a fait parvenir au plaignant un courriel qui était rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai vos documents de règlement signés. Je vais les transmettre à l’AFPC pour signature et les envoyer à l’employeur accompagné de la note indiquant que vous avez l’intention de fournir une [modalité du PE].

Je tiens à vous préciser que je ne vous ai pas demandé de signer les documents, je vous ai recommandé de le faire. Il est évident que si vous n’aviez pas signé ni retourné les documents au plus tard à midi aujourd’hui, l’offre aurait été retirée, comme l’employeur l’a répété à plusieurs reprises.

[…]

 

[130]  L’employeur avait fixé une date limite à midi le vendredi 20 juin 2014 pour recevoir le PE signé, à défaut de quoi il n’y aurait pas de règlement. M. Cameron a fait parvenir par courriel à l’avocat de l’employeur le PE signé par le plaignant et l’Alliance à 11 h 13 le 20 juin 2014.

[131]  À 8 h 05 le 1er juin 2014, à un moment essentiel des négociations, alors que le cabinet Raven et l’avocat de l’employeur négociaient le règlement et se relançaient sur les modalités principales, le plaignant a fait parvenir à M. Cameron et à Mme McGregor un courriel rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Je me rends dans le Nord pour quelques jours avec ma famille pour des raisons personnelles hors de mon contrôle.

J’aurai un accès au courriel ou à un téléphone très limité, voire aucun, durant cette période.

Si je ne le fais pas avant […], je vous parlerai à mon retour.

J’espère que vous avez reçu les nombreux courriels que je vous ai fait parvenir en copie conforme pendant la fin de semaine.

[…]

 

[132]  Le lundi 2 juin 2014, M. Cameron et le plaignant se sont parlé. Selon M. Cameron, un règlement de principe était en vigueur, en attendant la confirmation d’un renseignement précis par l’employeur. Une copie de la note manuscrite faite par M. Cameron de l’appel a été déposée en preuve. Sa dernière note indiquait ce qui suit : [traduction] « de retour jeudi au plus tard ».

[133]  Le lundi 2 juin 2014, l’avocat de l’employeur a fait parvenir un courriel à M. Cameron comportant une offre révisée de la disposition en suspens du règlement proposé et il a indiqué que l’offre était en vigueur jusqu’à 17 h cette journée-là. M. Cameron fait parvenir sa réponse par courriel, comme suit :

[Traduction]

[…]

J’ai fait parvenir par courriel à Paul Wurdell l’offre de votre client et j’ai souligné le délai.

Malheureusement, il nous a avisés par courriel dimanche qu’il devait partir pour une urgence familiale dans le Nord et que son accès à ses courriels serait problématique.

Je vous reviendrai dès que j’aurai des instructions.

[…]

 

[134]  Le mercredi 4 juin 2014, l’avocat de l’employeur a transmis un PE provisoire à M. Cameron. Il a déclaré qu’il comprenait que, selon ce que lui avait dit le plaignant, ce dernier serait de retour jeudi. Il a affirmé avoir dit à l’avocat de l’employeur de transmettre le PE et qu’il tenterait de joindre le plaignant.

[135]  Le jeudi 5 juin 2014 à 17 h 04, l’avocat de l’employeur a fait parvenir un courriel à M. Cameron indiquant ce qui suit : [traduction] « Selon ma compréhension, vous rencontrez votre client aujourd’hui; veuillez transmettre le règlement signé et dès que je l’aurai reçu, je le transmettrai à mon client, merci ». M. Cameron a répondu à 18 h la même journée, déclarant : [traduction] « Je n’ai pas entendu parler de lui aujourd’hui et je lui ai envoyé un courriel. Je refais la même chose maintenant et j’espère avoir des nouvelles demain. »

[136]  M. Cameron a déclaré qu’immédiatement après avoir répondu au courriel de l’employeur à 18 h, il a fait parvenir un courriel au plaignant, indiquant ce qui suit : [traduction] « Veuillez communiquer avec moi au plus tôt au sujet de l’offre de règlement de l’employeur et de votre accord de principe. »

[137]  Le vendredi 6 juin 2014 à 11 h 39, M. Orfald a envoyé un courriel à M. Kingston, l’avisant qu’il lui avait laissé un message vocal, mais qu’il faisait un suivi par courriel. Le courriel indiquait que M. Cameron n’avait pas eu de nouvelles du plaignant malgré lui avoir fait parvenir un nouveau courriel la veille au soir. Selon le courriel, le plaignant travaillait pour le bureau régional du 16 mai au 5 juin, était inscrit en tant que délégué à la convention régionale en Ontario de l’Alliance et il avait été vu à la convention avec Mme Kurtz-Cooke. Le courriel indiquait aussi que ses défenseurs avaient rédigé un règlement d’urgence supposément pour demander à l’Alliance de remplir son obligation de le représenter équitablement.

[138]  Toujours le vendredi 6 juin 2014 à 13 h 58, le plaignant a appelé au bureau de M. Cameron pour fixer un rendez-vous afin de parler à ce dernier le lundi 9 juin 2014 en après-midi.

[139]  En contre-interrogatoire, on a montré au plaignant son courriel envoyé à M. Cameron le 1er juin 2014 indiquant qu’il se rendait dans le Nord avec sa famille pour des raisons personnelles et qu’il serait presque impossible à joindre. Il a admis qu’en fait il n’est pas allé dans le Nord avec sa famille, mais qu’il a plutôt assisté à une conférence de l’Alliance à Mississauga, en Ontario. Il a reconnu qu’il ne voulait pas être joint par M. Cameron et qu’il tentait activement d’éviter d’être joint par lui. Il a aussi reconnu avoir travaillé pour le bureau régional de l’Alliance et avoir fait des appels téléphoniques.

D.  Les autres témoins potentiels du plaignant (à l’exclusion de Mme Heaman)

[140]  Le 25 mai 2014, le plaignant a fait parvenir un courriel à M. Cameron, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Avant demain matin, je vous enverrai une liste des personnes et des témoins qui doivent être contactés. Ces personnes et témoins, à qui je n’ai pas parlé, peuvent témoigner au sujet des allégations formulées contre moi, les réfuter et les discréditer. Il ne s’agit pas de toutes les personnes et de tous les témoins que je vais présenter, mais c’est un début qui vous permettra de commencer à travailler conformément au courriel qui suit.

Les personnes nommées dans la liste sont des employés de l’ACIA et des employés de l’usine avec qui je travaille de façon régulière à cette installation.

J’ai eu, avec Bronwyn Kurtz-Kook et [Mme D], une longue conversation en personne avec Bob Kingston samedi dernier, le 24 mai 2014, au cours de laquelle nos préoccupations lui ont été présentées en ce qui concerne la décision de l’AFPC, du Syndicat de l’agriculture et vous-même de vous retirer du dossier et de cesser la représentation. Il nous a garanti que si cette nouvelle liste de témoins et de renseignements était présentée et examinée plus en détail, la décision de cesser la représentation dans mon dossier serait revue et examinée et, idéalement, modifiée.

[…]

 

[141]  Le 26 mai 2014, le plaignant a fait parvenir un courriel à M. Cameron, en faisant parvenir une copie conforme à Mmes McGregor et Kurtz-Cooke et il a joint une liste de témoins composée de sept noms (la « liste de témoins de 2014 »). Le courriel était rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Voici des renseignements et des noms pour commencer.

Encore une fois […], comme je vous l’ai mentionné hier, ce n’est pas une liste complète des personnes et des témoins je veux présenter.

J’attends avec impatience de vous parler aujourd’hui.

[…]

 

[142]  La liste de témoins de 2014 comprenait les adresses électroniques et les numéros de téléphone des personnes dont le nom y figurait. Il n’y avait aucune information quant au témoignage de chaque témoin qui serait utile au plaignant. En fait, la liste de témoins de 2014 contenait les sept premiers noms de la liste de témoins de 2013.

[143]  Les quatre noms de la liste de témoins de 2013 qui ne figuraient pas sur la liste de témoins de 2014 étaient ceux de M. Garnett, de Mme Kurtz-Cooke, de Mme Heaman et de Mme C.

[144]  J’ai déjà mentionné le témoignage de Mme Heaman celui de M. Garnett prononcés devant moi. Mmes Kurtz-Cooke et Mme C n’ont pas témoigné devant moi. La liste de témoins de 2013 renferme les renseignements suivants au sujet de Mme Kurtz‑Cooke et de Mme C :

[Traduction]

[…]

[Mme C] – ACIA – il s’agissait d’une collègue de travail et d’une inspectrice EG-03 comme moi. [Mme C] était aussi l’un des témoins clés mentionnés par l’employeur dans l’enquête. [Mme C] a depuis rétracté sa déclaration et a révélé la vérité sur la façon dont l’employeur l’a utilisée pour lui fournir de faux renseignements à mon sujet et sur mes actions. Même si ces renseignements ont été transmis l’AFPC ou à James Cameron, elle n’a jamais reçu d’appel de quiconque pour lui demander d’autres renseignements, des précisions ou une déclaration écrite.

[…]

Bronwyn Kurtz-Cooke – ACIA – il s’agissait d’une collègue de travail et d’une inspectrice EG-03 comme moi. Bronwyn était aussi l’une des personnes à qui Sheryl Heaman et [Mme C] se sont adressées lorsqu’elles ont rétracté leur déclaration. Bronwyn participait aussi à la rencontre que nous avons eue avec Krista Devine le 1er mai 2013 et le 28 août 2013 à Ottawa au bureau de l’AFPC lorsque ces nouveaux renseignements ont été transmis à l’agent négociateur.

[…]

 

[145]  Le paragraphe de la liste de témoins de 2013 pour Sheryl Heaman est exactement le même que le paragraphe précédent visant Mme C, sauf que le nom de Mme Heaman a été remplacé par celui de Mme C.

[146]  Après avoir reçu la liste de témoins de 2014, M. Cameron a demandé à Mme McGregor de communiquer avec les personnes dont le nom figurait sur la liste. Ses notes imprimées ont été déposées en preuve. Elle a parlé avec les sept personnes dont le nom figurait sur la liste. Selon elle, la liste des témoins posait les difficultés suivantes :

  • certains témoins n’étaient pas présents durant la période pertinente;
  • certains travaillaient avec le plaignant de façon ponctuelle seulement;
  • certains étaient en colère contre la direction pour les mêmes raisons que le plaignant, mais leurs propos ne concernaient pas les allégations d’inconduite visant le plaignant.

 

[147]  Un échange de courriels entre Mme C et Christine Langill, l’avocate de l’employeur, daté du 16 et du 29 mai 2014, qui a été transmis à Mme Kurtz-Cooke le 7 juin 2014 et à Mmes Devine et Benson et au bureau de M. Cameron le 9 juin 2014 a été déposé en preuve. Mme Langill a fait parvenir à Mme C un courriel dans lequel elle l’informait quelle était l’avocate assignée pour représenter l’employeur dans le grief de licenciement devant la CRTFP et qu’elle la contactait parce qu’elle avait été désignée comme témoin pour l’ACIA. Mme Langill a demandé à la rencontrer au cours de la semaine suivante.

[148]  Dans sa réponse du 29 mai 2014, Mme C a laissé entendre qu’elles avaient eu une conversation le 27 mai 2014; toutefois, on ne sait pas si c’était en personne ou par téléphone. Elle a ensuite affirmé que, lorsqu’elle a mentionné le comportement du plaignant et celui de M. A, elle décrivait une époque de culture différente à l’ACIA.

[149]  Mme C a été interrogée dans le cadre de l’enquête Anper. Son nom est en évidence dans le rapport final en ce qui concerne la première et la troisième allégations.

[150]  Le 26 mai 2014, le plaignant a transmis une série de courriels au sujet de Mme C à M. Cameron et à Mme McGregor. Ce qui semble être le premier courriel de la chaîne est incomplet. Il s’agit d’un courriel envoyé par M. McMurchy, de l’ACIA, à Mme C. Voici la chaîne de courriels qui a été présentée :

[De M. Wurdell à M. Cameron et à Mme McGregor, le 26 mai 2014]

[Traduction]

[…]

Voici l’un des nombreux courriels que j’ai reçus de [Mme C].

Elle est l’un des principaux témoins de l’ACIA en ce moment.

Si elle me détestait autant qu’elle l’a dit dans le rapport d’enquête, pourquoi m’a-t-elle contacté?

Elle a aussi subi des pressions et des contraintes pour fournir de faux renseignements.

[…]

[De Mme C à Mme Kurtz-Cooke et à MM. Garnett et Wurdell, 15 mai 2014]

[Traduction]

Comme vous le savez, on m’a demandé de parler de cette enquête. Je ne suis pas à l’aise de dire quoi que ce soit sur cette question. Je ne participerai pas davantage sans le soutien d’un représentant syndical. Comment voudriez-vous que je réponde à cette demande? Je serai en congé du 16 au 20 mai. J’aimerais répondre par courriel et dire que je ne serai pas disponible.

