Décisions de la CRTESPF

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MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I.  Introduction

[1]  Le plaignant, Steven Harrington, a posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé mené pour pourvoir plusieurs postes EX‑01 à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Il n’a pas été nommé et a ensuite déposé une plainte pour abus de pouvoir. Il a allégué que l’intimé, le président de l’ASFC, a abusé de son pouvoir, en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »).

[2]  Le plaignant estime que l’intimé a abusé de son pouvoir en utilisant les références qu’il a reçues des deux répondants qui ont donné de l’information sur lui dans le cadre de ce processus de nomination. En particulier, le comité d’évaluation a commis une erreur en exigeant que l’un de ses répondants soit son superviseur immédiat, en s’appuyant sur de l’information fournie par ce superviseur qui, à première vue, n’était pas fiable parce qu’elle montrait que son superviseur avait un parti pris contre lui, en refusant de laisser de côté cette référence et de la remplacer par une autre, en acceptant la référence d’un deuxième répondant qui était influencé par le superviseur immédiat et en n’agissant pas avec diligence en vue d’obtenir la référence d’un troisième répondant.

[3]  L’intimé a nié que l’abus de pouvoir allégué a eu lieu. Il a indiqué que le plaignant avait donné le nom de trois répondants. Deux d’entre eux ont donné de l’information à son sujet. On a communiqué avec le troisième, mais celui-ci n’a pas répondu à l’invitation de donner une référence. L’intimé a affirmé qu’il n’avait commis aucune erreur en refusant d’écarter une référence et de la remplacer par une autre. L’information dont il disposait suffisait à évaluer les qualifications du plaignant pour le poste.

[4]  La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas présente à l’audience, mais elle a présenté des arguments écrits. Elle a mentionné l’importance de respecter les lois et les politiques dans l’évaluation de candidats.

[5]  Après avoir entendu et apprécié les éléments de preuve, qui sont exposés plus loin dans la présente décision, je conclus que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir comme il est allégué. Le comité d’évaluation a joint deux répondants, tous deux nommés par le plaignant, et a obtenu des références auprès de ceux-ci. Les efforts déployés pour communiquer avec le troisième répondant étaient adéquats et, de toute façon, on n’avait pas besoin de la troisième référence. Enfin, il n’a pas été prouvé que le comité d’évaluation avait agi de manière inappropriée quand il a refusé de mettre une référence de côté et de la remplacer par une autre.

II.  Contexte

[6]  Le 5 mars 2015, l’intimé a entamé un processus de nomination interne annoncé (portant le numéro 14-BSF-IA-HQ-CAB-NAT-EX-338) pour plusieurs postes EX-01 à l’ASFC.

[7]  Le plaignant était un candidat. Après avoir été présélectionné en fonction des qualifications essentielles, des études et de l’expérience, il a subi une entrevue. Il a passé l’entrevue et on lui a ensuite demandé de remplir l’outil d’auto-évaluation des « compétences clés en leadership » (CCL), qui lui a été envoyé le 22 juin 2015.

[8]  Le 10 juillet 2015, le plaignant a remis cet outil. On lui a demandé de fournir les coordonnées de son superviseur immédiat et d’un autre pair ou d’un subalterne afin de valider les renseignements qu’il avait indiqués. Quand l’intimé l’a reçu, il l’a envoyé aux valideurs (ou répondants) du plaignant aux fins d’examen.

[9]  Les candidats devaient obtenir une note de passage de 3 sur 5 pour chacune des qualifications liées aux connaissances et pour les CCL. Une fois que les valideurs ont fourni toute l’information, le comité d’évaluation a déterminé que le plaignant n’obtenait aucune des CCL; par conséquent, il a été éliminé du processus.

[10]  Le 24 février 2017, un avis de nomination ou de nomination proposée pour la nomination du candidat retenu a été affiché sur le site Web Emplois au gouvernement du Canada. Le plaignant a déposé sa plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») le 13 mars 2017.

III.  Questions

[11]  La Commission doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir en utilisant les références qu’il a reçues des deux répondants qui ont donné de l’information sur le plaignant.

IV.  Éléments de preuve pertinents et analyse

[12]  Le plaignant a témoigné à l’audience pour son propre compte. L’intimé a cité à témoigner Sylvie Munyanganizi qui, aux fins du processus de nomination en litige, était conseillère principale en ressourcement des EX à l’ASFC.

[13]  Le plaignant a déposé en preuve son curriculum vitæ. Il avait principalement occupé un poste d’analyste de la planification stratégique (SG-SRE-04) à Santé Canada de 2008 à 2014.

[14]  Il a expliqué qu’en 2013, la personne qui le supervisait depuis 2007 est décédée subitement. Un autre superviseur, Rick O’Leary, avait été nommé au poste de superviseur à ce moment. À l’arrivée de M. O’Leary, le plaignant a estimé qu’il était important de l’informer de son problème de santé. Il a donc envoyé un courriel à M. O’Leary, le 3 février 2014, afin de l’informer de ce problème (ou limitation fonctionnelle). Il a expliqué qu’il s’agissait d’un immense problème pour lui, mais qu’il le surmontait graduellement. Il a estimé que sa limitation avait été éliminée en majeure partie à ce moment-là, en février 2014. Il voulait que son nouveau superviseur en soit au courant. Je mentionne qu’étant donné que le courriel du plaignant contenait des renseignements personnels de nature délicate à son sujet, et que les parties et moi‑même en avons pris conscience à l’audience, il a été déterminé qu’il n’était pas nécessaire de le présenter en tant que pièce au dossier, car l’intimé n’a pas contesté le fait que le plaignant souffrait du problème médical qu’il avait décrit dans son courriel.

[15]  En mars 2015, le plaignant a posé sa candidature pour le poste EX-01 à l’ASFC. Il a été présélectionné en fonction des qualifications essentielles des études et de l’expérience.

[16]  Il a subi une entrevue le 10 juin 2015. Il a indiqué que son entrevue s’est très bien passée et qu’au cours de celle-ci, le comité d’évaluation a mentionné qu’il devrait fournir les coordonnées de son superviseur immédiat, ainsi que celles d’un autre pair ou d’un subalterne afin de permettre au comité d’évaluation de valider l’information qu’il indiquerait dans l’outil d’auto-évaluation des CCL. Il a parlé au comité d’évaluation du problème particulier auquel il se heurtait, car son plus récent superviseur de longue date était décédé à la suite d’une maladie terminale.

[17]  Le 15 juin 2015, le plaignant a envoyé ce qu’il a appelé un « courriel de remerciement » au comité d’évaluation, dans lequel il rappelait que les références seraient particulièrement difficiles pour lui, car son superviseur de longue date était décédé subitement. Il a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Je dois vous mentionner que mon meilleur répondant (mon plus récent directeur de longue date, dont je relevais directement) est décédé de façon précoce et inattendue en 2013. Cela étant dit, je possède d’excellentes références [il a précisé qu’il espérait à ce moment donner le nom du directeur général de la Direction des aliments en tant que référence, mais il a appris par la suite que celui-ci se trouvait à l’extérieur du pays.] Ce sont de très bonnes personnes, qui seront ravies que vous communiquiez avec elles. Si vous désirez obtenir leurs coordonnées, veuillez me le faire savoir.

 

[18]  Le plaignant a également donné des renseignements supplémentaires à Mme Munyanganizi, qui était l’une des membres du comité d’évaluation et la représentante des ressources humaines (RH) qui a exécuté le processus. Il lui a dit que son plus récent superviseur de longue date, dont il avait relevé pendant sept ans, était décédé subitement et que son deuxième répondant, son ancien directeur général, venait de quitter la fonction publique et ne pouvait pas être joint dans un avenir prévisible, car il se trouvait à l’étranger.

[19]  Le 22 juin 2015, on a envoyé au plaignant l’outil d’auto-évaluation des CCL. Le courriel contenant l’outil indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Vous aurez la possibilité de mettre en valeur vos réussites, vos capacités et vos leçons retenues, et, chose plus importante, vous pourrez expliquer pourquoi vous croyez être qualifié pour occuper un poste de direction. Afin de valider vos exemples, le comité a demandé que votre superviseur actuel ET un pair ou un subalterne servent de référence pour tous les exemples que vous donnez pour chacune des CCL. Étant donné que cet outil constituera vos références, vos répondants devront corroborer les exemples donnés et valider le fait qu’ils affichent les comportements liés aux CCL. Par conséquent, nous communiquerons ensuite avec les valideurs pour discuter davantage des exemples et pour répondre en conséquence à toute question que le comité pourrait avoir. Veuillez donc vous assurer d’informer vos valideurs que nous communiquerons avec eux. De plus, veuillez noter que, si nous n’obtenons pas suffisamment de renseignements de cet outil, nous gardons le droit de demander à vos répondants ou à d’autres sources de nous donner plus d’information.

[…]

[20]  Le plaignant a répondu ce qui suit à ce courriel :

[Traduction]

[…]

Comme je l’ai déjà indiqué à Sylvie Munyanganizi, Tammy Branch et Robert Mundie [les trois membres du comité], mon meilleur répondant (mon plus récent directeur de longue date, dont j’ai relevé directement pendant six ans) est décédé de façon précoce et inattendue en 2013. Par conséquent, je relève de mon superviseur actuel depuis mai 2014 seulement. Cela rend cet exercice un peu plus difficile pour moi.

[…]

[21]  Le 24 juin 2015, la réponse de Mme Munyanganizi au plaignant contenait la phrase suivante : [traduction] « Je comprends parfaitement, mais nous cherchons à obtenir les commentaires de référence du superviseur actuel. »

[22]  Le plaignant a indiqué que les consignes données aux candidats indiquaient seulement qu’ils devaient informer les valideurs de leur approche. Aucune consigne n’a été donnée sur la longueur des réponses attendues.

[23]  De plus, le plaignant a ajouté que chaque candidat devait nommer son superviseur actuel en tant que valideur, mais aucune consigne n’était donnée pour les cas où les valideurs n’ont pas une connaissance directe des faits décrits dans les exemples. Dans son cas, le directeur qui avait été témoin des faits indiqués dans ses exemples était décédé et son nouveau superviseur n’était pas au courant de ceux-ci. Néanmoins, on avait dit au plaignant qu’il devait absolument fournir le nom de son nouveau superviseur, qui le supervisait depuis à peine moins d’un an. Il a plus tard ajouté que Mme Munyanganizi avait fini par lui dire qu’une plus grande importance était accordée aux commentaires du superviseur, mais cela n’avait jamais été dit avant ou à tout autre moment.

[24]  En particulier, le plaignant a fait part à Mme Munyanganizi de sa réticence à nommer son superviseur actuel, qui ne le supervisait pas depuis longtemps. À l’audience, il a expliqué qu’il entretenait des inquiétudes sur certaines des opinions de son superviseur et sur sa capacité de présenter une évaluation juste de ses antécédents et de ses compétences. En particulier, le nouveau superviseur n’était pas au courant du travail qu’il avait accompli avec la haute direction sur certains dossiers et de son expérience en gestion quand il avait occupé des postes par intérim.

[25]  Il s’est souvenu que Mme Munyanganizi lui avait dit de ne pas s’inquiéter, car l’exercice de validation visait uniquement à garantir qu’aucune sonnette d’alarme n’avait été déclenchée après que le comité d’évaluation a conclu qu’il avait satisfait aux exigences relatives aux CCL à l’entrevue. Il convient de mentionner qu’elle ne se souvenait pas de lui avoir dit cela. Il convient aussi de mentionner que, pendant l’échange d’information, un autre représentant des RH a écrit ce qui suit au plaignant à propos du guide de cotation et des validations : [traduction] « […] on a demandé aux candidats de remplir une grille d’évaluation des compétences clés, que les répondants ont ensuite validée. Si aucune incohérence n’est relevée, les résultats précédents étaient maintenus et les candidats passaient à la phase suivante de l’évaluation, soit l’exigence d’avoir un profil linguistique de CBC/CBC. »

[26]  À l’audience, le plaignant a témoigné qu’il était aussi incertain de ce que son nouveau superviseur dirait à son sujet en ce qui concerne sa fiabilité, étant donné qu’il l’avait informé par le passé de sa limitation fonctionnelle, qui pouvait nuire à sa fiabilité. En particulier, il a expliqué qu’à un moment donné, son nouveau superviseur lui avait posé des questions sur le solde négatif de congés de maladie dans son dossier. Le plaignant a indiqué que son ancien superviseur lui avait avancé trois semaines de congés de maladie quand il avait pris conscience de la gravité de son problème de santé. Quand il a abordé ce sujet avec son nouveau superviseur, il ne lui restait qu’une semaine de congés de maladie à rembourser. Son problème de santé était maîtrisé. Toutefois, quand son nouveau superviseur lui a posé des questions sur son solde négatif de congés de maladie, le plaignant avait senti qu’on le jugeait de façon négative.

[27]  Pour cette raison, et parce qu’il était l’un des candidats au processus de nomination en litige, lui et son nouveau superviseur avaient discuté au préalable des critères liés à la fiabilité. En fait, le plaignant avait suggéré des réponses que M. O’Leary pourrait utiliser quand on lui poserait des questions à ce sujet en tant que répondant. Le plaignant estimait que son problème de santé ne devrait pas avoir une incidence négative sur sa fiabilité, puisqu’il était fiable et qu’il respectait toutes les échéances.

