Décisions de la CRTESPF

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Date: 20201119

Dossiers: 566-02-9762 et 11009

 

Référence: 2020 CRTESPF 103

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

STÉPHANE GARIÉPY

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(ministère de la Défense nationale)

 

défendeur

Répertorié

Gariépy c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)

 

 

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Steven B. Katkin, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Sylvain Beauchamp, avocat

Pour l’employeur : Geneviève Ruel, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),

du 6 au 9 octobre 2015, du 3 au 6 mai et du 22 au 24 novembre 2016.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Stéphane Gariépy, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était un employé du ministère de la Défense nationale (l’« employeur » ou le « ministère ») depuis novembre 2008. De novembre 2008 à février 2009, il a travaillé à Ottawa. Il a été muté à Montréal le 23 février 2011, et il y est resté jusqu’à ce que son poste d’analyste financier, classifié au groupe et au niveau FI-02, soit aboli dans le cadre d’un processus de réaménagement des effectifs.

[2] La convention collective pertinente est celle visant l’unité de négociation du groupe Gestion financière, conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur du fonctionnaire, l’Association canadienne des agents financiers, qui est arrivée à échéance le 6 novembre 2014 (la « convention collective »).

[3] Le 10 mars 2014, le fonctionnaire a présenté un grief pour contester ce qu’il allègue être une suspension imposée par l’employeur le 26 février 2014. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 8 mai 2014 (dossier 566-02-9762), en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP ») (mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire). L’employeur a confirmé qu’aucune décision n’avait été rendue aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs puisque le grief était considéré comme étant en suspens par l’employeur.

[4] Le 30 janvier 2015, le fonctionnaire a présenté un autre grief en vertu de l’article 208 alléguant que l’employeur avait laissé s’écouler la période de mise en disponibilité pour ensuite procéder à son congédiement déguisé (dossier 566-02-11009). Selon le fonctionnaire, l’employeur avait l’obligation d’arrêter l’écoulement de la période de préavis d’employé optant dès la suspension du 26 février 2014, au motif que, en raison de la suspension, il était en congé de maladie forcé et qu’il avait été jugé inapte au travail. En conséquence, le fonctionnaire n’était pas en mesure de se trouver un nouvel emploi dans la fonction publique durant la période imposée. Le fonctionnaire a allégué que la mise en disponibilité était réellement un congédiement. Le 21 août 2015, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a répondu qu’aucun élément ne l’amenait à conclure que la fin d’emploi constituait un congédiement.

[5] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la LRTFP avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[6] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et les titres de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « LCRTESPF ») et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « LRTSPF »).

II. Objections préliminaires

[7] Par lettre au greffe de la Commission en date du 1er septembre 2015, l’employeur a soulevé deux objections préliminaires à la compétence de la Commission pour entendre les griefs du fonctionnaire.

[8] À titre d’objection préliminaire, l’employeur a tout d’abord souligné que le grief alléguant la suspension (dossier 566-02-9762) avait été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)b) de la LRTSPF, qui limite la compétence de la Commission aux questions disciplinaires. Selon l’employeur, sa décision de mettre le fonctionnaire en arrêt de travail le 26 février 2014, à des fins d’évaluation de l’aptitude au travail, était un acte purement administratif à l’égard duquel la Commission n’a pas compétence.

[9] La deuxième objection préliminaire porte sur le grief du fonctionnaire alléguant qu’il a été congédié (dossier 566-02-11009). L’employeur a soutenu que le fonctionnaire avait été mis en disponibilité suivant l’art. 64 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « LEFP »), à la suite de l’abolition de son poste dans le cadre d’un réaménagement des effectifs. L’employeur a fait valoir que vu l’existence d’un recours en vertu de l’art. 65 de la LEFP et suivant le par. 208(2) de la LRTSPF, le fonctionnaire ne pouvait pas présenter un grief individuel sur sa mise en disponibilité qui, d’ailleurs, ne fait pas partie des questions visées par le par. 209(1) de la LRTSPF. De plus, selon l’art. 211 de la LRTSPF, toute fin d’emploi prévue sous le régime de la LEFP échappe à la compétence de la Commission.

[10] Je traiterai de ces objections dans la section analyse de cette décision.

III. Résumé de la preuve

A. Les témoins et autres intervenants

[11] Il y a lieu dès le début de cette décision de présenter certains témoins principaux de l’employeur afin de les situer dans le résumé de la preuve. Il est aussi important de noter que le lieu de travail visé était le Secteur du Québec de la force terrestre (SQFT) de la Garnison Montréal et que, à l’été 2013, le SQFT est devenu officiellement la 2e Division du Canada (« 2e Division »).

[12] Le colonel (ci-après « col ») Normand Lalonde a été chef d’état-major du SQFT/2e Division, de juillet 2012 à juillet 2014. Le processus de réaménagement des effectifs était déjà entamé à son arrivée en poste au SQFT/2e Division; il a pris la relève du processus. Il était notamment responsable de la gestion du personnel civil. À cet égard, il était appuyé par le commandant adjoint, le major (ci-après « maj ») Sylvain Rhéaume, ce qui lui permettait de se concentrer sur sa responsabilité première, soit les opérations du SQFT/2e Division.

[13] Le maj Rhéaume a été commandant adjoint au SQFT/2e Division de juin 2012 à 2014. Ses responsabilités consistaient à assurer la bonne gestion du personnel, l’embauche d’employés civils et de militaires, des conditions de travail adéquates et l’application des mesures disciplinaires civiles et militaires, et de conseiller le col Lalonde sur l’administration quotidienne du quartier général. Il était responsable des évaluations du rendement, en collaboration avec les ressources humaines (RH), et il faisait des recommandations à cet égard. Le maj Rhéaume a témoigné qu’il dirigeait du personnel depuis 26 ans.

[14] Le maj Patrick Martin, alors capitaine (ci-après « capt »), a travaillé au bureau du contrôleur, au 5e Groupe de soutien de secteur (5e GSS), de 2009 à 2012, à titre de contrôleur adjoint. Il est devenu le gestionnaire du fonctionnaire en janvier 2012. En juin 2012, il a été promu major et est devenu contrôleur du 5e GSS. Il était alors toujours le gestionnaire du fonctionnaire. À l’été 2013, le maj Martin est devenu le contrôleur de la 2e Division.

[15] Estelle Simard était gestionnaire des RH pour les employés civils depuis 2004 au ministère. Elle avait 34 ans de service dans la fonction publique, dont 32 ans en RH. Elle a occupé tous les postes de RH et gérait une équipe de conseillers en RH, spécialistes et généralistes, ainsi que des adjoints. Mme Simard était très impliquée dans le processus de réaménagement des effectifs et soutenait le col Lalonde. Elle expliquait aux employés leurs droits et obligations et a fait plusieurs médiations avec le col Lalonde.

[16] Les policiers militaires sont présents à plusieurs reprises dans ce dossier. Le col Lalonde a expliqué que le SQFT n’avait pratiquement aucun lien hiérarchique avec la police militaire, qui est une entité distincte. Le commandant de la police militaire agit à titre de conseiller au commandant et au col Lalonde. Un représentant de la police militaire siège aux réunions de l’état-major, mais seulement pour les questions liées aux opérations, par exemple, un cas d’ivresse au volant, drogue, etc. Le col Lalonde a affirmé que, dans l’hypothèse où quelqu’un proférerait une menace qui ne serait pas rapportée au col Lalonde par la police militaire, quiconque ayant connaissance d’une telle menace pourrait appeler la police militaire. S’il y a une menace concrète fondée, elle sera rapportée en raison de son incidence possible sur la sécurité du personnel.

B. Plainte de harcèlement de 2011

[17] En 2008, le fonctionnaire travaillait à Ottawa, à l’Agence de logement des Forces canadiennes (l’« Agence ») au sein du ministère. Il était conseiller auprès du contrôleur et son poste était classifié au groupe et au niveau FI-02. À l’époque, ses collègues étaient surtout des employés civils, plus précisément des comptables et des techniciens en comptabilité. Presque tous les employés pratiquaient la comptabilité.

[18] En 2011, le fonctionnaire travaillait au quartier général de la garnison de Montréal. Il occupait un poste d’analyste financier, classifié au groupe et au niveau FI‑02, au sein de l’employeur. Il détenait les désignations professionnelles de comptable professionnel agréé (CPA) et comptable en management agréé (CMA). De plus, il était vérificateur comptable et titulaire d’une maîtrise en sciences comptables.

[19] À l’époque, l’employeur voulait développer une ébauche pour la production de modèles financiers. Il voulait le même modèle que l’Agence, mais dans le contexte militaire. Comme le fonctionnaire avait travaillé dans le milieu manufacturier et les médias, une transition vers la culture militaire était nécessaire et il s’est dit qu’il s’adapterait. Au départ, sa transition s’est très bien déroulée. Il se rapportait au maj Marc Auclair et au lieutenant-colonel (ci-après « lcol ») Pierre Simard. Ceux-ci ont été déployés durant l’année 2011 et ont été remplacés par la maj Isabelle Marion.

[20] Selon le fonctionnaire, la maj Marion, sa superviseure, avait été formée au Collège militaire royal du Canada et elle lui avait demandé de s’adapter davantage à l’environnement militaire. Selon lui, elle était rébarbative à l’égard des employés qui provenaient du secteur privé, qu’elle percevait comme des consultants. La maj Marion ne lui a pas parlé pendant deux mois après son arrivée. Elle lui aurait dit : « M. Gariépy, les gens du privé comme vous, on va leur faire faire du travail de secrétariat. » La maj Marion n’avait pas de désignation professionnelle comptable.

[21] Au cours de l’année 2011, plusieurs allégations de manquement à ses responsabilités et d’insubordination ont été faites à l’égard du fonctionnaire par sa superviseure, avec qui le fonctionnaire éprouvait des difficultés. Je n’ai été saisi d’aucun élément de preuve au sujet de ces allégations. Selon l’employeur, le fonctionnaire remettait en question les compétences de la maj Marion, plus précisément qu’elle ne possédait pas les titres comptables qu’il possédait. Le fonctionnaire s’entêtait à faire son travail à sa façon, plutôt que de la façon demandée par sa superviseure. Le fonctionnaire a témoigné avoir cru que, avec le temps, le ton allait baisser et que la maj Marion constaterait ce qu’il pouvait faire.

[22] En septembre 2011, la période des évaluations du rendement approchait. Le fonctionnaire a compris que, après les départs du maj Auclair et du lcol Simard, son rendement aurait dû être évalué et il en a parlé à la maj Marion en septembre 2011.

[23] La situation entre la maj Marion et le fonctionnaire ne s’est pas améliorée. Le fonctionnaire a témoigné avoir approché la maj Marion pour essayer de comprendre et clarifier les choses, mais la situation est devenue plus tendue. Le fonctionnaire a communiqué avec le col Marc Gagné, alors commandant. Son adjointe administrative lui a conseillé de rédiger une lettre. Le fonctionnaire a témoigné que, au début, il ne s’agissait pas d’une plainte. Le col Gagné lui a dit que pour traiter la situation, il devrait convertir la lettre en plainte. En contre-interrogatoire, lorsque le maj Rhéaume a été renvoyé au fait que le col Gagné avait affirmé que la plainte du fonctionnaire était recevable, il a répondu que le col Gagné n’était pas qualifié pour faire enquête sur des plaintes de harcèlement.

[24] Le fonctionnaire a déposé une plainte de harcèlement contre la maj Marion et son supérieur, le lcol Gilles Ross, le 16 novembre 2011.

[25] En janvier 2012, le fonctionnaire a été transféré temporairement au 5e GSS, où il ne relevait pas de la maj Marion. Son gestionnaire était le maj Martin, (alors capitaine), contrôleur adjoint, et son supérieur était la maj Sarah Gauthier, contrôleuse. Les maj Martin et Gauthier détenaient des désignations professionnelles comptables. Le fonctionnaire a témoigné que ça allait bien dans cette équipe. Il n’y avait pas de lien hiérarchique entre le fonctionnaire et le maj Martin. En juin 2012, la maj Gauthier a été déployée en Afghanistan. Le maj Martin est alors devenu contrôleur et superviseur du fonctionnaire.

[26] Selon l’employeur, avant que le maj Rhéaume n’entre en fonction, et pour éviter que la situation ne s’envenime avec le fonctionnaire, soit entre juin et décembre 2012, il a décidé que le fonctionnaire serait réaffecté temporairement au 5e GSS. Son supérieur immédiat était le maj Martin, qui se rapportait au col Lalonde. Aucun incident n’a été rapporté concernant le fonctionnaire. Le maj Martin pouvait travailler avec le fonctionnaire, et il a donc été décidé de laisser celui-ci en poste à cet endroit.

[27] Le maj Rhéaume a eu connaissance du fonctionnaire pour la première fois en consultant son dossier de plainte, dès son arrivée en juin 2012. La maj Marion et le lcol Ross l’avaient décrit comme un employé ayant de la difficulté à travailler en équipe, bien que le maj Martin lui ait dit qu’il n’avait pas de problème avec le fonctionnaire. Le dossier de plainte n’avait pas été complété, et il a demandé à la maj Marion et au lcol Ross de répondre par écrit aux allégations du fonctionnaire. À la réception des réponses, il a transmis le dossier au lcol Bruno Plourde, qui était qualifié pour faire enquête sur des plaintes de harcèlement. Le lcol Plourde a conclu qu’il n’y avait pas matière à harcèlement et qu’il n’était donc pas nécessaire d’entamer une enquête approfondie. Il a rencontré le fonctionnaire avec la conseillère en RH, Élisabeth Marion, pour l’informer des conclusions du lcol Plourde. Selon le maj Rhéaume, le fonctionnaire était très réceptif, courtois et a semblé bien accepter les conclusions. Il s’agissait de la dernière rencontre du maj Rhéaume avec le fonctionnaire pendant plusieurs mois.

[28] Le fonctionnaire a déposé en preuve son évaluation du rendement signée par la maj Gauthier le 14 juin 2012, qui couvrait une période de supervision de trois mois, et celle signée par la maj Marion le 25 juillet 2012, qui couvrait une période de supervision de sept mois. Il a témoigné que ses évaluations du rendement étaient très bonnes. Les gestionnaires y ont indiqué qu’il avait mené ses projets avec professionnalisme et rigueur, qu’il était plein d’initiative, débrouillard, extrêmement minutieux, travaillant, et qu’il avait une excellente capacité d’analyse. Elles ont aussi indiqué qu’il devait faire davantage d’efforts pour adapter son langage à l’environnement militaire et respecter les grades et la chaîne de commandement afin de s’adapter complètement à son environnement.

[29] Le fonctionnaire a travaillé au 5e GSS jusqu’au 11 janvier 2013. Il a quitté son milieu de travail à la suite d’un arrêt de travail pour des raisons de santé. Le maj Rhéaume et le col Lalonde ont témoigné avoir été informés que le fonctionnaire était en congé de maladie, mais ils n’en connaissaient pas la raison. Le col Lalonde n’a jamais posé de questions sur les raisons du congé. Le maj Martin a témoigné que le fonctionnaire n’avait jamais parlé des raisons pour lesquelles il était en congé de maladie.

[30] En contre-interrogatoire, à la question de savoir s’il avait partagé avec ses collègues la cause de son congé de maladie, le fonctionnaire a témoigné que si les RH, la compagnie d’assurance Sun Life (la « Sun Life ») ou son superviseur avaient besoin d’information, il la leur donnerait.

[31] À l’été 2013, la maj Marion a été mutée à Ottawa et le lcol Ross a pris sa retraite des Forces armées. Le maj Martin a été muté à titre de contrôleur de la 2e Division et a informé le maj Rhéaume qu’il n’avait pas d’objection à ce que le fonctionnaire le suive au sein de la 2e Division.

C. Réaménagement des effectifs

[32] En 2011, un processus de réaménagement des effectifs en quatre vagues a été entrepris au sein du ministère; 250 postes ont été abolis dans la région du Québec. D’abord, il y a eu un exercice pour identifier les postes touchés. Ensuite, une lettre a été envoyée aux employés touchés. L’employeur espérait que des volontaires choisissent de prendre leur retraite. L’employeur a décidé que les employés touchés qui étaient en congé de maladie seraient informés verbalement. Il attendait toutefois leur retour au travail pour leur donner la lettre d’option afin qu’il n’y ait pas d’impact sur la période de statut excédentaire et d’éviter de pénaliser davantage l’employé.

[33] Les options étaient les suivantes : (A) devenir employé excédentaire pendant 12 mois rémunérés et avec le statut de priorité; (B) démissionner et bénéficier d’une période de transition selon les années de service; (C)(i) démissionner et bénéficier d’un soutien de transition et 11 000$ pour des études; (C)(ii) bénéficier de mesures de transition et d’un congé sans solde de deux ans. Après le retour du congé, l’employé avait le statut d’employé mis en disponibilité avec statut de priorité pendant 12 mois.

[34] Concernant le droit de priorité, l’employé avait 120 jours pour faire un choix. S’il ne faisait pas de choix dans les 120 jours, il devenait un employé excédentaire. Si l’employé choisissait l’option A et que les 120 jours n’étaient pas expirés, à la demande de l’employé, les jours non expirés étaient ajoutés à la période de priorité de 12 mois. Selon Mme Simard, la période de mise en disponibilité ne pouvait être repoussée puisque, selon la politique de réaménagement des effectifs, une fois que l’employé fait un choix et que le compte à rebours démarre, celui-ci ne peut être changé. Le droit de priorité signifiait qu’un employé déclaré excédentaire par un ministère était la priorité la plus élevée pour le même ministère, mais pas pour un autre ministère.

[35] Trente jours avant la fin de la période de 12 mois de priorité d’excédentaire, l’employé était avisé que son statut changerait. À la fin de la période de 12 mois, il était mis en disponibilité, n’était plus rattaché à son ministère, n’avait plus de salaire et demeurait dans le bassin tenu par la Commission de la fonction publique.

[36] Le col Lalonde est arrivé alors que le processus de réaménagement des effectifs était entamé. Il a pris la relève du processus car, parmi ses responsabilités, il devait assurer la gestion des employés civils.

[37] Selon le maj Rhéaume, la personne chargée du processus de réaménagement des effectifs était Élisabeth Marion du Centre des RH civiles.

[38] Pour le processus de réaménagement des effectifs, le col Lalonde a fait trois recommandations : 1) les suppressions devaient viser principalement l’administration plutôt que les opérations; 2) il fallait se départir des responsabilités qui ne faisaient pas partie du mandat du SQFT, par exemple, le bureau d’enquête de harcèlement composé de militaires à leur retraite, qui faisait peu d’enquêtes et offrait ses services à d’autres ministères; 3) viser les postes qui n’étaient pas pourvus à 100 % et dont les fonctions pouvaient être assumées par d’autres entités sans augmenter les effectifs.

[39] Le col Lalonde avait aussi le soutien de Mme Simard, qui ne traitait habituellement pas de dossiers. Cependant, à la fin de l’année 2013 et au début de l’année 2014, il manquait de généralistes. Comme Mme Simard avait déjà été généraliste, elle a pris certains dossiers de clients. En ce qui concerne le dossier du fonctionnaire, elle a été impliquée relativement à ses griefs, elle a accompagné la direction à cet égard et elle a fourni des conseils.

[40] Le col Lalonde était responsable de tout ce qui concernait le dossier du fonctionnaire, bien que le maj Rhéaume soit responsable de la gestion du dossier.

[41] En 2013, l’employeur a subi une autre vague d’abolition de postes dans le cadre de l’exercice de réaménagement des effectifs. Selon le col Lalonde, 92 postes ont été abolis, dont celui du fonctionnaire. La procédure pour informer les employés du réaménagement des effectifs a été faite par l’entremise d’une réunion des employés en présence d’un délégué syndical. Le processus a été expliqué, mais pas les postes qui seraient abolis.

[42] Pendant le congé de maladie du fonctionnaire, le maj Rhéaume a été avisé de plusieurs vagues d’abolitions de postes. Lors des dernières suppressions au SQFT, le poste du fonctionnaire a été identifié. Les décisions concernant les postes à abolir ont été prises par le col Lalonde en consultation avec ses chefs de branche. Le rôle du maj Rhéaume était d’informer et de rencontrer les employés dont les postes étaient visés par les suppressions.

[43] Le 27 mai 2013, les employés de la 2e Division visés par l’exercice de réaménagement des effectifs ont été informés que leurs postes pourraient être abolis. Le col Lalonde a écrit une lettre en date du 27 mai 2013 au fonctionnaire, l’avisant qu’en raison de l’abolition de son poste, ses services ne seraient peut-être plus requis. Le poste du fonctionnaire a été identifié par son superviseur parce que ses fonctions n’accaparaient pas la totalité de son temps et pouvaient être assumées par le contrôleur ou le contrôleur adjoint.

[44] Alors que le fonctionnaire était en arrêt de travail, le maj Rhéaume l’a appelé à la maison et lui a demandé de venir sur les lieux du travail. Le fonctionnaire lui a demandé s’il pouvait faire la rencontre par téléphone, et le maj Rhéaume a refusé. À la rencontre, le maj Rhéaume lui a remis la lettre du 27 mai 2013, et il lui a demandé d’en prendre connaissance. Le maj Rhéaume a demandé au fonctionnaire s’il avait des commentaires. Sur le coup, le fonctionnaire a demandé s’il y avait des gens qui perdaient leurs postes et qui n’avaient pas été relocalisés. Le maj Rhéaume lui a répondu qu’il n’avait pas à lui donner ces renseignements. Le maj Rhéaume lui a indiqué que le contenu de la lettre n’avait pas d’effet pendant le congé de maladie et que, à son retour, il aurait le statut d’employé optant. La rencontre a duré environ quatre minutes. Dans son témoignage, Mme Simard a indiqué qu’ils avaient procédé ainsi pour ne pas punir indûment le fonctionnaire puisque, au moment où le fonctionnaire recevrait la lettre d’employé optant, le délai de la procédure quant au réaménagement des effectifs serait enclenché.

[45] Le fonctionnaire a effectué un retour progressif au travail le 19 septembre 2013, et il a repris son poste à la 2e Division. Il s’est informé auprès de son gestionnaire, le maj Martin, devenu le contrôleur de la 2e Division en juillet 2013, du travail à effectuer. Le maj Martin lui a répondu qu’il serait impliqué dans un dossier de faillite, mais qu’il devrait utiliser son temps de travail pour se trouver un emploi ailleurs, puisqu’il n’avait plus d’avenir avec l’employeur. Le maj Martin a nié avoir dit au fonctionnaire de se trouver « un emploi ailleurs ». Il a confirmé que la recherche d’emploi était ce que le fonctionnaire faisait presque à temps plein; il lui a donné tout le temps nécessaire pour se trouver un poste au ministère ou faire des entrevues. Le maj Martin lui a donné un bureau fermé, en plus de son cubicule, pour effectuer sa recherche d’emploi. Le maj Martin a affirmé n’avoir jamais discuté avec le fonctionnaire de son congé de maladie, et qu’il n’avait pas tenté de connaître les raisons du congé. Pendant la période durant laquelle il a supervisé le fonctionnaire, officiellement ou officieusement, personne n’a donné d’ordres au maj Martin au sujet de la façon dont il devait agir avec le fonctionnaire.

[46] Le maj Rhéaume savait qu’il s’agissait d’une situation difficile et, en conséquence, la direction essayait d’être flexible avec les employés pour leur permettre d’avoir du temps pour entreprendre des démarches pour trouver un autre poste. Le maj Rhéaume était préoccupé pour la santé du fonctionnaire parce que, à son retour de congé de maladie, son poste était aboli et qu’il devait en être affecté comme tout le monde. Le fonctionnaire passait ses journées dans un bureau fermé avec la porte fermée.

[47] Le 3 octobre 2013, le fonctionnaire a reçu une lettre l’informant qu’en raison du réaménagement des effectifs, ses services ne seraient plus requis puisque son poste serait aboli. Il a reçu cette lettre du col Lalonde, en présence d’Élisabeth Marion. Une garantie d’offre d’emploi raisonnable ne pouvait lui être présentée. Il avait le choix entre une période de priorité d’excédentaire rémunérée de 12 mois, une mesure de soutien à la transition ou une indemnité d’études. Le 7 octobre 2013, le fonctionnaire est retourné à temps plein au sein de la 2e Division.

[48] Le 9 octobre 2013, le fonctionnaire a choisi l’option de priorité d’employé excédentaire pour une période de 12 mois. Le 16 octobre 2013, le col Lalonde lui a accordé le statut d’employé excédentaire pour la période du 17 octobre 2013 au 9 février 2015; les jours non expirés de la période de réflexion de 120 jours du fonctionnaire ont été ajoutés à la période d’employé excédentaire de 12 mois. Le col Lalonde l’a avisé que s’il n’obtenait pas de nomination ou de mutation au cours de la période de priorité excédentaire, il serait mis en disponibilité en date du 10 février 2015. Dans les semaines et mois suivant la lettre du 16 octobre 2013, le fonctionnaire a commencé immédiatement sa recherche d’emploi.