Donnez-moi des conseils s’il vous plaît […]

[…]

[De Mme McMurchy à Mme C, 13 mai 2014]

[Traduction]

Je comprends que vous avez participé à une enquête qui a été menée sur le comportement de certains inspecteurs de l’établissement 419 à Mitchell, en Ontario. Certaines questions connexes doivent être examinées par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Dans le cadre de cette procédure, l’Agence doit présenter certains renseignements en ce qui concerne cette enquête, y compris la preuve transmise pendant l’enquête.

[…]

 

[151]  Dans le courriel transmettant l’échange de courriels entre Mme C et Mme Langill à M. Cameron, Mme Devine mentionnait M. Miller, un militant agricole. Il est désigné comme un vice-président de l’élément. Sa participation au licenciement, au grief et à la plainte n’a pas été décrite. Dans les précisions de la plainte, on fait référence à lui ainsi à la page 6 de 9 : [traduction] « l’AFPC, le Syndicat de l’agriculture, Robyn Benson, Bob Kingston et Glenn Miller ont contrevenu à la confidentialité sur cette question. Cette situation peut être validée en consultant l’annexe P. »

[152]  L’annexe P qui accompagne les précisions sur la plainte consiste en un courriel envoyé par M. Cameron au plaignant, à Mme Devine et à M. Orfald le 17 juin 2014 à 10 h 55 concernant les discussions sur le règlement. Il ne mentionne pas M. Miller. Je n’ai entendu aucun témoignage au sujet de M. Miller, à part le fait qu’il a participé à certaines discussions avec le plaignant en juin 2014, tout juste avant la signature du PE. Je n’ai entendu aucun témoignage quant au rôle qu’il a joué, le cas échéant, dans le processus décisionnel en ce qui concerne la représentation du plaignant à l’arbitrage.

[153]  M. Cameron a déclaré que l’Alliance avait fourni à son bureau une autre liste, différente de la liste de 2014, laquelle contenait quatre des cinq noms, y compris ceux de Mme C et de MM. Garnett et Miller. Dans son courriel de réponse à Mme Devine le 9 juin 2014, M. Cameron a fait remarquer que les noms de Mme C ou de MM. Garnett et Miller ne figuraient pas sur la liste de témoins de 2014. Il s’est rappelé avoir communiqué avec les témoins, mais pas précisément chacun d’eux, à l’exception de M. Garnett.

[154]  Le fait que le plaignait considérait ses témoins comme très utiles posait problème, d’autant plus que ces témoins n’ont pas fourni les renseignements nécessaires pour contrer les arguments essentiels de l’employeur, soit les allégations en matière de santé et de sécurité. M. Cameron a dit qu’il en avait discuté avec le plaignant.

[155]  En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé que MM. Cameron et Kingston et Mmes Devine et McGregor lui ont dit qu’il avait besoin de témoins qui réfuteraient les allégations formulées dans le rapport final.

[156]  En contre-interrogatoire, on a montré au plaignant le courriel dans lequel il avait transmis la liste de 2014 et on lui a demandé pourquoi il n’y avait toujours pas de liste complète de témoins une année après le licenciement. Il a répondu qu’après avoir parlé à ces personnes [suggérant l’Alliance, l’élément, M. Kingston et Mmes Benson et Devine], ils en voulaient plus encore. Il a dit qu’il fournissait continuellement des noms.

[157]  En réinterrogatoire, on a montré au plaignant la liste de 2014 qu’il a fournie au bureau de M. Cameron et on lui a demandé si c’était la première fois qu’il l’envoyait à ce bureau. Il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. Puis il a dit : [traduction] « Probablement pas » et qu’il a [traduction] « envoyé beaucoup de choses ». Puis, il a ajouté : [traduction] « Bien avant juin 2014. »

[158]  En contre-interrogatoire, on a demandé au plaignant pourquoi il n’avait pas présenté une liste de témoins en mars 2013, immédiatement après le licenciement. Il a répondu qu’il avait une liste à laquelle des noms étaient continuellement ajoutés. L’avocat des défendeurs a affirmé qu’il n’y avait pas d’autres listes. Il a répondu qu’il y en avait d’autres. Cette affirmation a été avancée une deuxième fois à l’intention du plaignant et celui-ci a répété qu’il y avait d’autres listes. Lorsque l’avocat des défendeurs lui a dit que la liste de 2014 n’était pas très différente de celle de 2013, le plaignant a dit qu’un changement important y avait été apporté.

[159]  En contre-interrogatoire, on a indiqué au plaignant qu’à la rencontre du 24 mars 2013, M. Kingston lui a dit qu’il avait besoin de témoins pour réfuter les allégations formulées contre lui dans le rapport final, et non des témoins de moralité. Il a affirmé avoir dit à M. Kingston que ce n’était pas possible et que le syndicat devrait faire enquête. Lorsqu’on lui a demandé s’il voulait dire que c’était le travail du syndicat d’obtenir la liste des témoins, afin de réfuter les allégations précises, il a répondu [traduction] « J’ai dit au syndicat qu’il devrait interroger toutes ces personnes. » Il n’a pas précisé s’il voulait dire l’Alliance, l’élément ou les deux; il n’a pas non plus précisé à qu’il faisait référence par [traduction] « toutes ces personnes ».

[160]  Sur les 11 témoins désignés par le plaignant dans les listes de témoins de 2013 et 2014, seuls M. Garnett et Mme Heaman ont témoigné devant moi. Par ailleurs, il semble que seules Mme Heaman et Mme C ont été interrogées dans le cadre de l’enquête Anper.

[161]  Un document manuscrit de quatre pages non daté, non adressé et rédigé par M. E (la « déclaration de M. E ») a été déposé en preuve. M. E n’a pas témoigné. Selon la déclaration, à un certain moment, il travaillait comme inspecteur de l’ACIA dans la région Sud-Ouest de l’Ontario. Il n’a pas mentionné l’enquête Anper, le rapport provisoire ou le rapport final; il ne parle pas des allégations précises formulées contre le plaignant. Il semble mentionner les plaintes et les préoccupations que M. E avait à l’égard de son employeur en général et contre M. Doyle en particulier.

[162]  La preuve a révélé que le 6 novembre 2013, le plaignant aurait pu faire parvenir la déclaration de M. E au cabinet Raven puisqu’un courriel de cette date fait référence à une lettre de M. E. Malheureusement, le courriel déposé en preuve ne contient pas la pièce jointe. À un moment ultérieur de son contre-interrogatoire, le plaignant a dit que M. E a été ajouté à la liste des témoins au printemps 2014 et que la déclaration de M. E a été transmise à ce moment-là.

[163]  Un courriel du 9 juin 2014, qui semble avoir été envoyé par Mme Kurtz‑Cooke à M. Garnett, a été déposé en preuve. Il renvoie à un certain M. F et il a donné un numéro de téléphone.

[164]  On a indiqué que MM. E et F ont été interrogés dans le cadre de l’enquête Anper. M. Garnett les représentait à leur entrevue.

[165]  Selon le rapport final, le milieu de travail régulier de M. E n’était pas l’Éta. 419, mais de temps à autre il y travaillait lorsqu’il manquait de personnel, et il connaissait le plaignant et M. A. Le rapport indique également que M. F a travaillé pour la fonction publique pendant 25 ans et à l’Éta. 419 par intermittence pendant deux ans puis continuellement entre avril 2011 et janvier 2012 (environ 10 mois).

[166]  En contre-interrogatoire, le plaignant a déclaré que MM. E et F allaient réfuter les allégations du rapport final; cependant, il a admis qu’il ne leur a jamais parlé, mais que Mme Kurtz-Cooke l’a fait. Il ne pouvait pas dire avec précision ce qu’ils réfuteraient. En fin de compte, il a déclaré qu’il avait espéré qu’ils pouvaient réfuter les allégations.

[167]  M. Kingston a déclaré, sans préciser s’il voulait dire l’Alliance ou l’élément, qu’il faisait l’impossible pour trouver des renseignements malgré que des discussions de règlement étaient en cours. Il a dit que s’il était possible de trouver des témoins qui contrediraient le rapport final, l’Alliance aurait revu sa décision de ne pas représenter le plaignant à l’arbitrage.

E.  Le commentaire sur l’insigne

[168]  L’une des questions examinées à la rencontre du 1er mai, qui semblait être un sujet récurrent dans la plainte, était un commentaire qui aurait été formulé en 2011 par des gestionnaires de l’ACIA, lequel est résumé dans la déclaration Gamble. M. Gamble a été désigné dans la déclaration comme le gestionnaire de l’usine à l’Éta. 419 entre février et septembre 2011. Cette note de service était la première d’un ensemble de 19 pages de documents que le plaignant a remis à Mme McGregor en novembre 2013, dont le reste était composé de courriels envoyés par Mme Heaman ou à cette dernière de la part de plusieurs personnes.

[169]  La note de service Gamble indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Durant la période que j’ai passée à Great Lakes, nous étions assujettis, comme nous l’avions demandé, à un audit mené par les représentants de la Russie. En préparation pour cet audit, nous avons eu plusieurs rencontres avec des cadres supérieurs de l’ACIA. J’ai participé à l’une de ces rencontres avec Stephen Michon, Tom Doyle, Tekla Redda et un autre membre de l’ACIA. À la fin de la rencontre, une remarque a été faite au sujet des nouveaux insignes des inspecteurs de l’ACIA, mis à la disposition de ces derniers. Tom Doyle a mentionné à la blague qu’on devrait tenir une cérémonie pour remettre les insignes aux inspecteurs. Stephen Michon a répondu qu’on devrait tenir la cérémonie au moment où on les retirait. Un membre de la direction de l’usine a formulé des remarques très déplacées et n’aurait pas dû les faire en ma présence.

[…]

 

[170]  MM. Gamble, Doyle, Michon ou Redda aucune autre présente à la rencontre et qui entendu ces remarques alléguées n’ont témoigné.

[171]  M. Kingston était au courant du commentaire au sujet la cérémonie de retrait de l’insigne, même s’il ne pouvait pas se rappeler qui l’avait porté à son attention. Il a confirmé en avoir parlé avec le plaignant qui lui a dit qu’il en était mécontent. M. Kingston a dit que d’autres personnes étaient aussi mécontentes. Il a déclaré qu’il en a parlé à M. Baker. Selon lui, M. Baker a répondu qu’il [traduction] « examinerait la question » et il a plus tard dit que le gestionnaire qui avait formulé le commentaire ne pouvait pas être trouvé.

[172]  On a montré à M. Kingston un courriel de M. Baker daté du 16 octobre 2011 dans lequel, en référence aux commentaires sur l’insigne, il a noté avoir dit à M. Kingston qu’il pensait que les gars [désignant les gestionnaires] [traduction] « s’amusaient ». M. Kingston a confirmé que M. Baker aurait bien pu dire une chose semblable. Il a affirmé qu’il n’était pas d’accord qu’il s’agissait simplement d’un jeu et il l’a dit à M. Baker. Il a dit ne pas se rappeler la conversation, mais qu’il se souvenait en avoir parlé en long et en large avec M. Baker.

[173]  M. Kingston a été interrogé au sujet de la référence à la Russie. Il s’est rappelé qu’à l’époque, en 2011, l’Éta. 419 était en croissance et qu’on parlait d’un marché russe.

III.  Divers

[174]  Mme Devine a déclaré qu’en dehors des rencontres initiales du 1er mai et du 28 août, elle n’a pas participé au dossier de grief du plaignant. Elle n’a pas participé aux discussions sur la poursuite ou l’avancement de son dossier de grief. Elle a dit qu’elle savait que son grief avait été renvoyé à un avocat externe. Toutefois, elle n’a pas pris cette décision ou franchi cette étape, ce sont Mme Côté ou M. Orfald qui, à l’époque était le directeur intérimaire de la Section de la représentation de l’Alliance, qui l’ont fait. Elle a dit que lorsqu’elle autorisait le recours à un avocat externe, elle ne participait plus à un dossier; ce n’était pas non plus son rôle.

[175]  Mme Devine a déclaré qu’elle n’a pas participé aux discussions qui ont mené à la décision de ne pas représenter le plaignant à l’arbitrage; elle n’a pas non plus participé aux discussions de règlement qui ont mené au PE. Elle a déclaré que, même si à l’époque elle a envoyé des documents et qu’elle les a peut-être lus, l’arbitrage de griefs ne relevait pas de sa responsabilité. Ainsi, elle aurait déterminé qui était responsable de la réception de ces documents et les aurait transmis à cette personne.

[176]  Une lettre non datée et signée par M. Garnett (la « lettre Garnett ») qui indique ce qui suit a été déposée en preuve :

[Traduction]

La fin de semaine du 6 juin, au Congrès triennal de l’Ontario en 2014 à Mississauga, qui s’est déroulé au centre des congrès Delta, moi, Jason Garnett, j’ai participé à des conversations au cours desquelles [Mme D] et Glenn Miller ont déclaré que le cas de Paul Wurdell ne serait pas poursuivi pour des raisons financières et par manque de faisabilité financière. L’AFPC ou l’avocat embauché ne donnerait pas suite au cas.

