Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a supprimé les fonctions de formation des détenus de la description d’emploi des employés qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada en tant que superviseurs, Gestion des installations, et dont le poste est classifié aux groupe et niveau GL COI 11 – en raison d’un exercice de classification, ces employés n’avaient plus droit à la prime de formation des détenus (PFD) – l’agent négociateur a allégué que la description d’emploi avait été modifiée en raison d’une question de disparité salariale et parce que les GL COI 11 étaient toujours chargés de la formation des détenus – l’employeur a soutenu qu’il ne s’agissait pas d’un véritable grief de principe puisqu’il ne touchait pas l’unité de négociation en général et qu’il devrait être présenté en tant que grief individuel ou collectif – la Commission a conclu que l’art. 232 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) précise clairement qu’un grief de principe peut être utilisé au lieu d’un grief individuel ou collectif – il n’existe aucune exclusivité – la Commission a conclu que le grief de principe concernait l’unité de négociation en général, puisque la description d’emploi générique qui s’applique à tous les GL COI 11 a été modifiée, ce qui a entraîné une modification correspondante de leur rémunération – le grief portait sur l’application de la convention collective, car l’article 58 confère aux employés le droit à un exposé complet et actuel des fonctions – la rémunération d’un GL COI 11 comprend également la PFD, le cas échéant, comme le prévoit la définition de « rémunération » à l’appendice B de la convention collective – l’employeur a également soutenu que le grief était un grief de classification, sur lequel la Commission n’a pas compétence, car aucune disposition de la convention collective ne confère aux employés un droit à la PFD; le droit découle de la classification du poste – il a soutenu que la décision sous jacente à l’exercice de classification constituait simplement un droit de l’employeur – la Commission a déterminé que, même si l’employeur a le pouvoir discrétionnaire de modifier les descriptions d’emploi et de classifier les postes, il ne peut pas annuler les droits prévus par la convention collective – la Commission a également conclu que l’employeur ne s’était pas acquitté de ses obligations en vertu de la convention collective, qui consistent à s’assurer que les employés aient un exposé complet et actuel des fonctions et qu’ils soient payés pour ce qu’ils font – dans la mesure où l’employeur ne s’est pas acquitté de ces obligations, il a contrevenu à la convention collective et il ne s’agissait pas d’une question de classification – la description d’emploi actuelle ne reflétait pas toutes les fonctions en matière de formation des détenus des GL COI 11 – la suppression de ces fonctions n’était pas fondée sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la direction à l’égard de l’attribution des fonctions; elle ne tenait pas non plus compte d’une modification des fonctions – elle visait plutôt à annuler le droit précédemment déterminé des GL COI 11 à la PFD – la Commission a conclu que l’employeur a contrevenu à l’article 58 et aux dispositions de la convention collective relatives à la rémunération et a ordonné que la description de travail précédente et le droit à la PFD correspondante soient rétablis.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date : 20201109

Dossier : 569‑02‑40567

 

Référence : 2020 CRTESPF 99

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Alliance de la fonction publique du Canada

agent négociateur

 

et

 

Conseil du Trésor

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Marie‑Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur :  Michael Fisher et Anna Lichty, avocats

Pour l’employeur :  Alexandre Toso, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 4 au 6 et du 12 au 14 août 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


 

MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

[1]  Le 20 juin 2019, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (« AFPC ») a renvoyé un grief de principe à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») au nom des employés du Service correctionnel du Canada (SCC) qui travaillent en tant que superviseurs, gestion des installations, et qui sont classés au groupe et au niveau GL‑COI‑11. Lors de l’audience, on les désignait au moyen de « COI‑11 », mais j’utiliserai la classification complète, soit GL‑COI‑11, pour les désigner étant donné que le poste en litige concerne précisément le groupe Manœuvres et hommes de métier. Ces employés travaillent dans les établissements du SCC et supervisent les gens de métier.

[2]  L’AFPC, à titre d’agent négociateur, et le Conseil du Trésor, à titre d’employeur, ont signé une convention collective pour le groupe des Services de l’exploitation, dont la date d’expiration était le 4 août 2018 (la « convention collective »). Aux fins de la présente décision, je désignerai le SCC comme étant l’employeur, étant donné que le Conseil du Trésor lui a délégué le pouvoir de prendre les décisions en cause dans le présent cas.

[3]  Le présent cas porte sur un changement apporté à la description de travail qui a fait en sorte que les GL‑COI‑11 ne touchent plus la prime de formation des détenus (« PFD »), soit la prime versée pour reconnaître les efforts et les responsabilités supplémentaires liés à la formation et à la supervision des détenus employés dans des postes de manœuvres et de métier dans les établissements du SCC. L’employeur a soutenu qu’il ne s’agit pas d’un grief de principe approprié et, de plus, qu’il s’agit en réalité d’un grief de classification, lequel ne relève pas de la compétence de la Commission.

[4]  Lors de l’étape préparatoire à l’audience, j’ai reçu les arguments de l’employeur sur ce point, mais j’ai décidé que j’avais besoin de plus d’éléments de preuve pour le trancher. Par conséquent, les objections de l’employeur seront abordées dans l’analyse.

[5]  Le grief de principe était libellé comme suit :

[Traduction]

ATTENDU QUE la convention collective donne à l’employé le droit de recevoir un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, y compris le niveau de classification du poste. L’employeur a fourni un exposé incomplet des fonctions et des responsabilités aux employés qui font partie du groupe et niveau de classification GL‑COI‑11 étant donné qu’il a supprimé tous les renvois à la formation des détenus.

ET ATTENDU QUE la convention collective donne aux employés le droit de toucher une prime de formation des détenus lorsque le titulaire du poste est chargé de la formation soit directement soit indirectement par l’intermédiaire d’instructeurs subalternes des détenus. L’employeur a refusé de verser la prime de formation des détenus aux employés qui sont chargés de former, directement et indirectement, les détenus,

ET ATTENDU que la convention collective prévoit que l’employeur est limité dans sa capacité d’entreprendre des négociations collectives concernant une modification des taux de rémunération du groupe des Services de l’exploitation liée à l’examen de la classification pendant la durée de la présente convention. L’employeur a procédé à la modification des taux de rémunération du groupe des Services de l’exploitation liée à l’examen de la classification lorsqu’il a unilatéralement modifié la description de travail du groupe GL‑COI‑11 de manière à ce que la prime de formation des détenus ne soit plus appliquée à leur classification.

Par les présentes, l’agent négociateur dépose un grief contre l’employeur au motif qu’il n’a pas respecté la convention collective, plus précisément l’article 58, les appendices C et K ainsi que toutes les autres dispositions connexes de la convention collective, du fait qu’il a refusé de verser aux employés les sommes auxquelles la convention leur donne droit.

[6]  L’agent négociateur a demandé les réparations suivantes :

[Traduction]

i) une déclaration voulant que l’employeur a contrevenu à la convention collective;

ii) une déclaration voulant que l’employeur a outrepassé sa compétence et qu’il a agi de manière arbitraire et de mauvaise foi en contravention à l’article 58 et aux appendices C et K de la convention collective;

iii) une ordonnance enjoignant à l’employeur de cesser d’enfreindre la convention collective;

iv) une ordonnance enjoignant à l’employeur de prendre immédiatement les mesures voulues pour que toutes les tâches et responsabilités liées à la formation des détenus soient réintégrées dans les descriptions de travail du groupe COI‑11 et pour que les postes soient classés au niveau approprié auquel sera appliquée la PFD correspondante;

v) toute autre réparation qu’un arbitre de grief pourra juger indiquée dans les circonstances.

[7]  Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il s’agit véritablement d’un grief de principe et le grief est accueilli.

II.  Résumé de la preuve

[8]  L’agent négociateur a fait entendre quatre témoins : Melanie Crescenzi, une agente des relations de travail du Syndicat des employé‑e‑s de la Sécurité et de la Justice (« SESJ »), un élément de l’AFPC; Martin Roy, un ancien GL‑COI‑11; ainsi que Mathieu Lantagne et Barry Gower, lesquels sont actuellement des GL‑COI‑11.

[9]  L’employeur a également fait entendre quatre témoins : Michael Morgan, spécialiste en classification; Marc Bélanger, administrateur régional des Services techniques au moment des faits; Cynthia Racicot, commissaire adjointe des Services intégrés; et Ghislain Sauvé, directeur général des Services techniques et installations.

[10]  J’estime que, de façon générale, la preuve n’était pas contradictoire. Par conséquent, je la résumerai sans attribuer de déclarations à un témoin, à moins que cela ne soit important pour comprendre les différents points de vue.

[11]  Tous les établissements du SCC emploient des gens de métier pour accomplir des travaux d’entretien et de réparation. Ils ont des classifications différentes, afin de tenir compte de leurs métiers et de leurs niveaux de compétences. Ils relèvent d’un GL‑COI‑11, qui est chargé d’attribuer le travail et de veiller à ce qu’il soit exécuté dans le respect des normes appropriées.

[12]  L’envergure des établissements varie d’une région du Canada à l’autre et, par conséquent, les besoins de chacun de ces établissements pour des gens de métier  varient également. En 2014, le SCC a procédé à une importante restructuration de ses services techniques. Dans certaines régions, les gens de métier relevaient des GL‑COI‑11, alors que dans d’autres, ils relevaient des GL‑COI‑13, qui est une classification supérieure. Dans certaines régions, les gens de métier travaillent dans plus d’un établissement, car le travail dans les petits établissements n’est pas suffisant pour justifier l’embauche de toutes les catégories de gens de métier qualifiés et semi‑qualifiés.

[13]  Le SCC a réorganisé la structure de sorte qu’en 2016, les gens de métier ne relevaient que des GL‑COI‑11. Chaque établissement avait deux GL‑COI‑11 qui relevaient d’un GL‑COI‑13, lequel avait deux établissements sous sa responsabilité (je simplifie le modèle pour  expliquer les structures hiérarchiques; dans certaines régions, plusieurs établissements sont regroupés et le nombre de GL‑COI‑11 varie selon l’établissement, en fonction de son envergure). Le GL‑COI‑13, dont le titre est « chef des installations », supervise le travail des GL‑COI‑11 et est chargé d’établir les budgets des établissements et des services techniques.

[14]  Un élément essentiel du travail d’entretien et de réparation dans les établissements du SCC est l’emploi des détenus, auquel se rattachent deux principaux objectifs. Selon tous les témoins, l’objectif premier consiste à offrir aux détenus la possibilité d’acquérir des compétences dont ils pourront se servir lors de leur réinsertion sociale. Le second consiste à fournir des effectifs, puisque les gens de métier ne seraient pas en mesure de faire tout le travail par eux‑mêmes. Selon M. Gower, l’expérience liée à la COVID‑19 a clairement fait ressortir cet élément – les détenus n’étant pas en mesure d’exécuter leurs tâches en raison de la politique de confinement à l’échelle du SCC, une quantité importante des travaux d’entretien et de réparation n’a pu être accomplie.

[15]  Les gens de métier qui forment et supervisent les détenus en leur enseignant des compétences et en veillant à la qualité du travail exécuté touchent la PFD dans le cadre de leur rémunération. La PFD est prévue dans la convention collective (voir l’annexe C des appendices B et C).

[16]  Le travail de la catégorie GL (à laquelle appartiennent les GL‑COI‑11) est évalué par un comité de classification qui attribue des points aux différents éléments du travail, y compris les responsabilités de supervision et de formation des détenus. Le document de travail sur lequel l’évaluation est fondée est une norme de classification datée de mai 1971. Son objet est décrit comme suit dans le préambule :

La présente norme décrit les systèmes de notation à utiliser dans l’évaluation des postes classés dans le groupe des manœuvres et hommes de métier. Outre introduction, elle comprend la définition de la catégorie de l’exploitation, des groupes et des sous‑groupes d’occupations, un système de cote numérique de base qui s’applique à tous les postes du groupe, un système d’appréciation applicable à tous les postes de surveillants, un système de notation des postes de formateurs des détenus pour les postes du Service canadien des pénitenciers , ainsi que des profils d’éléments et la description des postes repères.

