Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée était une agente du tribunal qui a été touchée par un réaménagement des effectifs – après avoir décidé de quitter la fonction publique et d’exercer l’option de recevoir une mesure de soutien à la transition (MST) et une indemnité d’études, elle a reçu 28 semaines de MST – l’employeur a déterminé qu’en raison de ses années de service continu, elle avait le droit à 28 semaines de MST, bien qu’elle ait allégué qu’on lui en avait initialement promis 52 – elle a déposé un grief contre la différence entre le montant de MST demandé et le montant reçu, plus des intérêts sur la différence – l’employeur a soutenu que tout renseignement lié au montant de MST que la fonctionnaire s’estimant lésée aurait pu recevoir de l’employeur avant sa décision de quitter la fonction publique n’était qu’une estimation – la formation de la Commission devait déterminer si le principe de la préclusion s’appliquait en l’espèce – premièrement, la formation a conclu que l’employeur avait promis clairement et sans équivoque à la fonctionnaire s’estimant lésée de lui offrir 52 semaines de MST – deuxièmement, la formation a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait décidé de quitter la fonction publique en fonction de cette promesse – enfin, elle a déterminé que les éléments de preuve appuyaient le fait que la décision de la fonctionnaire s’estimant lésée de quitter la fonction publique avait porté préjudice à son état moral et à sa situation financière – la formation a conclu que le principe de la préclusion s’appliquait, par conséquent, la fonctionnaire s’estimant lésée avait le droit à la différence entre les 52 semaines de MST promises et les 28 semaines reçues – les intérêts n’ont pas été accordés étant donné que le grief n’avait pas trait à un licenciement, à une rétrogradation, à une suspension ou à une sanction pécuniaire.

Grief accueilli.

Contenu de la décision


 

MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

 

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Honor Weston, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était une agente de tribunal à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (l’« employeur » ou CISR). Son dernier jour de travail à cet endroit a été le 25 janvier 2013. À ce moment‑là, elle occupait un poste classifié au groupe et au niveau PM‑05.

[2]  Le 21 mars 2013, Mme Weston a déposé un grief à l’encontre de la décision de l’employeur concernant la mesure de soutien à la transition (MST) dont elle bénéficierait. L’employeur a décidé qu’elle avait droit à une MST de 28 semaines. Elle a été informée de cette décision dans une lettre du 15 février 2013. Elle a ensuite allégué que l’employeur l’avait déjà informée qu’elle avait droit à une MST de 52 semaines.

[3]  La section des détails du grief de Mme Weston se lit comme suit :

[Traduction]

Je conteste la décision de mon employeur concernant mon droit à la mesure de soutien à la transition (MST), plus particulièrement son nombre équivalent de semaines de rémunération et qui m’a été communiqué par écrit le 19 février 2013;

Je conteste le fait que mon employeur a violé les articles 6 et 64 et l’annexe D, ainsi que tous les autres articles pertinents de la convention collective lorsqu’il m’a fourni des évaluations inexactes de mon droit aux paiements de la mesure de soutien à la transition, ce qui m’a amené à agir à mon détriment lorsque j’ai choisi une date de retraite.

 

[4]  Dans ses réponses au grief au premier et au deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs, l’employeur n’a pas traité de son bien‑fondé. Au contraire, l’employeur s’y est opposé au motif que Mme Weston n’était plus une employée de la fonction publique lorsqu’elle l’a déposé le 21 mars 2013, puisqu’elle avait quitté son emploi le 25 janvier 2013. Ce point a été soulevé lors d’une conférence préparatoire à l’audience la semaine précédant l’audience et à l’ouverture de l’audience. Les deux fois, l’employeur a déclaré qu’il avait changé sa position en ce sens qu’il ne s’opposait plus au grief. Par conséquent, je n’aborderai pas cette objection.

[5]  Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 24 septembre 2013. La convention collective applicable est celle du groupe Services des programmes et de l’administration qui est venue à échéance le 20 juin 2014.

[6]  Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014‑84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[7]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II.   Résumé de la preuve

[8]  Les parties ont déposé un bref énoncé conjoint des faits. Elles ont également déposé de nombreux documents, totalisant plus de 200 pages. Mme Weston était le seul témoin cité à témoigner.

[9]  Le 5 mai 1975, Mme Weston a commencé à travailler dans la fonction publique fédérale à Parcs Canada. En 1985, elle a pris un congé en vue de déménager avec son conjoint. En septembre 1986, elle a été mise en disponibilité en vertu de l’art. 29 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P‑32). En janvier 1987, elle a obtenu un poste à Emploi et Immigration Canada, et, en août 1987, à la Commission d’appel de l’immigration, le prédécesseur de la CISR, où elle est demeurée jusqu’à sa retraite en janvier 2013. Elle connaissait très bien la CISR et, en 2012, elle savait que des changements seraient apportés, avec des contraintes budgétaires dans l’ensemble du gouvernement fédéral. Elle détient un diplôme en droit de la Carleton University. Dans le passé, elle a participé aux syndicats de la fonction publique. Au début des années 1990, elle était une dirigeante nationale d’un syndicat représentant les employés de la CISR.

[10]  Le 1er avril 2012, l’employeur a écrit à la fonctionnaire pour l’informer qu’elle avait été identifiée comme une [traduction] « employée touchée » et que ses services en tant qu’agente de tribunal [traduction] « […] pourraient ne plus être requis en raison d’un manque de travail ou d’une suppression de fonction ». La lettre mentionnait également qu’elle était invitée à étudier et à envisager d’autres options de placement. Elle a également été invitée à consulter le « Guide » sur le réaménagement des effectifs (RE) et son représentant syndical. La fonctionnaire a témoigné que cela lui a fait penser à son avenir.

