Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée était une représentante élue du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC) – selon l’article 14 de la convention collective applicable, elle avait droit à un congé non payé pour s’occuper de questions syndicales – l’article 52 de la convention collective permettait à l’employeur d’accorder, à sa discrétion, un congé non payé pour des motifs autres que ceux précisés dans la convention collective – à plusieurs reprises, avant les événements qui ont donné lieu aux trois griefs déposés par la fonctionnaire s’estimant lésée, elle a demandé et a obtenu un congé pour des activités syndicales en vertu de l’article 52 – l’employeur a refusé sa demande subséquente d’un congé d’une heure en vertu de l’article 52 au motif que ce congé aurait dû être présenté en vertu de l’article 14 et non de l’article 52 (le premier grief) – moins d’un mois plus tard, sa nouvelle demande de congé a été refusée pour le même motif (le deuxième grief) – la fonctionnaire s’estimant lésée a ensuite présenté la même demande en vertu de l’article 14, et l’employeur lui a alors demandé le type d’« activité syndicale » visé par le congé – la fonctionnaire s’estimant lésée a répondu qu’il s’agissait d’une réunion avec l’exécutif national – l’employeur a refusé la demande au motif que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas fourni suffisamment de renseignements pour prouver que la réunion satisfaisait aux critères énoncés à l’article 14 (le troisième grief) – la Commission a rejeté les premier et deuxième griefs – elle a conclu qu’aucun élément de preuve n’avait été déposé selon lequel quiconque, à l’exception de certains chefs d’équipe ou gestionnaires des opérations d’un bureau donné, avait accepté la pratique consistant à approuver par erreur les congés pour activités syndicales en vertu de l’article 52 – par conséquent, l’argument de la fonctionnaire s’estimant lésée qui renvoyait à la pratique antérieure a été rejeté – la Commission a conclu qu’on ne pouvait reprocher à l’employeur de décider enfin d’appliquer correctement l’article 52 de la convention collective aux demandes de congé de la fonctionnaire s’estimant lésée – toutefois, en ce qui concerne le troisième grief, la Commission n’a pas conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été incohérente ni peu claire dans sa demande de congé par écrit – la Commission a déclaré que l’employeur avait enfreint la convention collective par son refus déraisonnable de la demande de congé liée au troisième grief.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date: 20201105

Dossiers: 566‑02‑12391 à 12393

 

Référence: 2020 CRTESPF 96

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Arlene Ewaniuk

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de la Citoyenneté et de lImmigration)

 

employeur

Répertorié

Ewaniuk c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant :  James R. Knopp, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Yafa Jarrar, agente aux griefs et à l’arbitrage

Pour l’employeur :  Holly Hargreaves, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 29 mai, le 10 juillet, le 21 août et le 2 octobre 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1]  Arlene Ewaniuk, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), au moment des événements donnant lieu à la présente affaire, était une agente de traitement des demandes classifiée au groupe et au niveau PM‑01 et employée à Edmonton, en Alberta, au Centre de traitement des demandes du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur »).

[2]  Lorsque les griefs ont été déposés, la fonctionnaire était une représentante élue du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC). Selon l’article 14 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l’administration (date d’expiration : le 20 juin 2014; la « convention collective »), elle avait droit à un congé non payé pour s’occuper de questions syndicales. L’article 52 permettait à l’employeur d’accorder, à sa discrétion, un congé non payé pour des motifs autres que ceux précisés dans la convention collective.

[3]  À plusieurs reprises, avant que les événements qui ont donné lieu aux griefs soient survenus, la fonctionnaire a demandé (et a obtenu) un congé pour activités syndicales en vertu de l’article 52. Le 24 juin 2015, elle a demandé un congé d’une heure en vertu de cet article (« demande de congé no 1 ») pour des activités syndicales. L’employeur a refusé la demande au motif suivant : [traduction] « Le congé payé ou non payé pour les affaires de l’Alliance est prévu à l’article 14. Par conséquent, l’article 52 ne porte pas sur les raisons que vous avez indiquées. »

[4]  Le grief figurant au dossier 566‑02‑12391 ayant trait à cette demande a été déposé le 8 juillet 2015. Lorsqu’il a rejeté le grief, l’employeur a déclaré : [traduction] « L’article 52 ne peut être appliqué pour élargir la portée des dispositions déjà visées par la convention collective. »