Tous les postes de ce groupe sont évalués au moyen du système de cote numérique de base. Pour les postes du Service canadien des pénitenciers dont les titulaires ont pour fonctions permanentes de former et de motiver des détenus et d’établir de bonnes relations avec eux on utilise en outre le système de notation des postes de formateurs des détenus […]

[17]  La norme de classification permet au comité de classification d’évaluer un poste et de déterminer la notation de formation afin de déterminer le montant de la PFD, en fonction de la nature des responsabilités et du nombre de détenus surveillés. La norme de classification énonce ce qui suit :

Les postes, au sein du Service canadien des pénitenciers, dont les titulaires ont la responsabilité de former et de motiver les détenus et d’établir de bonnes relations avec eux, sont eux aussi évalués au moyen du système de notation des postes de formateurs de détenus. Une prime de formation est prévue pour chaque poste du Service canadien des pénitenciers qui fait partie du groupe des manœuvres et hommes de métier, prime dont le montant est fixé en fonction de la cote numérique attribuée au poste en question en vertu du système de notation des postes de formateurs des détenus.

[18]  La norme de classification énonce clairement, comme suit, qu’un poste peut comporter des fonctions de supervision et de formation :

Si tel ou tel poste du Service canadien des pénitenciers donne droit aux deux primes, on calcule le montant de chacune de ces primes en fonction du taux du niveau de base, puis on l’ajoute directement à ce taux de base, sans l’y intégrer.

[19]  Un élément de la norme de classification est le « Système de notation des postes de formateurs de détenus », qui est décrit comme suit : « Ce système sert à mesurer les responsabilités que doivent assumer en permanence les titulaires des postes qui sont chargés de la formation des détenus, en fonction de la nature de ces responsabilités et [du] nombre de détenus à former. »

[20]  Les expressions « Nature des fonctions de formation » et « Nombre de détenus à former » sont définies comme suit : 

 « Nature des fonctions de formation » : initiatives prises individuellement ou collectivement et graduellement, en vue d’établir des relations avec les détenus, de les encourager à s’améliorer, de susciter chez eux la fierté du travail accompli, de les former à tel ou tel métier et de les aider à mieux se connaître.

« Nombre de détenus à former » : nombre approximatif de détenus que le titulaire est chargé de former, soit directement, soit par l’intermédiaire de moniteurs subalternes.

[21]  Ce sont ensuite les responsabilités ainsi évaluées qui détermineront le niveau de la PFD. Cinq niveaux, classés de A à E, s’appliquent aux responsabilités, et trois, classés de 1 à 3, s’appliquent au nombre de détenus. Chaque niveau est la combinaison d’une lettre et d’un numéro et donne droit au titulaire à un pourcentage donné ajouté au salaire. Jusqu’au changement d’orientation, les GL‑COI‑11 avaient été évalués au niveau D2, ce qui leur donnait droit à une prime de 15 %.

[22]  Je fais remarquer que la norme de classification a été abrogée et que le Conseil du Trésor a proposé que la PFD ne soit plus une majoration applicable et ne fasse plus partie du salaire, mais qu’elle soit plutôt une indemnité. Aux fins de la présente décision, la PFD dans son ancienne forme, faisant partie du salaire, et la norme de classification de 1971 s’appliquent toutes deux, puisqu’elles faisaient partie du processus qui ont donné lieu au présent grief.

[23]  Jusqu’en mars 2018, les GL‑COI‑11 ont touché la PFD. Tout à coup, en février 2018, ils ont été informés qu’ils n’avaient plus droit à la PFD, car un comité de classification avait déterminé qu’ils n’avaient aucune responsabilité de formation des détenus. Le salaire des GL‑COI‑11 qui avaient touché la PFD était « bloqué », ce qui signifie que, conformément à la politique du Conseil du Trésor, visant à maintenir le salaire d’un poste donné malgré la classification à la baisse, ces employés continueraient de toucher le montant équivalent du salaire. Toutefois, les personnes nommées au poste après cette date, comme M. Gower et M. Lantagne, ou les personnes occupant un poste par intérim, n’avaient pas droit à la PFD.

[24]   Je fais remarquer que l’employeur continue de verser la PFD aux GL‑COI‑11 employés dans les pavillons de ressourcement, une catégorie d’établissement du SCC pour les détenus autochtones. On a expliqué à l’audience que cette pratique tient au fait que dans les pavillons de ressourcement, qui sont des petits établissements, il y a un nombre moins élevé de gens de métier; par conséquent, les GL‑COI‑11 doivent assumer davantage de responsabilités pratiques, tant dans l’exécution des tâches d’entretien et de réparation que dans la supervision directe des détenus.

[25]  Mme Crescenzi a affirmé que dans ses échanges avec l’employeur, surtout avec M. Sauvé, il ne faisait aucun doute que l’employeur avait déterminé que les GL‑COI‑11 ne devraient pas toucher la PFD, puisque, grâce à la nouvelle structure, les GL‑COI‑13 ne la touchaient plus (ils la touchaient auparavant). Si les GL‑COI‑11 continuaient de la toucher, ils gagneraient autant que les GL‑COI‑13, compte tenu de leurs échelles salariales respectives, et une telle situation était, aux yeux de M. Sauvé, intolérable.

[26]  À l’audience, M. Sauvé n’a pas nié la version des faits de Mme Crescenzi. Il a admis qu’il trouvait problématique le fait que les GL‑COI‑11 gagneraient autant que les GL‑COI‑13, car cela nuirait au recrutement des GL‑COI‑13; pourquoi accepteraient-ils une plus grande responsabilité pour la même rémunération? Toutefois, il a ensuite expliqué que sa préoccupation concernant la situation salariale avait mené à un exercice au cours duquel les administrateurs régionaux des services techniques (ARST) ont examiné de nouveau la description de travail des GL‑COI‑11 et ont conclu que les GL‑COI‑11 n’étaient pas directement responsables de la formation des détenus et n’avaient donc pas droit à la PFD.

[27]  M. Bélanger a confirmé que les ARST ont été invités à se demander si les superviseurs devraient recevoir la PFD, plus particulièrement les superviseurs affectés à la gestion des installations. Cet exercice a été effectué à un moment donné en 2017, soit l’année avant que soit prise la décision de ne plus appliquer la PFD. M. Bélanger, qui travaille dans la région de l’Atlantique du SCC, ne supervise pas le travail des GL‑COI‑11, qui relèvent des GL‑COI‑13. Les GL‑COI‑13 relèvent d’un gestionnaire régional qui relève de M. Bélanger. Au cours de sa carrière, M. Bélanger a lui-même été un GL‑COI‑13 pendant trois ans.

[28]  Le 19 juillet 2016, une nouvelle description (la « description de travail de 2016 ») a été fournie à l’agent négociateur. Il n’a constaté aucun changement inacceptable dans la nouvelle description et ne l’a pas contestée.

[29]  Puis, en février 2018, l’employeur a informé l’agent négociateur que la description de travail avait à nouveau été modifiée (la « description de travail de 2018 ») et qu’un comité de classification avait déterminé que les GL‑COI‑11 n’avaient plus droit à la PFD, à compter de mars 2018. Contrairement à ce qui s’est produit lors du premier changement et selon Mme Crescenzi, l’agent négociateur n’a jamais été informé, contrairement à la pratique habituelle, de la deuxième description de travail et il n’a pas eu l’occasion de formuler des commentaires à ce sujet, malgré le fait que cette description ait entraîné un changement au droit à la PFD.

[30]  L’agent négociateur n’a pas nié que l’employeur est chargé de l’affectation des travaux et de la classification des postes. Selon Mme Crescenzi, le problème était que la description de travail avait été modifiée, mais que les GL‑COI‑11 continuaient à exécuter le même travail. Leur travail a toujours consisté à superviser et à former, indirectement, les détenus; aucune explication n’a été fournie quant à la raison pour laquelle, soudainement, ces fonctions ne leur donnaient plus droit à la PFD.

[31]  Selon Mme Crescenzi, les agissements de l’employeur ont également soulevé une autre préoccupation chez l’agent négociateur, à savoir : si l’employeur pouvait modifier les conditions de travail à son gré, en modifiant la description de travail et en mettant fin à la PFD, la PFD des employés d’autres groupes et niveaux serait‑elle éliminée aussi? Voici un extrait du courriel que Mme Crescenzi a envoyé à M. Sauvé le 4 juillet 2018 :

[Traduction]

Nous souhaitons simplement donner suite à notre discussion du 31 mai, où nous avons soulevé la question de savoir comment la section de la classification pouvait arriver à conclure que les COI‑11 n’ont plus droit à la PFD, étant donné que les définitions des expressions « nature des fonctions de formation » et « nombre de détenus à former » prévues dans les Normes continuent de s’appliquer à leur travail actuel. Il nous tarde de recevoir des éclaircissements à ce sujet.

À la suite de notre discussion, nous avons également communiqué avec les membres afin de recueillir leurs commentaires et leurs préoccupations concernant la suppression de la PFD et nous espérons être en mesure de vous en faire part à notre prochaine réunion.

Nous souhaitons également saisir cette occasion pour soulever d’autres préoccupations qui ont été portées à notre attention concernant l’examen de la PFD. Bon nombre de nos membres nous ont informés qu’ils s’étaient fait dire que la direction entreprend un examen général de la PFD et que leurs descriptions de travail feront l’objet du même exercice qui a été effectué pour les COI‑11 (modifier les descriptions de travail pour mettre fin à la PFD). On dit que cette modification est entreprise à l’égard de Corcan, de la Gestion des installations, des Services alimentaires et de la Gestion du matériel. Nous avions cru comprendre que le fait de ne plus appliquer la PFD aux COI‑11 constituait un examen unique et a été effectué pour régler le problème selon lequel les COI‑13 gagneraient moins que les COI‑11 (si la PFD était maintenue). Pouvons-nous vous demander de nous confirmer si c’est bien ce qui se produit, c’est‑à‑dire que le SCC entreprend un exercice d’examen qui peut mettre fin à la PFD pour d’autres classifications?

[32]  L’employeur a répondu qu’à mesure que de nouvelles descriptions de travail étaient élaborées, elles seraient soumises aux comités de classification. Il n’y avait aucun examen imminent pour les postes auxquels Mme Crescenzi faisait référence dans son courriel. En ce qui concerne la première partie du courriel, à sa demande que soient fournies les raisons pour lesquelles la norme de classification, avec ses définitions, ne semblait plus s’appliquer, on lui a répondu que les GL‑COI‑11 ne formaient pas directement les détenus et qu’en conséquence, ils n’avaient pas droit à la PFD. À l’audience, les témoins de l’employeur ont tous insisté sur l’absence de [traduction] « formation directe », même si les définitions prévues à la norme de classification font clairement allusion à la formation indirecte et à une interaction plus générale et incitative avec les détenus.

[33]  En août 2018, M. Sauvé a demandé à M. Morgan comment répondre au premier paragraphe du courriel. M. Morgan a répondu par le courriel suivant daté du 17 août 2018 :

[Traduction]

Un comité d’évaluation de la classification composé de conseillers accrédités en classification chevronnés a examiné la description de travail générique et a déterminé qu’elle ne répondait pas aux exigences des définitions de formation des détenus prévues par la norme. C’est la raison pour laquelle la justification de classification indique qu’« il n’y a aucune obligation de former les détenus ».

Nous avons examiné nos dossiers et pouvons confirmer que nous avons reçu des griefs de classification de la part de certains des GL‑COI‑11. La procédure de règlement des griefs de classification permettra à un nouveau comité d’évaluation de la classification, composé de deux conseillers accrédités en classification et un représentant du CT, d’évaluer la description de travail générique à l’aide des mêmes normes que celles utilisées par le comité initial.