[11]  En octobre 2012, les employés touchés de la CISR ont reçu un formulaire à remplir et à remettre à l’employeur. Mme Weston l’a rempli, tel que requis, et l’a remis le 9 octobre 2012. Le formulaire indiquait qu’il avait pour but d’enquêter sur l’intérêt des employés à l’égard de trois types de postes que l’employeur devait doter. Il indiquait également que l’employeur saisissait cette occasion pour recueillir des renseignements sur les plans à long terme des employés qui devaient être utilisés à des fins de planification. Les employés devaient choisir l’une des trois options suivantes :

[Traduction]

 Je souhaite postuler au poste d’analyste, SPR/SAR (EC‑05)

 Je souhaite postuler au poste dagent de règlement rapide (PM‑05)

 Je souhaite quitter la fonction la publique (et être déclaré excédentaire avec les options)

 

[12]  Mme Weston a choisi l’option 3. Elle a témoigné qu’elle souhaitait assister à une prochaine séance d’information afin de prendre une décision en fonction de ce dont elle bénéficierait si elle quittait la fonction publique. Elle souhaitait savoir combien on lui offrirait. Toutefois, en contre‑interrogatoire, elle a témoigné qu’elle avait une idée du montant qu’elle toucherait si elle devait partir. Elle avait vu les tableaux du RE et pouvait lire la convention collective.

[13]  Mme Weston a témoigné que, le 10 octobre 2012, elle avait discuté avec Alain St‑Arnaud du Centre des services de paye de la fonction publique, qui avait indiqué qu’elle bénéficierait d’une MST fondée sur 26 ans d’emploi continu. Elle a également déclaré que, le 25 octobre 2012, elle avait envoyé un courriel au Centre des services de paye afin de lui demander ce à quoi elle aurait droit dans le cadre du RE. Elle a ensuite précisé qu’elle estimait qu’elle aurait droit à 52 semaines de rémunération. Elle a également demandé des renseignements précis sur le montant qu’elle devait encore pour racheter un certain nombre d’années de service. Elle n’a pas déposé ce courriel en preuve à l’audience parce qu’elle ne l’avait plus. Il est plutôt mentionné dans un document préparé par son représentant syndical le 8 avril 2013. Mme Weston a témoigné qu’il a fallu deux semaines à la CISR pour répondre à son courriel.

[14]  Le 26 octobre 2012, Mme Weston et d’autres agents de tribunal ont reçu un courriel de Kathleen Baker, une chef d’équipe des RH de la CISR, en vue de leur demander d’indiquer leur intérêt à participer à une séance d’information au cours de laquelle toutes les options disponibles leur seraient expliquées. Le deuxième paragraphe de ce courriel se lit comme suit :

[Traduction]

Avant de procéder, nous aimerions nous assurer que vous êtes bien informé de toutes les options à votre disposition et de leurs répercussions. Je veux donc savoir si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements avant de confirmer votre décision. Selon la réponse que nous recevons, nous pourrions organiser des séances d’information ou des réunions individuelles au cours des deux prochaines semaines.

 

[15]  La séance d’information a eu lieu le 5 novembre 2012. Avant la séance, Mme Weston et d’autres agents de tribunal ont reçu une copie d’une présentation PowerPoint décrivant les options disponibles. En résumé, selon l’option A, les employés bénéficieraient d’une période de priorité d’employé excédentaire de 12 mois, pendant laquelle ils pourraient recevoir une offre d’emploi raisonnable. Selon l’option B, les employés bénéficieraient d’une MST sous la forme d’un paiement en espèces calculé en fonction de leurs années de service, en échange de leur démission. Dans certains cas, une annulation de la réduction de la pension pourrait s’appliquer. En vertu de l’option C, les employés bénéficieraient d’une MST selon l’option B. Ils seraient également remboursés jusqu’à concurrence de 11 000 $ au titre d’une indemnité d’études. Toutefois, l’annulation de la réduction de la pension prévue à l’option B ne s’appliquerait pas. Mme Weston a témoigné qu’au cours de la séance d’information, elle a demandé combien de semaines de la MST elle recevrait. Elle a témoigné que Mme Baker a répondu qu’il s’agirait de 52 semaines. Selon ces renseignements, plus tard le même jour et après la séance d’information, Mme Weston a envoyé le courriel suivant à Mme Baker :

[Traduction]

Objet : RE : Séance d’information sur les options en vertu de l’entente sur le réaménagement des effectifs (ERE)

Bonjour Kathleen,

La présente constitue la confirmation de mon intention de démissionner du poste d’AT à Montréal, qui sera déclaré excédentaire, visé par l’ERE et la convention collective et afin que l’employeur me présente les options qui y sont énoncées.

Merci

Honor Weston

 

[16]  Le 6 novembre 2012, Nicole Devereaux, une conseillère en rémunération et avantages sociaux à la CISR à Ottawa, en Ontario, a envoyé un courriel à Mme Weston pour répondre à certaines des questions qu’elle avait posées au Centre des services de paye le 25 octobre 2012. Mme Devereaux a copié son courriel à Mme Baker, à Michel Thériault de la direction générale de la rémunération de la CISR et à Pierre Fréchette, le directeur de la rémunération de la CISR. L’avocat de l’employeur s’est opposé au dépôt en preuve du courriel parce qu’il était incomplet; la fin n’avait pas été reproduite. Mme Weston a répondu qu’elle n’avait plus accès à ses courriels de la CISR et qu’elle ne pouvait pas fournir la fin manquante puisqu’elle ne la possédait plus. En voici certaines sections :

[Traduction]

[…]

Nous sommes désolés que vous n’ayez pas reçu une réponse du Centre des services de la paye […] Étant donné que nous n’avons pas votre dossier personnel aux fins d’examen, nous ne serons pas en mesure de répondre à certaines des questions personnelles, mais nous tenterons de répondre au plus grand nombre possible. Voici quelques‑uns des sujets dans votre courriel auxquels nous pouvons répondre :

L’option c a) MST + indemnité d’études : Nous avons envoyé un courriel au Conseil du Trésor et au centre de pension pour demander une interprétation. Dès que nous aurons une réponse, nous vous la transmettrons.