[5]  Moins d’un mois plus tard, le 14 juillet 2015, la fonctionnaire a de nouveau demandé un congé d’une heure en vertu de l’article 52 pour s’occuper de questions syndicales (« demande de congé no 2 »); cette demande a également été refusée. Elle a ensuite présenté la même demande en vertu de l’article 14 (« demande de congé no 3 ») et l’employeur a demandé le type d’« activité syndicale » visé par le congé. Elle a répondu qu’il s’agissait d’une réunion avec l’exécutif national, conformément à la clause 14.12. L’employeur n’estimait pas qu’elle avait fourni suffisamment de renseignements pour prouver que la réunion satisfaisait aux critères énoncés dans cette clause.

[6]  La fonctionnaire a ensuite déposé le grief figurant au dossier 566‑02‑12392 pour tenir compte du refus de congé en vertu de l’article 52 concernant la demande de congé no 2. Le grief figurant au dossier 566‑02‑12393 concerne la demande de congé no 3, qui est la même demande, mais en vertu de la clause 14.12.

[7]  Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[8]  La présente affaire avait été mise au calendrier des audiences pour les 28 et 29 avril 2020, à Edmonton. À la fin du mois de mars 2020, en raison de la pandémie mondiale, l’audience a été reportée indéfiniment et les parties ont convenu de procéder au moyen d’arguments écrits. Le 29 mai 2020, ils ont fourni un énoncé conjoint des faits (ECF) et les recueils de documents auxquels l’ECF fait référence. Ils ont présenté leurs arguments écrits le 10 juillet, le 21 août et le 2 octobre 2020.

[9]  Pour les motifs suivants, les griefs figurant aux dossiers 566‑02‑12391 et 12392 concernant les demandes de congé nos 1 et 2 sont rejetés. Le grief figurant au dossier 566‑02‑12393 concernant la demande de congé no 3 est accueilli.

II.  Résumé de la preuve

[10]  L’ECF se lit comme suit :

[Traduction]

1. [La fonctionnaire] est une agente de traitement des demandes (PM‑01) employée au Centre de traitement des demandes du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration à Edmonton, en Alberta.

2. Au moment où les griefs ont été déposés, la fonctionnaire était une représentante élue du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC). Son rôle était celui de vice‑présidente nationale suppléante pour l’Alberta/Territoires du Nord‑Ouest et du Nunavut.

3. La fonctionnaire a demandé un congé pour activités syndicales en vertu de l’article 52 de la convention collective pour le groupe PA six fois en 2011, une fois en 2012, cinq fois en 2013, une fois en 2014 et trois fois en 2015; lesdites demandes de congé ont été approuvées par l’employeur. [Onglets 1, 2, 3, 4, 7, 9, 11, 12, 13, 14 et 15 du recueil de documents de l’agent négociateur]

4. Le 14 mars 2012, la fonctionnaire a informé la direction qu’elle avait inclus un code de congé inexact dans son formulaire de congé et qu’elle demandait un congé pour activités syndicales en vertu de l’article 52, et non de la clause 14.13 de la convention collective du groupe PA. Plutôt que de soumettre un formulaire de congé modifié, la direction a accepté de modifier le code de congé. [Onglets 10 et 11 du recueil de documents de l’agent négociateur]

5. Le 24 juin 2015, [la fonctionnaire] a demandé un congé d’une heure en vertu de l’article 52 de la convention collective du groupe PA pour assister à une réunion régionale avec le vice‑président national exécutif le 25 juin 2015. [Onglet 1 du recueil de documents de l’employeur]

6. L’employeur a refusé la demande de congé au motif que [traduction] « le congé payé ou non payé pour les affaires de l’Alliance est prévu à l’article 14. Par conséquent, l’article 52 ne porte pas sur les raisons que vous avez indiquées. » [Onglet 2 du recueil de documents de l’employeur]

7. Le 30 juin 2015, la fonctionnaire a reconnu, dans un courriel adressé à son gestionnaire, que [traduction] « selon les renseignements que j’ai fournis, le congé que j’ai demandé ne serait pas visé par l’article 14. C’est donc la raison pour laquelle l’article 52 a été invoqué. » [Onglet 2 du recueil de documents de l’employeur]