[Mme D] et Glenn ont confirmé que les renseignements ont été obtenus du président du Syndicat de l’Agriculture (National), Bob Kingston.

 

[177]  M. Garnett a été interrogé au sujet de la lettre. Il a affirmé que Mme D lui a dit [traduction] « qu’ils », voulant dire elle-même et MM. Kingston et Miller, ne donneraient pas suite au grief du plaignant à cause de problèmes liés au moment et à des ressources financières.

[178]  Le nom de Mme D revenait à quelques occasions dans les documents. Bien qu’il soit clair qu’elle a d’une certaine façon participé en tant que membre de l’Alliance ou de l’élément, la nature exacte de ses fonctions ne m’a pas été expliquée.

[179]  Dans le cadre de son interrogatoire principal, le plaignant a raconté que le 8 juin 2014, il a rencontré séparément Mme Benson et M. Miller au congrès de l’Ontario afin de discuter de la raison pour laquelle son cas ne serait pas renvoyé à l’arbitrage. Il a déclaré que M. Miller lui a dit que M. Kingston lui avait confié que le cas du plaignant n’avait pas de chance de succès et que l’élément ou peut-être l’élément et l’Alliance ne souhaitaient pas que leur nom figure au dossier.

[180]  M. Kingston a témoigné après le plaignant et M. Garnett. Personne ne l’a interrogé sur le commentaire présumé mentionné dans la lettre Garnett. Mme Devine a témoigné après MM. Garnett et Kingston. On ne lui a pas posé de questions sur le fait que grief du plaignant n’était pas poursuivi pour des raisons financières ou de faisabilité financière. Le plaignant a déclaré que, vers le 8 juin 2014, Mmes Benson et Devine lui ont aussi dit que la décision avait été fondée sur les faits transmis par MM. Kingston et Cameron et que l’Alliance ne voulait pas que son nom figure au dossier public de cette affaire.

[181]  Une lettre datée du 19 juin 2014 que Mme Devine a fait parvenir par courriel au plaignant a été déposée en preuve. Les parties pertinentes de cette lettre indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Durant notre discussion le dimanche 8 juin 2014, vous avez été invité à fournir le nom et les coordonnées de tout témoin qui n’a pas été contacté en ce qui concerne votre grief. L’AFPC vous a promis de réévaluer sa décision concernant la représentation en fonction de la preuve fournie.

Le lundi 9 juin 2014, j’ai reçu une liste de témoins de l’amie Bronwyn Kurtz-Cooke et de l’ami Jason Garnett. Vous aviez déjà fourni la même liste à l’avocat le 25 mai. Les témoins ont été contactés le 26 mai. J’ai aussi demandé à l’avocat de faire le suivi avec d’autres personnes qui ont été identifiées en dehors de celles dont le nom figurait sur la liste fournie.

À ce moment-ci, je peux confirmer six des sept témoins dont le nom figurait sur la liste fournie ont été contactés directement. Je comprends que le témoignage potentiel de ces témoins a fait l’objet de discussions avec vous à ce moment-là et que notre conseiller juridique a indiqué que leur témoignage ne change pas son évaluation de vos chances de succès à l’arbitrage qui sont très faibles.

[…]

 

[182]  À d’innombrables reprises pendant son témoignage, le plaignant a souvent répondu à une question en déclarant que l’enquête Anper et le rapport final étaient biaisés. Il a confirmé qu’il savait que Mme Pereira ne travaillait pas pour l’ACIA, mais il a laissé entendre qu’elle était partiale parce qu’on lui avait promis un travail et que ce fait transpirait des courriels, selon lui.

IV.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour le plaignant

[183]  Le plaignant m’a renvoyé aux décisions suivantes : Belzile c. Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, 2016 CCRI 821; Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000, 2003 CarswellBC 2189; McRaeJackson c. Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada, 2004 CCRI 290; Bujalski v. Glass, Molders, Pottery, Plastics and Allied Workers International Union - Local 231, 1991 CarswellOnt 1204; Swaminathan v. Canadian Staff Union, 2002 CarswellOnt 8759; Lucyshyn v. Amalgamated Transit Union, Local 615, 2010 CarswellSask 246.

[184]  Le principe qui sous-tend le devoir de représentation équitable des syndicats est établi au paragraphe 39 de Belzile, qui cite l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, qui indique ce qui suit :

[39] […]

De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief :

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

 

[185]  Selon le plaignant, la décision de ne pas donner suite à son grief en arbitrage était discriminatoire et arbitraire pour les raisons suivantes :

  • M. Kingston éprouvait de l’hostilité à son endroit, ce qui a influé sa position relativement à la procédure;
  • l’Alliance était motivée par ses préoccupations en ce qui concerne la campagne de salubrité des aliments et a décidé de ne pas donner suite au grief étant donné la nature des allégations formulées contre lui;
  • l’Alliance a agi de manière arbitraire et de mauvaise foi en omettant d’enquêter.

 

[186]  Le plaignant a soutenu qu’il était un employé de longue date et que son cas était grave puisqu’il concerne un licenciement. L’Alliance s’en est remise aveuglément à l’enquête de l’employeur. Elle a omis d’enquêter sur tous les faits pertinents et de lui poser les questions pertinentes.

[187]  Le plaignant était un employé de longue date ayant un excellent dossier et il a été licencié. Dans leur témoignage, ni M. Kingston ni M. Cameron n’ont pu se rappeler s’ils avaient examiné les évaluations de rendement du plaignant, même si M. Cameron a dit qu’il croyait que le plaignant avait un bon rendement; pourtant, ces éléments ne figuraient pas dans l’avis Cameron.

[188]  Le plaignant a déclaré qu’il n’avait pas une bonne relation avec M. Kingston et que ce dernier lui en voulait.

[189]  En ce qui concerne le commentaire sur la cérémonie de remise d’insignes, M. Kingston a dit qu’il avait examiné la question; toutefois, il ne l’a pas fait et il éprouvait de l’animosité envers le plaignant.

[190]  Pour ce qui est de la crédibilité, M. Kingston pensait que le plaignant avait obtenu beaucoup plus d’argent que ce qu’il avait réellement reçu. M. Kingston et le plaignant ont déclaré qu’avant le licenciement, il causait à l’employeur beaucoup de problèmes, et M. Kingston avait passé beaucoup de temps dans la région du plaignant.

[191]  Un certain nombre de témoins ont parlé du fait que l’enquête était une chasse aux sorcières et que le plaignant et M. A étaient dépeints de la même façon. Rien dans la preuve n’indique que l’Alliance a enquêté sur l’allégation du plaignant selon laquelle le licenciement était un coup monté, sauf lorsqu’elle lui a demandé des noms et qu’elle a appelé certaines personnes uniquement après avoir décidé de ne pas le représenter.

[192]  Personne à l’Alliance n’a fait d’efforts pour communiquer avec les témoins de l’employeur ou les personnes nommées dans le rapport final, à l’exception des personnes que le plaignant a identifiées. Aucune preuve n’a été présentée établissant que l’Alliance a pris des mesures indépendantes pour confirmer les renseignements figurant dans le rapport final.

[193]  Mme Devine a dit au plaignant que Mme Heaman serait un témoin essentiel. Malgré ce fait, personne n’a fait de suivi. MM. Cameron et Kingston ont affirmé qu’il y avait des problèmes quant à la crédibilité de Mme Heaman, ce qui était une hypothèse. Son témoignage était crédible. Elle ne s’est pas rétractée, elle a voulu apporter des précisions. Elle aurait pu être un témoin crédible.

[194]  Comme l’Alliance n’a pas communiqué avec Mme Heaman et d’autres témoins potentiels, elle n’a pas pu conclure raisonnablement qu’elle ne pouvait pas réfuter les allégations de l’employeur ou présenter une défense raisonnable. La seule omission d’interroger Mme Heaman suffisait pour conclure que les agissements de l’Alliance étaient arbitraires et comprenaient le défaut d’enquêter.

[195]  Dans le cadre d’une audience sur le devoir de représentation équitable, il ne revient pas à la Commission de décider si le grief avait des chances de succès. Toutefois, l’Alliance a fondé sa décision de ne pas représenter le plaignant uniquement sur l’enquête finale.

B.  Pour les défendeurs

[196]  Rien ne permet de conclure que les agissements survenus étaient contraires à l’article 187 de la Loi. Les actions n’ont pas été posées de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.

[197]  Bien qu’il y ait eu des mentions de discrimination, la présente affaire porte sur le caractère arbitraire. Rien ne démontre qu’il y a eu mauvaise foi. La suggestion selon laquelle M. Kingston éprouvait de l’hostilité à l’endroit du plaignant est farfelue.

[198]  L’Alliance s’est-elle penchée sur le grief et la situation du plaignant? Absolument. Était-elle tenue d’enquêter de nouveau sur les arguments de l’employeur puisqu’ils représentaient l’essence du cas du plaignant? Non, l’agent négociateur n’était pas obligé de le faire.

[199]  L’Alliance a examiné tous les renseignements qui lui ont été fournis. Elle a eu de longues communications. Depuis le début de sa participation, elle a demandé au plaignant le nom de témoins pour contredire les allégations très détaillées de l’employeur.

[200]  Bien que le plaignant ait fourni certains noms au syndicat et au cabinet Raven, ces derniers avaient raison de conclure que ces personnes étaient des témoins de moralité, alors que des témoins étaient nécessaires pour contredire ceux de l’employeur.

[201]  Bien que les témoins dont le plaignant a communiqué le nom n’aient pas été contactés avant que l’agent négociateur décide de ne pas le représenter à l’arbitrage, l’agent négociateur a continué de représenter le plaignant et son grief était toujours actif. MM. Cameron et Kingston ont déclaré que, si les renseignements que les témoins ont fournis étaient appropriés, l’Alliance pourrait changer d’idée. Il s’agit de la principale caractéristique du devoir de représentation équitable.

[202]  En fin de compte, les renseignements fournis par les témoins ne se sont pas concrétisés et, avec l’aide de l’agent négociateur, le plaignant a négocié un règlement qu’il a estimé acceptable. Ils l’ont fait après que l’agent négociateur a obtenu la remise de l’audience devant la CRTFP.

[203]  Les efforts de l’agent négociateur n’avaient pas à être parfaits; en fait, ce dernier peut se tromper. Selon l’Alliance, elle n’avait pas tort et ses efforts n’étaient pas arbitraires ou superficiels. Toutefois, le travail de la Commission ne consiste pas à siéger à titre de cour d’appel pour examiner les agissements de l’agent négociateur.

[204]  Il n’est pas contesté que l’ACIA est l’organe de réglementation indépendant du Canada quant à la salubrité des aliments. Son travail, par l’entremise des inspecteurs, consiste à s’assurer que les produits alimentaires sont sans danger pour les consommateurs. Les inspecteurs sont les yeux et les oreilles de l’ACIA dans les abattoirs. Ils ont la capacité de mettre fin aux activités d’un abattoir. Ils doivent être indépendants, assurer la confidentialité et conserver une distance par rapport aux personnes et aux organisations qu’ils doivent réglementer.

[205]  Il est manifeste que la plainte visant les inspecteurs de Great Lakes a motivé le licenciement. Anper a produit un rapport provisoire et un rapport final, contenant chacune des allégations détaillées. Le processus d’enquête a consisté à interroger des témoins et à leur remettre une déclaration écrite qu’ils ont été invités à signer pour attester de son exactitude.

[206]  Les activités la région du Sud-Ouest de l’Ontario de l’ACIA étaient dysfonctionnelles, comme l’a affirmé M. Kingston.

[207]  L’avocat des défendeurs a examiné les allégations détaillées figurant dans le rapport final. Sur les cinq allégations, aucune n’était fondée.

[208]  M. Cameron a déclaré que, de toutes les allégations, les plus graves étaient celles qui concernaient la salubrité des aliments. M. Kingston a fait écho à cette évaluation.

[209]  Avant le licenciement, le plaignant a obtenu une copie du rapport provisoire et il a pu répondre aux allégations qui y figuraient. Il a eu l’occasion de déclarer : [traduction] « Elles ne sont pas toutes vraies. » Il a préparé une réponse qui a été déposée en preuve. C’était l’occasion pour lui de réfuter les allégations, en particulier celles concernant la salubrité des aliments, mais il n’en a pas profité.

[210]  Le plaignant a reconnu parfois que le comportement qu’on lui reprochait était effectivement déplacé; toutefois, il n’a pas nié ni reconnu ses actions. Parfois, il a déclaré qu’il ne se rappelait pas et parfois il a dit que ses commentaires étaient pris [traduction] « hors contexte ».

