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Date: 20201215

Dossier: 566-02-38441

 

 Référence: 2020 CRTESPF 115

 

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

entre

 

April Michel

fonctionnaire s’estimant lésée

 

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Michel c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant :  Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée :  Daniel Sorensen et Brian Grootendorst, avocats

Pour le défendeur :  Pierre-Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Edmonton (Alberta),

du 18 au 21 février 2020, et par téléconférence, du 13 au 15 octobre 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉcision

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1]  April Michel, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a allégué que son licenciement par le Service correctionnel du Canada (SCC ou l’« employeur ») était injustifié. Le 5 janvier 2018, elle a été licenciée de son poste de gestionnaire correctionnelle (GC) à l’Établissement d’Edmonton (EE) du SCC, en Alberta, à la suite d’une évaluation du milieu de travail (le « rapport de TLS »). Ce rapport a révélé des allégations selon lesquelles la fonctionnaire avait été mêlée à des incidents d’agression physique et sexuelle sur des employés, de harcèlement personnel et sexuel à l’égard de certains employés et de conduite inappropriée mettant en cause des détenus, ainsi qu’à d’autres comportements inappropriés, notamment l’intimidation à l’égard des employés, le mauvais usage des biens du SCC et des violations des politiques, des procédures et des directives de l’employeur, ainsi que d’autres mesures législatives.

[2]  À la suite de la divulgation du rapport de TLS, l’employeur a reçu des renseignements selon lesquels la fonctionnaire n’était pas intervenue lors d’un incident au cours duquel deux agents correctionnels (CX) avaient menotté une agente correctionnelle à une chaise puis avaient commencé à dessiner sur elle au feutre indélébile, et n’avait pas signalé l’incident. Cet incident serait survenu à l’occasion d’un quart de travail de soir en septembre 2015, alors que la fonctionnaire était de service et qu’elle effectuait des rondes dans l’unité G/H de l’EE.

[3]  L’employeur a mené une enquête disciplinaire sur les allégations, en fonction de laquelle il a conclu que la fonctionnaire avait contrevenu à la première norme (Responsabilité dans l’exécution des tâches) des Règles de conduite professionnelle de l’employeur, à la Directive du commissaire 060, au Code de discipline (DC-060) et à la Directive du commissaire 001 – Cadre de la mission, des valeurs et de l’éthique du Service correctionnel du Canada (DC-001). Il a été déterminé que la conduite de la fonctionnaire ne faisait pas preuve de l’intégrité et du professionnalisme escomptés d’une employée du SCC, ce pourquoi la fonctionnaire a été licenciée.

II.  Résumé de la preuve

[4]  En mars 2017, l’employeur a procédé à une évaluation du milieu de travail de l’EE, en lien avec des allégations selon lesquelles le milieu de travail était toxique. À partir des résultats de cette évaluation, l’employeur a déterminé qu’il fallait faire quelque chose pour remédier à la culture de l’EE. Une série de séances de discussion ouvertes ont eu lieu; le commissaire de l’époque du SCC s’y est adressé aux employés présents et leur a dit que leur carrière était en jeu s’ils étaient au courant de l’inconduite de certains employés et qu’ils ne la signalaient pas. Une ligne de dénonciation a été créée afin que les employés signalent toutes les choses auxquelles il fallait remédier selon eux. La version propre à l’EE de la ligne de dénonciation consistait à [traduction] « voir quelque chose, dire quelque chose ». L’enquête sur la fonctionnaire découlait d’un signalement à la ligne de dénonciation fait par un CX qui avait assisté à une séance de discussion ouverte.

[5]  Clovis Lapointe était le directeur d’établissement par intérim de l’EE à l’époque où les ordres de procéder aux enquêtes disciplinaires ont été donnés. Les ordres étaient génériques, et ils ont été utilisés pour enquêter sur de nombreux agents désignés dans les signalements faits à la ligne de dénonciation. D’autres agents ont été visés par une enquête sur le fondement des éléments de preuve recueillis au cours du processus d’enquête. Initialement, la période d’enquête allait du 1er janvier 2014 au 12 septembre 2017 (pièce 1, onglet 5), mais elle a été modifiée ultérieurement afin de remonter au 1er janvier 2011 (pièce 1, onglet 7), à mesure que d’autres renseignements étaient dévoilés et que d’autres signalements étaient faits à la ligne de dénonciation.

[6]  Les enquêteurs ont été choisis en consultation avec le bureau des Relations de travail de l’employeur, en fonction de leur disponibilité et de leurs compétences. Les employés qui ont été visés par une enquête en vertu des ordres de procéder n’ont jamais reçu d’allégations écrites précises relativement aux accusations qui pesaient contre eux, seulement l’ordre générique de procéder, qui était global.

[7]  Un comité d’enquête a été créé, lequel a enquêté sur trois allégations faites à l’encontre de la fonctionnaire. Ces allégations ont été soulevées à la suite des séances de discussion ouvertes, en mars 2017, lorsqu’il a été signalé qu’aux alentours de septembre 2015, la fonctionnaire avait dit à deux CX qu’elle venait de voir une CX menottée à une chaise tandis que deux CX de sexe masculin dessinaient sur son visage avec un feutre Sharpie. La fonctionnaire n’a pas nié aux enquêteurs qu’elle avait été témoin de ce comportement. Selon l’employeur, elle n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas essayé d’y mettre fin ou ne l’avait pas signalé. Toujours selon l’employeur, la fonctionnaire était d’avis qu’elle n’avait pas pour tâche de gérer l’environnement toxique de l’EE.

[8]  Denise D’Astous a témoigné qu’elle était l’une des cinq personnes qui formaient le comité d’enquête que l’employeur avait créé pour enquêter sur les allégations concernant la fonctionnaire, qui découlaient des signalements faits à sa ligne de dénonciation. Le comité avait pour mandat d’enquêter sur les allégations d’agression physique et sexuelle, de harcèlement physique et sexuel, de conduite inappropriée, d’intimidation de certains employés par d’autres employés, de conduite inappropriée envers les détenus, de mauvais usage des biens du SCC et de violation des politiques, des procédures et des directives de l’employeur, ainsi que d’autres mesures législatives.

[9]  Mme D’Astous a expliqué qu’à la suite de la divulgation du rapport de TLS, le commissaire du SCC avait organisé des séances de discussion ouvertes à l’EE, à l’occasion desquelles il avait avisé les personnes présentes que si elles étaient au courant d’une inconduite, elles devaient venir la signaler. La ligne de dénonciation a été créée, et les renseignements qui y ont été signalés ont été transmis au comité de Mme D’Astous aux fins d’une enquête. Le mandat du comité était de nature disciplinaire. Les signalements selon lesquels la fonctionnaire, alors qu’elle était de service, avait vu une CX menottée à une chaise et n’était pas intervenue, ont été renvoyés au comité pour enquête. Selon un deuxième signalement qui a donné lieu à une enquête, il était allégué que la fonctionnaire était une intimidatrice. Deux CX ont été interrogées au sujet des allégations faites à l’encontre de la fonctionnaire, Helen Richards et Kim Tinnis, CX-03 à l’EE.

[10]  Selon Mme D’Astous, Mme Richards a signalé au comité qu’un soir, en septembre 2015, alors qu’elle effectuait le quart de soir dans l’unité E de l’EE, à 20 h, la fonctionnaire était venue à son unité afin de signer le registre. Mme Richards a signalé qu’en riant, la fonctionnaire lui avait dit que [traduction] « les gars » de l’unité G/H avaient menotté une CX à une chaise et dessinaient sur son visage avec un feutre Sharpie. La fonctionnaire aurait ensuite quitté l’unité de Mme Richards. Cette dernière a ensuite discuté avec Mme Tinnis du fait qu’il était répréhensible que la fonctionnaire, en tant que GC, n’ait rien fait pour aider la CX.

[11]  Mme D’Astous a signalé que selon la version des faits de Mme Tinnis, la fonctionnaire avait ri lorsqu’elle lui avait relaté l’incident, et qu’elle avait dit : [traduction] « ces gars‑là ». Selon Mme D’Astous, Mme Tinnis a dit au comité qu’elle n’avait pas signalé l’incident à l’employeur plus tôt parce qu’elle ne voyait aucune raison de le faire.

[12]  Lorsqu’elle a été interrogée par le comité d’enquête, la fonctionnaire a déclaré qu’en septembre 2015 elle était une nouvelle GC et qu’elle venait d’arriver à l’EE. Elle avait été mutée de l’Établissement d’Edmonton pour femmes (EEF) à l’EE. Elle se souvenait d’avoir effectué les rondes ce soir‑là en commençant par l’unité G/H. Elle se souvenait d’avoir vu la CX menottée à une chaise tandis que les deux CX de sexe masculin, le CX Spilsbury et le CX Fraser, tentaient d’écrire sur son visage avec un feutre Sharpie. La fonctionnaire a signalé qu’en entrant dans le bureau de l’unité et en voyant l’activité en cours, elle avait dit : [traduction] « Sérieusement, les gars », à la suite de quoi l’activité avait pris fin et la CX était allée se laver aux toilettes, afin d’effacer les gribouillages. La fonctionnaire a signalé qu’elle avait entendu la CX affirmer que la dernière fois que les CX Spilsbury et Fraser avaient dessiné sur son visage, cela avait été difficile à effacer. À ce moment‑là, la fonctionnaire n’avait vu aucun dessin sur le visage de la CX.