[34]  M. Sauvé a envoyé un courriel daté du 20 août 2018, à Stan Stapleton, président du SESJ, dans lequel il reprenait l’explication du 17 août de M. Morgan. À l’audience, Mme Crescenzi a affirmé qu’il s’agissait de la première fois que M. Sauvé a invoqué l’exercice de classification pour justifier la décision de ne plus appliquer la PFD aux salaires des GL‑COI‑11. Aucun élément de preuve n’a été déposé à l’audience relativement à un autre exercice de classification.

[35]  Les parties ont présenté plusieurs documents faisant état de la modification apportée aux descriptions de travail et des modifications que le comité de classification a apportées au droit à la PFD. Je décrirai le contenu de ces documents, mais je résumerai d’abord le témoignage des trois GL‑COI‑11 qui ont été entendus à l’audience.

[36]  M. Roy détient un diplôme d’études postsecondaires en mécanique du bâtiment. Il est devenu un employé du SCC en 1999 à titre d’agent technique de la mécanique du bâtiment relevant du groupe et niveau GL‑COI‑10. Dans ce poste, il gagnait la PFD, car il formait et supervisait les détenus. Il est ensuite devenu un GL‑COI‑11 à l’établissement Montée Saint‑François, qui était alors un établissement à sécurité minimum, dans la région de Laval, au Québec, où il est demeuré pendant cinq ans. Il a participé à des projets spéciaux liés à la restructuration du complexe Archambault‑Sainte‑Anne‑des‑Plaines, puis a occupé un poste de GL‑COI‑11 à l’établissement Archambault de 2014 à 2017. Il a ensuite été affecté à d’autres fonctions, pour des raisons médicales, mais son poste d’attache demeure celui d’un GL‑COI‑11. Il a estimé qu’il a travaillé en tant que GL‑COI‑11 pendant environ une dizaine d’années au total, à l’exclusion de son affectation actuelle.

[37]  Le domaine d’expertise de M. Roy était l’entretien et la réparation de la mécanique des bâtiments (chauffage, ventilation et climatisation). Il a déclaré que les responsabilités des GL‑COI‑11 pouvaient être réparties en quatre principaux volets :

  • organiser et diriger les travaux de réparation et d’entretien effectués par des gens de métier qualifiés, quieux forment et supervisent les détenus dans leurs métiers respectifs;
  • gérer un système en vue d’assurer l’entretien préventif et correctif des bâtiments;
  • le travail administratif, comme l’établissement d’un budget, l’évaluation du rendement des gens de métier qui relèvent du GL‑COI‑11 et la dotation;
  • veiller à l’employabilité des détenus en leur attribuant du travail, en s’assurant qu’ils sont formés, notamment en matière de santé et de sécurité, et en examinant les évaluations du rendement des détenus effectuées par les gens de métiers (également appelés « formateurs »), ces évaluations étant ensuite saisies dans une base de données appelée le « Système de gestion des détenus » (SGD), auquel seuls les GL‑COI‑11 ont accès.

[38]  Les détenus ou les membres du personnel présentent les demandes de service au GL‑COI‑11, qui attribue ensuite les travaux de réparation à la ressource appropriée. Récemment, le SCC a adopté un système de demande électronique, afin de mettre en œuvre l’Accord sur les niveaux de service (ANS).

[39]  Le rôle d’un GL‑COI‑11 en ce qui a trait à l’employabilité des détenus consiste à s’assurer que les détenus progressent bien dans le cadre de leur programme de réadaptation, dont un élément important est l’emploi. M. Roy a souscrit à la définition de la norme de classification qui consiste à motiver et à encourager les détenus vers leur réussite.

[40]  Le GL‑COI‑11 veille à ce qu’un nombre suffisant de détenus travaillent dans les métiers, vérifie le niveau de capacité et les intérêts de chaque détenu et, au besoin, intervient pour préserver les relations harmonieuses entre les formateurs et les détenus. Le GL‑COI‑11 joue un rôle actif dans l’évaluation des détenus, discute de chacun avec le formateur compétent et rencontre le détenu et le formateur pour remettre l’évaluation au détenu.

[41]  Le GL‑COI‑11 rencontre également quotidiennement les gens de métier et, par conséquent, il rencontre aussi les détenus qui travaillent avec eux. Le GL‑COI‑11 est chargé de la sécurité de tout le personnel, y compris les détenus. M. Roy a donné comme exemple le fait de voir un détenu utiliser un outil sans l’équipement de sécurité approprié ou en faire une mauvaise utilisation. Le GL‑COI‑11 interviendrait pour assurer la sécurité du détenu et la protection de l’équipement et des bâtiments du SCC. Enfin, le GL‑COI‑11 évalue le comportement des détenus et surveille leurs déplacements dans l’établissement.

[42]  En février 2018, M. Roy a été informé que la description de travail des GL‑COI‑11 avait été modifiée et qu’ils ne recevraient plus la PFD. Dans son cas, son salaire a été bloqué, de sorte qu’il continue de toucher son salaire antérieur, y compris la PFD. Il a été affecté à d’autres fonctions, mais il a tout de même été très troublé par la suppression de la PFD. Selon lui, malgré les modifications apportées à la description de travail, le travail lui‑même reste le même. Les détenus continuent d’avoir des formations; ils doivent encore être surveillés. Les formateurs dispensent la plupart des formations directes, mais les GL‑COI‑11 remplissent toujours le même rôle de surveillance et c’est toujours à eux qu’incombent les aspects de la relation avec les détenus liés à la motivation et à l’encouragement. M. Roy a déclaré qu’on ne lui a jamais bien expliqué comment exactement les tâches avaient été modifiées.

[43]  M. Roy a déposé un grief concernant la description de travail et un grief de classification. Il est d’avis que la description de travail n’est plus claire et qu’elle ne tient pas correctement compte des tâches que les GL‑COI‑11 continuent d’accomplir. Il a été affecté à un autre poste, mais communique régulièrement avec d’autres GL‑COI‑11 au Québec et à l’extérieur du Québec. Il a affirmé qu’il trouve injuste  la décision de classification qui élimine la PFD, car les employés devraient être rémunérés pour les fonctions qu’ils exercent.

[44]  M. Lantagne travaille à l’Établissement de Sainte‑Anne‑des‑Plaines, au Québec. Il a été nommé au poste de GL‑COI‑11 en octobre 2018, il n’a donc jamais reçu la PFD. Toutefois, il a décrit ses tâches de GL‑COI‑11 de la même manière que M. Roy. Il reçoit des demandes de service d’entretien et de réparation, attribue le travail aux gens de métier en fonction de leur spécialité et supervise leur rendement. Il participe également à la supervision du travail des détenus afin d’assurer la qualité du travail exécuté. Si quelque chose ne va pas ou s’il voit un détenu qui effectue une tâche de manière dangereuse ou inefficace, il intervient. Les formateurs font l’évaluation du travail des détenus tous les trois mois. M. Lantagne examine cette évaluation et la saisit dans le SGD. Il s’assure que les commentaires sont complets et constructifs. Il rencontre personnellement chacun des détenus pour lui remettre l’évaluation.

[45]  Il convient que le formateur est principalement chargé de former un détenu dans le métier dont il a la spécialité, mais il considère que le rôle des GL‑OI‑11 consiste à s’assurer que tout se déroule bien et que des directives en matière de sécurité sont fournies et, en général, à motiver et à encourager les détenus et à préserver l’harmonie lorsque des problèmes de comportement ou des conflits de personnalités surviennent. Si le formateur est absent, M. Lantagne supervise directement le travail des détenus.

[46]  Il s’assure que le programme de formation correspond aux besoins et aux compétences du détenu et qu’il favorise l’apprentissage. Il travaille en étroite collaboration avec les formateurs et leur donne souvent des conseils quant à la relation appropriée avec les détenus – elle doit être respectueuse, mais les membres du personnel doivent être conscients qu’ils ne doivent pas avoir une relation trop personnelle avec les détenus, car une telle relation comporte trop de risques. Si des problèmes de comportement ne peuvent être réglés, M. Lantagne suspend les détenus du programme de formation.

[47]  M. Gower a présenté sa candidature pour le poste de superviseur GL‑COI‑11 lorsque la PFD faisait encore partie des conditions de travail, mais il n’a été nommé qu’en novembre 2018, après avoir occupé ce poste à titre intérimaire d’avril à novembre. Avant cette date, à compter de 2002, il avait été plombier à l’Établissement Mountain en Colombie‑Britannique. À ce titre, il a formé un certain nombre de détenus et relevait du chef des travaux, dont le poste était classifié au groupe et niveau GL‑COI‑13.

[48]  La restructuration des services techniques à l’échelle du SCC a entraîné la création d’un poste de GL‑COI‑11 à l’Établissement Mountain. Le chef des travaux, qui avait été son superviseur, est devenu le chef de la Gestion des installations, et il était responsable de trois établissements, soit Mountain, Kent et Chilliwack. Aux établissements Mountain et Kent, des postes ont été créés au groupe et niveau GL‑COI‑11 pour superviser les gens de métier.

[49]  Selon M. Gower, son travail de GL‑COI‑11 consiste à attribuer et à coordonner les travaux d’entretien et de réparation, à inspecter les lieux de travail et à régler les problèmes, y compris ceux concernant le travail des détenus.

[50]  Il a décrit une journée de travail typique.

[51]  La journée débute par une séance d’information de 15 à 20 minutes avec les gestionnaires correctionnels où les participants font part de leurs préoccupations et se communiquent de l’information concernant l’établissement. Il retourne ensuite à son bureau et vérifie les demandes de service présentées dans le système électronique. Les commandes de travail sont acceptées ou rejetées en fonction de l’ANS et les travaux sont attribués aux ateliers. Les détenus se présentent ensuite au travail. M. Gower rencontre le groupe et répond à toute question ou préoccupation.

[52]  M. Gower s’occupe des achats, des approbations de contrat et des entrepreneurs à l’extérieur de l’établissement. Il s’assure qu’ils disposent des laissez-passer et des outils appropriés.

[53]  Il visite les lieux de travail pour veiller à ce que les mesures de sécurité soient appliquées et que les documents appropriés soient fournis, et pour répondre à toute question ou régler les plaintes. Toute la journée consiste à résoudre des problèmes – les problèmes liés aux services ou aux personnes, y compris les détenus. Si un détenu a un problème, il rencontre le détenu et mène une enquête sur les circonstances.

[54]  Quelque 35 à 40 détenus travaillent dans les services techniques de l’établissement. M. Gower les voit quotidiennement. Pendant la période de confinement en raison de la COVID‑19, ils n’ont pas travaillé; ils recommencent actuellement à travailler (à la date de l’audience, soit août 2020).

[55]  M. Gower approuve l’embauche de détenus et rencontre souvent les détenus qui posent leur candidature pour un poste afin de déterminer s’ils ont les aptitudes requises. Il intervient souvent dans les conflits entre les gens de métier et les détenus et tente d’arriver à un règlement à l’amiable. Si une mesure disciplinaire est nécessaire, il la recommande au Comité des programmes, qui prend les décisions disciplinaires.

[56]  M. Gower est chargé d’évaluer le rendement des gens de métier qui relèvent de lui. À son avis, l’un des aspects les plus importants de l’évaluation consiste à vérifier s’ils ont une bonne relation de travail avec les détenus, car il estime que la mission des services techniques est de former et d’employer les détenus. Il a affirmé qu’il s’efforce d’être un modèle en établissant des relations positives et en dispensant les formations de manière constructive et respectueuse.