[211]  Un grief a été déposé et il a franchi les étapes de la procédure de règlement des griefs. L’élément a tenté d’obtenir une audience au dernier palier avec l’employeur, et le grief a été renvoyé devant la CRTFP pour arbitrage. Mme Côté, analyste aux G et A, a effectué une analyse qui a permis de cerner les problèmes potentiels. L’Alliance et l’élément ont fait plus que ce qu’ils devaient. Le plaignant a pu faire partie de l’équipe de négociation malgré le fait qu’il a été licencié. Tous ces éléments étaient conformes à des agissements de bonne foi.

[212]  Le plaignant a laissé entendre que le licenciement était un [traduction] « coup monté » et une « chasse aux sorcières ». Si c’est le cas, et si tous les éléments du rapport final sont faux, la preuve devrait alors l’attester. Cependant, même si l’employeur ne l’aimait pas et voulait s’en prendre à lui, si les choses que l’employeur lui a reprochées dans le rapport final sont vraies, ce qui laisserait entendre que l’employeur lui a tendu un piège, ou s’il a dit qu’il s’agissait d’une chasse aux sorcières, ces facteurs ne seront pas utiles.

[213]  L’Alliance ne peut pas faire une nouvelle enquête. Elle ne peut pas procéder à des enquêtes à l’aveuglette. On a demandé au plaignant d’indiquer pour l’Alliance les éléments du rapport final qui étaient faux et de désigner des personnes qui pourraient contredire les déclarations des témoins de l’employeur qui ont fourni un témoignage pour le rapport final. On le lui a demandé à plusieurs reprises, depuis le dépôt du grief jusqu’à la date du règlement. Les renseignements n’ont jamais été transmis.

[214]  Les témoins que le plaignant a désignés n’ont pas contredit les allégations précises des actes répréhensibles. M. Cameron et Mme McGregor ont parlé aux témoins. En fin de compte, il s’agissait de témoins de moralité. La preuve que le plaignant a dit qu’il allait transmettre en ce qui concerne les témoins n’a jamais été présentée parce qu’elle n’existe pas.

[215]  Mme Heaman a été présentée en tant que témoin de l’employeur qui a rétracté le témoignage produit dans le cadre de l’enquête Anper. Toutefois, le problème avec son témoignage est que, selon sa première déclaration, elle a dit la vérité lorsqu’elle a parlé à l’enquêtrice. Puis, le plaignant a déclaré qu’il lui demanderait de faire une autre déclaration, qui serait inutile selon M. Kingston. La preuve a révélé que le plaignant a produit la déclaration du 21 août, laquelle était la deuxième déclaration faite à l’Alliance. De plus, rien dans la preuve n’indique qu’il a remis la déclaration Heaman non datée à l’Alliance, ce qui laisse entendre qu’il a clairement tenté de tromper l’Alliance.

[216]  En contre-interrogatoire, Mme Heaman a admis que les déclarations qu’elle a faites dans le cadre de l’enquête Anper étaient exactes et qu’elle n’a pas subi de pressions pour faire de fausses déclarations.

[217]  La suggestion selon laquelle l’omission par l’Alliance d’interroger Mme Heaman est l’élément central du présent cas est indéfendable. MM. Cameron et Kingston étaient d’avis que les déclarations contradictoires de cette dernière représentaient un problème majeur pour le cas du plaignant. Elle avait un important problème de crédibilité et a démontré qu’elle était disposée à mentir pour obtenir un gain personnel. Il s’agit de préoccupations sérieuses, et son témoignage n’était pas susceptible de se voir accorder beaucoup de poids. Le plaignant a commis une grave erreur en remettant son cas entre ses mains.

[218]  M. Cameron et Mme McGregor ont été d’excellents témoins. Ils ont remis une boîte de documents, lesquels ont été examinés et analysés. Les deux ont déclaré que certains domaines étaient problématiques.

[219]  Le plaignant a accepté l’offre de règlement de l’employeur. Il a déclaré qu’il accepterait une offre si elle était excellente. Les discussions sur le règlement étaient en cours et pourtant, dans sa plainte, il a indiqué qu’il n’avait jamais souhaité un règlement. Il a affirmé le contraire dans son témoignage.

[220]  M. Cameron a évalué l’affaire avec une certaine appréhension parce qu’elle portait sur le licenciement d’un dirigeant syndical. M. Cameron a rendu visite à MM. Kingston et Orfald aux bureaux de l’Alliance pour leur dire qu’ils n’obtiendraient pas gain de cause. De leur côté, ils lui ont répondu qu’ils étaient parvenus à la même conclusion. Il a rédigé à l’intention de l’Alliance un avis juridique détaillé qui a été déposé en preuve. Il y indiquait que les chances de succès étaient très faibles. Il s’agissait de son jugement professionnel éclairé.

[221]  Absolument rien dans la preuve n’indique que les défendeurs ont agi de manière arbitraire ou discriminatoire.

[222]  Le plaignant a participé au processus de règlement de son plein gré. La preuve a révélé qu’il exploiterait deux possibilités, malgré le fait que l’Alliance a déclaré qu’elle ne le représenterait pas à l’arbitrage. Il donnerait suite aux discussions sur le règlement et se préparerait à l’arbitrage plus tard. En fin de compte, il a accepté un règlement. Il a examiné les documents et les a signés. Dans le cadre du règlement, il a accepté une quittance totale et définitive à l’égard de l’employeur. Il a reconnu dans le PE que le règlement avait été conclu de façon volontaire et sans contrainte. Il avait un choix à faire; il a fait un choix et a pris une décision.

[223]  Le plaignant a laissé entendre que l’Alliance ne voulait pas que sa participation à la présente affaire soit connue du public en raison de la campagne relative à la salubrité des aliments qu’elle menait. M. Cameron en a parlé dans son avis. Il a dit qu’il avait l’obligation de soulever ce point. M. Kingston a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’un facteur décisif pour l’Alliance, qui a publiquement mis l’accent sur le rôle important des inspecteurs en ce qui concerne la salubrité des aliments pour les Canadiens. Il est difficile pour un syndicat de réussir à obtenir la réduction d’une mesure disciplinaire, et les circonstances ont rendu cette tâche encore plus difficile.

[224]  Selon l’avis juridique du cabinet Raven, le grief n’aurait pas été accueilli. Un arbitre de grief peut avoir un avis différent, mais le critère ne consiste pas à se demander si l’avis est le bon, il porte plutôt sur son caractère raisonnable.

[225]  M. Kingston a déclaré que, pendant les négociations du règlement, il a eu des discussions en coulisses avec la direction de l’ACIA pour l’amener à accepter un règlement.

[226]  Les défendeurs ont cité les décisions suivantes : Guilde de la marine marchande du Canada; Noël c. Société d’énergie de la Baie James, [2001] 2 RCS 207; Sayeed c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 44; Court c. Section locale 879 de la Fraternité internationale des Teamsters, 2011 CCRI 567; Holloway c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 55; Bergeron c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2019 CRTESPF 48; Tran c. Institut Professionnel de la Fonction publique du Canada, 2014 CRTFP 71.

C.  La réplique du plaignant

[227]  Le plaignant n’a pas contesté la jurisprudence.

[228]  La question ne porte pas sur le comportement du plaignant, mais sur les éléments dont les défendeurs disposaient et ce qu’ils en ont fait.

[229]  Le plaignant a indiqué que l’ACIA avait demandé à Great Lakes de fournir une lettre sollicitant une enquête.

[230]  En ce qui concerne l’interrogatoire des témoins, un certain nombre d’entre eux ont mentionné dans le rapport d’enquête ne pas avoir une connaissance directe des situations. Certains témoins auraient pu parler de la façon dont le plaignant s’est comporté au travail.

[231]  Il était erroné de supposer que Mme Heaman n’était pas crédible. Cet élément n’est pas appuyé par la preuve. M. Kingston a été informé qu’elle déclarerait avoir fait l’objet de contraintes relativement à son témoignage. L’Alliance savait que le licenciement aurait pu découler d’une chasse aux sorcières. Elle a dit avoir subi des contraintes, et on aurait dû lui parler. L’Alliance avait l’obligation de communiquer avec elle.

[232]  Le plaignant a déclaré qu’il a ressenti de la pression au sujet des délais et qu’il a accepté le règlement compte tenu de ce fait.

V.  Motifs

A.  Demande de mise sous scellés des documents

[233]  Les parties ont demandé que le PE soit mis sous scellés.

[234]  Le critère visant la mise sous scellés des documents figure dans la décision Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, laquelle énonce ce qui suit :

[…]

[10] Cependant, la liberté d’expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de non-publication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par l’exigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

[11] Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non-publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque.

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

 

[235]  Je suis convaincu que le critère établi dans Basic a été respecté. Je conclus que les effets bénéfiques de l’ordonnance de confidentialité en ce qui concerne la publication des modalités d’une entente de règlement l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires. Le PE a été déposé en preuve deux fois, une fois sous la cote C-6 et une fois sous la cote R-3, onglet 83.

[236]  De plus, un certain nombre de documents déposés en preuve ont divulgué les modalités négociées qui ont fini par être intégrées dans le PE. Les raisons données pour la mise sous scellés du PE s’appliquent également à ces documents, qui ont été échangés. Ainsi, les documents suivants seront aussi scellés : pièce R-3, onglets 24, 33, 34, 37, 39, 40, 41, 45, 48, 53, 55, 61, 62, 63, 65, 66, 67, 71, 77, 78 et 79.

B.  Le bien-fondé de la plainte

[237]  La Commission a compétence pour entendre et régler les plaintes de violation alléguées du devoir de représentation équitable en vertu des dispositions suivantes de la Loi :

[…]

Plaintes à la Commission

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

(g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

Définition de pratiques déloyales

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

Représentation inéquitable par l’agent négociateur

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

 

[238]  On a soutenu que les défendeurs n’ont pas respecté leur devoir de représentation équitable parce qu’ils ont agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi dans leur façon de gérer le grief du plaignant contestant le licenciement.

C.  Les défendeurs individuels

[239]  Le plaignant a désigné six personnes à titre de défendeur. En vertu de l’article 187 de la Loi, les plaintes visant le devoir de représentation équitable peuvent être déposées uniquement contre un agent négociateur qui est dûment accrédité pour agir comme unité de négociation. En l’espèce, les seuls défendeurs possibles pouvaient être l’Alliance et l’élément. Bien que les administrateurs, dirigeants, employés et représentants d’un agent négociateur puissent agir d’une manière qui pourrait être considérée comme contraire aux dispositions pertinentes de la Loi, leurs agissements mettraient en cause l’agent négociateur au nom de qui ils agissent et non eux-mêmes personnellement. Ainsi, la plainte contre Mmes Benson, Devine et Rochon et MM. Kingston, Orfald et Miller est rejetée.

D.  L’élément

[240]  Comme je l’ai indiqué au paragraphe qui précède, une plainte déposée en vertu de l’art. 187 de la Loi peut viser uniquement un agent négociateur accrédité en vertu de la Loi. Rien dans la preuve n’indique que l’élément respecte cette exigence. Ainsi, la plainte contre l’élément est rejetée.

E. L’Alliance

[241]  La Commission et ses prédécesseurs ont souvent déclaré qu’il incombe à un plaignant d’établir une preuve prima facie selon laquelle une pratique déloyale de travail a eu lieu. (Voir par exemple les décisions Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28; Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64; Baun c. Élément national de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 127.)

[242]  Pour qu’une plainte soit accueillie en vertu de l’article 187 de la Loi, le plaignant devait établir selon la prépondérance des probabilités que, lorsque l’Alliance l’a représenté pour défendre son grief visant le licenciement, et en particulier la décision de ne pas le représenter à l’arbitrage devant la CRTFP, elle a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.

[243]  La compétence de la Commission est énoncée de façon succincte dans la décision Sayeed, laquelle énonce ce qui suit :

[…]

[36] En définissant ce qu’est un manquement au devoir de représentation équitable, l’article 187 de la Loi établit également les limites de la compétence de la Commission pour statuer sur une allégation de représentation inéquitable. La Commission doit déterminer si l’agent négociateur a agi de mauvaise foi ou d’une manière par ailleurs arbitraire ou discriminatoire en matière de représentation du membre concerné. La Commission ne siège pas en appel des décisions prises par l’agent négociateur ni n’a pour mandat de déterminer si les décisions de l’agent négociateur sont fondées. La compétence de la Commission se limite à déterminer si l’agent négociateur a respecté les paramètres établis par l’article 187 de la Loi.

[37] […] Le devoir de représentation équitable ne confère pas aux membres de l’agent négociateur le droit absolu d’être représentés ni ne les autorise à décider de la manière dont l’agent négociateur s’acquitte de ses obligations dans leurs causes. L’agent négociateur jouit d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour décider s’il doit déposer un grief, le renvoyer à l’arbitrage de griefs ou à l’arbitrage de différends ou représenter un membre durant la procédure de règlement des griefs. Il possède également un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer comment un grief sera traité et quand le moment est venu de conclure un règlement. Les paramètres qui délimitent le devoir de représentation équitable de l’agent négociateur ont été clairement formulés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autres, [1984] 1 S.C.R. 509, à la page 527 […]

[38] Bien que ces principes aient été énoncés dans le contexte du pouvoir discrétionnaire que possède l’agent négociateur de déposer un grief et de le renvoyer à l’arbitrage, ils servent de guide relativement à tous les aspects du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur.

