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MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

 

I.  Ordonnance demandée par la fonctionnaire s’estimant lésée

[1]  Vivian Valderrama, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a déposé un grief à l’encontre de son licenciement du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, appelé communément Affaires mondiales Canada (AMC) en date du 16 janvier 2018. Au cours de l’audition de ce grief dont je suis saisi, qui a commencé le 27 janvier 2020, les parties ont conclu un règlement sans mon aide. Le 20 juillet 2020, la représentante de la fonctionnaire a demandé une ordonnance déclaratoire de non-conformité au « protocole d’entente » (PE) conclu entre les parties.

[2]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre de grief saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014 continue d’exercer les pouvoirs prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art 2; LRTFP) dans sa version antérieure à cette date.

[3]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP, de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

[4]  Les parties ont convenu que j’avais compétence pour déterminer si une partie à une entente de règlement finale et obligatoire ne respecte pas cette entente et, dans l’affirmative, pour rendre une ordonnance en vertu de la LRTSPF « […] qu’il juge indiquée » pour remédier à une telle non-conformité; voir Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 74 (confirmée dans Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38). Je conclus que j’ai compétence pour déterminer si l’administrateur s’est conformé au PE.

II.  Questions préliminaires

A.  Admissibilité des courriels de négociation

[5]  Le défendeur a soutenu que la correspondance par courriel entre les avocats qui portait sur les modalités du règlement était pertinente et donc admissible. La fonctionnaire a fait valoir qu’elle n’était pas pertinente et ne devrait pas être admise.

[6]  L’avocat du défendeur a soutenu que les courriels fournissent les éléments de preuve concernant les circonstances relatives à la conclusion du PE. Subsidiairement, il a soutenu que les courriels aideraient à résoudre une ambiguïté non évidente figurant dans le PE. L’avocat m’a renvoyé aux décisions suivantes : University Hill Holdings Inc. (589918 B.C. Ltd.) c. Canada, 2017 CAF 232; Filkow v. D’Arcy & Deacon LLP, 2019 MBCA 61; Canada (Procureur général) c. MacAdams, 1996 CanLII 3891 (CF).

[7]  La représentante de la fonctionnaire a soutenu qu’une preuve extrinsèque n’était pas requise parce qu’il n’existait aucune ambiguïté dans le PE; voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, au paragraphe 3:4400 – [traduction] « Preuve extrinsèque ». La représentante a déclaré qu’il incombait au défendeur de convaincre la Commission qu’il existe une ambiguïté, qu’elle soit évidente ou non évidente (voir Fisher & Ludlow Inc. v. CAW-Canada, Local 504 (2012), 220 L.A.C. (4e) 436).

[8]  J’ai déterminé que la correspondance par courriel qui a donné lieu au PE n’est ni pertinente ni nécessaire pour déterminer si le défendeur se conforme au PE. J’ai déterminé qu’il n’existe aucune ambiguïté non évidente dans le PE (pour les motifs énoncés dans la section « Motifs » de la présente décision). J’ai également conclu que les courriels ne sont pas nécessaires pour déterminer l’intention des parties et la portée de leur compréhension. Les circonstances concernant le PE peuvent être déterminées sans s’appuyer sur les courriels qui ont donné lieu au PE.

[9]  Par conséquent, je conclus que les courriels relatifs à la négociation du PE ne sont pas admissibles. Ils doivent être retournés au défendeur et ne feront donc pas partie du dossier devant la Commission.

B.  Confidentialité et ordonnance de mise sous scellés

[10]  Le PE contient une clause de confidentialité. Les parties ont convenu que le PE devrait être mis sous scellés, étant donné qu’il avait été négocié en fonction d’une attente de confidentialité.