[57]  Il envisage son rôle avec les détenus d’un œil différent par rapport à lorsqu’il était plombier. À ce moment‑là, il formait un ou deux détenus à la fois. Maintenant, il supervise environ 35 détenus. Il s’assure que tout se déroule bien et sans heurts. Il s’acquitte de cette tâche en partie en surveillant le comportement et les succès des détenus, ce qui diffère de la formation directe qu’il donnait aux détenus lorsqu’il était plombier. Il souscrit à la définition de la norme de classification qui consiste à motiver les détenus et à les encourager à s’améliorer. Il sait aussi comment les détenus sont formés et comment la formation peut être améliorée, au besoin.

[58]  M. Gower a souligné la mesure dans laquelle l’emploi des détenus faisait partie intégrante des services techniques offerts dans l’établissement. Sans eux, les services techniques ne pourraient être offerts à l’interne. Lorsque les descriptions de travail font référence au personnel d’entretien, M. Gower estime qu’elles incluent les détenus, qu’ils soient mentionnés ou non, car ils font partie des effectifs de l’établissement.

[59]  La réalité de travailler avec les détenus dans un établissement change la nature du travail d’un superviseur. Selon lui, il est essentiel que les GL‑COI‑11 aient une expérience de travail avec les détenus; sinon, le travail ne peut être fait.

[60]  M. Gower a ajouté que la formation des détenus ne se limite pas à la formation technique. Les détenus doivent également apprendre les comportements qui leur seront utiles à l’extérieur de l’établissement, comme obéir aux directives, être ponctuels, suivre les règles et comprendre les routines. La motivation et l’encouragement des détenus ainsi que la recherche de solutions aux problèmes entre les détenus et les formateurs sont des aspects importants du rôle que joue le GL‑COI‑11 dans l’enseignement de ces comportements et habitudes.

[61]  Selon M. Bélanger et Mme Racicot, le rôle des GL‑COI‑11 consiste à superviser le programme d’emploi, mais non à dispenser les formations. Ni l’un ni l’autre n’avait sous sa responsabilité des GL‑COI‑11 ou des GL‑COI‑13. Ils ont tous les deux souligné le fait que les GL‑COI‑11 touchaient une indemnité appelée l’« indemnité de responsabilité correctionnelle » (IRC), qui a été négociée et définie comme suit dans la convention collective :

[…]

61.01 L’IRC est versé aux titulaires de postes spécifiques dans l’unité de négociation au sein du Service correctionnel du Canada. L’indemnité prévoit une rémunération supplémentaire pour le titulaire d’un poste qui exerce certaines fonctions ou responsabilités propres au Service correctionnel du Canada (c’est‑à‑dire la garde des détenus, la surveillance régulière des délinquants ou l’appui aux programmes liés à la libération conditionnelle des délinquants) au sein d’un pénitencier ou d’un bureau de libération conditionnelle dans la communauté au sens de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et/ou des Directives du commissaire du SCC.

[…]

A.  Descriptions de travail

[62]  La description de travail de 2007 pour le poste de « Surveillant(e) des travaux/entretien, GL‑COI‑11 » fait référence aux activités de direction et de formation des détenus à plusieurs reprises. La section « Activités principales » porte principalement sur l’organisation des services d’entretien et de réparation pour un établissement. Elle comprend les références suivantes à la formation et à la supervision des détenus :

[…]

Établir les priorités, diriger et superviser les activités des employés et des détenus dans le cadre du fonctionnement courant, de l’entretien, de l’inspection et de la réparation de divers systèmes […]

Assurer la surveillance, la formation et le perfectionnement d’un personnel constitué de compagnons d’apprentissage hautement qualifiés et de gens de métier spécialisés, y compris de détenus […]

[…]

[…] offrir un contrôle de la qualité des services offerts par les entrepreneurs, les employés et les détenus quant à l’entretien et à la réparation des installations […]

[…]

Coordonner la formation et l’instruction des délinquants quant à l’exécution des diverses tâches techniques, aux pratiques de travail sécuritaires, ainsi qu’à l’utilisation adéquate et sécuritaire des outils à main et des outils électriques portatifs; veiller à l’entretien et à la supervision de l’inventaire de l’atelier et des outils; superviser le contrôle de la qualité des services offerts par les délinquants; remplir les rapports d’évaluation du détenu, superviser les déplacements, ainsi que le comportement des délinquants.

[63]  La section « Habiletés » précise que le travail exige une connaissance de l’équipement et des systèmes, des techniques d’entretien et de réparation, ainsi que des compétences en gestion et en ressources humaines. Les connaissances décrites ci‑dessous, entre autres, sont requises :

Les principes et les techniques de formation et d’instruction en vue de former les employés et les détenus […] quant à l’utilisation du matériel d’entretien, de prévention des incendies, de sûreté, d’initiation et de sécurité. Le poste exige l’évaluation du programme de formation, ainsi que la formulation de recommandations concernant des améliorations à apporter ou en vue de la résolution de problèmes.

[64]  Enfin, la section « Responsabilités » comprend le paragraphe suivant :

Surveiller ou contrôler les détenus et leurs déplacements, prendre les mesures correctrices appropriées en ce qui concerne les responsabilités au travail des détenus; fournir des instructions aux détenus sur les règles ou règlements de l’établissement ou régissant leur comportement ou leur participation aux activités de travail; contribuer au fonctionnement général des opérations à l’établissement en dirigeant un groupe de travailleurs composé de détenus; observer le comportement des détenus et le signaler régulièrement aux gestionnaires de cas responsables.

[65]  Les descriptions de travail de 2016 et de 2018 reprennent de grandes parties de la description de travail de 2007 en ce qui concerne l’organisation, la coordination et la direction des travaux d’entretien et de réparation pour un établissement. Il y a des différences importantes relativement à la direction et à la supervision des détenus. Sous la rubrique « Activités principales », la description de travail fait référence comme suit aux détenus :

Fixer les priorités, diriger et surveiller les activités du personnel et des détenus dans le cadre des activités de fonctionnement courantes […] et dans le cadre de l’entretien, de l’inspection et de la réparation de divers systèmes, véhicules et structures physiques […]

[…]

[…] assurer le contrôle de la qualité des services fournis par les entrepreneurs, les employés et les détenus dans le cadre de l’entretien et de la réparation des installations […]

[…]

Surveiller les techniques de travail et l’application des pratiques exemplaires et fournir des conseils à ce sujet et de l’expertise à des employés chargés de l’entretien, y compris des détenus, dans le cadre de l’exécution des travaux dans une variété de domaines, notamment : peinture, maçonnerie, tôlerie, menuiserie, soudure, serrurerie, électricité, plomberie, réparation et entretien de véhicules, utilisation d’équipement lourd, prévention des incendies, réparation et entretien de machines, traitement de l’eau, entretien des terrains, travaux généraux et gestion du centre d’outillage dans un environnement pénitentiaire.

[…]

Surveiller et former des détenus, directement ou par l’intermédiaire des employés qui relèvent de sa responsabilité, dans le cadre des activités liées à la gestion des installations. Déterminer les besoins d’emploi de détenus à l’appui des activités de l’équipe d’entretien. Définir les besoins de formation des détenus et s’assurer que l’environnement de travail où ils sont employés est sûr, à la fois pour eux et pour les employés. Coordonner les activités liées au programme d’emploi des détenus à l’intérieur du cadre défini, rédiger et/ou passer en revue des évaluations du rendement des détenus et contrôler le comportement et le déplacement de ceux‑ci. Définir et appliquer des exigences de surveillance appropriées, veiller à ce que les évaluations du rendement des détenus soient conformes aux objectifs et aux lignes directrices des programmes.

[66]  Je fais remarquer que la description des activités figurant dans la description de travail de 2016 correspond étroitement à ce que M. Roy, M. Lantagne et M. Gower ont indiqué, dans leur témoignage, être leurs tâches principales en ce qui concerne la formation des détenus. La description de travail de 2016 fournie à l’audience ne comprenait que les activités principales (et non les habiletés et les responsabilités).

[67]  Il y a deux descriptions de travail pour 2018, l’une pour les pavillons de ressourcement (PR)et l’autre pour les autres établissements (AE). Les activités principales prévues dans la description de travail de 2018 (PR) sont identiques à celles de la description de travail de 2016 (à l’exception d’une phrase ajoutée dans la description de travail de 2018 (PR) qui n’est pas pertinente pour le grief en question).

[68]  Sous la rubrique « Habileté » et la sous‑rubrique « Connaissance » de la description de travail de 2018 (PR), les éléments suivants sont exigés : « Principes et des techniques de formation et d’instruction du personnel et des détenus […] au sujet de l’utilisation du matériel d’entretien et de la sécurité. »

[69]  Sous la rubrique « Responsabilité » de la description de travail (PR), le paragraphe suivant est inclus :

Surveiller ou contrôler les détenus, ainsi que leurs déplacements; prendre les mesures correctives appropriées en regard des responsabilités de travail des détenus; fournir des directives aux détenus concernant les procédures et règlements de l’établissement, leur comportement ou la participation à leurs activités de travail.

[70]  La description de travail de 2018 (AE) correspond en grande partie à la description de travail de 2018 (PR), sauf pour le fait que la plupart des références aux détenus et à leur formation ont été supprimées. Les activités principales susmentionnées sont devenues les suivantes :

Fixer les priorités, diriger et surveiller les activités des employés dans le cadre des activités de fonctionnement courantes […] et dans le cadre de l’entretien, de l’inspection et de la réparation de divers systèmes, véhicules et structures physiques […]

[…]

Surveiller les techniques de travail et l’application des pratiques exemplaires et fournir des conseils à ce sujet et de l’expertise à des employés chargés de l’entretien dans le cadre de l’exécution des travaux dans une variété de domaines, notamment : peinture, maçonnerie, tôlerie, menuiserie, soudure, serrurerie, électricité, plomberie, réparation et entretien de véhicules, utilisation d’équipement lourd, prévention des incendies, réparation et entretien de machines, traitement de l’eau, entretien des terrains, travaux généraux et gestion du centre d’outillage dans un environnement pénitentiaire.

[…]

Superviser le programme d’emploi des détenus du site ou des sites, en veillant au respect de l’Accord sur les niveaux de service. Déterminer les besoins en matière d’emploi des détenus pour soutenir l’équipe d’entretien. Veiller à ce que l’environnement de travail dans lequel ils sont employés demeure sécuritaire pour eux et pour les employés. Examiner et appuyer les possibilités d’emploi des détenus, favoriser l’emploi des détenus, collaborer avec le secteur des programmes en établissement afin de fournir le soutien nécessaire à l’organisation dans le cadre de la réalisation des objectifs liés aux programmes correctionnels.

[71]   Sous la rubrique « Habileté », dans la version anglaise, les connaissances qui suivent sont précisées en ces termes : « Connaissance des principes et des techniques de formation et d’instruction du personnel et des détenus […] au sujet de l’utilisation du matériel d’entretien et de la sécurité. »

[72]  Les mots « et des détenus » sont simplement rayés; aucun des témoins de l’employeur n’a pu expliquer qui les avait rayés. Trois descriptions de travail pour 2018 (AE) ont été présentées à l’audience. Elles se rapportent à différents niveaux de supervision (c.‑à‑d. le nombre de gens de métier supervisés, ce nombre ayant une incidence sur la prime de surveillance) et sont identiques à tous autres égards. Dans chacune, les mots « et des détenus » sont rayés. Je tiens à souligner que, dans la version française des trois descriptions de travail, dans la phrase qui commence par « Connaissance des principes et des techniques de formation et d’instruction du personnel et des détenus […] », les mots « et des détenus » ne sont pas rayés.

[73]  Enfin, sous la rubrique « Responsabilités », le paragraphe concernant la supervision et le contrôle des déplacements des détenus se lit comme suit : « Surveiller le contrôle des détenus ainsi que leurs déplacements; fournir des directives au personnel supervisant les détenus concernant les procédures et règlements de l’établissement, leur comportement ou la participation à leurs activités de travail. »

B.  Le processus de classification

[74]  Le comité de classification s’est réuni en juin 2017 et a évalué la description de travail de 2016. Il a conclu que le poste GL‑COI‑11 devrait avoir la notation de formation « C ». Cette notation s’applique maintenant aux GL‑COI‑11 qui travaillent dans des pavillons de ressourcement.