[13]  La fonctionnaire a décrit l’activité au comité d’enquête en disant qu’il s’agissait d’un jeu brutal. À son avis, la CX n’était pas en danger, alors elle n’avait effectué aucun suivi auprès d’elle. Lorsque la fonctionnaire s’est rendue ensuite à l’unité E, elle a parlé à la CX Tinnis de ce qu’elle avait vu. Elle a nié avoir ri, et elle a déclaré qu’elle n’en avait pas cru ses yeux. Les employés de l’EE considéraient la CX concernée comme [traduction] « un membre du groupe » de l’unité G/H. La fonctionnaire a prétendu aux enquêteurs qu’en rétrospective, elle aurait dû réagir différemment face à la situation.

[14]  Selon Mme D’Astous, la fonctionnaire est revenue de vacances en septembre 2017 et elle a entendu des rumeurs selon lesquelles des gens avaient parlé d’elle à la ligne de dénonciation. Elle a alors parlé des rumeurs à Mmes Richards et Tinnis, au directeur adjoint, Opérations (DAO) de l’EE et au sous-directeur de l’EE. De là sont venues les allégations selon lesquelles la fonctionnaire intimidait ses collègues.

[15]  Comme le comité d’enquête n’était pas autorisé à interroger qui que ce fût faisant l’objet d’une enquête criminelle en cours, le nombre de personnes qu’il pouvait interroger au sujet des allégations sur lesquelles il était chargé d’enquêter était très limité, selon Mme D’Astous. Même si la fonctionnaire avait fourni une liste de 14 témoins de moralité, le comité n’a interrogé aucun d’entre eux à son sujet, bien que M. Spilsbury ait été interrogé au sujet d’autres incidents. Compte tenu de la date limite prévue dans l’ordre de procéder pour l’achèvement du rapport, le comité a procédé en fonction des renseignements qu’il pouvait obtenir, plutôt que d’attendre d’en obtenir auprès d’autres personnes qui pouvaient être visées par des processus pénaux.

[16]  Quoi qu’il en soit, en fonction des renseignements qu’il a pu obtenir, le comité a conclu que la fonctionnaire n’avait pas parlé à la CX en vue d’assurer sa sécurité et qu’elle n’avait pas mis fin à l’activité des deux CX de sexe masculin. Elle n’avait pas signalé l’incident, elle n’avait pas conseillé les CX de sexe masculin, ni enquêté de façon plus approfondie. Par conséquent, le comité a conclu que, par son inaction, la fonctionnaire avait manqué à ses obligations en tant que GC. Celle‑ci n’a jamais nié que l’incident était survenu; elle a nié sa réaction, ce qui avait été signalé.

[17]  Mme Richards a témoigné qu’elle était au service de l’EE en qualité de CX-01 depuis 2000. En octobre 2017, elle a reçu un appel téléphonique de M. Lapointe, le directeur de l’EE, qui l’a avisé qu’elle devait rencontrer le comité d’enquête afin de discuter de son appel à la ligne de dénonciation.

[18]  Mme Richards a témoigné qu’elle avait assisté aux séances de discussion ouvertes et qu’elle avait entendu les directives du commissaire indiquant qu’un employé ferait l’objet d’une mesure disciplinaire si l’employeur découvrait qu’il était au courant de quelque chose et ne le signalait pas. Mme Richards a commencé à penser à certaines choses qui s’étaient produites alors qu’elle était au travail, dans l’intention de les signaler à la ligne de dénonciation, puis elle a conclu qu’elle devait signaler un incident survenu en septembre 2015, qu’elle n’avait ni consigné ni signalé, qui s’était produit à l’occasion d’un quart de soir alors qu’elle et Mme Tinnis travaillaient en tandem. Mme Richards avait le sentiment que le moment était venu de signaler l’incident, parce qu’un certain nombre de personnes avaient été renvoyées de l’EE, et que celles qui restaient, y compris elle‑même, présumaient que ces personnes avaient été congédiées pour ne pas avoir signalé des incidents. Alors elle craignait pour son emploi. Elle pensait que les faits de ce soir‑là avaient été bizarres, alors pour préserver son emploi elle les a signalés.

[19]  Selon Mme Richards, elle a signalé l’incident mettant en cause la fonctionnaire parce qu’à travers les rumeurs qui circulaient, elle avait entendu dire beaucoup de choses qui étaient arrivées à la CX pendant son travail à l’EE. Mme Richards pensait que cet incident en particulier, dont la fonctionnaire avait été témoin et lors duquel elle n’était pas intervenue, constituait un élément important de ce casse‑tête. Mme Richards n’avait parlé de l’incident qu’à son mari et aux enquêteurs. Éventuellement, elle a appelé Mme Tinnis pour lui demander si elle se souvenait de l’incident et lui dire qu’elle l’avait signalé. Toute l’interaction avec la fonctionnaire qui a donné lieu au signalement à la ligne de dénonciation a duré moins de deux minutes. Mme Richards ne connaissait pas la fonctionnaire, et elle ignorait que son rôle de GC était nouveau pour elle.

[20]  Selon son témoignage, Mme Richards a signalé aux enquêteurs qu’elle n’était pas certaine qu’il se soit passé quelque chose dans l’unité G/H le jour en question. Elle ignorait s’il s’agissait d’une blague, mais elle se demandait pourquoi la fonctionnaire n’avait pris aucune mesure pour mettre fin à ce qui se passait. Mme Richards se serait attendue à ce qu’une GC mette fin à un pareil incident, à ce qu’elle libère la CX de cette situation et à ce qu’elle signale les deux CX de sexe masculin. La CX était connue au sein de l’EE pour être un [traduction] « membre du groupe » qui s’entendait bien avec tout le monde dans son unité; elle faisait partie de l’équipe qui travaillait dans l’unité G/H. Lorsque certaines choses sont apparues à la suite de l’évaluation du milieu de travail, au début de 2017, Mme Richards a vu les choses sous un autre jour; il ne lui semblait pas que la CX se soit seulement bien entendue avec ses collègues.

[21]  Le comité d’enquête a interrogé Mme Tinnis au sujet de trois personnes sur lesquelles il enquêtait, notamment la fonctionnaire. Mme Tinnis a dit aux enquêteurs que la fonctionnaire riait en lui racontant ce qu’elle venait de voir dans l’unité G/H, à savoir que la CX avait été menottée à une chaise tandis que deux autres CX, de sexe masculin, écrivaient sur son visage avec un feutre Sharpie. Mme Tinnis a témoigné qu’elle avait été choquée qu’une GC n’ait rien fait pour y mettre fin et qu’elle n’avait pas su quoi dire à la fonctionnaire. Elle se souvenait que la fonctionnaire avait ri et dit quelque chose au sujet de [traduction] « ces gars‑là » dans l’unité G/H. On savait que les jeux brutaux étaient courants durant les quarts.

[22]  Mme Tinnis n’a pas signalé l’incident à l’époque; elle ne l’a pas signalé non plus à la ligne de dénonciation. Elle ne l’aurait pas signalé. Elle ne s’en souvenait pas avant d’avoir parlé à Mme Richards, qui le lui a rappelé. Mme Tinnis savait que la fonctionnaire venait d’entrer en fonction comme GC. Selon Mme Tinnis, la fonctionnaire était venue à l’EE à titre de formatrice modulaire et n’était sans doute pas au courant de l’hostilité qui y régnait lorsqu’elle était devenue GC.

[23]  La fonctionnaire a témoigné qu’en 2014, elle avait été mutée de l’EEF à l’EE en qualité de CX-02. Elle est restée à l’EE pendant un mois et demi, environ, puis est retournée à l’EEF pour trois mois, afin d’accepter un poste de GC par intérim. En février 2015, elle est retournée à l’EE afin d’accepter un poste de GC par intérim, auquel elle a été nommée en mars 2015. Elle est restée à ce poste jusqu’à sa suspension le 3 novembre 2017, puis elle a été licenciée le 5 janvier 2018. Durant la période qu’elle a passée au SCC, la fonctionnaire a reçu la formation normalisée de CX et de GC. La formation de GC ne traitait pas des relations de travail, ni de la gestion des conflits. La fonctionnaire a achevé un programme en ligne portant sur la supervision du personnel, ainsi que le programme de gestion en établissement. Dans le cadre du programme de gestion des talents de l’employeur, elle a été directrice adjointe par intérim, Services de gestion. À aucun moment pendant sa carrière elle n’a été mêlée à un processus disciplinaire.

[24]  La fonctionnaire est d’avis qu’elle a été licenciée pour avoir contrevenu à une politique de l’employeur parce qu’elle n’avait pas signalé un incident dont elle avait été témoin durant son quart. À l’époque, elle avait estimé qu’il s’agissait de jeux brutaux d’un groupe de personnes connues pour ce genre de chose au sein de l’EE. Elle n’y a vu aucun mal.