[…]

Selon les années de service, vous devriez avoir droit à 52 semaines en vertu de la mesure de soutien à la transition, selon le tableau du réaménagement des effectifs.

[…]

 

[17]  Le 22 novembre 2012, Sandra Waye‑Butler, une conseillère en rémunération et avantages sociaux du Centre des services de paye, a envoyé un courriel à Mme Weston. Le courriel se lit en partie comme suit :

[Traduction]

Bonjour M. Weston,

Tel que promis, vous trouverez ci‑dessous une estimation de votre PAIEMENT de la MST fondée sur votre retraite le 7 janvier 2013. Je suis désolée du retard à répondre à votre demande de renseignements. Le RE a généré une lourde charge de travail que nous tentons de traiter de manière prioritaire et en temps opportun.

Vos années d’emploi continu permettent de classer votre MST dans la fourchette de 16 à 29 ans qui prévoit 52 semaines de rémunération.

80 560 $ / 52,176 = 1 544 $ x 52 = 80 288 $

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[18]  Le 28 novembre 2012, Simon Coakeley, le directeur général de la CISR, a écrit à Mme Weston pour l’informer que ses services en tant qu’agente de tribunal ne seraient plus requis en raison d’un manque de travail. Il lui a demandé de remplir un formulaire qui y était joint et de l’acheminer à Mme Baker. Les deux paragraphes suivants de la lettre de M. Coakeley visaient à demander à Mme Weston de choisir entre les trois options :

[Traduction]

Il a été déterminé que le président n’est pas en mesure de vous offrir une garantie d’offre d’emploi raisonnable. Par conséquent, vous disposerez d’un délai de 120 jours civils à compter de la date de la présente lettre pour examiner les trois options prévues dans l’entente sur le réaménagement des effectifs. Veuillez noter que, si vous ne faites pas votre choix d’option au plus tard le 28 mars 2013, vous serez réputée avoir choisi l’option A.

Vous devez communiquer votre décision par écrit à Kathleen Baker, chef d’équipe, Service national de dotation, au plus tard le 28 mars 2013 en remplissant et en remettant le formulaire ci‑joint. Une fois que vous aurez choisi une option, vous ne pourrez pas modifier votre décision. De plus, la direction établira la date de départ si vous choisissez l’option B ou C.

 

[19]  Le 3 décembre 2012, Mme Weston a rempli le formulaire intitulé [traduction] « Formulaire de sélection des options relatives au réaménagement des effectifs – ERE ». Le gestionnaire responsable l’a signé le 6 décembre 2012. Ce faisant, le gestionnaire a signifié l’acceptation de la démission de Mme Weston aux fins de l’option qu’elle avait choisie. Le formulaire indiquait qu’elle avait choisi l’option C et qu’elle démissionnerait le 25 janvier 2013. Selon cette option, elle bénéficierait de la MST et d’une indemnité d’études. Elle a témoigné qu’à ce moment‑là, elle envisageait de poursuivre des études à Barcelone, en Espagne. Elle a également témoigné qu’elle avait choisi cette option au motif qu’elle bénéficierait d’une MST de 52 semaines.

[20]  Le 5 décembre 2012, Mme Weston a écrit à Mme Waye‑Butler pour lui demander des formulaires relatifs à sa situation. Dans ce courriel, Mme Weston a mentionné sa MST de 52 semaines. Le 11 décembre 2012, Mme Weston a de nouveau envoyé un courriel à Mme Waye‑Butler au sujet des montants qui devaient lui être versés et a mentionné encore une fois sa MST de 52 semaines. Dans le [traduction] « Formulaire de transfert de la mesure de soutien à la transition » que Mme Weston a signé le 17 décembre 2012, elle a demandé que le montant de 45 500 $ du « montant admissible » et le montant de 28 811 $ du « montant non admissible », tous deux provenant de sa MST, soient transférés à un régime enregistré d’épargne‑retraite (REER). Ces deux montants totalisent 74 311 $.

[21]  Le 18 décembre 2012, Mme Weston a reçu une lettre de Simon Pérusse, directeur régional à la CISR, indiquant que sa demande de l’option C(i), notamment une MST et une indemnité d’études, avait été approuvée et que son dernier jour de travail serait le 25 janvier 2013.

[22]  Le 15 février 2013, Sonya Hind, chef d’équipe au Centre des services de paye, a écrit à Mme Weston au sujet de ses indemnités de départ. Les extraits suivants de la lettre de Mme Hind sont particulièrement pertinents au présent grief :

[Traduction]

[…]

La présente concerne votre courriel du 10 février 2013. Un examen de votre compte a été effectué et la présente lettre a pour but de préciser le montant de chacun de vos paiements.

La mesure de soutien à la transition (MST) pour la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration est fondée sur l’emploi continu. Selon le sous‑alinéa 20.1b)(i) de la partie 5 (ci‑jointe), l’emploi continu comprend tous les services avant la mise à pied. Il s’agit du calcul pour l’emploi continu aux fins de la MST.

Du 5 mai 1975 au 9 septembre 1986 – 11 ans et 128 jours

Du 5 janvier 1987 au 25 janvier 2013 – 26 ans et 20 jours

Emploi continu – 37 ans et 159 jours

Étant donné que la MST est fondée sur des années complètes, votre droit à la MST est fondé sur 37 années. Conformément à l’annexe B (ci‑jointe) de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration, votre paiement vise une période de 28 semaines @ 80 560 $ = 43 232 $.