[75]  Un autre comité de classification (dont un des membres faisait partie de ces deux comités composés de trois personnes) a réexaminé les conclusions tirées par le premier comité de classification en février 2018. La page de signature est datée du 9 février 2018. Dans son rapport, le comité explique comme suit la raison pour laquelle il a révisé la classification du poste GL‑COI‑11 :

[Traduction]

En 2014, le Service correctionnel du Canada a commencé à regrouper des établissements à sécurité minimale, moyenne et maximale situés dans des secteurs géographiques similaires pour former des établissements regroupés. Ce regroupement a permis à l’organisation de partager les ressources humaines et financières entre de nombreux établissements, le cas échéant. Un des secteurs dans lequel des gains d’efficacité ont été réalisés par le regroupement était les Services techniques et installations.

La direction a entamé la revue et la mise à jour des descriptions de travail génériques des Services techniques et installations afin de tenir compte des changements apportés aux tâches dus au regroupement des établissements. À la suite du regroupement, le superviseur, Gestion des installations, est devenu responsable de la supervision de la gestion des installations au sein d’un établissement en particulier ou pour un portefeuille de travail en particulier, alors qu’auparavant, il assumait le rôle de chef de la gestion des installations au sein d’un petit établissement seulement.

Un comité de classification s’est réuni le mercredi 14 juin 2017 pour évaluer la description de travail du poste de superviseur, Gestion des installations.

À la suite de l’évaluation de la description de travail, la direction a entrepris des discussions concernant le rôle du superviseur, Gestion des installations, dans la formation des détenus. Il a été déterminé qu’un examen plus approfondi de la description de travail était nécessaire afin de supprimer de la description de travail la responsabilité de former les détenus.

En février 2018, un comité de classification a été convoqué pour examiner l’incidence des modifications apportées à la description de travail sur l’évaluation de la description de travail.

[76]  Dans la justification de classification de juin 2017, la cote « C » est expliquée comme suit :

Nature des fonctions de formation  Degré C

Le poste exige la supervision et la formation de détenus, directement ou par l’intermédiaire des employés qui relèvent de la responsabilité du titulaire du PS, dans le cadre des activités liées à la gestion des installations. Cela comprend déterminer les besoins d’emploi de détenus à l’appui des activités de l’équipe d’entretien; définir les besoins de formation des détenus et s’assurer que l’environnement de travail où ils sont employés est sûr, à la fois pour eux et pour les employés; coordonner les activités liées au programme d’emploi des détenus à l’intérieur du cadre défini; rédiger et/ou passer en revue des évaluations du rendement des détenus, proposer des mesures disciplinaires, contrôler le comportement et les déplacements des détenus et définir et appliquer des exigences de surveillance appropriées, ainsi que veiller à ce que les évaluations du rendement des détenus soient conformes aux objectifs et aux lignes directrices des programmes.

[77]  Dans la justification de classification de 2018, la cote est simplement [traduction] « S.O. » (sans objet). Bien que, selon les explications indiquées dans le rapport, [traduction] « [i]l n’existe aucune obligation de former les détenus », le passage suivant figure dans les deux rapports, sous la rubrique [traduction] « Délibérations du comité » :

[Traduction]

Au cours de ses délibérations, le comité de juin 2017 a étudié tous les renseignements relatifs au PS (poste sujet), y compris la description de travail proposée, l’organigramme proposé, la description de travail précédente, la réponse de la direction aux questions du comité, ainsi que la relativité interne et externe.

Des questions ont été soulevées au cours de l’évaluation du poste sujet dans le cadre du plan de formation des détenus. Le comité a alors communiqué avec le représentant de l’autorité fonctionnelle, Martin Khalife, directeur, Ingénierie et entretien, Services techniques, pour obtenir des éclaircissements sur les responsabilités du PS relativement à la formation des détenus. M. Khalife a confirmé que le PS offre des séances de formation aux détenus en ce qui concerne l’utilisation de l’équipement d’entretien, la sûreté et la sécurité, et veille à ce que les travaux respectent les normes d’exécution de l’accord de niveau de service (ANS).

[…]

[78]  À l’audience, aucun des témoins de l’employeur n’a pu expliquer la divergence apparente entre le commentaire de M. Khalife et l’expression [traduction] « aucune obligation de former les détenus ». M. Morgan a indiqué qu’il s’agissait peut‑être d’un oubli ou qu’il avait été inclus par erreur dans le deuxième rapport, lequel est en grande partie identique au premier.

[79]  Tel que je l’ai indiqué, le rapport du deuxième comité de classification a été signé le 9 février 2018. Le 8 février 2018, Stephanie Lane, directrice principale, Services techniques, a envoyé le courriel suivant à M. Sauvé : [traduction] « Bonjour Ghislain, Veuillez trouver ci‑joint la version finale du COI‑11 sans PFD pour acheminer au bureau du CASC. »

[80]  Enfin, je fais remarquer que, dans la description de travail de 2018 (AE), un certain nombre de points correspondent à la justification que le comité de classification de juin 2017 a utilisée pour justifier une cote « C » pour la formation. Voici les points :

Activités principales

[…] Déterminer les besoins d’emploi de détenus à l’appui des activités de l’équipe d’entretien. S’assurer que le milieu de travail dans lequel travaillent les détenus demeure sécuritaire pour les détenus eux-mêmes ainsi que pour les employés. Examiner et appuyer les possibilités d’emploi des détenus, promouvoir l’emploi de ceux-ci, collaborer avec les programmes en établissement afin d’appuyer l’organisation dans l’atteinte des buts en matière de programmes correctionnels.

Efforts

[…]

Présenter des rapports verbaux et écrits pour le personnel correctionnel (concernant les observations constatées sur les comportements des délinquants) afin de l’aider à prendre des décisions touchant la discipline, les déplacements et le transfèrement des délinquants ainsi que la sécurité et le bon fonctionnement de l’établissement. S’assurer également que les délinquants respectent les règles et règlements du Ministère et recommander des mesures disciplinaires.

Responsabilités

[…]

Surveiller le contrôle des détenus ainsi que leurs déplacements; fournir des directives au personnel supervisant les détenus concernant les procédures et règlements de l’établissement, leur comportement ou la participation à leurs activités de travail. 

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Les objections de l’employeur

[81]  L’employeur avait trois objections principales : il ne s’agit pas véritablement d’un grief de principe, car il ne porte pas sur l’unité de négociation en général; la Commission n’a pas compétence en matière de classification; et les droits de gestion de l’employeur lui permettaient de modifier les tâches attribuées aux employés. La décision de ne plus appliquer la PFD était une question de classification découlant d’une modification des tâches.

[82]  La Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») prévoit au par. 220(1) des dispositions applicables aux griefs de principe comme suit :

220(1) Si l’employeur et l’agent négociateur sont liés par une convention collective ou une décision arbitrale, l’un peut présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention ou de la décision relativement à l’un ou l’autre ou à l’unité de négociation de façon générale.

[83]  Les griefs de principe ne concernent pas directement un fonctionnaire s’estimant lésé ou un groupe de fonctionnaires s’estimant lésés. Ils donnent plutôt aux parties à une convention collective ou à une sentence arbitrale, qui sont l’employeur et l’agent négociateur, l’occasion de soulever un différend général sur l’interprétation ou l’application de la convention collective ou la sentence arbitrale en ce qui les concerne ou l’unité de négociation en général.

[84]   Selon l’employeur, le présent grief concerne un groupe d’employés, les GL‑COI‑11, travaillant dans des établissements autres que les pavillons de ressourcement. Le recours approprié est un grief individuel ou collectif puisque la question ne concerne pas l’agent négociateur ou l’unité de négociation en général.

[85]  L’agent négociateur a invoqué l’article 58 de la convention collective, qui confère à chaque employé le droit à une description de travail complète et courante. Le recours applicable à une description de travail insuffisante est clairement un grief individuel. En outre, si l’agent négociateur conteste la description de travail, il doit faire témoigner tous les employés concernés. Les quelques GL‑COI‑11 qu’il a fait entendre ne lui permettent pas de s’acquitter de son fardeau d’établir que la description de travail est insuffisante.

[86]  Le grief porte sur le fait que les GL‑COI‑11 n’ont plus droit à la PFD. Ce droit constitue une question de classification, sur laquelle la Commission n’a pas compétence.

[87]  L’examen de la classification qui a donné lieu à la suppression de la PFD portait sur la modification des fonctions attribuées aux GL‑COI‑11. L’employeur peut ajouter ou supprimer des fonctions, conformément à l’art. 7 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11; (LGFP)); rien dans la Loi ou la convention collective ne modifie ce droit.

[88]  Le droit à la PFD, en soi, n’est pas prévu dans la convention collective. La PFD est versée dans les cas où le comité de classification estime qu’un poste comporte des responsabilités de formation. Il s’agit d’une décision de classification et, dans ce cas également, la Commission n’a pas compétence.

[89]  L’agent négociateur a également soutenu dans son grief que l’employeur avait contrevenu à l’appendice K de la convention collective, qui se lit comme suit :

Appendice « K » : Protocole d’entente entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada concernant l’examen de la classification

À moins que l’Alliance en convienne autrement, l’Employeur accepte de ne pas entreprendre de négociation collective concernant une modification des taux de rémunération du groupe Services de l’exploitation liée à l’examen de la classification pendant la durée de la présente convention tant qu’un avis de négocier n’aura pas été signifié.

[90]  L’employeur a fait valoir qu’il n’a ni entrepris une négociation collective, ni modifié les taux de rémunération prévus dans la convention collective. L’examen de la classification mentionné ne concerne pas la classification individuelle des postes, mais plutôt l’introduction de nouveaux groupes professionnels ou de nouvelles normes de classification, ce qui nécessiterait la négociation de nouveaux taux de rémunération. Par conséquent, cette allégation de l’agent négociateur ne devrait pas être prise en considération.

[91]  Afin que la Commission puisse circonscrire les questions à l’audience, l’employeur a demandé qu’elle fasse ce qui suit avant l’audience :

[Traduction]

déclarer qu’elle n’a pas compétence sur l’affectation des fonctions par l’employeur en vertu de l’article 7 de la LRTSPF;

déclarer qu’un grief de principe ne constitue pas le recours approprié dans les circonstances pour alléguer une violation de la disposition concernant l’exposé des fonctions;

déclarer qu’elle n’a pas compétence pour déterminer si une PFD doit être versée aux titulaires de postes GL‑COI‑11, puisqu’il s’agit d’une question de classification;

déclarer que l’appendice K de la convention collective est manifestement inapplicable en l’espèce.

[92]  Comme je l’ai indiqué plus tôt, je ne me suis pas prononcée sur les objections avant l’audience.

B.  Pour l’agent négociateur

1.  Les objections de l’employeur

[93]  Avant l’audience, l’agent négociateur a répondu qu’il était nécessaire de présenter des éléments de preuve pour que toutes les questions puissent être tranchées, et que si la Commission rendait la déclaration demandée par l’employeur, elle donnerait gain de cause à l’employeur avant d’avoir reçu la preuve de l’agent négociateur.

[94]  Selon l’agent négociateur, il s’agit véritablement d’un grief de principe. Les griefs ne sont pas mutuellement exclusifs et l’agent négociateur a le droit de présenter un grief de principe concernant l’application et l’interprétation de la convention collective. Deux conditions doivent être remplies : le grief doit porter sur l’application ou l’interprétation de la convention collective et il doit toucher les membres de l’unité de négociation visés par la convention collective (voir Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 7). L’intérêt plus général en l’espèce concerne la façon d’appliquer les dispositions sur la rémunération. À l’audience, l’agent négociateur a fait état de la préoccupation générale au sujet de la PFD.