[25]  La fonctionnaire a témoigné qu’à l’époque en cause, son rôle de GC à l’EE était nouveau pour elle. Elle se souvenait d’avoir effectué ses rondes. Elle a quitté l’unité d’isolement, puis a parcouru l’EE dans le sens des aiguilles d’une montre. Elle est arrivée à l’unité G/H. Le CX Spilsbury était assis à l’accueil du bureau. La CX était assise sur une chaise. Elle riait. Il a semblé à la fonctionnaire que la CX était immobilisée, probablement par des menottes. La fonctionnaire se souvenait que le CX Fraser se trouvait à sa gauche et que d’autres CX étaient présents. Selon son témoignage, la fonctionnaire s’est adressée à la CX, qui a ri et lui a dit que cela arrivait dans l’unité G/H; ceux qui y travaillaient faisaient ce genre de choses. La fonctionnaire a insisté sur le fait qu’elle avait dit au groupe : [traduction] « Sérieusement, les gars ». Elle se souvenait que la CX disait : [traduction] « Arrêtez ça, les gars. La dernière fois, cela a pris beaucoup de temps pour laver ça » (en faisant allusion aux traces de feutre Sharpie). La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait vu des marques sur les bras de la CX, mais aucune sur son visage. Selon la fonctionnaire, lorsque la CX a demandé d’aller aux toilettes quelqu’un l’a libérée, bien que la fonctionnaire n’ait pas su exactement s’il s’agissait du CX Spilsbury ou du CX Fraser. Lorsque la CX a quitté la pièce, elle riait encore, selon la fonctionnaire.

[26]  Croyant avoir mis fin au jeu brutal, la fonctionnaire a quitté les lieux pour achever ses rondes. Elle a insisté pour dire qu’elle n’avait pas ri parce qu’elle avait trouvé cela amusant. Si elle avait pouffé de rire, c’était en raison de l’absurdité de ce qu’elle venait de voir. À son arrivée à l’unité E/F, elle a vu Mme Tinnis, qu’elle connaissait depuis de nombreuses années. Elle a rapporté ce qu’elle venait de voir et elle s’attendait à ce que Mme Tinnis réagisse de la même façon. Lorsque Mme Tinnis s’est abstenue de répondre, la fonctionnaire a quitté les lieux afin de poursuivre ses rondes. Elle n’a plus jamais parlé de l’incident.

[27]  Comme la fonctionnaire était au courant des rumeurs qui circulaient au sujet du groupe qui travaillait dans l’unité G/H et que de nombreuses personnes lui avaient dit, à son entrée en fonction comme GC à l’EE, de se tenir tranquille et de se mêler de ses affaires, c’est précisément ce qu’elle a fait. L’évaluation du milieu de travail a démontré le fait bien connu à l’EE qu’il n’était pas acceptable qu’une femme quitte un établissement pour femmes afin de venir à l’EE en tant que GC. À ce titre, selon la fonctionnaire, elle ignorait sans doute comment fonctionnait un établissement pour hommes, de l’avis de ceux qui travaillaient à l’EE.

[28]  La fonctionnaire craignait ce qu’elle a appelé la [traduction] « justice sommaire », qui était courante à l’EE selon ses allégations. Elle a témoigné qu’elle était nouvelle et qu’elle n’avait aucun mentor à consulter. On lui avait montré le tableau de service et la routine quotidienne, mais on ne lui avait pas enseigné comment gérer la culture toxique de l’EE. Les GC n’y étaient pas écoutés, et un groupe privilégié de CX menait l’EE. Elle a fait de son mieux pour survivre, notamment en omettant de signaler l’incident ou des faits survenus dans l’unité G/H. Avec le temps, elle a gagné le respect des CX dans cette unité.

[29]  L’équipe des CX qui travaillaient dans l’unité G/H était bien connue pour être le groupe qui détenait le pouvoir à l’EE. Selon le témoignage de la fonctionnaire, ils auraient pu assurer sa réussite ou son échec en tant que GC. Son mari était également GC à l’EE, mais elle ne pouvait pas lui parler de cette situation. Elle devait survivre par ses propres moyens. À mesure qu’elle a appris à connaître les équipes et comment les gérer, elle a gagné leur respect et celui de la direction.

[30]  Mme Richards était l’une des CX que la fonctionnaire gérait dans le cadre de la routine de l’établissement. La fonctionnaire a nié avoir parlé avec la CX Richards de l’incident lié à la CX qui était survenu dans l’unité G/H. Elle n’a pas nié qu’elle en avait discuté avec la CX Tinnis, mais elle n’arrivait pas à situer la CX Richards dans la pièce.

[31]  Comme la fonctionnaire n’avait pas signalé l’incident à la haute direction, ce qui avait permis les jeux brutaux dans l’unité jusqu’à ce moment‑là, elle avait le sentiment qu’il n’y avait rien à faire pour y mettre fin. Elle a pris fin ce jour‑là lorsqu’elle a dit : [traduction] « Sérieusement, les gars ». Manifestement, selon la fonctionnaire, les personnes concernées ont interprété son commentaire au sens d’un ordre de mettre fin aux jeux brutaux. Elle n’était pas censée la voir. Les CX au poste de sous-contrôle étaient censés donner un avertissement aux CX concernés lorsque la GC entrait dans l’unité. Pour une raison quelconque, cela ne s’est pas produit à ce moment‑là.

[32]  Selon son témoignage, la fonctionnaire reconnaît maintenant qu’il y avait un risque pour la sécurité de la CX si elle avait dû répondre à un appel. Les jeux brutaux ne sont pas perçus comme étant dangereux, mais ils comportent un risque inhérent, ce qui était la raison sous‑jacente à la [traduction] « règle du signal ». Cette règle prévoit que le CX au poste de contrôle alerte les autres CX qui sont dans la rangée lorsqu’un ou une GC y entre, afin qu’ils puissent interrompre un jeu brutal avant de se faire prendre. Cela n’a pas fonctionné ce soir‑là.

[33]  Lorsque la fonctionnaire est revenue de vacances à la fin de 2017, elle a entendu des rumeurs selon lesquelles Mme Tinnis disait qu’elle avait laissé des CX de sexe masculin menotter une CX à une chaise et lui faire du mal. Lorsqu’elle a entendu les rumeurs, la fonctionnaire est allée voir la direction. Elle a aussi parlé à Mme Tinnis, qui a nié avoir passé ces commentaires. Le 3 novembre 2017, la fonctionnaire a été suspendue sans la moindre allusion à l’incident précis ou à l’intimidation et au harcèlement.

[34]  Afin d’appuyer sa défense, la fonctionnaire a demandé d’avoir accès à ses courriels de celui qui est maintenant directeur par intérim de l’EE. Comme sa demande a été refusée, elle n’a pas pu fournir aux enquêteurs la preuve qu’elle avait été harcelée par les CX et leur dirigeant syndical.

[35]  La fonctionnaire a rencontré le comité d’enquête, accompagnée de la directrice adjointe, Interventions de l’EEF. On lui a demandé ce qu’elle ferait différemment. Elle a répondu que si elle avait su que la CX ne participait pas de son plein gré, elle aurait mis fin au jeu brutal. La situation qu’elle a dû subir, notamment l’enquête et le réexamen de son rôle dans la façon dont la CX avait été traitée, a réveillé le souvenir d’avoir été agressée sexuellement. Elle a témoigné qu’elle ne laisserait jamais quiconque être placé dans la même situation. Selon la fonctionnaire, à l’époque en cause, elle avait seulement vu que la CX était un membre du groupe et qu’elle n’avait montré aucun signe de détresse durant l’incident.

[36]  La fonctionnaire a fourni aux enquêteurs 14 lettres de soutien présentées par des membres du personnel qui occupaient un poste de CX, ce qui, a‑t‑elle affirmé, prouvait qu’elle avait gagné leur respect. Les enquêteurs ont refusé de tenir compte des lettres. Bien que d’autres aient été priés de démontrer leur soutien, selon la fonctionnaire, ils avaient eu peur de le faire. Ils craignaient de subir des représailles de la part du syndicat des CX, le Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (UCCO-SACC-CSN) et de la direction de l’EE s’ils le faisaient.

[37]  Le 22 décembre 2017, la fonctionnaire a reçu par courriel le rapport d’enquête, accompagné d’un avis indiquant qu’elle devait assister à une audience disciplinaire le 3 janvier 2018. Dans le rapport, le comité d’enquête déclarait qu’elle avait été franche et directe. Elle acceptait la responsabilité de son manquement.

[38]  Le 3 janvier 2018, la directrice adjointe, Interventions, de l’EEF n’a pas pu accompagner la fonctionnaire à l’audience disciplinaire. Selon la fonctionnaire, l’employeur a refusé de changer la date afin qu’elle puisse y assister. La fonctionnaire a donc été forcée de trouver une autre personne pour l’accompagner. Elle a passé le jour de Noël à rédiger sa réfutation du rapport, qu’elle a transmise à l’employeur le 26 décembre 2017. Il y avait beaucoup d’erreurs dans le rapport d’enquête, notamment à l’égard de la durée de l’emploi de la fonctionnaire à l’EE.

[39]  À l’audience disciplinaire, le sous‑directeur Posyluzny a posé plusieurs questions à la fonctionnaire et, selon le témoignage de celle‑ci, il lui a clairement signifié qu’il ne croyait pas qu’elle ne se souvenait pas des faits survenus le soir en question. À la fin de la réunion, il a dit à la fonctionnaire de revenir le 5 janvier pour connaître la décision.