[…]

 

[23]  Mme Weston a témoigné qu’elle avait été contrariée lorsqu’elle a vu la lettre de Mme Hind. Si elle avait connu les renseignements qu’elle contenait, elle n’aurait pas pris sa retraite. À ce moment‑là, elle avait 58 ans et aurait pu travailler beaucoup plus d’années dans la fonction publique. Elle a témoigné que c’était comme si elle avait reçu une claque au visage. Elle a dit qu’elle a pleuré pendant toute une année. Elle a affirmé qu’elle avait eu une dépression de [traduction] « faible niveau ». Elle a également indiqué dans son témoignage qu’elle ne pouvait pas poursuivre son plan d’études en raison de la MST révisée de 28 semaines. Son estime de soi a été touchée de manière négative. Elle se sentait utilisée pour le travail qu’elle avait effectué pour la CISR. Elle estimait qu’on avait fait preuve d’un manque de respect à son égard. Mme Weston a également témoigné qu’elle n’avait plus les moyens de garder son condo à Montréal. Elle a dû le mettre en vente à un moment où le marché était faible. Elle a également témoigné que la modification apportée à la MST dont elle a bénéficié a finalement affecté sa cote de crédit. Dans son témoignage, elle a affirmé qu’elle n’a pas cherché d’emploi après avoir quitté la fonction publique, sauf pour aider un ami en travaillant comme réceptionniste pour lui pendant cinq mois.

[24]  En décembre 2012, Mme Weston a demandé que la grande partie de sa MST soit placée dans un REER. À ce moment‑là, elle avait été informée qu’elle bénéficierait d’une MST de 52 semaines. En mai 2013, elle a écrit à Mme Devereaux pour lui demander d’être payée en espèces pour ses 28 semaines révisées de MST plutôt que de la transférer à un REER. Mme Weston a témoigné que sa situation financière n’était pas ce qu’elle croyait être. Toutefois, en fin de compte, elle a décidé de placer l’argent dans un REER.

[25]  Le 22 février 2013, Mme Weston a envoyé un courriel à M. Thériault, à Mme Devereaux, à Monique Doiron du Centre des services de paye et à Mme Hind. Elle a contesté la lettre de Mme Hind du 15 février 2013. Elle a demandé au Centre des services de paye de respecter son premier engagement à lui verser un paiement de la MST de 80 288 $. Elle a déclaré qu’elle n’aurait pas pris sa retraite avant l’âge de 70 ans si elle avait su que la MST dont elle bénéficierait ne s’élèverait qu’à 43 000 $.

[26]  Le 4 avril 2013, Margot A. Payne, directrice du Centre des services de paye, a répondu comme suit à Mme Weston :

[Traduction]

[…]

La présente a trait à votre demande de renseignements concernant votre droit au titre de la MST et à votre indication qu’une décision de prendre votre retraite était fondée sur une estimation qui vous avait été fournie par le Centre des services de paye.

Selon notre examen de votre dossier, une estimation de la MST vous a été fournie le 22 novembre. Toutefois, nous avons confirmé que vous avez fourni à votre Ministère un avis écrit de votre intention de quitter volontairement la fonction publique le 5 novembre à la suite des séances d’information sur le réaménagement des effectifs.

Je tiens à préciser qu’à la suite de votre cessation d’emploi dans la fonction publique et avant de verser vos paiements, votre dossier a été soumis à l’équipe de vérification de la rémunération, dans le cadre d’un processus de rémunération régulier. À ce moment‑là, il a été déterminé que votre service avant votre mise à pied devait être inclus, car il faisait également partie d’un emploi continu aux fins de la MST et de l’indemnité de départ […]

[…]

 

[27]  La plupart des éléments du témoignage de Mme Weston avaient également été soumis à l’employeur au cours de la procédure de règlement des griefs dans un document du 8 avril 2013 et rédigé par son représentant syndical, Guy Boulanger, selon les renseignements qu’elle lui avait fournis.

[28]  Mme Weston a également présenté des éléments de preuve selon lesquels l’employeur avait commis de nombreuses erreurs dans le traitement de son affaire et qu’il lui avait fourni de faux renseignements plus d’une fois. Je n’estime pas nécessaire de me prononcer sur ces éléments de preuve pour trancher son grief, étant donné qu’ils ne sont pas liés au montant de la MST qui doit lui être versé.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[29]  La fonctionnaire m’a renvoyé à certaines des dispositions de l’annexe D de l’ERE. Dans la partie I, elle déclare qu’il incombe à l’employeur de veiller à ce que les employés soient traités équitablement. Il existe une obligation d’équité. En l’espèce, l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation.

[30]  Le 9 octobre 2012, Mme Weston a rempli un formulaire pour amorcer le processus d’être éventuellement déclarée excédentaire. Peu après, M. St‑Arnaud lui a dit qu’elle avait droit à une MST de 52 semaines. Le 5 novembre 2012, lors de la séance d’information, elle a reçu les mêmes renseignements lorsqu’elle a posé la question à Mme Baker. Puis, le 22 novembre 2012, elle a de nouveau été informée qu’elle avait droit à une MST de 52 semaines, cette fois‑ci dans un courriel du Centre des services de paye. De plus, Mme Weston a déclaré dans plusieurs courriels destinés au Centre des services de paye ou aux employés de la direction générale de la rémunération qu’elle avait droit à une MST de 52 semaines. Personne ne l’a jamais corrigée ou ne l’a menée à croire que son interprétation était erronée.

[31]  Mme Weston a décidé de quitter la fonction publique en se fondant sur les renseignements qui lui avaient été fournis. Elle avait déjà quitté la fonction publique lorsqu’elle a été informée le 15 février 2013 qu’elle bénéficierait d’une MST de 28 semaines, plutôt que de 52 semaines. Par conséquent, l’argent dont elle disposait a été réduit de près de la moitié. Elle a pris sa décision de partir en fonction de renseignements faux fournis par l’employeur. Cela était injuste et contraire aux dispositions de l’ERE.

[32]  Le principe de la préclusion s’applique clairement au grief de Mme Weston. On lui a fait une promesse, à laquelle elle s’était fiée pour quitter la fonction publique. Elle a subi un préjudice important par le fait que l’employeur n’avait pas respecté sa promesse de lui verser une MST de 52 semaines. Cette modification de la position de l’employeur lui a été préjudiciable.