[11]  Conformément au principe de transparence judiciaire et en suivant le critère « Dagenais/Mentuck » (voir Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76), la mise sous scellés de documents ne sera ordonnée que lorsque leur divulgation causerait un préjudice qui l’emporterait nettement sur les avantages de leur divulgation complète (voir Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70). La Cour suprême du Canada (CSC) a reformulé le critère Dagenais/Mentuck comme suit dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 :

[…]

[…] Une ordonnance de confidentialité […] ne doit être rendue que si : a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque; b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

 

[12]  Je conclus que, dans l’intérêt des relations de travail, la confidentialité des ententes de règlement doit être préservée. Les effets bénéfiques d’une ordonnance de confidentialité l’emportent sur l’intérêt public d’une procédure transparente. Par conséquent, lors d’une conférence téléphonique préalable à l’audience tenue le 17 août 2020, j’ai conclu que le PE serait mis sous scellés.

[13]  Par conséquent, le PE, y compris les pièces jointes, est mis sous scellés. Aux fins de l’audience, il était important de connaître les modalités pertinentes du PE, qui seront examinées de manière générale dans la présente décision. Les modalités qui ne font pas l’objet du litige demeureront confidentielles, conformément à la volonté des parties, telle qu’elle est exprimée dans le PE.

III.  Résumé des faits

[14]  Les faits de la présente demande d’ordonnance ne sont pas contestés. Les parties se sont entendues sur les documents déposés en tant que pièces (autre que la correspondance par courriel relative à la négociation du PE, que j’ai jugée inadmissible). Le résumé qui suit est fondé sur les documents admissibles que les parties ont fournis.

[15]  En août 2015, la fonctionnaire a été nommée à un poste au groupe et au niveau PM-03 à AMC, soit un [traduction] « poste du bassin ». La lettre d’offre contenait la condition d’emploi suivante :

[Traduction]

[…]

La mobilité est une condition d’emploi de ce poste. Votre acceptation de cette offre constituera une nomination à un poste du bassin (PM-03) à partir de laquelle vous acceptez cette condition et d’être affectée successivement à divers postes à l’administration centrale. Vous confirmez que vous êtes disposée à accepter des affectations qui dureront normalement trois ans, selon les besoins du Ministère, et que vous êtes en mesure de le faire.

[…]

 

[16]  Les employés faisant partie de ce bassin sont communément appelés des employés [traduction] « mobiles ».

[17]  Au moment de son licenciement le 16 janvier 2018, la fonctionnaire était affectée à un poste intérimaire au groupe et au niveau CO-01 qui devait prendre fin en 2019.

[18]  Voici les dispositions pertinentes du PE aux fins de la présente décision :

 

[19]  La fonctionnaire a fourni une lettre de démission, comportant une date d’entrée en vigueur déterminée. Elle se lisait en partie comme suit : [traduction] « Par la présente, je démissionne irrévocablement de mon poste auprès d’Affaires mondiales Canada […] »

[20]  En mai 2020, la fonctionnaire a reçu un courriel envoyé à tous les employés mobiles d’AMC au sujet du cycle d’affectation des postes mobiles. Les représentants d’AMC ont ensuite informé son représentant que la fonctionnaire avait reçu le courriel par erreur. La représentante de la fonctionnaire a été informée que la fonctionnaire n’était pas admissible à être inscrite à la liste des participants aux fins du cycle d’affectation en raison des modalités du PE.

[21]  Les lignes directrices d’AMC pour le cycle d’affectation de 2020 (« Lignes directrices de 2020 ») prévoient que les employés d’AMC nommés pour une période indéterminée au Canada qui répondent aux critères d’admissibilité peuvent présenter une demande d’affectation. Elles précisent en outre ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Les employés mobiles doivent accepter des affectations dans la région de la capitale nationale (RCN), conformément aux exigences opérationnelles du Ministère. Leur incapacité, leur réticence ou leur refus d’accepter une affectation dans la RCN peuvent signifier qu’ils ne répondent pas à cette condition d’emploi.

[…]

IV.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[22]  La représentante de la fonctionnaire a soutenu que le PE ne contenait aucune interdiction concernant la participation de la fonctionnaire au cycle d’affectation. Elle a fait valoir que la fonctionnaire devrait être autorisée à y participer et qu’AMC devrait en tenir compte aux fins des affectations.