8. Le 2 juillet 2015, l’employeur a informé la fonctionnaire que [traduction] « la convention collective du groupe PA prévoit un congé payé ou non payé pour les activités syndicales et, par conséquent, l’article 52 ne s’applique pas à votre demande. Les dispositions de l’article 14 ont été négociées entre les parties et ces dispositions énoncent les situations pour lesquelles un congé payé ou non payé pour les affaires de l’Alliance peut ou sera accordé. L’article 52 ne peut être appliqué pour élargir la portée des dispositions déjà visées par la convention collective. » [Onglet 2 du recueil de documents de l’employeur]

9. Le 8 juillet 2015, la fonctionnaire a déposé le grief 566‑02‑12391 contre [traduction] « le refus de l’employeur de mon congé demandé le 25 juin 2015 pour la période d’une heure qui contrevient à l’article 52 de la convention collective. » [Onglet 3 du recueil de documents de l’employeur]

10. Le 14 juillet 2015, la fonctionnaire a demandé un congé d’une heure en vertu de l’article 52 de la convention collective du groupe PA pour assister à une réunion avec l’exécutif national le 21 juillet 2015.

11. L’employeur a refusé la demande de congé en vertu de l’article 52. [Onglet 4 du recueil de documents de l’employeur]

12. La fonctionnaire a ensuite présenté une demande de congé en vertu de l’article 14 de la convention collective du groupe PA pour la même activité. Lorsqu’on lui a demandé de préciser le type d’« activité syndicale » pour lequel le congé était demandé, la fonctionnaire a déclaré qu’il s’agissait d’un congé en vertu de la clause 14.12 pour assister à une réunion avec l’exécutif national. [Onglet 5 du recueil de documents de l’employeur]

13. L’employeur a refusé cette demande de congé parce qu’il n’était pas convaincu que la fonctionnaire avait fourni suffisamment de renseignements pour prouver que la réunion répondait aux critères énoncés dans la clause 14.12. [Onglet 6 du recueil de documents de l’employeur]

14. Le 22 juillet 2015, la fonctionnaire a déposé les griefs 566‑02‑12392 et 12393 contre :

[traduction] « le refus de l’employeur de mon congé demandé le 21 juillet 2015 pour la période d’une heure qui contrevient à l’article 52 de la convention collective » et

[traduction] « le refus de l’employeur de mon congé demandé le 21 juillet 2015 pour la période d’une heure qui contrevient à l’article 14 de la convention collective »

[Onglets 7 et 8 du recueil de documents de l’employeur]

15. Le 11 mars 2016, les griefs ont été rejetés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. [Onglet 9 du recueil de documents de l’employeur]

16. Les dispositions pertinentes de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration [la convention collective] se lisent comme suit :

L’article 14 prévoit un congé payé ou non payé pour les affaires de l’Alliance et dispose ce qui suit :

Réunions du conseil d’administration, réunions du conseil exécutif et congrès

14.12 Sous réserve des nécessités du service, l’Employeur accorde un congé non payé à un nombre raisonnable d’employé‑e‑s pour leur permettre d’assister aux réunions du conseil d’administration de l’Alliance, de l’exécutif national des éléments et du conseil exécutif de l’Alliance ainsi qu’aux congrès de l’Alliance et à ceux des éléments, du Congrès du travail du Canada et des fédérations provinciales et territoriales du travail.

L’article 52 prévoit un congé payé ou non payé pour d’autres motifs et dispose ce qui suit :

52.01 L’Employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a) un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé‑e l’empêchent de se rendre au travail; ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable;

b) un congé payé ou non payé à des fins autres que celles indiquées dans la présente convention.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[11]  Deux demandes de congé ont été présentées en vertu de la clause 52.01b). La première, du 25 juin 2015, est visée par le grief figurant au dossier 566‑02‑12391 (demande de congé no 1). La deuxième, du 14 juillet 2015, est visée par le grief figurant au dossier 566‑02‑12392 (demande de congé no 2). Une demande de congé a été présentée en vertu de la clause 14.12, dont le refus fait l’objet du grief figurant au dossier 566‑02‑12393 (demande de congé no 3).

[12]  La nature des griefs présentés en raison du refus des demandes de congé nos 1 et 2 est identique. Par souci de clarté, je traiterai l’analyse et les arguments relatifs à ces deux griefs séparément de ceux ayant trait à la demande de congé no 3.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

1.  Demandes de congé nos 1 et 2

[13]  Les arguments de la fonctionnaire ont été présentés le 10 juillet 2020, ainsi que les recueils de jurisprudence et d’autres documents.

