Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief dans lequel il affirmait avoir droit à une indemnité de rappel – après son quart régulier, il était en disponibilité pendant quatre heures en tant que personne-ressource pour le système de surveillance de la sécurité, qui suit les employés sur le terrain – pour mettre fin à son quart de disponibilité, il devait se connecter au système afin de vérifier que tous les employés étaient en sécurité de retour de leur travail sur le terrain – il s’est connecté au système deux heures après avoir commencé son quart et ainsi confirmé que tous les employés étaient en sécurité, mettant fin à sa disponibilité – il a soutenu que la connexion constituait un travail de rappel – dans un grief antérieur, la direction a reconnu avec lui qu’il y avait une certaine confusion quant aux rôles et aux responsabilités et il a reçu une indemnité de rappel lorsqu’il s’est connecté au système – la direction a confirmé par la suite aux employés que l’enregistrement final ne serait pas considéré comme un rappel – alors que le grief antérieur appuyait l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé, la Commission a conclu que la direction pouvait revoir son interprétation – la convention collective stipulait que le statut de disponibilité change lorsque l’employeur demande à l’employé de se présenter au travail ou de répondre à un appel – la connexion du fonctionnaire s’estimant lésé met fin à ses fonctions de disponibilité; il ne s’agissait pas d’un appel au travail ni d’un rappel au travail – si une intervention plus approfondie avait été nécessaire, ou si le fonctionnaire s’estimant lésé avait dû faire d’autres appels pour assurer la sécurité des travailleurs, il aurait probablement droit à une rémunération supplémentaire – cependant, l’obligation de se connecter n’était pas un tel appel au travail, ni une demande de se présenter au travail de l’employeur.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date : 20201204

Dossier : 566‑02‑13721

 

Référence : 2020 CRTESPF 112

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Gordon Holmes

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de l’Environnement)

 

employeur

Répertorié

Holmes c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Marie‑Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé :  Mariah Griffin‑Angus, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur :  Adam C. Feldman, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 22 juillet, le 12 août et les 2 et 16 septembre 2020.

(Traduction de la CRTESPF


 

MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

 

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  Gordon Holmes, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était un superviseur à Services hydrologiques nationaux, Relevés hydrologiques du Canada (RHC), une division d’Environnement Canada (EC). Il faisait partie d’une unité de négociation représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada, qui avait signé une convention collective avec le Conseil du Trésor visant le groupe Services techniques. La convention collective est venue à échéance le 21 juin 2014 (la « convention collective »).

[2]  Le 25 mars 2015, le fonctionnaire a déposé un grief dans lequel il affirme qu’il avait droit à une indemnité de rappel pour le 19 février 2015. Ce jour‑là, après son quart régulier, il était en disponibilité en tant que personne‑ressource d’EC pour le système de surveillance de la sécurité des employés sur le terrain. Pendant qu’il était en disponibilité, il a ouvert une session dans le système afin de vérifier si tous les employés qui travaillaient sur le terrain étaient de retour en toute sécurité. La session dans le système l’a confirmé, mettant fin à sa disponibilité. Il soutient que l’ouverture de la session constituait un rappel au travail; l’employeur conteste son interprétation de « rappel ».

[3]  Le 2 février 2017, le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, renommée depuis la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »; voir la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures, L.C. 2017, ch. 9). Les parties ont convenu de procéder au moyen d’arguments écrits.

II.  Résumé de la preuve

[4]  Les parties ont déposé l’énoncé conjoint des faits suivant auprès de la Commission :

[Traduction]

1. Gordon Holmes était un superviseur hydrométrique aux Services hydrologiques nationaux, Direction générale des relevés hydrologiques du Canada, une division d’Environnement Canada, à Prince George, en Colombie‑Britannique.

2. En tant que superviseur, il était la « personne‑ressource d’EC » au sein du cadre de gestion mis en œuvre pour assurer la sécurité des équipes sur le terrain.

3. SafetyLine était une application informatique instaurée comme moyen de surveiller les équipes sur le terrain. Grâce à SafetyLine, les équipes enregistraient périodiquement le début et la fin de leur quart dans un système automatisé par téléphone, par appareil satellite ou par ordinateur pour confirmer que le travail avait été accompli en toute sécurité. Les équipes devaient s’enregistrer toutes les quatre heures et les heures de début des équipes variaient, ce qui signifiait que l’heure du dernier enregistrement pour la dernière équipe variait également.

