Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre quatre griefs contestant le pouvoir de l’employeur de recouvrer des crédits de congé annuel – les griefs ont été déposés en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF), qui autorise le renvoi à l’arbitrage des griefs liés à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective – selon le paragraphe 209(2) de la LRTSPF, pour qu’un fonctionnaire s’estimant lésé puisse déposer un grief au sujet d’une question relative à la convention collective, il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage – la Commission a conclu que les griefs n’étaient ni de nature disciplinaire – ils étaient liés à l’application ou à l’interprétation de la convention collective – au départ, l’agent négociateur a appuyé ces griefs lorsqu’ils ont été renvoyés à l’arbitrage, mais a ensuite retiré son soutien – par conséquent, la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre les griefs.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Résumé

[1]  La présente affaire porte sur quatre griefs déposés en réponse aux efforts de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC ou l’« employeur ») pour recouvrer des crédits de congé annuel accordés par erreur et non acquis auprès de Susan Kruse, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »). Un groupe d’employés touchés de la même façon ont aussi déposé des griefs et les ont renvoyés à l’arbitrage. J’ai rejeté ce dernier groupe de griefs dans une décision antérieure (2020 CRTESPF 81).

[2]  Les quatre griefs qui sont visés par la présente décision ont été retirés de l’audition des autres questions par l’agent négociateur (l’Alliance de la Fonction publique du Canada ou « AFPC »). Les raisons pour lesquelles ils ont été retirés n’ont pas été communiquées à la Commission et elles ne sont pas pertinentes à la présente décision.

[3]  Après cette audience et avant que la décision antérieure soit publiée, la fonctionnaire (par l’entremise d’un représentant personnel) a écrit à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et a demandé qu’une audition de ses quatre griefs soit fixée. Son agent négociateur a ensuite fait parvenir un avis à la Commission indiquant qu’il s’était retiré des quatre griefs.

[4]  L’avocat de l’employeur s’est opposé à la demande de la fonctionnaire, il a déclaré que la Commission n’avait pas compétence pour entendre les griefs et il a demandé la fermeture des dossiers. La fonctionnaire a répondu qu’elle était auparavant représentée par son agent négociateur lorsque les griefs ont été déposés et qu’elle devrait maintenant être autorisée à poursuivre leur arbitrage devant la Commission.

[5]  Il est bien établi que l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF) exige qu’un fonctionnaire qui présente un grief au sujet d’une question relative à la convention collective soit représenté par un agent négociateur.

[6]  Même si au départ l’agent négociateur représentait la fonctionnaire pour les quatre griefs en litige au moment du renvoi à l’arbitrage, cela ne corrige pas le fait qu’il s’est retiré. Je n’ai pas compétence pour entendre ces griefs. Par conséquent, les griefs sont rejetés.

II.  Contexte

[7]  En 2011, la fonctionnaire a déposé quatre griefs (dossiers de la Commission 566-02-06664 et 11661 à 11663). Elle y alléguait que des calculs erronés avaient été faits en ce qui concerne l’obtention par elle de crédits de congé annuel. Dans le quatrième, elle soutenait également que l’employeur avait manipulé des données lorsqu’il avait établi à tort son congé annuel.

[8]  Ces quatre griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en octobre 2015, en même temps que 36 griefs semblables déposés par d’autres employés de la même unité de négociation. L’AFPC représentait les fonctionnaires dans tous ces griefs.

[9]  Une audience a été fixée pour les quatre griefs de Mme Kruse ainsi que les 36 autres. Elle devait commencer le 8 octobre 2019. Avant le début de l’audience, l’avocat de l’agent négociateur a informé la Commission qu’il ne donnerait pas suite à plusieurs des griefs (y compris les quatre de Mme Kruse). Par conséquent, les griefs de Mme Kruse ne faisaient pas partie de l’audience qui a commencé à cette date.

[10]  Le 15 octobre 2019, la Commission a écrit à l’AFPC pour lui dire qu’elle devait aviser la Commission par écrit que les griefs avaient été retirés.

[11]  Le 11 mai 2020, la Commission a reçu un courriel de John King indiquant que [traduction] « Susan Kruse (la fonctionnaire s’estimant lésée) souhaite donner suite à la présente affaire et qu’elle se représente elle-même et qu’elle informe officiellement la Commission qu’elle a choisi de le faire ». Ni l’employeur ni l’agent négociateur n’ont obtenu de copie conforme.