[40]  Lorsqu’elle est retournée, la fonctionnaire s’est fait dire que, de l’avis de l’employeur, elle n’était pas digne de confiance. Elle avait rompu leur lien de confiance, ce qui était irréparable; voilà pourquoi elle a été licenciée. L’employeur n’a pas tenu compte du fait qu’elle était une nouvelle GC et qu’elle venait d’arriver à l’EE, ni des difficultés qu’elle avait connues depuis qu’elle avait commencé à y travailler. L’employeur a ignoré les facteurs atténuants, notamment le harcèlement que la fonctionnaire avait subi. Même si celle‑ci s’attendait à recevoir une sanction disciplinaire quelconque, elle n’aurait jamais pensé qu’elle pourrait être licenciée.

[41]  La fonctionnaire a déposé son grief, puis elle a demandé l’aide de son oncle, un ancien cadre supérieur du SCC, afin qu’il la soutienne dans la procédure de règlement des griefs. Malgré son aide, elle n’a reçu une réponse à son grief qu’au moment du renvoi de l’affaire à l’arbitrage. Elle est allée voir son député. Cela n’a rien donné non plus. Il était évident pour elle que l’employeur voulait faire tomber des têtes et que la sienne était l’une d’elles.

[42]  Lorsqu’on lui a demandé de décrire la différence entre l’EEF et l’EE, la fonctionnaire a témoigné que c’était le jour et la nuit. À l’EEF, il n’y avait aucune clique; c’était un environnement ouvert. Elle ne l’aurait jamais quitté, mais elle devait travailler dans un établissement pour hommes afin de faire progresser sa carrière. Personne ne collaborait à l’EE; elle surveillait toujours ses arrières. À l’EEF, on lui avait donné des mentors pour la guider dans ses nouveaux rôles. De plus, à l’EEF, elle travaillait avec un partenaire régulier. Rien de cela ne s’est produit à l’EE. Elle n’avait personne à consulter au sujet de ce qu’elle avait vu ce jour‑là, c’est pourquoi elle en avait parlé à Mme Tinnis, puisqu’elle travaillait avec elle depuis un certain temps. À l’EEF, les CX montraient du respect envers les GC et suivaient leurs directives. À l’EE, les GC étaient traités comme s’ils n’avaient aucune autorité, et ils se heurtaient à des comportements ouvertement hostiles et intimidants. Les représentants syndicaux dirigeaient l’EE et faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour intimider les GC.

[43]  La fonctionnaire a reconnu que la situation qu’elle avait rencontrée en ce qui concernait la CX n’était pas acceptable, mais c’était la norme pour ce groupe. Elle n’avait jamais été témoin d’un pareil niveau de jeux brutaux auparavant, mais elle en avait vu divers niveaux lors des fouilles sommaires, dans les stationnements et durant les séances d’information. Chaque fois qu’elle avait été témoin de jeux brutaux, d’autres GC avaient été présents, et ils n’avaient rien fait pour remédier à ce comportement. Il s’agissait d’un type de comportement accepté au sein de l’EE. Comme en ont témoigné Mmes Richards et Tinnis, tout le monde à l’EE considérait que la CX en question faisait partie de la bande qui travaillait dans l’unité G/H et qu’elle participait de son plein gré aux jeux brutaux.

[44]  Si les plus hauts niveaux de la direction de l’EE autorisaient un pareil comportement, la fonctionnaire n’exerçait aucun contrôle là‑dessus, selon elle. Le rapport de TLS, diffusé en 2017, indiquait que les GC de l’EE n’avaient aucune autorité et qu’il n’y avait là aucun contrôle. En tant que nouvelle GC, la fonctionnaire n’était pas d’accord avec ce qu’elle voyait à l’EE, mais comme sa haute direction en était au courant et qu’elle ne faisait rien pour y mettre fin, et comme elle n’exerçait aucune autorité sur les CX qu’elle gérait et que ceux‑ci ne lui montraient aucun respect, elle ne pouvait rien faire pour mettre fin à ce comportement. Brad Sass, le directeur adjoint de l’EE, Interventions, aurait admis à la fonctionnaire qu’il ne faisait rien pour mettre fin à ce comportement, et selon son témoignage, celle‑ci en a payé le prix.

[45]  Par ailleurs, selon le témoignage de la fonctionnaire, la CX participait activement le soir en question. Elle a été la seule personne concernée à avoir parlé à la fonctionnaire. Elle a également ri et fait des blagues au sujet des CX Spilsbury et Fraser. Dans le cadre de leur formation continue, les CX sont encouragés à s’exercer à l’utilisation de leur équipement, y compris aux procédures de menottage. Il aurait pu s’agir de cela, mais ce que la fonctionnaire a vu n’était pas la façon appropriée de le faire, c’est pourquoi elle est intervenue. La CX a été libérée après que la fonctionnaire dise : [traduction] « Sérieusement, les gars », et après avoir demandé la permission d’aller aux toilettes.

[46]  Lorsqu’elle est entrée en fonction comme GC à l’EE, la fonctionnaire s’est fait dire de se taire et de se tenir tranquille, ce qu’elle a fait ce soir‑là. D’après ce qu’elle savait de la CX concernée, la fonctionnaire a eu le sentiment qu’elle n’était pas en danger. La fonctionnaire a géré la situation au niveau le plus bas. Elle a perçu un risque pour la sécurité de tous, et elle est intervenue. Elle savait par expérience que la CX n’allait jamais au bureau des GC sans que le CX Spilsbury ou le CX Fraser ne soient présents, et que chaque fois qu’elle se rendait au sous‑tableau (un tableau d’affectation où tous les CX qui donnaient leur nom comme remplaçants pour ce quart étaient affectés) et qu’elle était placée dans une unité différente, elle finissait par retourner à l’unité G/H.

[47]  La fonctionnaire a reconnu que la CX aurait pu rire parce que la situation la mettait mal à l’aise. La fonctionnaire a témoigné que depuis ce moment‑là elle s’était demandée si elle avait raté un signal de la part de la CX, mais que ce n’était pas le cas à son avis. Lorsque la CX est partie aux toilettes, elle riait encore et parlait de laver les traces du feutre Sharpie. La fonctionnaire a dit aux enquêteurs que la CX lui avait dit [traduction] « c’est ce que nous faisons ici », mais que cela n’avait pas été mentionné dans le rapport, et que l’employeur n’en avait pas tenu compte dans sa décision de la licencier.

[48]  À l’EE, l’environnement de travail était de telle nature que les GC ne demandaient pas aux CX comment ils allaient, parce qu’ils auraient alors été accusés de harcèlement et d’intimidation. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait essayé une fois, et que c’était exactement ce qui s’était produit. Elle n’exprimerait jamais plus une préoccupation à l’égard d’un CX de cette façon, à tout le moins pas à l’EE, qui comportait deux clans, l’équipe qui travaillait dans l’unité G/H, dont faisait partie la CX en question, et l’UCCO-SACC-CSN. La fonctionnaire a témoigné que la direction du syndicat et l’équipe de l’unité G/H l’intimidaient, et qu’elles n’avaient aucun respect envers elle ou son autorité.

[49]  La culture organisationnelle de l’EE était toxique et les GC qui y travaillaient n’avaient aucune autorité, selon la fonctionnaire. Le syndicat menait le jeu et gérait tout, depuis les horaires jusqu’aux modalités de travail spéciales, qui relevaient des GC. Lorsqu’elle a remis en question des ententes spéciales qui violaient la convention collective et les règles en place, on lui a dit de les autoriser. Lorsqu’elle a remis en question le rôle du bureau des GC, on lui a dit que son opinion n’était pas sollicitée. En tant que femme, dès le début elle a été ostracisée à l’EE, mais en tant que GC, on lui avait clairement indiqué qu’il n’y avait aucune place pour elle à l’EE.

[50]  Glen Brown a soutenu la fonctionnaire dans la procédure de règlement des griefs. Il comptait 33 années de service auprès de l’employeur; son dernier poste était celui de directeur de l’Établissement de Matsqui en Colombie‑Britannique. Il a été alarmé par ce qu’il a entendu lorsque la fonctionnaire a communiqué avec lui le 5 janvier 2018. Il l’a aidée à rédiger son grief. Il a demandé des témoignages et d’autres documents en son nom, mais n’en a reçu aucun. La fonctionnaire s’inscrivait dans un processus beaucoup plus vaste, et elle n’a pas reçu de détails sur les allégations portées contre elle, et n’a donc pas pu y répondre adéquatement. Il s’agissait d’un manquement à la justice naturelle, de l’avis de M. Brown. Durant les nombreuses années qu’il a passées à la direction du SCC, M. Brown a participé à de nombreux processus disciplinaires, mais selon lui, le processus qui a été suivi à l’EE n’a pas été conforme aux règles établies par l’employeur afin de s’assurer que le droit à la justice naturelle de la fonctionnaire était respecté.

