Décisions de la CRTESPF

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Date: 20200615

Dossier: 569-32-00194

 

Référence: 2020 CRTESPF 69

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Institut Professionnel de la Fonction Publique DU CANADA

agent négociateur

 

et

 

Agence Canadienne d’inspection des Aliments

 

employeur

Répertorié

Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Linda Gobeil, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur :  Sandra Guéric, avocate

Pour l’employeur :  Cristina St-Amant-Roy, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),

les 11 et 12 juin 2019.


MOTIFS DE DÉCISION

I.  Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

[1]  Le 27 juillet 2015, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC ou l’ « agent négociateur») a déposé un grief de principe en vertu de l’article 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le grief conteste la décision de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA ou l’ « employeur ») de ne pas verser une indemnité de 4 % (l’ « indemnité ») aux fonctionnaires qui sont des vétérinaires, dont le poste est classifié aux groupe et niveaux VM-01 et VM-02, qui ont un poste d’attache en santé des animaux et ont pour tâches l’hygiène des viandes dans un abattoir. Plus précisément, l’employeur refuse de payer cette indemnité lorsque ces fonctionnaires exercent leurs fonctions à l’extérieur d’un abattoir. Selon l’employeur, cette indemnité n’est payable aux fonctionnaires que pour les heures de travail effectuées dans un abattoir. L’agent négociateur allègue que l’employeur a violé la clause G2.01 de la convention collective entre l’ACIA et l’IPFPC concernant l’unité de négociation du groupe de la Médecine vétérinaire, qui a expiré le 30 septembre 2014 (la « convention collective »).

[2]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II.  Résumé de la preuve

[3]  Les parties ont soumis l’énoncé conjoint des faits suivant, en plus d’autres pièces jointes :

[…]

1. La clause G2 intitulée « indemnité pour l’inspection des viandes « de la convention collective entre l’ACIA et l’IPFPC concernant l’unité de négociation du groupe de la médecine vétérinaire (VM) est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. La convention collective expirant le 30 septembre 2014 et faisant l’objet du grief de principe est jointe en annexe A.

2. Au moment où la clause G2 est entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, une prime de surveillance fonctionnelle (G3) est également entrée en vigueur, tel que mentionné dans le courriel du 16 septembre 2005. Le courriel du 16 septembre 2005 est joint en annexe B.

3. Les vétérinaires n’ayant pas droit à l’indemnité pour l’hygiène des viandes ont reçu un paiement unique de 1300.00$, tel que mentionné dans le document entre l’ACIA et l’IPFPC formulant les principes relativement aux deux nouvelles indemnités. Le document formulant les principes est joint en annexe C ainsi qu’un courriel daté du 17 mars 2006 ayant trait à ce paiement, en annexe D.

4. À cette époque, les vétérinaires de groupe et classification VM-01 et VM‑02 dont le poste d’attache était en santé des animaux n’avaient pas de tâches d’inspection des viandes en abattoir dans leur description de tâches contrairement aux vétérinaires de groupe et classification VM-01 et VM-02 dont le poste d’attache était en hygiène des viandes.

5. Le 31 janvier 2006, un bulletin des procédures a été mis en place par l’ACIA afin d’informer les conseillers en rémunération de la marche à suivre pour appliquer l’indemnité pour l’inspection des viandes et la prime de surveillance fonctionnelle. Le bulletin des procédures est joint en annexe E.

6. Depuis le 1er janvier 2007, l’Employeur verse l’indemnité pour l’inspection des viandes sur toutes les heures des vétérinaires travaillant en hygiène des viandes. Une note de service est jointe en annexe F, datée du 2 février 2007 émanant de Mme Nathalie Boucher, gestionnaire en rémunération et avantages sociaux, Région du Québec.

7. Le 25 mars 2011, une nouvelle description de tâches générique pour les VM-01 a été remise aux vétérinaires de l’hygiène des viandes et ceux de santé des animaux, et une autre description de travail générique pour les VM-02 a été remise aux vétérinaires de l’hygiène des viandes et ceux de santé des animaux. Les vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux ont maintenant dans leurs descriptions de tâches, des tâches d’inspection des viandes dans un abattoir. L’employeur a déterminé la date d’entrée en vigueur de ces descriptions génériques VM‑01 et VM-02 rétroactives au 1er mai 2001. Les descriptions sont jointes en annexe G.

8. En 2012, un document concernant les modalités de transfert des vétérinaires en santé des animaux (SA) vers l’hygiène des viandes (HV) est élaboré par la gestion. Voir document joint en annexe H (courriel de Mme Johanne Riendeau, directrice de la région de Québec à l’époque, daté du 12 janvier 2012).

9. En 2013, l’ACIA a établi des « questions et réponses » relativement à l’article G2. Voir courriel daté du 3 mai 2013 en annexe I.

10. En 2013, dans le cadre d’une rencontre effectuée un samedi à la demande de l’employeur, des vétérinaires de classification VM-01 et VM-02 dont le poste d’attache était l’hygiène des viandes, qui n’avaient pas reçu l’indemnité d’inspection des viandes pour les heures de travail une journée où ils étaient en rencontre d’équipe et/ou séance d’information dans les bureaux de l’ACIA ont déposés des griefs. Les griefs ont été accueillis par le vice-président aux opérations, au dernier palier de la procédure de grief, dans des lettres datées du 10 septembre 2014 ci‑jointes, en annexe J.

11. Le 8 juin 2015, Mme Isabelle Vaillancourt, VM-01 dont le poste d’attache était en santé des animaux, au bureau du district de Victoriaville, communique par courriel avec sa superviseure revendiquant avoir droit à l’indemnité pour l’inspection des viandes pour toutes les heures travaillées comme le prévoit l’article G2 et non uniquement pour les heures consacrées exclusivement à ces tâches d’inspection des viandes en abattoir et le 29 juin 2015, sa superviseure, Dominique Cécyre, refuse de lui octroyer tel que demandé. Voir échange courriel en annexe K.