[33]  À titre de mesure corrective, Mme Weston a demandé que j’ordonne à l’employeur de lui verser la différence entre une MST de 52 semaines et la MST de 28 semaines qui lui a déjà été versée. Elle a également demandé des intérêts sur cette différence.

[34]  Mme Weston m’a renvoyé à R.M. Snyder, Palmer & Snyder: Collective Agreement Arbitration in Canada, 6e édition, et à D.J.M. Brown, Q.C., D.M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition. Elle a aussi invoqué les décisions suivantes : Defoy c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25506 (19941025), [1994] C.R.T.F.P.C. no 131 (QL); Molbak c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossier de la CRTFP 166‑02-26472 (1994), [1995] C.R.T.F.P.C. no 95 (QL); Canada (Procureur général) c. Molbak, [1996] A.C.F. no 892 (QL); Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 93; Lapointe c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 57; Cianciarelli c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2017 CRTEFP 32.

B.   Pour l’employeur

[35]  L’employeur a reconnu qu’il s’agissait d’une situation malheureuse. Toutefois, la preuve n’étaye pas la déclaration selon laquelle Mme Weston a pris sa décision de quitter la fonction publique en se fondant sur les renseignements qui lui ont été fournis au sujet de la MST dont elle bénéficierait. Cela signifie que la préclusion ne s’applique pas en l’espèce. Une promesse claire et sans équivoque devait être faite, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

[36]  La seule preuve à l’appui de la déclaration de Mme Weston selon laquelle elle a été informée qu’elle bénéficierait d’une MST de 52 semaines était le courriel du Centre des services de paye du 22 novembre 2012. Le reste consistait en des conversations. De plus, le courriel ne promettait pas une MST de 52 semaines. Au contraire, il indiquait dans un texte en gras et souligné que le calcul des 52 semaines constituait une estimation.

[37]  Il existe une différence entre la créance désavantageuse, qui est requise pour appliquer la préclusion, et un préjudice. Les éléments de preuve n’étayent pas qu’une créance désavantageuse a eu lieu. Il ne ressort aucunement de la preuve que Mme Weston aurait agi différemment si elle avait su que la MST comprenait 28 semaines plutôt que 52 semaines. Avant d’être informée de la MST de 52 semaines, elle avait déjà indiqué le 9 octobre 2012, par écrit, qu’elle quitterait la fonction publique et qu’elle ne postulerait pas d’autres postes. Elle a réitéré cette décision par écrit immédiatement après la séance d’information du 5 novembre 2012.

[38]  Il est clair que Mme Weston avait l’intention de prendre sa retraite. Elle a exprimé cette intention par écrit avant de recevoir l’estimation du Centre des services de paye. Elle ne s’est pas fiée à la MST de 52 semaines pour prendre sa décision. Selon la prépondérance des probabilités, cette version est plus logique que celle de Mme Weston. Il se peut qu’on lui ait donné les mauvaises estimations, mais les renseignements qu’elle a fournis et en fonction desquels elles ont été établies ne sont pas connus.

[39]  L’employeur a déclaré que, même si je fais droit au grief, je n’ai pas le pouvoir d’accorder des intérêts. À cet égard, il m’a renvoyé à l’alinéa 226(2)c) de la Loi.

[40]  L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Burchill v. Attorney General of Canada, [1981] 1 F.C. 109 (C.A.); Doucet c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 81; Faryna v. Chorny, 1951 CanLII 252; Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874; Paquet c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (Bureau de la traduction), 2016 CRTEFP 30; Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93; Rogers c. Canada (Agence du revenu), 2010 FCA 116.

IV.  Motifs

[41]  Avant l’audience, les avocats des deux parties ont convenu de ne soumettre aucun argument quant à la MST appropriée qui aurait dû être versée à Mme Weston. Ils ont convenu que la seule question dont je suis saisi était de décider si le principe de la préclusion s’appliquait en l’espèce. Dans l’affirmative, je devrais faire droit au grief. Dans la négative, le grief devrait être rejeté.

[42]  Les parties m’ont renvoyé à la doctrine sur la préclusion et à la jurisprudence de la Commission et de ses prédécesseurs. Ils m’ont également renvoyé à certaines décisions de tribunaux concernant l’application de la préclusion dans les relations de travail. J’ai examiné soigneusement cette doctrine et cette jurisprudence. Mon rôle ne consiste pas à les résumer, mais à fonder ma décision sur les principes qu’elles énoncent, qui sont bien résumés dans Palmer et Snyder, aux paragraphes 2.67 et 2.77, qui se lisent comme suit :

[Traduction]

2.67. La préclusion est un principe de droit ou de justice qui s’applique à l’ensemble du système juridique et qui est fréquemment utilisé dans l’interprétation de conventions collectives. Essentiellement, le principe empêche (« préclut ») une partie d’agir d’une manière particulière lorsqu’il serait injuste de lui permettre de le faire. Dans une situation habituelle, une partie qui a présenté un argument à l’autre sera tenue de respecter cet argument si l’autre partie, qui s’y est fiée, subissait un préjudice si l’argument n’était pas respecté. L’énoncé du principe qui est probablement le plus cité est celui rédigé par Lord Denning dans Combe v. Combe, comme suit :

Le principe, tel que je le comprends, est que, lorsqu’une partie a, par ses propres mots ou son propre comportement, fait à l’autre une promesse ou une assurance qui était destinée à affecter les relations juridiques entre elles et à être mise en œuvre en conséquence, dans ce cas, une fois que l’autre partie l’a prise au mot et a agi en conséquence, celui qui a fait la promesse ou l’assurance ne peut pas ensuite être autorisé à revenir aux relations juridiques antérieures comme si aucune promesse ou assurance n’avait été faite par lui, mais il doit accepter leurs relations juridiques sous réserve de la qualification qu’il a lui-même introduite, même si elle n’est pas étayée en droit par une considération négative, mais seulement par sa parole.