[51]  Julie Blasko est arrivée à l’EE en novembre 2017, et elle a pris la relève à titre de directrice de l’établissement par intérim. Initialement, elle avait eu l’intention d’y aller en qualité de mentor, mais le commissaire du SCC l’a priée de reprendre la direction de l’EE afin de l’aider à traverser la situation dans laquelle il se trouvait à la suite du rapport de TLS sur le climat de travail. La première fois que Mme Blasko a rencontré la fonctionnaire, c’était à son audience disciplinaire, quoique le commissaire du SCC, d’autres cadres supérieurs et des représentants des relations de travail l’avaient informée du cas de la fonctionnaire et d’autres cas.

[52]  Mme Blasko a reçu l’ébauche du rapport d’enquête disciplinaire, puis a présenté une rétroaction au comité. Lorsque celui‑ci lui a retourné la version finale, elle l’a transmise aux Relations de travail à l’administration centrale. Une fois que le rapport a été expurgé, Mme Blasko s’est assurée que la fonctionnaire en reçoive une copie. L’audience disciplinaire a été fixée au 3 janvier 2018.

[53]  En vue de cette audience, Mme Blasko a lu la réponse de la fonctionnaire à la copie dûment vérifiée du rapport d’enquête qu’elle avait reçue, joint à l’avis d’audience. Selon Mme Blasko, la fonctionnaire n’assumait nullement la responsabilité de ses manquements le soir en question. Elle imputait ses actes à un manque d’encadrement et de formation en matière de direction. Une certaine personne dont le nom n’a pas été divulgué lui avait dit de se tenir tranquille en raison de l’environnement, ce qu’elle avait fait.

[54]  Mme Blasko a témoigné que la réfutation présentée par la fonctionnaire ne l’avait pas convaincue et qu’elle n’avait pas cru sa version des faits. La fonctionnaire prétendait qu’elle avait revécu la scène dans sa tête et qu’elle en avait fait des cauchemars. Parallèlement, elle prétendait que l’incident était si négligeable qu’elle l’avait complètement oublié. Ses allégations au sujet de l’encadrement n’ont fait aucune impression sur Mme Blasko, puisque celle‑ci a témoigné qu’on n’aurait jamais enseigné à la fonctionnaire quoi faire si elle rencontrait une employée menottée à une chaise par des collègues.

[55]  Selon Mme Blasko, la fonctionnaire aurait pu appeler le DAO ou le sous‑directeur pour lui parler de cette situation si elle ne se sentait pas à l’aise pour en discuter avec un collègue, mais elle ne l’a pas fait. Elle aurait pu consulter quelqu’un à l’EEF, où elle prétendait avoir reçu un encadrement et avoir entretenu de bonnes relations avec ses superviseurs. Beaucoup de possibilités s’offraient à la fonctionnaire à l’intérieur et à l’extérieur de l’EE, mais elle a choisi de ne rien faire pendant deux ans.

[56]  Il était très préoccupant pour Mme Blasko que la fonctionnaire n’ait pas reconnu qu’il était inapproprié que des employés humilient une collègue de cette façon. La CX menottée à la chaise n’a été libérée qu’après avoir demandé d’aller aux toilettes. Ce n’est qu’à ce moment‑là que la fonctionnaire a appris que cela était déjà arrivé à la CX. Pourtant, la fonctionnaire n’a rien fait. Elle a laissé l’employée dans une situation inacceptable et non sécuritaire, sans se préoccuper de sa sécurité ou de son bien‑être, ou de la sécurité des autres membres du personnel et de l’EE. En tolérant ces gestes, de l’avis de Mme Blasko, la fonctionnaire avait participé activement.

[57]  Les gestes de la fonctionnaire ont contrevenu aux valeurs de respect et d’intégrité, ils ont eu une incidence sur la sécurité de l’EE, et ils n’ont pas favorisé la création d’un milieu de travail sain. En omettant de signaler l’incident, et compte tenu du fait qu’elle était au courant des comportements inappropriés des agents de service dans le passé, la fonctionnaire ne s’est pas acquittée de ses fonctions de façon responsable. Selon l’évaluation de Mme Blasko, la conduite générale de la fonctionnaire, qui a facilité le comportement des agents ce jour‑là et pendant les deux années suivantes, en omettant de le signaler avant le début de l’enquête sur sa conduite, lorsqu’elle a reconnu qu’à tout le moins elle aurait pu faire mieux, était susceptible de déconsidérer le SCC si la fonctionnaire était autorisée à demeurer l’une de ses employés.

[58]  Il y avait des facteurs atténuants, notamment les 10 années de service de la fonctionnaire et son dossier disciplinaire vierge. Celle‑ci a admis la responsabilité de ses gestes à Mme Blasko. Les facteurs aggravants l’emportaient sur les facteurs atténuants. Les faits étaient très graves, et même au moment de l’audience disciplinaire la fonctionnaire n’a pas reconnu à quel point ils étaient graves. Mme Blasko n’a pas jugé la fonctionnaire crédible. En dépit de tout ce que la fonctionnaire a dit, cela n’a pas suffi pour permettre à Mme Blasko de conclure qu’elle pouvait encore lui faire confiance. La fonctionnaire n’a pas fait preuve de respect envers les employés qu’elle gérait, ni, de l’avis de Mme Blasko, d’intégrité professionnelle ou personnelle.

[59]  À l’audience disciplinaire, la fonctionnaire a exprimé des remords, et elle s’est montrée bouleversée et émotive, ce que Mme Blasko a mis en doute. À ses yeux, étant donné que la fonctionnaire n’avait pas signalé l’incident pendant une période aussi longue, il n’était pas sûr qu’elle éprouverait des remords un jour.

[60]  En tant que GC, la fonctionnaire avait plus de responsabilités que les CX qu’elle gérait. Elle devait leur servir de modèle. Elle n’a pas enquêté sur la situation qu’elle a affrontée ce jour‑là; elle n’a rien fait non plus pour s’assurer que cela ne se reproduirait plus. Selon Mme Blasko, la fonctionnaire lui a présenté des excuses parce qu’elle était désolée de gérer la situation à ce moment‑là, et non parce qu’elle avait géré la situation de façon inappropriée, parce qu’elle avait d’abord affirmé qu’elle ne s’en souvenait pas. Après avoir évalué l’ensemble du cas, Mme Blasko a conclu qu’elle n’avait pas d’autre choix que de licencier la fonctionnaire, à compter du jour de sa suspension, le 3 novembre 2017.

III.  Résumé de l’argumentation

A.  Pour l’employeur :

[61]  Le rôle d’un arbitre de grief dans un cas disciplinaire est défini comme suit dans Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 C.L.R.B.R. 1 (« Wm. Scott ») :

[Traduction]

[…]

Pour trancher les questions portant sur des mesures disciplinaires, on examine habituellement les trois critères suivants : 1) L’employé a-t-il donné un motif raisonnable pour une forme de mesure disciplinaire de la part de l’employeur (c’est-à-dire, y a-t-il eu une inconduite de la part du fonctionnaire)? 2) Le cas échéant, la mesure disciplinaire que l’employeur a imposée était-elle une sanction excessive dans les circonstances? 3) Si elle était excessive, quelle autre mesure, qui serait juste et équitable, devrait-elle y être substituée dans les circonstances? (Voir : Hyslop c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 29, au par. 87).

[…]

 

[62]  Les faits du présent cas ne sont pas contestés. Il s’agit d’interpréter les faits en cause et de déterminer si la décision de l’employeur, selon laquelle la fonctionnaire ne possède pas l’intégrité nécessaire pour occuper un poste de GC de sorte qu’il ne peut plus lui faire confiance pour exercer ses fonctions, était justifiée.

[63]  L’employeur était d’avis que la fonctionnaire avait réagi de façon inappropriée lorsqu’elle avait découvert une CX menottée à une chaise et qu’on lui avait dit ensuite que ce n’était pas la première fois que cela se produisait. Sa réaction a montré qu’il était impossible de lui faire confiance pour s’acquitter fidèlement de ses fonctions de GC à l’EE. Elle n’a pas honoré ses obligations et, par conséquent, a enfreint la DC-001, qui porte sur la mission, la vision et les valeurs du SCC, et la DC-060, le code de conduite de l’employeur.

[64]  La fonctionnaire a tenté d’excuser ses actes ou ses omissions ce soir‑là en affirmant qu’elle avait peur d’aller dans l’unité G/H. Par conséquent, lorsqu’elle était entrée dans la pièce et qu’elle avait vu la CX menottée à la chaise tandis que les deux CX de sexe masculin dessinaient sur son visage avec le feutre Sharpie, au lieu d’intervenir elle n’avait rien fait. Ce soir‑là, elle a été témoin d’un comportement inacceptable qui présentait aussi un risque pour la sécurité de la CX menottée à la chaise et pour l’EE; cependant, la fonctionnaire a choisi de ne rien faire. Elle a plutôt qualifié les gestes des CX de jeux brutaux, dans l’esprit où il faut bien que jeunesse se passe, puis a poursuivi ses activités.

[65]  Pourquoi la fonctionnaire a‑t‑elle cru que l’employée concernée participait de son plein gré et qu’elle était à l’aise dans cette situation? Même en pareil cas, l’activité était inappropriée pour tout le monde et présentait un risque pour la sécurité des personnes concernées et celle de l’EE. La fonctionnaire a prétendu qu’elle croyait avoir résolu la situation lorsqu’elle avait dit : [traduction] « Sérieusement, les gars », puis avait quitté les lieux, parce qu’à ce moment‑là, la CX s’en allait aux toilettes. Toutefois, à ce moment‑là, la fonctionnaire a entendu dire que ce n’était pas la première fois que cette activité survenait.