[23]  Les Lignes directrices de 2020 exigent que tous les employés mobiles participent au cycle d’affectation et ne prévoient aucune exception pour les employés en CNP. La représentante de la fonctionnaire a soutenu que le PE ne traite pas explicitement du cycle d’affectation et qu’il n’était pas approprié de laisser entendre une modalité qui limite l’accès de la fonctionnaire à ce processus.

[24]  La représentante a fait valoir que dans le cadre de l’interprétation d’une entente de règlement, elle doit être examinée de manière équitable et objective et sans aucune présomption, de la même manière que les conventions collectives sont interprétées. La représentante m’a renvoyé à Ontario Power Generation Inc. v. Society of United Professionals, 2018 CanLII 90219, dans laquelle l’arbitre de différends a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

9. […] On doit accorder au procès-verbal de règlement son sens clair et ordinaire, d’une manière qui ne limite pas indûment les droits juridiques qui ne sont pas expressément visés dans le document. Il n’est pas approprié de laisser entendre une modalité de règlement, à moins qu’il ne soit nécessaire de le faire pour donner effet aux modalités expressément convenues par les parties.

[…]

 

[25]  Elle a soutenu qu’il n’existe, à première vue, aucune ambiguïté dans le PE et que le silence ne constitue pas une ambiguïté. Elle m’a également renvoyé à Ontario Power Generation v. Society of United Professionals, 2020 CanLII 44568, dans laquelle l’arbitre de différends a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

81. […] En pratique, la tâche de l’arbitre de différends demeure ce qu’il a toujours été; à savoir, déterminer la signification objective des relations de travail contextuelles dans l’entente en litige, dont les termes utilisés étant la considération la plus importante. En bref, lorsqu’il s’agit d’interpréter les contrats, les mots utilisés sont les plus importants.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[26]  La représentante de la fonctionnaire a fait valoir que si la fonctionnaire était choisie pour une affectation, son statut de CNP prendrait fin et sa lettre de démission ne s’appliquerait plus. Elle a soutenu qu’il n’existait aucune différence pratique entre un poste à AMC et un poste dans la fonction publique. Elle a fait valoir que le PE n’indique pas que la seule façon pour la fonctionnaire d’obtenir un autre emploi est d’être mutée à un autre poste à l’extérieur d’AMC; il n’indique pas non plus qu’elle ne peut pas postuler d’autres postes au sein d’AMC. Elle a fait remarquer qu’AMC fait partie de la fonction publique et que le terme [traduction] « mutée » utilisé dans le PE est conforme aux Lignes directrices de 2020.

B.  Pour le défendeur

[27]  L’avocat de l’employeur a soutenu que le PE empêche la fonctionnaire de présenter une demande pour le cycle d’affectation de 2020. Il a fait valoir qu’elle est une employée mobile et que la présentation d’une demande d’affectation constitue une tentative de retourner à son ancien poste. Il a déclaré qu’essentiellement, elle demande sa réintégration.

[28]  L’avocat du défendeur a soutenu que dans Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, la CSC a établi que la démarche actuelle en matière d’interprétation des contrats constitue une « démarche pratique, axée sur le bon sens ». La principale préoccupation consiste à déterminer l’intention des parties et la portée de leur compréhension, comme suit :

[…]

[47] […] Pour ce faire, le décideur doit interpréter le contrat dans son ensemble, en donnant aux mots y figurant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat. Par l’examen des circonstances, on reconnaît qu’il peut être difficile de déterminer l’intention contractuelle à partir des seuls mots, car les mots en soi n’ont pas un sens immuable ou absolu […]

[…]

 

[29]  L’avocat a fait valoir que la lecture du PE dans son ensemble indique que les parties avaient l’intention que la fonctionnaire ne puisse pas présenter de demande visant le cycle d’affectation.

[30]  L’avocat a soutenu que le terme [traduction] « mutée » utilisé dans le PE fait référence à une mutation, qui comporte une signification particulière en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). Une affectation en vertu des Lignes directrices de 2020 ne constitue pas une mutation. Les employés mobiles demeurent à leur poste d’attache lorsqu’ils reçoivent des affectations. Une mutation constitue un transfert permanent d’un poste de la fonction publique à un autre. L’avocat a fait valoir que les parties avaient l’intention que la fonctionnaire soit mutée à un autre poste de la fonction publique et non qu’elle reçoive une affectation temporaire dans le cadre de son poste d’attache actuel.