2.77. Le principe de créance désavantageuse est au cœur de la préclusion et englobe deux concepts distincts, mais interdépendants :

La première exige une conclusion selon laquelle la partie qui cherche à établir la préclusion a modifié sa conduite en agissant ou en s’abstenant d’agir en se fondant sur l’hypothèse, modifiant ainsi sa position juridique. Si la première étape est franchie, la deuxième exige une conclusion selon laquelle, si l’autre partie est autorisée à abandonner l’hypothèse, la partie qui soulève la préclusion subira un préjudice en raison de la modification de sa position présumée […].

 

[43]  La jurisprudence établit également que la promesse faite doit être claire et sans équivoque (voir Pronovost, au par. 74) et que la créance désavantageuse doit être établie par la partie qui soutient que la préclusion s’applique (voir Murchison, au par. 44).

[44]  Sur cette base, afin de déterminer si la préclusion s’applique en l’espèce, je dois d’abord établir si une promesse claire et sans équivoque a été faite à Mme Weston. Dans l’affirmative, je dois ensuite déterminer si elle a subi un préjudice lorsqu’elle s’est fiée à cette promesse. Pour que cela se produise, je dois conclure qu’elle a pris la décision de quitter la fonction publique en se fondant sur la promesse et que la décision lui a été préjudiciable, car la promesse de l’employeur n’a pas été respectée.

A.  L’employeur a‑t‑il fait une promesse claire et sans équivoque à Mme Weston?

[45]  Mme Weston a témoigné que, le 10 octobre 2012, M. St‑Arnaud lui a dit qu’elle aurait droit à une MST de 52 semaines. Elle a également témoigné que, lors de la séance d’information, Mme Baker lui a dit qu’elle aurait droit à une MST de 52 semaines. Rien ne me porte à croire que Mme Weston n’a pas dit la vérité. De plus, aucun élément de preuve n’a été déposé à l’audience pour contredire son témoignage selon lequel elle avait reçu verbalement ces renseignements les 10 octobre et 5 novembre 2012. L’employeur a soutenu que les renseignements que Mme Weston a fournis à M. St‑Arnaud ou à Mme Baker, qui les a amenés à répondre comme ils l’ont fait, ne sont pas connus. Cela est vrai. Toutefois, je ne conclurai pas qu’elle a fourni des renseignements inexacts. De plus, je suppose que M. St‑Arnaud et Mme Baker sont des personnes responsables et qu’ils ne fourniraient pas de réponse à des questions aussi importantes sans avoir à leur disposition les renseignements pertinents. Aussi, l’employeur aurait pu les citer à témoigner s’il doutait du témoignage de Mme Weston, mais il ne l’a pas fait. Je crois donc au témoignage de Mme Weston selon lequel, les 10 octobre et 5 novembre 2012, M. St‑Arnaud et Mme Baker lui avaient dit qu’elle avait droit à une MST de 52 semaines.

[46]  L’employeur s’est opposé au courriel de Mme Devereaux du 6 novembre 2012, car il n’était pas complet. J’accepterai l’objection et je ne tiendrai pas compte du courriel. Toutefois, je tiens à ajouter que son contenu ne change rien à mon évaluation de l’ensemble de la situation.

[47]  Mme Weston a reçu le courriel de Mme Waye‑Butler du 22 novembre 2012. Elle a écrit que ses chiffres constituaient une estimation et que, selon un emploi continu de 16 à 29 ans, Mme Weston avait droit à une MST de 52 semaines, ce qui représentait un total de 80 288 $. L’employeur a fait valoir que ce montant constituait une estimation et non une promesse.

[48]  Même si Mme Waye‑Butler a fourni une estimation, l’employeur ne peut se retrancher derrière. L’estimation d’environ 80 000 $ ne s’est pas transformée en un paiement final de 75 000 $, de 77 000 $, de 82 000 $ ou de tout autre montant dans cette fourchette, mais en un paiement final de 43 000 $, ce qui correspond à une réduction de 37 000 $. L’estimation de 52 semaines s’est avérée n’être que de 28 semaines, soit une réduction de 24 semaines. L’estimation ne différait pas légèrement du paiement final; l’employeur a plutôt modifié la façon dont il calculait la MST. En premier lieu, le calcul était fondé sur les 26 années de service de Mme Weston. Toutefois, le 15 février 2013, le calcul a été fondé sur 37 années de service. La question n’est pas survenue de certaines imprécisions dans l’estimation, mais plutôt de la méthode de calcul des MST radicalement différente. Je rejette l’argument selon lequel le contenu du courriel de Mme Waye‑Butler devrait être écarté parce qu’il s’agissait d’une estimation. Il devrait être considéré comme son approximation de ce à quoi Mme Weston aurait dû s’attendre en tant que MST. Cette approximation devrait raisonnablement se situer dans la fourchette des 80 000 $. Sinon, l’estimation était erronée et trompeuse.

[49]  À la suite du courriel de Mme Waye‑Butler, Mme Weston lui a écrit deux autres fois. Chaque fois, elle a mentionné que sa MST comprenait 52 semaines. Elle a également indiqué que, dans le formulaire de transfert de la mesure de soutien à la transition signé le 17 décembre 2012, le montant de 74 311 $ de sa MST devait être transféré à un REER. Aucun représentant de l’employeur n’a corrigé son hypothèse selon laquelle elle bénéficierait d’une MST de 52 semaines ou d’une MST équivalente à au moins 74 311 $.

[50]  Dans l’ensemble, ces éléments de preuve équivalent à faire une promesse claire et sans équivoque. Les employés du Centre des services de paye ou de la direction générale des Ressources humaines de la CISR ont informé Mme Weston verbalement ou par écrit trois fois en octobre et en novembre 2012 qu’elle bénéficierait d’une MST de 52 semaines. Plus tard, lorsqu’elle a mentionné une MST de 52 semaines dans sa correspondance, personne ne l’a corrigée.