[66]  Qu’a fait la fonctionnaire? Elle a quitté l’unité sans ajouter un mot. Elle n’a dénoncé aucun des CX concernés. Elle n’a pas géré la situation, ni exercé le leadership pour lequel elle était rémunérée en tant que GC. Elle a démontré aux personnes qui étaient dans le secret qu’elle restait tranquille, comme on le lui avait dit, et qu’elle soutenait l’environnement toxique évoqué dans le rapport de TLS. En s’abstenant de traiter directement avec les CX concernés et de signaler le comportement dont elle avait été témoin, elle a toléré le comportement non sécuritaire et inapproprié. Pour couronner le tout, elle a exacerbé ses actes en ignorant la situation pendant deux ans, jusqu’à ce qu’elle soit révélée par les séances de discussion ouvertes.

[67]  En ne faisant rien, la fonctionnaire est devenue une partie du problème relevé dans le rapport de TLS. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait fait des cauchemars au sujet de l’incident qui était survenu et de sa façon de le gérer, mais elle ne l’avait toujours pas signalé. Mme Richards a témoigné qu’elle avait vu la fonctionnaire rire de ce qu’elle avait vu, ce qui indique son manque de leadership. Mme Tinnis a témoigné qu’elle avait été choquée par la réaction de la fonctionnaire à l’égard de ce qu’elle avait vu. Elle s’attendait à ce qu’une GC signale un pareil incident. Contrairement à ce que la fonctionnaire a affirmé dans son témoignage, Mme Tinnis ne se souvenait pas que la fonctionnaire lui ait demandé ce qu’elle aurait fait dans cette situation. Si la fonctionnaire lui avait posé la question, elle lui aurait dit de signaler l’incident.

[68]  Les GC doivent contrôler le milieu de l’établissement, et non se croiser les bras et se tenir tranquille, comme l’a fait la fonctionnaire. Il était plus facile pour elle de laisser les CX mener le jeu que de faire son travail. La fonctionnaire a contribué au milieu de travail toxique et a permis que des activités non sécuritaires et inappropriées se poursuivent, n’étant pas signalées. Il importe peu que la CX en question ait participé de son plein gré. L’activité en question était non sécuritaire et inappropriée, et la fonctionnaire n’a rien fait à cet égard. Elle a fait preuve à la fois d’un manque de leadership et de jugement.

[69]  Dans Simoneau c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 57, au par. 62, l’arbitre de grief a conclu que la gravité des gestes dont le fonctionnaire s’estimant lésé était accusé ajoutait à la perte de crédibilité et avait irrémédiablement détruit le lien de confiance qui doit exister entre un CX et le SCC. C’est également vrai dans le présent cas, comme le révèle le témoignage de Mme Blasko. La confiance et l’honnêteté sont essentielles dans le milieu correctionnel (voir McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, aux paragraphes 79 à 81).

[70]  La fonctionnaire a vu et a su ce qui passait à son arrivée dans l’unité G/H ce soir‑là. Elle savait que cela était inapproprié et elle n’a rien fait. Elle savait aussi que l’unité avait des antécédents de comportement inapproprié, qui l’effrayaient. Il était immoral de sa part de fermer les yeux sur ce qu’elle avait vu ce soir‑là et de le laisser perdurer en omettant de le signaler pendant deux ans. Les gestes comme ceux‑là sont incompatibles avec le rôle d’une GC; ils rendent la relation d’emploi invivable (voir Albano c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 79; Richer c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 10).

[71]  Contrairement à la situation attestée dans Albano, où une personne a signalé une situation très tôt, dans le présent cas, personne ne l’a signalée avant la tenue des séances de discussion ouvertes deux ans plus tard. Si cela n’était pas arrivé, la fonctionnaire ne l’aurait jamais dévoilée et elle n’aurait jamais tenté d’y mettre fin. Elle ne l’avait pas fait pendant deux ans. Elle aurait continué à se tenir tranquille, et les CX concernés auraient continué à faire peu de cas de l’unité G/H et de ses employées. Aucune formation ne peut inculquer le jugement nécessaire pour faire ce qu’il faut. Ou bien une personne le possède ou bien elle possède un instinct de survie plus fort, comme dans le présent cas.

[72]  Comme il convient d’avoir un bon jugement à tous les postes des services correctionnels, que ce soit en tant que GC ou que CX, la rétrogradation n’était pas possible, et dans les circonstances, le licenciement était la seule solution de rechange viable.

[73]  Selon l’arbitre de grief dans Walker c. Administrateur général (ministère de l’Environnement et du Changement climatique), 2018 CRTESPF 78, aux paragraphes 630 et 631, ci‑dessous, un arbitre de grief ne devrait pas réduire une sanction disciplinaire à moins qu’elle soit excessive :

[630] J’ai examiné l’ensemble des facteurs et arguments que les parties m’ont présentés pour appuyer leur position sur la question de la mesure disciplinaire imposée. La décision Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119, est souvent citée pour appuyer l’argument selon lequel l’arbitre de grief ne devrait pas modifier une sanction disciplinaire, à moins qu’elle soit déraisonnable ou erronée (voir le paragraphe 13 de cette affaire). D’autres décisions indiquent que la sanction devrait être annulée uniquement si elle est excessive (voir Iammarrone c. Agence de revenu du Canada, 2016 CRTEFP 20; Rahim). Dans d’autres décisions encore, des arbitres de grief ont conclu que les sanctions ne devraient pas être annulées si elles étaient justifiées (McNulty c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 105).

[631] Essentiellement, à mon avis, ces affaires défendent toutes le même principe, soit que toute mesure disciplinaire imposée par l’employeur contre un employé doit être justifiée dans les circonstances, doit tenir compte de tous les facteurs aggravants et atténuants et doit être raisonnable. Une sanction raisonnable n’est pas excessive. Étant donné la preuve dont je suis saisie, je conclus que le licenciement de la fonctionnaire n’était pas excessif et qu’il était raisonnable dans les circonstances.

[74]  Dans ces circonstances, la décision de licencier la fonctionnaire n’était pas excessive et ne devrait pas être modifiée.

B.  Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[75]  Le rapport de TLS exigeait d’apporter des changements immédiats, afin de remédier aux conditions de travail malsaines de l’EE, ce qui n’était pas la faute de la fonctionnaire. Ces conditions existaient lorsqu’elle y a été mutée. On lui a dit qu’elle n’aurait pas la moindre chance à l’EE. Les GC de sexe féminin et venant de l’extérieur n’y étaient pas tolérés. Pour survivre, elle devait rester tranquille et garder le silence. Elle n’avait pas le choix.

[76]  Le processus d’enquête de l’employeur était vicié et ne visait qu’à prendre en défaut. Selon des conclusions préconçues, la fonctionnaire était coupable des allégations faites contre elle. Les enquêteurs n’ont pas interrogé la CX concernée, ni le CX Spilsbury, qui était l’un des CX concernés. Les enquêteurs n’ont ni interrogé les témoins nommés par la fonctionnaire ni recouru aux 14 références morales qu’elle avait fournies. Leur liste de témoins possibles était également limitée par le fait que l’employeur insistait pour dire que les enquêteurs n’étaient pas autorisés à interroger qui que ce soit sans l’autorisation du Service de police d’Edmonton ou de la Gendarmerie royale du Canada.

[77]  La fonctionnaire n’a pas nié qu’elle n’avait pas réagi de façon appropriée face à la situation qu’elle avait affrontée ce soir‑là. Elle pensait qu’il s’agissait de jeux brutaux innocents, qui avaient pris fin lorsque l’agente était partie aux toilettes. En tant que nouvelle superviseure, elle n’a pas perçu le moindre risque pour l’agente. Elle n’a vu l’occurrence d’aucun préjudice, seulement une agente qui faisait des blagues et riait avec ses collègues. Elle n’a pas prêté attention non plus au commentaire selon lequel cela était déjà arrivé.

[78]  Mme Blasko a témoigné que la réfutation de la fonctionnaire avait soulevé pour elle plus de questions qu’elle n’en avait résolu, mais que ces questions n’avaient pas été posées à la fonctionnaire afin d’obtenir des éclaircissements. La fonctionnaire a fait des cauchemars, parce qu’en tant que victime d’une agression sexuelle, en ce qui concernait l’incident en question, elle était passée à côté de quelque chose qu’elle aurait dû voir. L’évaluation de Mme Blasko reposait sur une pile de documents et non sur la réalité. Comme elle n’a jamais travaillé avec la fonctionnaire, elle ignore si elle peut lui faire confiance.

