Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La présente décision porte sur la demande du demandeur de déposer à la Cour fédérale une lettre de la présidente de la Commission – la lettre de la présidente répondait à la demande du demandeur visant la récusation du commissaire – la lettre de la présidente confirmait que l’affaire serait instruite par le commissaire désigné – le demandeur a indiqué qu’il souhaitait que la lettre soit déposée à la Cour fédérale afin de faciliter la procédure de contrôle judiciaire – la Commission a appliqué le critère établi à l’article 234 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral relatif au dépôt d’une ordonnance de la Commission – la Commission a conclu que sa décision quant au dépôt de l’une de ses ordonnances est discrétionnaire, sous réserve de circonstances limitées – la Commission a conclu qu’il était improbable que les directives de la présidente énoncées dans la lettre ne soient pas respectées – par conséquent, la condition établie à l’alinéa 234(1)a) avait été satisfaite – en outre, la Commission a fait valoir qu’il n’est pas nécessaire de déposer une telle lettre pour demander un contrôle judiciaire – la Commission a conclu que puisque le dépôt de la lettre ne serait d’aucune utilité, la condition établie à l’alinéa 234(1)b) a également été satisfaite.

Demande rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20200925

Dossier: 521-02-41990

 

 Référence: 2020 CRTESPF 89

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Keith HerberT

demandeur

 

et

 

Administrateur général

(Commission des libérations conditionnelles du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada)

Affaire concernant une demande de dépôt à la Cour fédérale d’une ordonnance de la Commission en vertu du paragraphe 234(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant :  Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le demandeur :  Howard Markowitz, avocat

Pour le défendeur :  Michel Girard, avocat

 

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 13 août et les 2 et 11 septembre 2020.  (Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION  (TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Demande devant la Commission

[1]  Le demandeur, Keith Herbert, demande le dépôt à la Cour fédérale (CF), en vertu de l’art. 35 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; la « Loi »), d’une lettre du 6 août 2020 de la présidente de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

II.  Résumé de la preuve

[2]  Le demandeur a déposé une série de griefs, qui ont été entendus par le commissaire John Jaworski. Le 11 septembre 2018, M. Jaworski a rendu sa décision sur les griefs. Il a accueilli le grief pour licenciement et a rejeté les autres griefs qui avaient été instruits en même temps (voir 2018 CRTESPF 76). À l’audience, les parties avaient demandé que l’affaire soit scindée, c’est‑à‑dire que la question de la réparation soit tranchée ultérieurement. Dans le cadre de son ordonnance énoncée dans la décision écrite, M. Jaworski a ordonné aux parties de s’entendre sur les dates d’audience relatives à la phase de réparation. Les dates d’audience ont été fixées au cours de la période du 30 septembre au 2 octobre 2019.

[3]  Le 24 septembre 2019, le nouvel avocat du demandeur, M. Markowitz, a déposé devant la Commission, entre autres choses, une demande de récusation de M. Jaworski. Étant donné que l’arbitre de la question de savoir si un commissaire est en situation de conflit est le commissaire, l’affaire a été renvoyée à M. Jaworski pour décision. Il a rejeté la demande (dans 2020 CRTESPF 28) le 17 mars 2020.

[4]  Je prends connaissance d’office que, dans des circonstances normales, une partie qui souhaite demander le contrôle judiciaire d’une décision de la Commission a 30 jours, à compter de la date de la décision, pour déposer à la Cour d’appel fédérale (CAF) l’avis de contrôle judiciaire. Le 14 mars 2020, en raison de la pandémie de COVID‑19, les délais de 30 jours pour déposer une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission ont été gelés. Ils ont repris le 14 septembre 2020.

[5]  Le 14 juillet 2020, la Commission a reçu une deuxième requête en récusation qui était adressée, cette fois, à sa présidente. Le demandeur voulait que M. Jaworski soit démis de son dossier et que le dossier soit réattribué à un autre commissaire. Il a aussi demandé une ordonnance autorisant à remettre en litige les conclusions de M. Jaworski dans les affaires qui avaient été rejetées, ainsi qu’une ordonnance adressée au défendeur, afin qu’il prenne part à un énoncé conjoint des faits.

[6]  Le défendeur a eu la possibilité de répondre à la deuxième requête. Il a invoqué le principe de la préclusion, en soutenant que les questions liées à la récusation avaient été tranchées, tout comme celles que le demandeur cherchait à remettre en litige.

[7]  Le 6 août 2020, dans une lettre, la présidente a répondu au demandeur en rejetant ses demandes. La présidente a déclaré qu’à moins que la CAF ne lui ordonne de faire le contraire, M. Jaworski demeurerait saisi des dossiers. Le même jour, l’avocat du demandeur a répondu à la présidente par courriel, en insistant sur le fait que la première demande de récusation, du 24 septembre 2019, n’avait pas été reproduite. Cette demande était nouvelle, elle reposait sur la décision que M. Jaworski avait rendue le 17 mars 2020, et le défaut de la présidente de tenir compte des nouveaux motifs de récusation constituait une violation de la justice naturelle. Le 10 août 2020, par courriel,  la présidente a confirmé ses directives du 6 août 2020 à l’avocat du demandeur.

[8]  Le 13 août 2020, le demandeur a adressé une demande à la Commission, afin que la lettre de la présidente soit déposée à la CF, en citant l’art. 35 de la Loi. La justification invoquée était la suivante : [traduction] « […] une fois que la décision sera déposée à la Cour fédérale, il semble qu’il nous sera alors loisible de déposer une demande de contrôle judiciaire des décisions de M. Jaworski ». Le demandeur demande aussi des réponses à ce qu’il perçoit comme des questions laissées sans réponse au sujet de la remise en litige de la preuve et de l’ordonnance visant à rédiger un énoncé conjoint des faits.