[28]  Le plaignant a porté à mon attention les consignes données aux candidats dans le formulaire d’auto-évaluation des CCL. Ces consignes indiquaient en partie ce qui suit :

[Traduction]

Au moyen d’exemples de réalisations actuelles et passées liées au rendement et au travail, vous devez montrer que vous affichez les comportements associés à toutes les compétences de leadership clés (CCL). Veuillez consulter le lien suivant […]

Afin de vous aider à donner des exemples concrets, chacune des compétences est accompagnée de questions afin de vous diriger dans la bonne direction. Toutefois, quand vous rédigez vos réponses, assurez-vous qu’elles reflètent avec exactitude la définition de la compétence. Veuillez faire ce qui suit :

1. Fournissez des exemples concrets et précis de comportements qui correspondent bien aux énoncés d’indicateurs comportementaux.

2. Évitez d’utiliser des acronymes, des abréviations et des expressions familières.

3. Décrivez les exemples de façon suffisamment détaillée pour illustrer clairement la mesure dans laquelle vous avez manifesté les comportements qui correspondent à chaque compétence.

4. Concentrez-vous presque exclusivement sur ce que vous avez fait dans la situation décrite. Lorsque vous mentionnez une expérience que vous avez eue au sein d’une équipe, veuillez préciser le rôle que vous avez assumé à la différence de ceux des autres membres de l’équipe. Par exemple, évitez des énoncés tels « nous avons décidé de […] », « nous avons organisé […] », « nous avons estimé que […] », ou « il a été décidé de […] », « on a cru que […] ». Lorsqu’il est question de ce que d’autres personnes ont fait, limitez-vous au contexte dans lequel elles l’ont fait.

5. Décrivez les réalisations au passé, étant donné que vos valideurs devront comprendre clairement le rôle que vous avez joué dans les événements. Le fait d’utiliser le passé contribue à garantir que vous donnez des exemples concrets et pas des déclarations générales (p. ex., « je travaille bien en équipe ».).

 

[29]  Des renseignements supplémentaires étaient inclus pour chacun des critères liés aux compétences, comme « Excellence en gestion - Gestion des personnes ». Ces renseignements indiquaient entre autres ce qui suit :

[Traduction]

INFORMATION AUX FINS DE VALIDATION

Veuillez indiquer, pour chacun des exemples fournis, le nom et les coordonnées des répondants que vous avez choisis pour valider votre exemple, ainsi que votre relation avec eux et la durée de celle-ci.

[30]  Le plaignant a expliqué qu’il a déployé des efforts gigantesques pour remplir son outil d’auto-évaluation des CCL. Il a donné de nombreux exemples très détaillés. Il a expliqué qu’il croyait préférable de donner beaucoup de détails dans ses exemples, étant donné qu’aucune limite n’avait été établie quant à la longueur de la réponse des candidats.

[31]  Le 10 juillet 2015, le plaignant a renvoyé son outil d’auto-évaluation des CCL remplie.

[32]  Le 13 juillet 2015, le plaignant a envoyé un courriel à son collègue, Harvey MacLean, afin de l’informer qu’il avait donné son nom en tant que répondant et valideur pour certains de ses exemples. Il a également dit à M. O’Leary et à Laurene Bakouche, une collègue, qu’il avait donné leur nom en tant que répondants.

[33]  L’outil d’auto-évaluation des CCL a ensuite été envoyé aux valideurs du plaignant aux fins d’examen. Le comité d’évaluation a obtenu des références de M. O’Leary et de Mme Bakouche pour le plaignant.

[34]  Le plaignant a insisté sur le fait que les valideurs n’avaient pas reçu de consignes sur la façon de valider les exemples des candidats. Afin de le prouver, il a produit en preuve le courriel envoyé à l’un de ses valideurs. Les seuls renseignements fournis aux valideurs étaient les suivants :

[Traduction]

Dans le contexte du processus de sélection pour le poste de directeur (divers postes) à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), vous avez été identifié en tant que collègue de M. Steven Harrington. Nous vous saurions gré de valider les renseignements indiqués dans le document ci-joint (auto‑évaluation des compétences clés en leadership).

Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous consacrerez à répondre à cette demande et vous remercions d’avance de votre collaboration.

 

[35]  Le plaignant a identifié M. O’Leary comme son superviseur actuel et l’a désigné valideur pour 16 de ses exemples : 1, 7, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 22, 24, 25, 26 et 27. Il a identifié M. MacLean en tant que collègue et valideur pour 8 de ses exemples : 2, 6, 8, 12, 13, 18, 21 et 23. Enfin, il a identifié Mme Bakouche en tant que subalterne et responsable de la validation pour trois de ses exemples : 3, 4 et 5.

[36]  M. O’Leary a présenté un nombre important de commentaires. Il a commenté tous les exemples donnés par le plaignant, et pas seulement les 16 pour lesquels il avait été désigné en tant que valideur.

[37]  Le plaignant m’a montré les renseignements qu’il a présentés dans ses exemples. Par exemple, pour le premier critère, « Excellence en gestion - Gestion des personnes », on demandait aux candidats de répondre aux questions suivantes dans leurs exemples :

[Traduction]

Comment recrutez-vous, maintenez-vous en poste et perfectionnez-vous votre personnel afin de répondre à des besoins actuels et futurs?

De quelle façon gérez-vous le rendement inefficace?

Réglez-vous les problèmes liés à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée?

À quelle fréquence encadrez-vous votre personnel et lui donnez‑vous de la rétroaction, et à quel point réussissez-vous efficacement à le faire?

Quelles occasions d’avancement professionnel, défis et possibilités offrez-vous?

[38]  Le plaignant a donné cinq exemples pour ce critère, dont le premier est le suivant :

[Traduction]

En 2015, j’ai remarqué que l’un des employés de mon bureau avait un rendement insuffisant. Les procédures opérationnelles normalisées (PON) n’étaient pas respectées et le travail n’était pas effectué à temps. J’ai corrigé le rendement insuffisant rapidement afin de réduire au minimum ses répercussions. Conscient que ces types de problèmes sont souvent (mais pas toujours) liés à la formation plutôt qu’à l’absence de compétences ou de capacités, ou à une atteinte délibérée, j’ai d’abord rencontré l’employée afin de m’assurer qu’elle possédait les renseignements et la formation dont elle avait besoin pour afficher un bon rendement. Je me suis assuré qu’il était clair que je voulais l’aider. J’ai d’abord consulté les ressources à sa disposition afin qu’elle sache où trouver de l’information sur nos processus, nos procédures et nos délais d’exécution attendus. J’ai identifié les employés, en plus de moi‑même, qu’elle pouvait consulter pour obtenir des conseils sur des catégories précises de problèmes et je lui ai demandé si nous pouvions passer en revue les deux procédures qui n’avaient pas été suivies correctement ou à temps, comme je l’avais remarqué. Pendant ce temps, je me suis assuré (de façon polie et respectueuse) qu’elle était au courant de mes attentes en ce qui concerne le rendement et de l’échéance à laquelle les travaux devaient être effectués. Je lui ai aussi parlé longuement de l’importance du travail et des problèmes qui surviennent quand les choses ne sont pas effectuées rapidement et selon la PON (la présentation de rapports erronés, qui mène à des réunions problématiques et à une perte de confiance à l’égard de nos rapports et du système opérationnel de gestion des cas). J’ai plus tard constaté que les mêmes problèmes survenaient; j’ai donc enquêté et analysé la situation afin de comprendre. Je me suis d’abord employé à déterminer si l’employée était sous contrainte (sachant que le problème de rendement serait temporaire et pour déterminer s’il était approprié de faire preuve de compassion) ou qu’elle avait affiché un comportement coupable (des actes délibérés et relevant de son contrôle, qui exigeaient la prise de mesures disciplinaires) ou non coupable (le problème échappait à son contrôle et l’employé doit suivre une formation). Après avoir déterminé qu’il s’agissait d’un comportement non coupable, étant donné qu’il semblait lié à des compétences ou des habiletés insuffisantes, qu’une formation supplémentaire pourrait corriger, j’ai adopté une approche plus pratique à l’égard de sa formation et j’ai précisé davantage les consignes données et je me suis montré patient. Je me suis aussi assuré que des PON étaient créées, et ce, même pour des processus pour lesquels des PON n’étaient pas nécessaires (pour les autres) par le passé. Depuis, elle affiche un rendement acceptable et j’ai géré cette situation comme un problème de rendement plutôt que comme un cas qui exigerait de prendre des mesures disciplinaires. Je ne suis pas le seul à avoir contribué à former davantage cette employée. J’ai ensuite surveillé la situation, au cas où il faille apporter un changement à l’approche de gestion.

 

[39]  M. O’Leary a par la suite formulé les commentaires suivants sur cet exemple :

[Traduction]

Selon la lecture que j’en fais, cet exemple indique qu’une relation superviseur-employé était en place : Steven indique que l’employée « était au courant de [ses] attentes en ce qui concerne le rendement et de l’échéance à laquelle les travaux devaient être effectués ». Je dois préciser que Steven n’a aucun subalterne direct et qu’il ne se trouvait pas dans une position qui lui permettait d’établir des attentes en matière de rendement ou des échéances pour cette employée. L’employée dont il est question dans cet exemple est une collègue de Steven et on a demandé à celui-ci de soutenir la formation de cette employée. Dans cet exemple, Steven affirme qu’il a enquêté sur la situation afin de comprendre les problèmes auxquels l’employée se heurtait et il a corrigé la situation en conséquence. Je ne suis pas en mesure de valider la tenue de cette enquête et de cette analyse; je me souviens toutefois d’avoir eu une conversation avec Steven, qui avait indiqué que cette employée n’avait pas un bon esprit d’équipe, possédait de faibles aptitudes interpersonnelles et ne possédait pas suffisamment de compétences pour occuper le poste. Steven a demandé s’il y avait une façon de licencier cette employée; il n’a jamais été question d’améliorer son rendement. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, je peux seulement valider le fait qu’on a demandé à Steven de participer au mentorat et à la formation d’une nouvelle collègue pendant son processus d’intégration.

[40]  Il convient de mentionner que, pour les exemples 2, 6, 8, 12, 13, 18, 21 et 23, dont M. MacLean était le valideur, M. O’Leary a cru bon de donner la précision suivante :

[Traduction]

Je tiens à préciser qu’Harvey McLean a rejoint la Direction des aliments en juillet 2013 et qu’il y est demeuré jusqu’à son départ à la retraite, en juin 2015. À la Direction des aliments, Harvey McLean occupait le poste de conseiller principal, Apprentissage et perfectionnement; il a été le collègue de Steven de février 2014 à juin 2015 environ.

[41]  En ce qui concerne les exemples 3, 4 et 5, pour lesquels Mme Bakouche était la responsable de la validation, M. O’Leary a ajouté les précisions suivantes :

[Traduction]

Je tiens à préciser que Laurene Bakouche relevait de moi à partir du moment où elle a rejoint le Bureau des systèmes administratifs et des opérations de la Direction des aliments, en juin 2014, jusqu’en juillet 2015. Je ne suis pas certain de ce que le terme « subalterne » signifie dans le contexte de cette évaluation, mais il convient de mentionner que Laurene n’a jamais relevé de Steven. Comme c’est le cas pour le premier exemple, on a demandé à Steven de participer au mentorat et à la formation de Laurene pendant son processus d’intégration.

 

[42]  Le critère suivant évalué était « Excellence en gestion - Gestion financière ». Pour ce critère, les candidats devaient répondre aux questions suivantes :

[Traduction]

Comment attribuez-vous et gérez-vous les ressources de la division de façon transparente?

Avez-vous mis en œuvre des stratégies visant l’efficacité des opérations et l’optimisation des ressources?

De quelle façon gérez-vous les vérifications, les évaluations et les autres renseignements objectifs sur le rendement?

 

[43]  Le plaignant a porté à mon attention l’un des quatre exemples pour ce critère. Il se lit comme suit :

[Traduction]

Efficacité des opérations - En 2015, j’ai remarqué que notre groupe horizontal, dont je fais partie, et de gestionnaires précis de chacun de nos bureaux des sciences consacrait du temps et des efforts importants en vue de produire un rapport de la direction qu’il fallait créer de nouveau toutes les deux semaines. Les agents de programme devaient donc compiler des renseignements dans une feuille de calcul et envoyer ces renseignements aux chefs de section de chacun des bureaux des sciences, qui demandaient ensuite à leurs évaluateurs de valider et de mettre à jour l’information. Un agent de projet réglementaire compilait ensuite les renseignements et créait un rapport dans Excel. Je me suis aperçu que nous pouvions utiliser notre nouveau système de gestion des cas, appelé RADAR, et notre logiciel d’établissement de rapports des renseignements d’entreprise, Cognos, afin d’automatiser la création de ce rapport et de libérer le temps des employés, ce qui a permis de rendre les opérations plus efficaces, en plus d’optimiser les ressources liées à notre investissement en mettant à profit les capacités de notre nouveau système opérationnel. J’ai d’abord dit à mon superviseur que je prévoyais d’automatiser complètement le processus en un mois (deux cycles de rapport), ce qui mènerait à la création des rapports pendant les rondes suivantes. J’ai ensuite déterminé les changements à apporter dans notre façon de saisir l’information dans notre base de données pour atteindre mon objectif, j’ai obtenu le soutien en ressources humaines dont j’avais besoin pour apporter les changements à la saisie de données et pour rédiger les instructions sur la façon d’apporter les changements. J’ai ensuite élaboré un rapport qui, selon moi, était considérablement meilleur que ceux qui étaient créés par le passé. J’ai demandé des commentaires sur la mise en page et sur le contenu du rapport et intégré les suggestions. J’ai demandé de créer le rapport de manière à ce que notre logiciel de renseignements d’entreprise le présente en un seul clic. Ce changement a permis aux employés de gagner beaucoup de temps, en plus d’accroître l’utilisation de nos nouveaux systèmes opérationnels, ce qui a donné lieu à une optimisation de notre investissement. Le rapport continuera probablement d’être utilisé tant que notre direction gérera des demandes. Les agents de programme, les agents des affaires réglementaires, les chefs de section et les évaluateurs de trois bureaux des sciences différents n’ont plus à travailler sur ce rapport, qui est d’ailleurs de meilleure qualité que ce qu’il était avant que je l’automatise.