[79]  L’enquête n’a pas été équitable sur le plan de la procédure. Le rapport disciplinaire que Mme Blasko a aidé à rédiger n’était pas complet. L’inconduite que la fonctionnaire a admise dès la première occasion était mineure, et la mesure disciplinaire était excessive. La preuve n’étaye pas la deuxième question du critère énoncé dans Wm. Scott, qui consiste à déterminer si la mesure disciplinaire que l’employeur a imposée était une sanction excessive dans les circonstances. De l’avis de la fonctionnaire, selon la réponse à la troisième question du critère énoncé dans Wm. Scott, une réprimande écrite doit être substituée à la sanction excessive imposée par l’employeur, et elle‑même devrait être réintégrée dans le milieu de travail. Elle souhaite retourner à l’EEF si l’employeur juge bon de l’y affecter.

[80]  Tout comme dans Legere c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 65, l’employeur est tenu de veiller à ce que les enquêtes portant sur une inconduite soient menées avec célérité, sans partialité ou crainte raisonnable de partialité, et conformément aux lois de la justice naturelle. Ce cas indiquait ce qui suit :

[…]

[225] La question de la partialité ou de la crainte raisonnable de partialité a fait l’objet de Robertson c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2010 TDFP 11, 2010 TDFP 0011 :

[…]

50 […] Traditionnellement, la mauvaise foi sous-entend l’existence d’une intention inappropriée, de parti pris ou de manque d’objectivité dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Donc, l’allégation selon laquelle l’intimé a fait preuve de parti pris est une allégation de mauvaise foi dans l’évaluation du plaignant. Voir la décision Beyak c. le sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 7, 2009 TDFP 0007. Voir aussi René Dussault et Louis Borgeat, Administrative Law: A Treatise, 2e éd., Toronto, Carswell, 1990, vol. 1, p. 425 et vol. 4, p. 343.

51 Les tribunaux ont reconnu qu’il est difficile d’établir une preuve directe de parti pris, et que l’équité exige qu’il n’y ait aucune crainte raisonnable de partialité. Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi et doit être appliqué dans l’examen d’une décision provenant d’une autorité publique et qui porte atteinte aux droits et aux privilèges d’une personne. Ce critère peut varier, car il tient compte du fait que l’obligation d’agir de façon équitable varie selon le contexte de la décision. Voir l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux para. 45 à 47; et David Philip Jones et Anne S. de Villars, Principles of Administrative Law, Toronto, Thomson Carswell, 2009, pages 396 et suivantes.

52 À la page 394 de la décision Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 S.C.R. 369, le critère de la crainte raisonnable de partialité est décrit comme suit :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] Ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[…]

 

[81]  L’enquête comportait de nombreux vices, notamment son mandat flou et modifié, les entrevues sélectives, le défaut de produire les documents et les enregistrements que l’employeur avait en sa possession, malgré les ordonnances de divulgation, et l’exigence de répondre à une version expurgée du rapport d’enquête, de sorte qu’il était impossible pour la fonctionnaire de savoir ce qui avait été dit et qui l’avait dit. Pour toutes ces raisons, il était impossible pour elle d’être traitée équitablement et selon les règles de la justice naturelle, comme l’a précisé M. Brown.

[82]  Un arbitre de grief devrait mitiger une sanction si elle est déraisonnable ou erronée (voir Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119; Basra c. Canada (procureur général), 2010 CAF 24; Albano). Manifestement, si la fonctionnaire n’avait pas l’intention de causer un préjudice et qu’elle assumait la responsabilité de ses actes, le licenciement était déraisonnable et erroné. Tout comme dans Legere, au par. 198, une réprimande écrite serait appropriée.

[83]  La fonctionnaire demande la réintégration dans ses fonctions, ce qui, selon Gill c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 102, est la réparation par défaut. À titre subsidiaire, si le lien de confiance est rompu, elle demande des dommages tenant lieu d’avis. Elle consentirait aussi à une brève suspension et à une formation accrue.

IV.  Motifs

[84]  Il est bien établi en droit que les audiences tenues devant un arbitre de grief sont de nouvelles audiences, et que le préjudice ou l’iniquité qu’un vice de procédure peut avoir causé est réglé par l’arbitrage du grief (voir Maas c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123, au par. 118; Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70; Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.)(QL), au par. 2; Patanguli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 291. Parfois, comme dans Legere, la conduite de l’employeur dans son enquête sur l’employé peut avoir été offensante à un point tel qu’il est impossible pour l’employé de bénéficier des protections garanties par la justice naturelle, mais même dans ce cas, l’audience de novo remédie à cette situation. Les irrégularités de procédure en l’espèce n’ont pas atteint ce niveau et elles ont été résolues par la présente audience.

[85]  La question est celle de savoir si le licenciement de la fonctionnaire était excessif dans les circonstances, étant donné qu’à l’époque, la direction avait laissé le comportement et les jeux brutaux perdurer dans l’unité G/H pendant un certain temps, et qu’elle avait accepté que l’autorité d’une GC à l’EE soit secondaire par rapport aux décisions des CX. Les avocats de la fonctionnaire ont fait valoir qu’une mesure disciplinaire quelconque s’avérait nécessaire pour reconnaître son manquement à ses fonctions de GC.

[86]  Je crois que la fonctionnaire ne peut pas être dispensée d’exercer ses fonctions adéquatement, ou, à tout le moins, de s’efforcer de les exercer adéquatement. De plus, son défaut de signaler le comportement et les activités inacceptables a permis qu’ils se poursuivent pendant deux ans, ce qui a perpétué les conditions de travail malsaines pour lesquelles l’EE était bien connu à cette époque, et a exacerbé le manquement de la fonctionnaire.

[87]  Les jeux brutaux ne sont pas une activité acceptable dans un milieu de travail. Non seulement ils posent un problème de sécurité au travail, mais ils peuvent aussi, en fonction des circonstances, mener à l’agression et au harcèlement. Ces jeux violent les Règles de conduite professionnelle de l’employeur concernant l’exercice adéquat des fonctions de CX. La fonctionnaire était tenue d’y mettre fin lorsqu’elle y a fait face, que la CX ait semblé être en détresse ou non et que la fonctionnaire ait craint ou non de tomber en disgrâce aux yeux des CX Spilsbury et Fraser. Malgré le fait que les jeux brutaux ont pris fin à peu près au moment où la fonctionnaire a passé le commentaire [traduction] « Sérieusement, les gars », on ne sait pas exactement si c’est le commentaire ou le fait que la CX a demandé d’aller aux toilettes qui a mis fin à la captivité.

[88]  La fonctionnaire n’a pas donné directement l’ordre de libérer la CX qui aurait été attendu d’elle et qu’elle aurait dû donner. Par conséquent, elle ne s’est pas acquittée correctement de ses fonctions de GC. Le fait qu’elle s’est interrogée sur l’absurdité de ce qu’elle venait de voir aurait dû réveiller chez elle le besoin de le signaler, mais elle n’a ni déposé un « Rapport d’observation ou déclaration d’un agent » (RODA), ni signalé l’incident à qui que ce soit.

[89]  Durant l’audience, la fonctionnaire a témoigné qu’étant donné que la CX avait été libérée afin d’aller aux toilettes, l’affaire était réglée; tout était rentré dans l’ordre. Elle a aussi témoigné qu’étant donné que la CX riait durant l’incident, il n’y avait eu aucun préjudice. Elle n’a pas compris le risque que ce type de comportement présentait pour la sécurité de l’EE, la moralité et les employés. Elle a ignoré l’incident sur le moment et elle l’a ignoré ultérieurement en omettant de le signaler, ce qui aurait permis de s’assurer qu’il ne se reproduirait pas.

[90]  La fonctionnaire a témoigné au sujet de la règle du signal dans l’unité G/H, où les CX affectés au poste de contrôle de l’unité avertissaient les autres CX qui y participaient à des jeux brutaux qu’un ou une GC arrivait. Sans aucun doute, cette règle s’explique par le fait que les CX reconnaissaient que ce type de comportement était inacceptable et qu’ils ne voulaient pas se faire prendre. Comme elle les avait pris sur le fait, son devoir était de gérer la situation de manière à préserver la réputation de l’employeur. Je ne dispose d’aucune preuve directe du type de discrédit que cet incident a causé à la réputation de l’employeur, mais comme il est indiqué ci‑dessous dans D’Cunha c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 78, au par. 269, je n’ai besoin d’aucune preuve si un observateur raisonnable et bien informé peut considérer que cela jette le discrédit sur le SCC. En ce cas, il n’est pas nécessaire de démontrer le discrédit :

 [269] Je conclus que le comportement des deux fonctionnaires, soit de s’être présentés au domicile de Mme B et d’y avoir acheté de la marijuana à de nombreuses reprises sur une longue période, constitue une inconduite grave, qu’un observateur raisonnable et bien informé considérerait comme un comportement susceptible de jeter le discrédit sur le SCC. Il n’est pas nécessaire de démontrer le discrédit.

[Je mets en évidence]

 

[91]  Assurément, un citoyen objectif serait offusqué de découvrir qu’une gestionnaire chargée de surveiller la conduite des CX dans un établissement fédéral à sécurité maximale permettait que des agents menottent des agentes à des chaises et dessinent sur elles au moyen d’un feutre indélébile. Je ne doute pas qu’un grand nombre d’entre eux y verraient une agression. Le fait qu’on sache que des agents y étaient autorisés en toute impunité nuirait à la réputation du SCC.