[12]  Avant que la Commission réponde, le 22 mai 2020, l’avocat de l’agent négociateur a écrit à la Commission pour l’aviser qu’il se retirait des quatre griefs de Mme Kruse.

[13]  Le 25 mai 2020, la Commission a écrit aux parties. Elle a déclaré que puisqu’elle avait été avisée que les griefs avaient été retirés, les procédures connexes ont pris fin et les dossiers ont été fermés.

[14]  Le 26 mai 2020, M. King a écrit à la Commission pour répéter qu’il avait écrit à cette dernière le 11 mai pour l’aviser que Mme Kruse souhaitait donner suite à l’arbitrage et se représenter elle-même dans cadre de ces griefs, déclarant qu’il était d’avis que la représentation de l’agent négociateur n’était pas requise pour continuer.

[15]  Le 29 mai 2020, la Commission a écrit à Mme Kruse ce qui suit :

[Traduction]

Les 11 et 26 mai 2020, la Commission a reçu des lettres de John King l’avisant que vous souhaitiez vous représenter vous‑même dans le cadre des affaires susmentionnées.

Selon les dossiers de la Commission, vous avez déposé vos griefs en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF). Selon la directive de la Commission, je porte à votre attention le paragraphe 209(2) de la LRTSPF qui indique que « [p]our que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage ».

Nous vous demandons de confirmer directement que vous n’êtes plus représentée par l’AFPC. De plus, si c’est le cas, veuillez indiquer si vous avez choisi un autre représentant ou si vous allez vous représenter vous-même.

 

[16]  Le 1er juin 2020, M. King a répondu au courriel de la Commission, indiquant que [traduction] « Susan a demandé que je réponde à votre demande de renseignements ». Il a ajouté le contexte et les questions en litige des griefs.

[17]  Le 2 juin 2020, la Commission a écrit de nouveau à Mme Kruse pour lui dire ce qui suit :

[Traduction]

La Commission examinera uniquement les observations de votre représentant confirmé ou les vôtres si vous allez vous représenter vous‑même.

Par conséquent, comme nous l’avons indiqué dans notre courriel précédent, nous vous demandons de confirmer directement que vous n’êtes plus représentée par l’AFPC dans les présentes affaires. Si c’est le cas, nous vous demandons aussi d’indiquer si vous avez choisi un autre représentant (que ce soit M. King ou une autre personne) ou si vous allez vous représenter vous-même.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[18]  Mme Kruse a répondu le 3 juin 2020, confirmant que l’AFPC ne la représentait plus en ce qui concerne ses quatre griefs, conformément à la lettre envoyée par cette dernière à la Commission le 22 mai 2020. De plus, elle a confirmé son choix de se représenter elle-même, avec l’aide de M. King.

[19]  Le 5 juin 2020, la Commission a écrit à M. King et à Mme Kruse en ce qui concerne les griefs de cette dernière, comme suit :

[Traduction]

La Commission souhaite vous informer que les dossiers de griefs de Mme Kruse auprès de la Commission ont été clos le 25 mai 2020, en raison d’une erreur administrative.

La Commission a reçu le courriel du 3 juin 2020 de Mme Kruse, confirmant qu’elle se représentait elle-même, avec l’aide de M. King, en ce qui concerne ses griefs déposés à la Commission (dossiers de la CRTESPF 566-02-06664 et 566-02-11661 à 11663).

Toutefois, la Commission note que M. King a utilisé une adresse courriel qui renvoie à CEUDA, un élément de l’AFPC. Nous demandons donc à M. King de confirmer s’il offre une aide à titre personnel ou à titre de représentant de l’AFPC.

 

[20]  Par courriel le même jour, M. King a confirmé qu’il aidait la fonctionnaire à titre personnel et qu’il n’agissait en aucune façon en tant que représentant de l’agent négociateur.

[21]  L’avocat de l’employeur a écrit à la Commission le 8 juin 2020, exprimant son point de vue selon lequel compte tenu du retrait des griefs, la Commission avait à juste titre clos les dossiers, conformément à la directive explicite de l’avocat au dossier. L’employeur s’est aussi opposé à la compétence de la Commission d’entendre les griefs, étant donné sa compréhension selon laquelle l’agent négociateur ne les appuyait plus. Pour appuyer son argument, l’employeur a renvoyé au paragraphe 209(2) de la LRTSPF et à Baun c. Opérations des enquêtes statistiques, 2018 CRTESPF 54, aux paragraphes 55 à 58.