[49] Le fonctionnaire a témoigné que, en novembre 2013, le maj Martin avait parlé aux employés civils et leur avait dit que, si les militaires pouvaient être congédiés pour épuisement professionnel, pourquoi les employés ne seraient pas soumis aux mêmes obligations. Quand le maj Martin a fait ce commentaire, le fonctionnaire a conclu que son poste avait été aboli à cause de sa maladie. En contre-preuve, le maj Martin a nié avoir dit au fonctionnaire lors de son retour que les dépressions et les épuisements professionnels chez les militaires n’étaient pas tolérés et que ce n’était pas différent pour les employés civils. Il a nié avoir affirmé que les militaires étaient licenciés pour ces motifs. Le maj Martin a témoigné que les militaires étaient formés de façon à détecter les dépressions et les épuisements professionnels, et qu’ils disposaient d’outils sur comment diriger les militaires aux bons endroits. Le maj Martin ne savait pas pourquoi le poste du fonctionnaire avait été aboli parce que, à ce moment-là, il était au 5e GSS et qu’il n’était pas impliqué dans ces décisions. Il ne sait pas quand la décision a été prise, mais il était présent avec Élisabeth Marion lorsqu’elle a été annoncée au fonctionnaire. Il savait que le fonctionnaire était en congé de maladie quand l’abolition de son poste lui a été annoncée.

D. Service du Génie

[50] Le fonctionnaire a été informé par des collègues de travail et Guy Gibeau, représentant de l’Union des employés de la défense nationale (UEDN), que deux postes étaient vacants, soit un au Service du Génie et un autre au 25e Dépôt d’approvisionnement. Ces deux postes d’analystes financiers étaient dans son milieu de travail, et le fonctionnaire considérait qu’il aurait pu être nommé à l’un de ces deux postes. Durant la recherche d’emploi du fonctionnaire, le ministère n’a fait aucune offre.

[51] Élisabeth Marion a rencontré le fonctionnaire et lui a dit qu’il y avait un poste pour lui au Service du Génie, avec protection salariale. Elle lui a dit qu’elle le mettrait en communication avec le gestionnaire du poste, et que son embauche serait une formalité. Mme Simard a entendu parler pour la première fois de la situation du fonctionnaire lorsque celui-ci a eu vent qu’un poste classifié au groupe et au niveau FI‑01, au Service du Génie, allait éventuellement être doté.

[52] Le gestionnaire d’embauche, le maj Hugo Marcotte, a rencontré le fonctionnaire le 27 septembre 2013, en présence du capt J. Kilburn. Il lui a présenté l’organisation en général, le poste dans son contexte, ainsi que les fonctions du poste. Ils ont ensuite discuté du curriculum vitae, de l’expérience et des intérêts professionnels du fonctionnaire. Le maj Marcotte a indiqué qu’il évaluait les qualifications essentielles, et que le processus en cours pour le poste classifié au groupe et au niveau FI-01 était la meilleure occasion pour ce faire. Selon le fonctionnaire, le maj Marcotte n’avait pas le droit de procéder ainsi. Le maj Marcotte s’est informé auprès d’Aurélie Delaurière des RH et a décidé d’aller de l’avant avec le processus.

[53] Le fonctionnaire a dit à Mme Delaurière qu’il était au courant de deux postes et qu’il aurait dû recevoir une garantie d’offre raisonnable. Il lui a demandé de fournir les noms des gens dont les postes avaient été abolis et qui n’avaient pas été relocalisés. Le fonctionnaire avait fait l’exercice avec l’UEDN, et il était le seul à ne pas avoir été relocalisé. Selon le fonctionnaire, avec une garantie d’offre raisonnable, il n’y avait pas lieu de procéder à une évaluation professionnelle ou une évaluation de personnalité. Élisabeth Marion voulait respecter la Directive sur le réaménagement des effectifs, mais pas le maj Marcotte.

[54] Entre-temps, le maj Marcotte a fait une vérification auprès de la maj Marion, qui avait déjà supervisé le fonctionnaire. Ses commentaires ont renforcé sa décision d’évaluer le fonctionnaire, particulièrement ses qualités personnelles.

[55] Le maj Rhéaume a rapporté des propos qu’aurait tenus le maj Marcotte, ce dernier n’ayant pas témoigné. Le maj Marcotte a communiqué avec lui parce que le fonctionnaire effectuait des démarches dans son organisation. Il avait un drôle de sentiment au sujet du fonctionnaire et avait entendu parler de lui. Le maj Marcotte connaissait le maj Rhéaume depuis longtemps, et il voulait avoir son avis. Le maj Rhéaume a expliqué au maj Marcotte qu’il laissait à son bon jugement le soin d’évaluer le fonctionnaire. Il a toutefois ajouté que, si le poste comprenait la supervision de personnel, il recommandait qu’un test ou une entrevue soit effectué afin de déterminer si le fonctionnaire était qualifié pour le poste en question.

[56] La supervision du personnel faisait partie des qualifications figurant sur l’énoncé de critères de mérite. Un examen spécifique était prévu pour évaluer cette compétence. Lorsque le fonctionnaire a été informé qu’il devait se soumettre à cet examen le 19 décembre 2013, il a répondu que, puisqu’il occupait un poste classifié au groupe et au niveau FI-02, il devrait être nommé au poste sans évaluation en fonction des critères de mérite. Selon le fonctionnaire, l’employeur avait l’obligation de déployer tous les efforts possibles et réalistes pour réaffecter les employés dont les postes avaient été abolis.

[57] Mme Simard a témoigné que, puisqu’il y avait 6 % d’écart salarial entre les postes classifiés aux groupes et aux niveaux FI-01 et FI-02, le fonctionnaire n’avait pas été considéré pour le poste. Par ailleurs, un employé ayant un statut de priorité pouvait poser sa candidature pour des promotions ou à des postes classifiés à des groupes et des niveaux inférieurs. Les responsables du processus ont informé le fonctionnaire qu’il pourrait être nommé à un poste classifié au groupe et au niveau FI‑01.

[58] Le 20 décembre 2013, le fonctionnaire a déposé un grief relativement à la dotation du poste classifié au groupe et au niveau FI-01, alors qu’il était le seul sur la liste des priorités. Mme Simard a participé à l’audience. L’employeur, par l’entremise du maj Martin, a répondu le 21 janvier 2014, au premier palier, que le grief n’était pas recevable pour deux motifs, soit que le fonctionnaire n’avait pas l’autorisation de son agent négociateur et que le grief concernait la dotation d’un poste. L’employeur a tout de même évalué le bien-fondé du grief et a relevé le manque de collaboration du fonctionnaire dans l’évaluation de sa candidature. La Commission n’est pas saisie de ce grief.

[59] Le 15 avril 2014, le maj Marcotte, à la demande du maj Rhéaume, a fourni à ce dernier un résumé de ses interactions avec le fonctionnaire relativement à la présentation de sa candidature pour le poste de FI-01 au Service du Génie. Le fonctionnaire a mentionné que le maj Marcotte n’avait pas le droit de l’évaluer sous quelque forme que ce soit. Il a été invité à se présenter pour être évalué, mais il a refusé. Depuis, le maj Marcotte n’a eu aucune autre communication avec le fonctionnaire.

E. 25e Dépôt d’approvisionnement

[60] En novembre 2013, Marie-Claude Aubin, gestionnaire des services financiers depuis 2011, au 25e Dépôt d’approvisionnement (25e Dépôt), cherchait à doter un poste de superviseur des comptes payables, classifié au groupe et au niveau FI-01. Le fonctionnaire avait entendu parler de ce poste et avait parlé avec deux anciens employés de cette unité de travail qui avaient également occupé ce poste dans le passé.

[61] Le fonctionnaire a été présenté à Mme Aubin à titre de priorité. Son premier contact avec le fonctionnaire s’est fait par courriel durant la semaine du 18 novembre 2013. Le fonctionnaire lui avait demandé l’énoncé des critères de mérite du poste puisqu’il avait une idée des fonctions du poste et que, selon lui, il s’agissait d’un poste qui devrait être classifié au groupe et au niveau FI-02. Mme Aubin lui a indiqué qu’il s’agissait d’un poste classifié au groupe et au niveau FI-01, et le fonctionnaire lui a répondu qu’il était toujours intéressé.

[62] Mme Aubin a demandé au fonctionnaire de la rencontrer en entrevue et il lui a répondu en lui demandant de tenir une discussion informelle. Elle s’attendait à une conversation téléphonique, mais il préférait la rencontrer. La rencontre a eu lieu le 21 novembre 2013. Mme Aubin croyait que la rencontre durerait de 30 à 45 minutes, mais celle-ci a duré approximativement deux heures, ce que le fonctionnaire a confirmé. Ils ont discuté du poste, de la nature du poste et des inquiétudes de chacun. Les inquiétudes de Mme Aubin étaient le niveau d’éducation fort élevé du fonctionnaire et son beau curriculum vitae. Il occupait un poste classifié au groupe et au niveau FI-02, et il acceptait un poste de niveau inférieur. Il était important pour elle de s’assurer qu’il soit à l’aise avec cela.

[63] Selon Mme Aubin, la rencontre a été particulière et bizarre. Au début de la rencontre, le fonctionnaire lui a dit qu’elle ne voulait pas de lui parce qu’il était une priorité et qu’elle ne pouvait pas choisir son candidat. Elle a essayé de lui faire comprendre que les personnes prioritaires étaient parfois de très bons candidats.

[64] Ils ont discuté du contexte du poste classifié au groupe et au niveau FI-01, qui consistait à superviser des employés et à offrir un soutien à l’équipe. La conversation est vite devenue particulière, voire bizarre, selon Mme Aubin. Le fonctionnaire revenait souvent à l’inventaire du dépôt qui, selon ce qu’il s’était fait dire par des gens qu’il connaissait, était un défi au sein de leur unité. Mme Aubin a essayé de lui expliquer que l’inventaire ne leur appartenait pas et que le mandat du poste consistait à superviser les comptes payables.

[65] Selon Mme Aubin, le fonctionnaire est rapidement devenu arrogant, tant dans ses propos qu’à travers son langage non verbal. Il lui a dit qu’elle ne voyait pas les défis, qu’elle ne voulait pas l’avoir et que des gens lui avaient dit qu’il y avait de beaux défis au sein de leur unité. Cela était vrai, mais les défis n’étaient pas ceux auxquels le fonctionnaire faisait allusion. Le fonctionnaire avait une fixation sur l’inventaire et disait avoir travaillé pour Air Canada, où il avait relevé de tels défis et pouvait apporter cette expérience. Mme Aubin n’avait pas de doute à ce niveau, mais il ne s’agissait pas de leur mandat.

[66] Le fonctionnaire lui a dit qu’elle n’avait pas à l’évaluer parce qu’il était une priorité et qu’elle devait lui offrir le poste. Il lui a dit de ne pas s’inquiéter, qu’elle serait sa gestionnaire et qu’il ne lui marcherait pas sur la tête, ce qui n’inquiétait pas Mme Aubin. À plusieurs reprises, le fonctionnaire a dit qu’elle ne voulait pas travailler avec lui. Selon Mme Aubin, il ne s’agissait pas d’une façon d’agir appropriée et le fonctionnaire lui manquait de respect.

[67] Selon Mme Aubin, au cours de la rencontre, les propos du fonctionnaire étaient arrogants et l’atmosphère était lourde. Mme Aubin n’avait jamais ressenti cela dans des entrevues avec d’autres personnes. À la fin de l’entrevue, le fonctionnaire lui a dit qu’il y avait un autre poste au sein du Service du Génie qu’il envisageait. Ils devaient se reparler au début de la semaine suivante parce que le fonctionnaire voulait réfléchir au poste qu’il souhaitait choisir. Il en revenait toujours au fait que le choix lui appartenait. En contre-interrogatoire, Mme Aubin a reconnu qu’elle n’avait pas mis fin à l’entrevue et que le fonctionnaire ne l’avait pas forcé à continuer. Elle a aussi reconnu que le fonctionnaire n’avait pas blasphémé, ne l’avait pas intimidée ou menacée physiquement et n’avait pas fait de commentaire à son égard.

[68] Lors de leurs discussions de vive voix ou par courriel, Mme Aubin a été déroutée par le ton arrogant et sarcastique du fonctionnaire. Il a souvent insisté pour qu’elle retourne les courriels rapidement. Selon Mme Aubin, ce n’était pas normal d’avoir à composer avec une telle situation de la part d’une personne à qui elle pourrait offrir un poste. Elle trouvait la situation déstabilisante. Elle n’était pas fermée à l’idée de travailler avec lui, mais elle était inquiète de son attitude qui semblait entrer en conflit avec l’équipe.

[69] Selon le fonctionnaire, Mme Aubin lui a dit durant l’entrevue qu’il y avait des suppressions toutes les années. Mme Aubin souhaitait avoir des défis dans sa section, mais il n’y en avait pas qui avait l’envergure recherchée par le fonctionnaire. Il y avait toujours de nouveaux militaires et il fallait repartir à zéro. Il était difficile de superviser les employés civils puisqu’Ottawa s’ingérait dans leur travail et que les militaires les ostracisaient.

[70] Le fonctionnaire a relaté que, pendant la première heure de la discussion, Mme Aubin lui avait dit qu’il s’agissait d’un endroit horrible où travailler. Pendant la deuxième heure, le fonctionnaire a tenté d’amener Mme Aubin vers les sujets qui avaient trait au poste. La discussion s’est terminée de façon froide. Le fonctionnaire a dit à Mme Aubin qu’il connaissait sa position et qu’il y penserait. Elle semblait désintéressée.

[71] Après le départ du fonctionnaire, Mme Aubin a discuté avec son supérieur, le maj Paul Anderson, et lui a raconté que l’entrevue s’était déroulée de manière inopportune dans les circonstances. Elle lui a demandé son aide, parce qu’elle ne savait pas comment réagir à une telle situation.

[72] Le 25 novembre 2013, Mme Aubin a envoyé un courriel au fonctionnaire pour procéder à une entrevue plus formelle en présence d’une de ses collègues. Le fonctionnaire lui a laissé un message téléphonique lui demandant de rediscuter du poste. Comme il se faisait tard, Mme Aubin a demandé à une de ses collègues, Carolyne Dubois, de le rappeler, ce qu’elle a fait le 25 novembre 2013, en soirée.

[73] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait discuté avec des collègues au bureau qui avaient été supervisés par Mme Aubin. Ils lui ont dit d’envoyer son curriculum vitae au maj Anderson, le superviseur de Mme Aubin, ce qu’il a fait le 26 novembre 2013.

[74] Le fonctionnaire a répertorié les détails de la rencontre entre Mme Aubin et lui dans un courriel adressé au maj Anderson le 26 novembre 2013, s’informant par le fait même des besoins dans la section des Finances. Selon Mme Aubin, tout dans ce courriel était faux. Le fonctionnaire y a indiqué que, selon son interprétation, Mme Aubin n’était pas intéressée par sa candidature. Mme Aubin a eu l’impression que le courriel était dirigé contre elle lorsque le fonctionnaire a mentionné que le 25e Dépôt avait besoin d’un comptable d’expérience. Elle a trouvé que le courriel du fonctionnaire était long et qu’il faisait état de plusieurs points négatifs à son égard, notamment qu’elle avait un calendrier relativement vide et qu’elle ne faisait rien dans la journée, qu’il avait parlé à d’autres gens du défi de l’inventaire et qu’il pouvait fournir un meilleur soutien. Le fonctionnaire a réitéré qu’il était une priorité et que Mme Aubin n’avait d’autre choix que de l’embaucher. Selon Mme Aubin, il était très directif à l’endroit du maj Anderson.

[75] Quoi qu’il en soit, Mme Aubin a envoyé un courriel au fonctionnaire le 26 novembre 2013, pour le rencontrer en entrevue le 30 novembre 2013. Le fonctionnaire lui a laissé un message téléphonique l’informant qu’il avait envoyé son curriculum vitae à son supérieur, le maj Anderson. Mme Aubin a ensuite rencontré le maj Anderson.

[76] Mme Aubin a écrit au maj Anderson lui indiquant qu’elle avait conservé les messages téléphoniques du fonctionnaire, car il n’avait pas idée à quel point le fonctionnaire était sarcastique et arrogant. Ces messages téléphoniques n’ont pas été présentés en preuve.

[77] Selon le fonctionnaire, Mme Aubin l’a appelé entre le 26 et le 28 novembre 2013. Elle lui a demandé plusieurs fois s’il irait se faire évaluer et lui a dit qu’il devait le faire. Environ une heure après l’appel de Mme Aubin, le fonctionnaire a reçu un appel de Mme Dubois des RH. Elle lui a dit que Mme Aubin n’avait pas aimé que le fonctionnaire envoie son curriculum vitae à son gestionnaire. Le fonctionnaire savait que le 25e Dépôt n’était pas intéressé et il n’a plus eu d’autres communications avec Mme Aubin.

[78] Le 27 novembre 2013, le maj Anderson a écrit à la maj Marion afin d’obtenir son opinion sur les capacités personnelles du fonctionnaire en ce qui concerne le poste de FI-01 au 25e Dépôt. Le 28 novembre 2013, la maj Marion a répondu que le fonctionnaire avait été l’employé au caractère le plus difficile et le plus désagréable de toute sa carrière. Selon elle, il était un inadapté social et, en aucun cas, elle ne le prendrait dans sa section ou ne lui confierait la supervision du personnel.

[79] Le 28 novembre 2013, Mme Aubin a fait part au maj Anderson du manque de respect du fonctionnaire à son égard à la suite d’une conversation téléphonique avec celui-ci. Mme Dubois a été témoin de cette conversation. Mme Aubin a exprimé ses inquiétudes. Dans une conversation téléphonique, le fonctionnaire aurait crié plusieurs fois « voyons Marie-Claude ». Mme Dubois aurait entendu le fonctionnaire crier et Mme Aubin lui dire d’arrêter de crier. Elle ne se souvenait pas si c’était avant ou après le courriel au maj Anderson. Je note que Mme Dubois n’a pas témoigné.

[80] À cette même date, vers 10 h 37, le fonctionnaire a fait un suivi auprès du maj Anderson concernant sa demande. Vers 10 h 52, le maj Anderson a répondu au fonctionnaire qu’il avait pris connaissance des échanges des jours précédents entre lui, Mme Aubin et Mme Dubois, et qu’il avait constaté que ses commentaires à ces deux personnes étaient très offensants et qu’il devait cesser immédiatement. Faute de cesser son comportement, le maj Anderson a indiqué que ces deux personnes pourraient déposer des plaintes de harcèlement. Le maj Anderson a ordonné à ces deux personnes de ne plus communiquer avec le fonctionnaire jusqu’à nouvel ordre. Mme Aubin a vu cet échange de courriels, car elle était en copie conforme. Elle a souligné la salutation utilisée par le fonctionnaire comme faisant référence à « M. Anderson » plutôt qu’au « major Anderson ». Elle a indiqué que lorsqu’on travaille avec des militaires, il faut utiliser les grades. À la question de savoir si elle était offusquée que le fonctionnaire passe au-dessus de sa tête, Mme Aubin a répondu qu’il ne respectait pas la norme. Elle n’en était pas agacée parce qu’elle en avait déjà parlé au maj Anderson.

[81] En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a indiqué qu’il trouvait prétentieux que quelqu’un qui cherche un emploi parle de défis et de problèmes dans l’organisation. Quant au fait que la salutation était « M. Anderson » au lieu de « Major Anderson », le maj Rhéaume a témoigné qu’il avait toujours demandé au fonctionnaire de l’appeler « major » parce qu’il l’appelait « monsieur. » Il n’en a jamais fait de cas personnel puisqu’il s’agissait d’un geste de courtoisie et non d’une obligation.

[82] Dans un courriel subséquent en date du 28 novembre 2013, vers 15 h 17, le maj Anderson a avisé le fonctionnaire qu’il serait son point de contact au 25e Dépôt dans ce dossier.

[83] Mme Simard a entendu parler du fonctionnaire concernant le poste classifié au groupe et au niveau FI-01, doté de façon intérimaire au 25e Dépôt, vers octobre-novembre 2013. Mme Simard a été mise au fait de l’incident concernant Mme Aubin par Maurice Joly, conseiller en RH du 25e Dépôt, qui craignait pour elle. Par contre, aucune preuve n’a été présentée quant aux craintes de M. Joly. Mme Simard a aussi eu des discussions téléphoniques avec le maj Rhéaume et le col Lalonde concernant l’incident avec Mme Aubin. Selon eux, le comportement du fonctionnaire était inquiétant et ce dernier ne semblait pas bien. Ils ont rapporté qu’il était nerveux et tendu; ils craignaient ses réactions sans toutefois pouvoir expliquer pourquoi. Aucune preuve n’a été présentée quant aux craintes entretenues par eux. Mme Simard leur a dit que lorsque le fonctionnaire était en congé de maladie, il avait été avisé verbalement que son poste serait aboli. Il revenait au travail et essayait de se trouver un emploi. Dans le contexte dans lequel se trouvait le fonctionnaire, soit une perte d’emploi possible et aucune prestation d’invalidité de la Sun Life depuis janvier 2013, dont je traiterai plus loin dans cette décision, il me semble qu’il n’est pas surprenant qu’il ait été nerveux et tendu.

[84] Le 2 décembre 2013, Mme Aubin a eu une conversation téléphonique avec le fonctionnaire. Suivant cette conversation, elle a déclaré à la police militaire vers 12 h qu’il était arrogant et qu’il avait haussé la voix à plusieurs reprises. Le fonctionnaire semblait vouloir la rencontrer à l’extérieur de son travail pour lui parler de sa situation professionnelle, mais elle a refusé.

F. Incidents à la guérite

1. Premier incident à la guérite : le 2 décembre 2013

[85] Selon les versions des faits, le premier incident à la guérite aurait eu lieu le 2 ou le 3 décembre 2013. Si l’on se fie au rapport et aux notes d’enquête de la police militaire, le premier incident à la guérite aurait eu lieu le 2 décembre 2013. Si l’on se fie au courriel et au témoignage de Mme Aubin, ainsi qu’à la déclaration écrite de Richard Sirois, un collègue de travail, cet incident aurait eu lieu le 3 décembre 2013. Je dois donc déterminer à quelle date l’incident est survenu.

[86] Selon Mme Aubin et la déclaration écrite de M. Sirois, dans l’après-midi du 3 décembre 2013, vers 14 h 30, Mme Aubin a croisé le fonctionnaire à la porte de la guérite alors qu’elle discutait avec M. Sirois à sa sortie de la garnison pour regagner sa maison. Mme Aubin a expliqué à M. Sirois que le fonctionnaire était une priorité et qu’il ne devait pas communiquer avec elle – les raisons pour lesquelles le fonctionnaire ne devait pas communiquer avec Mme Aubin sont expliquées plus loin dans cette décision. Après avoir croisé le fonctionnaire, Mme Aubin et M. Sirois ont fait plusieurs appels, dont un à l’adjointe du maj Anderson. Ils sont restés près de l’automobile de Mme Aubin pendant ces appels. Dans une discussion qu’elle a eue avec le maj Anderson, il lui a dit qu’elle aurait alors dû appeler la police militaire, ce qu’elle n’a pas fait.

[87] Or, dans son rapport des événements, la police militaire a indiqué qu’elle avait rencontré Mme Aubin à 15 h, le 3 décembre 2013, soit 30 minutes après la fin de son quart de travail. Étant donné la séquence des faits rapportés par Mme Aubin et la déclaration de M. Sirois, il est peu plausible que les événements en question aient eu lieu le même jour que la rencontre avec la police militaire, qui a commencé à 15 h. Ceci étant, comme la police militaire a affirmé avoir rencontré Mme Aubin le 3 décembre 2013, et que cette dernière a mentionné ne pas avoir communiqué avec la police militaire le jour même du premier incident à la guérite, il y a lieu de conclure que le premier incident à la guérite a eu lieu le 2 décembre 2013, conformément à ce qui est mentionné dans le rapport et les notes d’enquête de la police militaire.

[88] Dans son témoignage, Mme Aubin a expliqué que la garnison de Montréal se situe, d’une part sur la rue Notre-Dame et d’autre part sur la rue Hochelaga. Elle travaillait au 25e Dépôt, du côté de la rue Notre-Dame, et le fonctionnaire travaillait du côté de la rue Hochelaga. Pour pouvoir passer la porte de la guérite, un individu doit avoir été invité et être attendu par quelqu’un de la garnison. Comme nous le verrons plus loin, le fonctionnaire rencontrait bel et bien quelqu’un. Le fonctionnaire a confirmé qu’il avait croisé Mme Aubin à la guérite. Mme Aubin ne lui a pas adressé la parole.