 

[44]  Le plaignant a insisté sur le fait que tout ce qui était indiqué dans son exemple était vrai. Il a toutefois indiqué, dans ses commentaires, que M. O’Leary avait dénigré son travail et qu’il n’avait pas reconnu tout ce qu’il avait fait.

[45]  Voici les commentaires formulés par M. O’Leary sur cet exemple :

[Traduction]

Je peux valider le fait que Steven a dirigé la création d’une structure révisée d’établissement de rapports au moyen de données saisies dans la base de données du système RADAR; l’élaboration du rapport était liée à des fonctions supplémentaires de la base de données rendues disponibles à la suite d’une mise à niveau de la base de données du système RADAR. Je peux valider le fait que Steven a proposé des options afin de modifier la façon dont les renseignements étaient saisis dans le système RADAR; c’est toutefois moi, en tant que gestionnaire, qui a retenu l’option choisie à la suite d’une discussion avec cinq autres membres de l’équipe, y compris Steven. Je dois aussi préciser que j’étais responsable d’attribuer les ressources humaines au projet, étant donné que Steven n’a aucun subalterne direct. Je ne peux pas valider le fait que Steven a conçu le rapport; je ne suis pas certain des tâches précises que le terme « conception » englobe. Je précise que la tâche pratique de la création de rapports au moyen du logiciel de renseignements d’entreprise Cognos est la responsabilité d’un autre membre du projet, qui est l’un des collègues de Steven. De même, je ne peux pas valider le fait que Steven a apporté des changements au rapport, car il s’agissait de la responsabilité de l’un de ses collègues. Le rôle de Steven dans la conception, l’élaboration et la création de ces rapports de renseignement d’entreprise est de travailler avec l’employé responsable de ces tâches d’élaboration en lui fournissant des conseils et des commentaires conceptuels sur l’élaboration des rapports.

 

[46]  Le 28 juillet 2015, Mme Bakouche a envoyé les commentaires suivants pour les trois situations décrites dans les exemples 3, 4 et 5 :

Je voudrais mentionner le fait que, d’après le document word, je suis considérée comme étant un « subordinate » mais je ne le suis pas. Mon superviseur est une autre personne, à laquelle je me rapporte.

 

Par rapport à Steven Harrington, j’ai toujours été une collègue de travail et je travaille sur des projets en collaboration avec lui.

 

Aussi exemple numéro 5 :

 

« She later told me that my praise to her manager made an impact on Performance Management review” [Elle m’a dit par la suite que les éloges que j’avais faits à son gestionnaire à son égard avaient eu une incidence sur son examen de gestion du rendement] Je ne peux pas confirmer cette affirmation. Mais j’espérais un impact tout de même.

 

[47]  Le plaignant m’a montré qu’après avoir reçu cette information, le représentant des RH a remercié Mme Bakouche par courriel et a écrit ce qui suit : [traduction] « Nous vous remercions pour le temps et pour la réflexion que vous avez consacrés à la validation de l’auto-évaluation de M. Steven Harrington. »

[48]  Le plaignant a expliqué qu’il était en désaccord avec l’affirmation de Mme Bakouche selon laquelle elle n’avait pas une relation de subalterne avec lui. Il a porté à mon attention la définition du terme subalterne (subordinate) que l’on trouve dans un site Web du Oxford Dictionary, qui se lit comme suit : [traduction] « adjectif; d’un poste de rang inférieur » et [traduction] « nom; personne relevant de l’autorité ou du contrôle d’une autre dans une organisation ».

[49]  Il a insisté sur le fait que, même s’il n’est pas le superviseur de Mme Bakouche, celle-ci occupe un poste inférieur au sien de plusieurs échelons et qu’ils ont travaillé ensemble dans un contexte où il la formait et agissait en tant que mentor. Il m’a dit regretter d’avoir défini sa relation avec elle comme une relation de mentor et de subordonnée, mais, d’après ce qu’il comprenait, étant donné qu’il occupait un poste supérieur de plusieurs échelons au sien (il était classifié au niveau SG-04, tandis qu’elle était classifiée au niveau SG-01 ou SG-02) et qu’il l’orientait, elle correspondait au critère de subalterne.

[50]  Le 28 juillet 2015, une représentante des RH a envoyé un courriel à M. MacLean afin de l’informer qu’il avait été identifié en tant que collègue du plaignant. Elle a écrit que l’intimé aimerait qu’il valide l’information indiquée dans l’outil d’auto‑évaluation des CCL du plaignant.

[51]  Lors de son témoignage, Mme Munyanganizi a expliqué que M. MacLean n’avait pas répondu au courriel. Le plaignant a précisé que M. MacLean était absent du bureau à ce moment-là et qu’il avait par la suite pris sa retraite.

[52]  Au cours du processus, les superviseurs des candidats étaient aussi invités à répondre à d’autres questions d’ordre général. Ainsi, le 25 août 2015. M. O’Leary a répondu aux questions supplémentaires qu’on lui a posées à propos du plaignant. En particulier, le plaignant a porté à mon attention les réponses de M. O’Leary aux questions 1 et 7, qui se lisent comme suit :

[Traduction]

1. Le candidat est-il fiable? Pouvez-vous compter sur le candidat pour qu’il soit ponctuel, présent et respectueux de son horaire de travail?

OUI ___  NON ___

Si vous avez répondu NON, veuillez fournir des détails.

Steven est fiable. Il a des heures de travail régulières, peut pratiquement toujours être trouvé à son poste de travail et respecte son horaire de travail. Au cours des derniers mois, certaines demandes ponctuelles de télétravail ont été présentées, mais n’ont pas nécessairement touché sa fiabilité. De temps à autre, cependant, les demandes ont été présentées à la dernière minute, ce qui a eu certaines répercussions sur l’établissement de l’horaire, entre autres […] Pour corriger ce problème, nous avons réussi à mettre en œuvre une politique en vertu de laquelle les demandes de télétravail sont présentées à l’avance. À l’occasion, Steven a présenté des demandes de congé à la dernière minute pour des raisons familiales.

[…]

7. En somme, recommanderiez-vous ce candidat pour une nomination à ce poste?

OUI ___   NON _x_ Peut-être ___

Si vous souhaitez ajouter des commentaires pour expliquer votre réponse, veuillez le faire dans l’espace ci-dessous.

Selon moi, Steven ne possède pas une expérience suffisante en gestion pour que je puisse le recommander pour ce poste; à ma connaissance, Steven n’a jamais eu de subalternes directs au cours de sa carrière de fonctionnaire. Steven doit avoir plus d’expérience dans l’établissement de bonnes relations interpersonnelles et dans l’exercice d’un leadership qui inspire les employés à exceller. Je crois que le saut du niveau d’agent à celui de cadre, sans avoir aucune expérience en tant que gestionnaire intermédiaire, serait un ajustement difficile pour Steven et pour l’organisation, et les coûts seront plus élevés que les avantages pour chacun.

 

[53]  Une fois que les valideurs ont fourni toute l’information, le comité d’évaluation a déterminé que le plaignant ne satisfaisait à aucune des CCL. Par conséquent, il a été éliminé du processus. Le 27 août 2015, il a reçu un courriel qui l’informait de son élimination.

[54]  Le 28 août 2015, il a eu une conversation téléphonique avec Mme Munyanganizi; il s’agissait de leur première discussion informelle. Le plaignant a expliqué qu’il avait appris que la validation des références ne s’était pas bien passée, mais aucune explication ne lui avait été fournie. Il avait aussi appris que l’un de ses répondants, M. MacLean, n’avait pas répondu.

[55]  Le plaignant a ajouté avoir été complètement sidéré d’apprendre qu’il avait reçu des commentaires négatifs de ses valideurs, quand il a discuté de son élimination du processus avec Mme Munyanganizi. Elle lui a dit que ses références étaient négatives. Il ne comprenait pas pourquoi. Il croyait que c’était impossible, étant donné que son superviseur venait de lui donner une évaluation très positive dans le cadre de son évaluation du rendement au travail. Il ne comprenait pas pourquoi des commentaires négatifs avaient pu être formulés à son égard, autrement que ceux liés à la limitation fonctionnelle qu’il avait divulguée à son superviseur.

[56]  Il se souvenait spécifiquement que Mme Munyanganizi lui avait dit, pendant la discussion et sans lui montrer les commentaires formulés par les valideurs, qu’il devait certainement avoir une idée de la raison pour laquelle les commentaires formulés par ses valideurs n’étaient pas entièrement positifs. Il a insisté pour dire qu’il n’en avait aucune idée. Il avait déployé des efforts importants pour présenter un formulaire très détaillé d’auto-évaluation des CCL. Il a réitéré que le directeur qui le supervisait depuis 2007 était décédé subitement et que son nouveau superviseur ignorait donc tout à propos de ses réalisations. Il a expliqué qu’il avait une bonne relation professionnelle avec son nouveau superviseur et qu’il avait obtenu une bonne évaluation du rendement pour son travail. Il croyait toutefois que son superviseur jugeait que ses employés n’étaient pas faits pour occuper des postes de niveau supérieur, ce qui avait poussé le plaignant à souhaiter de ne pas nommer son superviseur par crainte de partialité.

[57]  Le plaignant a expliqué qu’il avait commencé à soupçonner que quelque chose n’allait pas quand il avait appris que le comité d’évaluation avait conclu qu’il avait obtenu un échec pour chacune des qualifications, ce qui semblait indiquer que ses valideurs avaient purement et simplement rejeté les 27 réalisations décrites dans ses 27 exemples. Il trouvait cela surprenant. Il a fait part de ses opinions à un représentant de son agent négociateur en octobre 2016, comme suit :

[Traduction]

[…]

Ce qui est très intéressant, entre autres, c’est qu’ils ont indiqué que j’avais obtenu un échec pour chacune des sections de la vérification des références (ce qui, il ne faut pas l’oublier, était tout simplement une validation d’exemples tirés du travail), ce qui me porte à croire que quelque chose cloche dans la façon dont ils l’ont menée, car c’est tout simplement impossible (malheureusement, on ne pouvait que réussir ou échouer, ce qui signifie que j’ignore si j’ai obtenu des points). Voici l’une de mes théories : étant donné qu’ils ne pouvaient pas entrer en contact avec mon répondant le plus important, que j’ai utilisé pour 60 % de mes exemples, j’aurais seulement pu obtenir une note maximale de 40 %, même si j’avais obtenu une note parfaite, ce qui m’aurait tout de même fait échouer. Toutefois, je n’arrive pas encore à croire que je n’ai réussi aucune section.

[…]

 

[58]  À ce moment-là, le plaignant croyait aussi que son superviseur actuel avait demandé à sa subalterne, Mme Bakouche, de se présenter à son bureau afin qu’ils rédigent leurs références ensemble. Le plaignant croyait qu’ils n’auraient jamais dû savoir qu’ils étaient tous deux ses répondants. En agissant de la sorte, ils commettaient manifestement une infraction, étant donné que cela signifiait que son superviseur actuel, avec qui il ne s’entendait pas particulièrement bien, avait exercé une influence indue sur l’autre répondant.

[59]  Le 31 août 2015, le plaignant a eu une autre conversation téléphonique avec Mme Munyanganizi. Il s’agissait de leur deuxième discussion informelle. Il lui a expliqué pourquoi M. MacLean n’avait pas répondu. Selon le plaignant, M. MacLean souffrait d’un problème de santé qui l’avait contraint à prendre immédiatement sa retraite. Le plaignant a aussi informé Mme Munyanganizi que son superviseur actuel avait exercé une influence indue sur les réponses de Mme Bakouche, parce qu’elle était une subalterne, et qu’ils n’auraient pas dû rédiger leurs références ensemble. Il a témoigné qu’il avait spécifiquement demandé la permission de donner le nom d’un autre répondant ou de donner le numéro de téléphone de M. MacLean à la maison.