4. M. Holmes, en tant que personne‑ressource d’EC, était la personne‑ressource sur appel. Si un employé ne s’enregistrait pas dans les délais prescrits, ou avait besoin d’une aide immédiate, le système SafetyLine en informait la personne‑ressource d’EC par téléphone ou par courriel. Après avoir accusé réception de la notification de SafetyLine, la personne‑ressource d’EC suivait une série de procédures d’intervention d’urgence. Il n’y a eu aucune urgence le jour en litige.

5. Les personnes‑ressources d’EC étaient en disponibilité et la direction leur avait demandé d’avoir leurs téléphones cellulaires sur eux et d’être à proximité d’une connexion cellulaire ou Internet jusqu’à ce que la dernière équipe se soit enregistrée à la fin de la journée, ce qui pouvait avoir lieu en dehors des heures normales de travail. La personne‑ressource d’EC devait vérifier les itinéraires au début de la journée. Toute modification apportée à l’itinéraire devait être saisie dans SafetyLine par l’équipe.

6. La Directive sur l’enregistrement de la santé et de la sécurité au travail, publiée en 2014, définit une personne‑ressource d’EC comme [traduction] « […] une ou des personnes‑ressources du Ministère qui doivent être informées en cas d’urgence ou d’un défaut de communiquer avec l’employé. » Elle énonce que [traduction] « Les personnes‑ressources d’EC doivent être disponibles aux fins de communication provenant des employés et être prêtes et en mesure de les aider, jusqu’à ce qu’elles soient informées qu’un employé ou une équipe sur le terrain s’est enregistré ou qu’un itinéraire a été fermé. Lorsqu’il est impossible de communiquer avec un employé en retard dans les délais impartis et conformément à l’itinéraire, la personne-ressource d’EC en est informée rapidement au début du processus. » [Le passage en évidence l’est dans l’original.]

7. La Procédure de vérification de la sécurité au travail en toute sécurité de RHC, publiée le 5 juin 2014 et approuvée de nouveau le 28 octobre 2014, portait sur les protocoles utilisés pour SafetyLine à Relevés hydrologiques du Canada (RHC). Les employés ont reçu l’Introduction aux directives sur les Procédures de vérification de la sécurité au travail en toute sécurité utilisées à Relevés hydrologiques du Canada, les exigences des fournisseurs et une formation sur les lignes directrices à l’intention des utilisateurs, qui mentionne : [traduction] « Les surveillants peuvent consulter le site Web du fournisseur en tout temps, au besoin. Le surveillant est en appel jusqu’à ce que le dernier employé s’enregistre. Les surveillants recevront et accepteront toute notification du fournisseur – Urgence non confirmée ou Panique d’urgence ». Il y a eu de la confusion au début de la mise en œuvre de SafetyLine concernant les définitions de [traduction] « surveillant » et de [traduction] « personne‑ressource d’EC ». David Hutchinson, l’ancien superviseur du fonctionnaire, a envoyé un courriel à Gordon Holmes, le 22 décembre 2014, intitulé [traduction] « Objet : Directive sur l’enregistrement en toute sécurité », dans lequel M. Hutchinson a écrit ce qui suit : [traduction] « Aux fins des opérations sur le terrain de RHC, la “personne‑ressource d’EC” est définie comme le surveillant sur appel […] aux fins des opérations sur le terrain de RHC, le “surveillant des itinéraires” est défini comme SafetyLine ».

8. Le surveillant des itinéraires (SafetyLine) était chargé d’informer les personnes‑ressources d’EC : lorsqu’une mission était terminée en toute sécurité; en cas d’absence d’un enregistrement ou d’une urgence confirmée. Une fois que le surveillant des itinéraires accepte les notifications d’urgence non confirmées du fournisseur, le surveillant des itinéraires doit communiquer avec la personne‑ressource d’EC.

9. Russ White, le gestionnaire de la région du Pacifique et du Yukon, a écrit un courriel à l’intention du fonctionnaire le 24 juin 2014, selon lequel [traduction] « l’acte de vérifier qu’aucun membre du personnel n’est surveillé activement, ce qui revient à ouvrir une session ou à actualiser la page d’accueil de SL, ne sera pas considéré comme un “rappel” et ne déclenchera pas trois heures au titre d’heures supplémentaires. » Les membres du personnel sont rémunérés pour la disponibilité lorsqu’ils agissent en tant que surveillant désigné.