[39] La Commission a appliqué ces critères dans de nombreux cas. Dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, la Commission a décrit son rôle de la façon suivante :

[…]

30. […] Ainsi, le rôle de la Commission n’est pas d’examiner en appel la décision du syndicat de déposer ou non un grief ou de le porter à l’arbitrage, mais plutôt d’évaluer sa manière de traiter le grief. Autrement dit, la Commission se prononce sur le processus décisionnel du syndicat et non sur le bien-fondé d’un grief ou d’une plainte. Cela dit, pour déterminer si le processus décisionnel du syndicat reflète la valeur et le sérieux d’un cas donné, il faut souvent aussi en regarder les faits.

31. Dans une plainte fondée sur l’article 187, c’est le fonctionnaire qui a le fardeau de présenter des faits suffisants pour établir que le syndicat a manqué à son devoir de représentation équitable.

32. D’autre part, le devoir de représentation équitable du syndicat suppose que le fonctionnaire prenne les démarches nécessaires pour protéger ses propres intérêts. Il doit informer le syndicat de sa volonté de déposer un grief et agir dans les délais prescrits par la convention collective. Il doit collaborer avec le syndicat en fournissant les renseignements nécessaires à la préparation de son dossier et suivre les conseils du syndicat sur la façon de se comporter durant la procédure de règlement des griefs. Si le fonctionnaire néglige l’une ou l’autre de ces consignes, la plainte risque d’être rejetée par la Commission. En règle générale, la Commission n’accueille pas une plainte lorsque le syndicat a obtenu un règlement raisonnable que le plaignant rejette ultérieurement.

[…]

39. Bref, le devoir du syndicat est de s’acquitter de son devoir de représentation de façon raisonnable, en tenant compte de tous les faits qui l’entourent, en enquêtant sur la situation, en pesant les intérêts contradictoires du fonctionnaire, en tirant des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief, puis en informant le fonctionnaire de sa décision de donner suite ou non au grief.

[40] La Commission a souvent réaffirmé que les employés n’ont pas le droit absolu d’être représentés par leur agent négociateur et qu’ils ne peuvent pas lui dicter jusqu’où il doit fournir une représentation ni comment il doit traiter un grief. Dans le même ordre d’idées, une divergence de vues avec l’agent négociateur ne constitue pas un manquement au devoir de représentation équitable […]

[…]

[42] Dans International Longshore and Wharehouse [sic] Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour fédérale a déclaré que, pour faire la preuve d’un manquement au devoir de représentation équitable, « [...] le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles ».

[…]

 

[244]  Appliquant ce principe à la plainte, pour les raisons qui suivent, je conclus que le plaignant n’a pas établi que l’Alliance a contrevenu à son devoir de représentation équitable.

A.  L’Alliance a-t-elle agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi dans sa façon de représenter le plaignant?

[245]  Les précisions de la plainte indiquent ce qui suit en ce qui concerne la discrimination :

[Traduction]

5B – Conduite discriminatoire

J’ai été traité différemment par l’agent négociateur à cause de la référence à mon apparence physique dans le rapport d’enquête partial et que j’ai été décrit comme un « homme costaud ».

 

[246]  Je n’ai rien entendu dans la preuve qui portait sur la taille du plaignant.

[247]  Le plaignant n’a fourni aucune preuve selon laquelle l’Alliance, ou un de ses employés ou administrateurs, dirigeants ou représentants, avait agi de manière à laisser entendre que ses agissements étaient dus à sa race, son origine nationale ou ethnique, sa couleur, sa religion, son âge, son sexe, son orientation sexuelle, son identité ou son expression de genre, son état matrimonial, sa situation de famille, ses caractéristiques génétiques, sa déficience ou son état de personne graciée. Ainsi, le plaignant n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités que les décisions de l’Alliance quant à sa représentation étaient discriminatoires.

B.  L’Alliance a-t-elle agi de manière arbitraire ou de mauvaise foi dans sa façon de représenter le plaignant?

[248]  Le terme « arbitraire » dans le contexte d’une plainte visant le devoir de représentation équitable est défini par la Cour suprême du Canada au paragraphe 50 de l’arrêt Noël, lequel énonce ce qui suit :

[50] Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais le salarié n’a cependant pas droit à l’enquête la plus poussée possible. On devrait aussi tenir compte des ressources de l’association, ainsi que des intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. L’association jouit donc d’une discrétion importante quant à la forme et à l’intensité des démarches qu’elle entreprendra dans un cas particulier […]

 

[249]  La Commission et ses prédécesseurs se sont penchés sur la question de la mauvaise foi dans différents contextes, le plus souvent dans des affaires concernant le licenciement d’employés en probation. La décision Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 109, au paragraphe 79, indique ce qui suit :

[79] Pour établir si les gestes de l’employeur ont été posés de bonne foi, je dois me pencher sur la signification de la bonne foi. Dans le document intitulé « Lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la rétrogradation et le licenciement pour un motif valable », la bonne foi est définie de la façon suivante : « Désigne une façon de se comporter reposant sur l’honnêteté des intentions et l’équité du traitement. » […]

 

[250]  La décision Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, encore une fois une affaire portant sur le licenciement d’un employé en probation, indique ce qui suit au sujet de la mauvaise foi :

[…]

[127] […] Tel qu’il a été mentionné par la Cour d’appel fédérale dans un autre contexte (Dansereau c. Canada (1990), [1991] 1 C.F. 444 (CA), à la page 462, on ne peut présumer de la mauvaise foi et un employé qui tente de fournir une preuve de mauvaise foi « […] a une tâche particulièrement difficile à accomplir […] ». Dans McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166–02–23967 (19931119), un arbitre de grief a mentionné, à la page 14, qu’à son avis :

[…]

[…] Il est banal d’affirmer que pour établir s’il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l’affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons […] en tenant pour acquis [...] que l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l’employeur. […]

[…]

 

[251]  À de nombreux endroits dans les précisions de la plainte, le plaignant déclare que l’Alliance s’est retirée. Ce n’est pas exact. L’Alliance était disposée à le représenter dans la négociation d’un règlement et elle l’a fait. À aucun moment sa représentation n’a pris fin. Elle lui a dit qu’elle ne voulait pas le représenter si son grief était entendu; toutefois, il ne l’a jamais été. Avec l’aide de M. Cameron, le plaignant a négocié avec succès un règlement, qui a pris la forme du PE.

[252]  Le plaignant a déclaré qu’il n’avait jamais souhaité un règlement et que son objectif était de récupérer son travail; pourtant, il a aussi déclaré que, dès la rencontre initiale avec M. Cameron et Mme McGregor, la possibilité de conclure un règlement était sur la table. La preuve a aussi révélé qu’à la rencontre du 12 mai et par la suite, il a autorisé l’Alliance et M. Cameron à tenter de négocier un règlement en son nom. La preuve a aussi révélé que les négociations d’un règlement éventuel ont véritablement commencé peu de temps après la rencontre du 12 mai et que le plaignant a activement participé au processus.

[253]  Le plaignant et l’ACIA ont conclu le règlement indiqué dans le PE qu’il a signé. Il comprenait une quittance totale et définitive ainsi que son accord de retirer son grief et apparemment 246 autres griefs et plaintes qu’il avait déposés en ce qui concerne son emploi. En effet, dans le cadre du règlement, il a signé une lettre datée du 19 juin 2014, retirant son grief visant le licenciement. L’ACIA a annulé le licenciement et il a été autorisé à démissionner, à compter du 27 février 2013.

[254]  Selon l’essentiel de la plainte, l’Alliance ne l’a pas représenté équitablement lorsqu’elle a décidé de ne pas le représenter dans le cadre de son grief à l’arbitrage, selon les allégations selon lesquelles elle a omis d’enquêter, y compris de parler avec des témoins. Il a soutenu qu’une enquête approfondie n’a pas eu lieu et que les témoins dont il a soumis le nom n’ont pas été interrogés.

[255]  Le Webster’s New World Dictionary définit le verbe [traduction] « enquêter » ainsi : faire une recherche, apprendre les faits, se renseigner de façon systématique ou procéder à une enquête. Il définit le mot [traduction] « enquête » comme une recherche ou un examen approfondi, souvent officiel, qui a pour but d’établir les faits et de découvrir la vérité.

[256]  Le plaignant a aussi souvent déclaré que l’Alliance s’en était remise à l’enquête Anper et au rapport final. Il a formulé ces déclarations conjointement avec les commentaires sur l’absence d’enquête par le syndicat. Selon ce qu’il a déclaré, il est évident qu’il croyait que l’Alliance aurait dû enquêter de nouveau sur la plainte de Great Lakes parce que l’enquête Anper était partiale.

[257]  Alors qu’il témoignait, il est devenu évident que le plaignant et l’Alliance avaient des points de vue différents quant à la signification du mot [traduction] « enquête ». Le plaignant a souvent déclaré que l’enquête Anper et le rapport final étaient biaisés et que l’Alliance aurait dû faire sa propre enquête.

[258]  L’Alliance n’était pas tenue d’enquêter de nouveau sur l’objet de l’enquête Anper. Elle devait se pencher sur le licenciement. Le point de départ logique consistait à le rencontrer et à examiner les documents et les renseignements qu’il avait apportés à l’Alliance, ce que cette dernière a fait. Selon la preuve dont je dispose, après le licenciement du plaignant et avant le renvoi de son grief au cabinet Raven, il a rencontré à un certain nombre d’occasions des représentants de l’Alliance, y compris les personnes suivantes, aux dates indiquées :

  • M. Kingston, le 24 mars 2013;
  • Mmes Benson et Devine et M. Aylward le 1er mai 2012 (la rencontre du 1er mai);
  • Mme Devine le 28 août 2013 (la rencontre du 28 août).

 

[259]  La preuve a aussi révélé qu’à la rencontre du 24 mars 2013 avec M. Kingston, le plaignant a fourni des documents, a discuté du licenciement et il a appris de ce dernier qu’il avait besoin de témoins pour réfuter les allégations formulées contre lui dans le rapport final, et non de témoins de moralité. Le plaignant a affirmé avoir dit à M. Kingston que c’était impossible et que le syndicat devrait enquêter. Lorsqu’on lui a demandé s’il voulait dire que c’était le travail du syndicat d’obtenir la liste des témoins, afin de réfuter les allégations précises, le plaignant a répondu [traduction] « J’ai dit au syndicat qu’il devrait interroger toutes ces personnes ». Il n’a pas précisé s’il voulait dire l’Alliance, l’élément ou les deux; il n’a pas non plus précisé auquel il faisait référence par [traduction] « toutes ces personnes ».

[260]  À la rencontre du 1er mai, le plaignant a rencontré Mmes Benson et Devine et M. Aylward (qui a été présent une partie du temps). Par la suite, selon la preuve, les documents de l’Alliance sur le licenciement ont été remis à une analyste aux G et A, Mme Côté, dont le travail consistait à les examiner et à les analyser. Elle a mené à bien ces tâches et a produit une évaluation (la note de service du 19 juillet).

[261]  La première ligne de la note de service du 19 juillet, sous l’intitulé [traduction] « Analyse », est rédigée comme suit : [traduction] « La jurisprudence n’est pas favorable sur cette question » [le passage en évidence l’est dans l’original]. Elle indique ensuite : [traduction] « Aucune lacune majeure n’a été notée dans le processus d’enquête, de sorte qu’il serait déclaré nul ab initio. Les lacunes indiquées ont donc été corrigées de nouveau. » La note de service fournit les éléments suivants, qui concernent l’essence même des arguments du plaignant :

[Traduction]

[…]

Comme vous le verrez dans le dossier, le libellé des allégations est d’emblée vague. Ce n’est toutefois pas ce qui est le plus problématique. L’élément le plus problématique est que 22 témoins ont été interrogés (y compris les fonctionnaires s’estimant lésés) et que la majorité des témoins n’ont pas fourni de déclarations favorables au soutien de ces derniers.

Le maintien d’une indépendance en matière de réglementation est l’essence même du litige en raison du niveau de confiance et d’indépendance que les inspecteurs doivent conserver lorsqu’ils travaillent avec peu de supervision, voire aucune. L’employeur a précisément désigné la rupture irréparable du lien de confiance comme la cause centrale du licenciement. C’est l’élément avec lequel la jurisprudence est la moins favorable.