[31]  L’avocat a soutenu que la disposition du PE relative à un CNP prolongé appuie également le point de vue selon lequel les parties avaient l’intention de ne pas permettre à la fonctionnaire de présenter une demande d’affectation pendant qu’elle occupait son poste d’attache.

C.  Les arguments en réponse de la fonctionnaire s’estimant lésée

[32]  La représentante de la fonctionnaire a soutenu que la fonctionnaire ne demande pas sa réintégration. Elle a fait valoir que les parties avaient l’intention de permettre à la fonctionnaire de postuler des concours et qu’aucune limite n’avait été fixée quant au ministère où elle pouvait présenter sa candidature. La représentante a fait valoir que le PE prévoit la recherche de possibilités dans d’autres ministères ou à AMC. Elle a également fait remarquer que la définition de « fonction publique » prévue dans la LEFP englobe AMC.

V.  Motifs

[33]  Pour les motifs énoncés dans la présente section, je refuse de rendre une ordonnance déclaratoire de non-conformité au PE.

[34]  Dans Sattva Capital Corp., la CSC a mis l’accent sur une « démarche pratique, axée sur le bon sens » en matière d’interprétation des contrats. La principale préoccupation en matière d’interprétation des contrats consiste à déterminer l’intention des parties et la portée de leur compréhension. Pour ce faire, le décideur doit « […] interpréter le contrat dans son ensemble, en donnant aux mots le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat » (au paragraphe 47). Les circonstances sont examinées parce qu’il peut être difficile de déterminer l’intention contractuelle à partir des seuls mots, car « les mots en soi n’ont pas un sens immuable ou absolu […] ».

[35]  La CSC rappelle que la prise en considération des circonstances ne doit jamais supplanter les termes du contrat. L’examen des circonstances a pour but de « […] mieux saisir les intentions réciproques et objectives des parties exprimées dans les mots du contrat ». Toute disposition contractuelle doit être interprétée sur le fondement de son libellé et de l’ensemble du contrat.

[36]  Selon la position de la fonctionnaire, il n’existe aucune ambiguïté dans le PE. Dans sa position principale, le défendeur a convenu qu’il n’existe aucune ambiguïté. Il a fait valoir seulement à titre subsidiaire que s’il existait une ambiguïté non évidente, les courriels de négociation devraient être examinés pour régler la question.

[37]  Je conclus qu’il n’existe aucune ambiguïté évidente ou non évidente dans le PE. La fonctionnaire a été mise en CNP et devait ensuite fournir une lettre de démission de son poste auprès d’AMC, à moins qu’elle ne [traduction] « soit mutée à un autre poste de la fonction publique ». Les parties ne s’entendent pas sur la façon dont cette disposition s’applique, mais la disposition elle-même n’est pas ambiguë. L’intention des parties et leur compréhension peuvent être déterminées en examinant le libellé du PE et en se référant aux circonstances.

[38]  Avant d’examiner les circonstances, il est important de comprendre les intentions réciproques et objectives des parties exprimées dans les mots du PE. J’ai résumé les dispositions pertinentes au paragraphe 18 de la présente décision. Le PE a annulé le licenciement et la fonctionnaire a été mise rétroactivement en CNP. Le PE a déclaré que le CNP continuerait jusqu’à une date précisée, suivie de sa démission. La lettre de démission signée, qui fait partie du PE, fait référence à sa démission de son poste auprès d’AMC. La seule disposition qui traite de l’annulation de la lettre de démission fait référence à la possibilité de la fonctionnaire d’être mutée à un autre poste de la fonction publique avant la date d’entrée en vigueur de la démission.

[39]  Selon une simple lecture du libellé du PE, l’intention des parties est claire : la fonctionnaire demeurerait une employée d’AMC en CNP, ce qui lui offrait la possibilité de chercher un emploi ailleurs dans la fonction publique. Si elle n’était pas en mesure de trouver [traduction] « un autre poste dans la fonction publique », elle démissionnerait à une date précisée.