[60]  Le 1er septembre 2015, le plaignant a envoyé le courriel suivant à Mme Munyanganizi :

[Traduction]

Quelque chose cloche vraiment dans la façon dont cette évaluation des CCL s’est déroulée. Je suis prêt à agir de façon inhabituelle et à vous envoyer tous les commentaires de mon superviseur actuel (Rick O’Leary), aucunement modifiés (ce sont là ses propres mots), pour mon examen de mi-exercice de 2015-2016 (qui vient d’être mené) et mon formulaire plus détaillé d’évaluation de fin d’exercice de 2014-2015. Vous pourrez peut-être me dire si l’on parle du même candidat (moi!) que celui dont les CCL ont été évaluées. De plus, j’ai appris depuis pourquoi l’un de mes répondants clés avait été incapable de répondre. Il a dû prendre sa retraite subitement pour des raisons de santé. Étant donné qu’ils ont été utilisés pour évaluer mes CCL dans bon nombre des sections qui auraient changé les choses (la gestion des personnes, entre autres, et de nombreux autres), sans compter que je vous ai informé au préalable de la perte de mon meilleur répondant (mon plus récent superviseur à long terme) en raison d’un décès prématuré, le comité pourrait-il songer à revoir sa décision, peut‑être après avoir validé l’authenticité des examens de rendement ci‑dessous? S’il y a lieu, pourrais-je vous donner le nom d’un nouveau candidat afin de valider les exemples déjà fournis (ou je pourrais tenter d’obtenir les coordonnées à la maison du répondant que j’ai déjà présenté)?

Il faut du temps pour lire une telle évaluation, et je tiens à vous remercier de prendre le vôtre pour le faire, Sylvie.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[61]  Le plaignant a joint à ce courriel envoyé à Mme Munyanganizi ses examens du rendement non modifiés pour 2015-2016 et 2014-2015. Il a témoigné qu’il n’avait reçu aucune réponse de personne des RH.

[62]  Le 2 septembre 2016, un an plus tard, le plaignant a envoyé un courriel à son représentant de l’agent négociateur. Il a écrit que Mme Munyanganizi lui avait dit, l’année précédente, que les membres du comité d’évaluation ne s’attendaient pas à ce que des candidats soient éliminés pendant l’exercice de validation des CCL et qu’il avait été dommage de le perdre à cette étape. Toutefois, Mme Munyanganizi a plus tard témoigné qu’elle ne se souvenait pas d’avoir dit cela. Le plaignant croit aussi qu’elle lui a dit qu’il n’avait aucun motif pour déposer une plainte.

[63]  Le plaignant a également présenté une demande d’accès à l’information et protection des renseignements personnels afin de comprendre ce qui s’était passé. On lui a répondu qu’il pouvait examiner les documents caviardés en personne s’il acceptait de ne pas prendre de notes. Il a demandé de tenir une réunion le 26 septembre 2016.

[64]  Ce jour-là, il a laissé un message vocal à Mme Munyanganizi. Elle a répondu comme suit le 27 septembre : [traduction] « Merci de votre appel. Mon horaire est assez chargé, mais j’essaierai de trouver du temps pour vous rencontrer. » Il a ensuite répondu qu’il voulait la rencontrer dès qu’elle serait disponible. Il n’a toutefois reçu aucune réponse à sa demande.

[65]  Il a de nouveau demandé de tenir une réunion le 29 septembre 2016. Les RH n’ont pas répondu.

[66]  Il a ensuite déposé sa plainte devant la Commission. Il a expliqué qu’il sentait le besoin d’exprimer, par l’entremise de cette plainte, son incompréhension à l’égard du traitement que la représentante de l’intimé lui avait accordé pendant le processus de dotation. Il a expliqué qu’il avait dû consacrer beaucoup de travail, d’étude et d’efforts pour participer au processus de dotation, et qu’il était totalement dérouté par le traitement dédaigneux que Mme Munyanganizi lui avait réservé. Selon lui, son étroitesse d’esprit n’était pas appropriée. Il a donc utilisé le recours à sa disposition pour contester ce comportement.

[67]  Le plaignant a également déposé un document comme preuve afin de montrer qu’il avait remplacé le directeur de façon intérimaire pendant deux semaines. En outre, il a produit comme preuve un certificat indiquant qu’il avait suivi un cours intitulé « IBM Cognos Report Studio : Rédaction de rapports professionnels (avancé) [v. 10.2] ». Il a montré qu’il avait par la suite donné une formation sur ce logiciel à une section de son ministère. Il a produit comme preuve l’invitation à la formation qu’il a envoyée aux employés le 11 juin 2015. Il a expliqué qu’il était le responsable de la formation et que d’autres personnes enseignaient aussi aux participants, mais qu’elles abordaient des sujets différents.

[68]  En ce qui concerne Mme Munyanganizi, elle a témoigné à l’audience qu’elle avait commencé sa carrière dans la fonction publique en 2006 et qu’elle travaillait en dotation depuis. Depuis 2015, elle porte le titre de conseillère principale en RH pour la haute direction. Elle a comme rôle de conseiller et d’orienter la haute direction sur la façon de pourvoir les postes de niveau EX-01 à EX-05.

[69]  En ce qui concerne le processus de dotation en question, elle a décrit le processus mené en 2015 afin de pourvoir des postes de directeur de niveau EX-01 à l’ASFC. Les étapes comprenaient entre autres le fait d’afficher les postes à pourvoir, de présélectionner les candidats, de mener des entrevues, de vérifier les références et de mener les évaluations liées aux langues officielles. Elle a expliqué les qualifications essentielles évaluées et les guides de cotation utilisés.

[70]  Les qualifications essentielles comprenaient ces trois critères de connaissance :
C1 - Connaissance du mandat et des priorités de l’ASFC et de ses contributions au programme élargi du gouvernement du Canada; C2 - Connaissances des principes et pratiques de gestion liés à la gestion du changement; C3 - Connaissances des principes et pratiques liés à une gestion et à une intendance solides.

[71]  Les qualifications essentielles comprenaient aussi quatre CCL. Mme Munyanganizi a expliqué que les CCL définissent les comportements attendus des dirigeants dans la fonction publique. L’objectif est de faire en sorte que les cadres possèdent ou perfectionnent ces compétences. De plus, elles servent de base à la sélection, à l’apprentissage et au perfectionnement, ainsi qu’à la gestion du rendement et des talents des cadres. Les quatre CCL évaluées étaient les suivantes : 1) « Valeurs et éthique »; 2) « Réflexion stratégique (analyse et idées) »; 3) « Engagement (personnes, organisations et partenaires) »; 4) « Excellence en gestion (gestion par l’action, gestion du personnel et gestion des finances) ».

[72]  Mme Munyanganizi a expliqué que le guide de cotation avait été préparé à l’avance. Il indiquait que les trois questions sur les connaissances étaient évaluées seulement à l’étape de l’entrevue. Les CCL étaient toutefois évaluées en premier pendant les entrevues. Ensuite, on demandait aux répondants de valider l’information présentée par les candidats. La note de passage requise pour les trois questions sur les connaissances et pour les CCL était de 3 sur 5.

[73]  Le guide de cotation présentait les bonnes réponses pour les compétences évaluées. Mme Munyanganizi a expliqué que ces réponses préparées servaient à évaluer les exemples présentés par les candidats. À titre d’exemple, pour le critère « Valeurs et éthique », les éléments de réponse comprenaient, entre autres ce qui suit : « Respecte les valeurs et l’éthique, y compris le Code, dans son comportement personnel » et « Intègre les valeurs et les principes d’éthique, y compris ceux du Code, aux pratiques de la division ». Quand il examinait les éléments de la bonne réponse, le comité d’évaluation évaluait chaque exemple que les candidats avaient indiqué dans leurs CCL.

[74]  Mme Munyanganizi a également expliqué que l’échelle d’évaluation des EX pour l’ASFC a été utilisée pendant le processus, pour les entrevues. Elle a expliqué qu’à la suite des entrevues, les membres du comité d’évaluation se sont entendus sur les notes à attribuer aux candidats pour chacune des compétences évaluées. La grille d’évaluation présentait des notes allant de 1 (manifestement inférieur au niveau requis ou insatisfaisant) à 5 (dépasse grandement les attentes, ou excellent).

[75]  Mme Munyanganizi a expliqué que le comité d’évaluation, pendant son examen des commentaires indiqués dans les références, a utilisé une échelle de cotation avant d’attribuer des notes pour chacune des compétences. Le candidat obtenait la cote « Répond aux attentes » quand le comité d’évaluation jugeait que le critère suivant avait été atteint : « Démontre de bonnes preuves de tous les comportements ou de la plupart des comportements avec cohérence ». À l’inverse, le candidat obtenait la cote « Clairement inférieur au niveau requis – Ne répond pas », quand le comité d’évaluation jugeait que le candidat avait prouvé quelques-uns des comportements ou qu’il n’avait prouvé aucun comportement. Ainsi, une note était attribuée pour chacune des compétences à la suite de l’entrevue, et une indication de réussite ou d’échec était faite pour les références. Donc, la note pour les CCL correspondait à une combinaison d’un nombre et d’une annotation de réussite ou d’échec.

[76]  Mme Munyanganizi a précisé que l’entrevue permettait au comité d’évaluation de vérifier ce que chaque candidat ferait dans les situations hypothétiques présentées et les références servaient à prouver ce que chaque candidat avait fait à ce jour. De plus, elle a expliqué que l’utilisation de l’outil d’auto-évaluation des CCL permettait au comité d’évaluation d’obtenir des renseignements plus précis que ceux que l’on obtient habituellement quand on appelle un répondant. Elle a insisté sur le fait que les références constituaient un aspect très important de l’évaluation pour le comité d’évaluation, parce qu’elles lui permettaient de déterminer si un candidat était en mesure de « livrer la marchandise ».

[77]  Mme Munyanganizi a expliqué que le comité d’évaluation avait compilé les résultats pour chaque candidat une fois qu’il avait reçu les réponses des répondants. Elle a expliqué que le comité s’attendait à ce que chaque répondant, en tant que témoin des situations décrites par un candidat donné, indique si les situations étaient exactes et si elles reflétaient l’ampleur du rôle joué par le candidat dans l’exemple. Elle a ajouté que l’outil d’auto-évaluation des CCL indiquait ce qui suit à cette fin :

[Traduction]

[…]

Décrivez les réalisations au passé, étant donné que vos valideurs devront comprendre clairement le rôle que vous avez joué dans les événements. Le fait d’utiliser le passé contribue à garantir que vous donnez des exemples concrets et pas des déclarations générales (p. ex., je travaille bien en équipe.).

 

[78]  Mme Munyanganizi a expliqué que pour tous les candidats qui ont atteint l’étape des références, le comité d'évaluation a demandé à leurs superviseurs de fournir des références supplémentaires, à la suite de l’exercice de validation. Le comité d’évaluation voulait obtenir des renseignements supplémentaires afin de connaître les principales forces et faiblesses de chaque candidat et déterminer s’ils étaient prêts à entrer dans le groupe EX.

[79]  Enfin, Mme Munyanganizi a précisé que, dans les cas où un superviseur n’avait pas supervisé un candidat pendant une période suffisamment longue pour évaluer adéquatement ses compétences, le comité d’évaluation demandait au candidat d’indiquer le nom d’un deuxième superviseur qui l’avait fait.

[80]  Mme Munyanganizi a présenté les éléments de preuve suivants sur l’évaluation du plaignant.

[81]  En juillet 2015, un conseiller en RH qui travaillait avec Mme Munyanganizi a demandé au plaignant d’indiquer le nom de trois répondants pour valider ses exemples. Par exemple, elle a montré que l’on avait communiqué par courriel avec M. MacLean le 28 juillet 2015. On lui a demandé de valider l’information indiquée dans l’outil d’auto-évaluation du plaignant. Il n’a pas donné suite à cette demande. Toutefois, les deux autres répondants du plaignant ont quant à eux présenté des commentaires au cours des jours suivants.

[82]  Mme Munyanganizi a confirmé que Mme Bakouche avait présenté des commentaires à titre de répondante. En particulier, elle a commenté les exemples pour lesquels elle était la répondante désignée. Mme Munyanganizi a confirmé que le comité d’évaluation avait conclu que, dans les exemples qui la visaient, Mme Bakouche n’avait pas validé l’information indiquée par le plaignant. En particulier, elle n’a pas validé le fait qu’elle était sa subalterne. Le comité d’évaluation estimait qu’un subalterne est une personne placée sous l’autorité d’une autre et dans une situation de dépendance hiérarchique.

[83]  Mme Munyanganizi a également fait remarquer que M. O’Leary avait confirmé que Mme Bakouche relevait de lui, et pas du plaignant. Cette information était importante aux yeux du comité d’évaluation, selon Mme Munyanganizi, car elle compromettait l’information indiquée par le plaignant dans son exemple. Pour cette raison, étant donné qu’il n’y avait aucune relation hiérarchique entre Mme Bakouche et le plaignant, et que les deux répondants n’avaient pas validé son exemple, il a obtenu la note « échec » pour la compétence évaluée. Le comité d’évaluation a examiné tous ses exemples, ainsi que les commentaires applicables indiqués dans les références.

[84]  En ce qui concerne le fait de savoir si le comité d’évaluation avait informé les candidats qu’un subalterne s’entendait d’une personne qui relevait d’eux, Mme Munyanganizi a répondu qu’elle ne se souvenait pas que cela ait été dit. Ainsi, le terme « subalterne » n’était pas défini pour les candidats. Elle a toutefois fait remarquer que cette terminologie est utilisée couramment dans les processus de dotation de la fonction publique. Par exemple, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a créé des outils d’évaluation qui définissent ce que signifie d’être un dirigeant dans la fonction publique. Parmi ces outils, notons l’outil d’évaluation à 360 degrés, qui évalue des capacités clés en leadership et définit le terme « subalterne ».