10. Le jour en litige, soit le 19 février 2015, M. Holmes a travaillé son quart de travail régulier de 7 h 30 à 16 h 30. Il était en disponibilité jusqu’à 20 h 30. Le dernier enregistrement ce soir‑là a eu lieu 1,5 heure après la fin des heures normales de M. Holmes.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[5]  Selon le grief et la réponse au deuxième palier à ce grief, la journée en litige est le 12 mars 2015; la réponse au troisième palier indique qu’il s’agit du 19 février 2015. Cette différence n’est pas pertinente aux fins de la présente décision. L’objet du grief en soi est clair.

[6]  En plus de l’énoncé conjoint des faits, les parties ont inclus un certain nombre de documents qui indiquent que lors de la mise en œuvre d’un système appelé « SafetyLine », le rôle des surveillants d’EC n’était pas tout à fait clair. En janvier 2014, l’employeur a fait droit à un grief semblable déposé par le fonctionnaire, comme suit :

[Traduction]

[…]

Même si la Procédure de travail en toute sécurité ne précise pas expressément la nécessité de le faire, les mesures que vous avez prises en ouvrant une session pour vous assurer que tous les employés étaient de retour appuyaient l’esprit de la procédure. Le fait que vous l’ayez fait constitue un rappel et devrait être rémunéré comme tel, conformément à la convention collective.

[…]

[7]  Toutefois, l’employeur a examiné et clarifié les fonctions de disponibilité dans un courriel provenant de Russel White, gestionnaire régional du Pacifique et du Yukon, en date du 27 juin 2014, comme suit :

[Traduction]

[…]

Lorsque le surveillant désigné est un membre du personnel, il reçoit un salaire de disponibilité, conformément à la clause 30.01 de la convention collective (rémunération de 0,5 heure pour 4,0 heures de disponibilité).

Lorsque le surveillant répond à une urgence non confirmée, il reçoit une indemnité de rappel, conformément à la clause 29.01 de la convention collective (3 heures au titre d’heures supplémentaires).

La Procédure de vérification de la sécurité au travail en toute sécurité exige qu’un surveillant soit en disponibilité tant que le personnel est sur le terrain. Même si les surveillants peuvent vérifier l’heure du dernier enregistrement dans les itinéraires pendant les heures normales de travail, ils devront vérifier si les itinéraires sont fermés avant de mettre fin à leur quart de surveillance. L’acte de vérifier qu’aucun membre du personnel n’est  surveillé activement, ce qui revient à ouvrir une session ou à actualiser la page d’accueil de SL, ne sera pas considéré comme un « rappel » et ne déclenchera pas trois heures au titre d’heures supplémentaires.

[…]

[8]  Tel qu’il est indiqué dans l’énoncé conjoint des faits, la responsabilité de la personne‑ressource d’EC en disponibilité, selon la [traduction] « Directive sur l’enregistrement en toute sécurité » d’EC, consistait à être disponible et prêt à aider.

[9]  En expliquant son grief dans un courriel en date du 15 avril 2015, à l’intention de Josée St‑Arnaud, une conseillère en relations de travail auprès de l’employeur, le fonctionnaire a rédigé ce qui suit pour décrire les mesures qu’il a prises pendant qu’il était en disponibilité (la numérotation de la citation commence à 8 parce que les mesures 1 à 7 ont été prises pendant les heures normales de travail) :

[Traduction]

[…]

8) Au cours de la soirée, de nombreuses vérifications du site Web SafetyLine afin de vérifier l’heure à laquelle tous les équipes ont mis fin à leur surveillance pour la journée. Je dois ouvrir une session dans le site Web SafetyLine à l’aide d’un ordinateur ou d’un BlackBerry afin de déterminer quand le site Web affiche [traduction] « 0 activement surveillé ».

9) Consigner l’heure du dernier enregistrement, une fois que tous les employés ont terminé leur journée. Vérifier si des enregistrements ont été omis et s’ils ont été résolus, vérifier toute modification apportée à l’itinéraire des jours suivants, conformément à la directive d’EC sur l’enregistrement en toute sécurité (le 19 décembre 2014).

10) Tenir à jour un registre pour la semaine afin de rendre compte des fonctions/événements pour la semaine, conformément au protocole régional à titre d’indicateur du rendement.

11) Après avoir déterminé qu’aucun enregistrement n’a été omis et que tous les employés ont terminé leur journée de travail et mis fin à la surveillance, et qu’aucun suivi supplémentaire auprès des employés ou des gestionnaires n’est nécessaire, éteindre le téléphone cellulaire pour la soirée.