[22]  La Commission a écrit aux parties le 8 juin 2020 comme suit :

[Traduction]

Par la présente, nous accusons réception du courriel de M. King du 5 juin 2020 et celui de M. Toso du 8 juin 2020 (ci-dessous).

La Commission aimerait d’abord préciser que le retrait reçu de l’AFPC a en fait été traité par erreur.

Le retrait de l’AFPC a été reçu et traité après que nous avons reçu la lettre de M. King indiquant que Mme Kruse voulait se représenter elle-même (et avant que nous ayons accusé réception du courriel de M. King et y ayons répondu).

La Commission souhaite offrir à M. King ou à Mme Kruse la possibilité de répondre aux observations de l’employeur selon lesquelles ces griefs ne peuvent se poursuivre devant la Commission en l’absence d’une représentation de l’AFPC.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

III.  Observations

A.  Arguments de la fonctionnaire s’estimant lésée

[23]  J’ai reproduit textuellement comme suit les passages les plus pertinents de la communication de la fonctionnaire avec la Commission, du 10 juin 2020 :

[Traduction]

Susan Kruse et moi-même souscrivons à la décision de la Commission de rouvrir ces dossiers et croyons fermement que la Commission devrait continuer ces procédures conformément à notre demande. Il s’agit de faire ce qui est équitable, raisonnable et requis pour protéger le droit d’une personne à la justice fondamentale et ce qui est nécessaire pour veiller à ce que la justice soit rendue pour que la victime soit complètement remboursée et indemnisée relativement aux sommes dont elle a été privée il y a dix ans.

Les griefs de Susan ont été renvoyés par l’agent négociateur, déposés et fixés pour une audience devant la Commission en octobre dernier, ce qui devrait répondre à votre préoccupation en ce qui concerne le paragraphe 209(2) de la LRTSPF.

Pas plus tard que le 3 octobre 2019, l’avocat représentant l’AFPC a encore une fois confirmé que ces mêmes griefs, y compris les trois griefs susmentionnés de Susan Kruse, étaient toujours prêts pour être présentés avec le groupe de 38 griefs, la semaine suivante. Et encore une fois le 7 octobre 2020, Susan a reçu un avis de son représentant, qui comprenait l’heure et l’adresse du lieu de l’audience.

Cette correspondance écrite n’aurait pas été adressée à Susan si l’agent négociateur avait changé d’idée et n’approuvait plus la représentation des trois griefs de Susan pendant les procédures d’arbitrage. Ces faits démontrent également l’intention et l’approbation de l’agent négociateur en ce qui concerne votre préoccupation quant à la question de savoir si le paragraphe 209(2) était respecté.

Comme l’avocat de l’employeur a participé aux discussions portant sur l’offre de règlement et à la rédaction de cette dernière, laquelle a été conclue entre vous-même et les représentants syndicaux le matin de l’audience, je suis convaincu que vous avez noté l’absence de Susan, que vous avez été mis au courant du fait qu’elle n’a jamais demandé ni autorisé la médiation avec l’employeur qui a donné lieu au retrait de ses trois (3) griefs de la présentation du groupe cette journée-là, qu’elle a attendue patiemment pendant des années. Le caractère secret desdites discussions elles-mêmes et l’exclusion inacceptable de Susan de ces discussions et de la mise au point de l’offre avant qu’elle soit partagée avec Susan environ trois mois après le fait indique clairement qu’un processus équitable n’a pas été respecté. Susan a appris qu’il s’agissait de la seule offre finale de l’employeur. C’est parce que Susan ne pouvait pas accepter les modalités de l’offre de règlement que l’agent négociateur a signifié un avis de retrait desdits griefs. Ce n’est pas parce que l’agent négociateur ne voulait pas la représenter pendant le processus d’arbitrage. Je vais supposer que le syndicat et l’employeur ont transmis le message conjoint à la Commission le matin de l’audience selon lequel les griefs avaient été réglés avant que la plaignante n’ait été mise au courant des modalités de l’offre de règlement.

Il n’en demeure pas moins que la Commission a été dûment avisée par la plaignante le 11 mai 2020 de son souhait de donner suite aux griefs toujours actifs à ce moment. Apparemment, l’AFPC n’était pas au courant de la correspondance de Susan avec la Commission du 11 mai demandant de continuer la procédure et de se représenter elle‑même avant de se retirer de ces plaintes le 22 mai.