[85]  Selon Mme Munyanganizi, le comité d’évaluation n’a donné aucune importance aux commentaires des répondants sur des exemples pour lesquels ils n’étaient pas la personne identifiée pour les valider. En particulier, le comité d’évaluation a ignoré les commentaires parfois formulés par M. O’Leary sur des exemples pour lesquels il n’était pas identifié en tant que valideur.

[86]  Par exemple, le deuxième exemple du plaignant couvrait la période de 2008 à 2010. Il a donné le nom de son collègue, M. MacLean, afin de valider l’exemple, étant donné que M. O’Leary n’était pas son superviseur à ce moment. Son superviseur du temps était décédé. Pourtant, M. O’Leary a fait la précision suivante :

[Traduction]

Je tiens à préciser qu’Harvey McLean a rejoint la Direction des aliments en juillet 2013 et qu’il y est demeuré jusqu’à son départ à la retraite, en juin 2015. À la Direction des aliments, Harvey McLean occupait le poste de conseiller principal, Apprentissage et perfectionnement; il a été le collègue de Steven de février 2014 à juin 2015 environ.

 

[87]  Le 18 août 2015, on a demandé à M. O’Leary de donner des références supplémentaires sur le plaignant. La demande était formulée comme suit : [traduction] « […] à titre de superviseur identifié par le candidat, je vous demande de compléter la deuxième partie (supplémentaire) de l’auto-évaluation des compétences clés en leadership. Veuillez fournir autant de détails que possible. » Il a présenté ses commentaires le 25 août 2015.

[88]  Mme Munyanganizi a confirmé que la réponse de M. O’Leary à la question 7, qui visait à savoir si le superviseur recommanderait le candidat pour une nomination à un poste EX, a renforcé la décision du comité d’évaluation de ne pas nommer le plaignant à ce poste. Elle a expliqué que le comité d’évaluation a accordé une grande importance aux commentaires des superviseurs, car ils évaluent régulièrement le travail de leurs subalternes.

[89]  Ainsi, quand il a examiné les commentaires applicables indiqués dans les références du plaignant, le comité d’évaluation devait lui attribuer, pour chaque exemple, la note « réussite » ou « échec » pour la compétence correspondante. Mme Munyanganizi a expliqué qu’en général, dans les cas où les répondants validaient ou confirmaient l’information présentée par le candidat, celui-ci obtenait la note « réussite » pour la compétence évaluée, qui était combinée à ses résultats obtenus à l’entrevue. Toutefois, pour le plaignant, étant donné que ses répondants avaient souvent indiqué qu’ils étaient incapables de confirmer l’information qu’il avait donnée ou qu’ils l’avaient décrite de façon négative, le comité d’évaluation a déterminé que ses exemples n’avaient aucune valeur dans ces cas, et qu’il n’obtiendrait pas la note « réussite » pour les compétences correspondantes. Voici les notes indiquées pour lui dans le tableau des résultats (il convient de mentionner que « * » signifie l’entrevue et que « ** » signifie les références) :

CO1

4

CO2

4

CO3

4

C1

3 *

Échec*

C2A

3 *

Échec**

C2B

3 *

Échec**

C3

3 *

Échec**

C4A

3 *

Échec**

C4B

3 *

Échec**

C4C

3 *

Échec**

État

 

ÉCHEC

 

[90]  Le 27 août 2015, on a informé le plaignant qu’il avait été exclu du processus parce qu’il ne possédait pas les qualifications essentielles liées au poste.

[91]  Pendant la première discussion informelle entre le plaignant et Mme Munyanganizi, celle-ci a expliqué qu’elle lui avait dit que ses références n’étaient pas positives. Selon elle, il avait été surpris au départ, mais il lui avait dit qu’il s’inquiétait des commentaires formulés par son gestionnaire. Elle s’est souvenue de lui avoir dit qu’elle ne pouvait pas l’aider à régler cette situation et que la meilleure solution pour lui serait peut-être de consulter la section des Relations de travail de son ministère.

[92]  Elle a ajouté que le plaignant lui avait de nouveau dit que son meilleur répondant, son ancien superviseur, était décédé subitement. Toutefois, selon Mme Munyanganizi, le comité d’évaluation  avait estimé que son superviseur actuel l’avait supervisé pendant un cycle d’un an. Dans ces circonstances, le comité d’évaluation avait estimé qu’il disposait d’informations suffisantes pour évaluer adéquatement sa candidature.

[93]  Mme Munyanganizi n’arrivait pas à se rappeler si le plaignant avait demandé à ce moment-là au comité d’évaluation de consulter son troisième répondant.

[94]  Mme Munyanganizi a indiqué que le plaignant avait spécifiquement demandé que le comité d’évaluation prenne en considération l’évaluation indiquée dans son évaluation du rendement annuelle afin de déterminer la crédibilité des renseignements indiqués par son superviseur dans sa référence. M. O’Leary lui avait donné une évaluation positive lors de son évaluation du rendement annuelle, mais lui avait donné une évaluation plutôt négative dans ce processus. Toutefois, Mme Munyanganizi a jugé qu’il était impossible de le faire. Les évaluations du rendement annuelles n’étaient pas utilisées pour évaluer les candidats.

[95]  Mme Munyanganizi n’arrivait pas à se rappeler si elle avait informé le comité d’évaluation que le plaignant avait demandé qu’il évalue la crédibilité des commentaires formulés par son superviseur. Elle croyait l’avoir fait, mais elle n’en était pas certaine. Elle a toutefois indiqué que, si elle avait mis au fait le comité d’évaluation de cette situation, elle l’aurait fait seulement pour l’informer des inquiétudes du plaignant. Selon elle, le comité d’évaluation disposait de renseignements suffisants et crédibles pour justifier sa décision selon laquelle le plaignant ne s’était pas qualifié dans le processus. Par conséquent, elle ne lui aurait pas demandé d’utiliser son évaluation du rendement annuelle pour déterminer la crédibilité des commentaires de M. O’Leary ou pour réévaluer le plaignant. Il aurait été injuste pour les autres candidats d’agir de la sorte.

[96]  Mme Munyanganizi a indiqué qu’elle ne pouvait pas confirmer l’allégation faite par le plaignant selon laquelle M. O’Leary aurait pu consulter Mme Bakouche pendant qu’il rédigeait ses commentaires à titre de répondant pour le plaignant. Elle ignorait si c’était bien le cas. Elle ne se souvenait pas non plus de lui avoir dit qu’il n’avait aucun motif pour se prévaloir d’un recours. Elle croit plutôt lui avoir dit qu’il pourrait déposer une plainte quand l’avis de nomination ou de nomination proposée serait affiché.

[97]  Selon Mme Munyanganizi, le comité d’évaluation n’avait aucune raison de douter de la validité des renseignements indiqués par les répondants du plaignant. À première vue, ils étaient crédibles, détaillés et complets. Son superviseur, en particulier, avait profité d’une période d’un an pour observer le travail du plaignant. Par conséquent, il comprenait bien les compétences du plaignant. Même si le plaignant avait dit à Mme Munyanganizi qu’il doutait de la validité de cette référence après avoir obtenu des références assez négatives, celle-ci ne voyait pas ce que le comité d’évaluation aurait pu faire à ce sujet.

[98]  Mme Munyanganizi a expliqué que le plaignant avant communiqué avec elle un an plus tard, le 27 septembre 2016, afin de demander de la rencontrer. Le même jour, elle lui a répondu par écrit qu’elle essaierait de trouver un moment pour le rencontrer. Le 29 septembre, il lui a demandé si elle avait trouvé un moment. Elle n’a toutefois pas répondu parce qu’elle a changé d’emploi en octobre 2016. Elle a ensuite quitté son poste à l’ASFC, ce qui explique pourquoi elle ne l’a jamais rencontré. De plus, elle a mentionné qu’un autre représentant des RH visé dans cette affaire était décédé en novembre 2016. En fin de compte, personne n’a communiqué avec lui.

[99]  Le plaignant a suggéré à Mme Munyanganizi qu’une évaluation de sept mentions d’échec à la suite des références et pour chacune des compétences était louche. Elle n’était pas d’accord et a indiqué que cela pouvait se produire.

[100]  Le plaignant a avancé que la décision Laviolette c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2015 CRTEFP 6, s’applique au présent cas. Il a soutenu que le comité d’évaluation avait l’obligation de prendre en considération tout ce qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par les répondants. Ainsi, il n’a pas pris des mesures raisonnables pour s’assurer que la référence de son superviseur était fiable. Le plaignant a insisté sur le fait que tous les exemples indiqués dans son outil d’auto-évaluation des CCL étaient vrais et que le défaut de son superviseur de les confirmer donnait lieu à une partialité de celui-ci à son égard. C’est ce qui ressortait clairement des commentaires du superviseur, selon le plaignant, car il avait même formulé des commentaires négatifs sur les exemples pour lesquels il n’était pas le répondant identifié. De plus, son superviseur venait de lui donner une évaluation entièrement positive dans le cadre de son évaluation du rendement au travail. Le plaignant a indiqué tous ces détails au comité d’évaluation, qui n’a rien fait avec ceux-ci.

[101]  Le plaignant a également avancé que la décision Raymond c. Statisticien en chef du Canada de Statistique Canada, 2013 TDFP 25, s’applique au présent cas. Il a soutenu qu’à l’instar de Raymond, l’intimé en l’espèce s’est fondé sur des renseignements insuffisants et erronés pour l’évaluer. Il s’agissait d’une erreur grave qui constitue un abus de pouvoir.

[102]  Le plaignant a fait valoir que le comité d’évaluation n’avait pas évalué bon nombre des exemples qu’il avait donnés, comme c’est le cas dans Raymond, étant donné que ses répondants ne les avaient pas validés. Il a insisté sur le fait que les consignes données aux valideurs n’étaient pas suffisamment claires. Selon lui, étant donné que les consignes données aux répondants n’étaient pas claires, ceux-ci, y compris le superviseur immédiat, pouvaient donc influencer le processus de différentes façons. Le candidat n’aurait aucun recours en cas de mauvaise foi de la part d’un répondant. Toutefois, si l’intimé avait accepté de consulter le répondant supplémentaire que le candidat avait proposé, il aurait pu obtenir des renseignements différents au sujet du plaignant et aurait pu penser que le superviseur immédiat semblait lui en vouloir.

[103]  Le plaignant a insisté sur le fait qu’il a informé le comité d’évaluation que les renseignements sur lesquels il s’était fondé pour le disqualifier du processus n’étaient pas fiables.

[104]  Il a parlé à Mme Munyanganizi des incohérences dans les renseignements et du fait qu’il n’était pas d’accord avec les commentaires de son superviseur. À l’audience, il a indiqué que son superviseur et lui avaient eu un conflit, sans vouloir en dire davantage. Il a insisté sur le fait que Mme Munyanganizi lui avait conseillé de communiquer avec la section des Relations de travail de son ministère, au besoin. Comme c’est le cas dans Laviolette, cela ne suffisait pas. Il croit que le comité d’évaluation aurait dû en faire plus.

[105]  En ce qui concerne les incohérences qu’il a alléguées dans les références, il a réitéré qu’elles étaient évidentes à première vue dans le dossier. À titre d’exemple, les commentaires de M. O’Leary, qu’il a formulés dans ses réponses aux questions supplémentaires, suggèrent une attitude discriminatoire à son égard. En particulier, à la question 1, le superviseur a refusé de cocher la réponse « Oui » à la question sur la fiabilité du candidat, même s’il a effectivement écrit [traduction] « Steven est fiable ». Le superviseur a ensuite formulé des commentaires négatifs afin d’indiquer que sa réponse à la question était plutôt que le plaignant n’était pas fiable. Selon le plaignant, pour ces raisons, qui sont évidentes à première vue dans les commentaires, le comité d’évaluation n’aurait pas dû être satisfait des commentaires formulés par M. O’Leary.

[106]  De plus, le plaignant croit fermement que M. O’Leary a sous-entendu, dans sa réponse à la question 7, qu’il serait coûteux pour l’intimé d’embaucher le plaignant à cause de son problème de santé. Selon lui, ce commentaire était directement lié à son problème de santé.

[107]  En outre, le plaignant a ajouté que M. O’Leary ne le connaissait que depuis un an, et qu’il était donc injuste que ce dernier le discrédite dans sa réponse à la question 7 au motif qu’il n’avait pas suffisamment d’expérience dans des domaines précis. Il avait acquis l’expérience en question au cours des années précédentes, quand M. O’Leary n’était pas son superviseur. M. O’Leary n’était pas au courant de cette expérience. Par conséquent, le comité d’évaluation aurait dû accepter de consulter un répondant supplémentaire pour corriger ces problèmes. En particulier, avant son décès, son superviseur depuis de nombreuses années avait choisi le plaignant pour travailler avec lui sur deux projets à l’échelle de la direction. L’un portait sur l’imputation de frais d’utilisateur, l’autre, sur la modernisation et sur le traitement des demandes. Son superviseur à ce moment avait vu que le plaignant était l’administrateur de système d’une base de données et croyait qu’il serait en mesure de moderniser un processus. À l’inverse, M. O’Leary ignorait que le plaignant avait dirigé ce projet.

[108]  Le plaignant a avancé que les commentaires ajoutés par M. O’Leary à tous les exemples qu’il a présentés pour les CCL, même ceux pour lesquels il n’était pas le valideur, constituaient une autre indication à première vue dans le dossier que quelque chose n’allait pas. Ainsi, il semblait très motivé à influencer le processus.