[95]  L’agent négociateur s’est appuyé sur Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 84, pour affirmer qu’un grief de principe a été déposé à bon droit en l’espèce parce que l’agent négociateur demande que l’employeur respecte l’esprit de la convention collective. De plus, les agissements de l’employeur en l’espèce concernent l’unité de négociation, étant donné que les conditions pourraient (comme on le craignait) être modifiées à l’égard d’autres membres de l’unité de négociation. Il n’est pas nécessaire que tous les membres soient concernés. Il s’agit que l’unité négociation en général soit touchée, et non tous les membres directement (voir Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 95).

[96]  Selon une autre objection de l’employeur, le grief portait sur une question de classification et, par conséquent, la Commission n’a pas compétence. L’agent négociateur s’est opposé à cette objection en affirmant qu’il ne s’agit pas d’une question de classification, mais plutôt de la rémunération à laquelle les GL‑COI‑11 ont droit, compte tenu de leurs fonctions. Il a invoqué Stagg c. Canada (Conseil du Trésor), [1993] A.C.F. no 1393 (1re inst.) (QL) et Chadwick c. Canada (Procureur Général), 2004 CF 503, où la Cour fédérale a conclu que l’arbitre de grief avait compétence en matière de rémunération provisoire, étant donné que la question était visée par la convention collective. Je reviendrai à la jurisprudence dans mon analyse.

[97]  Enfin, l’employeur a invoqué ses droits de gestion, que lui confèrent les articles 7 et 11 de la LGFP. L’agent négociateur ne contestait pas les droits de gestion, mais a répondu qu’ils doivent être exercés de façon raisonnable et conforme à la convention collective (voir Association des juristes de justice c. Canada (Procureur général), 2017 CSC 55). Le même principe est énoncé dans Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 120 (« UCCO‑SACC 2007 »). La suppression déraisonnable de la PFD ne peut être considérée comme une application ou une interprétation juste et raisonnable de la convention collective. Selon cette convention, les GL‑COI‑11 ont droit à une rémunération équitable pour le travail qu’ils accomplissent.

[98]  La description de travail ne constitue pas une préoccupation en soi, la préoccupation concerne plutôt la façon dont l’employeur a agi lorsqu’il l’a modifiée dans le but exprès de réduire la rémunération des GL‑COI‑11. Rien ne l’empêche de faire l’objet d’un grief de principe.

2.  Le fond

[99]  La description de travail a été modifiée en raison d’une question concernant une divergence de rémunération, ce qui ne constitue pas une raison valable de rédiger des descriptions de travail ou d’exercer des activités de classification. Toutefois, les modifications apportées à la description de travail n’ont pas entraîné une modification des responsabilités des GL‑COI‑11. La supervision des gens de métier signifie qu’ils continuent d’être chargés de former les détenus, comme ils l’étaient auparavant. Leur interaction avec les détenus va au‑delà de ce qui est visé par l’IRC.

[100]  Dans le système de notation des postes de formateurs des détenus (selon la norme de classification), la notation de ces postes est définie par la nature des responsabilités et le nombre de détenus à former, directement ou « par l’intermédiaire de moniteurs subalternes ». Ces définitions n’ont pas changé et s’appliquent toujours. L’agent négociateur a fait valoir que les dispositions relatives à la rémunération ont été violées puisque la PFD fait partie de la rémunération des GL‑COI‑11; malgré la modification de la description de travail, leurs fonctions n’ont pas changé. L’article 58 a également été violé, étant donné que la description de travail n’est plus exacte.

[101]  L’agent négociateur a mis l’accent sur la différence entre la prime de surveillance et la PFD. En ce qui concerne la prime de surveillance, la convention collective indique clairement qu’elle sera établie en fonction de la norme de classification. Il n’existe aucune disposition équivalente pour la PFD; la convention collective prévoit simplement une définition de « rémunération » à l’appendice B, propre au groupe Manœuvres et hommes de métier, qui énonce que la rémunération comprend la prime de surveillance et la PFD, le cas échéant. La clause 4.01 de l’appendice B se lit comme suit : « Une prime de surveillance, établie dans l’annexe B, est versée aux employé-e-s de l’unité de négociation qui occupent des postes comportant une cote de surveillance aux termes de la norme de classification et qui exécutent des fonctions de surveillance. »

[102]  Il n’existe aucune clause équivalente pour la PFD et, par conséquent, la norme de classification sert à déterminer les coordonnées alphanumériques de la PFD, et non le droit à la PFD.

[103]  Il ressort clairement du processus de suppression de la PFD que c’était exactement l’objectif de l’employeur dès le départ. Comme M. Bélanger l’a indiqué dans son témoignage, il était clair que les administrateurs régionaux ont tenu compte de la formation directe lorsqu’ils ont reformulé la description de travail, et non des fonctions des GL‑COI‑11. Le témoignage de M. Sauvé ne contredit pas la version de l’agent négociateur. Il a déclaré qu’il avait décidé de s’assurer que les GL‑COI‑11 ne recevraient pas un salaire équivalent à celui des GL‑COI‑13. M. Morgan a fourni la justification de classification beaucoup plus tard.

[104]  L’employeur n’a pas contredit le témoignage des GL‑COI‑11 selon lequel leurs fonctions n’ont pas réellement changé. Les témoins de l’employeur ont souligné la formation directe, mais n’ont jamais nié que les GL‑COI‑11 continuent d’être chargés, en fin de compte, de la formation et de l’employabilité des détenus.

[105]  Enfin, le fait que les GL‑COI‑11 touchent l’IRC n’est pas pertinent. Il s’agit d’une indemnité qui fait partie de la convention collective et qui reconnaît le stress supplémentaire que représente le fait de travailler dans un établissement qui héberge des délinquants. Cela n’a rien à voir avec la formation des détenus.

[106]  L’employeur a cherché à se soustraire aux obligations salariales que lui impose la convention collective. C’est l’essence même de la violation, l’objet même du grief de principe.

C.  Pour l’employeur, sur le fond

[107]  L’employeur a fait valoir qu’il s’agit effectivement d’une question de classification et que c’est cet objet qui devrait être visé par le grief. L’employeur a reformulé les descriptions de travail, comme il a le droit de le faire en vertu des dispositions législatives, et un comité de classification a déterminé que la nouvelle description de travail ne comportait aucune formation des détenus.

[108]  Contrairement à ce que l’agent négociateur a affirmé, l’employeur a soutenu que la convention collective ne crée aucune obligation de verser la PFD. Si l’employeur n’attribue aucune fonction consistant à former les détenus, comme c’est le cas avec la nouvelle description de travail, l’employeur n’a alors aucune obligation de verser la PFD.

[109]  Les droits de gestion relatifs à l’attribution des fonctions et à la classification sont définis dans les dispositions législatives et ne sont pas remplacés par des dispositions de la convention collective. Une modification des fonctions peut être contestée, mais ne peut pas être renvoyée à l’arbitrage; un grief de classification ne peut pas non plus être renvoyé à l’arbitrage. Par conséquent, la Commission n’a pas compétence en l’espèce.

[110]  L’employeur s’est appuyé sur Jennings c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2011 CRTFP 20, pour affirmer qu’une description de travail générique peut être suffisante; il n’est pas nécessaire de décrire en détail tous les éléments des fonctions exercées.

[111]  L’employeur a établi un parallèle entre Batiot c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 114, et Maillet c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2014 CRTFP 16, où l’arbitre de grief a conclu que les employés s’attribuaient des fonctions que leur employeur n’exigeait pas ou qu’il n’exigeait plus. De même, si les GL‑COI‑11 ont des responsabilités de formateurs, ils exercent des fonctions qu’ils ne sont plus tenus d’exercer.

[112]  En bref, la décision porte sur la classification et la Commission n’a pas compétence.

IV.  Analyse

[113]  L’employeur soutient que le présent grief de principe ne constitue pas véritablement un grief de principe et, en outre, qu’il s’agit réellement d’un grief de classification, à l’égard duquel la Commission n’a pas compétence. La décision qui sous‑tendait l’exercice de classification, qui consistait à reformuler la description de travail, faisait simplement partie des droits de gestion et, encore une fois, la Commission n’a pas compétence.

[114]   J’ai refusé de rendre une déclaration avant l’audience, étant donné que j’étais d’accord avec l’agent négociateur pour dire qu’il était nécessaire d’examiner la preuve avant de prendre une décision, y compris une décision concernant les objections. J’aborderai chaque objection avant de me prononcer au fond sur le grief.

[115]  Le grief portait expressément sur les actes de l’employeur en violation de l’article 58 et des appendices C et K. À l’audience, l’appendice K n’a pas été invoqué.

[116]  Les parties ont présenté un certain nombre de décisions à l’appui de leurs arguments. Je citerai celles que j’ai jugé utiles pour la présente décision.

A.  S’agit-il véritablement d’un grief de principe?

[117]  L’employeur a soutenu qu’il ne peut pas s’agir d’un grief de principe, car il ne touche pas l’unité de négociation en général. Selon l’employeur, il devrait être présenté comme un grief individuel ou collectif.

[118]  Toutefois, l’art. 232 de la Loi font référence à la possibilité qu’un grief de principe porte sur « […] une question qui a fait ou aurait pu faire l’objet d’un grief individuel ou d’un grief collectif […] ». Cet article limite ensuite les mesures correctives que la Commission peut accorder dans un tel cas.

[119]  Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 84, l’arbitre de grief a rédigé ce qui suit :

[…]

65 […] L’article 232 de la Loi implique clairement que le législateur avait dans l’intention de faire qu’une politique puisse être remise en cause, sur la base de principes, au moyen d’un grief de principe avec un pouvoir réparateur idoine conféré à l’arbitre de grief, sans que les parties aient à attendre les incidences individuelles de l’application de la politique. Cette procédure peut aussi éviter qu’une multitude d’affaires soient déférées aux instances arbitrales et favoriser un examen anticipé et l’arbitrage de la violation alléguée de la convention collective résultant d’actions de la direction touchant son personnel de façon générale.

[…]

68 Le grief de principe, ainsi que je le comprends, se veut une tribune à laquelle les différends ou questions découlant de l’application et de l’interprétation de dispositions de la convention collective ou d’une décision arbitrale sont résolus sur une base de principes. Comme je l’ai dit plus tôt, l’article 232 de la Loi, qui investit l’arbitre de grief de pouvoirs déclaratoires et l’habilite à rendre une ordonnance enjoignant d’observer vient corroborer cette interprétation, mais il n’y est fait aucune mention de redressements individuels. Dans un tel contexte, je ne vois pas la pertinence de distinguer entre les politiques touchant l’ensemble des fonctionnaires de l’unité de négociation et celles ne touchant qu’une partie des employés de l’unité de négociation : le nombre d’employés susceptible d’être touché n’importe pas pour ce qui est de trancher la question de savoir si l’employeur est en situation de contravention de principe de la convention collective. Je ne peux trouver aucun motif de politique pour lequel le Parlement aurait requis que chaque employé inclus dans une unité de négociation ait nécessairement dû être touché par une action de l’employeur avant qu’un grief de principe ne puisse être présenté.

[…]

[120]  Les deux parties ont invoqué Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 95 : l’employeur, pour souligner le fait que la nature du grief (l’attribution des fonctions et la classification) ne justifiait pas un grief de principe; et l’agent négociateur, pour établir qu’un grief de principe constituait le recours le plus approprié en l’espèce. J’estime que le passage suivant de cette décision est utile en l’espèce :

[…]

56 Les exemples donnés ci‑dessus accréditent la conclusion selon laquelle l’employeur interprète incorrectement l’expression « unité de négociation de façon générale ». Peu importe que la politique touche 1 %, 10 % ou 50 % de l’unité de négociation, les mots « unité de négociation de façon générale » doivent être interprétés de manière qualitative plutôt que quantitative. Ce n’est pas le nombre de membres de l’unité de négociation directement touchés qui compte, mais la nature même du grief.