[89] Mme Aubin a témoigné qu’elle avait eu un drôle de sentiment, ce qui l’avait mis mal à l’aise. Elle a ajouté que le fonctionnaire l’avait regardée d’une manière intimidante. Elle trouvait très bizarre que le fonctionnaire vienne sur les lieux puisque le maj Anderson avait demandé qu’il ne communique plus avec elle. Elle ne savait pas où il allait, et elle était inquiète que le fonctionnaire se trouve sur les lieux et qu’il pourrait chercher à la confronter. Elle a indiqué que M. Sirois n’avait pas porté attention au fonctionnaire et qu’il avait pensé que le fonctionnaire rencontrait possiblement quelqu’un. M. Sirois n’a pas témoigné, mais une déclaration écrite a été déposée en son nom. Mme Aubin a appelé le maj Anderson, mais il n’a pas répondu et elle lui a laissé un message. Elle a aussi appelé son conjoint. L’adjointe administrative du maj Anderson l’a rappelée pour dire qu’il s’agissait bien du fonctionnaire. En arrivant près de sa maison, le maj Anderson l’a rappelée et lui a dit que si elle était inquiète, elle devait appeler la police militaire. Comme le fonctionnaire avait quitté, ils ont convenu qu’il était trop tard pour appeler la police. Le commissionnaire à la guérite a confirmé que le fonctionnaire venait voir un homme sur les lieux de travail et qu’il était reparti.

[90] Le fonctionnaire a témoigné qu’il marchait devant les bâtiments du 25e Dépôt et qu’il était en route pour consulter M. Gibeau, qui se trouvait dans les bâtiments du Service du Génie. Il a vu Mme Aubin qui sortait. Le trottoir était large et il s’est dit de regarder le sol et qu’elle passerait.

[91] M. Gibeau a confirmé qu’il avait rendez-vous avec le fonctionnaire. Il y avait une entente entre l’UEDN et l’agent négociateur du fonctionnaire afin de le représenter. M. Gibeau a représenté le fonctionnaire pendant deux à trois mois. Il l’a surtout assisté dans ses démarches pour obtenir une offre d’emploi raisonnable.

[92] Le caporal (ci-après « cpl ») Michel Belizaire, un policier militaire, s’est présenté à la rencontre entre M. Gibeau et le fonctionnaire vers 16 h. Il voulait rencontrer le fonctionnaire seul. Le fonctionnaire a demandé à M. Gibeau d’assister à titre de représentant syndical. Le policier lui a demandé comment le fonctionnaire avait fait pour passer par le 25e Dépôt. M. Gibeau lui a expliqué que les gens qui travaillent du côté nord, soit la partie administrative de la garnison, n’ont pas nécessairement accès à la partie sud, qui est industrielle. Pour avoir accès à la partie sud, il faut passer par la guérite du 25e Dépôt et celle du bâtiment 22, soit trois à quatre rues plus à l’est. Le policier a demandé au fonctionnaire pourquoi il était passé par la guérite du 25e Dépôt et le fonctionnaire a répondu que c’était parce qu’il était à côté du bâtiment 7. Selon M. Gibeau, le fonctionnaire ne savait pas qu’il pouvait passer par la guérite du bâtiment 22.

[93] Selon le fonctionnaire, le cpl Belizaire est venu l’aviser que Mme Aubin avait demandé à son gestionnaire, le maj Anderson, de déposer une plainte auprès de la police militaire selon laquelle elle sentait que sa sécurité était gravement menacée par la présence du fonctionnaire près du bâtiment du 25e Dépôt.

[94] M. Gibeau a témoigné que le cpl Belizaire était agressif et insistant. Le policier a dit qu’il semblait que le fonctionnaire avait croisé une dame qui s’était sentie intimidée par lui, et il a dit au fonctionnaire de ne plus entrer en communication avec elle. Donc, je conclus que quelqu’un a averti la police militaire, entre 14 h 30 et 16 h, et que vers 14 h 30, le fonctionnaire et Mme Aubin s’étaient croisés à la guérite. Le cpl Belizaire lui a dit que, si le fonctionnaire entrait en communication avec elle et qu’elle déposait une plainte de harcèlement, le policier viendrait l’arrêter. Le fonctionnaire a dit au policier qu’il ne comprenait pas et qu’il n’avait même pas regardé la dame. Il a indiqué qu’il était dans un processus de réaménagement des effectifs. M. Gibeau ne se souvenait pas de la date ni de l’année de cet événement. Il s’agissait de la première fois qu’il voyait la police militaire intervenir dans une rencontre syndicale. Le fonctionnaire a dit au cpl Belizaire qu’il le suivrait, mais qu’il voulait un rapport d’événement.

2. Deuxième incident à la guérite : le 3 décembre 2013

[95] Le lendemain, à la fin de son travail, Mme Aubin a reçu un appel d’un de ses employés, qui lui a dit que le fonctionnaire était à la guérite. Cet employé n’a pas témoigné. Mme Aubin est immédiatement allée voir le maj Anderson qui l’a amenée dans le bureau de la commandante de l’époque, la lcol Julie Pelletier. Elle lui a dit qu’elle ne prenait pas de risques, qu’elle craignait elle-même pour sa sécurité, et elle a appelé la police militaire. Mme Aubin a témoigné qu’elle se sentait terrifiée : si la commandante, qui était formée pour de telles situations, ne se sentait pas bien, alors Mme Aubin non plus. Elle n’a pas revu le fonctionnaire par la suite. Je note que ni le maj Anderson ni la lcol Pelletier n’ont témoigné.

[96] Le 3 décembre 2013, vers 15 h, le cpl Belizaire de la police militaire a enquêté sur des accusations de harcèlement criminel portées contre le fonctionnaire relativement au fait qu’il était à la guérite. Le cpl Belizaire a rencontré Mme Aubin et celle-ci lui a raconté les événements survenus le 2 décembre 2013. Il a ensuite rencontré le fonctionnaire, vers 16 h, afin de l’aviser de ne plus communiquer avec Mme Aubin.

[97] Vers 15 h, le 4 décembre 2013, le cpl Belizaire a de nouveau rencontré Mme Aubin au sujet de l’incident du 2 décembre 2013. Mme Aubin avait remarqué, lors d’une conversation téléphonique, que le fonctionnaire était insistant et qu’il avait haussé la voix à quelques reprises. Il lui aurait alors dit qu’il voulait la rencontrer à l’extérieur de son travail pour lui parler de sa situation professionnelle « officieusement », selon lui. Le même jour, donc le 2 décembre 2013, le fonctionnaire a croisé Mme Aubin devant le bâtiment 7 du 25e Dépôt. Selon Mme Aubin, il l’aurait alors regardée d’une manière intimidante. Elle en a immédiatement avisé son superviseur.

[98] Vers 16 h, le cpl Belizaire a rencontré le fonctionnaire et lui a indiqué de ne pas communiquer avec Mme Aubin. Il a collaboré avec la police militaire et a indiqué qu’il informerait à l’avenir son syndicat de tout litige administratif. Le cpl Belizaire a avisé le fonctionnaire qu’il était visé par une plainte de harcèlement déposée par le maj Anderson et qu’il devait donc l’escorter jusqu’au bâtiment 193, où était situé son bureau. Le cpl Belizaire a ajouté que le fonctionnaire ne devait plus, sous aucun prétexte, entrer en communication avec les employés de la section de comptabilité du 25e Dépôt.

[99] Le maj Anderson a exprimé ses préoccupations dans un courriel aux RH en réponse à des questions concernant les événements au 25e Dépôt. Il a mentionné qu’il habitait dans une ville où les gens peuvent apporter une arme à feu à un endroit public et tirer sur les gens. Il a mentionné l’attaque, à cette époque, sur Pauline Marois le soir de son élection et un incident impliquant un employé d’un autre dépôt qui avait été une cible quelques années auparavant. Il ne connaissait pas le fonctionnaire, mais il n’a pas pris de risques.

[100] Le 5 décembre 2013, le maj Rhéaume a communiqué par courriel avec le maj Anderson pour obtenir une déclaration ou un résumé de la part de Mme Aubin relativement à l’entrevue qu’elle avait eue avec le fonctionnaire et les échanges de courriels ou verbaux subséquents. La demande du maj Rhéaume visait à « alimenter son dossier » concernant le fonctionnaire. En contre-preuve, le maj Rhéaume a témoigné quant à son intention d’alimenter le dossier. Il avait été informé de la démarche du fonctionnaire relativement au poste au 25e Dépôt. Mme Simard lui a conseillé de recueillir le plus d’information possible à la suite des interactions du fonctionnaire avec Mme Aubin. Il a communiqué avec le maj Anderson pour avoir sa version des faits.

[101] Le maj Anderson a informé le maj Rhéaume de l’incident au 25e Dépôt. Ils ont échangé des courriels et ont eu des discussions téléphoniques concernant le fonctionnaire. Le maj Anderson a mentionné au maj Rhéaume que la rencontre entre le fonctionnaire et Mme Aubin ne s’était pas bien déroulée. Il a mentionné qu’elle s’était sentie intimidée par le fonctionnaire, et que ce dernier n’acceptait pas de se soumettre à un processus d’évaluation qui aurait pu déterminer sa compétence pour le poste en question. En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a indiqué qu’il ne pouvait commenter si Mme Aubin avait des craintes.

[102] Le maj Rhéaume avait vu des échanges de courriels entre le fonctionnaire et le maj Anderson selon lesquels le fonctionnaire ne voulait pas se soumettre à une évaluation. Selon le fonctionnaire, puisqu’il était un employé touché par le réaménagement des effectifs, l’employeur n’avait pas le droit de l’évaluer. Le maj Anderson a transmis au maj Rhéaume des courriels dans lesquels apparaissaient des échanges avec Mme Aubin, dont la déclaration de Mme Aubin dans un courriel du 4 décembre 2013. Peu de temps après, le maj Rhéaume a été informé par la police militaire de l’incident avec Mme Aubin.

[103] Le col Lalonde a témoigné qu’il n’avait reçu aucun renseignement de la police militaire concernant cet incident. On lui a toutefois rapporté que le fonctionnaire avait eu une altercation avec une employée du 25e Dépôt, que cette employée s’était sentie menacée et qu’elle avait appelé la police militaire. À la question de savoir si c’était cet événement qui lui avait permis de dire que le fonctionnaire avait un comportement bizarre, le col Lalonde a répondu qu’il y avait un conflit existant, qu’il avait rencontré le fonctionnaire et que son comportement aurait été rapporté comme étant bizarre. Le col Lalonde n’a pas précisé l’identité des personnes qui lui ont rapporté que le comportement du fonctionnaire était bizarre.

[104] Le maj Rhéaume a avoué en contre-interrogatoire ne pas avoir demandé au fonctionnaire de fournir sa version des faits puisque des documents faisaient état de ce qui s’était passé et que les rapports de la police militaire faisaient en sorte qu’il ne pouvait s’y immiscer. La police militaire l’a informé verbalement de l’incident concernant Mme Aubin. Mme Simard a également avoué en contre-interrogatoire ne pas avoir demandé au fonctionnaire sa version des incidents au 25e Dépôt, ni sa version des événements concernant Mme Aubin. Elle a indiqué que ce n’était pas à elle d’intervenir concernant Mme Aubin.

[105] La police militaire n’a pas donné suite à l’incident au 25e Dépôt; il n’y avait aucune infraction criminelle. La police militaire n’a pas communiqué avec le fonctionnaire quand elle a terminé son enquête.

[106] Le 23 janvier 2014, le fonctionnaire a écrit au maj Anderson, avec Mmes Aubin et Dubois en copie conforme, au sujet d’un grief qu’il entendait déposer contre lui. Le 24 janvier 2014, le maj Anderson a rappelé au fonctionnaire qu’il était son seul point de contact pour le 25e Dépôt. Il a remarqué dans son courriel que le fonctionnaire avait inclus Mmes Aubin et Dubois, et ce, malgré les avertissements reçus de ne plus communiquer avec elles étant donné le sentiment d’intimidation et de harcèlement perçu de leur part à son égard. Il l’a avisé que son courriel pouvait être perçu comme une forme de menace envers ces individus. Le 28 janvier 2014, le fonctionnaire a déposé un grief auprès du maj Anderson concernant le poste classifié FI-01 au 25e Dépôt, puisque le poste était alors pourvu par un employé temporaire. L’employeur a répondu à ce grief au premier palier, le 11 février 2014. Mme Simard représentait l’employeur à l’audience du grief et elle a conclu que le grief n’était pas recevable, car le fonctionnaire n’était pas représenté par son agent négociateur. La Commission n’est pas saisie de ce grief.

G. Rencontre du 19 décembre 2013

[107] Le 19 décembre 2013, le fonctionnaire a rencontré le maj Rhéaume, en présence du maj Martin et de Mme Simard. Le fonctionnaire a témoigné qu’il leur a dit qu’il y avait deux postes classifiés au groupe et au niveau FI-01 ouverts, soit un poste au Service du Génie et un poste au 25e Dépôt. Il leur a dit que s’ils lui donnaient un poste classifié au groupe et au niveau FI-01, il se trouverait un emploi ailleurs dans la fonction publique. Le fonctionnaire a demandé une copie du rapport d’événement relativement à l’incident impliquant Mme Aubin au 25e Dépôt. Il a également demandé d’enregistrer la réunion. Le maj Rhéaume a refusé que la rencontre soit enregistrée, ce qui a été confirmé par le maj Martin. Le maj Martin ne savait pas pourquoi le maj Rhéaume n’avait pas permis l’enregistrement, mais le fonctionnaire a acquiescé. Selon le maj Martin, le ton était cordial et n’était pas haussé à ce moment-là. Le maj Rhéaume n’a pas menacé le fonctionnaire.

[108] Selon le fonctionnaire, il semble que le maj Rhéaume ait indiqué qu’il savait que le fonctionnaire était « dans le pétrin » avec la Sun Life. Le maj Rhéaume n’aurait pas précisé la nature du « pétrin » auquel il faisait référence, mais, selon la preuve, le fonctionnaire avait des difficultés à recevoir les prestations d’invalidité de la Sun Life. J’y reviendrai plus loin. Selon le fonctionnaire, le maj Rhéaume lui a dit que ce qui était arrivé au 25e Dépôt n’était qu’une initiation par rapport à ce qui lui arriverait. Le maj Rhéaume, en faisant référence aux revendications auprès de la Sun Life et aux constats du rapport d’événement du cpl Belizaire de la police militaire, voulait que le fonctionnaire soit conscient qu’en multipliant les conflits il allait « lui arriver quelque chose de grave ». Le fonctionnaire a ajouté que le maj Rhéaume avait refusé de lui donner une copie du rapport d’événement et lui avait dit que « ça va finir bien pire que ce qu’il vit présentement ». Le ton du maj Rhéaume aurait été hargneux et pratiquement impoli. Le maj Rhéaume a dit au fonctionnaire qu’il avait la chance de se chercher un emploi et que cette chance pourrait lui être enlevée. Le maj Rhéaume ne se souvient pas de cette rencontre.

[109] À environ quatre reprises, lors de rencontres entre le fonctionnaire et le maj Rhéaume, ce dernier lui aurait dit qu’il était au courant de ce qui se passait avec la Sun Life. Le fonctionnaire croyait que la Sun Life était distincte de l’employeur, mais il a appris que l’employeur savait ce qui se passait avec celle-ci.

[110] Le 19 décembre 2013, vers 17 h, le fonctionnaire a envoyé un courriel au maj Martin et lui en a parlé le lendemain matin. Il a demandé au maj Martin de dire au maj Rhéaume qu’il ne trouvait pas ça drôle qu’une affaire de relations de travail soit devenue criminelle. Le maj Martin devait obtenir le rapport d’événement. Le fonctionnaire a reçu le rapport d’événement en mai 2014, à la suite d’une demande d’accès à l’information.

[111] Après son retour des Fêtes, le col Lalonde était de plus en plus préoccupé par le fonctionnaire. Il a affirmé que le fonctionnaire avait un comportement impulsif et qu’il remettait en question l’autorité. Le col Lalonde n’a pas précisé à quoi il faisait allusion. On lui a dit que ce n’était pas le même fonctionnaire qu’il y avait quelques mois. Le maj Martin ne lui a pas fait de rapport. Ils ont discuté et observé le cas, dans l’unique perspective de venir en aide au fonctionnaire. Si le maj Martin avait fait un rapport, le col Lalonde aurait dû prendre des mesures, administratives ou disciplinaires. Tout ce qui était rapporté provenait des directeurs ou des superviseurs. Le col Lalonde n’a pas précisé à quels directeurs ou superviseurs il faisait référence.

[112] Plusieurs collègues auraient passé des commentaires au maj Rhéaume au sujet du fonctionnaire. Le commentaire qui revenait souvent était que « ce gars a le profil de quelqu’un qui pourrait arriver à la garnison et tuer tout le monde ». Le maj Rhéaume n’a pas précisé à quels collègues il faisait référence. En contre-interrogatoire, concernant ce commentaire, le maj Rhéaume a convenu qu’il ne s’agissait pas de l’opinion d’un psychiatre ou d’un travailleur social. Le maj Rhéaume n’a pas rencontré le fonctionnaire à cet égard et a avoué qu’il n’était pas responsable de la sécurité au quartier général. Il a dit que plusieurs indices lui donnaient des papillons dans le ventre.

[113] Le col Lalonde a surtout discuté avec le maj Rhéaume de la possibilité d’une évaluation de l’aptitude au travail (ÉAT) du fonctionnaire après la période des Fêtes. Le col Lalonde avait remarqué que, de temps en temps, lorsqu’il était confronté à une situation où il ne gagnait pas, le comportement du fonctionnaire devenait de plus en plus bizarre. Le col Lalonde était préoccupé par la sécurité du personnel. Il a discuté avec le maj Rhéaume et Mme Simard de la question de savoir s’ils pouvaient faire subir une ÉAT au fonctionnaire. Ils ont conclu qu’il n’y avait pas assez de preuve et qu’ils devaient continuer d’aider le fonctionnaire.

[114] En s’appuyant sur le rapport de la police militaire concernant les événements au 25e Dépôt et l’audience du grief, le maj Rhéaume a demandé à Élisabeth Marion s’il était possible de faire subir une ÉAT au fonctionnaire. Les réponses de la supérieure de Mme Marion, soit Mme Simard, ont toujours été négatives puisqu’il n’y avait pas matière à faire une évaluation. Selon Mme Simard, il n’y avait pas de faits significatifs et il fallait recueillir des faits pour monter un dossier pour l’ÉAT. Le maj Rhéaume n’a pas précisé à quelle audience de grief il faisait référence : celle relative au grief concernant le poste au Service du Génie qui a eu lieu entre le 20 décembre 2013 (dépôt du grief) et le 21 janvier 2014 (réponse au premier palier), ou celle relative au grief concernant le poste au 25e Dépôt qui a eu lieu entre le 28 janvier 2014 (dépôt du grief) et le 11 février 2014 (réponse au premier palier). Quoi qu’il en soit, le maj Rhéaume faisait référence à la période de janvier et février 2014.

[115] Mme Simard a expliqué en contre-interrogatoire que les critères pour procéder à une ÉAT étaient physiques ou psychologiques. La personne ne pouvait remplir ses fonctions. Il s’agissait de gros bon sens : personne n’étant médecin, c’est Santé Canada qui fournissait un professionnel de la santé. Avant de procéder à une ÉAT, le maj Rhéaume devait appeler le médecin responsable de l’ÉAT afin de déterminer s’il s’agissait de la voie à suivre.

H. Garde de caserne

[116] Le maj Rhéaume a témoigné concernant des commentaires qu’il a reçus suivant une « garde de caserne », puisque le témoin principal des propos ci-après rapportés, soit ceux de l’adjudant-maître (ci-après « adjum ») François Fleury, n’a pas témoigné. La garde de caserne n’a pas été située dans le temps par les parties. Il s’agit d’une mini-parade composée de 14 à 15 militaires, en uniforme et armés, mise en place pour accueillir un visiteur de marque. La garde de caserne est supervisée par un sergent major avec le grade d’adjudant-chef ou adjudant-maître. La garde de caserne en question a été commandée par l’adjum Fleury, qui connaissait bien le fonctionnaire parce qu’il travaillait dans la même section. L’adjum Fleury était aussi le sergent major de l’unité et conseillait le maj Rhéaume sur l’ordre et la discipline au quartier général.

[117] Le jour de la garde de caserne, dans l’après-midi, l’adjum Fleury a demandé à voir le maj Rhéaume à son bureau pour lui parler du fait qu’il avait trouvé bizarre que le fonctionnaire lui demande si les armes utilisées dans la garde de caserne étaient chargées. L’adjum Fleury lui a dit que, si n’importe qui d’autre à la caserne lui avait posé la même question, aucune interrogation n’aurait été soulevée. Le fait que cette question ait été posée par le fonctionnaire a fait en sorte que l’adjum Fleury sente le besoin d’en parler au maj Rhéaume.

[118] En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a avoué ne pas avoir demandé au fonctionnaire sa version des faits concernant l’incident relatif aux armes chargées, parce que des documents faisaient état de ce qui s’était passé. Pourtant, aucun document n’a été déposé à cet égard et aucune preuve documentaire ou testimoniale n’a démontré qu’une plainte avait été déposée ou qu’un suivi avait été fait de la part de l’employeur.

[119] Le maj Rhéaume a témoigné que, comme gestionnaire du quartier général et avec son expérience d’éducateur spécialisé avec les jeunes adultes, il commençait à avoir des inquiétudes par rapport au fonctionnaire.

I. Rencontre du 3 février 2014

[120] Le col Lalonde a commencé à entendre parler plus souvent du fonctionnaire, plus précisément de son changement de comportement. Le maj Rhéaume, le maj Martin et l’adjum Fleury, que le col Lalonde côtoyait presque quotidiennement, lui en ont parlé. Le col Lalonde a décidé de rencontrer le fonctionnaire pour savoir s’il avait besoin d’aide et lui expliquer le rôle de gestionnaire. Lors de sa rencontre avec le fonctionnaire, il lui a donné des conseils et lui a dit de faire attention à son comportement et que sa porte lui était ouverte.

[121] Selon le fonctionnaire, cette rencontre a eu lieu entre le col Lalonde, le maj Martin et lui-même le 3 février 2014. Le maj Martin a informé le fonctionnaire que le col Lalonde voulait le rencontrer. Le fonctionnaire ne l’avait jamais rencontré auparavant. Le fonctionnaire s’est rendu au bureau du col Lalonde à 14 h, et le maj Martin était présent. Le col Lalonde a témoigné qu’il est possible que cette réunion ait eu lieu le 3 février 2014, bien que, selon lui, elle avait eu lieu en novembre ou décembre 2013.

[122] Selon le col Lalonde, lors de la réunion, il a mentionné au fonctionnaire que la rencontre avait pour but de lui expliquer le point de vue d’un gestionnaire. Le fait d’être excédentaire ne lui enlevait pas l’obligation de se soumettre au processus de sélection. Pour le col Lalonde, à titre de gestionnaire, la partie excédentaire voulait dire qu’à compétences égales, le fonctionnaire aurait le poste parce qu’il était excédentaire. Le col Lalonde lui aurait dit qu’il devait faire attention, compte tenu de ce qui était observé de son caractère, soit un caractère imposant, autoritaire et intimidant pour arriver à ses fins (il ne faisait pas preuve d’ouverture, prenait position et ne changeait pas d’idées). Il s’agissait simplement d’un conseil et il revenait au fonctionnaire de décider quoi en faire. Le col Lalonde comprenait que la situation du fonctionnaire n’était pas facile et il voulait l’appuyer. Le fonctionnaire avait du temps de bureau pour se chercher un emploi. Le col Lalonde lui a dit qu’il pouvait rencontrer le maj Rhéaume, le maj Martin ou lui-même. Le col Lalonde était peut-être au courant à cette date que le fonctionnaire avait déposé deux griefs, mais il n’y avait aucune raison d’en parler puisque le fonctionnaire avait le droit de les déposer.

[123] Selon le fonctionnaire, le col Lalonde l’a convoqué à son bureau pour l’avertir que, s’il ne retirait pas ses griefs, il allait devoir rehausser le niveau des mesures répressives prises à son endroit, que quelque chose de grave allait lui arriver et que cette fois-ci, la direction allait s’en prendre à sa santé. Le col Lalonde lui aurait dit : « Ça va pas bien votre affaire. » Le fonctionnaire lui aurait répondu que c’était probablement dû à ses griefs (au Service du Génie et au 25e Dépôt). Le col Lalonde aurait répliqué : « C’est pas à toi à parler; c’est moi qui parle. » Le fonctionnaire a témoigné que le col Lalonde était rapidement passé de « vous » à « tu ». Le col Lalonde lui aurait ensuite dit : « Tu retires tes deux griefs parce qu’il va t’arriver quelque chose de grave. » Le col Lalonde était alors à un pied du fonctionnaire. Le fonctionnaire lui aurait répondu que s’ils pouvaient s’entendre, il laisserait les griefs de côté. S’il n’était plus sur la liste des priorités et qu’ils lui accordaient le poste au Service du Génie, il trouverait un autre poste à son niveau. Le col Lalonde aurait dit : « L’histoire de burn-out passe pas chez les militaires et ça ne passe pas plus pour les employés civils. Si je te donne un poste de FI-01 au Service du Génie, tu peux aussi bien rester là pendant deux ans. » Selon le maj Martin, le fonctionnaire aurait affirmé que, si un poste était ouvert, il devait lui être attribué automatiquement sans entrevue ou examen. Le col Lalonde n’était pas d’accord : dans son organisation, avant d’embaucher, il y avait une entrevue ou peut-être un examen; il n’y avait pas d’embauche automatique.