12. Le 27 juillet 2015, l’IPFPC dépose un grief de principe alléguant une violation de l’article G2 de la convention collective entre l’ACIA et l’IPFPC concernant l’unité de négociation du groupe de la médecine vétérinaire (VM). Le grief est joint en annexe L.

13. Le 15 décembre 2015, l’employeur rejette le grief. La décision signée par Mme Chantale Seeton est jointe en annexe M.

14. Depuis le 1er septembre 2018, l’indemnité d’inspection des viandes a été éliminée de la convention collective. L’appendice A de la convention collective entre l’ACIA et l’IPFPC concernant l’unité de négociation du groupe de la médecine vétérinaire (VM) expirant le 30 septembre 2018 prévoit une augmentation de 4% à tous les échelons pour VM-01 et VM-02 avec élimination subséquente de l’indemnité pour l’inspection des viandes.

[…]

A.  Pour l’agent négociateur

[4]  Dans sa déclaration d’ouverture, l’avocate de l’agent négociateur a indiqué que les vétérinaires VM-01 et VM-02 ont un poste d’attache en hygiène des viandes ou en santé des animaux.

[5]   Selon l’avocate, les vétérinaires VM-1 et VM-2 qui ont un poste d’attache en hygiène des viandes reçoivent l’indemnité prévue dans la clause G2.01 de la convention collective. Dans le cas des vétérinaires VM-1 et VM-2, dont le poste d’attache est en santé des animaux, ces derniers reçoivent cette indemnité seulement dans les cas où ils font l’inspection des viandes dans un abattoir donné. Ils ne la reçoivent pas en tout temps, comme leurs collègues, dont le poste d’attache est en hygiène des viandes. Selon l’avocate, la clause G2.01 de la convention collective ne fait pas de distinction entre les postes d’attache. Selon elle, cette clause doit s’appliquer de la même façon pour tous; peu importe que les vétérinaires VM-01 et VM-02 aient un poste d’attache en hygiène des viandes ou en santé des animaux. L’avocate a souligné que la description de tâches générique en vigueur depuis le 25 mars 2011, rétroactive au 1er mai 2001, s’applique à tous sans distinction, et qu’elle prévoit que tous les vétérinaires, peu importe leur poste d’attache, ont comme tâche l’hygiène des viandes.

[6]  L’avocate a précisé que, depuis son entrée en vigueur en 2006, la clause G2.01 de la convention collective n’a pas changé lors des rondes de négociations collectives subséquentes jusqu’à ce qu’elle cesse d’exister en septembre 2018.

[7]  La Dre France Boily a été appelée à témoigner pour l’agent négociateur. Elle est vétérinaire au groupe et au niveau VM-01 à Rimouski. Elle occupe un poste permanent auprès de l’employeur depuis juin 2011. Bien que son poste d’attache est dans le secteur de la santé des animaux, elle a indiqué travailler dans deux secteurs d’activités.

[8]  La Dre Boily a expliqué avoir suivi depuis son embauche toutes sortes de formation, dont en hygiène des viandes.

[9]  La Dre Boily a d’abord expliqué en quoi consistait le travail en hygiène des viandes. Elle a témoigné que son travail consiste notamment à faire des inspections ante mortem et post mortem, dont le but est de s’assurer que la viande des animaux peut être consommée. Si elle constate que l’animal représente un risque, elle doit émettre un certificat de condamnation de l’animal. Son travail requiert aussi l’inspection des divers établissements de l’employeur afin de s’assurer que tout est conforme aux normes d’hygiène. La Dre Boily a expliqué que l’inspection ante mortem des animaux est importante afin de déceler des maladies qui ne seraient plus détectables une fois l’animal mort. Quant à l’inspection post mortem, elle a lieu après le décès de l’animal et est aussi nécessaire pour déceler d’autres types de maladies.

[10]  Selon la Dre Boily, bien qu’une bonne partie du travail en hygiène des viandes se passe dans un abattoir, comme par exemple l’autopsie d’un animal, il y a de nombreux suivis liés à l’hygiène des viandes qui sont faits au bureau de district. Par exemple, dans les cas de lésions pulmonaires, des suivis sont nécessaires avec des pathologistes. Ces suivis sont faits par téléphone au bureau de district, et non pas dans un abattoir.

[11]  Parfois, la Dre Boily doit aussi aller chercher des pièces d’animaux et elle doit s’assurer qu’ils sont envoyés au laboratoire approprié. Elle doit aussi se déplacer entre les abattoirs, le bureau de district et d’autres emplacements toujours pour effectuer des tâches ou des suivis liés à l’hygiène des viandes. La Dre Boily a indiqué avoir passé beaucoup de temps dans son bureau pour ces suivis. Son superviseur passe également beaucoup de temps à ces suivis.

[12]  Quant aux formations reçues, la Dre Boily a expliqué que la vaste majorité des séances de formation qu’elle a reçues (pièce BA-3) sont requises tant pour effectuer les tâches en hygiène des viandes que celles en santé des animaux. À ce chapitre, la Dre Boily a précisé que ses collègues, dont le poste d’attache est en hygiène des viandes, ont toujours droit à l’indemnité prévue dans la clause G2.01 de la convention collective lorsqu’ils suivent une formation peu importe laquelle et peu importe l’endroit, alors qu’elle et ses collègues, dont le poste d’attache est en santé des animaux, ils n’y ont droit que seulement si l’activité a lieu dans un abattoir. Par exemple, les vétérinaires ayant un poste d’attache en hygiène des viandes ont droit à l’indemnité pour suivre la formation sur la conduite des véhicules de l’employeur, alors que les vétérinaires VM-1 et VM-2, dont le poste d’attache est en santé des animaux, n’y ont pas droit.