Les fonctions de surveillant des employés ne se limitent pas à attendre que le téléphone sonne, la raison de la vérification de
[traduction] « 0 activement surveillé » est de s’assurer que tous les membres du personnel soient pris en compte et que personne ne demeure en état actif sur le terrain. Ces fonctions exigent que le surveillant ouvre une session dans le site Web et exécute les tâches énumérées à la fin de la journée et fasse rapport de toute dérogation au protocole prévu par la directive d’EC […].

[…]

III.   Résumé de l’argumentation

A.  Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[10]  Le fonctionnaire soutient que l’expression « en disponibilité » signifie être prêt à travailler, au besoin. Une indemnité de rappel vise à couvrir le travail accompli. En l’espèce, l’acte d’ouvrir une session constituait un travail accompli pour assurer la sécurité des employés sur le terrain.

[11]  Je cite les arguments du fonctionnaire, qui a écrit ce qui suit aux paragraphes 25 et 26 :

[Traduction]

25. Afin de terminer son quart, M. Holmes a dû vérifier si tous les employés s’étaient enregistrés et qu’aucune modification n’ait été apportée aux itinéraires. Si un itinéraire avait été modifié afin de se terminer plus tard, M. Holmes ne l’aurait pas su s’il n’avait pas ouvert une session pour le vérifier. Il devait ouvrir une session, comme l’a indiqué le directeur régional du Pacifique et du Yukon, Russ White, dans un courriel. [pièce 8]

26. Il s’agit d’un rappel parce qu’il a littéralement dû se présenter au travail pour vérifier que a) les équipes s’étaient enregistrés en toute sécurité et b) qu’il n’avait plus besoin d’être en disponibilité.

[12]  Selon l’argument principal du fonctionnaire, il devait ouvrir une session afin de vérifier si tous les employés étaient de retour en sécurité, ce qui constituait du travail. Cet argument a été reconnu dans son premier grief, mais rejeté dans celui‑ci. Le courriel de M. White, en date du 27 juin 2014, qui mentionnait que le dernier appel pour s’assurer que tous les employés étaient de retour du terrain ne constituait pas un rappel au travail, démontrait qu’un réel travail devait être accompli pour vérifier l’état des employés à la fin de leur journée de travail.

[13]  Le fonctionnaire a résumé son grief comme suit au paragraphe 55 de son argumentation : [traduction] « Il est également fallacieux de soutenir que l’ouverture d’une session ne constitue pas un rappel. L’ouverture d’une session exige une différente mesure de celle de l’employé qui était antérieurement en disponibilité. La disponibilité est passive, en ce sens qu’une personne doit simplement attendre. L’ouverture d’une session est active, une forme de travail. »

[14]  Le fonctionnaire a également fait valoir que le lieu de travail ne constitue pas un facteur pour déterminer si un rappel a eu lieu.

B.  Pour l’employeur

[15]  L’employeur a fait une distinction entre deux clauses de la convention collective, soit la clause 28.11, qui autorise un employé en disponibilité à travailler à domicile lorsqu’il est rappelé au travail, et la clause 29.01, la disposition sur le rappel. Chacune des dispositions prévoit un taux de rémunération différent si l’employé doit exercer des fonctions pendant qu’il est en disponibilité. Évidemment, la clause 29.01 ne s’appliquait pas, car le fonctionnaire n’est pas retourné au travail.

[16]  Le fonctionnaire devait consulter le site Web pour mettre fin à son état de surveillance ou de disponibilité. Il ne s’agissait pas de l’employeur qui lui demandait d’exercer des fonctions.

[17]  L’employeur a reconnu que les rôles et les responsabilités étaient peut-être un peu confus lors de la mise en œuvre de SafetyLine, ce qui explique la raison pour laquelle le premier grief a été accueilli. Toutefois, en février 2015, le rôle de la personne‑ressource d’EC avait été clarifié et il était évident que le fait de mettre fin à sa disponibilité en vérifiant que tous les employés étaient de retour ne constituerait pas un rappel.

[18]  L’employeur est d’avis que le fonctionnaire était en disponibilité de 16 h 30 à 20 h 30. Ses fonctions de disponibilité terminaient à la fin de cette période de quatre heures ou lorsqu’il était en mesure de vérifier que tous les employés étaient de retour en toute sécurité. Lorsqu’il a appelé à 17 h 48, comme il l’a fait, il a mis fin à ses fonctions de disponibilité, tout en touchant une pleine indemnité de disponibilité. Une indemnité de rappel vise à compenser une perturbation du congé de l’employé; il n’y a eu aucune perturbation en l’espèce, seulement la fin précoce du quart de disponibilité du fonctionnaire.