Encore une fois, cela ne change pas le fait que l’AFPC avait auparavant accepté de la représenter dans le cadre de ses griefs pendant les procédures d’arbitrage collectif, qui se sont déroulées ainsi qu’elles avaient été fixées. Je suis convaincu que l’arbitre de grief a aussi été mis au courant par l’avocat au début de l’audience que les trois griefs de Susan n’avaient pas été retirés de la présentation de groupe pour une raison autre qu’elle croyait qu’ils seraient réglés à sa satisfaction, ce qui s’est plus tard avéré ne pas être le cas.

C’est aussi parce que la compétence de la Commission pour entendre le dossier 566-02-06664 a été remise en question et que ce grief en particulier n’a pas été inclus dans la liste initiale avec les 38 autres griefs de récupération des congés annuels que Susan a demandé à la Commission d’entendre ces griefs.

Sans vouloir jouer sur les mots, nous soutenons que ce grief a été renvoyé par l’agent négociateur, la Commission a compétence pour l’entendre en vertu du sous-alinéa 208(1)a)(i) de la LRTSPF et de l’alinéa 209(1)a), ce qui ne nécessite aucune approbation antérieure de l’agent négociateur.

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

i. soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

Contrairement à l’opinion de (l’employeur) selon laquelle tous ces griefs nécessitent l’approbation du syndicat avant qu’ils puissent se poursuivre, l’avocat représentant le Syndicat des douanes et de l’immigration a déjà donné une opinion selon laquelle Susan devrait être en mesure de continuer le grief et de se représenter elle-même dans au moins deux des trois griefs indiqués dans la liste initiale des 38 griefs, peu importe si l’agent négociateur a accepté qu’elle se représente elle-même. C’est peut-être parce que les griefs ne mentionnent pas d’articles précis de la convention collective, ce qui nécessite ainsi l’approbation de l’agent négociateur.

Ce que devraient maintenant réaliser le syndicat et l’employeur est que rien de ce qu’ils peuvent dire ou faire à ce moment-ci ne changera les faits, n’absoudra le gouvernement de sa pratique démontrée, délibérée et continue de falsifier le dossier d’emploi de Susan depuis les 10 dernières années, n’excusera l’approbation par le SDI et l’AFPC de la pratique de l’employeur de falsifier les dossiers d’emploi de leurs membres en raison de leur complicité ou n’excusera l’interprétation et l’application erronée de la convention collective par l’ASFC ou le Secrétariat du Conseil du Trésor, ayant entraîné la récupération injustifiée et illégale des congés annuels acquis déjà utilisés par la plaignante alors que Susan était l’unique pourvoyeuse pour sa famille.

C’est la plaignante qui contrôle ces renseignements et la façon dont ils sont utilisés lorsque le processus prend fin, non le syndicat ou l’employeur. Diverses personnes élues et nommées, occupant toutes des postes de pouvoir qui auraient pu et auraient dû intervenir sont demeurés silencieuses malgré qu’elles ont été avisées dès 2011 de l’article 398 du Code criminel et du fait qu’est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, avec l’intention d’induire en erreur, falsifie un registre d’emploi par un moyen quelconque. Nous sommes 10 ans plus tard et Susan attend toujours et se bat pour être entendue.

Pensons-y un instant. Les trois éléments (l’infraction, la mens rea et l’actus reus) sont présents et documentés, ce qui constituera au bout du compte selon moi une poursuite très révélatrice et fructueuse.

Les préoccupations de l’employeur en ce qui concerne l’alinéa 209(1)a) et le paragraphe 209(2) devraient maintenant être abordés, en particulier en l’absence de tout nouvel avis de l’agent négociateur confirmant son objection à ce que Susan poursuive les griefs et se représente elle-même, maintenant que ces dossiers ont depuis été rouverts et que l’erreur administrative de mettre fin aux procédures a été reconnue et corrigée par la Commission.

Toutefois, si la Commission change d’idée et met encore une fois fin à ces procédures malgré la présente lettre et les correspondances antérieures qui lui ont été envoyées au nom de Susan Kruse, nous demandons respectueusement à recevoir la décision de la Commission indiquant en détail par écrit les raisons pour lesquelles les circonstances entourant ces griefs conjointement à l’interprétation et l’application de la LRTSPF sont des motifs suffisants qui l’emportent sur le droit garanti à une justice fondamentale de la plaignante conformément à l’article 7 de la Charte des droits et libertés.