[13]  La Dre Boily a expliqué avoir suivi la formation nécessaire pour exécuter des tâches en hygiène des viandes en avril 2013. Cette formation était théorique, et elle couvrait plusieurs modules portant sur des sujets comme l’anatomie des animaux à évaluer et la pathologie.

[14]  Quant aux tâches liées à la santé des animaux, la Dre Boily a expliqué que cette partie de son travail se passe souvent à la ferme, où des échantillons sont prélevés sur des animaux et où parfois il faut rendre des ordonnances de quarantaine ou d’abattage.

[15]  Pour ce qui est de l’indemnité prévue dans la clause G2.01 de la convention collective, la Dre Boily a expliqué que les fonctionnaires VM-1 et VM-2, dont le poste d’attache est en santé des animaux, ont commencé à recevoir cette indemnité en 2014. Puisque l’employeur a accepté de la verser aux vétérinaires en santé des animaux seulement pour le travail effectué dans un abattoir, il faut donc présenter un formulaire de demande chaque fois.

[16]  En contre-interrogatoire, la Dre Boily a convenu que le travail dans un abattoir impliquait souvent de travailler sur une carcasse d’animal, mais elle a aussi précisé qu’il y a toujours un suivi à faire et que ce suivi est souvent fait à l’extérieur de l’abattoir et est lié à l’hygiène des viandes.

B.  Pour l’employeur

[17]  La Dre Sonia Poisson a été appelée à témoigner pour l’employeur. Elle est vétérinaire et gestionnaire en inspection depuis 2006. Elle est responsable de l’inspection de tous les abattoirs et du district de la santé des animaux pour la région du Québec. Elle a occupé des postes VM-01 et VM-02 de 1998 à 2006.

[18]  Au cours de son témoignage, la Dre Poisson a expliqué que l’employeur à deux programmes distincts pour ses vétérinaires, soit : l’hygiène ou l’inspection des viandes, et la santé des animaux. Selon la Dre Poisson, il y a une différence entre le travail effectué en santé des animaux et celui en hygiène des viandes. Par exemple, les vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux, sont rattachés à un district donné et s’occupent de l’état de santé des animaux. Ainsi, ils font par exemple l’inspection d’animaux dans les encans et dans les fermes. Quant aux vétérinaires en hygiène ou inspection des viandes, leur poste d’attache est dans un abattoir et non pas dans un district. Leur travail se fait toujours dans un abattoir.

[19]  La Dre Poisson a expliqué que, depuis mars 2011, et rétroactivement à 2001, les vétérinaires ont une description de tâches générique, peu importe que leur poste d’attache soit en hygiène des viandes ou en santé des animaux (pièce EC, onglet G). Selon elle, il est plus facile d’avoir une description de tâches générique, bien que les vétérinaires ne fassent pas tous les éléments énumérés dans ce type de description de tâches.

[20]   Ainsi, passant en revue les diverses composantes de la description de tâches, la Dre Poisson a fait valoir que certains éléments étaient davantage du ressort des vétérinaires en hygiène des viandes, par exemple le premier paragraphe de la page 3 de la description de tâches, alors que d’autres, par exemple au paragraphe six de cette page, où la tâche de recommander des certificats pour l’importation ou l’exportation des animaux relève des vétérinaires en santé des animaux (pièce EC, onglet G).

[21]  Selon la Dre Poisson, les conditions de travail pour les vétérinaires qui travaillent en hygiène des viandes dans un abattoir peuvent être plus difficiles que celles de leurs collègues en santé des animaux. Par exemple, ils sont exposés à des températures à l’intérieur de l’abattoir qui sont dictées par les normes d’hygiène; leur milieu de travail est donc froid, humide et bruyant. L’horaire de travail de ces vétérinaires est aussi fixe, ce qui peut être parfois contraignant. Selon la Dre Poisson, il est somme toute plus difficile de recruter un vétérinaire en hygiène des viandes compte tenu du milieu de travail plus difficile dans un abattoir.

[22]  En ce qui a trait au travail effectué par les vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux, la Dre Poisson a fait valoir que leur horaire est celui du bureau de district. Selon la Dre Poisson, ces derniers ont plus de latitude pour organiser leur travail que leurs collègues en hygiène des viandes. Ces derniers sont en effet tenus de respecter les heures fixes de l’abattoir dans lequel ils travaillent. À cet égard, la Dre Poisson a indiqué qu’il arrivait que les vétérinaires en santé des animaux prêtent mainforte à leurs collègues en hygiène des viandes, car il leur est plus facile de se libérer. Bien que l’inverse soit aussi possible, la Dre Poisson a souligné que c’était peu fréquent.

[23]  Questionnée quant à l’origine de la clause G2.01 de la convention collective, la Dre Poisson a indiqué que cette clause avait été introduite en 2006 spécifiquement pour le travail dans un abattoir. Elle a indiqué que l’application de cette clause s’était avérée compliquée en pratique. Il fallait par exemple soustraire le temps de formation ou de nettoyage. Pour pallier ce problème, l’employeur a émis une directive qui disait que l’indemnité s’appliquait à toutes les fonctions exécutées, mais seulement pour les vétérinaires dont le poste d’attache était en hygiène des viandes. La Dre Poisson a fait référence au cas d’une vétérinaire en hygiène des viandes qui a vu son grief accueilli après avoir exigé l’indemnité à la suite d’une séance d’information un samedi (pièce EC, onglet J). Dans le cas des vétérinaires dont le poste d’attache est aussi en santé des animaux, ils peuvent eux aussi recevoir l’indemnité, mais seulement dans les cas où ils effectuent du travail en hygiène des viandes dans un abattoir. Ils doivent alors remplir un formulaire de demande pour obtenir cette indemnité, alors que leurs collègues en hygiène des viandes n’ont pas cette obligation : ils reçoivent l’indemnité pour toutes les heures travaillées, incluant pour les heures supplémentaires.