C.  Réponse du fonctionnaire s’estimant lésé

[19]  Le fonctionnaire a insisté sur le fait qu’il avait droit à une indemnité de rappel en vertu de la clause 30.04 de la convention collective, qui prévoit qu’un employé tenu de se présenter au travail pendant qu’il est en disponibilité a droit à une indemnité de rappel, conformément à la clause 29.01 de la convention collective.

IV.  Analyse

[20]  Les parties ont déposé de la jurisprudence à l’appui de leurs arguments respectifs.

[21]  Dans Borgedahl c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 34, il fallait déterminer si le fait de répondre à deux brefs appels à domicile constituait un « retour au travail », conformément à ce qui est prévu dans la disposition relative au rappel dans cette affaire. L’arbitre de grief a conclu qu’il serait nécessaire que l’employé retourne au lieu de travail pour que la disposition relative au rappel s’applique.

[22]  Dans la convention collective qui s’applique en l’espèce, la clause 28.11 prévoit expressément la situation d’un employé en disponibilité qui reçoit un appel pour le travail, mais qui peut exercer ses fonctions à domicile. Par conséquent, le raisonnement dans Borgedahl est d’une utilité limitée.

[23]  Dans Canada (Attorney General) v. Redden, [1990] F.C.J. No. 950 (C.A.)(QL), la Cour d’appel fédérale a accueilli le contrôle judiciaire d’une décision dans laquelle un arbitre de grief a conclu que le fait d’être en disponibilité constituait en réalité des heures supplémentaires. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il s’agissait d’une erreur. Il n’y avait des heures supplémentaires que si l’employé répondait à un appel; autrement, il ne travaillait pas des heures supplémentaires, mais était en disponibilité. En conséquence, l’employé avait été correctement rémunéré au taux de disponibilité.

[24]  Dans Canada (Conseil du Trésor – Transports Canada) c. Heath, dossier de la CRTFP 166‑02‑25457 (19941124), [1994] C.R.T.F.P.C. no 142 (QL), l’employé a répondu à un appel d’urgence à domicile un jour de repos. Il a fait plusieurs appels après le premier appel. L’arbitre de grief a conclu qu’il était retourné au travail et, même si physiquement il était resté chez‑lui, il avait droit à une indemnité de rappel. Le raisonnement dans Séguin c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 166‑02‑23982 (19940408), [1994] C.R.T.F.P.C. no 53 (QL), est semblable en ce sens que l’employée avait droit à une indemnité de rappel lorsqu’elle a été rappelée au travail, que ce soit à domicile ou au lieu de travail.

[25]  Les faits en l’espèce sont simples. Le fonctionnaire était en disponibilité à titre de personne‑ressource d’EC pendant quatre heures, mais la période de disponibilité pouvait être écourtée si tous les itinéraires étaient fermés et tous les travailleurs étaient de retour en toute sécurité de leur travail sur le terrain. La personne‑ressource d’EC devait ouvrir une session dans le système pour s’assurer qu’il en était ainsi. Le fonctionnaire fait valoir que le fait même d’ouvrir une session constitue un travail et qu’il s’agissait d’un rappel. Selon lui, la signification de « disponibilité » est d’attendre un appel. Si une personne fait un appel ou ouvre une session, même s’il ne s’agit que de vérifier si la disponibilité peut prendre fin parce que tous les travailleurs sont de retour en toute sécurité, cela devient un rappel, avec l’indemnité de rappel afférente.

[26]  Les dispositions suivantes de la convention collective s’appliquent lorsqu’un employé en disponibilité est rappelé au travail :

28.11 L’employé‑e qui, pendant une période de disponibilité ou en dehors de ses heures normales de travail, est rappelé au travail ou en tenu de répondre à des appels téléphoniques ou à des appels sur une ligne de transmission de données, peut, à la discrétion de l’Employeur, travailler à son domicile ou à un autre endroit convenu avec ce dernier. Le cas échéant, l’employé‑e touche la plus élevée des rémunérations suivantes :

a) une rémunération au taux applicable des heures supplémentaires pour tout le temps travaillé,

ou

b) une rémunération équivalente à une (1) heure au taux de rémunération horaire, ce qui s’applique seulement la première fois qu’un employé‑e effectue du travail pendant une période de huit (8) heures, à compter du moment où l’employé‑e commence à travailler.