[…]

Comme vous pouvez le constater, un grand nombre de questions placent toutes les parties dans une situation précaire. Les facteurs aggravants sont tellement accablants que la probabilité de succès est faible. La jurisprudence indique que les arbitres de grief ne sont pas tendres envers les personnes qui occupent des postes de confiance et qui sont tenues de respecter des normes plus élevées. L’arbitre de grief va très certainement tenir compte du fait que la plainte originale provenait d’une société du secteur privé et que la présence de l’ACIA à ces usines avait pour but de s’assurer que l’approvisionnement alimentaire du public n’est pas contaminé et qu’il est protégé. L’intérêt du public sera pris en considération.

Il est très possible que l’employeur puisse s’acquitter de son fardeau et qu’il soit difficile d’obtenir une autre mesure disciplinaire.

[…]

 

[262]  La preuve a révélé que la rencontre du 28 août portait sur Mme Heaman et ce qu’elle a communiqué au plaignant, à M. Garnett et à Mme Kurtz-Cooke. J’aborderai la situation de Mme Heaman et son témoignage plus loin dans les présents motifs.

[263]  La preuve a révélé que l’Alliance a retenu les services du cabinet Raven vers la mi-septembre 2013 pour représenter le plaignant et que le travail a commencé sur le dossier le 18 septembre 2013. Le cabinet Raven se trouve à Ottawa et se spécialise dans le droit du travail du point de vue des parties syndicales et salariales. Il accomplit beaucoup de travail dans la fonction publique fédérale, et a comparu régulièrement devant la Commission et ses prédécesseurs. L’Alliance est l’un de ses clients depuis 27 ans. M. Cameron, l’avocat responsable du cas du plaignant, est un associé principal du cabinet. Il a été admis aux barreaux de la Nouvelle-Écosse et du Québec en 1986 et de l’Ontario en 1991. Mme McGregor, qui a aidé M. Cameron, était stagiaire au cabinet à l’époque.

[264]  La preuve a révélé que les documents que possédait l’Alliance ont été livrés au cabinet Raven au début octobre et que la première personne à travailler sur le dossier était Mme McGregor, qui a examiné les documents. Elle les a analysés et résumés dans une note de service qu’elle a rédigée les 11 et 15 octobre 2013. Il semble que M. Cameron a travaillé sur le dossier pour la première fois le 17 octobre 2013. Il a examiné la note de service de Mme McGregor et l’a rencontrée ainsi que M. Raven.

[265]  M. Cameron et Mme McGregor ont rencontré le plaignant le 3 décembre 2013. Ils ont tous les deux témoigné au sujet de la rencontre, et leurs notes manuscrites ont été déposées en preuve. Les deux notes comportaient de brefs renseignements griffonnés et indiquaient deux domaines généraux de préoccupation, l’un étant la santé et la sécurité et l’autre, le comportement. Ils ont tous les deux déclaré que la principale question dans le cas du plaignant visait les questions de santé et de sécurité liées à la conclusion selon laquelle il n’appliquait pas et ne respectait pas les règlements relatifs à la santé et à la sécurité. De son témoignage, il a reconnu c’est ce qui lui a été communiqué à cette rencontre.

[266]  M. Cameron a déclaré que, même s’il avait pu causer des ravages en ce qui concerne un certain nombre d’éléments différents concernant l’ACIA, l’environnement de travail et l’enquête Anper, l’omission du plaignant de suivre et d’appliquer les règles et règlements en matière de santé et de sécurité relativement à l’abattage et à la transformation dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire du pays aurait effectivement réduit à néant toute possibilité de faire annuler le licenciement par la CRTFP.

[267]  Le 30 avril 2014, M. Cameron a rencontré MM. Orfald et Kingston aux bureaux de l’Alliance à Ottawa. Il les a avisés que le plaignant n’obtiendrait probablement pas gain de cause devant la CRTFP. Le 5 mai 2014, il a mis par écrit ces renseignements dans l’avis Cameron. M. Kingston a déclaré que lui-même et M. Orfald étaient parvenus à la même conclusion de leur côté. MM. Kingston et Cameron ont déclaré qu’à la rencontre, ce dernier et M. Orfald ont décidé que l’Alliance ne représenterait pas le plaignant à l’audience devant la CRTFP, information qui a été transmise au plaignant à la rencontre du 12 mai.

[268]  Le plaignant a confirmé que ce qui suit a eu lieu lors de la rencontre du 12 mai :

  • M. Cameron lui a dit que ses chances de succès étaient négligeables et que la salubrité des aliments constituait l’élément essentiel du dossier;
  • MM. Orfald et Kingston lui ont aussi expliqué que la salubrité des aliments représentait un problème important;
  • M. Cameron lui a dit qu’il recommandait à l’Alliance de se retirer de l’audience;
  • M. Cameron lui a dit que s’il pensait qu’il y avait une chance raisonnable de succès, il aurait recommandé à l’Alliance de donner suite au grief;
  • MM. Cameron, Orfald et Kingston ont dit que leur décision ne visait pas à dissimuler l’affaire;
  • M. Cameron lui a dit qu’il pouvait poursuivre le grief à l’arbitrage de son propre chef, mais que s’il le faisait, il allait certainement perdre et ne rien recevoir et que la meilleure option était donc de conclure un règlement.

 

[269]  Malgré la décision de l’Alliance qui était fondée sur son évaluation, soit qu’elle n’était pas disposée à représenter le plaignant à l’arbitrage, elle lui a dit que, si des témoins étaient présentés et pouvaient réfuter la preuve figurant dans le rapport final au sujet des problèmes de santé et de sécurité, elle reverrait sa décision quant à la représentation.

[270]  La preuve a révélé qu’entre le moment du licenciement en février 2013 et la signature du PE en juin 2014, le plaignant a produit deux listes de témoins, les listes de témoins de 2013 et de 2014. À un certain moment durant son témoignage, il a affirmé que des noms étaient continuellement ajoutés aux listes de témoins et que ces dernières étaient continuellement mises à jour. Rien dans la preuve ne l’indique. S’il a fourni d’autres listes de témoins à l’Alliance, à l’élément, à l’un des défendeurs nommés, à M. Cameron ou à Mme McGregor, aucun élément de preuve n’indique qu’elles existent ou qu’elles ont été produites. Aucune liste, en dehors des listes de témoins de 2013 et de 2014, n’a été produite devant moi.

[271]  La preuve a révélé que la liste originale (liste de témoins de 2013) contenait 11 noms et que la deuxième liste (liste de témoins de 2014), qui a été envoyée à M. Cameron, contenait seulement sept noms, lesquels figuraient déjà tous sur la liste de témoins de 2013. Cela signifie que la liste de témoins de 2014 était simplement une version abrégée de la liste de témoins de 2013. On peut difficilement affirmer que d’autres témoins ont été ajoutés.

[272]  Le plaignant a déclaré que la liste de témoins de 2014 a été envoyée à M. Cameron bien avant juin 2014. Toutefois, la preuve documentaire démontre qu’elle a été transmise à son bureau le 26 mai 2014. Si la preuve indique qu’elle a été envoyée avant cette date, elle n’a pas été produite à l’audience.

[273]  Au total, 11 personnes ont été mentionnées dans les deux listes de témoins. Deux d’entre elles, M. Garnett et Mme Kurtz-Cooke ne travaillaient pas à l’Éta. 419 et n’ont pas été interrogées dans le cadre de l’enquête Anper. Bien que M. Garnett ait témoigné devant moi, il n’a pas pu fournir d’éléments de preuve en ce qui concerne les allégations figurant dans le rapport final. Son témoignage servait essentiellement à donner du contexte relativement à certaines parties du processus d’enquête et au rôle qu’il a joué pour faire témoigner Mme Heaman.

[274]  Le nom de Mme Kurtz-Cooke figure sur plusieurs documents déposés en preuve; toutefois, son nom y figure à titre d’une des représentantes du plaignant. Elle n’a pas témoigné. Rien dans la preuve n’indique qu’elle a travaillé à l’Éta. 419, qu’elle a été interrogée dans le cadre de l’enquête Anper ou qu’elle aurait pu fournir un témoignage significatif en ce qui concerne les allégations figurant dans le rapport final. Selon les précisions de la plainte, il semblerait qu’elle aurait pu fournir un certain contexte en ce qui concerne la présentation de la version des faits de Mme Heaman après le licenciement.

[275]   Sur les neuf autres noms, seules Mmes C et Heaman ont été interrogées dans le cadre de l’enquête Anper. Il reste sept des onze noms originaux, soit des personnes qui ont toutes été contactées par Mme McGregor selon son témoignage. M. Cameron a conclu que ces témoins ne seraient pas utiles au cas du plaignant.

[276]  La preuve a révélé que, dans une série de courriels du 9 juin 2014, le nom de trois autres témoins potentiels a été porté à l’attention de M. Cameron et de Mme McGregor. Il s’agissait de M. Miller, de M. E et de M. F. Selon la preuve dont je disposais, l’une de ces personnes n’a pas été désignée à l’Alliance ou au cabinet Raven comme un témoin potentiel avant le début juin 2014. Aucune d’entre elles n’a témoigné devant moi.

[277]  Comme je l’ai indiqué plus tôt dans la présente décision, rien dans la preuve ne porte sur le rôle de M. Miller ou la façon dont il aurait pu être utile au plaignant dans son cas contre l’employeur. Rien dans la preuve n’indique qu’il aurait pu fournir un témoignage en ce qui concerne les allégations figurant dans le rapport final.

[278]  M. E a été interrogé dans le cadre de l’enquête Anper. Toutefois, le contenu qui lui a été attribué dans le rapport final est tout au plus indirect et ne sert qu’à fournir un contexte. Bien que, selon toute vraisemblance, il était inspecteur, il ne travaillait pas régulièrement à l’Éta. 419; il y est allé seulement à l’occasion pour remplacer des employés. Un document de quatre pages non daté, non adressé et manuscrit, qu’il semble avoir signé et qui est composé de plaintes et de préoccupations en ce qui concerne son environnement de travail, a été déposé en preuve. Rien n’y parle de l’enquête Anper, de sa participation à cette dernière ou des allégations qu’elle comporte au sujet du plaignant. Selon le peu de renseignements dont je dispose, rien ne me permet de conclure que la participation de M. E à l’audience sur le grief pour le plaignant aurait été utile. Si un autre élément possiblement utile a été fourni, il n’a pas été produit devant moi.

[279]  Comme M. E, M. F a été interrogé dans le cadre de l’enquête Anper. Par contre, si une lettre manuscrite a été déposée en preuve pour M. E., rien n’a été présenté concernant M. F. En réponse à des questions qui lui ont été posées en contre-interrogatoire, le plaignant a répondu que les deux personnes réfuteraient les allégations formulées contre lui. Invité à s’expliquer, il a toutefois admis qu’il ne leur a jamais parlé et qu’il ne savait pas ce qu’ils diraient. Il a reconnu avec l’avocat des défendeurs qu’il [traduction] « espérait qu’ils réfuteraient les allégations ».

[280]  Ce qui est encore plus déconcertant, c’est qu’environ quatre à cinq ans plus tard, lorsqu’il a témoigné devant moi à la fin septembre 2018 puis de nouveau à la fin avril 2019, le plaignant ne pouvait toujours pas dire en quoi consisteraient les déclarations de MM. E et F. Je me serais attendu à ce qu’au moment où il a comparu devant moi, il ait quelque chose à présenter.

[281]  Il reste donc Mme C et Mme Heaman. Le rapport final faisait mention de, 21 personnes, en plus du plaignant, qui ont été interrogées dans le cadre de l’enquête Anper; Mmes C et Heaman étaient deux d’entre elles. Je me pencherai d’abord sur le cas de Mme C.

[282]  Le plaignant a laissé entendre que Mme C avait rétracté ce qu’elle avait affirmé dans le cadre de l’enquête Anper. Elle n’a pas témoigné devant moi. Rien dans la preuve n’indique que le plaignant lui ait parlé. La preuve dont je disposais était composée de quelques courriels envoyés et reçus en mai 2014, peu de temps avant la remise de l’audience devant la CRTFP, au moment où Mme C a été contactée par l’ART de l’ACIA et l’avocat du SCT pour ce qui semblait être une discussion préalable à l’audience, puisqu’il appert que l’ACIA a envisagé de le convoquer à titre de témoin.

[283]  Selon le plaignant, les courriels laissaient entendre que Mme C avait changé sa version. C’est loin d’être le cas. Ils indiquent qu’elle voulait parler aux représentants de son agent négociateur. Elle n’y a mentionné nulle part un changement de ce qu’elle avait dit à Mme Pereira ou affirmé que l’employeur l’avait contrainte ou incitée à le faire. Aucun élément de preuve n’a été déposé à l’audience qui indiquait que Mme C affirmait qu’elle rétractait ce qu’elle avait dit dans le cadre de l’enquête Anper et aucun élément de preuve n’indiquait qu’elle a été contrainte ou incitée à dire ce qu’elle a affirmé dans le cadre de l’enquête Anper.