[24]  Nathalie Boucher a aussi été appelée à témoigner pour l’employeur. Elle est conseillère en rémunération depuis 1997. Elle a joint l’employeur en 2007 à titre de gestionnaire en rémunération. Ses tâches étaient alors d’analyser, d’interpréter les renseignements sur la rémunération et les avantages sociaux et de transmettre cette information aux employés.

[25]  Mme Boucher a expliqué que la clause G2.01 de la convention collective est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, et elle s’appliquait alors aux vétérinaires travaillant dans un abattoir. Les autres vétérinaires qui ne travaillaient pas dans un abattoir ont alors eu droit à une somme forfaitaire de 1 300 $.

[26]  Mme Boucher a indiqué qu’en 2006, l’indemnité n’était pas versée non plus aux vétérinaires travaillant en hygiène des viandes dans un abattoir pour des activités comme le temps de déplacement, les jours fériés ou la participation à des conférences. Toutefois, en 2007, l’employeur a décidé d’élargir l’application de l’indemnité à ces activités, mais toujours seulement pour les vétérinaires qui travaillaient dans un abattoir en hygiène des viandes (pièce EC, onglet G). En 2009, l’employeur a inclus le temps de lavage dans les activités couvertes par l’indemnité, mais, encore une fois, seulement pour les vétérinaires dont le poste d’attache était en hygiène des viandes.

[27]  Mme Boucher a indiqué que la clause G2.01 de la convention collective, entrée en vigueur en 2006, est demeurée inchangée jusqu’à son élimination, le 1er septembre 2018. Elle a expliqué ne pas avoir été mise au courant de la nouvelle description de tâches en mars 2011, et elle a conclu en disant que la clause G2.01 de la convention collective avait été, d’un point de vue de la rémunération, difficile et problématique à appliquer, qu’il fallait sans cesse consulter les ressources humaines pour s’assurer de son interprétation et le cas échéant, modifier cette interprétation. À cet égard, Mme Boucher a mentionné avoir dû assigner deux personnes de la rémunération à temps plein pour administrer cette clause G2.01 de la convention collective.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’agent négociateur

[28]  Selon l’avocate de l’agent négociateur, la clause G2.01 de la convention collective ne fait aucune distinction entre les vétérinaires dont le poste d’attache est en hygiène des viandes et ceux dont le poste d’attache est en santé des animaux. Par conséquent, l’employeur a contrevenu aux exigences de la clause G2.01 lorsqu’il a décidé de verser l’indemnité aux vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux seulement lorsque ceux-ci effectuent des tâches dans un abattoir.

[29]  L’avocate a en effet soutenu que les vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux doivent être traités comme leurs collègues travaillant en hygiène des viandes et qu’ils auraient dû recevoir l’indemnité pour toutes leurs tâches, que celles-ci soient effectuées ou non dans un abattoir. L’avocate a aussi insisté sur le fait que cette indemnité aurait dû être versée pour toutes les tâches exécutées à la demande de l’employeur, ce qui inclut par exemple, à l’instar de leurs collègues en hygiène des animaux, le temps supplémentaire et de déplacement, de même que la participation à des réunions.

[30]  Selon l’avocate, le fait que la clause G2.01 de la convention collective n’existe plus depuis 2018 ne rend pas pour autant ce grief caduc. Selon elle, environ 70 griefs individuels sont en suspens en attendant le résultat du présent grief de principe, qui a été déposé en juillet 2015.

[31]  Selon l’avocate, la clause G2.01 de la convention collective contient deux prérequis pour l’obtention de l’indemnité, à savoir : être vétérinaire de niveau VM-01 ou VM-02, et avoir comme tâche l’inspection des viandes dans un abattoir.

[32]  L’avocate a insisté sur le fait que nulle part dans cette clause G2.01 il est fait référence au poste d’attache du ou de la vétérinaire. Ainsi, si les parties à la négociation avaient voulu lier cette indemnité au poste d’attache du ou de la vétérinaire, ils l’auraient fait. À cet égard, l’avocate me renvoie aux clauses C2.07a), b) et c) de la convention collective, où clairement les parties ont fait une référence directe aux postes d’attache. Dans le cas de la clause G2.01, aucune distinction n’a été faite. L’avocate m’a renvoyé à d’autres clauses de la convention collective où il y a une référence spécifique aux postes d’attache, soit les clauses C5.02h), F1.09a) et b), F1.11. Selon l’avocate, cela confirme l’intention des parties de ne pas tenir compte du poste d’attache du vétérinaire VM-01 et VM-02 pour l’octroi de l’indemnité de la clause G2.01 de la convention collective.

[33]  L’avocate a aussi insisté sur le fait que rien dans la clause G2.01 de la convention collective ne dit qu’il faut travailler uniquement dans les abattoirs et avoir exclusivement pour tâche l’hygiène des viandes. L’avocate m’a renvoyée aussi aux clauses B1.08 et B2.06 de la convention collective, qui précisent que les paiements de primes, dans le contexte de ces clauses, sont réservés aux vétérinaires « […] travaillant uniquement dans des abattoirs […] [je mets en évidence] ».

[34]  L’avocate a aussi souligné que la clause G2.01 de la convention collective, contrairement à la clause B2.12, ne précise pas non plus que les heures de travail doivent être faites dans un abattoir. L’employeur n’était donc pas justifié de verser aux vétérinaires en santé des animaux, cette indemnité seulement pour les heures travaillées dans un abattoir.

[35]  À cet égard, l’avocate a comparé les clauses G2.01 et G3.01 de la convention collective. Elle a plaidé que, contrairement à la clause G3.01, où une situation donnée doit se produire, à savoir l’absence d’un vétérinaire VM-2 pour un quart de soir ou de nuit, pour que le vétérinaire de niveau VM-01 reçoive la prime de surveillance fonctionnelle, la clause G2.01 ne contient pas d’exigences ponctuelles ou autres. Selon l’avocate, pour recevoir l’indemnité prévue dans la clause G2.01, il suffit d’être VM‑01 ou VM-02 et avoir pour tâche l’inspection des viandes.