[14]  La fonctionnaire, qui avait été élue en tant que vice‑présidente nationale suppléante du SEIC pour l’Alberta, les Territoires du Nord‑Ouest et le Nunavut, avait systématiquement demandé un congé pour s’occuper de questions syndicales en vertu de l’article 52 de la convention collective. L’employeur avait systématiquement approuvé ces demandes jusqu’à celle présentée le 24 juin 2015.

[15]  L’employeur a admis avoir appliqué incorrectement l’article 52 dans le passé, mais au paragraphe 39 de ses arguments écrits, la fonctionnaire a maintenu ce qui suit :

[Traduction]

[…] l’employeur a le droit de corriger une application erronée antérieure de l’article 52 aux demandes de congé pour activités syndicales. Toutefois, on ne peut faire abstraction d’une pratique antérieure et constante consistant à approuver les demandes de congé de la fonctionnaire pour des activités syndicales en vertu de l’article 52.

 

[16]  À l’appui de son argument, la fonctionnaire a présenté John Bertram & Sons Co. v. International Association of Machinists, Local 1740 (1967), 18 L.A.C. 362 (« John Bertram »), qui énonce les conditions qui devraient être prises en considérations en ce qui concerne la portée de la [traduction] « pratique antérieure » dans l’interprétation des dispositions d’une convention collective. Elle énonce ce qui suit au paragraphe 13 :

[Traduction]

13 […] 1) [il ne devrait pas y avoir] de prépondérance claire en faveur d’une signification, découlant des termes et de la structure de la convention [collective], tels qu’ils sont interprétés dans leur contexte de relations de travail; 2) le comportement d’une partie qui est fondé sans ambiguïté sur une signification attribuée à la disposition pertinente; 3) l’acquiescement à un comportement qui est soit très clairement exprimé, soit qui peut être déduit de l’application continue de la pratique pendant une longue période sans objection; 4) la preuve que les membres de la hiérarchie syndicale ou de la direction qui ont de véritables responsabilités relatives à la signification de la convention ont acquiescé à la pratique.

 

[17]  La fonctionnaire a signalé son échange de courriels du 14 mars 2012 avec son gestionnaire des opérations en tant qu’élément de preuve que l’employeur approuve l’application de l’article 52 pour demander et autoriser un congé pour activités syndicales. À cette date, la fonctionnaire a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Je viens de recevoir ma copie du formulaire de congé que je vous ai soumis vendredi. J’ai constaté qu’en citant le numéro de l’article, j’ai inscrit le mauvais numéro. Il devrait s’agir de l’article 52 et non de la clause 14.13. Souhaitez‑vous que je vous envoie une copie modifiée aux fins de votre signature? La copie modifiée serait codée exactement de la même manière, sauf dans les commentaires, l’article 52 serait inscrit.

 

[18]  Son gestionnaire des opérations lui a répondu ce qui suit : [traduction] « Je vais simplement le modifier, si cela vous convient. »

[19]  Le changement soudain de l’employeur à l’égard d’une pratique antérieure et son refus des demandes de congé de la fonctionnaire pour des activités syndicales en vertu de l’article 52 ont donné lieu à ces griefs. Le 21 juillet 2015, après qu’une demande de congé pour activités syndicales a été refusée en vertu de l’article 52 et qu’elle a été présentée de nouveau en vertu de la clause 14.12, le refus n’a pas été annulé, même si la demande avait été dûment présentée de nouveau en vertu de la bonne clause.

[20]  La fonctionnaire a soutenu que l’acceptation répétée antérieure par l’employeur, qu’elle soit ou non erronée, de l’article 52 pour demander et approuver des congés pour s’occuper des activités syndicales constitue des motifs suffisants pour faire droit aux griefs concernant les demandes de congé nos 1 et 2.

2.  Demande de congé no 3

[21]  La fonctionnaire a également fait valoir que le refus de la demande de congé pour activités syndicales en vertu de la clause 14.12 était déraisonnable et il devrait être fait droit également à ce grief.