B.  Mme Weston a‑t‑elle décidé de quitter la fonction publique en se fondant sur la promesse?

[51]  L’employeur a soutenu que Mme Weston avait décidé de prendre sa retraite avant que le Centre des services de paye ne lui ait fourni l’estimation d’une MST de 52 semaines. Selon l’employeur, rien n’indique qu’elle aurait agi différemment si elle avait su qu’elle bénéficierait d’une MST de 28 semaines plutôt que de 52 semaines. Dans son témoignage, elle a déclaré qu’elle n’aurait pas quitté la fonction publique avec une MST de 28 semaines et qu’elle aurait pu continuer à travailler dans la fonction publique pendant beaucoup d’autres années.

[52]  L’argument de l’employeur repose principalement sur le formulaire que Mme Weston a rempli le 9 octobre 2012, dans lequel elle a exprimé son souhait de quitter la fonction publique. Elle l’a rempli à la suite d’une demande adressée aux employés touchés. Selon cette demande, ils devaient choisir parmi trois possibilités, soit postuler aux postes EC‑05 à la CISR, soit postuler aux postes PM‑05 à la CISR, soit quitter la fonction publique et être déclarés excédentaires, avec les trois options. Le formulaire indiquait également que l’employeur saisissait cette occasion pour recueillir des renseignements sur les plans à long terme des employés qui devaient être utilisés à des fins de planification. Mme Weston a témoigné qu’elle avait une idée du montant qu’elle toucherait si elle devait quitter la fonction publique. Elle a dit qu’elle pouvait lire les tableaux du RE et la convention collective.

[53]  Je crois qu’à l’époque, ni Mme Weston ni l’employeur n’ont tenu compte des [traduction] « souhaits » exprimés par Mme Weston dans le formulaire qu’elle a rempli le 9 octobre 2012, en tant que choix définitif de quitter la fonction publique.

[54]  En fait, Mme Baker a écrit le 26 octobre 2012 à Mme Weston et aux autres agents de tribunal. Elle a déclaré qu’une séance d’information pourrait être tenue afin de [traduction] « […] nous assurer que vous êtes bien informés de toutes les options à votre disposition et de leurs répercussions ». Elle a également écrit, [traduction] « […] j’aimerais savoir si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements avant de confirmer votre décision ». Pendant cette séance, deux des options qui ont été expliquées concernaient le fait de quitter la fonction publique avec une MST. Toutefois, au contraire, la principale caractéristique de l’autre option (option A) était une période de priorité d’employé excédentaire de 12 mois pendant laquelle l’employé pourrait recevoir une offre d’emploi raisonnable. Après la séance d’information, Mme Weston a envoyé un courriel à Mme Baker, confirmant son intention de démissionner, d’être déclarée excédentaire, d’être visée par le RE et la convention collective et de prendre connaissance des options [traduction] « telles qu’elles y sont énoncées ». Puis, le 28 novembre 2012, le directeur général de la CISR a écrit à Mme Weston pour l’informer que ses services n’étaient plus requis et pour lui demander d’examiner les trois options A, B ou C et de décider celle qu’elle choisit dans un délai de 120 jours. Il a demandé à Mme Weston d’informer Mme Baker de son choix en remplissant et en remettant un formulaire. Il a déclaré qu’une fois qu’elle aurait fait son choix, elle ne serait pas en mesure de changer sa décision. Le 3 décembre 2012, elle a rempli le formulaire et a choisi l’option C.

[55]  Les éléments de preuve ne permettent pas d’étayer l’argument selon lequel Mme Weston a pris sa décision définitive de quitter la fonction publique le 9 octobre 2012. En fait, la décision est devenue définitive seulement deux mois plus tard, soit le 3 décembre 2012. Avant cette date, à n’importe quelle étape du processus, elle aurait pu choisir de rester dans la fonction publique et d’être en situation de priorité d’employé excédentaire pour une période de 12 mois (option A). Pendant cette période, elle aurait pu recevoir une offre d’emploi raisonnable. Ce jour‑là, elle pouvait encore se prévaloir de cette option et elle avait déjà été informée deux fois verbalement et une fois par écrit qu’elle bénéficierait d’une MST de 52 semaines.

[56]  Selon la prépondérance des probabilités, je crois au témoignage de Mme Weston selon lequel elle n’aurait pas pris la décision définitive de quitter la fonction publique si elle avait su qu’elle bénéficierait d’une MST de 28 semaines, plutôt que de la MST de 52 semaines qui lui avait été promise. Elle a dit cela dans son témoignage et cela n’a pas été contredit. Elle a dit qu’elle avait 58 ans et qu’elle aurait pu continuer à travailler pendant de nombreuses années dans la fonction publique. Elle a dit que, si elle avait su, elle aurait continué à travailler. Je n’ai aucune raison de ne pas la croire.

C.  La décision de Mme Weston lui a‑t‑elle été préjudiciable?

[57]  Selon le témoignage non contredit de Mme Weston, il est clair que la réduction importante de la MST a eu une incidence psychologique négative sur elle et sur son moral. Elle a témoigné que c’était comme si elle avait reçu une claque au visage et qu’elle avait eu une dépression de « faible niveau ». Son estime de soi a été touchée de manière négative. Elle se sentait utilisée pour le travail qu’elle avait effectué pour la CISR et qu’on avait manqué de respect à son égard.

[58]  Mme Weston a également témoigné que la réduction importante de la MST avait eu une incidence financière négative sur elle. Elle a dit qu’elle n’avait plus les moyens de garder son condo. Elle a dû le mettre en vente à un moment où le marché était faible. Elle a également témoigné que la réduction de la MST dont elle a bénéficié a finalement touché sa cote de crédit. Elle a également indiqué dans son témoignage qu’elle ne pouvait pas poursuivre son plan d’études. Je n’ai entendu aucune preuve du contraire.