[284]  Les courriels en question, présentés par le plaignant en juin 2014, étaient de mai 2014. Lorsqu’il a témoigné devant moi à la fin septembre 2018 puis de nouveau à la fin avril 2019, environ quatre à cinq ans plus tard, il n’avait rien d’autre au sujet de Mme C que ce qui figurait dans les quelques courriels originaux de mai 2014. Comme MM. E et F, je me serais attendu à ce qu’au moment où il a comparu devant moi au sujet de sa plainte, il puisse montrer quelque chose; ce n’était pas le cas.

[285]  Ce qui nous amène à Mme Heaman, la seule personne autre que le plaignant à avoir été interrogée dans le cadre de l’enquête Anper et qui a témoigné devant moi. Une quantité importante du temps d’audience a été consacrée à sa participation à l’enquête Anper, à ce qu’elle a affirmé et à ses deux déclarations écrites.

[286]  Mme Heaman n’a pas été utile au cas du plaignant.

[287]  Mme Heaman a rédigé deux déclarations après le licenciement du plaignant. L’une n’est pas datée (la déclaration Heaman non datée) et l’autre est datée du 21 août 2013 (la déclaration du 21 août). Parmi les témoins qui ont vu les deux déclarations, tous ont déclaré que la déclaration Heaman non datée était la première produite et que la déclaration du 21 août était la deuxième. Le seul témoin dont la déclaration différait quelque peu était Mme Heaman; elle a affirmé que la déclaration Heaman non datée a été produite à la fin de 2013. Bien qu’elle ne l’ait pas datée, si cette déclaration précédait la déclaration du 21 août, je n’aurais pas considéré qu’elle ait été produite à la fin de 2013.

[288]  Mme Heaman a affirmé que les déclarations étaient les mêmes, sauf que leur [traduction] « présentation était différente ». Bien que les deux déclarations portent sur les mêmes sujets généraux, elles étaient tout à fait très différentes, en particulier selon au moins un aspect important. Dans la déclaration Heaman non datée, lorsqu’elle renvoie à son entrevue avec Mme Pereira, elle a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] J’ai dit la vérité durant mon entrevue et je lui ai dit tout ce que je savais de la situation. […]

Peu de temps par la suite, j’ai été contactée de nouveau par Anabella [sic] qui voulait que je me rende à London afin de signer ma déclaration dactylographiée. Je crois qu’il y avait une ou deux erreurs qui ont été corrigées avant que je signe.

[…]

 

[289]  Dans la déclaration du 21 août, Mme Heaman a affirmé ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En tant que l’une des principales personnes interrogées par Mme Anabela Pereira, en ce qui concerne l’enquête à l’Établissement no 419 et mise en place par M. Tom Doyle, je réalise maintenant que j’ai eu tort de fournir les faux renseignements qui m’ont été remis par l’ACIA et M. Tom Doyle. Les promesses en l’air que m’a faites M. Tom Doyle, soit d’obtenir un poste à une installation à quelques minutes seulement de chez moi, ont obscurci mon jugement et je réalise maintenant que j’ai eu tort de transmettre les renseignements communiqués par M. Tom Doyle.

[…]

 

[290]  Quand l’avocat des défendeurs l’a contre-interrogé, Mme Heaman a déclaré que lorsqu’elle a été interrogée dans le cadre de l’enquête Anper, elle a obtenu une déclaration imprimée de ce qu’elle avait dit à Mme Pereira et elle a confirmé avoir eu la possibilité de la lire. Elle l’a ensuite signée, mais uniquement après avoir vérifié qu’elle était exacte. Dans son témoignage, elle a déclaré qu’elle a fourni des réponses honnêtes et véridiques aux questions que lui a posées Mme Pereira durant l’enquête Anper. Cela coïncide avec ce qu’elle a dit dans la déclaration Heaman non datée.

[291]  La date exacte à laquelle Mme Pereira a interrogé Mme Heaman n’est pas connue. Toutefois, on peut supposer que c’était avant octobre 2012, puisqu’il s’agit de la date du rapport provisoire. À une date inconnue, mais probablement avant le 21 août 2013, puisque, selon la meilleure preuve, la déclaration Heaman non datée a été faite avant la déclaration du 21 août et après le licenciement du plaignant (le 27 février 2013), Mme Heaman a produit une déclaration dactylographiée dans laquelle elle a déclaré que ce qu’elle a dit à Mme Pereira dans le cadre de l’enquête Anper était vrai. Il s’agit de la déclaration Heaman non datée.

[292]  Selon le plaignant et M. Kingston, ils ont eu une discussion au cours de laquelle le plaignant l’a avisé du cas de Mme Heaman et de la déclaration non datée. Ils ont tous les deux confirmé que M. Kingston a fait remarquer au plaignant que le problème avec la déclaration Heaman non datée était que Mme Heaman a déclaré avoir dit la vérité à Mme Pereira. M. Kingston a affirmé que, durant leur discussion, le plaignant lui avait dit qu’il obtiendrait une deuxième déclaration de la part de Mme Heaman, ce à quoi M. Kingston a répondu que ce serait encore plus inutile. Le plaignant a reconnu que M. Kingston lui a dit cela. Il semblerait que c’est exactement ce qui est arrivé puisque la déclaration du 21 août ne contient pas l’énoncé [traduction] « J’ai dit la vérité durant mon entrevue et je lui ai dit tout ce que je savais de la situation »; elle contient plutôt la nouvelle déclaration suivante : [traduction] « […] je réalise maintenant que j’ai eu tort de fournir les faux renseignements qui m’ont été remis par l’ACIA et M. Tom Doyle. »

[293]  Mme Heaman a déclaré à l’origine avoir dit la vérité. Elle a rédigé une déclaration selon laquelle elle a dit la vérité, en a fait une dans laquelle elle indiquait avoir menti et avoir fourni de faux renseignements puis devant moi, elle a de nouveau dit que lorsqu’elle a participé à l’enquête Anper, elle a dit la vérité.

[294]  Ce dont j’ai été témoin s’agissant de Mme Heaman, ses déclarations et son témoignage constitue un exemple précis des préoccupations qui ont été soulevées auprès du plaignant par MM. Cameron et Kingston, qui craignaient que le témoignage de Mme Heaman pour le compte du plaignant dans le cadre de son grief visant le licenciement pose problème.

[295]  Ce n’est pas le seul problème posé par le témoignage de Mme Heaman. Les éléments qu’elle aurait décrits comme faux ou erronés à Mme Pereira brillent par leur absence dans la déclaration Heaman non datée et de la déclaration du 21 août. Devant moi, elle a affirmé qu’elle a vu et n’a pas vu le rapport d’enquête, dans sa forme provisoire ou sa forme finale. Lorsqu’elle a dit qu’elle l’a vu et qu’on lui a demandé s’il était exact, elle a répondu qu’une partie était [traduction] « hors contexte ». À la question de savoir ce qui était hors contexte, elle a renvoyé à deux éléments : le premier était la quantité de propos grossiers utilisés et le deuxième concernait son commentaire quant au fait que le plaignant n’avait pas dit à M. A de se déniaiser. Puis, elle a affirmé que les commentaires hors contexte ne la préoccupaient pas. Devant moi, elle n’a ni relevé dans le rapport provisoire ou le rapport final les déclarations qui lui ont été attribuées ni formulé de commentaires à leur égard.

[296]  Mme Heaman a aussi déclaré avoir eu une conversation téléphonique avec une avocate du SCT. Elle n’a pas donné la date à laquelle l’appel a eu lieu et a mentionné avoir fait une déclaration à l’avocate qu’elle a écrite dans un livre. La déclaration et le livre n’ont pas été produits, et elle n’a pas identifié l’avocate. Dans le contexte de son témoignage au sujet de l’appel, elle a affirmé : [traduction] « Je devais préciser des déclarations qui m’ont été faites au sujet de M. Wurdell […] J’avais besoin de préciser ce que j’affirmais; je devais rétracter certaines déclarations. »

[297]  En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Heaman ce qu’elle rétractait de la déclaration du 21 août. Elle a répondu que c’est le SCT qui avait utilisé le mot [traduction] « rétracter » et qu’elle voulait simplement préciser des éléments. Elle a commencé son témoignage principal devant moi le 26 avril 2019 à 9 h 46 et il a pris fin à 10 h 30. Après une brève pause, à 10 h 41, l’avocat des défendeurs a commencé à la contre-interroger. Moins d’une minute après le début, elle a modifié son témoignage. Elle a déclaré que le SCT avait utilisé le terme [traduction] « rétracter », alors qu’en fait devant moi, elle a clairement déclaré vouloir préciser et rétracter certaines déclarations.

[298]  En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Heaman quels étaient les faux renseignements qu’elle avait donnés à Mme Pereira. Elle a répondu qu’elle ne pouvait pas affirmer qu’ils étaient faux, ce qui contredit directement ses mots de la déclaration du 21 août. Lorsque l’avocat des défendeurs lui a demandé d’indiquer précisément dans la déclaration du 21 août les renseignements qui étaient faux, elle a déclaré une deuxième fois qu’elle ne savait pas ce qui était faux. Peu importe la façon d’interpréter ce qu’elle tentait d’affirmer, elle n’a pas fourni, lors de l’audience, aucun élément figurant dans le rapport final et qui lui est attribué, qui constituait un faux renseignement qu’elle aurait obtenu en vue de sa communication dans la cadre de l’enquête Anper.

[299]  Selon l’essentiel du témoignage de Mme Heaman et conformément à sa déclaration non datée et à sa déclaration du 21 août, on lui a laissé entendre que, si elle collaborait à l’enquête Anper, l’employeur allait la récompenser. Bien entendu, ces éléments permettent de déduire que Mme Heaman est prête à tenir des propos qui sont dans l’intérêt d’une personne en échange de faveurs ou d’une rémunération; en d’autres termes, elle pouvait être achetée ou soudoyée. Ce témoignage n’est pas utile au plaignant puisque la preuve a révélé que Mme Heaman a modifié la déclaration Heaman non datée (dans laquelle elle a affirmé avoir dit la vérité à l’enquête Anper) pour la déclaration du 21 août (dans laquelle elle a affirmé avoir fourni de faux renseignements dans le cadre de l’enquête Anper). Selon la preuve, on peut déduire que cette affirmation a été faite à la demande du plaignant.

[300]  Les problèmes de crédibilité sont tranchés au moyen du critère énoncé dans la décision Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, dans laquelle la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Si l’acceptation de la crédibilité d’un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l’apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l’administration de la justice dépendrait des talents d’acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l’apparence de sincérité n’est qu’un des éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité d’un témoin. Les possibilités qu’avait le témoin d’être au courant des faits, sa capacité d’observation, son jugement, sa mémoire, son aptitude à décrire avec précision ce qu’il a vu et entendu contribuent, de concert avec d’autres facteurs, à créer ce qu’on appelle la crédibilité […]. Par son attitude, un témoin peut créer une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances permettent de conclure de façon indubitable qu’il dit la vérité. Je ne songe pas ici aux cas assez peu fréquents où l’on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnables dans telle situation et telles circonstances. […]

[…]

 

[301]  En appliquant le critère de Faryna, je peux déclarer sans l’ombre d’un doute que le témoignage de Mme Heaman est loin d’être crédible. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il n’était pas utile au plaignant et qu’il ne l’a certainement pas aidé dans son grief visant le licenciement.

[302]  À plusieurs occasions, le plaignant a aussi laissé entendre que l’employeur avait contraint Mme Heaman à faire des déclarations dans le cadre de l’enquête Anper. Il a dit qu’il existait des documents qui l’attestaient. Toutefois, rien dans aucun document produit devant moi ne permet de croire qu’elle a été contrainte à faire des déclarations à Mme Pereira dans le cadre de l’enquête Anper. Lorsqu’elle a témoigné devant moi, Mme Heaman n’a pas dit qu’elle avait été contrainte à les faire.

[303]  Les documents déposés en preuve ne révélaient pas que l’ACIA avait en aucune façon soudoyé Mme Heaman, avait acheté son témoignage ou l’avait contrainte.

[304]  Un seul document que Mme Heaman a rédigé ou obtenu pouvait être interprété comme étant suspect. Il s’agit de son courriel envoyé à M. Doyle en janvier 2012, qui est rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Je me demandais s’il était possible de me garantir que je n’aurais plus à travailler avec les gars de Mitchell si je dois suivre une formation porcine. C’est la raison pour laquelle je n’y ai pas donné suite et je crains que, si je suis la formation porcine et s’ils ne perdent pas leur emploi, je sois forcée de travailler avec eux encore et je ne le veux vraiment pas.

Peut-être que nous pouvons en parler en privé lol [sic]

[…]

 

[305]  Aucune question n’a été posée au sujet du courriel. On ne peut que spéculer sur ce que Mme Heaman savait à l’époque. Elle pouvait très bien avoir déjà été interrogée par Mme Pereira, avoir eu des discussions avec des collègues et avoir fait des hypothèses sur ce qui pouvait arriver.