[36]  L’avocate a réitéré le fait que les vétérinaires VM-1 et VM-02 en hygiène des viandes et en santé des animaux sont couverts par la même description de tâches générique depuis 2011. À cet égard, les témoignages tant de la Dre Boily que de la Dre Poisson sont à savoir que les vétérinaires en santé des animaux sont appelés à faire l’inspection des viandes dans les abattoirs. La preuve a aussi démontré qu’il y a mobilité entre les deux postes d’attache, et que des efforts ont été faits pour favoriser les échanges entre les deux secteurs (pièce EC, onglet H).

[37]  L’avocate a aussi plaidé que la clause G2.01 de la convention collective existe depuis 2006, et que lors de la ronde de négociation qui a mené à la convention collective, les parties n’ont pas cru bon de modifier cette clause, même si, depuis 2011, la description des tâches était maintenant générique et que les vétérinaires VM-01 et VM-02, dont le poste d’attache était en santé des animaux étaient maintenant tenus de faire des fonctions en hygiène des viandes.

[38]  À cet égard, selon l’avocate, la preuve extrinsèque peut donc trouver pertinence et être admissible si je conclus que le libellé de la clause G2.01 de la convention collective n’est pas clair. Elle m’a renvoyée à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, Volume 1, avril et mai 2019, paragraphes 4 :2100,4 :2110,4 :2120, 4 :2150; Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd, [1993] 2 R.C.S. 316; Syndicat des agents correctionnels – Union of Canadian Correctional Officers – CSN c. Conseil du Trésor, 2016 CRTEFP 47; Canada (Revenu national) c. Clough, 2016 CAF 148.

[39]  Selon l’avocate, le fait qu’une somme forfaitaire de 1 300 $ en 2006 ait été versée aux vétérinaires ayant des fonctions en santé des animaux est expliqué par le fait qu’en 2006, ces derniers n’avaient pas pour tâche l’hygiène des viandes.

[40]   L’avocate a aussi plaidé que la clause G2.01 de la convention collective est claire et on ne saurait, comme l’a fait l’employeur, ajouter des mots comme « uniquement dans des abattoirs » et « poste d’attache ». L’application de cette clause doit être la même pour les vétérinaires VM-01 et VM-02 qui ont pour tâche l’inspection des viandes dans un abattoir, peu importe leur poste d’attache.

[41]  Dans sa conclusion, l’avocate me demande de déclarer que l’employeur a contrevenu à la clause G2.01 de la convention collective en faisant une différence quant à l’octroi de l’indemnité entre les vétérinaires VM-01 et VM-02 qui occupent des postes d’attache en hygiène des viandes et en santé des animaux. Elle demande de plus que l’employeur soit tenu de verser aux vétérinaires VM-01 et VM-02, dont le poste d’attache est en santé des animaux et qui avaient pour tâche l’hygiène des viandes dans un abattoir, l’indemnité de 4 % prévue dans la clause G2.01 de la convention collective à leur taux de rémunération horaire pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires, et ce, peu importe si ces heures de travail ont été effectuées dans un abattoir ou pas.

B.  Pour l’employeur

[42]  L’avocate de l’employeur a rappelé que l’employeur a deux programmes distincts à administrer, à savoir l’hygiène des viandes et la santé des animaux. Selon elle, la clause G2.01, qui est entrée en vigueur en janvier 2006 et a été éliminée en septembre 2018, a toujours été appliquée différemment selon le poste d’attache du vétérinaire VM-01 ou VM-02. Selon elle, il ne faut pas perdre de vue que, jusqu’en 2011, les vétérinaires avaient des descriptions de tâches spécifiques, et que malgré le fait que ces descriptions de tâches ont été remplacées par une générique, il n’en demeure pas moins que les vétérinaires VM-01 et VM-02 ont toujours des postes d’attaches différents : en hygiène des viandes et en santé des animaux.

[43]  L’avocate a plaidé que les conditions de travail sont différentes selon le poste d’attache. Par exemple, dans le cas du travail en hygiène de la viande, l’inspection se fait uniquement dans un abattoir. S’il s’agit plutôt de tâches liées à la santé des animaux, le travail est fait à partir d’un bureau de district, et les vétérinaires ont à se déplacer à l’intérieur de ce district pour, par exemple, visiter des fermes et des encans. Ces vétérinaires ne sont pas tenus de travailler dans un abattoir.

[44]  Dans sa plaidoirie, l’avocate a rappelé les modifications apportées dans l’interprétation de la clause G2.01 de la convention collective par l’employeur, par exemple en 2007, lorsque l’employeur a décidé de verser l’indemnité pour l’inspection des viandes pour toutes les heures des vétérinaires travaillant en hygiène des viandes. Plus tard, en 2013, l’employeur a encore élargi l’application de l’indemnité aux situations où les vétérinaires, incluant ceux en santé des animaux, avaient pour tâche l’inspection des viandes dans un abattoir. En 2014, l’employeur a accordé l’indemnité aux vétérinaires en hygiène des viandes qui ont assisté à une réunion un samedi (pièce EC, onglet J).

[45]  Selon l’avocate, la preuve a démontré que cette indemnité sert à reconnaitre le travail en hygiène dans un abattoir. Les vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux ont des conditions de travail différentes. L’avocate a fait référence au témoignage de la Dre Poisson, qui a parlé des conditions de travail plus difficiles dans un abattoir.

[46]  Selon l’avocate, les vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux ont le droit de recevoir cette indemnité, mais seulement lorsqu’ils font du travail dans un abattoir. En vertu de la clause G2.01 de la convention collective, ils n’ont pas droit à cette indemnité lorsqu’ils font leur travail de vétérinaire en santé des animaux.

[47]  L’avocate a plaidé que la clause G2.01 de la convention collective remontait à 2006. Selon elle, lorsque les parties ont négocié la convention collective en 2011, il n’y a aucune preuve qu’il existait une problématique à régler quant à l’application de cette clause.