[92]  L’employeur est en droit de douter de l’intégrité et du jugement de la fonctionnaire, compte tenu de la gravité de l’infraction et de l’effet que son comportement a eu sur sa crédibilité (voir Simoneau). La fonctionnaire était rémunérée pour assurer la gestion et agir dans l’intérêt supérieur de l’EE. Au lieu de cela, elle a ignoré une situation non sécuritaire, elle a permis qu’un risque pour la sécurité du personnel, des détenus et de l’EE perdure, et elle a perpétué les conditions de travail malsaines dont elle a prétendu être une victime.

[93]  Le manque de leadership dont la fonctionnaire a fait preuve explique la perte de confiance de l’employeur à son égard. Comme il est indiqué dans Albano, au par. 172, « il est simplement inapproprié et immoral de faire comme si l’on n’était pas au courant d’une possible violence non provoquée contre une personne […] ». La fonctionnaire a fait passer son intérêt personnel avant celui de l’EE, des détenus et des employés qu’elle gérait contre rémunération. Ensuite, lorsqu’elle a dû affronter la situation deux ans plus tard, elle a tenté de la banaliser en disant que ce genre de chose se faisait dans l’unité G/H et qu’il s’agissait seulement de jeux brutaux. Même avec le recul, elle n’a pas eu la perspicacité de reconnaître le caractère inapproprié ou le danger que présentait la situation; elle n’a pas reconnu non plus que par son inaction, en omettant de signaler la situation comme l’exigeait la politique, elle avait perpétué les conditions de travail malsaines de l’EE.

[94]  L’avocat de la fonctionnaire a énuméré divers facteurs atténuants dont je devrais tenir compte. Selon le principal d’entre eux, la fonctionnaire était nouvelle à l’EE et son rôle de GC était nouveau pour elle. L’avocat m’a priée de prendre en considération les conditions de travail malsaines de l’EE et le fait que la fonctionnaire avait peur de l’équipe en place dans l’unité G/H, qui avait exercé des pressions sur elle afin qu’elle ne dise rien. Ce que l’avocat estime être des facteurs atténuants peut aussi être vu comme des facteurs aggravants. Même si la fonctionnaire pouvait être nouvelle à l’EE et nouvellement nommée à son poste d’attache de GC, les services correctionnels n’étaient pas nouveaux pour elle et elle avait occupé de nombreux postes intérimaires, y compris au niveau de la direction. La fonctionnaire avait la possibilité de remédier aux conditions de travail malsaines, d’aborder l’équipe dont elle avait peur, et de montrer qu’elle ne se laisserait pas intimider; elle a plutôt choisi de se tenir tranquille. Elle a ignoré une situation dangereuse et elle s’est protégée pendant plus de deux ans, jusqu’au jour où il ne lui a plus été possible d’ignorer la vérité. Dans les circonstances, une mesure disciplinaire importante s’avérait nécessaire.

[95]  Pour déterminer si la mesure disciplinaire est excessive ou déraisonnable, je garde plus particulièrement à l’esprit le fait que l’employeur n’avait pas contrôlé le type de comportement affiché par les CX dans le passé. La fonctionnaire n’a reçu ni aide ni directives pour assumer son rôle à l’EE et asseoir son autorité sur un groupe de CX qui était connu pour son mépris des règles et son manque de respect envers la direction. L’avocat de la fonctionnaire a soutenu qu’avec un encadrement et une formation, celle‑ci acquerrait les compétences nécessaires pour gérer ces situations si elle était réintégrée dans le milieu de travail en faisant l’objet d’une mesure disciplinaire mineure telle qu’une réprimande écrite. Mme Blasko a témoigné qu’aucune formation ne peut inculquer à une personne le jugement et l’intégrité dont la fonctionnaire avait besoin pour gérer cette situation adéquatement, et qu’elle n’avait pas confiance que si la fonctionnaire affrontait une situation analogue à l’avenir, elle réagirait différemment.

[96]  La fonctionnaire ne peut pas imputer entièrement ses manquements à ceux de la direction de l’EE, qui a permis et toléré ce type de comportement même avant son arrivée. Gérer les mauvais comportements et veiller au respect des règles constituaient les principales fonctions de la fonctionnaire à l’EE, des fonctions qu’elle avait demandées et acceptées de son plein gré. En vertu des Règles de conduite professionnelle, elle devait s’acquitter fidèlement de ses fonctions; elle ne l’a pas fait ce jour‑là, et elle a laissé la violation perdurer pendant deux ans jusqu’à ce qu’elle affronte l’enquête. Peu importe à quel point l’enquête a été mal menée, il n’a plus été possible pour la fonctionnaire de nier son manquement. Elle n’a rien fait pour remédier immédiatement aux conditions de travail malsaines qu’elle a affrontées à l’EE; elle n’a pas non plus tenté d’aider la CX qu’elle avait rencontrée ce soir‑là à aborder la question de son milieu de travail dans l’unité G/H. Il fallait apporter des changements à l’EE à partir de la base, et la fonctionnaire a ignoré la possibilité qui s’offrait à elle de les entamer. Elle n’a pas signalé l’incident, comme l’exigeaient les directives du commissaire, et elle n’a pas respecté l’énoncé de mission du SCC.

[97]  La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait fait des cauchemars depuis son licenciement en repensant à ses gestes ce soir‑là. Mme Blasko a mentionné dans son témoignage qu’elle avait pris cela en considération, mais selon l’avocat de la fonctionnaire, Mme Blasko a mal interprété la déclaration de la fonctionnaire, qui ne visait pas à exprimer sa culpabilité, mais plutôt l’effet que l’incident a eu sur elle en raison de son passé. Ses cauchemars étaient attribuables aux remords qu’elle éprouvait pour ne pas être venue en aide à une femme qui en avait besoin. Même si Mme Blasko a mal interprété la déclaration de la fonctionnaire, cela ne rend pas nécessairement la décision de l’employeur excessive ou déraisonnable.

[98]  Les omissions de l’enquête menée par le comité d’enquête ont été corrigées par l’audience, au cours de laquelle la fonctionnaire a eu amplement l’occasion d’être entendue et de confronter ses accusateurs. Les faits ne sont pas contestés. Il n’y a pas de questions de crédibilité à évaluer. En dernier ressort, la fonctionnaire a admis ce qu’elle avait fait, ou plutôt, ce qu’elle avait omis de faire. Elle a laissé des collègues de sexe masculin menotter une collègue à une chaise. Elle a tenté de se dire qu’il s’agissait de jeux brutaux et que c’était donc acceptable, mais au moment de l’audience, elle était mieux au fait.

[99]  Tout comme dans Albano, il est simplement inapproprié de ne pas intervenir en sachant qu’une personne est exposée à un risque. Il était inapproprié de la part de la fonctionnaire de permettre qu’un être humain soit menotté à une chaise dans les circonstances auxquelles elle a fait face et de ne pas intervenir. De plus, prétendre assumer la responsabilité de ses actes à l’arbitrage et à la suite d’une longue enquête révèle un manque de sincérité. C’est deux ans avant le signalement de l’incident à la ligne de dénonciation que la fonctionnaire aurait dû assumer sa responsabilité. J’accepte l’évaluation de l’employeur, selon laquelle aucun degré d’encadrement ou de formation ne pourra jamais inculquer à la fonctionnaire le genre d’intégrité et de jugement escompté d’un agent ou une agente qui, face à une activité non sécuritaire, fait ce qu’il faut dès que possible, ou ne pourra jamais rétablir le lien de confiance nécessaire pour maintenir la relation d’emploi.

[100]  La fonctionnaire a été licenciée parce que l’employeur ne pouvait plus lui faire confiance pour se conduire adéquatement dans le milieu de travail, respecter ses politiques et servir de modèle. Je souscris à cette évaluation. Le fait que même à l’audience la fonctionnaire a continué à minimiser la gravité des incidents survenus ce jour‑là, en allant même jusqu’à affirmer qu’il s’agissait d’un incident mineur qui ne méritait qu’une réprimande écrite, me confirme que la fonctionnaire ne comprend pas vraiment le tort que ses actes ont causé au lien de confiance établi entre elle et son employeur.

[101]  Je suis honnêtement et fermement convaincue que la fonctionnaire ne possède pas la compréhension nécessaire pour ne pas reproduire le comportement pour lequel elle a été licenciée si elle était réintégrée dans ses fonctions, et que la perte de confiance de l’employeur à son égard est justifiée. Il ressort de la preuve claire, logique et convaincante que l’employeur s’est acquitté de la charge de prouver que le lien de confiance a été irrémédiablement brisé.  

[102]  En résumé, je conclus en répondant aux questions du critère énoncé dans Wm. Scott. La fonctionnaire a fourni à l’employeur un motif raisonnable pour lui imposer la mesure disciplinaire qui, selon les circonstances du cas et l’ensemble de la preuve, y compris les témoignages de vive voix et les pièces, démontre que la décision de l’employeur de licencier la fonctionnaire n’était pas une réponse excessive. Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas à examiner la question de savoir si une mesure de rechange devrait y être substituée.

[103]  Les parties m’ont présenté de nombreux cas à l’appui de leur argumentation. Bien que j’aie lu chacun d’eux, je n’ai fait renvoi qu’aux plus importants.

  • [104] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V.  Ordonnance

[105]  Le grief est rejeté.

Le 15 décembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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