[109]  Le plaignant a aussi fait remarquer que, dans un autre processus de dotation mené en 2018 et non lié au présent processus, l’annonce d’emploi comprenait la définition suivante : [traduction] « La gestion s’entend d’exercer une autorité directe à l’égard de personnes qui relèvent de vous et de diriger une équipe générale comptant plus de trois (3) personnes et d’avoir été le responsable direct de budgets pendant au moins un cycle budgétaire […] ». Pourtant, aucune définition du terme « subalterne » n’a été présentée.

[110]  Le plaignant a aussi porté à mon attention Morgenstern c. le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2010 TDFP 18. Il a fait valoir que, dans ce cas, les références étaient le seul outil utilisé pour évaluer les qualités personnelles et que l’intimé avait reconnu qu’il s’était fondé sur des renseignements insuffisants pour évaluer la candidature de la plaignante. Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») a conclu que le comité d’évaluation n’avait pas pris des mesures raisonnables, comme demander aux répondants de donner plus de détails, pour déterminer s’il pouvait obtenir tous les renseignements nécessaires.

[111]  Le plaignant a soutenu que, selon le témoignage de Mme Munyanganizi, étant donné que le comité d’évaluation avait déterminé que les répondants n’avaient pas validé ses exemples, ceux-ci étaient devenus nuls et il n’avait donc pas été évalué. Cela était inéquitable. Ainsi, à l’instar de Morgenstern, le comité d’évaluation n’avait pas pris des mesures raisonnables, comme demander au troisième répondant de donner plus de détails, pour déterminer s’il pouvait obtenir tous les renseignements nécessaires.

[112]  Le plaignant a également porté à mon attention Jean Pierre c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2013 TDFP 28, où la plainte a été rejetée. Il a distingué ce cas de celui en l’espèce, car l’intimé dans ce cas n’avait aucune raison de douter de la fiabilité des observations présentées par les répondants.

[113]  Le plaignant a porté à mon attention Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, qui décrit ce qui peut constituer un « abus de pouvoir ». Il a indiqué que le Tribunal avait déterminé cinq catégories d’abus de pouvoir dans ce cas, y compris le suivant : « Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime (notamment dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes). » Il a indiqué qu’il n’était pas raisonnable pour le comité d’évaluation de conclure l’évaluation de sa candidature sans prendre d’autres mesures, étant donné qu’il lui avait dit que les renseignements donnés par son superviseur n’étaient pas fiables. Par conséquent, le comité d’évaluation a utilisé des renseignements non fiables pour déterminer qu’il ne s’était pas qualifié dans le processus, ce qui constituait un exercice erroné de son pouvoir discrétionnaire.

[114]  Afin d’étayer davantage sa thèse, le plaignant a aussi porté à mon attention Gabon c. le sous-ministre d’Environnement Canada, 2012 TDFP 29. Dans cette décision, le Tribunal a conclu que le processus de nomination était vicié de plusieurs façons. Par exemple, l’incidence combinée de l’importance excessive accordée par le comité d’évaluation aux commentaires d’une directrice, malgré le fait qu’elle n’avait jamais supervisé directement la plaignante, et de l’importance insuffisante qu’il a accordée aux commentaires de trois répondants de la plaignante constituait une erreur. Dans le cadre de son examen de la plainte au motif de toutes les erreurs, le Tribunal a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la plaignante dans ce cas avait prouvé que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans le processus d’évaluation en litige.

[115]  Afin d’étayer davantage sa thèse, le plaignant a aussi porté à mon attention le cas Healey c. Président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, 2014 TDFP 14. Dans ce cas, le Tribunal a conclu que les plaignants avaient été évalués selon des renseignements insuffisants ou incomplets. Par conséquent, la décision en ce qui concerne leur mérite ne se fondait pas sur une source fiable.

[116]  Enfin, le plaignant a invoqué Ostermann c. Sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2012 TDFP 28, afin d’étayer davantage sa thèse. La plainte dans ce cas était justifiée pour plusieurs raisons, y compris le fait que le comité d’évaluation avait utilisé un répondant qui n’avait supervisé la plaignante que pendant une courte période. Il a ensuite accordé la même importance à la référence extrêmement négative de cette personne qu’à celles des deux autres répondants qui avaient supervisé la plaignante beaucoup plus longtemps.

[117]  Le plaignant a soutenu qu’à la suite de tous ces événements, un abus de pouvoir a été commis dans l’application du mérite quand il a été question de ses références. Le principe selon lequel l’abus de pouvoir comprend les erreurs et les omissions graves et qu’il n’est pas nécessaire de prouver qu’un intimé avait l’intention d’abuser de son pouvoir est bien reconnu. Il a soutenu qu’il ne croyait pas que le comité d’évaluation avait l’intention d’abuser de son pouvoir, mais c’est ce qui s’est produit.

[118]  L’intimé a soutenu qu’aucun abus de pouvoir n’avait eu lieu. Il a fait valoir qu’un comité d’évaluation peut choisir ses outils d’évaluation, comme l’établit la LEFP. En particulier, l’article 36 de la LEFP accorde aux personnes dotées du pouvoir de dotation le pouvoir discrétionnaire général de choisir et d’utiliser des méthodes d’évaluation pour décider si une personne possède les qualifications établies. L’intimé avait le droit d’utiliser les références et d’identifier les répondants requis.

[119]   L’intimé a soutenu que, dans la correspondance du 22 juin 2015, le plaignant a informé le comité d’évaluation que son meilleur répondant était décédé subitement au début de l’année 2013 et qu’il ne relevait de son nouveau superviseur que depuis le mois de mai 2014, et qu’il était donc difficile pour lui de donner le nom d’un répondant. La représentante du comité d’évaluation a répondu que le comité d’évaluation souhaitait obtenir les commentaires du superviseur actuel et le plaignant a indiqué volontairement le nom de celui-ci. L’intimé a insisté sur le fait que le plaignant n’a soulevé aucune objection à utiliser le répondant au-delà de ce qu’il croyait être une courte période pendant laquelle son superviseur actuel avait été responsable de superviser son travail.

[120]  Le 10 juillet 2015, le plaignant a renvoyé son outil d’auto-évaluation des CCL rempli. Après que celui-ci a été reçu, il a été envoyé à ses répondants aux fins d’examen.

[121]  L’intimé a fait valoir que les répondants ont reçu des consignes claires sur la validation de l’information. Mme Munyanganizi a confirmé que tous les répondants qui ont fourni des réponses ont ajouté de l’information ou contredit l’information indiquée par les candidats. Ils comprenaient tous ce que le terme « valider » signifie.

[122]  Une fois que toute l’information a été reçue, le comité d’évaluation a déterminé que le plaignant ne satisfaisait à aucune des CCL; par conséquent, il a été éliminé du processus.

[123]  L’intimé a ajouté qu’il est très courant de demander une référence au superviseur actuel et qu’il ne s’agit donc pas d’un abus de pouvoir.

[124]  L’intimé a aussi ajouté que le comité d’évaluation n’était pas au courant du problème de santé du plaignant. Par conséquent, elle n’aurait pas pu avoir une incidence sur son évaluation du plaignant.

[125]  Afin d’appuyer sa position, l’intimé a porté de nombreux cas à mon attention. Il a soutenu que, dans Jean Pierre, au paragraphe 41, le Tribunal a indiqué qu’une personne peut être un répondant si elle a une connaissance suffisante du rendement au travail d’un candidat. Il a ajouté que, dans ce cas, le comité d’évaluation avait déterminé que la superviseure avait une connaissance suffisante du travail du plaignant pour donner une rétroaction utile sur son rendement.

[126]  L’intimé a soutenu qu’il n’avait pas à examiner l’évaluation du rendement annuelle du plaignant étant donné que les critères qui y étaient évalués étaient différents de ceux évalués pour les postes du groupe de direction EX. Les évaluations du rendement annuelles n’ont pas été examinées pour évaluer les candidats.

[127]  De plus, l’intimé m’a renvoyée à Pellicore c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TDFP 23, qui porte sur le recours aux références par l’employeur. Dans ce cas, le plaignant avait été disqualifié d’un processus de nomination parce qu’il ne possédait pas deux qualifications essentielles, soit « esprit d’équipe » et « valeurs et éthique ». Le comité d’évaluation a conclu que la première référence fournie par M. Pellicore, qui provenait de son superviseur immédiat, était insatisfaisante. Lors de la réunion informelle tenue après que M. Pellicore a été informé de son élimination, celui-ci est parvenu à convaincre le comité d’évaluation de communiquer avec deux autres répondants, dont il a indiqué le nom. Ils ont répondu au questionnaire de référence et ont essentiellement confirmé les réponses données par le premier répondant.

[128]  L’intimé a fait ressortir que, selon la conclusion du Tribunal, le comité d’évaluation avait donné à M. Pellicore une occasion équitable en ce qui concerne ses répondants. Les commentaires négatifs qu’ils ont formulés sur les deux qualifications essentielles ne prouvaient pas leur partialité. En outre, le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation n’avait pas abusé de son pouvoir en s’appuyant sur des références pour évaluer les deux qualifications essentielles et en choisissant d’ignorer d’autres sources d’information, comme les évaluations du rendement. Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas eu abus de pouvoir. Il a observé spécifiquement ce qui suit au paragraphe 62 :

62 Le plaignant soutient que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir en n’examinant pas de plus près les différences entre les réponses verbales des répondantes et les évaluations du rendement écrites qu’il a présentées. Or, le comité d’évaluation avait décidé de ne pas utiliser les évaluations du rendement dans son évaluation des candidats; il n’y avait donc pas de divergences à concilier.

[129]  L’intimé a soutenu que, comme on l’indique dans Ben Jab c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2013 TDFP 22, au paragraphe 41, « [l]a vérification des références vise à obtenir des renseignements que le comité utilisera lors de son évaluation des qualifications d’un candidat. Le rôle des répondants est de fournir une appréciation franche, laquelle pourrait ou non être favorable à un candidat ». L’intimé a ajouté qu’il n’existe aucune preuve selon laquelle les renseignements indiqués par M. O’Leary n’étaient pas fiables et le comité d’évaluation n’avait aucune raison de douter de la validité de ses commentaires. En particulier, Mme Munyanganizi a indiqué dans son témoignage que le plaignant n’avait pas expliqué clairement pourquoi il alléguait que les commentaires formulés par M. O’Leary n’étaient pas fiables. Selon elle, le comité d’évaluation n’avait aucune raison de douter de la validité des renseignements indiqués par celui-ci et par les autres répondants indiqués. À première vue, les renseignements étaient crédibles, détaillés et complets.

[130]  L’intimé a ajouté l’énoncé suivant, tiré de Dionne c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 11, au paragraphe 55 : « L’important est de consulter un répondant qui connaît bien le travail accompli par le candidat et qui peut fournir suffisamment d’information pour permettre au comité d’évaluer de façon appropriée les qualifications de ce dernier. » De plus, comme il est mentionné dans Gilbert c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2007 TDFP 40, au paragraphe 79 : « Un comité d’évaluation a le pouvoir discrétionnaire de décider s’il a suffisamment d’information pour faire un choix éclairé en vue d’une nomination. » Dans le présent cas, le comité d’évaluation a senti et déterminé qu’il avait suffisamment de renseignements pour terminer l’évaluation du plaignant.

[131]  L’intimé a mentionné le fait que le plaignant, dans sa plainte, allègue que le superviseur actuel a fait preuve de partialité dans le processus de vérification des références. L’intimé a répondu que la partialité alléguée d’un répondant ne prouve pas nécessairement que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir. Il a porté à mon attention les paragraphes 49 et 50 de Pellicore, qui se lisent comme suit :

49 Quoi qu’il en soit, le parti pris présumé d’un répondant ne signifie pas que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir. La vérification des références vise à obtenir des renseignements qui seront utilisés par le comité lors de son évaluation des qualifications du candidat. Les répondants n’ont aucun pouvoir de décision dans cette évaluation et ne sont donc pas censés agir sans parti pris comme les décideurs. En fait, les candidats choisissent habituellement comme répondants des personnes qui, selon eux, seraient en mesure de fournir une opinion favorable sur leurs compétences; autrement dit, des personnes qui auraient un parti pris en leur faveur. Le rôle des répondants est de fournir une évaluation franche, laquelle pourrait ou non être favorable au candidat, comme il a été démontré en l’espèce.

50 Cela ne signifie pas qu’un comité d’évaluation ne doit pas tenir compte de tout élément qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par un répondant. Or, le simple fait qu’un candidat ne souscrive pas au récit de situations le concernant par les répondants (comme le plaignant en l’espèce) ne prouve pas nécessairement que la référence n’est pas fiable. Dans la présente affaire, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune preuve démontrant que les renseignements fournis par les répondantes du plaignant étaient peu fiables. Le comité n’avait aucune raison de douter de la validité de leurs commentaires et opinions.