[48]  Quant aux clauses C2.07, C5.02, F1.09 et F1.11 de la convention collective et à l’argument de l’agent négociateur à savoir que ces clauses démontrent que, si les parties avaient voulu limiter l’indemnité à un poste d’attache donné, ils l’auraient précisé, l’avocate a répondu que ces clauses démontrent plutôt que la rémunération peut varier selon le poste d’attache.

[49]  Selon l’avocate, le fait que depuis 2011 les vétérinaires ont maintenant une description de tâches générique ne change aucunement la situation. D’une part, comme l’a indiqué la Dre Poisson, les vétérinaires ne font pas toutes les tâches énumérées dans cette description générique; on ne peut donc conclure que les vétérinaires font dans une grande proportion l’inspection des viandes. D’autre part, malgré le fait qu’il y a maintenant une description de tâches générique, les vétérinaires conservent toujours leurs postes d’attache soit en hygiène des viandes soit en santé des animaux et, qu’à cet égard, l’employeur a toujours maintenu que ces deux secteurs d’activité étaient distincts. La description de tâches générique n’a pas changé les tâches; elle a plutôt permis une flexibilité. L’avocate m’a renvoyée à Duffield c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2016 CRTEFP 7, par. 69, et à Allard c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2012 CF 979, paragraphes 5, 24, et 25.

[50]  Selon l’avocate, la clause G2.01 de la convention collective est claire à savoir que les tâches doivent être exécutées dans un abattoir, et que l’article 229 de la Loi ne permet pas à un arbitre de modifier une convention collective. À cet égard, l’avocate m’a renvoyée à Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, paragraphes 50 et 51. Selon elle, on doit appliquer les règles d’interprétation et, ainsi, on ne peut, comme le suggère l’agent négociateur, ignorer les mots « dans un abattoir » de la clause G2.01 de la convention collective. À cet égard, l’avocate m’a renvoyée à Lessard c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2009 CRTFP 34, paragraphes 32 et 42.

[51]  L’avocate a souligné que la convention collective reconnait les conditions de travail plus difficiles pour les vétérinaires dont le poste d’attache est en hygiène des viandes et, ainsi, a prévu des primes particulières pour ces derniers. À titre d’exemple, l’avocate m’a renvoyée aux clauses B1.08, B2.06 et B2.12 de la convention collective.

[52]  L’avocate a maintenu que le libellé de la clause G2.01 de la convention collective ne permet pas d’interpréter que l’indemnité réclamée puisse être versée pour des tâches effectuées à l’extérieur d’un abattoir. Elle m’a renvoyé à cet effet à Lamothe c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 2, par. 16. Selon elle, l’indemnité doit être expresse; la convention collective doit être claire. Elle a ajouté que ce n’est pas le cas en l’espèce (voir Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, par. 28 et Wallis c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 180, par. 20).

[53]  L’avocate m’a invitée à considérer le titre de la clause G2.01 de la convention collective, qui est « indemnité pour l’inspection des viandes ». Selon elle, si, comme le réclame l’agent négociateur, cette indemnité est versée à tous les VM-01 et VM-02, peu importe leur poste d’attache, il ne s’agit alors plus d’une indemnité, mais bien d’un salaire. À cet égard, l’avocate m’a demandé de consulter la version anglaise de la clause G2.01 de la convention collective, qui est plus restrictive et qui indique bien que le travail doit être fait dans un abattoir à cause des mots suivants : […] who performs meat inspection duties […]. Cette version devrait être préférée, tel qu’il a été décidé dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 65, par. 63.

[54]  Finalement, l’avocate a mentionné qu’il ne fallait pas perdre de vue qu’une somme forfaitaire de 1 300 $ avait été versée en 2006 aux vétérinaires qui n’avaient pas de tâche en hygiène des viandes.

C.  Réplique

[55]  L’avocate de l’agent négociateur a insisté sur le fait que les vétérinaires en santé des animaux n’ont pas le choix de faire des tâches en hygiène des viandes lorsque l’employeur le leur demande. L’hygiène des viandes fait partie de leur description de tâches générique depuis mars 2011, et depuis 2014, les tâches des deux secteurs sont combinées.

[56]  Quant à la somme forfaitaire de 1 300 $ versées aux vétérinaires en 2006 qui n’avaient pas pour tâche l’hygiène des viandes, l’avocate a soutenu que cette indemnité avait été versée en 2006 et que ce paiement n’a pas eu lieu pendant la période couverte par le présent grief.

IV.  Motifs

[57]  Il s’agit ici d’un grief de principe déposé en juillet 2015 par l’ agent négociateur qui allègue que l’employeur a violé la clause G2.01 de la convention collective pour le groupe de la médecine vétérinaire qui est venue à échéance le 30 septembre 2014. Plus précisément, l’agent négociateur allègue que l’employeur, en refusant de verser l’indemnité prévue dans la clause G2.01 aux vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux lorsque ceux-ci effectuent des tâches à l’extérieur d’un abattoir, a contrevenu aux exigences de cette clause G2.01.

[58]  Les paragraphes suivants sont les points que je retiens de la preuve.

[59]  L’employeur a deux programmes distincts pour les vétérinaires : l’hygiène des viandes et la santé des animaux. Les vétérinaires VM-01 et VM-02 ont un poste d’attache dans l’un de ces deux secteurs. Jusqu’en 2011, les deux secteurs avaient chacun une description de tâches spécifiques. En 2011, deux descriptions de tâches génériques, une pour les vétérinaires VM-01 et une pour les vétérinaires VM-02, ont remplacé les deux descriptions de tâches spécifiques.

[60]  Malgré le fait que les tâches ont été regroupées sous une même description générique, les vétérinaires ont conservé leurs postes d’attache soit en hygiène des viandes soit en santé des animaux.