[124] Le col Lalonde aurait fait la remarque que le fonctionnaire était costaud, ce à quoi le fonctionnaire aurait répondu qu’il aimait la course et l’exercice cardio-vasculaire. Le col Lalonde lui aurait alors dit : « Des gens comme toi, ça pourrait facilement passer pour quelqu’un de dangereux et imposant. » Le fonctionnaire aurait répondu que plutôt que de continuer l’escalade des tensions, ils pourraient s’entendre, ce à quoi le col Lalonde aurait répondu : « Tu ne comprends pas. Cette fois-là on va s’en prendre à ta santé mentale. »

[125] Il semble que ce soit le col Lalonde qui ait abordé en premier la question du congé de maladie. Selon le maj Martin, il n’en a toutefois pas été question, puisque le fonctionnaire n’était pas en congé de maladie à ce moment-là. Je crois que le fonctionnaire pourrait avoir fait référence au congé de maladie de janvier à septembre 2013, plutôt qu’à celui qui commençait le 26 février 2014. Le fonctionnaire aurait dit au col Lalonde qu’il avait eu plusieurs demandes de références, ce à quoi le col Lalonde aurait répondu : « Non, tu resteras là. » Le fonctionnaire lui aurait alors répondu que, s’il ne pouvait pas en arriver à un terrain d’entente, il poursuivrait ses griefs.

[126] Le fonctionnaire aurait informé le col Lalonde qu’il était allé au 25e Dépôt pour rencontrer le délégué syndical qui travaillait près de lui. Selon le témoignage du maj Martin, le col Lalonde aurait dit au fonctionnaire que, en raison de la situation tendue, ce n’était pas une bonne idée de rencontrer le délégué syndical au 25e Dépôt et qu’il serait préférable de demander au délégué syndical de venir à son bureau la prochaine fois. Le maj Martin a affirmé que l’attitude du col Lalonde pendant la rencontre était très calme. Il ne se souvient pas que le col Lalonde ait proféré des menaces à l’endroit du fonctionnaire.

[127] Par la suite, le fonctionnaire a appelé le président de la section locale de l’UEDN et lui a raconté la rencontre. Celui-ci lui a demandé s’il avait enregistré la rencontre et le fonctionnaire a répondu non. Le président de la section locale de l’UEDN lui a alors dit d’apporter une enregistreuse la prochaine fois sans le dire et d’appeler s’il avait des problèmes.

J. La Sun Life

[128] Durant son arrêt de travail de janvier à septembre 2013, le fonctionnaire a eu des difficultés avec la Sun Life, plus précisément avec le versement de ses prestations d’invalidité.

[129] Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait rempli une demande d’indemnisation auprès de la Sun Life. Il a informé la Sun Life qu’il n’avait pas de médecin de famille attitré et qu’il se rendait à des cliniques. Pendant la période de maladie de janvier 2013 à septembre 2013, la Sun Life a demandé au fonctionnaire de soumettre des rapports.

[130] Le fonctionnaire n’a reçu aucune prestation d’invalidité entre janvier et octobre 2013. Les discussions avec l’agente de la Sun Life responsable de son dossier, Chantal Morin, ont été difficiles. La situation s’est résolue lorsque le fonctionnaire a communiqué avec la gestionnaire de Mme Morin, Gail St-Pierre, en octobre 2013. Mmes Morin et St-Pierre lui demandaient souvent des documents, et Mme St-Pierre lui a dit que, s’il ne fournissait pas l’information requise, elle communiquerait avec son employeur.

[131] La situation était devenue tendue quand il a porté plainte auprès de Mme St‑Pierre. Les détails de la plainte n’ont pas été précisés, mais j’en déduis que c’était relié à ses difficultés à recevoir ses prestations. À la fin octobre ou au début novembre 2013, le fonctionnaire a aussi communiqué avec l’ombudsman de la Sun Life.

[132] Après l’intervention de Mme St-Pierre, Mme Morin a rappelé le fonctionnaire en décembre 2013, et lui a indiqué qu’un chèque lui serait bientôt envoyé par la poste. Il a constaté qu’elle avait reçu des directives – elle était courtoise. La situation s’est réglée en quatre semaines, et il a reçu le chèque de la Sun Life vers le 10 décembre 2013.

[133] Après avoir reçu le chèque de la Sun Life, Mme Morin a demandé d’autres informations. La lettre accompagnant le chèque indiquait que le chèque n’était qu’une avance et que le montant pouvait être révocable, bien que le chèque couvrait le montant complet. Le fonctionnaire a trouvé la lettre inquiétante et a communiqué avec Mme St-Pierre. Il voulait se tenir le plus loin possible de Mme Morin.

[134] Le 13 février 2014, vers 18 h 18, le fonctionnaire a laissé un message au centre d’appels de la Sun Life concernant sa demande d’indemnisation. À 21 h 30, en utilisant son téléphone cellulaire, le fonctionnaire a laissé un message sur la boîte vocale de Mme Morin lui demandant de transmettre le billet médical au département des médicaments. Il a laissé le message à cette heure pour s’assurer que Mme Morin ne soit pas à son bureau. Son message a duré de trois à quatre minutes parce qu’il demandait que le billet soit transféré à une personne en particulier, à un numéro de téléphone spécifique.

[135] Le 14 février 2014, le fonctionnaire s’est présenté au bureau vers 9 h. Il était dans son cubicule avec ses collègues le maj Martin, le capt Philippe Rodrigo et Stéphane Provencher lorsqu’il a reçu un appel sur son téléphone cellulaire. Tout le personnel pouvait l’entendre. Comme il pensait que l’appel pouvait provenir de son représentant syndical ou son avocat, il a répondu.

[136] Mme Morin a rappelé le fonctionnaire vers 9 h 51, sur son téléphone cellulaire. Le fonctionnaire a témoigné qu’elle lui avait alors dit qu’elle n’avait pas son billet médical et qu’il devait en soumettre un autre. Le fonctionnaire lui a répondu : « Encore une fois, vous n’allez pas faire un infarctus au travail. Vous faites preuve d’un grand laxisme. Vous faites tout en sorte que ça ne fonctionne pas. Je vais être obligé d’appeler votre patronne. » Mme Morin lui a répondu : « Cette fois, M. Gariépy, il va y avoir des conséquences. Ça ne passera pas. » Le fonctionnaire a affirmé que ses collègues l’écoutaient. Il a entendu le maj Martin dire au capt Rodrigo et à M. Provencher : « Chut… écoutez ». Selon le fonctionnaire, le maj Martin a très bien entendu la conversation. Le fonctionnaire a indiqué qu’il n’avait jamais proféré de menaces envers Mme Morin. Selon le rapport de la police militaire, le maj Martin a confirmé avoir entendu le fonctionnaire hausser le ton, mais il n’a pas été en mesure de confirmer si le fonctionnaire avait proféré des menaces ou non. Le maj Martin a affirmé en contre-interrogatoire ne pas avoir entendu le fonctionnaire faire des menaces à Mme Morin.

[137] Le col Lalonde a témoigné que le maj Rhéaume lui avait rapporté que le fonctionnaire aurait dit quelque chose comme : « ça va barder », et qu’il avait un comportement autoritaire et imposant. Selon le maj Rhéaume, le fonctionnaire aurait proféré des menaces qui incluaient le mot « bombe » à l’endroit de Mme Morin. Le fonctionnaire aurait argumenté tout au long de l’appel et refusé de suivre les procédures demandées par Mme Morin. Il aurait haussé le ton et dit à Mme Morin : « de faire attention, il pourrait y avoir une bombe qui saute ». Toujours selon le col Lalonde, lorsque Mme Morin a demandé au fonctionnaire de répéter cette affirmation, ce dernier aurait répondu : « qu’elle avait bien compris ».

[138] Vers 11 h, le fonctionnaire a fait suite à ce qu’il a dit à Mme Morin et a appelé Mme St-Pierre, à qui il a laissé un message. Elle ne semble pas l’avoir rappelé.

[139] Vers 14 h 07, Mme St-Pierre a communiqué avec la police militaire afin de rapporter que le fonctionnaire aurait été agressif dans ses propos au téléphone. Le cpl Pierre Dion a été mandaté pour cette enquête.

[140] Dans le cadre de la plainte auprès de la police militaire, selon le carnet de notes du sergent (ci-après « sgt ») Stéphane Charbonneau, le 14 février 2014, vers 16 h, celui-ci a eu une entrevue téléphonique avec Mme Morin. Elle a rapporté que le fonctionnaire lui aurait dit de faire attention et que : « il pourrait y avoir une bombe qui saute ». Vers 16 h 15, le cpl Dion a communiqué avec le fonctionnaire pour lui demander de venir passer une entrevue. Le fonctionnaire a mentionné qu’il ne voyait pas pourquoi la police militaire était impliquée et qu’il communiquerait avec un avocat avant de confirmer sa présence à cette rencontre. Il a alors appris qu’une plainte avait été déposée contre lui auprès de la police militaire par une employée de la Sun Life. La teneur de la plainte ne lui a pas été communiquée par le policier militaire (ni par Mme Simard ni par le maj Rhéaume par la suite). Le fonctionnaire a ensuite appelé le département de sécurité de la Sun Life et a offert sa pleine collaboration. La personne a pris ses coordonnées et lui a dit que la gestionnaire de Mme Morin le rappellerait, ce qui ne semble pas avoir été fait.

[141] Le samedi 15 février 2014, vers 9 h 58, le fonctionnaire a communiqué avec le cpl Dion de la police militaire. Le fonctionnaire a exprimé son mécontentement et son désaccord quant à la juridiction de la police militaire sur l’incident survenu. Selon le carnet de notes du cpl Dion, celui-ci a noté, à 10 h, qu’après révision du dossier, celui-ci serait transféré au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), ce qui n’a finalement pas été le cas. La discussion a duré 30 minutes. Selon le rapport du sgt Charbonneau, le cpl Dion lui a transféré le fonctionnaire et il a passé une heure au téléphone avec celui-ci afin de lui expliquer pourquoi la juridiction de la police militaire était en cause et que la police militaire avait le droit de poursuivre l’enquête en cours. Le cpl Dion a également dit au fonctionnaire qu’il était accusé de crime haineux.

[142] Le col Lalonde a témoigné que la police militaire avait rapporté l’incident de la Sun Life aux maj Rhéaume et Martin le 25 février 2014, en après-midi. Le maj Rhéaume a témoigné que, selon lui, la commandante de la police militaire, la maj Renée Point, était venue à son bureau et lui avait indiqué qu’il y avait une plainte de quelqu’un de la Sun Life. Il a affirmé en contre-interrogatoire que la commandante ne lui avait pas parlé de bombe le 14 février 2014. Par contre, le maj Rhéaume a témoigné en ré-interrogatoire qu’il n’était pas capable de dire hors de tout doute quand il a été informé de l’incident impliquant la Sun Life. Le maj Rhéaume a rapporté l’incident au col Lalonde.

[143] Le maj Martin a témoigné que la police militaire l’avait rencontré pour s’enquérir de ce qu’il savait d’un appel à la Sun Life et si l’appel avait été fait à partir de leurs locaux ou de l’extérieur de la base. Le maj Martin a répondu à la police militaire qu’il ne savait pas d’où l’appel avait été fait. Il n’avait pas eu connaissance d’un appel fait à la Sun Life ou de menaces qui auraient été proférées.

[144] Le maj Martin a témoigné que le rapport de la police militaire, daté du 25 février 2014, à 15 h, était faux sur les points suivants :

[…]

a) Maj MARTIN confirme que dans l’avant-midi du 14 fév 14, il a entendu M. GARIÉPY avec une personne de la FINANCIÈRE SUNLIFE;

b) à un certain moment de la conversation, ce dernier s’est mis à hausser le ton, mais n’a pas été capable de confirmer si M. GARIÉPY a proféré des menaces à la personne à l’autre bout du fil;

c) Maj MARTIN a confirmé que M. GARIÉPY n’a pas une bonne [sic] historique de travail dû à son attitude;

[…]

[145] Selon le maj Martin, le seul point qui est vrai dans ce rapport est le suivant : « d. chaque jour, depuis les coupures de budgets [sic] annoncées, M. GARIÉPY passe au moins une heure dans la salle 205C, Bât 193, Grn MTL, Rgn Qc, à passer des coups de fil ».

[146] Mme Simard a témoigné que le maj Rhéaume lui avait également parlé de la rencontre de témoins possibles et de la conversation du 14 février 2014, entre l’agente d’indemnisation de la Sun Life et le fonctionnaire. Le maj Rhéaume lui aurait dit les propos qui auraient été tenus alors que le fonctionnaire était dans des locaux du quartier général et qu’il pouvait confirmer, après vérification, que le fonctionnaire était au travail le 14 février 2014. Mme Simard ne se souvenait pas si le maj Rhéaume lui avait dit ce que le fonctionnaire aurait dit à l’agente de la Sun Life. Elle se rappelle toutefois qu’il lui avait dit que les propos étaient suffisamment sérieux et inquiétants pour que la Sun Life dépose une plainte auprès de la SPVM. Selon Mme Simard, le fait que la Sun Life dépose une plainte à la SPVM préoccupait l’employeur, puisque la Sun Life indemnise la majorité des employés de la fonction publique fédérale. En contre‑interrogatoire, Mme Simard a dit que le maj Rhéaume l’avait appelée pour lui dire que la police militaire était venue le questionner concernant une menace de mort proférée à une agente de la Sun Life, plus précisément pour savoir s’il y avait des témoins et si le fonctionnaire était au bureau ce jour-là.

[147] Mme Simard a témoigné avoir entendu parler de l’incident de la Sun Life le 24 ou 25 février 2014. Elle a soulevé que le maj Rhéaume lui avait dit que, si un incident malheureux impliquant le fonctionnaire survenait à la garnison et qu’il y avait une enquête, il n’aurait pas le choix de dire, en tant que gestionnaire, qu’il avait soulevé des inquiétudes à l’endroit du fonctionnaire.

[148] Le maj Rhéaume a témoigné que, vu tous les événements, les divers incidents et les commentaires de plusieurs employés sur l’attitude du fonctionnaire, il voulait l’avis de Mme Simard à savoir si l’ÉAT devenait nécessaire compte tenu de ce dernier événement avec la Sun Life, et si la mise en congé de maladie du fonctionnaire était appropriée dans les circonstances.

[149] En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a présenté les faits sur lesquels il s’est fondé pour proposer que le fonctionnaire subisse une ÉAT : l’incident au 25e Dépôt, l’incident des armes chargées et l’incident de la Sun Life. Il n’a pas réagi spécifiquement à l’incident au 25e Dépôt; il était préoccupé par l’ensemble des faits, des perceptions et des commentaires qu’il recevait des gens travaillant au quartier général.

[150] Le maj Rhéaume a indiqué à Mme Simard que la direction avait atteint sa limite de la gestion du risque et que le fonctionnaire devait être mis en congé de maladie pour subir une ÉAT. Mme Simard a trouvé qu’il devenait raisonnable de procéder ainsi. À la question de savoir pourquoi elle avait changé d’avis, Mme Simard a répondu que la menace à l’agente de la Sun Life qui avait donné lieu à la plainte à la SPVM l’avait frappée. Ils étaient rendus au point où ils voulaient protéger l’organisation, le fonctionnaire et les autres employés.

[151] Le maj Rhéaume a porté l’incident à l’attention du col Lalonde. Il lui a également communiqué ses inquiétudes et son malaise quant au maintien en poste du fonctionnaire au quartier général. Selon le col Lalonde, cet incident représentait une gradation ascendante des réactions du fonctionnaire et il avait besoin d’aide.

[152] Le col Lalonde a témoigné qu’il n’avait pas lui-même observé des faits, mais qu’il avait agi en s’appuyant sur ceux rapportés par le maj Rhéaume. Il ne se souvenait plus de ce que le maj Rhéaume lui avait dit. Le col Lalonde a dit au maj Rhéaume qu’il avait suffisamment d’information pour une ÉAT. Le col Lalonde et le maj Rhéaume ont dit à Mme Simard qu’il n’y avait plus de chances à prendre; la tension était rendue au point où le fonctionnaire devait subir une ÉAT. Pour le col Lalonde, il s’agissait d’une question de sécurité, tant celle du personnel que du fonctionnaire, qui touchait également la santé du fonctionnaire; il ne s’agissait pas d’une question de relations de travail.

[153] Selon la recommandation de Mme Simard, la meilleure option consistait à envoyer le fonctionnaire en congé de maladie et à demander une ÉAT. Selon elle, le fonctionnaire avait dépassé les limites avec la menace de mort. La direction ne voulait pas être responsable de ce qui pourrait arriver. Elle a ajouté que le maj Rhéaume lui avait dit que, si elle n’agissait pas et que quelque chose arrivait, il dirait qu’il avait demandé de l’aide qu’il n’avait pas reçue. Elle a précisé que le maj Rhéaume n’avait pas insisté plus que cela. Bien que, avant l’incident concernant la Sun Life, elle avait jugé la demande d’ÉAT prématurée, la menace de mort a été un élément déclencheur.

[154] Le col Lalonde a pris la décision de faire subir une ÉAT au fonctionnaire après consultation avec le maj Martin et le maj Rhéaume, à qui il a demandé de consulter avec Mme Simard.

[155] Le 26 février 2014, vers 10 h, les maj Rhéaume et Martin ont rencontré le fonctionnaire pour faire suite à la conversation téléphonique du 14 février 2014, qui a eu lieu entre le fonctionnaire et Mme Morin. Le maj Rhéaume a indiqué qu’il était très inquiet de l’état de santé du fonctionnaire. Étant donné l’escalade dans les événements sur une longue période, il a dit que la direction considérait que le fonctionnaire était devenu une personne dangereuse pour ses collègues de travail et qu’elle craignait pour la sécurité de ces derniers. À la suite de la plainte, le col Lalonde a décidé de suspendre le fonctionnaire pour cause de santé défaillante. Le maj Rhéaume voulait assurer un environnement sécuritaire pour l’ensemble du personnel.

[156] Le maj Rhéaume aurait dit au fonctionnaire qu’il pouvait aller chercher un billet médical et qu’il serait ensuite envoyé à Santé Canada pour faire évaluer sa « dangerosité ». Le maj Rhéaume aurait également indiqué que, même si le médecin du fonctionnaire lui fournissait un rapport attestant de sa bonne santé physique et mentale, ce rapport médical serait contesté par les services d’un médecin de Santé Canada. Le fonctionnaire a confirmé au maj Rhéaume qu’il se sentait en parfaite santé et que les insinuations selon lesquelles son état de santé était défaillant et, donc, qu’il était un employé dangereux pour la sécurité de ses collègues, étaient non fondées. Il a dit au maj Rhéaume que la suspension était une méthode d’intimidation dans le but qu’il abandonne les deux griefs déposés concernant la dotation non conforme de postes.

[157] Le maj Rhéaume a suspendu le fonctionnaire sans solde et lui a dit que la plainte de la Sun Life avait été prise en charge par la police militaire.

[158] Selon le fonctionnaire, le maj Rhéaume lui aurait dit qu’il ne recevrait aucun salaire et que l’employeur prendrait des congés de maladie de sa banque de crédits de congés de maladie, qu’il devrait ensuite rembourser. Il lui aurait dit de se préparer à ce que ça soit long parce que : « […] on a nos médecins à Santé Canada. » Le maj Rhéaume a répliqué qu’il ne croyait pas avoir dit de telles choses; il se souvient plutôt d’avoir dit au fonctionnaire qu’il serait en congé, mais qu’il serait le bienvenu au travail lorsque le médecin attesterait qu’il était apte au travail. Le maj Martin ne se souvenait pas non plus de cette affirmation de la part du maj Rhéaume. En contre‑preuve, le maj Martin a dit que l’attitude du maj Rhéaume n’était pas agressante et qu’il avait pris les mesures qui s’imposaient.

[159] Le 26 février 2014, vers 11 h, le fonctionnaire a été placé en arrêt de travail forcé. On a demandé au maj Martin d’accompagner le fonctionnaire à son bureau et ensuite à la porte, où le fonctionnaire a dû remettre sa carte d’accès à l’édifice. Selon le maj Rhéaume, il y avait des policiers sur place au cas où la situation dégénère. Vers 11 h 11, le fonctionnaire a quitté la garnison de Montréal.

[160] À la suite de la rencontre, le maj Martin n’a pas reçu d’ordres du col Lalonde ou du maj Rhéaume concernant le fonctionnaire.

[161] Selon le fonctionnaire, le congé de maladie forcé était l’équivalent d’une suspension. Il a présumé que l’employeur allait interrompre la période pendant laquelle il avait un statut excédentaire de 15 mois pendant la période de l’ÉAT. Il a su pour la première fois, le 5 janvier 2015, en prenant connaissance de la lettre du col Stéphane Boucher, que l’employeur « […] avait laissé écouler les 15 mois […] » sans l’aviser.

[162] En contre-interrogatoire, à la question de savoir pourquoi il avait attendu au 26 février 2014 pour suspendre le fonctionnaire, étant donné que ce dernier avait menacé de placer une bombe, le maj Rhéaume a répondu qu’il demandait à faire évaluer le fonctionnaire depuis plusieurs semaines et que le processus d’initiation de la procédure était long. Il a ajouté qu’il lisait des évaluations du risque toutes les semaines et que la menace à l’égard de Mme Morin, de la Sun Life, ne signifiait pas que les Forces canadiennes se mettaient en position défensive chaque fois qu’il y avait une menace. Le maj Rhéaume a avoué qu’il n’avait pas demandé au fonctionnaire de présenter sa version des faits parce que des documents faisaient état de ce qui s’était passé. Il a mentionné qu’il y avait des rapports de la police militaire et qu’il ne pouvait s’y immiscer.

[163] Le fonctionnaire n’avait pas beaucoup de crédits de congés de maladie accumulés. Quand il est revenu de son congé de maladie, en septembre 2013, tous ses crédits de congé de maladie étaient épuisés. L’employeur pouvait avancer 25 jours de congé de maladie, et a évalué ce qui était possible. Selon les calculs de l’employeur, afin de retarder le début de la période de congé de maladie sans solde du fonctionnaire, il était possible de lui avancer des congés de maladie jusqu’au 31 mars. Mme Simard en a discuté avec le fonctionnaire au téléphone. Les modalités liées à l’indemnité de départ avaient été abrogées, et les employés avaient le choix d’encaisser l’indemnité dans un délai de 30 jours ou d’attendre qu’elle leur soit versée au moment où ils quittaient la fonction publique. Dans l’éventualité où aucun choix n’était fait, le versement de l’indemnité était repoussé au moment du départ de la fonction publique. Le fonctionnaire n’avait pas fait de choix. Le maj Rhéaume a demandé à Mme Simard si le fonctionnaire pouvait faire un choix même si celui-ci était hors délai, et Mme Simard a répondu affirmativement.

[164] À la demande du maj Rhéaume, Mme Simard a préparé un courriel informant le fonctionnaire du solde de ses congés de maladie. Le maj Rhéaume voulait s’assurer que le fonctionnaire continue de bénéficier d’une période pendant laquelle il serait rémunéré. L’employeur a également accordé des congés au fonctionnaire.

[165] En contre-interrogatoire, à la question de savoir s’il y avait des directives relativement à une demande d’ÉAT où l’employé est suspendu avec ou sans paie, Mme Simard a répondu que le fonctionnaire n’avait pas été suspendu, mais qu’il avait été mis en congé de maladie forcé afin de consulter son médecin traitant. La direction ne pensait pas que les délais allaient être aussi longs et qu’elle allait être obligée de demander à Santé Canada de faire une ÉAT.

[166] Le 27 février 2014, vers 11 h 30, le cpl Belizaire a rencontré le maj Rhéaume. Le maj Rhéaume a déclaré que le fonctionnaire avait été impliqué dans un dossier de harcèlement et que, dans les derniers jours, il avait proféré des menaces à la Sun Life. Il a mentionné que le fonctionnaire avait envoyé 600 courriels au syndicat des employés civils de la garnison de Montréal. Je mentionne qu’aucun de ces courriels n’a été présenté en preuve et que je ne sais donc pas sur quoi ils portaient. Des mesures administratives ont été prises envers le fonctionnaire, car celui-ci était possiblement une menace pour les autres employés. Le maj Rhéaume a mentionné que, étant donné l’accumulation d’incidents concernant le fonctionnaire, l’incident avec la Sun Life a été l’élément déclencheur en vue du congédiement du fonctionnaire. En contre‑interrogatoire, le maj Rhéaume a déclaré qu’il n’avait jamais mentionné les mots « congédier » ou « licencier » par rapport au fonctionnaire et que le cpl Belizaire avait compris ce qu’il voulait comprendre.