[22]  La fonctionnaire a soutenu que le libellé de la clause 14.12 n’est pas ambigu. Il inclut expressément « […] réunions […] de l’exécutif national des éléments […] ». Le 16 juillet 2015, elle a soumis une « Demande de congé et un rapport d’absence ». Il contient neuf types de congés particuliers, ainsi que les codes applicables. Après cela, il y a un espace pour inscrire une explication de tout autre type de congé demandé. L’espace commence par [traduction] « Pour tous les autres types de congés demandés, indiquer les motifs et/ou citer l’article ou la clause applicables de la convention. »

[23]  En dessous de ce texte et dans cette partie du formulaire, la fonctionnaire a inscrit [traduction] « Article 14 – Activités syndicales ». Dans son formulaire, elle a écrit à la main quelques détails supplémentaires, de sorte qu’après ses modifications, le texte se lisait, dans son intégralité [traduction] « Clause 14.12 – Activités syndicales – Réunion avec l’exécutif national ».

[24]  La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur avait interprété la clause 14.12 de façon trop restrictive. Dans sa demande de congé et rapport d’absence, elle n’a pas reproduit textuellement le libellé de la clause 14.12, mais en réponse à des questions légitimes, elle a indiqué clairement que le congé était demandé pour des activités syndicales en vertu de cette clause et que la nature des activités syndicales était une réunion avec l’exécutif national.

[25]  Ainsi, les erreurs qui ont été commises lorsque ces demandes de congé ont été présentées en vertu de l’article 52 ont finalement été corrigées. La fonctionnaire a présenté la demande en vertu de l’article pertinent et elle a fait valoir que le refus de sa demande était déraisonnable.

[26]  La fonctionnaire a souligné l’important dialogue entre les deux parties qui accompagnait sa demande en vertu de la clause 14.12. On lui a demandé d’abord de préciser la nature particulière de la demande parce que l’expression [traduction] « activités syndicales » était un peu vague et l’article 14 était relativement large. À ce moment‑là, elle est retournée à sa demande de congé initiale et a écrit à la main des détails supplémentaires.

[27]  Apparemment, cela ne suffisait toujours pas, car d’autres renseignements ont été demandés. Elle a informé le chef d’équipe que la nature de la réunion en question était un appel téléphonique avec l’exécutif national.

[28]  Le gestionnaire des opérations a finalement refusé la demande de congé no 3 en déclarant ce qui suit : [traduction] « Vous n’avez pas fourni suffisamment de renseignements pour prouver que votre réunion est visée par l’article. Par conséquent, je ne suis pas convaincu qu’elle réponde aux critères énoncés à la clause 14.12. »

[29]  La fonctionnaire soutient qu’il s’agissait d’une approche trop étroite et restrictive à la clause 14.12 et d’un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire de la direction.

[30]  Les éclaircissements que la fonctionnaire avait fournis aux demandes initiales (raisonnables) d’autres éclaircissements ont fortement mis en évidence sa justification et étaient directement conformes aux dispositions de la clause 14.12.

[31]  La fonctionnaire a fait valoir qu’on pouvait donc faire droit au grief concernant la demande de congé no 3.

B.  Pour l’employeur

1.  Demandes de congé nos 1 et 2

[32]  Le 21 août 2020, l’employeur a présenté ses arguments et ses recueils de jurisprudence.

[33]  L’employeur a convenu que le libellé des clauses 14.12 et 52.01b) est clair et non ambigu. La convention collective en vigueur à la date à laquelle ces griefs ont été déposés a depuis été remplacée par une nouvelle et, même si la numérotation a légèrement changé, le libellé de ces deux dispositions n’a pas été modifié.

[34]  La clause 52.01b) est discrétionnaire et ne doit pas être transformée en une disposition d’application générale. Elle ne peut être utilisée pour élargir les dispositions qui sont déjà visées expressément ailleurs dans la convention collective. Les demandes de congé nos 1 et 2 ont été refusées à bon droit parce qu’elles visaient toutes les deux une demande de congé pour activités syndicales, qui est prévu à la clause 14.12.