57 Puisque le paragraphe 220(1) de la Loi est ambigu, il est utile de le lire et de l’interpréter au regard du préambule, qui détermine le ton et l’objet de la Loi. Les paragraphes suivants du préambule présentent un intérêt particulier en l’espèce :

[…]

Attendu

[…]

que le gouvernement du Canada s’engage à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi;

que le gouvernement du Canada reconnaît que les agents négociateurs de la fonction publique représentent les intérêts des fonctionnaires lors des négociations collectives, et qu’ils ont un rôle à jouer dans la résolution des problèmes en milieu de travail et des conflits de droits;

que l’engagement de l’employeur et des agents négociateurs à l’égard du respect mutuel et de l’établissement de relations harmonieuses est un élément indispensable pour ériger une fonction publique performante et productive […]

[…]

58 Un grief est un problème qui découle des conditions d’emploi. Le préambule encourage les parties à résoudre les problèmes de façon efficace. La façon la plus efficace de résoudre un problème posé par une politique de l’employeur qui est présumée enfreindre la convention collective est de déposer un grief de principe, car la politique peut être contestée, qu’elle soit déjà en vigueur ou non, sans qu’il soit nécessaire de considérer les circonstances particulières des fonctionnaires auxquels elle pourrait s’appliquer à l’avenir.

59 L’interprétation par l’employeur de ce qui constitue un grief de principe est erronée. Dans le cas présent, l’employeur s’est trompé en rejetant le grief au motif qu’il ne s’agissait pas d’un grief de principe parce qu’il ne se rapportait pas à l’unité de négociation de façon générale. Or, le grief touche effectivement l’unité de négociation de façon générale, en ce sens qu’il concerne tous les membres de l’unité qui ont droit aux avantages prévus par l’article 40, sans égard aux circonstances de chacun. Tout membre de l’unité est susceptible d’être touché par l’article 40 s’il accepte un poste au Service correctionnel dont le titulaire a droit à l’IFP. Le fait le plus important à retenir est que le grief doit présenter un intérêt général pour les membres.

60 L’agent négociateur est fondé à soutenir que le recours à un grief de principe est commode dans les circonstances. Comme le précise l’article 232 de la Loi, un grief de principe peut se substituer à un grief individuel ou collectif : il n’y a pas exclusivité.

[…]

[121]  Dans ce cas, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a renvoyé à l’arbitrage un grief de principe concernant l’absence du versement d’une indemnité à laquelle un nombre restreint de membres de l’unité de négociation avait droit. L’employeur a soutenu que le versement de l’indemnité concernait les employés, et non l’agent négociateur, et qu’il ne s’agissait donc que d’un nombre restreint de membres de l’unité de négociation. L’arbitre de grief a conclu qu’un grief de principe constituait le grief qui s’appliquait au problème.

[122]  En l’espèce, l’employeur a fait valoir que les descriptions de travail et la classification devraient être contestées au moyen de griefs individuels ou collectifs. Toutefois, comme l’art. 232 de la Loi et la jurisprudence citée ci‑dessus précisent clairement, un grief de principe peut être utilisé au lieu d’un grief individuel ou collectif – il n’existe aucune exclusivité.

[123]  Le présent grief de principe sert à présenter efficacement à la Commission un grief concernant l’unité de négociation en général, puisqu’il porte sur une modification apportée à la description de travail générique qui s’applique à tous les GL‑COI‑11 (AE) et une modification correspondante de leur rémunération. Il porte sur l’application de la convention collective, car l’article 58 de la convention collective confère aux employés le droit à un exposé complet et courant des fonctions. La rémunération d’un GL‑COI‑11 comprend la PFD, le cas échéant, comme le prévoit la définition de « rémunération » à l’appendice B.

B.  S’agit-il d’un grief de classification?

[124]  Dans Stagg, l’arbitre de grief a décliné compétence à l’égard d’un grief relatif à la rémunération d’intérim. L’arbitre de grief a accepté le raisonnement de l’employeur selon lequel il s’agissait d’un cas concernant la classification, car le fait de rémunérer l’employée selon un taux plus élevé équivaudrait à la reclassification de son poste, ce qu’un arbitre de grief (ou en l’espèce, la Commission) ne peut pas faire.

[125]  La Cour fédérale a conclu que l’arbitre de grief s’était mépris sur sa compétence. La rémunération d’intérim était un droit en vertu de la convention collective, indépendamment de la classification. L’arbitre de grief était tenu de déterminer si la fonctionnaire s’estimant lésée avait droit à une rémunération d’intérim pour la période pendant laquelle elle a soutenu avoir exercé les fonctions d’une classification supérieure.

[126]  En l’espèce, l’employeur a fait valoir qu’aucune disposition de la convention collective ne confère aux employés un droit à la PFD; le droit découle plutôt de la classification du poste.

[127]  L’agent négociateur a souligné le fait que même lorsqu’une prime de surveillance est accordée si une cote de surveillance est attribuée au poste en vertu de la norme de classification (appendice b, clause 4.01), il n’existe aucun libellé équivalent pour la PFD, qui est versée « le cas échéant » (voir les définitions prévues à l’appendice B), tout comme la prime de surveillance, mais sans préciser que le versement de la PFD constitue une décision de classification. L’agent négociateur a fait valoir que le comité de classification ne fournit que la valeur alphanumérique des responsabilités en matière de formation; il ne détermine pas le droit, comme il le fait pour la prime de surveillance.

[128]  L’interprétation des conventions collectives est semblable à l’interprétation des lois. L’intention des parties doit être interprétée à partir du sens clair du texte. Comme cela a été indiqué dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 7 :

[…]

109 Brown et Beatty, au paragraphe 4:2100, prévoit que l’intention des parties à une convention collective doit être déterminée à partir de l’instrument écrit. La fonction des tribunaux ou des tribunaux administratifs, comme le nôtre, est de déterminer ce que les parties entendent par les mots qu’elles ont utilisés et de déclarer le sens de ce qui est écrit dans l’instrument, et non de ce qui était censé avoir été écrit. Par conséquent, pour déterminer l’intention des parties, la présomption cardinale est qu’elles sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens de la convention collective doit être déterminé en fonction de ses dispositions expresses.

[…]

[129]  Dans Stagg, la fonctionnaire s’estimant lésée avait manifestement droit à la rémunération d’intérim et la classification n’a joué aucun rôle, sauf dans la mesure où la différence de notation (et, par conséquent, de rémunération) entre deux niveaux de responsabilité constitue une décision de classification. En l’espèce, il n’y a aucun débat sur le fait que la cote alphanumérique du poste GL‑COI‑11 aux fins de la PFD constitue une décision de classification, ce qui n’est pas ce que l’agent négociateur m’a demandé de décider.

[130]  Le grief de l’agent négociateur porte plutôt sur les fonctions du poste GL‑COI‑11 et tout versement correspondant de la PFD, le cas échéant. Encore une fois, la convention collective prévoit le droit à un exposé complet et courant des fonctions. La rémunération d’un GL‑COI‑11 comprend également la PFD, le cas échéant, comme le prévoit la définition de « rémunération » à l’appendice B.

[131]  Si le grief portait uniquement sur la cote de classification établie par le comité, je n’aurais pas compétence et j’estimerais que le grief concerne une question de classification. Toutefois, comme je l’établirai plus loin, l’employeur et le comité de classification n’ont simplement pas tenu compte des fonctions en matière de formation. Par conséquent, les employés ont été privés de « rémunération » à laquelle l’employeur avait précédemment déterminé ils avaient droit parce qu’ils exécutaient la fonction en matière de formation des détenus. L’employeur doit s’assurer que les employés ont un exposé complet et courant des fonctions et qu’ils sont payés pour ce qu’ils font; cela est prévu dans la convention collective, tel que cela est indiqué ci‑dessus. Dans la mesure où l’employeur ne s’est pas acquitté de ces obligations, il s’agit d’une violation de la convention collective et non d’une question de classification.

C.  Les droits de gestion de l’employeur

[132]  La LGFP accorde au Conseil du Trésor un pouvoir en matière de ressources humaines en général et de classification en particulier. La Loi réaffirme ces droits dans le contexte des relations de travail comme suit :

[…]

6 La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor conféré par l’alinéa 7(1)b) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

7 La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

[…]

[133]   Toutefois, ces droits sont limités par la convention collective et par son application de bonne foi. Tel que cela a été déclaré dans Bodnar c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 71, (annulée pour d’autres motifs dans 2017 CAF 171) :

[…]

136 L’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour interpréter la PNGP puisqu’elle a été établie en vertu du pouvoir de gestion de l’employeur qui lui a été conféré par la LGFP, à moins qu’elle ait été intégrée expressément à la convention collective ou interdite expressément par celle‑ci. Il s’agit d’un énoncé très général concernant les droits de la direction et je n’y souscris pas. La direction a le droit, tel qu’il a été indiqué antérieurement, de mettre en œuvre une politique, mais elle est limitée non seulement par ce qui est prévu par la convention collective, mais également par tout ce qui a pour effet de violer les dispositions de celle‑ci. […]

[…]

[134]  Dans UCCO‑SACC 2007, l’employeur s’est opposé à un grief collectif concernant le versement des primes en temps opportun, puisque la convention collective ne précisait aucun échéancier. L’arbitre de grief a conclu qu’en examinant les clauses relatives aux fins de la convention collective, il était implicite que le montant auquel les employés avaient droit serait versé dans un délai raisonnable. L’arbitre de grief a rédigé ce qui suit :

[…]

22 Dans la jurisprudence arbitrale, de nombreuses discussions ont questionné l’obligation d’un employeur d’administrer la convention collective de manière juste et raisonnable (voir Mitchnick et Etherington, Labour Arbitration in Canada aux paragraphes 16.2 et 16.3). Dans Blue Line Taxi Co. and R.W.D.S.U., Local 1688 (1992), 28 L.A.C. (4th) 280, l’arbitre a résumé la discussion et les conclusions comme suit (aux pages 287‑288) :

[…]

Selon mon interprétation de la loi, l’employeur sera donc tenu responsable de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de la direction seulement si un lien peut être établi avec la convention collective. Un tel lien peut être trouvé si a) la convention collective confère ou reconnaît expressément un pouvoir discrétionnaire à la direction ou b) si l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire risquerait d’annuler ou de miner certaines dispositions de la convention.

[…]

[135]  L’employeur a le pouvoir discrétionnaire de modifier la description de travail et de classifier les postes. Toutefois, l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne peut donner lieu à la négation des droits découlant de la convention collective. C’est exactement ce que soutient l’agent négociateur en l’espèce. Par conséquent, je ne peux pas simplement rejeter le grief en raison des droits de gestion.

D.  Le fond

[136]  L’employeur a soutenu que si l’agent négociateur conteste la description de travail, il devra citer tous les employés concernés à témoigner. J’estime qu’il suffit de démontrer que la description de travail générique est fondamentalement erronée. Je conclus que la description de travail générique pour les GL‑COI‑11 (AE) n’est pas complète en ce qui concerne la description de leurs fonctions en matière de formation des détenus. Je n’ai pas besoin d’entendre le témoignage de chaque GL‑COI‑11 pour le confirmer.

[137]  L’agent négociateur a soutenu que les agissements de l’employeur contrevenaient aux dispositions de la convention collective relatives aux descriptions de travail et à la rémunération. Je suis du même avis.