[167] Le 27 février 2014, à 13 h, le cpl Belizaire a eu une entrevue avec Mme Morin aux bureaux de la Sun Life, en présence de Mme St-Pierre et d’André Montecino, au cours de laquelle Mme Morin a fourni une déclaration écrite. La preuve ne précise pas qui est M. Montecino ni son rôle dans cette rencontre.

[168] Le 4 mars 2014, le capt Roy de la police militaire a écrit au groupe de commandement de la 2e Division que l’enquête était terminée. La police militaire a porté des accusations criminelles à l’endroit du fonctionnaire.

[169] Le 6 mars 2014, vers 11 h 20, le fonctionnaire a communiqué avec le sgt Charbonneau de la police militaire dans le but de se plaindre d’intimidation de la part de la police militaire. Le sgt Charbonneau a tenté à plusieurs reprises d’expliquer au fonctionnaire que l’enquête était terminée et que le dossier avait été envoyé au procureur général, étant donné son refus de rencontrer l’enquêteur au dossier. Le fonctionnaire a avisé le sgt Charbonneau qu’il le verrait en cour, et qu’il allait affirmer qu’il était victime d’intimidation de la part de la police militaire et que son agent négociateur allait l’appuyer. Le sgt Charbonneau a écrit dans son rapport que le fonctionnaire semblait agité lors des appels et qu’il ne lui laissait pas le temps de parler.

[170] Le 14 mars 2014, le fonctionnaire a déposé une plainte de harcèlement à l’endroit du col Lalonde et du maj Rhéaume, auprès du brigadier général Jean‑Marc Lanthier, concernant des faits reliés à des comportements intimidants et oppressants. Le col Lalonde a témoigné ne pas se souvenir d’avoir fait l’objet d’une plainte. Il a ajouté que le maj Rhéaume lui avait parlé de la quatrième allégation qui figurait dans la plainte de harcèlement concernant la façon dont le fonctionnaire avait été traité lors de la réunion du 3 février 2014. La plainte comprenait plusieurs autres allégations, dont la façon dont il a été traité à son retour au travail en septembre 2013, l’incident du 25e Dépôt, l’incident avec la Sun Life et l’arrêt de travail. Mme Simard n’a jamais vu la plainte. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait cessé les démarches vis‑à‑vis de sa plainte parce qu’aucun enquêteur n’acceptait de faire enquête.

[171] Le 25 mars 2014, le fonctionnaire a déposé une plainte concernant l’arrêt de travail auprès de l’ombudsman du ministère.

[172] Selon le fonctionnaire, le procureur de la Couronne a reçu la plainte de la police militaire en avril 2014, mais pas sa déposition. Selon la compréhension du fonctionnaire, le procureur a demandé à la police militaire de prendre la déposition du fonctionnaire, ce qui a été fait en avril 2014. Selon le col Lalonde, l’incident était assez sérieux pour que la police soit saisie du dossier dans le but d’entamer une poursuite.

[173] Vers 13 h, le 25 avril 2014, le cpl Belizaire a communiqué avec le fonctionnaire afin de fixer une entrevue. Le fonctionnaire a donné sa version des faits à la police militaire le 28 avril 2014, à 13 h.

[174] Le 20 mai 2014, le fonctionnaire a demandé à la Sun Life, par l’entremise d’une demande d’accès à l’information, qu’elle lui fournisse le message téléphonique qu’il avait laissé sur la boîte vocale de Mme Morin, le 13 février 2014, et la bande sonore de la conversation avec Mme Morin, le 14 février 2014.

[175] Le fonctionnaire a témoigné que, le 21 mai 2014, l’ombudsman lui a dit qu’il avait eu accès à la déposition de Mme Morin affirmant que le fonctionnaire lui aurait dit qu’il ferait exploser l’édifice de la Sun Life. Ce n’est qu’à cette date que le fonctionnaire a appris, par l’ombudsman, la teneur des allégations de Mme Morin.

[176] Le 16 juin 2014, Mme St-Pierre a écrit au fonctionnaire afin de l’aviser que la Sun Life avait reçu des formulaires de demande de prestations d’invalidité incomplètes puisque la déclaration du médecin traitant était manquante. La Sun Life a également retenu qu’il était en parfaite santé et en mesure de reprendre son emploi. La Sun Life a compris que, si la déclaration du médecin traitant n’était pas reçue, le fonctionnaire ne poursuivrait pas sa demande de prestations d’invalidité. Le maj Rhéaume a reçu une copie de cette lettre.

[177] Le 18 août 2014, le fonctionnaire a comparu à la Cour du Québec relativement à la divulgation de la preuve par le procureur de la Couronne, lequel avait reçu le dossier d’accusations criminelles produit par la police militaire. Autre qu’une déclaration de Mme Morin, aucun élément de preuve n’a été déposé par la Couronne. Je note que cette déclaration n’a pas été déposée en preuve.

[178] Vers la fin de l’été 2014, l’avocat de la Sun Life a communiqué avec l’avocat du fonctionnaire et lui a dit que la bande sonore demandée avait été détruite.

[179] Entre août 2014 et janvier 2015, le fonctionnaire a témoigné qu’il n’y avait pas eu d’échanges avec l’employeur concernant les accusations criminelles. Je note qu’il y a eu des échanges entre l’employeur et la Sun Life concernant le fonctionnaire à certains moments. Le fonctionnaire a fait référence à un courriel entre une employée du Centre de services des RH civiles et Mme Morin, daté du 17 février 2014. Le maj Rhéaume était également en copie conforme sur la lettre de la Sun Life en date du 16 juin 2014.

[180] Le 5 janvier 2015, selon le procès-verbal de la Cour du Québec, la Cour a acquitté le fonctionnaire des accusations criminelles portées contre lui. Le procès-‑verbal démontre que l’audience a débuté à 11 h 39 et qu’elle s’est terminée à 11 h 40.

K. Évaluation de l’aptitude au travail

[181] Le 3 mars 2014, le fonctionnaire a tenté de communiquer avec la Dre Mélissa Quirion, qui effectuait son suivi depuis son retour au travail en septembre 2013. La Dre Quirion a également signé le formulaire pour son retour au travail. À cette date, la Dre Quirion n’était pas à la clinique.

[182] Mme Simard dit qu’elle avait préparé la lettre au médecin traitant autour du 3 ou 4 mars 2014. Elle a discuté avec la direction pour faire l’historique du dossier. Elle n’avait pas de raison de douter que les faits rapportés n’étaient pas véridiques. Elle était au courant du dossier du fonctionnaire et certains points rapportés par la direction étaient inclus pour démontrer que le fonctionnaire avait eu des périodes difficiles dans son emploi. Mme Simard n’a pas consulté l’ensemble du dossier du fonctionnaire avant de rédiger la lettre. À la question de savoir si elle savait que le fonctionnaire avait un litige avec la Sun Life, Mme Simard a affirmé qu’elle n’en connaissait pas les détails. Elle savait que l’employeur était en copie conforme sur les lettres de la Sun Life au fonctionnaire. Elle n’avait pas de raison de croire que le fonctionnaire abusait du congé de maladie.

[183] En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a témoigné que la demande d’ÉAT était fondée sur tous les éléments permettant de donner un portrait complet. Ces éléments incluaient l’événement avec Mme Aubin, l’information de l’adjum Fleury concernant la garde de caserne et l’événement de la Sun Life. Le maj Rhéaume n’était pas d’accord que la lettre au médecin avait été écrite de façon à décrire le fonctionnaire comme étant un employé problématique. Selon lui, le fonctionnaire était dans une spirale descendante de confrontation et de conflits et, pour cette raison, ils ont essayé de mettre le plus de détails possible dans la lettre. À la question de savoir pourquoi l’incident du 25e Dépôt avait été mentionné puisque la police militaire n’y avait pas donné suite, le maj Rhéaume a indiqué que la conduite du fonctionnaire était inquiétante.

[184] Le maj Rhéaume a témoigné qu’ils n’avaient pas cru bon d’insérer le mot « bombe » dans la lettre. À la question de savoir s’il était possible que le mot « bombe » n’ait jamais été prononcé, et que c’est plutôt le col Lalonde qui avait dit « ça va barder », le maj Rhéaume a répondu qu’il fallait poser la question au col Lalonde.

[185] Le maj Rhéaume a indiqué ne pas se souvenir s’il avait consulté le dossier de harcèlement avant d’écrire la lettre. Il croyait que le cumul des incidents, dont l’insubordination de 2011, devait être porté à l’attention du médecin. La plainte de harcèlement de 2011 a été incluse pour démontrer qu’il y avait un conflit avec le superviseur du fonctionnaire. Il a inclus les griefs pour expliquer tous les incidents au médecin. Il a fourni des explications neutres pour que le médecin comprenne. Je note qu’aucune preuve d’insubordination relative au fonctionnaire n’a été déposée.

[186] Selon Mme Simard, la lettre au médecin n’a pas été cachetée à des fins de transparence de la part de la gestion. Elle voulait que le fonctionnaire en prenne connaissance et qu’il sache ce que la direction demandait au médecin. Il semble y avoir une contradiction entre les témoignages de Mme Simard et du fonctionnaire en ce qui concerne la question de savoir si la lettre était cachetée ou non. Selon le fonctionnaire, le maj Rhéaume lui a remis une lettre cachetée en lui disant : « On vous connaît, M. Gariépy. Vous allez ouvrir la lettre. Si vous l’ouvrez, il va y avoir des conséquences. » Le fonctionnaire a affirmé avoir ouvert la lettre parce qu’il ne faisait pas confiance au maj Rhéaume. Je me questionne à savoir quel serait l’intérêt du fonctionnaire d’admettre qu’il a ouvert une lettre cachetée alors que la direction lui a indiqué de ne pas l’ouvrir. De toute manière, je n’ai pas à trancher cette contradiction apparente puisque, bien qu’il ait vu la lettre, le fonctionnaire ne l’a pas remise au médecin.

[187] Dans cette lettre, le col Lalonde a indiqué que la Sun Life avait déposé une plainte auprès de la SPVM, ce qui, selon le fonctionnaire, était faux. En contre‑interrogatoire, à la question de savoir pourquoi elle n’avait pas mentionné la menace de mort dans la lettre puisqu’il pouvait s’agir d’un élément important pour le médecin, Mme Simard a répondu qu’elle n’était pas allée aussi loin afin de ménager le fonctionnaire.

[188] Concernant la lettre au médecin traitant, à la question de savoir qu’est-ce qu’un médecin traitant, le maj Rhéaume a indiqué qu’il espérait que ce soit quelqu’un qui connaissait les antécédents du fonctionnaire. Puisque le fonctionnaire avait été en congé de maladie longtemps, il a présumé qu’il avait un ou plusieurs médecins.

[189] Par lettre en date du 4 mars 2014, le col Lalonde a confirmé la décision du 26 février 2014 de mettre le fonctionnaire en arrêt de travail forcé et de l’envoyer subir une évaluation médicale sur son aptitude au travail. Il a également préparé une lettre à l’intention du médecin traitant du fonctionnaire pour l’évaluation médicale. Bien que le col Lalonde ait signé les documents, ce sont le maj Rhéaume et Mme Simard qui communiquaient avec le fonctionnaire (Élisabeth Marion avait quitté pour un autre poste et, vu la complexité du dossier, Mme Simard gérait le dossier avec le maj Rhéaume).

[190] Le 10 mars 2014, le fonctionnaire a rejoint la Dre Quirion. Elle lui aurait dit que son employeur, qu’elle croyait être le maj Rhéaume, l’avait appelée et qu’il lui avait posé des questions qu’elle avait refusé de répondre. Le fonctionnaire lui a expliqué la situation, et elle a dit qu’elle ne prenait pas les formulaires administratifs et les formulaires de relations de travail. Le maj Rhéaume a nié connaître la Dre Quirion et a nié le témoignage du fonctionnaire voulant qu’il ait appelé le médecin pour lui poser des questions concernant le congé de maladie du fonctionnaire. Il a témoigné qu’il n’avait pas personnellement communiqué avec un professionnel de la santé concernant le congé de maladie du fonctionnaire. Il a utilisé le mot « personnellement », parce que Mme Simard lui avait dit qu’elle l’avait fait.

[191] Le 11 mars 2014, le fonctionnaire est allé à la clinique qu’il fréquente depuis 2009. Il n’était pas question pour lui de remettre la lettre de l’employeur préparée à l’intention du médecin parce qu’il considérait que Mme Morin avait fait une fausse plainte. Il ne voulait pas être perçu comme un criminel dangereux. Il a expliqué sa situation à la Dre Michèle Dussault, qui lui a dit qu’elle ne voulait pas remplacer la Dre Quirion, qui aurait dû signer le certificat médical. Le fonctionnaire a dit que la Dre Dussault était difficile à convaincre et qu’il lui avait dit qu’elle devait le signer. Selon le fonctionnaire, la Dre Dussault se demandait si la Dre Quirion avait abandonné à cause des formulaires et pourquoi ce serait elle qui devrait les signer. La Dre Dussault a regardé le dossier et a répondu aux trois questions.

[192] Le 11 mars 2014, à 16 h 17, le fonctionnaire a fait parvenir un courriel au maj Rhéaume, accompagné d’un certificat médical signé par la Dre Dussault, en date du 11 mars 2014. La Dre Dussault a indiqué sur le certificat médical qu’il était apte au travail depuis septembre 2013, selon le dossier de la clinique. L’employeur a jugé le certificat médical succinct et imprécis.

[193] Le maj Rhéaume a demandé l’opinion de Mme Simard sur la validité du certificat et s’il était acceptable. Mme Simard n’avait jamais vu un certificat de ce genre. Lorsqu’elle a regardé le certificat du médecin, elle s’est interrogée à savoir si la lettre au médecin avait été consultée par la Dre Dussault.

[194] Le maj Rhéaume a discuté avec Mme Simard, puisque le certificat médical ne correspondait pas à ce qu’ils avaient demandé. Le contenu du certificat médical donnait à penser que le médecin n’avait pas vu la lettre donnée au fonctionnaire à l’intention du médecin.

[195] En contre-interrogatoire, à la question de savoir quels motifs lui permettaient de douter du certificat médical a priori, le maj Rhéaume a répondu que la Dre Dussault n’était pas le médecin traitant du fonctionnaire et ne connaissait pas ses antécédents. L’avocat du fonctionnaire a fait remarquer que cela était a posteriori. Le maj Rhéaume a nié qu’il avait présumé la mauvaise foi du fonctionnaire, et a indiqué qu’il trouvait que le document n’était pas convaincant.

[196] Le maj Rhéaume a demandé à Mme Simard de lui formuler des recommandations. Elle a recommandé que le certificat ne soit pas accepté comme étant conforme à la demande faite au fonctionnaire. Comme le fonctionnaire ne semblait pas vouloir collaborer avec l’employeur pour consulter le médecin de son choix, Mme Simard a recommandé de procéder avec Santé Canada pour l’ÉAT afin de permettre à la direction de prendre une décision éclairée. Le consentement du fonctionnaire était nécessaire pour procéder à l’ÉAT de Santé Canada, qui a ses propres formulaires et procédures. Santé Canada a insisté que la communication s’effectue entre eux et les RH du ministère. Le col Lalonde a décidé de suivre ces recommandations et Mme Simard a préparé les documents. Je tiens à préciser que le fonctionnaire a consulté des médecins de son choix, soit les Dres Quirion et Dussault.

[197] Comme Mme Simard s’occupait du processus d’ÉAT, elle a communiqué avec la Dre Dussault pour obtenir des informations supplémentaires parce qu’elle trouvait le certificat très mince. Mme Simard a appelé à la clinique et la réceptionniste lui a dit que la Dre Dussault n’était pas rattachée à la clinique, mais qu’elle se présentait sporadiquement pour les urgences. Elle lui a dit que la Dre Dussault était à la clinique le 11 mars 2014. Mme Simard a demandé que la Dre Dussault communique avec elle.

[198] La Dre Dussault a rappelé Mme Simard le 12 mars, à 12 h 10. Mme Simard lui a dit qu’elle voulait vérifier si elle avait rencontré un employé du ministère la veille. La Dre Dussault a répondu que oui. Elle a dit qu’elle ne connaissait pas le fonctionnaire, mais qu’il était resté dans son bureau environ 20 minutes et qu’il insistait pour qu’elle signe le formulaire parce que son employeur en avait besoin. La Dre Dussault a dit qu’elle avait cédé sous la pression parce qu’elle voulait qu’il sorte de son bureau. Mme Simard lui a demandé si elle avait pris connaissance d’une lettre du ministère en date du 4 mars 2014, et adressée au médecin traitant. La Dre Dussault lui a confirmé que rien ne lui avait été soumis autre que le formulaire. Cette lettre contenait les extraits suivants :

Cette demande de notre part est motivée par le fait que nous avons été informés le 25 février 2014 par des agents de la Police militaire d’un événement impliquant monsieur Gariépy et un agent de la Compagnie d’assurances Sun Life au cours duquel monsieur Gariépy aurait tenu des propos menaçants qui auraient mené les responsables de la Sun Life à déposer une plainte à la Police de Montréal. Cet événement très préoccupant, en plus de diverses situations, comportements, propos de/ou entourant monsieur Gariépy, nous ont amené à craindre pour la santé et la sécurité de notre personnel. Nous avons des raisons de croire que l’état de santé de monsieur Gariépy pourrait en être la cause. Pour cela, il a été mis en arrêt de travail forcé depuis le 26 février 2014 […]

Nous croyons important de vous dépeindre un portrait de la situation depuis l’arrivée en poste de monsieur Gariépy jusqu’à l’événement qui a mené à son arrêt de travail forcé.

[…]

Au cours de l’année 2011, plusieurs situations de manquement à ses responsabilités et comportements d’insubordination ont été reprochées à monsieur Gariépy par sa superviseure immédiate de l’époque. Monsieur Gariépy a déposé une plainte de harcèlement contre cette même superviseure et le supérieur de cette dernière en novembre 2011, mais, après révision de la plainte par un enquêteur, celle-ci n’a pas été jugée recevable.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[199] La suite de la lettre concerne les démarches du fonctionnaire auprès de divers intervenants après avoir été avisé que son poste serait supprimé, comme suit :

[…]

Les échanges entourant ces diverses démarches entre monsieur Gariépy et les intervenants impliqués ont été qualifié par ces derniers de minimalement difficiles allant jusqu’à intimidant et mêmes harcelants. Dans un cas en particulier, on a demandé l’intervention de la Police militaire parce que la présence de monsieur Gariépy à la sortie du lieu de travail de deux employées impliquées leur faisait craindre pour leur sécurité. Il y a lieu de mentionner qu’après discussion avec monsieur Gariépy, la Police militaire n’a pas donné suite. []

Outre les événements entourant les démarches pour se replacer, au cours des derniers mois, plusieurs personnes qui ont eu affaire avec monsieur Gariépy dans l’exercice de leurs fonctions ont mentionné qu’elles trouvaient que Monsieur Gariépy avait un comportement étrange, voir inquiétant.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[200] La Dre Dussault a mentionné qu’elle n’était pas le médecin traitant du fonctionnaire et qu’elle ne le connaissait pas. Elle a indiqué que c’était la première fois qu’elle le rencontrait. Elle a également indiqué n’avoir pas pu inscrire d’autres informations que celles se trouvant dans son dossier, qui datait de son retour progressif au travail. Elle a affirmé qu’elle n’avait jamais vu ou eu connaissance de la demande d’ÉAT. En contre-interrogatoire, à la question de savoir si elle avait passé outre au droit à la vie privée du fonctionnaire, Mme Simard a affirmé qu’elle n’avait pas demandé le diagnostic, mais seulement si la Dre Dussault avait vu la lettre de l’employeur; la Dre Dussault aurait pu lui dire qu’elle ne lui parlerait pas. Il n’a pas été établi clairement si le fonctionnaire a fourni son consentement à la Dre Dussault de divulguer les renseignements figurant dans son dossier médical.

[201] Mme Simard a dit que le certificat signé par la Dre Dussault n’était pas un document qu’ils avaient donné au fonctionnaire à faire signer. Elle a informé le maj Rhéaume qu’elle avait eu la confirmation que le médecin n’avait jamais lu la lettre qui avait été remise au fonctionnaire et qui fournissait le contexte relatif à la demande d’ÉAT.

[202] Le maj Rhéaume et Mme Simard ont jugé que le certificat médical que le fonctionnaire avait remis ne répondait pas à leurs exigences en vue d’entériner son retour au travail et ils en ont informé le fonctionnaire.

[203] Selon le maj Rhéaume, si le fonctionnaire avait obtenu un certificat médical le déclarant apte au travail, il aurait été prêt à le reprendre jusqu’à la limite de son temps avec l’organisation vu l’abolition de son poste. Il aurait été beaucoup plus efficace que le fonctionnaire remette un billet de médecin, tel que demandé.

[204] Le 18 mars 2014, le maj Rhéaume a répondu au fonctionnaire qu’il n’acceptait pas le certificat de son médecin traitant. Il avait appris que le médecin que le fonctionnaire avait consulté n’était pas son médecin traitant, et qu’il ne lui avait pas donné la lettre adressée à l’intention du médecin. Selon le col Lalonde, il s’agissait d’un manque de collaboration de la part du fonctionnaire. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait appris par cette lettre que le certificat médical de la Dre Dussault n’était pas convenable. Il a témoigné que la lettre était en partie fausse en ce que la Dre Dussault avait accès au dossier médical complet du fonctionnaire. Il avait reçu un courriel du maj Rhéaume et la lettre a suivi par la poste.

[205] Le 18 mars 2014, le col Lalonde a fait suite à la lettre du 4 mars 2014, en indiquant au fonctionnaire qu’il n’avait pas suivi les consignes données dans cette lettre. Le col Lalonde en a conclu que le fait de ne pas avoir suivi ces consignes démontrait clairement l’absence de collaboration du fonctionnaire et, en conséquence, il a décidé de demander une ÉAT par le biais de Santé Canada. Il a demandé au fonctionnaire de remplir les formulaires de consentement pour se soumettre à une ÉAT et pour la divulgation d’information médicale.

[206] À la suite du refus du certificat médical, le fonctionnaire a accepté de collaborer et de se faire évaluer par Santé Canada. Il voulait voir les règles, soit le guide des employés et le protocole de l’ÉAT. Il se sentait confortable avec la façon de fonctionner de l’ÉAT.

[207] Le 21 mars 2014, le fonctionnaire a transmis à Santé Canada les deux formulaires de consentement de témoins que Mme Simard lui avait envoyés. Les formulaires, qui n’étaient pas signés, attestent qu’il donne son assentiment à effectuer une ÉAT et résument l’ensemble de la situation.

[208] Le 21 mars 2014, le maj Rhéaume a avisé le fonctionnaire qu’il ne pouvait entendre le grief sur la suspension, car le fonctionnaire était en congé de maladie forcé et que, en conséquence, il était considéré inapte à assister à une audience de grief.

[209] Le 25 mars 2014, la Dre Michèle Bélanger, de Santé Canada, a avisé Mme Simard que les formulaires de consentement ne pouvaient être altérés, qu’un témoin devait signer le consentement et que les originaux devaient être fournis à Santé Canada. Elle a également indiqué que le fonctionnaire ne pouvait accéder directement aux services de Santé Canada. Le fonctionnaire a trouvé cette réponse « assez sèche ». Mme Simard trouvait qu’il y avait peu de collaboration de la part du fonctionnaire. Elle a dit qu’il « passait à côté d’elle en allant directement à Santé Canada ».

[210] Le 26 mars 2014, le maj Rhéaume a demandé au fonctionnaire, par courriel, de fournir les originaux des formulaires de consentement, avec sa signature et celle des témoins, de préférence des témoins provenant de chez l’employeur. Selon la compréhension du fonctionnaire, cela signifiait que le maj Rhéaume devait signer comme témoin. Le fonctionnaire a témoigné que le fait de transiger en passant par l’employeur allait contre les règles de l’ÉAT, et il m’a renvoyé au paragraphe suivant du document de Santé Canada intitulé Évaluation de l’aptitude au travail – Guide des employés : « Vous devez savoir que personne, pas même votre employeur, ne recevra de renseignements médicaux confidentiels sans que vous donniez votre consentement éclairé par écrit, ou sous forme prescrite par la loi. » Quant au formulaire de consentement de Santé Canada, le fonctionnaire a souligné le fait que le formulaire indique que « [l]e gestionnaire des RH ne doit pas voir ce formulaire, à moins que l’employé ne demande expressément l’aide des RH pour le remplir ».