[35]  L’employeur ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de la clause 52.01b) que si le congé est demandé pour un motif autre que ceux précisés ailleurs dans la convention. L’octroi d’un congé pour activités syndicales en vertu de cette clause contredirait son libellé exprès. Dans Ducey c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2016 CRTEFP 114, la CRTEFP a conclu que la pratique antérieure ne pouvait être utilisée pour contredire le libellé de la convention collective. Dans son analyse, elle a invoqué le paragraphe suivant de Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112 :

[…]

[71] […] je suis disposé à accepter que, en règle générale, lorsqu’une clause contractuelle est ambigüe ou qu’elle contient de la terminologie technique dont la signification n’est pas évidente à première vue, je peux examiner l’usage des parties pour m’aider à déterminer sa signification réelle. À supposer, pour les fins de l’argumentation, que l’article 27 est ambigu (et je ne suis pas convaincu que cela soit le cas), il doit à tout le moins être évident que les parties connaissent l’usage en question et que celui‑ci a été appliqué de manière uniforme. Il est naturellement plus facile de satisfaire à cette condition lorsqu’il y a un seul lieu de travail, un employeur interventionniste et un effectif relativement petit. Mais, ce n’est pas le cas en l’espèce. Je crois pouvoir déclarer sans me tromper que la convention collective s’applique à des dizaines de milliers d’employés exécutant une multitude de tâches à l’échelle du Canada, dans de nombreux lieux de travail (répartis sur de grandes distances). Il incombait à l’agent négociateur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’usage en question était appliqué à grande échelle et connu du Conseil du Trésor. Or, la preuve qu’il a produite n’allait pas au‑delà de certains employés du bureau de Terre‑Neuve. Le fait que des gestionnaires locaux de Terre‑Neuve ont adopté un usage particulier en ce qui a trait à l’article 27 de la convention collective ne peut pas servir à l’interprétation, à tout le moins dans le cas présent, compte tenu que rien ne démontrait que l’usage était appliqué à grande échelle ou que le Conseil du Trésor en avait connaissance avant 2007 : voir, par exemple, Versagold Group Limited Partnership (Valley Centre) v. Retail Wholesale Union, Local 580 (2010), 102 C.L.A.S. 293, paragraphes 55 à 57; Fleming, a division of United Dominion Ltd and CAW, Local 1090 (2000) 63 C.L.A.S. 135, paragraphes 7 et 8.

[…]

 

[36]  Tout d’abord, l’employeur a fait valoir que la clause 52.01b) n’est pas ambigu. Deuxièmement, l’application de cette clause pour autoriser un congé pour activités syndicales ne constituait pas une pratique répandue. Le fait qu’un directeur d’un bureau n’ait pas obligé la fonctionnaire à présenter de nouveau ses formulaires de congé afin qu’ils indiquent « article 14 » plutôt que « article 52 » ne peut être considéré comme une pratique répandue dont le Conseil du Trésor était au courant.

[37]  L’employeur a indiqué que la fonctionnaire a reconnu que l’employeur avait le droit de corriger toute application antérieure erronée de l’article 52.

[38]  L’employeur a soutenu que les griefs concernant les demandes de congé nos 1 et 2 devraient donc être rejetés.

2.  Demande de congé no 3

[39]  La troisième demande de congé a été présentée immédiatement après le refus de la demande de congé no 2. La fonctionnaire avait présenté de nouveau la demande, cette fois‑ci en vertu de la clause 14.12, en déclarant qu’il s’agissait d’un congé pour « activités syndicales » et en ajoutant plus tard qu’il s’agissait d’une « réunion avec l’exécutif national ». On lui a demandé de fournir des renseignements supplémentaires pour prouver que la réunion était conforme aux paramètres de la clause 14.12.

[40]  L’employeur a le droit d’exercer son pouvoir discrétionnaire de direction et de gérer le milieu de travail. La demande d’éclaircissements et de renseignements supplémentaires visant à prouver qu’une demande de congé répond au libellé de la convention collective était conforme à cette prérogative de gestion.

[41]  L’employeur a soutenu que la fonctionnaire était incohérente et peu claire lorsqu’elle a expliqué la raison sous‑jacente de la demande de congé. Dans la demande de congé no 2, elle a cité des « activités syndicales » comme motif de sa demande de congé. Après son refus, elle a eu une longue conversation avec son chef d’équipe, qui l’a consigné comme suit :

[Traduction]

[…]