[59]  Mme Weston a pris la décision de quitter la fonction publique en se fondant sur le fait qu’on lui avait promis une MST de 80 288 $. Toutefois, elle a reçu 43 232 $. Les éléments de preuve ont étayé le fait que sa décision avait eu une incidence préjudiciable sur elle. Elle a eu des répercussions négatives sur son moral et sa situation financière.

D.  La préclusion s’applique‑t‑elle en l’espèce?

[60]  Les éléments de preuve étayent l’argument de Mme Weston selon lequel la préclusion s’applique à son cas. L’employeur lui avait « promis » qu’elle bénéficierait d’une MST d’environ 80 288 $. Sur cette base, elle a décidé de quitter la fonction publique. Après son départ, l’employeur a changé de position et l’a informée qu’elle bénéficierait d’une MST de 43 232 $. Cette modification de la position de l’employeur a eu des répercussions négatives sur son moral et ses finances.

[61]  En appliquant à l’espèce les mots de Lord Denning dans Combe v. Combe, [1951] 1 All E.R. 767, je conclus que, par ses mots ou sa conduite, l’employeur a fait à Mme Weston une promesse ou lui a donné une assurance qui visait à toucher leurs relations juridiques et à agir en conséquence. Puis, après avoir fait confiance à ses mots et avoir agi en conséquence, l’employeur ne pouvait pas revenir aux relations juridiques antérieures comme s’il n’avait pas fait une telle promesse ou donner une telle assurance. Il en a fait une, et il devait accepter leurs relations juridiques en fonction de la qualification qu’il avait présentée. De plus, je conclus que Mme Weston a subi un préjudice en raison du fait que l’employeur n’a pas respecté la promesse qu’il lui avait faite.

[62]  Ce cas diffère des décisions invoquées par l’employeur. Dans Doucet, les fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu que la préclusion s’appliquait. L’employeur avait recouvré des crédits de congé annuel accordés par erreur et non acquis. Toutefois, les éléments de preuve ne permettaient pas d’étayer une conclusion selon laquelle les fonctionnaires s’estimant lésés avaient éprouvé de réelles difficultés lorsqu’ils ont remboursé les congés annuels non acquis. Pour ce motif, l’arbitre de grief a rejeté les griefs. Dans Paquet, l’arbitre de grief a conclu que la préclusion ne s’appliquait pas à certains des crédits de congé annuel accordés par erreur parce que l’employeur n’était pas au courant de l’erreur et qu’il n’avait donc fait aucune promesse ni observation. Dans Pronovost, l’employeur a restreint les congés annuels à l’été à trois semaines consécutives et a exigé que 70 % des employés soient présents chaque semaine. La fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que la préclusion s’appliquait puisque ses demandes de quatre semaines consécutives de congé avaient été approuvées chaque année au cours des dernières années. L’arbitre de grief a rejeté l’argument fondé sur la préclusion parce que rien dans la preuve n’avait révélé qu’il avait promis à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle pouvait prendre des congés annuels à l’avenir de la même manière qu’elle l’avait fait dans le passé.

[63]  La fonctionnaire m’a renvoyé à Murchison, à Defoy, à Lapointe et à Molbak. Dans Murchison, l’employeur avait recouvré 11 564 $ de crédits de congé annuel payés. L’arbitre de grief a fait droit au grief en se fondant sur la préclusion. Il a déclaré que la créance désavantageuse était évidente du fait qu’elle a pris des congés parce qu’elle était convaincue qu’elle y avait droit. Le recouvrement de ce montant lui a causé des difficultés excessives. Dans Defoy, l’employeur a recouvré un montant de 4 500 $ avancé par erreur qu’il avait précédemment accordé à la fonctionnaire s’estimant lésée dès son retour d’une affectation à l’étranger. L’arbitre de grief a déclaré que la préclusion s’appliquait au cas puisque la fonctionnaire s’estimant lésée n’aurait pas acheté une nouvelle maison sans l’approbation de l’employeur du montant avancé. Dans Lapointe, l’employeur a recouvré un trop‑payé de 9 666 $ du fonctionnaire s’estimant lésé, qui découlait du fait qu’il l’avait rémunéré selon un taux plus élevé que celui auquel il avait droit pendant quatre ans. L’arbitre de grief a conclu que le principe de la préclusion s’appliquait puisque les actes de l’employeur équivalaient à une promesse faite et que le fonctionnaire s’estimant lésé avait engagé des dépenses importantes qu’il n’aurait pas par ailleurs engagées. Dans Molbak, la fonctionnaire s’estimant lésée a été induite en erreur pendant près d’un an par l’employeur, tant en paroles qu’en actes, à savoir que son salaire était de 43 000 $. Plus tard, elle a été informée que son salaire était de 41 000 $. En se fondant sur un salaire annuel de 43 000 $, la fonctionnaire s’estimant lésée a acheté un condo qu’elle n’aurait pas par ailleurs acheté. L’arbitre de grief a fait droit au grief en se fondant sur la préclusion.

[64]  Dans son argumentation, Mme Weston a demandé d’être payée de la différence entre la MST promise et la MST dont elle a bénéficié, notamment 24 (52 moins 28) semaines de rémunération. Je ferai droit à cette partie de sa demande. Toutefois, comme l’a fait valoir l’employeur, je ne peux pas faire droit à sa demande d’intérêts, puisque je n’ai pas le pouvoir de les accorder en vertu de l’alinéa 226(2)c) de la Loi. Le présent grief ne concerne pas un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire, à l’égard desquels des intérêts peuvent être accordés.

[65]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[66]  J’ordonne à l’employeur de verser à la fonctionnaire 24 semaines de rémunération au niveau salarial qui lui était appliqué en janvier 2013.

[67]  J’ordonne à l’employeur de verser ce paiement dans les 30 jours civils suivant la date de la présente décision.

[68]  Je demeurerai saisi de cette affaire pendant une période de 90 jours dans l’éventualité où les parties éprouvent des difficultés à mettre en œuvre la présente décision.

Le 22 septembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

Renaud Paquet,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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