 

[132]  L’intimé a également soutenu qu’une allégation semblable avait été présentée dans Ben Jab, et que le Tribunal avait conclu que rien n’indiquait que les renseignements fournis par le répondant n’étaient pas fiables. Dans Ben Jab, le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation n’avait aucune raison de douter de la validité des commentaires formulés par le répondant. En particulier, M. Ben Jab participait à un processus de nomination interne annoncé. Il a été établi qu’il ne satisfaisait pas à deux des qualifications essentielles, qui étaient évaluées en partie par l’intermédiaire de références. M. Ben Jab a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir en se fondant sur des références partiales, qui ne couvraient pas une période raisonnable. Il a également indiqué que les références fournies étaient entachées de discrimination. L’intimé a fait ressortir que M. Ben Jab avait indiqué au comité d’évaluation le nom du répondant en question, qui était son superviseur depuis un an. Il a soutenu que le Tribunal avait conclu que la preuve n’établissait pas que le répondant avait fait preuve de partialité à l’égard du plaignant ou que la race ou l’origine nationale ou ethnique du répondant avait été l’un des facteurs au fait qu’il n’avait pas été nommé.

[133]  En ce qui concerne la discussion informelle du plaignant avec Mme Munyanganizi, l’intimé a soutenu que celle-ci avait confirmé avoir parlé au répondant au moins deux fois. Elle a témoigné qu’elle avait sans doute transmis ses commentaires au comité d’évaluation, mais que celui-ci n’avait aucune raison de revenir sur sa décision selon laquelle il ne s’était pas qualifié dans le processus, à la lumière de ses références plutôt négatives. L’intimé a ajouté que son obligation est décrite dans Rozka c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 46, au paragraphe 76, qui se lit comme suit :

[76] La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d’un processus. Si l’on découvre qu’une erreur a été faite, par exemple si le comité d’évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d’emploi du candidat, la discussion informelle donne l’occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat.

 

[134]  En ce qui concerne l’allégation du plaignant selon laquelle son superviseur aurait pu discuter de sa référence avec Mme Bakouche et qu’il aurait donc pu influencer la sienne, Mme Munyanganizi a témoigné en disant qu’elle ne savait rien à ce sujet. Le plaignant a montré qu’il a écrit un courriel à Mme Bakouche en février 2020 dans lequel il indiquait qu’elle avait mentionné, en 2015, avoir été conviée dans le bureau de M. O’Leary afin de rédiger la référence; toutefois, elle ne l’a pas confirmé dans sa réponse. L’intimé a soutenu que le plaignant n’avait pas fourni suffisamment de preuves pour établir que c’est ce qui s’était bel et bien produit. Qui plus est, le comité d’évaluation n’avait aucun renseignement précis en sa possession qui lui aurait permis de croire que M. O’Leary avait exercé une influence négative sur Mme Bakouche.

[135]  L’intimé a ajouté qu’il a montré que des efforts avaient été déployés pour communiquer avec un troisième répondant. Toutefois, le comité d’évaluation était convaincu que les renseignements fournis par les deux répondants suffisaient à déterminer si le plaignant satisfaisait aux qualifications liées au poste. Par conséquent, quand le troisième répondant s’est avéré indisponible, il n’a pas cru qu’il avait besoin de demander au candidat de lui donner le nom d’un autre répondant. L’intimé a soutenu que le rôle d’évaluation incombe au comité d’évaluation, qui doit déterminer s’il dispose de suffisamment de renseignements pour faire une évaluation éclairée d’un candidat (voir Dionne). Le comité d’évaluation ne devrait pas « tenter » d’obtenir une référence favorable ou défavorable pour un candidat quelconque (voir Portree c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14).

[136]  Enfin, l’intimé a fait remarquer que, dans Gilbert, le Tribunal a expliqué qu’un comité d’évaluation a l’obligation de prendre en considération tous les commentaires des répondants, positifs et négatifs.

[137]  La CFP, pour sa part, m’a renvoyée à son Guide de mise en œuvre des Lignes directrices en matière d’évaluation. Elle a soutenu que la partie IV du Guide indique que l’administration juste de l’évaluation signifie que les candidats ont eu l’occasion de démontrer leur mérite par rapport au poste convoité, et que les gestionnaires ont une justification solide pour les décisions prises.

 

[138]  Elle a ajouté les commentaires suivants dans ses arguments écrits :

[Traduction]

[…]

48. À la section 4 du document de la CFP intitulé Vérification structurée des références - Guide des pratiques exemplaires, on indique que l’évaluateur devrait essayer de ne pas accorder une importance exagérée à des incidents isolés quand il utilise des références. Il doit plutôt s’attarder aux tendances générales dans les renseignements fournis.

49. Le guide donne des directives sur la façon de gérer les situations où la vérification des références donne lieu à des renseignements qui ne correspondent pas à ceux obtenus auprès d’autres sources. Dans ce genre de cas, on conseille aux organisations de comprendre cet écart, peut-être en menant d’autres vérifications des références ou en discutant avec le candidat.

50. Dans ce guide, on conseille aussi aux organisations d’examiner la source des renseignements négatifs qui font surface pendant la vérification des références et de vérifier s’ils sont conformes à d’autres sources d’information avant de les utiliser pour prendre une décision au sujet du candidat. Les organisations sont aussi encouragées, quand elles sont en présence de renseignements contradictoires, à poursuivre la vérification jusqu’à ce qu’elles soient convaincues que la tendance est évidente.

51. Dans le document de la CFP intitulé Vérification des compétences - La vérification des références : Regard sur le passé, on avertit les organisations de ne pas accorder de valeur absolue à tous les renseignements recueillis dans le cadre d’une vérification des références. On leur conseille aussi de ne pas accorder une importance excessive à des incidents isolés et de retenir que la structure de la preuve. On les encourage aussi à envisager la possibilité que le rendement du candidat puisse être différent selon la situation.

[…]

V.  Analyse

[139]  Le paragraphe 77(1) de la LEFP prévoit qu’une personne qui est dans la zone de recours peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination parce que la CFP ou l’administrateur général a commis un abus de pouvoir dans le cadre du processus de nomination. Le terme « abus de pouvoir » n’est pas défini dans la LEFP. Toutefois, le paragraphe 2(4) prévoit ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

[140]  Le Tribunal et la Commission ont conclu qu’en vertu de la LEFP, il faut interpréter de façon générale ce qui constitue un abus de pouvoir. L’abus de pouvoir comprend des erreurs graves, même s’il n’existe aucune mauvaise foi ni aucune intention. Voir Tibbs, aux paragraphes 56 à 74.

[141]  Le fardeau de la preuve repose sur le plaignant dans une plainte concernant un abus de pouvoir. Voir Tibbs, aux paragraphes 48 à 55.

[142]  Mon rôle est de déterminer s’il y a eu un abus de pouvoir dans le cadre du processus de nomination, et pas de réévaluer le plaignant. Voir Broughton c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 20.

[143]  Au départ, le plaignant a soulevé un problème de discrimination dans ses allégations, qui selon lui a joué un rôle dans l’application du mérite. Toutefois, à l’audience, il a précisé qu’il n’alléguait pas que le comité d’évaluation avait fait preuve de discrimination à son endroit. Il a reconnu que le comité ignorait tout de son problème de santé. Ainsi, celui-ci n’aurait pas pu avoir une incidence sur son évaluation. Il croit plutôt que son superviseur actuel avait agi avec partialité dans le cadre du processus de références. Pour cette raison, il croit que le comité d’évaluation aurait dû prendre des mesures supplémentaires pour garantir que la référence était fiable. En particulier, il a allégué que le comité d’évaluation n’avait pas déployé des efforts raisonnables pour garantir la fiabilité des commentaires de M. O’Leary.

[144]  Les commentaires formulés par M. O’Leary et par Mme Bakouche étaient-ils fiables? Dans la négative, le comité d’évaluation avait l’obligation de prendre des mesures supplémentaires pour obtenir des renseignements fiables. Dans l’affirmative, il avait l’obligation de les prendre en considération dans son évaluation du plaignant.

[145]  Comme le Tribunal l’a indiqué dans Pellicore, aux paragraphes 49 et 50, la partialité alléguée d’un répondant ne signifie pas nécessairement que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir. Les répondants n’ont aucun pouvoir de décision dans cette évaluation et ne sont donc pas censés agir sans parti pris comme les décideurs. Le comité d’évaluation doit toutefois prendre en considération tout ce qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par un répondant.

[146]  Par conséquent, la question vise à déterminer si le plaignant a montré que le comité d’évaluation avait raison de douter de la validité des commentaires de ses répondants.

[147]  Dans Laviolette, le plaignant a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir quand il avait évalué ses qualités personnelles. Il devait remplir un formulaire intitulé « Vérification des qualités personnelles ». Les exemples qu’il avait fournis devaient être validés par sa gestionnaire et elle devait fournir une évaluation qui reflétait le rendement global de ce dernier à l’égard de chacune des qualités personnelles. Les candidats ne pouvaient pas choisir leurs répondants dans ce processus; ce sont les directeurs des institutions où ils travaillaient qui s’en chargeaient.

[148]  M. Laviolette a soutenu que la référence fournie par sa gestionnaire n’était pas fiable, car elle n’avait pas suivi les instructions données aux répondants en omettant de valider ses exemples, qu’elle n’était pas impartiale à son égard et que ses observations étaient basées sur des données qui n’étaient pas justifiées puisqu’ils étaient en situation de conflit tous les deux. Le plaignant avait informé le comité d’évaluation de ce conflit dans le cadre de sa discussion informelle. Le comité d’évaluation lui avait conseillé de communiquer avec sa répondante afin de lui demander de reconsidérer sa référence. C’est ce qu’il a fait, mais elle ne l’a pas changée.

[149]  J’ai rendu la décision Laviolette. En ce qui a trait à la partialité négative alléguée de la répondante, j’ai indiqué que le comité d’évaluation ne pouvait laisser au plaignant le soin de corriger cette situation par lui-même. Le comité d’évaluation avait l’obligation de prendre en considération tout ce qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par la répondante. Il aurait donc dû prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que sa référence était fiable.

[150]  Dans Laviolette, les éléments de preuve indiquaient que le plaignant avait signalé au comité d’évaluation l’existence d’un conflit entre sa gestionnaire et lui. Il avait expliqué au comité d’évaluation que sa gestionnaire et lui ne s’étaient pas parlé depuis leur discussion animée au sujet de son évaluation du rendement. Selon lui, la cote de 2 sur 5 qu’il avait reçue pour la qualification « Respect » n’était pas justifiée, étant donné que sa répondante l’avait blâmé, en raison du conflit, pour des erreurs qu’il n’avait pas commises. Il a ensuite prouvé qu’il n’avait pas commis l’erreur ou l’inconduite alléguée par sa répondante. Ainsi, il avait donné une raison valide pour laquelle le comité d’évaluation aurait dû remettre en question la validité des observations de la répondante.

[151]  J’estime que le plaignant dans le présent cas n’a pas montré que le comité d’évaluation avait une raison valide de remettre en question la validité des commentaires formulés par M. O’Leary. Bien entendu, les candidats ne sont pas toujours d’accord avec les commentaires formulés par leurs superviseurs et ils peuvent les contester. Le simple fait qu’un candidat conteste les commentaires d’un répondant ne constitue pas en soi une raison suffisante de lever un doute sur la validité des commentaires formulés par un superviseur qui agissait aussi en tant que répondant.

[152]  Dans le présent cas, le plaignant n’a soulevé aucune objection à utiliser la référence de M. O’Leary au-delà de ce qu’il croyait être une courte période pendant laquelle celui-ci avait été responsable de superviser son travail. De plus, il n’a jamais laissé sous‑entendre que M. O’Leary et lui avaient un conflit réel. Il a indiqué qu’il soupçonnait que M. O’Leary faisait preuve de partialité à son égard, car il l’avait évalué de façon positive dans le contexte de son évaluation du rendement annuelle, mais il n’avait pas validé tous les exemples présentés par le plaignant dans le processus de nomination. Au cours du processus, M. O’Leary a plutôt clarifié les faits entourant les situations que le plaignant avait décrites dans son document.

[153]  Essentiellement, le plaignant a présenté de manière expansive et subjective ses réalisations dans l’outil d’auto-évaluation des CCL. M. O’Leary a validé ce qu’il pouvait. Il a également remis en doute certains des renseignements. Par exemple, il a écrit : [traduction] « Je peux valider le fait que Steven a dirigé la création d’une structure révisée d’établissement de rapports au moyen de données saisies dans la base de données du système RADAR […] » Il a également écrit : [traduction] « Je peux valider le fait que Steven a proposé des options afin de modifier la façon dont les renseignements étaient saisis dans le système RADAR […] » Ensuite, cependant, il a précisé le contexte entourant la situation comme suit : [traduction] « […] c’est toutefois moi, en tant que gestionnaire, qui a retenu l’option choisie à la suite d’une discussion avec cinq autres membres de l’équipe, y compris Steven. Je dois aussi préciser que j’étais responsable d’attribuer les ressources humaines au projet, étant donné que Steven n’a aucun subalterne direct. »

[154]  Ainsi, M. O’Leary a fait une différence entre les parties des exemples qu’il pouvait valider et celles qu’il ne pouvait pas valider. C’était son devoir. Le fait de préciser, par exemple, les rôles et responsabilités d’un employé ne constitue pas un acte de partialité.