[La fonctionnaire] a présenté une autre demande de congé en application de l’article 14 vers 15 h 30. J’ai discuté avec [la fonctionnaire] et je l’ai informée que l’article 14 comportait de nombreux choix et je lui ai demandé d’indiquer celui visé par sa demande de congé et que je ne pouvais pas présenter la demande uniquement en vertu de l’article 14, soit la raison pour laquelle elle l’avait présentée à l’origine en vertu de l’article 52. [La fonctionnaire] m’a informé qu’elle n’estimait toujours pas qu’il était visé par l’article 14, raison pour laquelle elle l’avait présentée à l’origine en vertu de l’article 52. J’ai informé [la fonctionnaire] que j’aurais besoin du choix approprié, ainsi que quelque chose de plus que « activités syndicales » comme motif de la demande. [La fonctionnaire] m’a dit qu’elle rencontrait l’exécutif national. J’ai alors informé [la fonctionnaire] qu’elle pourrait me donner une copie de l’invitation ou du courriel à joindre à la paperasse, elle m’a informé qu’il s’agissait d’un appel téléphonique et encore une fois qu’elle rencontrait l’exécutif national. La paperasse a été modifiée en vue d’indiquer la clause 14.12 et elle a ajouté les mots « réunion avec l’exécutif national ».

[…]

 


 

[42]  Par la suite, le gestionnaire des opérations a demandé à la fonctionnaire de fournir des renseignements supplémentaires pour prouver que la demande de congé no 3 était conforme aux paramètres de la clause 14.12. Leur conversation a été résumée dans un courriel que la fonctionnaire a envoyé à son représentant syndical, comme suit :

[Traduction]

[…]

La dernière demande de ce congé a été remise en question par [R], il voulait savoir avec qui se tenait la réunion, de quel type de réunion il s’agissait et si j’avais une invitation écrite que je pouvais lui fournir. J’ai trouvé ce type de questions très intrusives et, franchement, je n’estimais pas devoir y répondre, pour qu’il prenne une décision concernant la demande de congé. J’ai fourni les renseignements suivants […] je rencontrais l’exécutif national pour une réunion concernant des questions régionales. La demande a été refusée.

Je crois sincèrement que la direction est d’avis que, à moins qu’il ne soit visé par les articles 14 ou 18, tous les congés syndicaux seront refusés. Étant donné que mes rôles et mes responsabilités ne sont pas visés par ces articles particuliers à l’époque, je ne serai pas en mesure d’exercer pleinement mes fonctions.

[…]

 

[43]  La fonctionnaire a eu l’occasion de clarifier ou de justifier la demande de congé no 3 et, par conséquent, l’employeur a soutenu que le grief concernant la demande de congé no 3 devrait être rejeté.

C.  Réfutation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[44]  Le 2 octobre 2020, la fonctionnaire a déposé une réfutation, qui reprenait, en grande partie, ses arguments antérieurs.

IV.  Décisions et motifs

[45]  Les parties ont accepté, de manière indépendante, le cadre d’analyse des principes généraux applicables à l’interprétation des conventions collectives. Je suis d’accord avec eux. Le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, selon son sens grammatical et ordinaire et en conformité avec l’économie et l’objet de la convention et avec l’intention des parties. Selon une présomption fondamentale, les parties sont censées avoir voulu les termes exprimés dans une disposition d’une convention collective. Les termes d’une disposition doivent être interprétés dans leur sens ordinaire et simple, à moins qu’une telle interprétation ne soit susceptible de donner lieu à une absurdité ou ne serait pas conforme avec l’ensemble de la convention collective. Parmi les cas à l’appui de ces principes, mentionnons Communication, Energy and Paperworkers Union, Local 777 v. Imperial Oil Strathcona Refinery (2004), 130 LAC (4e) 239, au paragraphe 40 et Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada v. Irving Pulp & Paper Ltd., 2002 NBCA 30.

[46]  Les universitaires, ainsi que les tribunaux, ont tenu compte du rôle de l’arbitre de grief dans l’interprétation des conventions collectives. Brown et Beatty, dans Canadian Labour Arbitration, 5e éd., déclare ce qui suit au paragraphe 4:2100 (intitulé, « The Object of Construction: Intention of the Parties ») :

[Traduction]

[…] lorsqu’ils sont confrontés à un choix entre deux interprétations linguistiques admissibles, les arbitres de différends ont été orientés par le but de la disposition particulière, le caractère raisonnable de chaque interprétation possible, la faisabilité administrative et la question de savoir si une des interprétations possibles soulève des anomalies.