[211] Le 31 mars 2014, le col Lalonde a écrit à la Dre Bélanger pour lui demander de procéder à l’ÉAT du fonctionnaire et d’identifier, le cas échéant, ses limitations fonctionnelles temporaires ou permanentes.

[212] Le 1er avril 2014, Mme Simard a rempli le formulaire et a communiqué avec la Dre Bélanger pour lui fournir l’information et la documentation requise pour procéder à l’ÉAT du fonctionnaire. En contre-interrogatoire, à l’observation qu’il n’y avait pas de mention de menace de mort dans la lettre, Mme Simard a dit qu’elle avait discuté avec la Dre Bélanger avant d’envoyer la lettre.

[213] Vu le nombre de certificats médicaux de médecins différents, la Dre Bélanger a demandé le consentement du fonctionnaire pour obtenir son dossier médical complet auprès de la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ).

[214] Le 8 avril 2014, le fonctionnaire a fourni une autorisation de divulgation de renseignements à la RAMQ afin que celle-ci fournisse à Santé Canada les noms des professionnels de la santé qui lui avaient fourni des services dont les coûts ont été assumés par la RAMQ, les sommes que la RAMQ a versées pour ces services, et les dates où ces services ont été rendus entre le 19 septembre 2013 et le 30 avril 2014.

[215] Le 28 avril 2014, Mme Simard a écrit au fonctionnaire pour lui mentionner que, à la suite de la réception de son dossier médical de la RAMQ par Santé Canada, la Dre Bélanger avait retenu les noms de neuf médecins que le fonctionnaire avait consultés au cours des dernières années. Mme Simard a indiqué au fonctionnaire que la Dre Bélanger avait besoin de son consentement pour communiquer avec les neuf médecins. L’employeur a joint à sa lettre les profils médicaux du fonctionnaire. Mme Simard n’a pas donné d’information médicale concernant le fonctionnaire à la Dre Bélanger, et la Dre Bélanger ne lui a pas donné d’information médicale autre que les noms des médecins.

[216] Le 6 mai 2014, la Dre Bélanger a exigé de recevoir les sept formulaires de consentement requis pour la divulgation d’information médicale. Le 7 mai 2014, le col Lalonde a avisé le fonctionnaire que Santé Canada l’avait informé qu’il n’avait fourni que deux formulaires de consentement en vue de la divulgation d’information médicale. Il lui a demandé de remplir les sept formulaires de consentement manquants et de les retourner à Mme Simard afin qu’elle les fasse parvenir dans les meilleurs délais à la Dre Bélanger et que celle-ci puisse entamer son évaluation. Il lui a dit que le défaut de se conformer à cette demande pouvait mener à des mesures disciplinaires ou administratives. Le col Lalonde a précisé que les conseillers en relations de travail leur avaient dit que cette dernière phrase pouvait être ajoutée. Aucune mesure disciplinaire n’a été imposée. Le maj Rhéaume a indiqué que s’il voulait prendre des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire, il aurait demandé à Mme Simard de préparer des documents. Il a dit fermement qu’il n’avait jamais mentionné le mot « congédier » ou « licenciement » à l’égard du fonctionnaire. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait compris que s’il ne signait pas, il serait congédié.

[217] À partir du 7 mai 2014, le fonctionnaire était en congé sans solde puisqu’il avait épuisé tous ses congés de maladie, personnels et annuels.

[218] Le 9 mai 2014, le fonctionnaire a écrit à Valérie Simoneau, de Santé Canada, pour l’aviser qu’il lui remettrait les deux formulaires de consentement le 12 mai 2014. À cette même date, le fonctionnaire a également écrit à Lise Pelletier, de Santé Canada, qu’il n’avait pas rencontré cinq des neufs médecins figurant dans la liste de la RAMQ aux dates apparaissant sur le rapport de la RAMQ. Il lui a remis les deux formulaires de consentement pour les deux médecins dont ils avaient discuté. Mme Pelletier devait communiquer avec Catherine Lauzon de Santé Canada et directrice du programme à Ottawa.

[219] Le fonctionnaire a témoigné qu’il ne connaissait pas la majorité des médecins. Le 9 mai 2014, il s’est entendu avec Mme Lauzon qu’il signerait des formulaires de consentement pour quatre médecins, mais pas pour les cinq médecins qu’il ne connaissait pas. Mme Pelletier lui a demandé de signer une déclaration selon laquelle il ne connaissait pas les cinq médecins, ce qu’il a fait. Santé Canada ne lui a plus demandé de formulaires de consentement ni de déclaration solennelle.

[220] Le 20 mai 2014, la Dre Bélanger a avisé Mme Simard qu’elle n’était pas en mesure de lui fournir une opinion quant aux limitations fonctionnelles, aux accommodements et à l’aptitude au travail du fonctionnaire.

[221] Le 27 mai 2014, le col Lalonde a avisé le fonctionnaire que, à la suite de son refus de signer sept des neuf formulaires de consentement en vue de la divulgation d’information médicale demandée par la Dre Bélanger, celle-ci ne pouvait émettre l’opinion médicale demandée. Le col Lalonde a réitéré sa demande et a avisé le fonctionnaire que le défaut de se conformer à cette demande pourrait mener à des mesures administratives pouvant aller jusqu’au licenciement.

[222] Le 18 juin 2014, le maj Rhéaume a soutenu la demande de paiement d’indemnité de départ du fonctionnaire.

[223] Le maj Rhéaume a quitté ses fonctions de commandant adjoint en juin 2014. Il a informé son successeur que, vu la complexité et la nature du dossier du fonctionnaire, il pouvait continuer dans ce dossier s’il en avait besoin. Il n’a pas eu beaucoup d’implication; il a autorisé des paiements d’indemnité de départ et de congé. Il a été informé que Santé Canada n’avait pas pu procéder à l’ÉAT.

[224] En ce qui concerne le ton de ses rencontres avec le fonctionnaire, le maj Rhéaume a répondu que le fonctionnaire n’était pas de bonne humeur, mais que ni l’un ni l’autre n’avait eu besoin de baisser le ton. L’information nécessaire était communiquée de façon civilisée. Le maj Rhéaume a affirmé que le fonctionnaire n’avait jamais proféré de menaces.

[225] Au début juillet 2014, le col Lalonde a quitté ses fonctions de chef d’état-major et le fonctionnaire n’avait toujours pas été évalué à la suite de sa lettre du 27 mai 2014. Le col Lalonde a affirmé que, pendant cette période, l’objectif ultime était d’aider le fonctionnaire et de s’assurer que l’ÉAT soit faite le plus rapidement possible pour la sécurité du personnel. Il s’agissait d’un dossier prioritaire pour le maj Rhéaume et Mme Simard, dont le traitement n’a jamais traîné.

[226] Le fonctionnaire a signé cinq autres formulaires de consentement en juillet 2014. La Dre Bélanger a indiqué que, puisque le fonctionnaire avait signé sept des neuf formulaires de consentement, elle planifierait un rendez-vous avec un médecin expert qu’elle choisirait. Mme Simard a consulté le fonctionnaire pour connaître ses disponibilités.

[227] Le 18 août 2014, le fonctionnaire a communiqué avec Mme Lauzon, de Santé Canada, pour l’informer que, puisqu’aucun élément de preuve n’avait été fourni lors de la divulgation de la preuve à la Cour du Québec, Santé Canada était donc en mesure de constater que les accusations criminelles étaient fausses et fabriquées par l’employeur. Il a demandé à Mme Lauzon de communiquer avec lui pour que cette histoire de présumé comportement agressif prenne fin. Le fonctionnaire a indiqué qu’il subissait des torts considérables dans son environnement de travail, dont de la diffamation quant à sa réputation professionnelle.

[228] Le 16 septembre 2014, la Dre Dussault a confirmé avoir vu le fonctionnaire à la clinique sans rendez-vous, le 11 mars 2014. Elle a également confirmé avoir rempli le certificat médical en tenant compte des informations médicales se trouvant à son dossier lors de cette visite.

[229] En octobre 2014, le col Boucher était gestionnaire, chef d’état-major. Mme Simard et le maj Rhéaume lui ont fait part des dossiers de RH, dont celui du fonctionnaire.

[230] Le 2 octobre 2014, le fonctionnaire a rencontré le Dr Louis J. Bérard, de Santé Canada, pendant environ deux heures. Le fonctionnaire a enregistré cette rencontre avec l’approbation du Dr Bérard. Il a aussi demandé une ordonnance de confidentialité concernant cet enregistrement. Je traiterai cette ordonnance plus loin dans cette décision. Le fonctionnaire a constaté que le Dr Bérard avait en main des rapports médicaux qu’il avait donnés à la Sun Life. Le Dr Bérard lui a relaté des extraits du rapport médical et le fonctionnaire lui a demandé comment il les avait reçus, puisqu’il avait retiré son consentement à transmettre des rapports de consultation avec des spécialistes de la santé pendant la période de son congé de maladie de janvier à septembre 2013. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait dit au Dr Bérard qu’il n’avait pas le droit d’avoir les rapports, et qu’il aviserait le syndicat que le Dr Bérard l’avait obtenu de la Sun Life. Le fonctionnaire a appelé Mme Lauzon et lui a tout raconté le 21 octobre 2014.

[231] J’ai écouté attentivement l’enregistrement de cette rencontre déposé en preuve par le fonctionnaire et je constate que le ton de l’entrevue était cordial et respectueux et que le fonctionnaire collaborait. Alors que l’entrevue durait depuis déjà 1 h 40, le Dr Bérard a entamé une discussion sur des rapports médicaux de spécialistes de la santé que le fonctionnaire avait consultés en février 2013. C’est à ce moment que le fonctionnaire lui a dit que le Dr Bérard avait obtenu les rapports illégalement, puisqu’il avait retiré ses consentements à la divulgation de rapports médicaux de consultations pendant la période de son congé de maladie. Le Dr Bérard lui a répondu que les rapports en question faisaient partie du dossier qui lui avait été transmis par la Dre Bélanger. Le Dr Bérard a alors demandé au fonctionnaire s’il était d’accord de continuer l’entrevue ou d’arrêter.

[232] Le fonctionnaire a dit qu’il ne voulait pas discuter de son état de santé pendant la période de son congé de maladie parce que, selon lui et ce qu’un avocat lui avait dit, une ÉAT devait se restreindre à la période pendant laquelle un employé est au travail. Il a dit au Dr Bérard que, en sortant de l’entrevue, son avocat allait communiquer avec lui. Le Dr Bérard a répondu que le fonctionnaire pouvait appeler son avocat tout de suite, s’il le voulait. Le fonctionnaire a dit qu’il ne le ferait pas parce qu’il devait faire certaines vérifications.

[233] Comme le fonctionnaire ne voulait pas continuer l’entrevue, le Dr Bérard lui a dit qu’il communiquerait avec la Dre Bélanger pour l’aviser qu’il y avait un imbroglio concernant l’utilisation de documents transmis, et qu’il n’y aurait pas de rapport tant que la situation n’était pas clarifiée; il n’a pas dit que l’évaluation s’était mal déroulée.

[234] Dans son argumentation, l’employeur a fait référence à la séance avec le Dr Bérard à titre d’exemple que plusieurs faits rapportés par le fonctionnaire différaient de la réalité. Le fonctionnaire a témoigné au sujet des propos du Dr Bérard et de son attitude désobligeante à son endroit. L’enregistrement démontre que les propos rapportés n’ont jamais été prononcés par le Dr Bérard et qu’il n’était pas désobligeant, mais plutôt surpris par le déroulement de la séance lorsque le fonctionnaire l’a accusé d’être illégalement en possession de certains documents. L’employeur a fait valoir que ce qui s’est passé n’était pas important, mais que ce que le fonctionnaire a rapporté dans son témoignage n’était pas exact.

[235] Il y a donc une disparité sur certains points entre le témoignage du fonctionnaire à l’audience et ses dires sur l’enregistrement. Bien que cela puisse être perçu comme affectant d’une certaine façon la crédibilité du fonctionnaire, je me demande pourquoi il aurait déposé en preuve l’enregistrement s’il avait l’intention de le contredire ou de fabriquer des allégations lors de son témoignage. Quel intérêt aurait-il eu d’intentionnellement miner sa propre crédibilité en déposant l’enregistrement? Cela n’a pas de sens. Son témoignage et l’enregistrement concordent quant au déroulement de la rencontre avec le Dr Bérard, mais pas au sujet de certains propos que le Dr Bérard aurait tenus.

[236] Dans les circonstances, je considère que cette disparité n’a pas pour effet de mettre en doute l’ensemble du témoignage du fonctionnaire. De toute façon, je n’en tiens pas compte pour les fins de cette décision. La séance avec le Dr Bérard a eu lieu le 2 octobre 2014, soit plusieurs mois après que le fonctionnaire a été mis en congé de maladie forcé le 26 février 2014; en conséquence, il n’y a aucun lien avec la décision de l’employeur de mettre le fonctionnaire en congé de maladie forcé. Cette séance n’a pas non plus de lien avec le grief alléguant que la mise en disponibilité du fonctionnaire était un congédiement déguisé. Aussi, je considère que le simple fait que le Dr Bérard ait reçu des documents de la Sun Life, l’assureur de l’employeur, ne constitue pas une preuve d’un complot entre la Sun Life et l’employeur.

[237] Le Dr Bérard a appelé la Dre Bélanger pour l’aviser que le fonctionnaire contestait la validité du consentement qu’il avait donné pour l’expertise. Il lui a dit que tant que le fonctionnaire ne signerait pas de consentement pour lui permettre de soumettre son rapport, il ne ferait pas de rapport.

[238] Le 29 octobre 2014, la Dre Bélanger a écrit à Mme Simard que le fonctionnaire avait été renvoyé en expertise au Dr Bérard, qui considérait que le fonctionnaire remettait en question le consentement donné à l’évaluation. Par conséquent, le Dr Bérard ne pouvait transmettre le rapport d’évaluation à moins d’une nouvelle autorisation signée du fonctionnaire. Mme Simard a témoigné que la Dre Bélanger l’avait appelée pour lui faire part du contenu de la lettre du 29 octobre 2014, et qu’elle l’avait informée qu’il n’y aurait pas de rapport.

[239] Le maj Rhéaume a témoigné en contre-preuve qu’il ne connaissait pas le Dr Bérard.

[240] Vers le 4 novembre 2014, le fonctionnaire était toujours en congé de maladie en attente d’une ÉAT par Santé Canada. L’employeur lui a demandé de lui fournir un certificat médical de son médecin traitant attestant qu’il pouvait poursuivre le processus de grief.

[241] Le 13 novembre 2014, le fonctionnaire a écrit à Mme Lauzon, de Santé Canada. Il lui a dit que, conformément à la conversation du 21 octobre 2014, Mme Lauzon reconnaissait que le Dr Bérard avait utilisé des moyens d’interrogatoires illégaux et qu’il avait obtenu des rapports de médecins illégalement dans le cadre de la rencontre du 2 octobre 2014.

[242] Le fonctionnaire a témoigné que Santé Canada, par l’entremise de Mme Lauzon, l’avait avisé que l’employeur n’avait pas la capacité de continuer l’ÉAT parce que l’accusation criminelle était retirée et qu’il n’y avait plus de risque de danger. Cela n’a pas été contredit par l’employeur. Le 5 janvier 2015, le col Boucher a informé le fonctionnaire qu’il serait mis en disponibilité à compter du 10 février 2015, à moins d’être nommé ou muté dans un autre poste au sein de la fonction publique avant cette date. Il a pris connaissance pour la première fois dans cette lettre que l’employeur « […] avait laissé écouler les 15 mois […] » sans l’aviser.

[243] Le 9 janvier 2015, la Dre Josée Pilon, de Santé Canada, a informé Gilles Madore, du bureau de l’ombudsman du ministère, que Santé Canada considérait le dossier du fonctionnaire clos puisque son évaluation était incomplète. M. Madore a informé le fonctionnaire que le processus d’ÉAT était arrêté. Le fonctionnaire a indiqué qu’il recevait une lettre tous les 30 jours et que le dossier n’était pas fermé. M. Madore a voulu organiser une rencontre entre le fonctionnaire et l’employeur. L’employeur lui a dit que le fonctionnaire était en congé de maladie pour « dangerosité » et que, tant qu’il n’y avait pas de certificat médical, l’employeur ne pouvait pas le rencontrer, même pour les deux griefs déposés par le fonctionnaire. Le 30 janvier 2015, le col Boucher a avisé le fonctionnaire que, compte tenu de sa remise en question du consentement qu’il avait signé pour l’évaluation médicale, Santé Canada demeurait incapable de statuer sur son aptitude au travail et ses limitations fonctionnelles. Le col Boucher a demandé une dernière fois au fonctionnaire de fournir une autorisation écrite pour obtenir les informations médicales nécessaires à l’ÉAT et il a précisé que le défaut de se conformer à cette demande pouvait mener à des mesures administratives pouvant aller jusqu’au licenciement. Mme Simard a participé à la rédaction de cette lettre. Le même jour, le fonctionnaire a déposé un grief alléguant qu’il avait été congédié.

[244] Le 10 février 2015, le fonctionnaire a été mis en disponibilité. Du 10 février 2015 au 9 février 2016, le fonctionnaire bénéficiait d’une priorité de mise en disponibilité. Il n’était alors plus fonctionnaire et n’était plus attaché au ministère. Le processus a alors été pris en charge par la Commission de la fonction publique.

[245] Le 21 août 2015, l’employeur a répondu au palier final du grief portant sur l’avis de mise en disponibilité du 5 janvier 2015. Aucun élément n’amenait l’employeur à conclure que la fin d’emploi du fonctionnaire constituait un congédiement.

L. Offres d’emploi et références

[246] Le fonctionnaire a eu des difficultés à obtenir des références pour de futures offres d’emploi. Il a témoigné qu’il s’attendait à ce que les références soient conformes à ses évaluations du rendement et que son absence d’un an et demi était problématique. Il ne voulait pas donner le nom du maj Rhéaume comme référence puisque son superviseur était le maj Martin.

[247] À l’automne 2014, le fonctionnaire a passé une entrevue pour un poste au ministère du Patrimoine canadien. Il ne voulait pas leur dire qu’il était accusé d’être une personne dangereuse. Le fonctionnaire a communiqué avec Mme Simard, qui l’a informé qu’elle en parlerait au maj Rhéaume. Le fonctionnaire a accepté le risque de laisser le maj Rhéaume communiquer avec Patrimoine Canada. Le maj Rhéaume a témoigné qu’il avait demandé au maj Martin de préparer une première ébauche de la demande de référence. Ils se sont ensuite rencontrés pour finaliser le texte.

[248] Alain Couture, de Patrimoine Canada, a appelé le maj Martin et lui a dit qu’il lui enverrait le formulaire de prise de références. M. Couture a envoyé le formulaire au maj Martin le 28 octobre 2014, et lui a demandé de le remplir.

[249] Le maj Martin a témoigné qu’il n’avait pas eu d’aide et qu’il n’avait consulté aucune autre personne pour remplir le formulaire. Il l’a montré au maj Rhéaume avant de l’envoyer à Mme Simard, parce qu’il s’agissait de la chaîne de commandement et que le document allait à l’extérieur; il n’en a pas discuté avec le maj Rhéaume. Le maj Martin ne se souvenait pas pourquoi il l’avait envoyé à Mme Simard. Selon le maj Rhéaume, le maj Martin et lui-même s’étaient rencontrés pour finaliser le contenu de la référence. Le maj Rhéaume a témoigné qu’il n’avait pas pris connaissance des évaluations du rendement du fonctionnaire avant de rédiger cette référence.

[250] Quant au contenu du formulaire de référence, le maj Martin a témoigné l’avoir rempli le jour même, au meilleur de ses connaissances. Les références ne visaient que la période où il a supervisé le fonctionnaire. Il a inclus l’absence d’un an et demi parce qu’il a mis seulement les mois où il a pu évaluer son travail. Il ne s’agissait pas d’une référence positive, bien qu’il affirme avoir dit la vérité. Le maj Martin a témoigné concernant le terme « minutie ». Il a affirmé que, dans le cadre d’un dossier qu’il avait donné au fonctionnaire, l’avocate avait donné des directives très simples. Cependant, le fonctionnaire s’était entêté à travailler à sa façon. Le maj Martin a témoigné que la maj Gauthier et lui avaient constaté que le fonctionnaire avait de la difficulté à s’adapter à l’environnement militaire. La maj Gauthier en avait avisé le fonctionnaire lors d’une rencontre en 2011, à laquelle le maj Martin avait assisté. Le fonctionnaire s’entêtait à ne pas utiliser les bons termes, et ce, même après deux ans de service. Le maj Martin a témoigné que le fonctionnaire utilisait l’expression « service d’hôtellerie et services de restauration » au lieu de l’expression « hébergement et rations ». Aussi, le fonctionnaire utilisait le terme « actionnaires » dans un document comptable alors qu’il n’y a pas d’actionnaires dans le ministère.

[251] À la question à savoir s’il était embêté que le fonctionnaire n’utilise pas les bons grades, le maj Martin a répondu que la non-utilisation de la terminologie militaire par le fonctionnaire portait à confusion. Le maj Martin a affirmé que le fait que le fonctionnaire mélange les grades ne lui faisait pas perdre de sommeil la nuit.

[252] À la question de savoir s’il avait des choses positives à dire au sujet du fonctionnaire, le maj Martin a répondu que oui.

[253] En ce qui concerne son opinion générale du fonctionnaire au travail, le maj Martin a témoigné que tout s’était toujours bien passé et qu’il n’y avait pas de conflit. Lorsqu’il a été renvoyé au fait que le fonctionnaire n’avait donc pas de problèmes au travail, le maj Martin a répondu que pour être contrôleur dans l’armée, il n’était pas nécessaire d’avoir un titre de comptable. Le maj Martin avait l’impression que le fonctionnaire n’estimait pas beaucoup ceux qui n’avaient pas de titres comptables. La situation n’était pas la même pour le maj Martin et la maj Gauthier, car ils avaient des titres comptables.

[254] Après avoir parlé au maj Rhéaume, M. Couture, de Patrimoine Canada, a envoyé un courriel au fonctionnaire lui indiquant qu’il n’avait pas répondu à l’ensemble des critères. Selon le fonctionnaire, le maj Martin a ruiné sa carrière.

[255] Le 4 mars 2015, le ministère des Anciens Combattants a demandé au fonctionnaire l’autorisation de communiquer avec son dernier superviseur auprès de l’employeur pour prendre des références. À la suite de son refus de fournir l’autorisation, le ministère a conclu qu’il ne répondait pas aux exigences essentielles du poste.

[256] Une autre offre d’emploi provenant de l’Hôpital Sainte-Anne-de-Bellevue du ministère des Anciens Combattants est apparue en mars 2015. Le ministère a informé le fonctionnaire qu’il avait de la difficulté à recruter du personnel parce que l’hôpital serait transféré au Gouvernement du Québec. Ils ont invité le fonctionnaire en entrevue. Le fonctionnaire pensait que ça ne fonctionnerait pas en raison du maj Rhéaume. À l’entrevue, le fonctionnaire a été informé qu’il était sélectionné. Le fonctionnaire leur a dit que sa relation avec le ministère était difficile et que la vérification des références serait difficile. Mme Lavoie l’a rappelé le lendemain et lui a dit qu’elle devait parler au supérieur immédiat. Il lui a dit qu’il appellerait à Ottawa pour trouver quelqu’un parce que ses évaluations du rendement étaient très bonnes.

[257] Le fonctionnaire a communiqué avec la sous-ministre adjointe des RH au ministère et a parlé avec l’adjointe de cette dernière pour trouver une solution lui permettant d’éviter le maj Rhéaume. Elle lui a indiqué par courriel que seulement le maj Rhéaume pouvait donner des références. Vu son expérience avec Patrimoine Canada, le fonctionnaire ne voulait pas faire cela et il en a avisé Mme Lavoie.

[258] Le fonctionnaire a reçu une autre offre de l’Hôpital Sainte-Anne-de-Bellevue en juillet 2015. À l’automne 2015, la gestionnaire du poste classifié au groupe et au niveau FI-01 de l’hôpital l’a appelé pour lui demander si la question des références avait été réglée. Le fonctionnaire a répondu que non et elle lui a dit qu’ils ne pouvaient pas aller de l’avant.

[259] Toujours à l’automne 2015, le fonctionnaire a passé une entrevue au ministère des Travaux publics. Après l’entrevue, le représentant du ministère lui a indiqué qu’il était sur la liste des priorités, qu’il était intéressé, et que le fonctionnaire devait leur envoyer des références. Le fonctionnaire leur avait donné ses évaluations du rendement. Compte tenu de l’absence de références, le ministère ne pouvait pas procéder à l’embauche du fonctionnaire.