[155]  Je comprends que le plaignant croit peu plausible que son superviseur lui ait donné une évaluation positive dans le contexte de son évaluation du rendement et une évaluation parfois négative dans le processus de dotation. À mon avis, cela s’explique par le fait que le plaignant n’a pas décrit son rôle de façon crédible dans plusieurs de ses exemples. Son superviseur a donné une vue d’ensemble des rôles et responsabilités de chaque personne afin de clarifier les faits. Par exemple, un problème est visible dans son premier exemple. M. O’Leary a expliqué que le rôle du plaignant dans cette situation était de former une employée. M. O’Leary a notamment fait le commentaire suivant : [traduction] « […] je peux seulement valider le fait que l’on a demandé à Steven de participer au mentorat et à la formation d’une nouvelle collègue pendant son processus d’intégration. »

[156]  Le plaignant a toutefois décrit son rôle de façon parfois erronée. En particulier, son exemple contenait les énoncés suivants :

-  Il a remarqué que l’employée avait un rendement insuffisant;

-  Il a corrigé le rendement insuffisant rapidement;

-  Il a rencontré l’employée afin de s’assurer qu’elle possédait les renseignements et la formation dont elle avait besoin pour afficher un bon rendement;

-  Il l’a formée (il a consulté les ressources à sa disposition afin qu’elle sache où trouver de l’information sur nos processus, nos procédures et nos délais d’exécution attendus);

-  Il a identifié les employés, en plus de lui, qu’elle pouvait consulter pour obtenir des conseils;

-  Il s’est « assuré » qu’elle était au courant de ses attentes en ce qui concerne le rendement et des échéanciers;

-  Quand il a relevé un problème, il a enquêté et analysé la situation;

-  Il a déterminé qu’il s’agissait d’un comportement non coupable, étant donné qu’il semblait lié à des compétences ou des habiletés insuffisantes, qu’une formation supplémentaire pourrait corriger;

-  Il a [traduction] « adopté une approche plus pratique à l’égard de sa formation et précisé davantage les consignes données, et il s’est montré patient »;

-  Il n’était pas le seul à avoir contribué à former davantage cette employée;

-  Il a ensuite [traduction] « surveillé la situation, au cas où il faille apporter un changement à l’approche de gestion ».

 

[157]  Le plaignant a essentiellement décrit ses réalisations de façon très pointue et subjective. Malheureusement, M. O’Leary a été incapable de valider le nombre important de faits subjectifs que le plaignant a présentés.

[158]  Le plaignant a également soutenu que les commentaires formulés par M. O’Leary comportaient de nombreuses incohérences apparentes. Par exemple, à la question 1, le superviseur n’a pas coché la réponse Oui à la question sur la fiabilité du candidat, même s’il a effectivement écrit [traduction] « Steven est fiable ». Par la suite, il a soulevé quelques problèmes de fiabilité qui avaient dû être abordés, mais qui avaient été réglés. Selon le plaignant, ces commentaires jettent un doute sur la bonne foi de l’auteur et sur leur valeur. Selon lui, cela indique que son superviseur n’était pas franc, mais qu’il voulait influencer négativement le processus.

[159]  Je ne souscris pas à l’opinion selon laquelle ces types de commentaires témoignent d’une mauvaise foi. Le superviseur a formulé des commentaires détaillés et complets. Il avait eu un an pour observer le travail du plaignant. Par conséquent, il comprenait bien les compétences et les aptitudes du plaignant. Il a présenté une référence franche.

[160]  Le plaignant a avancé que les commentaires ajoutés par M. O’Leary à tous les exemples qu’il a présentés dans l’outil d’auto-évaluation des CCL, même ceux pour lesquels il n’était pas le valideur, constituaient une autre indication à première vue dans le dossier que quelque chose n’allait pas. Selon le plaignant, M. O’Leary semblait très motivé à influencer le processus. J’estime que M. O’Leary a tout simplement tenté de donner une vue d’ensemble plus complète des situations décrites par le plaignant.

[161]  Le plaignant a effectivement informé le comité d’évaluation que son meilleur répondant, qui l’avait supervisé pendant sept ans, était décédé. Il a allégué que son superviseur actuel à ce moment n’était donc pas au courant de toutes ses réalisations, étant donné qu’il ne le supervisait que depuis un an. Je note que le fait qu’un superviseur supervise un employé pendant seulement un an n’est pas inhabituel ou hors de l’ordinaire. Cela arrive. Le plaignant aurait eu avantage à informer son superviseur à l’avance de ses réalisations, étant donné qu’il lui avait demandé de les valider dans le cadre du processus de nomination. Il semblerait qu’il n’a pas informé son superviseur de ses réalisations. Il pourra envisager de le faire à l’avenir.

[162]  Ainsi, même si le comité d’évaluation avait l’obligation de prendre en considération tout ce qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par les répondants, il a conclu que les renseignements présentés par M. O’Leary étaient crédibles et fiables. Par conséquent, il n’était pas tenu de prendre des mesures supplémentaires pour garantir que les répondants étaient fiables.

[163]  Autrement dit, puisque le comité d’évaluation a conclu que les commentaires des répondants étaient fiables, il n’était pas tenu d’obtenir une référence de M. MacLean. L’intimé a montré qu’il avait tenté de communiquer avec lui. Celui-ci n’a toutefois pas répondu. Quoi qu’il en soit, le comité d’évaluation a décidé que les renseignements fournis par les deux répondants suffisaient à déterminer si le plaignant satisfaisait aux qualifications liées au poste.

[164]  Le plaignant a aussi soutenu que M. O’Leary avait demandé à sa subalterne, Mme Bakouche, de se présenter à son bureau afin qu’ils rédigent leurs références ensemble. Le plaignant croyait qu’ils n’auraient jamais dû savoir qu’ils étaient tous deux ses répondants. En rédigeant leurs références ensemble, ils commettaient manifestement une infraction. Selon lui, cela signifiait que son superviseur actuel, avec qui il ne s’entendait pas particulièrement bien, aurait pu exercer une influence indue sur Mme Bakouche.

[165]  J’estime que le plaignant n’a pas montré que le comité d’évaluation avait une raison valide de remettre en question la validité des commentaires formulés par Mme Bakouche ou par M. O’Leary pour cette raison. Mme Munyanganizi a indiqué dans son témoignage qu’elle ne savait rien à ce sujet. J’estime que le comité d’évaluation ne possédait pas suffisamment d’information pour remettre en question la fiabilité des renseignements que Mme Bakouche et M. O’Leary avaient fournis pour cette raison. En particulier, je crois qu’il n’avait pas suffisamment de renseignements pour remettre en doute la validité des renseignements présentés par Mme Bakouche parce que M. O’Leary, son superviseur, aurait peut-être pu exercer une influence négative sur elle.

[166]  Le plaignant a également soutenu que le fait que le terme « subalterne » n’était pas défini pour les candidats au processus constitue un abus de pouvoir. Je conclus qu’étant donné la possibilité de confusion, il aurait été préférable de définir le terme à l’avance. Toutefois, dans le présent cas, et malgré la possible confusion, je conclus que le comité d’évaluation avait suffisamment de renseignements en main pour conclure que les répondants n’avaient pas validé les réalisations du plaignant dans leur ensemble. Comme je l’ai indiqué, le plaignant a essentiellement décrit ses réalisations de façon très pointue et subjective. Malheureusement, ses répondants ont été incapables de valider le nombre important de faits subjectifs qu’il a présentés. Ainsi, je suis d’avis que le fait que le terme « subalterne » ne soit pas défini dans le processus n’a pas eu une incidence importante sur les résultats d’évaluation du plaignant. Par conséquent, cela ne constitue pas en soi un abus de pouvoir.

[167]  De plus, le plaignant croit fermement que M. O’Leary a sous-entendu, dans sa réponse à la question 7, qu’il serait coûteux pour l’intimé de l’embaucher à cause de son problème de santé. Selon lui, ce commentaire était directement lié à son problème de santé. Hormis cette allégation, toutefois, il n’y a aucune preuve à cet égard. Je détermine donc que cette allégation est infondée.

[168]  En fin de compte, pour chacune des compétences évaluées, le comité d’évaluation a examiné les exemples présentés par le plaignant et ceux validés par les répondants. Les renseignements généraux ont été évalués selon les comportements attendus établis. Étant donné que les répondants n’ont pas validé bon nombre de ses exemples, il n’a pas obtenu la note de passage pour les CCL.

[169]  Je mentionne que ce cas est semblable à la situation dans Ben Jab, où le plaignant avait fourni au comité d’évaluation le nom d’un répondant qui avait été son superviseur au cours de l’année précédente. Le Tribunal a conclu qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle les renseignements indiqués par le répondant n’étaient pas fiables et le comité d’évaluation n’avait aucune raison de douter de la validité des commentaires de celui-ci. Le fait que le candidat était en désaccord avec les renseignements présentés par le répondant ne rend pas la référence non fiable.

[170]  Au bénéfice des parties, j’expliquerai aussi pourquoi je conclus que les autres cas cités par le plaignant sont différents de la présente situation.

[171]  Dans Raymond, l’intimé avait choisi de mettre le plaignant en disponibilité. J’ai rendu la décision dans Raymond. J’ai conclu que la preuve montrait que l’on avait utilisé des commentaires de validation non fiables et erronés pour évaluer le plaignant. Le plaignant ne possédait pas deux qualifications, soit « fiabilité » et « rigueur ». En ce qui concerne son exemple sur la fiabilité, le superviseur avait avoué de pas s’être donné la peine de se rafraîchir la mémoire à ce sujet. Dans le cas de l’exemple sur la rigueur, le superviseur avait écrit dans ses commentaires que l’exemple donné avait été exagéré. Le superviseur avait avoué ne pas s’être donné la peine de vérifier si le plaignant avait exécuté la tâche indiquée dans son exemple. Par conséquent, il a reconnu avoir commis une erreur.

[172]  Les faits dans Morgenstern, Gabon, Healey et Ostermann sont aussi différents de ceux du présent cas.

[173]  Dans Morgenstern, le Tribunal a conclu que les erreurs et omissions étaient attribuables à une insouciance grave, qui équivalait à un acte de mauvaise foi. En particulier, le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation avait commis une erreur quand il avait déterminé que l’expérience de gestion et l’expérience de leadership étaient interchangeables. Selon la LEFP, les nominations se fondent sur le mérite. Ainsi, le fait de changer les qualifications essentielles liées à l’expérience et de nommer ensuite une personne qui ne possédait pas l’expérience de gestion nécessaire avait donné lieu à un résultat inéquitable. De plus, les références étaient le seul outil utilisé pour évaluer les qualités personnelles et l’intimé avait reconnu qu’il s’était fondé sur des renseignements insuffisants pour évaluer la candidature de la plaignante. Cependant, ce n’était pas le cas en l’espèce.

[174]  La décision Gabon peut aussi être distinguée du présent cas. Premièrement, les consignes données aux candidats n’expliquaient pas clairement la façon de désigner des répondants. Deuxièmement, malgré le fait que les candidats avaient la permission d’indiquer le nom de leurs collègues ou de membres d’une organisation professionnelle, le guide sur les références était destiné aux superviseurs et aux gestionnaires. Troisièmement, le comité d’évaluation a pris en considération les opinions verbales d’un ancien superviseur, sans prendre les mesures de précaution nécessaires. Quatrièmement, le comité d’évaluation s’est fondé sur les commentaires oraux de deux des superviseurs de la plaignante, tandis que tous les autres candidats avaient été évalués au moyen d’un formulaire écrit rempli par les répondants. La combinaison de toutes ces erreurs a mené à une conclusion d’abus de pouvoir. De telles erreurs n’ont pas été commises dans le présent cas.

[175]  La décision Healey peut aussi être distinguée du présent cas. Dans ce cas, le Tribunal a conclu que plusieurs erreurs et omissions correspondaient à un abus de pouvoir. Ces erreurs comprenaient le fait que les répondants avaient reçu un très court préavis avant leur entrevue, en plus de consignes incohérentes ou de l’absence de consignes sur les renseignements à fournir, ce qui aurait pu les empêcher de donner des réponses plus éclairées. L’intimé avait également omis d’indiquer les qualifications évaluées ou les indicateurs comportementaux par rapport auxquels les réponses des répondants seraient évaluées. De plus, certains des renseignements avaient été obtenus auprès d’une personne qui supervisait les plaignants depuis six semaines seulement, ce qui posait aussi problème.

[176]  Dans Ostermann, le Tribunal a conclu que les multiples erreurs commises dans l’évaluation de la qualification « Jugement » de la plaignante étaient graves au point de constituer un abus de pouvoir. Ces erreurs étaient les suivantes : premièrement, une erreur typographique dans la référence fournie par la répondante indiquait que le comité d’évaluation s’était fondé sur des renseignements erronés; deuxièmement, le comité d’évaluation avait utilisé un répondant qui n’avait supervisé la plaignante que pendant une courte période et avait ensuite accordé la même importance à la référence extrêmement négative de cette personne qu’à celles fournies par deux répondants qui avaient supervisé la plaignante pendant une période beaucoup plus longue; finalement, le comité d’évaluation avait agi de manière simpliste et arbitraire, ce qui faisait entrave à son pouvoir discrétionnaire. Il avait adopté une approche mathématique simple en attribuant une importance égale aux références fournies par les trois répondants, malgré une différence considérable entre celles-ci. Encore une fois, la combinaison de toutes ces erreurs a mené à une conclusion d’abus de pouvoir. La présente situation n’a pas mis au jour de telles erreurs.

[177]  Pour ces motifs, je conclus que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir en utilisant les références qu’il a reçues des deux répondants qui ont donné de l’information sur lui.

[178]  Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI.  Ordonnance

[179]  La plainte est rejetée.

Le 14 décembre 2020.

Traduction de la CRTESPF

 

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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