[61]  La clause G2.01 de la convention collective, qui prévoie l’indemnité de 4 %, est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, et elle a été éliminée le 1er septembre 2018. Cette clause est demeurée inchangée pendant les rondes de négociation collective qui ont précédé son abolition le 1er septembre 2018 (pièce EC, énoncé conjoint des faits, par. 14).

[62]  Les vétérinaires en santé des animaux n’avaient pas, avant mars 2011, les tâches en hygiène des viandes et ne pouvaient donc pas recevoir cette indemnité. La clause G2.01 de la convention collective est en effet claire à savoir que, pour y avoir droit, il faut avoir pour tâche l’inspection des viandes dans un abattoir. Cet élément n’est pas contesté.

[63]  Toujours en 2006, une somme forfaitaire de 1 300 $ a été versée à tous les vétérinaires qui n’étaient pas admissibles à cette indemnité. Toutefois, compte tenu du fait que cette somme a été versée en 2006 aux vétérinaires qui n’avaient pas pour tâche l’hygiène des viandes, cet élément ne me semble donc pas pertinent en l’espèce puisque la question est de savoir si les vétérinaires qui ont un poste d’attache en santé des animaux et qui ont pour tâche l’hygiène des viandes ont droit à l’indemnité s’ils exercent leurs fonctions à l’extérieur d’un abattoir.

[64]  En mars 2011, les descriptions de tâches génériques pour les vétérinaires VM-01 et VM-02 ont précisé que les vétérinaires de ces deux secteurs avaient maintenant tous, peu importe leur poste d’attache, comme tâche l’hygiène des viandes, ce qui n’était pas le cas avant pour les vétérinaires dont le poste d’attache était en santé des animaux. La preuve démontre également qu’à partir de ce moment, l’employeur a cherché à favoriser les échanges de travail entre les secteurs de l’hygiène des viandes et de la santé des animaux. À l’occasion, les vétérinaires en santé des animaux vont prêter mainforte à leurs collègues en hygiène des viandes (pièce EC, onglet H).

[65]  La preuve a aussi démontré que l’interprétation de l’employeur a changé plusieurs fois en ce qui concerne la clause G2.01 de la convention collective pour l’indemnité aux vétérinaires dont le poste d’attache est en hygiène des viandes. En effet, au cours des années, l’employeur a élargi, notamment en 2007 et en 2014, les instances où cette indemnité était versée aux vétérinaires en hygiène des viandes, ce qui avait fait en sorte qu’en 2015, cette indemnité était appliquée à toutes les heures de travail des vétérinaires ayant un poste d’attache en hygiène des viandes.

[66]  La preuve montre également que cette clause G2.01 de la convention collective s’est avérée au cours des années difficile d’application et d’interprétation par l’employeur.

[67]  Selon la preuve, une fois la formation sur l’hygiène des viandes complétée par la Dre Boily, dont le poste d’attache est en santé des animaux, cette dernière a eu droit à l’indemnité à partir de 2014, mais seulement lorsque ses fonctions étaient exercées dans un abattoir, alors que pour ses collègues en hygiène des viandes, cette indemnité était versée pour à peu près toutes les activités, incluant une rencontre d’équipe un samedi (pièce EC, onglet J).

[68]  Essentiellement, la position de l’employeur est que pour les vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux, l’indemnité prévue dans la clause G2.01 de la convention collective ne leur est versée que pour les heures travaillées dans un abattoir quand ils font des tâches en hygiène des viandes. Si, par exemple, un vétérinaire en santé des animaux fait un suivi d’une tâche en hygiène des viandes, mais que ce suivi se fait à l’extérieur d’un abattoir, le vétérinaire n’a pas droit à l’indemnité. Même chose, par exemple, pour le temps de déplacement entre des abattoirs, le temps passé sur des fermes, le temps de formation : le vétérinaire en santé des animaux n’a pas droit à cette indemnité.

[69]  La clause G2.01 de la convention collective se lit comme suit, dans les deux langues officielles :

Indemnité pour l’inspection des viandes

À compter du 1er janvier 2006

G2.01 Un employé de niveau VM-01 ou VM-02 ayant pour tâches l’inspection des viandes dans un abattoir, recevra une indemnité pour l’hygiène des viandes représentant quatre pour cent (4 %) de son taux de rémunération horaire pour toutes les heures de travail, y compris les heures supplémentaires.

Meat Hygiene allowance

 

G2.01 Effective January 1st, 2006, an employee at the VM-01 or VM-02 level who performs meat inspection duties in an abattoir will receive a meat hygiene allowance for all hours worked, including overtime hours, at the rate of 4% of his straight time hourly rate of pay.

[70]  D’une part, je note que rien dans cette clause n’indique que l’indemnité sera versée aux vétérinaires travaillant uniquement dans des abattoirs, comme c’est le cas dans les clauses B1.08 et B2.06 de la convention collective. De plus, je me dois aussi de considérer la preuve et de la façon dont cette clause a été interprétée et appliquée au cours des années par l’employeur. À cet égard, je retiens le témoignage de Mme Boucher à savoir que cette clause a été particulièrement difficile à appliquer par l’employeur à un point tel que deux employés à temps plein en ressources humaines ont dû être affectés à son interprétation, et ce, jusqu’à ce que la clause disparaisse en 2018.

[71]  Ainsi, il m’apparait clair qu’avec l’entrée en vigueur d’une description de tâches générique en 2011 pour les vétérinaires VM-01 et une autre pour les vétérinaires VM‑02, que la tâche précise d’inspection des viandes n’appartenait plus strictement au secteur de l’hygiène des viandes. L’employeur a en plus cherché une plus grande intégration lorsque possible entre les deux secteurs (pièce EC, onglet H). Cet état de fait n’est pas contesté, et il appert aussi qu’à partir du moment où les vétérinaires en santé des animaux ont reçu la formation nécessaire, ceux-ci ont reçu l’indemnité de 4 %, en autant toutefois que le travail soit effectué dans un abattoir et qu’une demande écrite soit faite chaque fois.