Comme on peut considérer que cette affaire est soumise à la Commission, je demande aussi que cette dernière précise toute limite à la compétence qu’elle peut avoir en ce qui concerne le dossier de la Commission 566-02-6664 de la Commission particulière à sa compétence d’aborder les aspects du travail et de l’emploi du présent grief ainsi que toute limitation à sa compétence qu’elle peut avoir pour aborder les questions et/ou les préoccupations jugées contraires au Code criminel du Canada.

B.  Arguments de l’employeur

[24]  M. King laisse entendre que l’exigence prévue au paragraphe 209(2) de la LRTSPF a été respectée parce que l’agent négociateur appuyait les griefs dans le passé. Toutefois, ils n’étaient plus arbitrables lorsque l’agent négociateur a retiré son soutien.

[25]  L’affaire citée dans la correspondance antérieure de l’employeur porte précisément sur une situation où un agent négociateur appuyait un grief au moment de sa présentation, mais qu’il avait plus tard retiré son soutien (voir Baun, aux paragraphes 55 à 58 et 143). Il importe peu de savoir si l’agent négociateur a exprimé son opposition au grief; il doit représenter le fonctionnaire à l’arbitrage.

[26]  De bonnes raisons appuient cette interdiction prévue au paragraphe 209(2). Dans un milieu syndiqué, l’agent négociateur est responsable de l’interprétation et de l’application d’une convention collective à l’égard des employés de l’unité de négociation. L’une de ses principales fonctions consiste à décider des considérations pertinentes du lieu de travail auxquelles il accordera la priorité. Par exemple, il peut fonder une décision sur son interprétation de la convention collective pertinente, l’effet sur d’autres employés ou son évaluation du bien-fondé du grief. Permettre à des employés de poursuivre d’eux-mêmes des griefs portant sur l’application ou l’interprétation d’une convention collective minerait le rôle de l’agent négociateur à cet égard.

[27]  Enfin, la Commission n’a pas une compétence inhérente à toutes les questions liées au travail et à l’emploi à la fonction publique fédérale. Elle est tenue d’appliquer les dispositions de la LRTSPF. Elle ne peut supposer qu’elle a compétence en vertu de l’article 208, puisqu’il ne fait que permettre à un employé de présenter un grief individuel à l’employeur. L’article 209, qui porte sur le renvoi d’un grief à la Commission, oblige expressément un fonctionnaire à obtenir l’approbation de l’agent négociateur et à être représenté par ce dernier à l’arbitrage. Comme la fonctionnaire n’a pas le soutien de son agent négociateur, les griefs devraient être rejetés.

C.  Arguments en réfutation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[28]  Les arguments en réfutation de la fonctionnaire sont les suivants :

[Traduction]

Les circonstances concernant l’affaire Baun, ses appels ou toute autre décision de la Commission d’ailleurs sont de toute évidence très différentes les unes des autres comme elles le sont par rapport aux circonstances et aux faits concernant Susan Kruse et les plaintes.

Peu importe l’article de la Loi en vertu duquel les griefs ont été renvoyés au départ à l’arbitrage, que ce soit en vertu de l’alinéa 209(1)a) par accident ou parce qu’il n’y a pas d’autre choix ou d’options disponibles ou connues de Susan qui lui aurait permis de renvoyer un grief individuel, l’intention de Susan de faire avancer ses griefs à l’arbitrage a été communiquée à toutes les parties. 

Susan a suivi le processus à sa disposition et l’a fait selon les attentes et la demande de ses représentants syndicaux.

Ce qui est essentiel et indéniable en particulier en vertu de la primauté du droit, de l’application régulière de la loi, de la justice fondamentale garantie et de tous les droits et protections garantis applicables d’une personne en vertu de la Charte des droits et libertés, c’est que Susan Kruse n’a pas encore eu la possibilité de rencontrer l’employeur et de présenter ses griefs à un niveau de la procédure de règlement des griefs et elle n’a jamais eu la possibilité au cours des 10 dernières années de présenter une preuve en ce qui concerne un grief à un tiers indépendant.

Les plaintes de tous les collègues de Susan ont été présentées à la Commission et/ou réglées, sauf celles de Susan.

L’agent négociateur a le pouvoir de sélectionner et d’affecter ses représentants et, s’il choisit de le faire, il peut autoriser Susan à donner suite à son grief et à se représenter elle-même, avec mon aide ou celle de n’importe qui. Oui, cette personne peut aussi être la fonctionnaire elle-même.

La Commission peut se prononcer sur sa propre compétence et elle se prononce uniquement sur les questions qui lui sont régulièrement présentées. C’est la seule raison pur faire avancer tous les griefs, soit de permettre à la Commission de faire son travail.