[9]  Encore là, le défendeur a eu la possibilité de répondre à la demande. Le 2 septembre 2020, par écrit, il a présenté son point de vue selon lequel le dépôt de la lettre de la présidente en vertu de l’art. 35 n’est pas une condition préalable au contrôle judiciaire des décisions de M. Jaworski, et que cela ne serait d’aucune utilité.

III.  Motifs

[10]  La lettre de la présidente était très claire. À mon avis, elle abordait toutes les questions à l’égard desquelles le demandeur demandait réparation. M. Jaworski ne serait pas retiré de l’instruction de son dossier, sauf directive contraire de la CAF, ce qui exigeait la présentation d’une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, l’issue de l’affaire et tout processus lié à cette issue, y compris l’enregistrement des audiences et un énoncé conjoint des faits, relevaient strictement de son ressort.

[11]  Des demandes de récusation répétées ne produiront pas un résultat différent, puisque l’arbitre demeure le même. L’arbitre de la question de savoir si un commissaire est partial ou si l’audience comporte un conflit d’intérêts est cette personne, comme M. Jaworski l’a expliqué dans sa décision (2020 CRTESPF 28). Le processus permettant de contester une décision rendue par un commissaire est celui du contrôle judiciaire.

[12]  Le demandeur a renvoyé à tort à l’art. 35 de la Loi. En réalité, il a cité le libellé de l’art. 35 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP), ainsi intitulée à l’époque, article qui a été abrogé et remplacé par le paragraphe 234(1) de cette loi sous son titre actuel, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF). Cet article se lit comme suit :

Dépôt à la Cour fédérale

234 (1) Sur demande écrite de toute partie à l’affaire qui a donné lieu à l’ordonnance, la Commission dépose à la Cour fédérale une copie certifiée conforme du dispositif de son ordonnance ou de l’ordonnance de l’arbitre de grief, selon le cas, sauf si, à son avis :

a) ou bien rien ne laisse croire que l’ordonnance n’a pas été exécutée ou ne le sera pas;

b) ou bien, pour d’autres motifs valables, le dépôt ne serait d’aucune utilité.

Non-application

(2) L’article 35 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral ne s’applique pas aux ordonnances de la Commission visées au paragraphe (1).

Effet de l’enregistrement

(3) En vue de son exécution, l’ordonnance, dès le dépôt à la Cour fédérale de la copie certifiée conforme, est assimilée à une ordonnance rendue par celle-ci.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[13]  J’examinerai la présente demande comme si elle avait été déposée au titre de l’art. 234 et la réponse de l’employeur comme si elle avait aussi été déposée au titre de cet article.

[14]  Le demandeur insiste sur le fait que la Commission n’a aucun pouvoir discrétionnaire et qu’elle doit déposer à la CF la lettre du 6 août 2020. Pour sa part, le défendeur soutient que les conditions préalables doivent être remplies pour que la Commission soit tenue de respecter la demande du demandeur. Essentiellement, l’art. 35 de la LRTFP, qui est maintenant l’art. 234 de la LRTSPF, est une disposition discrétionnaire, et non une disposition obligatoire, comme le demandeur le soutient.

[15]  L’application de l’article 234 est effectivement discrétionnaire dans les circonstances limitées prévues aux alinéas (1)a) et b). L’article a pour objet d’assurer le respect des ordonnances de la Commission, telles que les ordonnances de réintégration, les ordonnances de divulgation ou les citations à comparaître, si la Commission a des raisons de croire ou s’il est probable que l’une de ses ordonnances ne sera pas respectée. Dans d’autres circonstances, la Commission estimerait qu’il est dans l’intérêt public de déposer l’ordonnance, ou que celle‑ci est d’une autre utilité pour assurer le maintien des bonnes relations de travail.

[16]  Dans l’affaire dont je suis saisie, la présidente s’est fondée sur l’évaluation de M. Jaworski, selon laquelle il ne se trouve pas en situation de conflit d’intérêts et qu’il n’a aucune raison de croire qu’il existe un empêchement à ce qu’il achève le processus d’audience. Des dates d’audience ont été fixées, et il est peu probable que M. Jaworski ne mène pas à bien ses attributions. Donc, il n’est pas probable que la directive énoncée dans la lettre du 6 août 2020 de la présidente ne soit pas observée; M. Jaworski demeurera saisi de l’affaire sauf ordonnance contraire de la CAF. Par conséquent, je conclus que l’exception au dépôt d’une ordonnance de la Commission prévue à l’al. 234(1)a) est satisfaite.

[17]  Selon un autre motif indiqué par le demandeur pour déposer la lettre du 6 août 2020, cela facilitera le contrôle judiciaire des décisions rendues par M. Jaworski. Il n’est précisé nulle part dans la Loi qu’une condition préalable au dépôt d’un avis de contrôle judiciaire d’une ordonnance de la Commission ou d’une décision rendue par un arbitre de griefs exige de suivre un processus comparable à celui que le demandeur a suivi en l’espèce. Le processus de contrôle judiciaire est entamé par la partie lésée qui dépose à la CAF un « avis de contrôle judiciaire », en vertu des Règles des Cours fédérales (DORS/98-106). Cela n’exige pas de déposer à la CF la correspondance échangée entre la Commission et les parties avant de déposer l’avis.

[18]  Pour ce motif, je conclus que l’al. 234(1)b) s’applique et que le dépôt de la lettre du 6 août 2020 ne serait d’aucune utilité.

[19]  Pour ces motifs énoncés, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV.  Ordonnance

[20]  La demande est rejetée.

Le 25 septembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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