[72]  Comme on le sait, cette exigence que le travail soit fait obligatoirement dans un abattoir pour recevoir l’indemnité ne s’applique pas aux vétérinaires dont le poste d’attache est en hygiène des viandes. La preuve a démontré en effet que le temps de déplacement, de lavage, de déplacement, de participation à des conférences et autres de ces vétérinaires est aussi couvert pour cette indemnité.

[73]  La question qui se pose maintenant est la suivante : l’employeur est-il justifié de refuser de verser cette indemnité de 4 % aux vétérinaires dont le poste d’attache est en santé des animaux lorsque ces vétérinaires exécutent leurs tâches à l’extérieur d’un abattoir? Je ne le crois pas.

[74]  D’une part, je suis d’accord que la clause G2.01 de la convention collective ne fait aucunement de différence entre les postes d’attache. Tout ce que cette clause demande pour justifier le versement de l’indemnité est que le vétérinaire ait comme tâche l’inspection des viandes dans un abattoir. Or, de par les deux descriptions de tâches génériques pour les vétérinaires VM-01 et VM-02, l’inspection des viandes fait partie des tâches non seulement des vétérinaires en hygiène des viandes, mais aussi des vétérinaires en santé des animaux depuis 2011. À ce sujet, je suis d’accord avec l’affirmation à savoir que si les parties à la négociation collective avaient voulu limiter cette indemnité à un poste d’attache précis, elles l’auraient fait comme elles l’ont fait avec les clauses C5.02h), F1.09a), b) et F1.11 de la convention collective.

[75]   De même, si vraiment les parties avaient voulu limiter l’application de l’indemnité de la clause G2.01 de la convention collective aux vétérinaires travaillant exclusivement dans les abattoirs, elles l’auraient sans doute fait comme elles l’ont fait pour les clauses B1.08 et B2.06, où les paiements des indemnités en question sont réservés aux vétérinaires « […] travaillant uniquement dans des abattoirs […] [je mets en évidence] ».

[76]  De plus, je ne vois pas comment l’employeur peut exiger que le travail soit fait exclusivement dans un abattoir pour les vétérinaires en santé des animaux quand cette indemnité est aussi versée aux vétérinaires en hygiène des viandes quand ceux-ci sont à l’extérieur de l’abattoir, en congé, qu’ils participent à des séances de formation, à des conférences, ou à toute autre activité de perfectionnement (pièce EC, onglets F et J).

[77]   Le témoignage de la Dre Boily est à savoir qu’il lui arrive, après avoir visité un abattoir, de continuer son travail lié à l’hygiène des viandes à son bureau afin de compléter son analyse ou de faire des suivis avec des pathologistes. Selon la Dre Boily, l’employeur refuse de verser l’indemnité pour cette portion de travail liée à l’hygiène des viandes mais qui est effectuée à l’extérieur d’un abattoir. À mon avis, cette position de l’employeur est difficilement réconciliable avec la position prise pour le versement de cette indemnité aux vétérinaires en hygiène des viandes, à qui l’indemnité est versée pour toutes leurs activités.

[78]  L’employeur a soutenu que la distinction entre les deux secteurs d’activités quant au paiement de l’indemnité est dû au fait que les conditions d’emploi sont plus difficiles dans le secteur de l’hygiène des viandes. Cela est très possible. Toutefois, la clause G2.1 de la convention collective ne fait aucune distinction à ce chapitre. Encore une fois, aucune différence ou référence n’est faite aux secteurs de l’inspection des viandes ou de la santé des animaux pour l’application de cette clause. Il en est autrement par exemple pour les clauses C2.07 et C5.02h), où les parties ont cru bon faire référence au poste d’attache.

[79]  Motivé probablement par un souci de reconnaître certains enjeux propres au travail effectué par les VM-01 et VM-02 en hygiène des viandes, l’employeur n’en a pas moins interprété de façon différente la clause G2.01 de la convention collective et son indemnité selon le poste d’attache des vétérinaires. Selon moi, rien dans la clause G2.01 ni dans la preuve ne permet cette différente interprétation.

[80]  Tel que je l’ai déjà dit, les vétérinaires en santé des animaux ont néanmoins eu droit à cette indemnité pour le travail effectué dans un abattoir donné. Ces montants déjà versés devront donc être soustraits des ajustements qui suivront cette décision.

[81]  Le grief a été déposé le 27 juillet 2015. Compte tenu du jugement dans Canada (Office national du film) c. Coallier (C.A.F.), [1983] A.C.F. no 813 (C.A.)(QL), la portée de cette décision est donc limitée à 35 jours avant le dépôt du grief. Aussi, il faut tenir compte du fait que la clause G2.01 de la convention collective a été éliminée le 1er septembre 2018.

[82]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[83]  Le grief est accueilli.

[84]  L’employeur a contrevenu à la clause G2.01 de la convention collective.

[85]  Ainsi, l’employeur devra verser aux vétérinaires VM-01 et VM-02 dont le poste d’attache est en santé des animaux et ayant pour tâche l’inspection des viandes dans un abattoir, une indemnité pour l’hygiène des viandes équivalent à quatre pour cent (4%) de leur taux de rémunération horaire pour toutes les heures de travail y compris les heures de travail supplémentaires. La portée de l’indemnité est limitée à 35 jours avant le dépôt du grief et il faut tenir compte du fait que la clause G2.01 a été éliminée le 1er septembre 2018.Toutefois, les sommes déjà versées en application de cette indemnité devront être soustraites.

[86]  Je demeure saisie de toutes questions liées aux calculs des sommes dues au titre du paragraphe 87 de cette décision, pour une période de 120 jours suivant la date de la décision dans l’éventualité que les parties ne peuvent s’entendre.

Le 15 juin 2020.

Linda Gobeil,

 une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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