L’article 209 de la LRTSPF est en fait silencieux sur la question de savoir si une personne peut renvoyer un grief à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 208(1)a)(i). Aucune restriction n’empêche un employé de renvoyer un tel grief en vertu de l’article 208 ou 209, et l’article 209 ne contient aucune mention exigeant l’approbation de l’agent négociateur pour un grief renvoyé en vertu du sous‑alinéa 208(1)a)(i). Compte tenu de l’intention et de l’objet de la procédure de réparation, il est tout à fait logique que tous les griefs soient traités de manière uniforme, offrant la même option de se présenter devant un arbitre de grief. Sans une procédure d’arbitrage officielle pour ces plaintes, il ne peut y avoir de décision à l’égard de laquelle on peut interjeter appel, ce qui pervertit davantage la justice et le droit d’une personne à la justice.

En l’absence de toute objection ou confirmation de la part de l’agent négociateur s’opposant à la poursuite de la procédure ou dénonçant son soutien de ces griefs, je suggère que Susan ait le droit et la possibilité d’obtenir une audience et de voir ses plaintes entendues ainsi qu’elles ont été fixées. Cette manière de procéder serait équitable et raisonnable et permettrait de veiller à ce que le droit de Susan à la justice fondamentale et à l’application régulière de la loi soit reconnu et respecté, tout comme le maintien de l’intégrité et de la crédibilité de la procédure de réparation.

IV.  Analyse

[29]  La fonctionnaire demande le renvoi de ses griefs à l’arbitrage devant la Commission en vertu de l’article 209 de la LRTSPF qui se lit comme suit :

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

 

[30]  La fonctionnaire n’a pas soutenu que les problèmes qui ont mené à ses griefs étaient d’une façon quelconque liés à une mesure disciplinaire. Ses observations ne comportaient pas non plus une telle spéculation.

[31]  Par conséquent, elle peut seulement invoquer le sous-alinéa 209(1)a) comme moyen législatif pour que la Commission entende son renvoi à l’arbitrage.

[32]  Toutefois, comme l’a noté l’employeur, le paragraphe 209(2) exige qu’un tel renvoi soit approuvé par l’agent négociateur qui représente la fonctionnaire. Bien qu’il l’ait représentée au départ, il s’est plus tard retiré.

[33]  L’agent négociateur a choisi de ne pas donner suite à ces quatre griefs à l’audition du groupe de griefs présentés sur le même sujet de la récupération de crédits de congés annuels accordés par erreur et non acquis.

[34]  Des mois plus tard, lorsque la fonctionnaire a demandé l’arbitrage des quatre griefs, l’agent négociateur a avisé la Commission qu’il retirait sa représentation de la demande de les renvoyer à l’arbitrage. Comme je l’ai indiqué, la fonctionnaire a elle-même confirmé que l’agent négociateur ne la représentait plus dans le cadre de ces quatre griefs. Elle a déclaré qu’elle choisissait de se représenter elle-même, avec l’aide de M. King.

[35]  Comme c’était le cas lorsque la même question a été soumise à la Commission dans Baun, aux paragraphes 55 à 58, lorsqu’un agent négociateur retire sa représentation du renvoi d’un grief déposé en vertu de l’alinéa 209(1)a) (autre que pour un motif disciplinaire) à l’arbitrage, malgré son soutien antérieur, le paragraphe 209(2) de la Loi arrête l’affaire de poursuivre à l’audience.

[36]  La fonctionnaire a communiqué son souhaite de présenter devant la Commission des questions concernant la Charte canadienne des droits et libertés (partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, adoptée en tant qu’annexe B à la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) et le Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46). Les questions relatives à la Charte sont régulièrement présentées lorsque la Commission a compétence en vertu de l’article 209 de la LRTSPF, comme je l’ai indiqué. Les allégations visant les infractions au Code criminel devraient être présentées aux autorités locales d’application de la loi.

[37]  Une partie importante des observations de la fonctionnaire dans cette affaire visaient sa préoccupation sur la façon dont elle a été représentée dans la présentation de ses griefs et sur la façon dont ils ont été gérés, mais ne portaient pas sur l’audience que j’ai menée relativement aux 36 griefs connexes. Aucune de ces questions n’a été régulièrement présentée à la Commission dans le cadre d’un grief portant sur la convention collective en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTSPF.

[38]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[39]  Les griefs sont rejetés.

Le 31 août 2020.

(Traduction de la CRTESPF)

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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