[260] En contre-interrogatoire, lorsqu’il a été soulevé que le fonctionnaire refusait de fournir des références, celui-ci a témoigné que le maj Rhéaume le présentait comme un tueur en série.

M. Fait subséquent à l’audience

[261] Le 30 janvier 2018, l’avocat du fonctionnaire a écrit à la Commission afin de l’aviser que le fonctionnaire était décédé subitement le 8 janvier 2018.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[262] L’employeur a soutenu que la compétence de la Commission est limitée à ce qui est expressément mentionné dans la LRTSPF. L’article 208 concerne un grief individuel et l’alinéa 209(1)b) limite le renvoi à l’arbitrage à une question de mesure disciplinaire (Chamberlain c. Canada (Procureur général), 2015 CF 50, au paragraphe 40 et suivants).

[263] Les mesures prises par l’employeur envers le fonctionnaire étaient de nature administrative et la Commission n’a donc pas compétence pour instruire les griefs. Toute mesure administrative de l’employeur ne peut faire l’objet d’un examen de la part de la Commission (Ho c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 114; Hood c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2013 CRTFP 49, au paragraphe 120; Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 79, aux paragraphes 92 et 93; Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63).

[264] Selon Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, au paragraphe 22, et Braun et Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63, il ne s’agit pas d’établir si les décisions de l’employeur ont été mal exécutées, mais bien de déterminer s’il avait l’intention d’imposer des mesures disciplinaires. S’il s’agit de mesures administratives, l’analyse doit s’arrêter, peu importe si la Commission est d’accord ou non avec les décisions au moment où elles ont été prises ou si l’employeur aurait pu mieux agir. Bien que les décisions aient pu avoir un impact sur le fonctionnaire, même si le fonctionnaire est en désaccord avec les décisions et s’est senti lésé, il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire pour autant. L’intention de l’employeur n’a jamais été de punir le fonctionnaire en imposant des sanctions disciplinaires. L’employeur reconnaît que la Commission peut évaluer les motifs des mesures prises afin de déterminer si elles étaient raisonnables.

[265] Le fonctionnaire doit s’acquitter du fardeau de démontrer qu’il s’agit de mesures disciplinaires déguisées (Lindsay c. Canada (Procureur général), 2010 CF 389, au paragraphe 46).

1. Grief sur la suspension

[266] Selon l’employeur, la suspension est une mesure purement administrative et la Commission n’a pas compétence. La mesure prise concernait son obligation d’assurer la santé et la sécurité de tous les employés. Depuis quelque temps, l’employeur était préoccupé par la santé du fonctionnaire. En conséquence, il a décidé de le mettre en arrêt de travail et de procéder à une ÉAT. Le fonctionnaire semblait être en confrontation avec tout le monde.

[267] L’employeur a fait valoir qu’il faut faire la différence entre les différents acteurs. Pour déterminer l’intention de l’employeur, la Commission doit se pencher sur les acteurs qui avaient le pouvoir de prendre les décisions ayant un impact sur le fonctionnaire, et non sur toute personne impliquée de près ou de loin dans le dossier, qu’il s’agisse de fonctionnaires ou non. Les propos, actions et décisions prises par Santé Canada et ses médecins, la police militaire, la conseillère en ressources humaines, le procureur de la Couronne dans le dossier criminel, les employés de la Sun Life ou la SPVM ne doivent pas tous être pris en considération dans la détermination de l’intention de l’employeur. La décision de suspendre le fonctionnaire a été prise par le col Lalonde, sur recommandation du maj Rhéaume et de Mme Simard. La Commission ne doit pas tenir compte des décisions qui n’ont pas été prises par l’employeur, notamment l’exigence de Santé Canada que toute communication soit effectuée par le biais de l’employeur.

[268] L’employeur a fait remarquer que la police militaire était indépendante. Le col Lalonde et le maj Rhéaume ont témoigné qu’ils ne pouvaient pas lui donner des ordres. Les agissements de la police militaire n’ont pas servi de fondements dans la décision de l’employeur. Il n’y a pas de preuve de collusion entre le maj Rhéaume et le col Lalonde avec la police militaire. C’est la police militaire qui a décidé d’enquêter. Il n’y a pas de preuve que la police militaire ait pris le dossier en main en raison des ordres du col Lalonde ou du maj Rhéaume.

[269] L’employeur a réfuté l’allégation voulant que le maj Rhéaume ait pris plaisir à discuter avec la Sun Life et qu’il ait monté de toute pièce, de concert avec la Sun Life, une histoire de menace et de plainte à la police militaire. Le maj Rhéaume a indiqué que, avant l’incident, il ne savait pas que le fonctionnaire était couvert par la Sun Life pendant sa maladie. Il a indiqué ne jamais avoir communiqué avec la Sun Life, sauf lors d’un appel qui a eu lieu après les faits.

[270] Selon l’employeur, l’intention n’a jamais été de punir le fonctionnaire. Le maj Rhéaume et le col Lalonde ont témoigné que le fonctionnaire était en droit de déposer des griefs et que leur dépôt n’avait aucune influence sur la décision de demander une ÉAT. L’intention était d’assurer un milieu de travail sain et sécuritaire pour tous et de s’assurer que, si le fonctionnaire avait besoin d’aide, qu’il la recevrait.

[271] L’employeur a fait valoir qu’il avait le droit de demander à un employé de se présenter à l’ÉAT s’il avait des motifs de croire que l’employé pourrait présenter un risque pour la sécurité du milieu du travail. L’employeur m’a renvoyé à Hood, au paragraphe 118; Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 79; Campbell c. Conseil du Trésor (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1996] C.R.T.F.P.C. no 35 (QL), au paragraphe 61. L’employeur a souligné que le maj Rhéaume avait témoigné au sujet de son expérience de commandant et de son passé d’éducateur de jeunes, et que cette expérience lui laissait croire que le fonctionnaire était dans une « spirale de confrontation » avec tout le monde et qu’il avait besoin d’aide. Le fait que la police militaire l’informe que le fonctionnaire avait tenu des propos menaçants envers une employée de la Sun Life a constitué l’événement déclencheur. Peu importe la teneur des propos tenus, le maj Rhéaume a jugé qu’il ne pouvait faire fi de ses inquiétudes et qu’il devait s’occuper du bien-être de tout le personnel, y compris celui du fonctionnaire. La situation était délicate pour l’employeur : il devait choisir entre laisser aller la situation et prendre le risque qu’un incident survienne, ou agir immédiatement et peut-être se faire reprocher d’avoir été trop prompt si l’évaluation médicale démontrait qu’il n’y avait pas de danger.

[272] L’employeur a tenté d’agir de la façon la moins intrusive possible. Il a d’abord demandé au fonctionnaire de voir son médecin traitant pour une évaluation médicale. Les exigences de l’employeur étaient clairement établies dans la lettre que le fonctionnaire devait remettre au médecin. Le fonctionnaire n’a pas rempli les exigences. Le certificat médical remis par le fonctionnaire ne répondait en rien aux questions de l’employeur. Le certificat médical était fondé sur des informations de septembre 2013, lors d’un précédent retour au travail. Entre septembre 2013 et la lettre du 2 mars 2014, il y a eu des événements qui ont amené l’employeur à demander l’évaluation médicale, d’où l’importance de remettre la lettre au médecin. Le fonctionnaire a admis ne pas avoir remis la lettre au médecin (voir Campbell, au paragraphe 61 (« risques et périls »)). Le défaut du fonctionnaire de se conformer aux directives de l’employeur a obligé ce dernier à recourir au processus de Santé Canada.

[273] L’employeur a souligné la « dure collaboration » du fonctionnaire dans le processus d’ÉAT. Les premiers formulaires de consentement n’étaient pas conformes aux exigences de Santé Canada. Le fonctionnaire a refusé de consentir à ce que le médecin de Santé Canada communique avec un autre médecin pour obtenir l’information médicale au dossier. Le fonctionnaire a d’ailleurs témoigné au sujet de ses objections relatives aux consentements. L’employeur a effectué une dernière tentative auprès du fonctionnaire pour obtenir son autorisation le 30 janvier 2015. Mme Simard savait que le fonctionnaire serait mis en disponibilité et qu’il aurait avantage à se faire évaluer avant la mise en disponibilité. Le fonctionnaire n’a jamais fourni de nouvelles autorisations de consentement. Peu importe les raisons pour lesquelles le fonctionnaire ne voulait pas donner son consentement ou limiter la période visée comme il l’a témoigné, les délais ont été causés par le fonctionnaire et non l’employeur. Chaque étape du dossier dont l’employeur a été responsable a été accomplie sans délai. L’employeur n’était que la courroie de transmission d’informations entre le fonctionnaire et Santé Canada. Les délais ne peuvent être imputés à l’employeur, pas plus qu’une intention quelconque ou de mauvaise foi (voir Taticek c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 12, au paragraphe 113).

2. Grief sur le licenciement

[274] Le droit de l’employeur de mettre des employés en disponibilité est prévu par la LEFP et le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334, et fait partie du contrat d’emploi accepté par le fonctionnaire lorsqu’il s’est joint à la fonction publique. La mise en disponibilité découle de la LEFP, qui prévoit certains recours qui ne peuvent faire l’objet d’un grief individuel au sens du paragraphe 209(1) de la LRTSPF. Le renvoi à l’arbitrage n’est pas possible. Le droit de priorité pendant un an après la mise en disponibilité ne s’accorde pas avec la notion de congédiement.

[275] L’employeur souligne que le paragraphe 208(2) de la LRTSPF prévoit qu’un employé ne peut présenter de grief individuel si un autre recours administratif lui est disponible (voir Brown c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 127, aux paragraphes 13 et 14; Brown c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1205, aux paragraphes 28 et 29.

[276] Selon l’article 211 de la LRTSPF, toute fin d’emploi prévue à la LEFP échappe à la compétence de la Commission (voir Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90, aux paragraphes 94 à 99). Le fonctionnaire aurait pu faire une plainte d’abus de pouvoir relativement à sa mise en disponibilité. Si la Commission avait trouvé que sa plainte était justifiée, elle aurait pu annuler la mise en disponibilité (par. 65(4) de la LEFP). Le législateur a prévu dans la LEFP un recours pour les employés mis en disponibilité.

[277] L’employeur a soutenu que l’existence d’un recours élimine le principe de licenciement illicite dans le secteur public : Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, au paragraphe 178; Stevenson c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social Canada), 2016 CRTEFP 17, aux paragraphes 72-73; Cadbury Adams Canada Inc. and United Food and Commercial Workers Canada Local 175 (2008), 169 L.A.C. (4th) 249, aux paragraphes 11 à 14; Kershaw (Re), [2002] B.C.L.R.B.D. No. 32 (QL), au paragraphe 59. La notion de manquement fondamental au contrat d’emploi ou une modification substantielle du contrat est une notion essentielle au concept de licenciement illicite (voir Howard A. Levitt, The Law of Dismissal in Canada, Volume 1, 3e édition, Canada Law Book).

[278] Selon l’employeur, la décision d’abolir le poste du fonctionnaire a été prise après réflexion et consultation, alors que l’employeur devait se soumettre à un exercice de compressions budgétaires. Le col Lalonde a témoigné que l’analyse par l’employeur avait démontré que les fonctions principales du poste du fonctionnaire n’occupaient pas tout son temps et qu’elles devaient être attribuées au contrôleur ou au contrôleur adjoint. Le fonctionnaire n’a pas contredit ce témoignage. Le fonctionnaire n’a pas formulé d’objection à l’abolition de son poste, que ce soit lorsqu’il en a été informé en mai 2013 ou lorsqu’il a reçu la lettre d’optant.

[279] L’employeur a avancé que la DRE fait partie de la convention collective (article 51). L’employeur doit appliquer la convention collective et n’a pas de pouvoir discrétionnaire. La durée de la période de priorité applicable au fonctionnaire est déterminée par l’alinéa 5(2)c) du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, qui se lit comme suit :

5 (1) Tout fonctionnaire qui a été informé par l’administrateur général que ses services ne sont plus nécessaires, mais dont l’éventuelle mise en disponibilité n’a pas pris effet, a droit à une priorité de nomination absolue — après les priorités prévues aux articles 39.1 et 40 et aux paragraphes 41(1) et (4) de la Loi — à tout poste dans la fonction publique pour lequel, selon la Commission, il possède les qualifications essentielles visées à l’alinéa 30(2)a) de la Loi.

(2) Le droit commence le jour où le fonctionnaire est déclaré excédentaire par l’administrateur général et se termine au premier en date des jours suivants :

[…]

c) le jour où il est mis en disponibilité.

[280] L’employeur a fait valoir qu’il faut lire ce règlement conjointement avec la DRE, dont la clause 6.3.1(a)(i), qui précise ce qui a été offert au fonctionnaire, est libellée comme suit :

6.3.1 Seul l’employé optant qui ne reçoit pas une garantie d’offre d’emploi raisonnable de son administrateur général aura le choix entre les options suivantes :

(a)

(i) une priorité d’employé excédentaire d’une durée de douze mois pour trouver une offre d’emploi raisonnable. Si une offre d’emploi raisonnable n’est pas faite au cours de ces douze mois, l’employé sera mis en disponibilité conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’employé qui exerce cette option ou qui est présumé l’exercer est excédentaire.

[…]

[281] L’employeur a affirmé ne pas vouloir punir le fonctionnaire. En mai 2013, alors qu’il était en congé de maladie, le fonctionnaire a été avisé de l’abolition de son poste. Vu cette situation, le processus de choix devait débuter seulement après son retour de congé de maladie. Mme Simard a témoigné que cette décision avait été prise pour ne pas le punir indûment, parce que le délai de procédure commençait à courir au moment où il recevrait la lettre d’optant avec les choix.

[282] Il incombait au fonctionnaire de s’acquitter du fardeau de la preuve de démontrer qu’il y a eu congédiement, ce qu’il n’a pas fait. La preuve n’appuie pas l’idée que l’employeur avait l’intention de punir un comportement fautif quand la décision d’abolir le poste du fonctionnaire a été prise. La décision a été prise avant les événements menant au congé de maladie forcé du fonctionnaire. Les événements subséquents devraient avoir un impact minimal sur l’analyse de l’intention de l’employeur. Le problème de santé du fonctionnaire n’a pas entraîné une mauvaise conduite de la part de l’employeur, malgré ce qu’il a pu laisser entendre dans son témoignage. La preuve a établi que l’abolition du poste du fonctionnaire ne découle pas de ses problèmes de santé, puisque les témoins de l’employeur ne savaient rien de la raison du congé de maladie. Le poste a été aboli parce que les fonctions pouvaient être attribuées à d’autres. Cette preuve n’a pas été contredite. Le col Lalonde a témoigné que l’idée voulant que la dépression n’existe pas dans les Forces armées était un vieux préjugé qui n’existe pas.

[283] Plusieurs allégations comprennent de graves accusations de collusion. Ces accusations ne peuvent être fondées sur des allégations ou perceptions, mais sur une preuve claire et convaincante. Les accusations découlent d’une perception subjective des événements par le fonctionnaire.

[284] Dans son ensemble, la version du fonctionnaire n’est pas crédible et ne s’accorde pas avec l’ensemble de la preuve. Une grande partie du témoignage du fonctionnaire est contredite par les témoins de l’employeur. La version cohérente rapportée par tous les témoins de l’employeur, appuyée par la preuve documentaire, devrait être retenue.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

1. Crédibilité des témoins

[285] La crédibilité des témoins est un exercice global (Casavant Frères Ltée et le Syndicat des employés de Casavant Frères Ltée (C.S.D.), SOQUIJ AZ-86141173 (tribunal d’arbitrage, 26 juin 1986), aux paragraphes 16 à 18). Les témoignages où les témoins disent « ne pas se souvenir » ne font pas preuve devant le témoignage précis du fonctionnaire.

[286] Le fonctionnaire a fait valoir que l’employeur demande à la Commission de faire un exercice d’abattage comme suit : l’employeur souhaite que la Commission ignore totalement tout le témoignage du fonctionnaire ainsi que la preuve qui contredit les témoins de l’employeur et les contradictions. L’employeur souhaite aussi que la Commission ignore des faits, par exemple la rencontre du 19 décembre 2013, à laquelle ont participé le fonctionnaire, le maj Rhéaume et le maj Martin, ainsi que la rencontre du 3 février 2014, à laquelle le col Lalonde a convoqué le fonctionnaire pour lui dire qu’il devait se faire évaluer.

[287] Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur invite la Commission à escamoter la preuve en fermant l’œil sur les rapports de la police militaire. Les rapports écrits de la police militaire consistent en des documents officiels préparés sous serment. La production d’un faux rapport de police est une infraction criminelle (article 128 du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46)). Il est incompréhensible que l’employeur demande d’écarter ces documents. Si l’employeur avait des doutes sur les documents, il pouvait faire venir un témoin pour être contre-interrogé. Les témoignages des maj Rhéaume et Martin contredisent les rapports de la police militaire. Quant au rapport du cpl Vincent Gauthier, en date du 25 février 2014, le maj Martin a témoigné qu’il n’avait aucun souvenir des items a, b, et c, soit :

a) Maj MARTIN confirme que dans l’avant-midi du 14 fév 14, il a entendu M. GARIÉPY avec une personne de la FINANCIÈRE SUNLIFE;

b) à un certain moment de la conversation, ce dernier s’est mis à hausser le ton, mais n’a pas été capable de confirmer si M. GARIÉPY a proféré des menaces à la personne à l’autre bout du fil;

c) Maj MARTIN a confirmé que M. GARIÉPY n’a pas une bonne historique [sic] de travail dû à son attitude;

[288] Le fonctionnaire a soulevé les interrogations suivantes : quel serait l’intérêt de la police militaire de fabriquer les propos du maj Martin et quel serait l’intérêt du maj Martin d’affirmer qu’il n’a pas entendu de menaces. Il a soutenu que le maj Martin ne voulait pas contredire le maj Rhéaume et que la mesure était disciplinaire parce que le fonctionnaire avait un problème d’attitude. Le fonctionnaire a soulevé la question de savoir quel serait l’intérêt de la police militaire d’écrire le terme « congédier » dans le rapport de la police militaire concernant l’entrevue avec le maj Rhéaume, daté du 27 février 2014. Le fonctionnaire a fait référence au fait que le maj Rhéaume avait mentionné que l’incident avec la Sun Life avait déclenché le processus de congédiement à la suite de l’accumulation des tous les incidents antérieurs. Selon lui, si le grief est accueilli, le maj Rhéaume perdrait la face et aurait intérêt à défendre sa théorie relative à la cause.

[289] Selon la preuve, il y a loin d’une cloison étanche entre la police militaire et le commandant. Le 14 février 2014, la police militaire a porté à l’attention du maj Rhéaume la conversation avec la Sun Life. Le fonctionnaire n’a pas contesté que la conversation avait eu lieu; il conteste qu’il y ait proféré des menaces.

[290] Le fonctionnaire a affirmé que beaucoup de personnes avaient sauté à des conclusions rapides, dont le maj Anderson, ainsi que Mme Aubin devant la lcol Pelletier, qui a tout de suite appelé la police militaire. Mme Aubin a témoigné qu’elle se sentait harcelée par le fonctionnaire. Cependant, elle a été incapable d’énoncer des gestes de menace de la part du fonctionnaire. Elle a témoigné que le fonctionnaire n’avait jamais été menaçant à son égard et qu’il n’avait jamais blasphémé devant elle. Mme Aubin a également témoigné que le ton du fonctionnaire dans un courriel avait été arrogant. Pourtant, ce courriel a été soumis au maj Rhéaume qui ne l’a pas trouvé arrogant. Quant au maj Rhéaume, il cherchait à « alimenter son dossier » du fonctionnaire. Sa crédibilité est également entachée par le fait qu’il ait témoigné qu’il ne savait pas que la Sun Life assurait les employés alors qu’il a passé sa carrière dans les Forces armées, ce qui ne résiste pas au test de la crédibilité.

[291] Le dossier comprend beaucoup de déclarations du fonctionnaire, toutes contemporaines aux événements : les griefs, les déclarations à la police militaire, les menaces du col Lalonde, les griefs au Service du Génie et au 25e Dépôt, ainsi que la rencontre avec le col Lalonde le 3 février 2013. Le fonctionnaire a beaucoup écrit; ses déclarations écrites sont constantes et cohérentes. Il parle toujours des mêmes faits. Son témoignage est précis et n’est pas contredit par l’employeur.

2. Grief sur la suspension

[292] Selon le fonctionnaire, la Commission a compétence pour instruire le grief puisque la mesure est disciplinaire. Il est incontestable qu’il s’agit d’une suspension puisque l’employeur a privé le fonctionnaire de son droit de fournir du travail. La suspension était sans solde; le fonctionnaire n’a pas été rémunéré après le 26 février 2014. Dans Basra c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 24, au paragraphe 14, la Cour d’appel fédérale a indiqué que le fait que la suspension soit sans traitement aurait pu être suffisant en soi pour permettre de conclure que la mesure était disciplinaire. Comme le fonctionnaire a été privé de son salaire unilatéralement par l’employeur, il y a une présomption de caractère punitif de la mesure.

[293] Le fonctionnaire a fait référence aux paragraphes 23, 24, 25 et 35 de Frazee. La Commission peut examiner les éléments sous-jacents au motif énoncé par l’employeur afin de déterminer quelle était sa véritable intention. Le problème de la mesure disciplinaire déguisée peut aussi être abordé par l’examen des effets de la mesure sur l’employé. Lorsque l’incidence de la décision de l’employeur est grandement disproportionnée par rapport au motif administratif qui est invoqué, la décision peut être considérée disciplinaire. Au paragraphe 25 de Frazee, on mentionne un autre facteur qui doit être pris en considération, comme suit :

[…] les répercussions de la décision sur les perspectives de carrière de l’employé et la question de savoir si l’incident en cause ou le point de vue de l’employeur à cet égard peut sembler être lié à la conduite de l’employé pouvant être rectifiée ou à sa conduite coupable, si la décision prise était de nature corrective et si la mesure de l’employeur a eu un effet préjudiciable immédiat sur l’employé.

[294] Le fonctionnaire a plaidé qu’en l’espèce, outre le fait que l’employeur ait bloqué ses références, il a dû vendre sa maison, a eu des difficultés énormes à se trouver un autre emploi et a subi des frais extrajudiciaires. Le maj Rhéaume a attendu 12 jours avant d’agir. En ce qui concerne la préoccupation du col Lalonde quant à la santé et la sécurité des employés, le fonctionnaire s’est questionné à savoir pourquoi le col Lalonde l’avait rencontré trois semaines auparavant pour lui demander de retirer ses griefs.

[295] Selon le fonctionnaire, la Commission ne peut se satisfaire que de l’intention de l’employeur. La Commission doit aller derrière le voile. Une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances en arriverait à la conclusion qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire. Le fonctionnaire a fait allusion à Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2014 CRTFP 79, aux paragraphes 10 et 87, où, a contrario, le fonctionnaire avait clairement des problèmes médicaux; Féthière c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2016 CRTEFP 16, aux paragraphes 202 à 207, qui s’applique en ce sens que l’employeur a cherché à faire retirer les deux griefs; Gauthier c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 94, aux paragraphes 71 à 75, et Finlay c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 59, qui porte sur la nécessité d’une enquête.

[296] Le col Lalonde a témoigné quant aux motifs de l’employeur pour procéder à la suspension le 26 février 2014. Il a dit que lors de la conversation du fonctionnaire avec quelqu’un de la Sun Life, le ton est monté et le fonctionnaire aurait dit : « ça va barder », ou quelque chose du genre. Selon la version du maj Rhéaume, le fonctionnaire n’aurait pas dit : « ça va barder », mais aurait utilisé le terme « bombe ». En contre-interrogatoire, l’avocat du fonctionnaire a demandé au maj Rhéaume pourquoi le col Lalonde n’en avait pas parlé. Le maj Rhéaume a répondu qu’il fallait en parler avec le col Lalonde, mais que lui-même n’avait pas rapporté une bombe au col Lalonde. Mme Simard n’a pas parlé de bombe ou de menaces de mort. Le fonctionnaire aurait menacé de mettre une bombe depuis une base militaire, mais le col Lalonde n’a rien fait pendant 12 jours. Cela n’a aucun sens. Malgré l’incident avec la Sun Life, le fonctionnaire a continué de travailler pendant 12 jours à la suite de cet incident.

[297] Le fonctionnaire s’est interrogé à savoir pourquoi la référence à la bombe ne figurait pas dans la lettre au médecin du 4 mars 2014. Selon lui, il aurait été important de l’inclure dans la lettre. La raison est simple : les menaces n’ont pas été rapportées au maj Rhéaume, ni au col Lalonde, ni à Mme Simard parce qu’il n’y a pas eu de menaces.