[40]  J’examine maintenant les circonstances afin de « mieux » saisir les intentions des parties. Les circonstances sont les faits connus par les parties au moment de la signature du PE ou les faits qui auraient raisonnablement dû l’être (voir Sattva Capital Corp.).

[41]  Le PE utilise l’expression [traduction] « soit mutée à un autre poste de la fonction publique ». Le fait d’être [traduction] « mutée » ou la [traduction] « mutation », revêt une signification particulière dans la fonction publique et est défini dans la LEFP. Les parties au PE (ou du moins leurs représentants) connaissaient la définition du terme « muter » ou auraient raisonnablement dû la connaître. Selon la définition prévue au paragraphe 2(1) de la LEFP, une « mutation » est un « [t]ransfert d’une personne d’un poste à un autre sous le régime de la partie 3. » La partie 3 (à l’art. 52) déclare que dès sa mutation, « […] une personne cesse d’être titulaire du poste auquel elle avait été nommée ou mutée avant la mutation ».

[42]  La lettre d’offre nommait la fonctionnaire à un poste du bassin. Une condition de son emploi était d’être [traduction] « affectée successivement » à divers « postes » à l’administration centrale. La lettre l’obligeait également à confirmer qu’elle était disposée à [traduction] « accepter des affectations » et qu’elle était en mesure de le faire, normalement d’une durée de trois ans. Cela démontre que le cycle d’affectation était constitué d’« affectations » et non de « mutations ». Le PE prévoit que la démission ne s’applique plus si la fonctionnaire est [traduction] « mutée » à un autre poste de la fonction publique. Une affectation ne constitue pas une mutation.

[43]  Les Lignes directrices de 2020 n’existaient pas au moment de la signature du PE. Par conséquent, je conclus qu’il n’est pas approprié de les prendre en considération dans l’analyse des circonstances relatives au PE. J’ai inclus les détails relatifs aux Lignes directrices de 2020 dans la présente décision aux fins de contexte et parce que les Lignes directrices figuraient dans les arguments des parties.

[44]  Il ressort clairement du libellé du PE, ainsi que des circonstances, que les parties avaient l’intention que la seule façon dont la démission ne s’appliquerait plus serait si la fonctionnaire obtenait un autre poste dans la fonction publique – autre que son poste en tant qu’employée mobile au groupe et au niveau PM-03. Le PE ne prévoit aucune affection dans le cycle de 2020. Une affectation dans le cadre de ce processus ne constitue ni une mutation ni un [traduction] « autre poste », puisqu’elle demeurerait la titulaire de son poste actuel au groupe et au niveau PM-03.

[45]  Le PE ne prévoit aucune circonstance dans laquelle le CNP prendrait fin, autre que dans le cadre d’une mutation de la fonctionnaire à un autre poste dans la fonction publique. Les parties ont convenu d’une durée déterminée du CNP. Aucune disposition du PE ne prévoit la fin de ce statut (c.-à-d. le retour à un emploi rémunéré). À l’aide d’une inférence nécessaire, une mutation à un autre poste dans la fonction publique mettrait fin au CNP auprès d’AMC. Toutefois, il s’agit de la seule situation dans le cadre du PE où le CNP prendrait fin avant la période précisée.

[46]  Je conclus que les parties ont exprimé clairement leur intention selon laquelle la fonctionnaire n’était pas admissible à être prise en considération aux fins d’une affectation du bassin dans le cadre du cycle de 2020.

[47]  La représentante de la fonctionnaire a laissé entendre que les conditions d’emploi de la fonctionnaire (telles qu’elles sont énoncées dans sa lettre de nomination et dans les Lignes directrices de 2020) l’obligeaient à être disponible aux fins d’affectations. Le PE a clairement modifié les conditions d’emploi de la fonctionnaire. Par conséquent, je rejette cet argument.

[48]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[49]  Le PE est mis sous scellés.

[50]  La demande visant à obtenir une ordonnance déclaratoire de non-conformité est rejetée.

Le 1er septembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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