[138]  La suppression des fonctions en matière de formation des détenus de la description de travail de 2018 a été clairement motivée pour réduire la rémunération des GL‑COI‑11, puisque les GL‑COI‑13 n’auraient plus droit à la PFD. Très peu d’éléments de preuve concernant la situation des GL‑COI‑13 qui ne sont pas représentés par un agent négociateur, car ils occupent des postes de direction) m’ont été présentés, mais ils suffisent pour me permettre de comprendre qu’ils ont fait l’objet d’une véritable modification de leurs fonctions. Certains GL‑COI‑13 (comme ce fut le cas pour le superviseur de M. Gower lorsque M. Gower était un homme de métier qui formait directement les détenus) effectuaient le travail des GL‑COI‑11 (et recevaient la PFD). À la suite de la restructuration des établissements dans l’ensemble du SCC, les GL‑COI‑13 se sont retrouvés à deux niveaux au-dessus des  gens de métier et ne participent donc pas à la formation des détenus.

[139]  La suppression de la PFD est liée à la description de travail de 2018. Toutefois, cette description de travail comprend encore (comme je l’indiquerai plus loin) des éléments que le comité de classification a utilisés en tant qu’indicateurs de formation dans son exercice de classification de 2017.

[140]  Les documents présentés à l’audience concernant la modification des descriptions de travail et les délibérations et la conclusion du comité de classification indiquent clairement que l’employeur voulait s’assurer que la PFD ne serait plus versée aux GL‑COI‑11. Je conclus qu’il s’agit de la raison de la modification soudaine de juin 2017 à février 2018 selon laquelle les GL‑COI‑11 n’offraient plus de formation.

[141]  Aucune explication n’a été fournie pour justifier la décision du deuxième comité de classification. M. Morgan, le spécialiste en classification entendu à l’audience, n’avait aucune connaissance des discussions du comité. Il a parlé en termes généraux de l’exercice de classification, certainement pas des faits particuliers de l’espèce.

[142]  Là encore, je suis tout à fait consciente du fait que la Commission n’a pas compétence en matière de classification. Cependant, les éléments de preuve relatifs aux délibérations du comité de classification sont utiles pour savoir si la description de travail de 2018 a été suscitée par une modification réelle des fonctions des GL‑COI‑11.

[143]  La justification du premier comité de classification dans la détermination de la cote de formation et du niveau de la PFD pour les GL‑COI‑11 qui travaillent dans les pavillons de ressourcement comprenait un certain nombre de points qui figuraient également dans la description de travail de 2018 (AE) :

[Traduction]

  • déterminer les besoins d’emploi de détenus à l’appui des activités de l’équipe d’entretien;
  • s’assurer que l’environnement de travail où les détenus sont employés est sécuritaire pour eux et pour les employés;
  • coordonner les activités liées au programme d’emploi des détenus à l’intérieur du cadre défini;
  • et proposer des mesures disciplinaires, contrôler le comportement et les déplacements des détenus et déterminer et appliquer les exigences appropriées en matière de surveillance.

[144]  Pourtant, dans le rapport du deuxième comité de classification, il n’y a aucune cote pour la formation parce que, selon le comité, il n’existe aucune obligation de formation, malgré le fait que les mêmes facteurs figurent dans la description de travail.

[145]  Aucune explication n’a été donnée. Il semble clair que la direction a décidé d’éliminer la PFD pour les GL‑COI‑11 (à l’exception des pavillons de ressourcement) et que le comité de classification a accepté la demande de la direction. Je fonde cette conclusion sur le fait que les descriptions de travail [traduction] « sans PFD » ont été envoyées aux fins de signature le 8 février, soit la veille de la signature du rapport par le comité de classification le 9 février. Je fonde également mes conclusions sur les contradictions figurant au deuxième rapport; c’est‑à‑dire, ne pas tenir compte des facteurs qui avaient été utilisés auparavant pour conclure que les GL‑COI‑11 offraient une formation.

[146]  Les témoignages de M. Roy, de M. Lantagne et de M. Gower m’ont convaincu que le travail des GL‑COI‑11 n’a pas changé, malgré les modifications apportées à la description de travail. Ils ne sont pas généralement chargés de la formation directe des détenus, et ils ne l’ont jamais été. Ils participent étroitement, comme ils l’ont toujours fait, à la formation et à la supervision des détenus et ils contribuent directement à la motivation et à l’estime de soi des détenus au moyen d’interactions fréquentes avec eux et en participant aux plans d’apprentissage et aux évaluations des détenus.

[147]  Je ne trouve pas que le présent cas est semblable à celui de Batiot, que l’employeur a invoqué pour illustrer le fait que les employés pourraient s’attribuer des fonctions que l’employeur n’exige pas. Les GL‑COI‑11 sont toujours responsables du travail effectué par les gens de métier et les détenus. Ils sont toujours responsables de l’« employabilité » des détenus. Ils ne peuvent pas exercer correctement ces fonctions sans participer à la formation des détenus. Le problème concernant la description de travail est qu’elle est devenue floue. Elle comprend et supprime la responsabilité en matière de formation; une description de travail complète et courante doit être claire.

[148]  Tel qu’il a été indiqué dans l’extrait suivant de Maillet, le critère de l’exactitude de la description de travail consiste à savoir si les fonctions continuent d’être exercées :

[…]

64 […] L’approche adéquate consiste à comparer la description de travail avec les fonctions, activités et responsabilités dont s’acquittait le fonctionnaire et dont il entendait s’acquitter au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle description de travail. Les fonctions ne figurant pas dans la description de travail et qui ont continué d’être exécutées après cette date sont pertinentes si, vu l’ensemble de la preuve, elles étaient importantes et faisaient partie intégrante des fonctions du fonctionnaire. Elles ne sont pas pertinentes si la preuve permet d’établir que leur exécution était soit volontaire, soit le résultat du type de chevauchement temporaire qui se produit lorsqu’une nouvelle description de travail remplace une ancienne description.

[…]

[149]  L’employeur a fait valoir qu’il s’agissait plutôt d’un cas où les fonctions continuaient d’être exercées en raison d’un [traduction] « chevauchement transitoire ». Je ne suis pas de cet avis. Je suis convaincue, d’après les éléments de preuve, que les fonctions existent encore et que la responsabilité en matière de formation des détenus incombe aux GL‑COI‑11, quoique indirectement, comme c’était le cas en grande partie auparavant.

[150]  Les définitions suivantes sont données pour « Nature des fonctions de formation » et « Nombre de détenus à former » : 

« Nature des fonctions de formation » : initiatives prises individuellement ou collectivement et graduellement, en vue d’établir des relations avec les détenus, de les encourager à s’améliorer, de susciter chez eux la fierté du travail accompli, de les former à tel ou tel métier et de les aider à mieux se connaître. 

« Nombre de détenus à former » : nombre approximatif de détenus que le titulaire est chargé de former, soit directement, soit par l’intermédiaire de moniteurs subalternes.

[151]  Ces définitions s’appliquent toujours. Je ne peux pas évaluer correctement la description de travail des GL‑COI‑11 en ce qui concerne ces définitions; cette tâche incombe à un comité de classification. Cependant, cette tâche doit être accomplie de bonne foi, en fonction d’un exposé complet et courant des fonctions.

[152]  Les titulaires de poste et l’agent négociateur n’ont pas été consultés au sujet de la description de travail de 2018. L’employeur a certainement le droit d’attribuer des fonctions, d’en ajouter et d’en supprimer. Mais, en même temps, comme le prévoit la convention collective, les employés ont droit à une description de travail complète et leurs tâches devraient y être indiquées de manière exacte.

[153]  J’estime que la description de travail de 2018 (AE) ne tient pas compte de toutes les tâches des GL‑COI‑11 en matière de formation des détenus. Selon les éléments de preuve, la description de travail de 2016 tenait fidèlement compte de leurs fonctions. Les GL‑COI‑11 ont droit à une description équitable de leurs fonctions. Dans une décision citée par l’employeur, Currie c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2006 CAF 194, la Cour d’appel fédérale a précisé que pour qu’un employé demande une reclassification, il doit d’abord accepter sa description de travail. Si la description de travail omet une partie importante de son travail, elle doit être corrigée.

[154]  Je conviens qu’une description de travail générique peut suffire (voir Jennings). Cela dit, si des éléments importants sont omis qui empêchent le comité de classification d’évaluer équitablement le poste, la description de travail doit être modifiée. Selon Wilcox c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 145, au par. 28 : « Dans la mesure où la description de travail décrit en termes assez larges la gamme complète des fonctions et responsabilités attribuées au poste et qu’elle rend compte de la réalité de la situation d’emploi de l’employé, il n’y a pas de problème. » Le problème dans le présent cas est que la description de travail de 2018 (AE) ne tient pas compte de « la gamme complète des fonctions et responsabilités ».

[155]  Je ne peux pas dire au comité de classification comment évaluer les postes; il possède l’expertise nécessaire. Toutefois, il doit assurer l’uniformité de ses évaluations, par souci d’équité et de relations de travail harmonieuses.

[156]  En outre, on s’attend à ce que les dispositions de la convention collective soient mises en œuvre de manière équitable, afin de respecter les principes enchâssés dans le préambule de la Loi et dans la clause énonçant l’objet de la convention collective. Même si l’employeur a le pouvoir discrétionnaire en matière d’attribution des fonctions et de classification des postes, la convention collective confère aux employés le droit à un exposé complet et courant des fonctions et, le cas échéant, le droit au versement de la PFD. Comme il a été mentionné précédemment, l’employeur sera tenu responsable de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire si un lien à la convention collective peut être établi. J’estime qu’il existe un tel lien en l’espèce. La description de travail de 2018 pour les GL‑COI‑11 (AE) ne tient pas fidèlement compte de leurs fonctions en matière de formation des détenus, comme l’exige l’article 58 de la convention collective.

[157]  Je conclus en outre que la suppression des fonctions en matière de formation des détenus de la description de travail de 2018 n’était pas fondée sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la direction en ce qui concerne l’attribution des fonctions, mais visait à annuler le droit des GL‑COI‑11 à la PFD, déterminé précédemment. La PFD fait partie de la convention collective et on s’attend à ce qu’elle soit versée aux employés « le cas échéant » (appendice B de la convention collective). Jusqu’en mars 2018, les GL‑COI‑11 ont touché la PFD conformément aux fonctions énoncées dans la description de travail de 2016 et à la décision du comité de classification, rendue en fonction de cette description de 2016, selon laquelle elle s’appliquait. Les éléments de preuve en l’espèce permettent d’établir que la description de travail de 2016 est demeurée courante et complète et que les modifications qui lui ont été apportées par l’employeur en mars 2018 n’étaient pas exactes quant aux  modifications apportées aux fonctions. Par conséquent, je conclus que la description de travail de 2016 et le droit correspondant à la PFD, tel que l’employeur l’a déterminé précédemment, sont demeurés applicables et que l’employeur a violé les dispositions de la convention collective relatives à la rémunération lorsqu’il n’a pas versé aux GL‑COI‑11 cette PFD applicable, à compter de mars 2018.

[158]  Par conséquent, je conclus que les dispositions de la convention collective relatives à la rémunération (appendice B, définition de « rémunération »), ainsi que l’article 58, qui confère aux employés le droit à « […] un exposé complet et courant des fonctions et des responsabilités […] » de leur poste, ont été violées.

[159]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[160]  Les objections de l’employeur sont rejetées.

[161]  Le grief de principe est accueilli.

[162]  Je déclare que l’article 58, qui confère aux employés le droit à un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités de leurs postes, a été violé.

[163]  La description de travail de 2018 pour les GL‑COI‑11 (AE) est incomplète. J’ordonne à l’employeur de rétablir la description de travail de 2016, à compter de mars 2018.

[164]  Je déclare que l’employeur a violé les dispositions de la convention collective relatives à la rémunération (appendice B, définition de « rémunération »), à compter de mars 2018, lorsqu’il n’a pas versé aux GL‑COI‑11 la PFD qu’il avait déterminée s’appliquer en raison de la description de travail de 2016.

Le 9 novembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

Marie‑Claire Perrault,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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