A.  Demandes de congé nos 1 et 2 (dossiers 566‑02‑12391 et 12392)

[47]  Comme les parties, je ne trouve aucune ambiguïté dans le libellé de la clause 14.12 ou de l’article 52. Les demandes de congé antérieures de la fonctionnaire en vertu de l’article 52 et l’approbation répétée de ces demandes par l’employeur, n’ont pas validé cet article comme le mécanisme approprié pour ses demandes. À cet égard, je me dois d’être en désaccord avec la fonctionnaire. Lorsqu’une erreur est décelée, il est toujours bon de la corriger plutôt que de la perpétuer.

[48]  L’employeur avait raison lorsqu’il a (enfin) appliqué la bonne interprétation de l’article 52.

[49]  La fonctionnaire a cité correctement le cas John Bertram au sujet des conditions qui devraient être prises en considération en ce qui concerne la portée de la pratique antérieure dans l’interprétation d’une convention collective. La quatrième condition énoncée au paragraphe 13, qu’elle a invoquée dans son argumentation, est importante et mérite d’être répétée : [traduction] « […] la preuve que les membres de la hiérarchie syndicale ou de la direction qui ont de véritables responsabilités relatives à la signification de la convention ont acquiescé à la pratique. »

[50]  Aucun élément de preuve n’a été déposé selon lequel quiconque, à l’exception de certains chefs d’équipe ou gestionnaires des opérations d’un bureau donné, a accepté la pratique consistant à approuver par erreur les congés pour activités syndicales en vertu de l’article 52. Rien dans la preuve ne permet d’établir que ces personnes, pour reprendre le libellé de John Bertram [traduction] « […] ont de véritables responsabilités relatives à la signification de la convention […] ». Bref, je conclus que le Conseil du Trésor n’avait jamais été au courant de cette pratique particulière.

[51]  On ne peut reprocher à l’employeur de décider enfin d’appliquer correctement la clause 52.01b) aux demandes de congé de la fonctionnaire. Pour ce motif, les griefs concernant les demandes de congé nos 1 et 2 sont rejetés.

B.  Demande de congé no 3 (dossier 566‑02‑12393)

[52]  Je suis d’accord avec la fonctionnaire. L’exigence de la part de l’employeur d’obtenir des renseignements supplémentaires sur la nature du congé demandé constituait un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire de la direction. La justification sous‑jacente à sa demande de congé a été remise en question, moment auquel elle a écrit à la main un certain nombre d’éclaircissements sur sa demande de congé et son rapport d’absence du 15 juillet 2015. La raison pour laquelle elle a demandé un congé d’une heure n’était pas un congé annuel, un congé de maladie, un congé pour des raisons familiales ou un autre type de congé indiqué dans les neuf cases. Elle a plutôt écrit la raison et a cité l’article applicable, comme l’exige le formulaire. Elle a écrit [traduction] « Clause 14.12 – Activités syndicales – Réunion avec l’exécutif national ».

[53]  Je conclus que le fait qu’elle n’a pas reproduit, mot pour mot, le texte de la clause 14.12 n’a aucune conséquence. La seule fois où l’expression « exécutif national » figure dans cette clause est dans le contexte des « […] réunions […] de l’exécutif national des éléments […] ». Aucune autre interprétation de ce que la fonctionnaire a écrit n’est raisonnable, ni même possible. Elle a même ajouté, lorsqu’elle a été interrogée, que la réunion devait avoir lieu par téléphone. Elle a donné autant d’éclaircissements que possible dans les circonstances.

[54]  Je ne conclus pas que la fonctionnaire a été incohérente ni peu claire, comme l’a laissé entendre l’employeur. Peu importe qu’elle admette avoir des doutes quant à savoir si l’article 14 constituait le bon mécanisme pour qualifier sa demande de congé. Étant donné la longue histoire de la fonctionnaire et de l’application incorrecte de l’article 52 par l’employeur à ces types de demandes de congé, ses doutes étaient compréhensibles.

[55]  Le refus de l’employeur de la demande de congé no 3 était déraisonnable et constituait une violation manifeste de la clause 14.12 de la convention collective. Par conséquent, il est fait droit au grief connexe.

[56]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[57]  Les griefs figurant aux dossiers 566‑02‑12391 et 12392 sont rejetés.

[58]  Le grief figurant au dossier 566‑02‑12393 est accueilli. J’ordonne que le redressement demandé par la fonctionnaire, notamment, une déclaration selon laquelle l’employeur a violé la convention collective lorsqu’il a refusé sa demande de congé en vertu de la clause 14.12. La présente décision constitue cette déclaration.

Le 5 novembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

James R. Knopp,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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