[…]

29.01 Si l’employé‑e est rappelé au travail :


[…]


c) après avoir terminé son travail de la journée et avoir quitté les lieux de travail;

et rentre au travail, il ou elle touche le plus élevé des deux (2) montants suivants :

(i) une rémunération équivalant à trois (3) heures de rémunération calculée au tarif des heures supplémentaires applicable pour chaque rappel, jusqu’à concurrence de huit (8) heures de rémunération au cours d’une période de huit (8) heures. Ce maximum doit comprendre toute indemnité de rentrée au travail versée en vertu de la clause 32.06 et des dispositions pertinentes concernant l’indemnité de rentrée au travail;


ou


(ii) la rémunération calculée au tarif des heures supplémentaires applicable pour les heures de travail effectuées;

à la condition que la période travaillée ne soit pas accolée aux heures de travail normales de l’employé‑e.

[…]

30.04 L’employé‑e en disponibilité qui est tenu de se présenter au travail touche la rémunération prévue à la clause 29.01.

[…]

[Je mets en évidence.]

[27]  L’employeur affirme que la clause 28.11 de la convention collective s’appliquerait si on avait effectivement demandé au fonctionnaire d’accomplir des tâches supplémentaires; il insiste qu’il a droit à une indemnité de rappel en vertu de la clause 30.04 de la convention collective. Il est évident qu’il était en disponibilité et qu’il n’a pas été rappelé à son lieu de travail. Quoi qu’il en soit, ni la clause 28.11 ni la clause 29 de la convention collective ne s’appliquent à l’espèce.

[28]  L’un des arguments les plus solides du fonctionnaire, à mon avis, est le fait que dans un grief antérieur, la direction a appuyé son interprétation et a accepté de verser une indemnité de rappel lorsqu’il a ouvert une session pour vérifier l’état des itinéraires pendant qu’il était en disponibilité.

[29]  Il ne fait aucun doute qu’il y a eu une certaine confusion quant aux rôles et aux responsabilités. Néanmoins, les faits demeurent simplement que le fonctionnaire croit que l’ouverture d’une session pour vérifier l’état des itinéraires a dépassé son état de disponibilité et constituait un travail. L’employeur l’a reconnu dans son premier grief. Toutefois, je crois que la direction pouvait revoir cette interprétation, et elle l’a fait. Dans un courriel en date du 27 juin 2014, l’employeur a clairement indiqué que le dernier enregistrement ne serait pas considéré comme un rappel. Le fonctionnaire n’a pas établi que ce dernier enregistrement allait au-delà de l’état de disponibilité. La clause 30.02 de la convention collective énonce que l’employé en disponibilité, doit « pouvoir être atteint au cours de cette période à un numéro de téléphone connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s’il ou elle est appelé à le faire. » La convention collective ne définit pas par ailleurs le terme « disponibilité ».

[30]  Comme il est indiqué aux clauses 28.11 et 30.04 de la convention collective, l’état de disponibilité change lorsque l’employeur demande à l’employé de se présenter au travail ou de répondre à un appel. Toutefois, je conclus que le fonctionnaire n’a pas établi que l’une ou l’autre de ces clauses s’appliquaient dans les circonstances de la présente affaire. Un « rappel » signifie être  « […] rappelé au travail » (clause 29.01 de la convention collective). L’ouverture de la session par le fonctionnaire a mis fin à ses fonctions de disponibilité; elle ne l’a certainement pas rappelé au travail. Encore une fois, le fonctionnaire n’était pas tenu de se présenter au travail conformément à la clause 30.04. Par ailleurs, la clause 28.11 s’applique lorsque l’employé en disponibilité est rappelé au travail ou est tenu de répondre à des appels téléphoniques ou à des appels sur une ligne de transmission de données. Le fonctionnaire n’a pas répondu à un appel téléphonique ou à un appel sur une ligne de transmission de données. Je ne vois pas une simple ouverture de session, dans le but de mettre fin à un quart de disponibilité, comme un appel au travail. Si l’un des travailleurs n’était pas revenu, si une intervention plus approfondie avait été nécessaire, ou si le fonctionnaire avait dû faire d’autres appels pour assurer la sécurité des travailleurs, il aurait alors probablement droit à une rémunération supplémentaire (que ce soit en vertu des clauses 28.11 ou 29.01, je n’ai pas à trancher cette question). Mais, encore une fois, je n’ai pas été convaincue que l’obligation d’ouvrir une session pour mettre fin à la disponibilité constituait un appel au travail ou une demande de se présenter au travail de la part de l’employeur.

[31]  Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[32]  Le grief est rejeté.

Le 4 décembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

Marie‑Claire Perrault,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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