[306]  Le fardeau en l’espèce reposait sur le plaignant. Il lui revenait de présenter des éléments de preuve pour me convaincre que l’Alliance avait agi d’une manière qui contrevenait à l’art. 187 de la Loi. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau. Le critère ne consistait pas à se demander si l’Alliance avait respecté ses instructions ni si son évaluation était appropriée. Comme je l’ai déjà abordé la question de la discrimination, il reste le critère de la question de savoir si elle a agi de manière arbitraire ou de mauvaise foi.

[307]  Je suis convaincu que, selon la preuve, l’Alliance n’a pas agi de manière arbitraire ou de mauvaise foi. Ses représentants ont examiné les arguments du plaignant comme le prévoit la jurisprudence. Ils ont lu le rapport d’enquête final, ils ont rencontré le plaignant à un certain nombre de reprises et ils ont examiné les documents qu’il leur a transmis. Son dossier a été renvoyé au cabinet Raven, qui se spécialise dans le droit du travail et de l’emploi du point de vue syndical, pour le représenter. Un avocat principal de ce cabinet, avec l’aide d’une stagiaire, a encore une fois examiné les documents qui lui ont été transmis. À la suite de cette évaluation, le cabinet a produit un avis selon lequel le grief du plaignant avait peu de chances de succès devant la CRTFP, et l’Alliance a décidé de ne pas le représenter à l’arbitrage sur ce fondement.

[308]  Il n’était pas raisonnable ou possible pour l’Alliance de tenter de mener une enquête distincte sur les allégations formulées par Great Lakes. L’ACIA a le contrôle de son milieu de travail, et Great Lakes a le contrôle des siens. L’Alliance n’a pas ce pouvoir. L’ACIA ou Great Lakes n’aurait pas collaboré avec l’Alliance; ils n’ont pas non plus à permettre aux employés de le faire. Toutefois, en fin de compte, cela n’aurait pas eu d’importance parce que le plaignant a été licencié sur le fondement du rapport final. Les allégations figurant dans ce rapport ont mené à la perte de son emploi, comme l’indique la lettre de licenciement.

[309]  La principale question liée au licenciement et donc au grief du plaignant, comme M. Cameron et Mme McGregor l’ont décrite, portait sur la santé et la sécurité relativement à la réalisation par le plaignant des fonctions et responsabilités de son poste. Il devait appliquer les règlements sur les aliments et sur la santé et la sécurité en ce qui concerne l’usine de transformation du porc où il travaillait, ce qui comprenait l’obligation de les respecter lui-même.

[310]  Le plaignant a formulé de nombreuses allégations; toutefois, peu d’éléments de preuve les appuient. Il lui revenait de présenter à l’Alliance les renseignements qui l’auraient aidée à le représenter ou, en bref, à réfuter la preuve présentée contre lui. Bien que le plaignant ait affirmé les avoir présentés sous forme de documents et de témoins, ni les documents qu’il dit avoir transmis ni les témoins qu’il a identifiés, et qui ont été présentés à l’audience, ne permettent de conclure à une erreur de la part de l’Alliance et qui m’aurait permis de conclure que la décision de cette dernière était arbitraire ou prise de mauvaise foi.

[311]  Il ne m’a pas échappé que le plaignant a accordé une grande importance aux personnes qu’il considérait comme des témoins cruciaux et essentiels à ses arguments, en particulier Mme Heaman et ses déclarations. Bien que ce sujet ne soit pas déterminant pour la question à laquelle je dois répondre, si cette plainte reposait sur un fondement, je me serais attendu à obtenir une certaine preuve de la nature critique et essentielle du témoignage des témoins à laquelle il renvoyait; il n’y en a pas eu.

VI.  Divers

A.  Le commentaire sur l’insigne et l’allégation de l’hostilité de M. Kingston

[312]  Je ne saurais passer sous silence le commentaire sur la cérémonie de retrait de l’insigne, puisque le plaignant semble avoir accordé beaucoup d’importance au commentaire et à la réponse de M. Kingston.

[313]  Je n’ai entendu que deux témoins parler du commentaire, soit le plaignant et M. Kingston, et aucun n’était présent lorsqu’il a été formulé. Il a été attribué à des gestionnaires de l’ACIA durant une rencontre avec les gestionnaires de l’usine au début de 2011. Aucune des personnes directement concernées n’a comparu devant moi, même s’il a eu beaucoup d’éléments de preuve par ouï-dire au sujet du commentaire. Le plaignant était d’avis qu’il le visait directement, du moins en partie. Je crois qu’il pourrait avoir de bonnes raisons de le croire puisque la preuve devant moi indiquait que la relation entre les représentants principaux du syndicat comme lui, qui étaient inspecteurs, et la direction de l’ACIA ne pouvait être décrite comme étant bonne.

[314]  Cela étant dit, un gestionnaire de l’ACIA l’aurait formulé bien avant que le plaignant ait été licencié. De plus, M. Kingston a déclaré qu’il l’avait examiné. La preuve n’a pas révélé de lien entre le commentaire et la plainte formulée contre l’Alliance. Bien que la preuve puisse indiquer que l’employeur avait un problème avec le plaignant à titre d’employé, rien dans la preuve n’établissait de lien entre la décision de ne pas le représenter et le commentaire sur la cérémonie de retrait de l’insigne, à l’exception du fait que M. Kingston l’a examiné.

[315]  Le fait que le plaignant croyait que M. Kingston ne l’avait pas examiné de façon sérieuse ou suffisante ou qu’il collaborait avec la direction de l’ACIA n’en fait pas une réalité et ne prouve pas qu’il avait quelque chose à voir avec la décision de l’Alliance de ne pas le représenter l’audience devant la CRTFP.

[316]  La suggestion selon laquelle M. Kingston n’aimait pas le plaignant et était hostile à son égard découlait de la question relative à la cérémonie de retrait de l’insigne. Toutefois, elle n’est pas appuyée par la preuve.

[317]  Avant la fin de la présentation des arguments du plaignant, l’avocat des défendeurs a avisé l’avocate du plaignant de son intention de déposer une requête en irrecevabilité à la fin de cette présentation, avant de déposer toute preuve au nom des défendeurs. Elle a obligé le défendeur à évaluer ses arguments et à décider s’il souhaitait plaider la requête en irrecevabilité avec seulement son témoignage et celui de Mme Heaman et de M. Garnett et sans bénéficier de celui de certains témoins potentiels que les défendeurs devaient appeler.

[318]  Dans les circonstances, le plaignant a décidé d’appeler MM. Kingston et Cameron à témoigner. Bien que son avocate n’ait pas eu la possibilité de les rencontrer et d’examiner leur témoignage comme elle aurait pu le faire s’ils avaient été favorables au plaignant, on lui a accordé tout le temps nécessaire.

[319]  Rien dans le témoignage de M. Kingston ne laisse entendre qu’il éprouvait de l’hostilité envers le plaignant.

B.  L’allégation selon laquelle l’Alliance n’a pas donné suite grief du plaignant pour des raisons financières

[320]  En juin 2014, juste avant que le plaignant ne signe le PE, il a assisté à une réunion régionale avec l’Alliance à Mississauga. Il a déclaré que, durant ses discussions avec plusieurs membres de l’Alliance, il a appris que cette dernière ne le représenterait pas devant la CRTFP pour des raisons financières.

[321]  M. Garnett a déclaré que Mme D le lui avait dit. Il a déclaré qu’elle a dit que MM. Kingston et Miller le lui avaient confié. Ni elle ni M. Miller n’ont témoigné. S’il est vrai que M. Kingston a formulé le commentaire, le plaignant, qui l’a appelé comme témoin, aurait dû l’interroger à ce sujet; il ne l’a pas fait.

[322]  Bien que Mme D ait été mentionnée indirectement dans les témoignages et les documents, la nature exacte de sa relation avec l’Alliance, l’élément ou les deux, et sa participation au grief, n’est pas claire.

[323]  En dehors des commentaires par ouï-dire que M. Garnett a transmis au plaignant puis à l’audience, rien dans la preuve n’indique que des raisons financières ont motivé la décision de l’Alliance. M. Kingston qui, avec M. Orfald, a décidé pour le compte de l’Alliance de ne pas représenter le plaignant devant la CRTFP, n’a pas indiqué dans son témoignage que c’était bien le cas. Mme Devine, qui travaille pour l’Alliance et qui a été appelée comme témoin, n’a pas non plus été interrogée à ce sujet.

C.  L’allégation selon laquelle l’Alliance n’a pas donné suite grief du plaignant pour des raisons politiques

[324]  Le plaignant a laissé entendre que l’Alliance a décidé de ne pas le représenter devant la CRTFP en raison de la campagne relative à la salubrité des aliments qu’elle menait.

[325]  Il est difficile de séparer la salubrité des aliments d’un inspecteur. Le but premier du travail d’un inspecteur est de s’assurer du mieux qu’il le peut que les aliments au Canada soient salubres. Il serait difficile pour une personne de se dire contre l’existence de règlements sur la salubrité des aliments qui ont pour but de protéger la sécurité de l’approvisionnement alimentaire ainsi que la santé des Canadiens.

[326]  Il est aussi impossible qu’elle ne soit pas la priorité de l’Alliance, laquelle représente des inspecteurs responsables de la salubrité des aliments lorsqu’elle représente un employé qui a été licencié pour ne pas avoir respecté le protocole sur la salubrité des aliments. Toutefois, il s’agit là de l’un des intérêts indiqués dans la décision Sayeed, au paragraphe 39, qui cite la décision Ouellet c. Luce St-Georges, 2009 CRTFP 107, au paragraphe 39 comme suit :

[39] Bref, le devoir du syndicat est de s’acquitter de son devoir de représentation de façon raisonnable, en tenant compte de tous les faits qui l’entourent, en enquêtant sur la situation, en pesant les intérêts contradictoires du fonctionnaire, en tirant des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief, puis en informant le fonctionnaire de sa décision de donner suite ou non au grief.

 

[327]  La preuve dont je dispose indiquait que la campagne sur la salubrité des aliments et la salubrité des aliments en général et dans l’absolu n’ont pas été déterminantes dans la décision de ne pas représenter le plaignant devant la CRTFP. Toutefois, si elles ont eu une influence, l’Alliance était certainement tenue de les évaluer dans le cadre du processus. Lorsqu’ils sont représentés dans le cadre d’un grief, il est fréquent pour les employés d’être en conflit avec d’autres membres de la même unité de négociation et d’autres membres de l’agent négociateur. C’est la nature même du milieu de travail et de l’environnement de travail syndiqué.

D.  L’allégation selon laquelle l’enquête était un coup monté et une chasse aux sorcières

[328]  Dans les documents produits qui étaient contemporains aux événements en litige, le plaignant a souvent laissé entendre que l’enquête était un coup monté ou une chasse aux sorcières. Il a aussi fait cette déclaration devant moi. De plus, il a laissé entendre qu’en réalité, la direction de l’ACIA était à l’origine de l’enquête et que Great Lakes a simplement été utilisée comme pantin pour permettre à l’employeur de réaliser l’enquête. Il n’y a aucune preuve de cela.

[329]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus au sujet du témoignage de témoins inconnus et de celui de MM. E et F et de Mme C, si les allégations du plaignant étaient fondées, j’aurais pensé qu’au moment de l’audience devant moi en 2018 et en 2019, une certaine preuve de coup monté ou de l’utilisation de Great Lakes comme pantin m’aurait été présentée. Seules les allégations du plaignant l’ont été.

[330]  Pour ce qui est de la suggestion d’un coup monté ou d’une chasse aux sorcières de l’employeur, encore une fois, elle n’est pas appuyée par la preuve. Encore une fois, s’il y avait eu une preuve, j’aurais pensé qu’au moment où j’ai entendu l’affaire, il y aurait eu des éléments à déposer. De nouveau, seules les allégations du plaignant m’ont été présentées.

[331]  À maintes reprises pendant son témoignage, le plaignant a souvent répondu à une question en déclarant que l’enquête Anper et le rapport final étaient biaisés. Il a confirmé qu’il savait que Mme Pereira ne travaillait pas pour l’ACIA ou pour Great Lakes. Toutefois, il a laissé entendre qu’elle était partiale parce qu’on lui avait promis un travail et que ce fait transpirait des courriels, selon lui. Il n’a aucunement été mis en preuve que Mme Pereira était partiale ou que l’ACIA lui avait promis du travail.

[332]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII.  Ordonnance

[333]  Le PE conclu par le plaignant, l’ACIA et l’Alliance, déposé sous les cotes C-6 et R‑3, onglet 83, est mis sous scellés.

[334]  La pièce R-3, onglets 24, 33, 34, 37, 39, 40, 41, 45, 48, 53, 55, 61, 62, 63, 65, 66, 67, 71, 77, 78 et 79, sera mise sous scellés.

[335]  La plainte est rejetée.

Le 27 août 2020.

(Traduction de la CRTESPF)

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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