[298] Le fonctionnaire a appris de l’ombudsman, en mai 2014, qu’on l’accusait d’avoir menacé de mettre une bombe. Le fonctionnaire s’est questionné au sujet de ce qui s’était passé entre février et mai 2014. L’employeur n’a pas agi rapidement alors que le fonctionnaire aurait fait des menaces de bombe, ce qui, encore une fois, n’a pas de sens.

[299] Dans la lettre de suspension du 26 février 2014, l’employeur a fait référence à « une accumulation des incidents antérieurs », ce qui démontre le caractère disciplinaire de la suspension puisque l’employeur renvoie à une gradation ascendante dans les incidents. Dans le rapport du cpl Gauthier, en date du 25 février 2014, relativement à son entrevue avec le maj Martin, le maj Martin fait référence au fait que le fonctionnaire n’avait pas un bon historique de travail en raison de son « attitude », en faisant allusion au fait que le fonctionnaire avait déposé des griefs, qu’il n’avait pas respecté les grades militaires et qu’il avait parlé « en hôtelier ». Il y a plusieurs indices du caractère disciplinaire de la suspension.

[300] Le fonctionnaire a fait valoir que, selon Canada (Procureur général) c. Grover, 2007 CF 28, aux paragraphes 64 et suivants, la Commission doit décider si l’employeur avait des motifs raisonnables de contourner le droit du fonctionnaire à sa vie privée. En se fondant sur Grover, le fonctionnaire a fait valoir qu’une demande d’examen médical indépendant à Santé Canada pour déterminer s’il était apte à travailler est une mesure qui ne devait être envisagée que dans des circonstances exceptionnelles et claires. Ainsi, si l’employeur ne s’acquitte pas du fardeau de la preuve qui lui incombe et que la suspension demeure sans solde, cela est suffisant pour accueillir le grief. Selon les paragraphes 17 et 18 de Basra, l’arbitre de griefs doit déterminer s’il y avait des motifs pour une ÉAT.

[301] Le maj Rhéaume et Mme Simard n’ont pas expliqué pourquoi ils n’étaient pas satisfaits du certificat médical de la Dre Dussault. Mme Simard a indiqué qu’elle avait une intuition. L’employeur n’a pas demandé au fonctionnaire de s’expliquer. L’employeur a décidé de s’improviser médecin sur la base de l’intuition de Mme Simard, sans donner au fonctionnaire la possibilité de s’expliquer sur la genèse du certificat médical.

[302] Le fonctionnaire a affirmé qu’il avait une entente avec Santé Canada et qu’il ne devait fournir que quatre consentements, ce qui n’a pas été respecté par l’employeur. Dans Hood, l’employeur a offert de l’aide à l’employé avant de demander une ÉAT, ce qui n’a pas été fait à l’égard du fonctionnaire. L’employeur n’a jamais communiqué une conduite « bizarre » et a prétendu ne pas connaître la raison de la maladie du fonctionnaire avant le 26 février 2014. Le fonctionnaire a témoigné que, lors de la suspension, le maj Rhéaume lui avait dit que peu importe le billet médical, il ne serait pas accepté, parce qu’il y aurait une ÉAT. Tout ce qui a été fait par l’employeur dans Hood n’a pas été fait dans le cas du fonctionnaire. Comme il est mentionné au paragraphe 109 de Hood, moins l’employeur a de raisons légitimes de demander une ÉAT, plus cela indique qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire.

[303] Dans la lettre de suspension, il n’y a aucun élément mentionnant la santé du fonctionnaire. Les témoins de l’employeur affirment qu’ils n’ont pas parlé au fonctionnaire de sa situation médicale avant le 26 février 2014. Bien que l’employeur estime que le fonctionnaire ait eu un comportement étrange, voire inquiétant, aucun fait ne soutient cette affirmation.

[304] Selon Basra, aux paragraphes 17 et 18, la Commission doit déterminer s’il y avait des motifs d’avoir recours à une évaluation de l’aptitude au travail.

[305] Le fonctionnaire a avancé que la suspension du 26 février 2014 équivaut à un licenciement illicite, conformément au paragraphe 72 de l’arrêt Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, 2004 CSC 55. En se fondant sur l’arrêt Potter c. Commission des services d’aide juridique du Nouveau-Brunswick, 2015 CSC 10, le fonctionnaire a soutenu que la notion de licenciement illicite devrait s’appliquer en régime syndiqué.

3. Grief sur le licenciement

[306] Le fonctionnaire a soutenu que la mesure prise par l’employeur est un congédiement déguisé. Selon le fonctionnaire, il y a suffisamment d’information selon laquelle l’employeur ne voulait pas du fonctionnaire. Chaque fois que l’employeur estimait que le fonctionnaire n’agissait pas assez vite avec l’ÉAT, il le menaçait de mesures disciplinaires, et même de congédiement, dont la lettre du col Boucher du 30 janvier 2015, sommant le fonctionnaire de fournir son consentement sur les formulaires pour l’ÉAT. Le terme utilisé était « licenciement » s’il ne se conformait pas.

[307] Selon le fonctionnaire, l’employeur voulait se débarrasser de lui. Selon la maj Marion, le fonctionnaire était un inadapté social. Un préjudice à l’égard du fonctionnaire était solidement ancré dans l’esprit de Mme Aubin et du maj Anderson comme quoi le fonctionnaire était un tueur. Lorsque le fonctionnaire a déposé des griefs, le col Lalonde lui a dit de les retirer ou que ça irait mal par la suite pour lui. Ce témoignage n’a pas été contredit. Le maj Rhéaume, qui n’a jamais travaillé avec des adultes, a témoigné que la conduite du fonctionnaire était « bizarre » et que c’était pour cette raison que le fonctionnaire était en congé de maladie forcé. L’employeur voulait tellement se débarrasser du fonctionnaire que « l’intuition » de Mme Simard a fait en sorte qu’elle a appelé la Dre Dussault. Elle n’a pas demandé d’explications au fonctionnaire et ne l’a pas informé par la suite. L’employeur attendait que le fonctionnaire devienne excédentaire. L’employeur n’a pas utilisé tous les moyens raisonnables pour lui trouver un autre emploi dans la fonction publique. À l’automne 2014, l’employeur a été informé qu’il n’y avait plus d’accusations criminelles contre le fonctionnaire, mais a quand même maintenu sa demande d’ÉAT. Il n’y a rien qui empêchait l’employeur de retirer cette demande. Le fonctionnaire a témoigné que Mme Lauzon de Santé Canada avait demandé à l’employeur d’arrêter le processus de l’ÉAT à la suite du retrait des accusations criminelles, ce qui a été refusé. Ce témoignage n’a pas été contredit.

[308] Le fonctionnaire a soutenu que la Commission avait compétence pour instruire une affaire relative à une violation de la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE). L’employeur a des obligations qui découlent de la DRE. L’employeur doit offrir au fonctionnaire une garantie d’emploi raisonnable (voir l’article 1.1.1 de la DRE), ce qu’il n’a pas fait. Il a donné au fonctionnaire un bureau fermé pour se chercher un poste ailleurs qu’au ministère. Tous les postes acheminés au fonctionnaire n’étaient pas au ministère. L’employeur a dressé des obstacles à l’égard des deux postes auxquels le fonctionnaire a postulé (au Service du Génie et au 25e Dépôt). Il ne s’agit pas d’un comportement compatible avec l’art 1.1.1 de la DRE (Grover, au paragraphe 135). Conformément à l’article 7 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, l’employeur avait le pouvoir discrétionnaire de prolonger la période de priorité dans le cas d’un fonctionnaire souffrant d’une invalidité.

[309] Le fonctionnaire a affirmé que l’employeur lui « a fermé les portes » du ministère et que, en conséquence, il ne pouvait considérer que des postes ailleurs pour lesquels l’employeur a aussi dressé des obstacles en sabotant les références. Le fonctionnaire a refusé de donner des références à Patrimoine Canada et à Sainte-Anne-de-Bellevue. Le fonctionnaire a fait valoir qu’il n’était pas possible qu’il n’y ait aucun élément positif à mentionner aux fins de références. Le maj Martin a choisi de ne mettre que des éléments négatifs; il n’a pas tenté de trouver des éléments positifs dans l’évaluation du rendement du fonctionnaire.

C. Réplique de l’employeur

[310] Le fonctionnaire aurait pu convoquer des témoins pour corroborer sa preuve testimoniale, mais il s’en est remis à son seul témoignage et aux conclusions qu’il a tirées des documents déposés. Cela n’est pas suffisant pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait pour établir la mauvaise foi de l’employeur. L’employeur a soutenu qu’il n’est pas si clair que la Cour d’appel fédérale, dans Basra, a déterminé qu’il y avait une présomption qu’une suspension sans solde était disciplinaire. Au paragraphe 17 de Basra, on mentionne qu’il faut déterminer l’intention de l’employeur, ce qui ne veut pas dire que, lorsqu’un employé est suspendu sans solde, la suspension est automatiquement de nature disciplinaire. Selon le fonctionnaire, si l’employeur n’avait pas de motifs légitimes suffisants, il n’avait pas d’autre choix que de conclure que la mesure était disciplinaire. Ce lien ne peut être fait automatiquement. La question est de savoir si l’employeur avait l’intention de discipliner le fonctionnaire et, pour y répondre, la Commission doit examiner toute la preuve.

[311] Concernant le rapport de la police militaire, l’employeur a renvoyé à des documents précis. Plusieurs de ces documents ont été contredits par ses témoins. Le fonctionnaire n’a pas fait venir des témoins concernant la police militaire.

[312] L’employeur n’a pas affirmé que le fonctionnaire mentait. Il a toutefois fait valoir que la version du fonctionnaire représentait sa perception des faits, ses impressions et ses inférences généralement non soutenues par la preuve documentaire. Selon l’employeur, le fonctionnaire a tenté de faire dire aux documents ce qu’ils ne disent pas, par exemple, le lien entre la Sun Life et l’employeur. En accordant foi à cet exemple, on ignore alors le témoignage du maj Rhéaume qui n’a jamais communiqué avec la Sun Life. La Commission ne peut conclure que l’employeur et la Sun Life communiquaient régulièrement. La prépondérance des probabilités ne s’accorde pas avec le témoignage du fonctionnaire. Le fait que le fonctionnaire soit constant dans ses déclarations ne fait pas en sorte que ces déclarations deviennent la réalité; cela demeure subjectif.

[313] Quant aux témoins de l’employeur qui auraient eu des trous de mémoire à leur convenance, l’employeur a affirmé qu’ils avaient plutôt nié certains faits et propos. Il est normal que les témoins ne se souviennent pas des menus détails, par exemple que le maj Rhéaume avait réagi à l’incident allégué de la bombe 12 jours après les faits allégués. Dans son interrogatoire en chef, le maj Rhéaume a témoigné que lorsqu’il en a été informé, il a immédiatement appelé Mme Simard. Le lendemain, il a rencontré le fonctionnaire pour le mettre en congé de maladie. Cette chronologie est soutenue par la lettre du 4 mars 2014, signée par le col Lalonde concernant l’ÉAT. La lettre renvoie à la rencontre entre le fonctionnaire, le maj Martin et le maj Rhéaume le 26 février 2014, et à l’événement « qui nous a été rapporté par des agents de la police militaire le 25 février en après-midi ». Le rapport de la police militaire était entre les mains du maj Martin le 25 février 2014.

[314] Tous les témoins de l’employeur étaient cohérents et leurs témoignages concordaient. Le fonctionnaire a suggéré des réponses à des questions qu’il a lui-même soulevées. Ses réponses ne constituent pas une preuve de, par exemple, pourquoi l’employeur a attendu à janvier 2015 pour une ultime tentative d’évaluer le fonctionnaire.

[315] La DRE n’a jamais été soulevée dans les griefs. Elle a été soulevée dans d’autres griefs déposés par le fonctionnaire. L’employeur n’a jamais été avisé et n’a pas eu la chance de présenter des éléments de preuve à cet égard. L’interprétation de la DRE n’est pas pertinente; les obligations de l’employeur figurent dans la DRE. La question est d’établir si l’employeur avait une intention disciplinaire en prenant sa décision. Comme la DRE fait partie de la convention collective, cet argument devrait normalement impliquer l’agent négociateur. L’employeur a soutenu que Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 CF 109 (C.A.) s’applique à cet argument.

[316] En ce qui concerne l’obligation de l’employeur d’offrir une garantie d’offre d’emploi raisonnable au sein du ministère, Mme Simard a témoigné qu’il n’y avait pas une telle offre au ministère.

[317] En ce qui concerne la suspension avec ou sans solde, l’employeur n’a jamais tenté de dire que le fonctionnaire avait touché un salaire. Le fait que le fonctionnaire avait droit aux congés n’est pas contesté. Mme Simard a témoigné comme quoi l’employeur voulait alléger l’impact financier, ce qui signifie que l’employeur n’était pas animé par un esprit de vengeance ou de malice.

[318] Quant au licenciement illicite, l’employeur, en réaction à Cabiakman, a renvoyé au paragraphe 64 de King c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 45, où la Commission a mentionné qu’il était possible et nécessaire d’établir une distinction entre le régime législatif de la fonction publique fédérale et celui examiné dans Cabiakman. En réponse à Potter, l’employeur a répondu que le concept de licenciement illicite n’avait pas sa place dans un milieu syndiqué et a renvoyé à Hassard et Stevenson à cet égard.

[319] Dans plusieurs lettres de l’employeur au fonctionnaire, il est mentionné : « à défaut […] mesures administratives ou disciplinaires ». Le fonctionnaire l’a présenté comme une menace. Il s’agit d’une formulation standardisée qui figure dans toutes les lettres au dossier du fonctionnaire. La Commission ne doit pas en conclure que l’employeur a menacé le fonctionnaire.

[320] Quant à l’évaluation du rendement, il n’y a pas d’obligation pour l’employeur de fournir une évaluation du rendement positive. Le maj Martin a témoigné qu’il n’avait jamais eu de problème avec le fonctionnaire et le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait jamais eu de problème avec le maj Martin. Cependant, le maj Martin a témoigné que le fonctionnaire avait des problèmes d’adaptation au monde militaire.

[321] Le fonctionnaire a mis en parallèle la lettre au médecin et le certificat de la Dre Dussault. Il a fait abstraction du fait que son aptitude au travail avait été évaluée et tirée du dossier de septembre 2013, ce qui n’est pas contemporain à la demande de l’employeur. L’employeur a vérifié et s’est rendu compte que sa lettre n’avait jamais été remise au médecin qui a procédé à l’évaluation en se fondant sur l’information au dossier. Il ne s’agissait pas d’une évaluation de l’aptitude de retour au travail contemporaine dans le temps.

[322] Le fonctionnaire a plaidé que l’employeur aurait dû lui demander des explications concernant le certificat médical (Grover, au paragraphe 66). L’employeur a fourni des explications dans la lettre au médecin, mais le fonctionnaire n’en a pas fourni. Dans Grover, la question au cœur du litige était que l’employeur exigeait que le défendeur se fasse évaluer par un médecin de l’employeur, alors que l’employeur doit offrir à l’employé la possibilité de voir un médecin de son choix.

[323] En ce qui concerne l’incident au 25e Dépôt, Mme Aubin a témoigné avoir eu peur, peu importe qu’il s’agisse d’un sentiment rationnel ou non. Elle en a informé son supérieur, a été interviewée par la police militaire et la question a été réglée de cette façon. L’information a été communiquée au maj Rhéaume.

[324] En ce qui concerne l’incident impliquant la Sun Life, peu importe les propos menaçants rapportés au maj Rhéaume, ce qui importe c’est que la police militaire se soit présentée au maj Rhéaume et ait mentionné qu’elle enquêtait sur des propos menaçants que le fonctionnaire aurait proférés.

[325] Le fonctionnaire a témoigné que Mme Lauzon, de Santé Canada, avait demandé à l’employeur de cesser le processus d’ÉAT puisque l’accusation criminelle avait été retirée. L’employeur a soutenu que ce témoignage constituait du ouï-dire; le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas été témoin de la discussion entre Mme Lauzon et l’employeur.

D. Deuxième réplique du fonctionnaire s’estimant lésé

[326] Selon le fonctionnaire, l’employeur s’est immiscé dans sa maladie : Mme Simard a tout de suite appelé la Dre Dussault, s’est procuré le nom des médecins et a envoyé les quatre lettres. Le maj Rhéaume a insisté pour que les formulaires de consentement soient signés devant lui à titre de témoin. Concernant les personnes ayant une invalidité, dans le système, le fonctionnaire était en congé de maladie. L’employeur ne peut pas tirer profit des deux côtés.

[327] L’employeur ne s’est pas opposé au témoignage du fonctionnaire selon lequel Mme Lauzon avait demandé l’arrêt du processus de l’ÉAT. Le fonctionnaire a soutenu qu’il s’agissait d’une question d’admissibilité de la preuve.

[328] Selon le dossier de la clinique, le fonctionnaire était apte à travailler en septembre 2013. Le fonctionnaire a témoigné avoir vu le médecin régulièrement à partir de septembre 2013.

[329] Le fonctionnaire a fait valoir que son évaluation du rendement provenant de la maj Marion était bonne. Cependant, dans un courriel, la maj Marion a indiqué qu’il était un inadapté social, ce qui démontre un caractère à double face. La situation était la même avec le maj Rhéaume et la police militaire.

[330] Selon le fonctionnaire, l’ensemble des faits connus est suffisant pour conclure qu’il y avait un lien entre l’employeur et la Sun Life. À ce titre, l’enregistrement de la conversation avec le Dr Bérard démontre que l’information qui lui a été transmise ne pouvait provenir que de la Sun Life, qui était la seule à l’avoir reçue. Une preuve par présomption de faits est aussi valable que des preuves documentaires et testimoniales.

[331] En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a témoigné qu’il avait été informé, le 14 février 2014 ou le lendemain, de l’incident avec la Sun Life. Il n’a pas expliqué le délai entre le 14 et le 26 février 2014. Le maj Rhéaume n’avait aucun souvenir d’avoir mentionné à la police militaire qu’il voulait congédier le fonctionnaire, tel qu’il est écrit dans le rapport de la police militaire. Le fonctionnaire a questionné quel serait l’intérêt de la police militaire d’inventer ce commentaire.

[332] En ce qui concerne l’interprétation à donner au paragraphe 14 de Basra, de la Cour d’appel fédérale, l’aspect punitif d’une suspension sans solde est une présomption, et non pas un automatisme.

V. Analyse

A. Remarques préliminaires sur la preuve

[333] Dans cette affaire, j’ai entendu plusieurs témoins. Certains témoins ont eu de la difficulté à se souvenir de certains faits, d’autres ont sauté aux conclusions. Plusieurs ont, à certains moments, eu des problèmes de crédibilité. Le fonctionnaire a déposé plusieurs documents comprenant des déclarations contemporaines des événements qui, selon lui, sont constantes et cohérentes, mais qui, selon l’employeur, se contredisent. Cette histoire repose donc en grande partie sur la crédibilité que j’accorde aux témoins. Pour aborder la crédibilité des témoins, je me laisserai guider par la décision suivante, souvent citée, établie par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, aux pages 356 et 357 :

[Traduction]

Si l’acceptation de la crédibilité d’un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l’apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l’administration de la justice dépendrait des talents d’acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l’apparence de sincérité n’est qu’un des éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité d’un témoin. Les possibilités qu’avait le témoin d’être au courant des faits, sa capacité d’observation, son jugement, sa mémoire, son aptitude à décrire avec précision ce qu’il a vu et entendu contribuent, de concert avec d’autres facteurs, à créer ce qu’on appelle la crédibilité […] Par son attitude, un témoin peut créer une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances permettent de conclure de façon indubitable qu’il dit réellement la vérité. Je ne songe pas ici aux cas somme toute assez peu fréquents où l’on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dispositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. Disons, pour résumer, que le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans telle situation et telles circonstances […]

[334] Par ailleurs, ma tâche a été rendue plus difficile par l’absence, à l’audience, de nombreux témoins qui auraient pu apporter un éclairage sur les événements et qui auraient également pu être contre-interrogés. En ce qui concerne l’événement avec la Sun Life, Mme Morin, qui aurait entendu les menaces alléguées du fonctionnaire, n’a pas témoigné et n’a pas déposé en preuve sa déclaration écrite qu’elle aurait fait au cpl Belizaire le 27 février 2014, dans laquelle elle a rapporté que le fonctionnaire lui aurait dit de faire attention et qu’il pourrait y avoir une bombe qui saute. De plus, Mme St-Pierre, la gestionnaire de Mme Morin, qui aurait téléphoné à la police militaire le 14 février 2014, et qui était présente lorsque le cpl Belizaire a rencontré Mme Morin, le 27 février 2014, n’a pas témoigné non plus. Finalement, M. Montecino n’a pas témoigné.

[335] Selon le fonctionnaire, plusieurs personnes, dont le capt Rodrigo, M. Provencher et le maj Martin, ont entendu sa conversation avec Mme Morin. Seul le maj Martin a témoigné et il nie avoir entendu les menaces mentionnées dans un rapport de la police militaire. Ni la police militaire ni la maj Point, qui aurait été informée des menaces du fonctionnaire par la police militaire, n’ont témoigné. De plus, des accusations criminelles ont été déposées contre le fonctionnaire, mais Mme Morin n’a pas témoigné devant la Cour du Québec, sa déclaration n’a pas été déposée en preuve et le fonctionnaire a été acquitté en une minute, ce qui laisse entendre qu’aucun procès sur le fond n’a eu lieu.

[336] L’employeur a allégué qu’il y avait eu une gradation ascendante dans l’attitude du fonctionnaire à travers divers événements. Il a fait état d’une situation au Service du Génie. Le maj Rhéaume a également relaté les impressions du maj Marcotte relativement à une rencontre avec le fonctionnaire. Ni le maj Marcotte ni le capt Kilburn, qui étaient présents lors de cette rencontre, n’ont témoigné. Quant aux événements allégués qui ont eu lieu au 25e Dépôt, le maj Rhéaume a mentionné des échanges avec le fonctionnaire et deux incidents à la guérite de ce secteur de la garnison. Seule Mme Aubin a témoigné au sujet des échanges. Le maj Anderson n’a pas corroboré ses dires, ni Mme Dubois qui aurait été témoin d’une conversation téléphonique avec le fonctionnaire. M. Joly, qui était apparemment inquiet pour Mme Aubin, n’a pas témoigné au sujet de ces inquiétudes. En ce qui a trait à la garde de caserne, le seul témoin de l’employeur, l’adjum Fleury, qui aurait été préoccupé par les propos allégués du fonctionnaire sur des armes chargées, n’a pas témoigné.

[337] À l’exception du maj Martin, qui aurait été un témoin direct de l’appel de Mme Morin à la Sun Life, les autres témoins de l’employeur, soit le col Lalonde, le maj Rhéaume et Mme Simard, n’ont aucunement été témoins des événements et ont relaté des faits dont la provenance n’a pu être validée au moyen d’un contre-interrogatoire. Je suis devant une preuve abondante constituée de ouï-dire que j’évaluerai plus loin selon les événements et à laquelle j’accorderai le poids approprié selon les circonstances. L’alinéa 20e) de la LCRTESPF prévoit que la Commission peut accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice, ce que la Cour d’appel fédérale a confirmé au paragraphe 21 de Basra. Je ne suis toutefois pas tenu d’accepter une preuve par ouï-dire, mais, dans l’éventualité où je l’accepte, je dois m’assurer qu’elle soit fiable.

[338] Plusieurs rapports de la police militaire ont été déposés sans que leurs auteurs ne témoignent. À la demande de l’employeur, la Commission a émis une citation à comparaître au cpl Belizaire pour qu’il témoigne en contre-preuve mais, au bout du compte, l’employeur ne l’a pas convoqué. L’employeur a souligné que la police militaire était indépendante. Ainsi, le col Lalonde et le maj Rhéaume ont témoigné qu’ils ne pouvaient pas donner d’ordres à la police militaire puisque celle-ci décide de ses propres enquêtes. Le col Lalonde a expliqué qu’il n’y avait pratiquement aucun lien hiérarchique avec la police militaire, qui est une entité distincte. Le maj Rhéaume a avoué en contre-interrogatoire ne pas avoir demandé au fonctionnaire sa version des événements au 25e Dépôt et avec la Sun Life, puisque des documents faisaient état de ce qui s’était passé, et que les rapports de la police militaire faisaient en sorte qu’il ne pouvait s’y immiscer.

[339] Par ailleurs, les rapports écrits de la police militaire constituent des documents officiels. Conformément à l’article 128 du Code criminel, il s’agit d’un acte criminel pour un agent de la paix de faire un faux rapport de police. L’art. 128 énonce ce qui suit :

128. Est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de deux ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire tout agent de la paix ou coroner qui, étant chargé de l’exécution d’un acte judiciaire, intentionnellement :

[]

  • b) soit présente un faux rapport relativement à cet acte.

[340] L’alinéa g) de la définition d’agent de la paix qui figure à l’article 2 du Code criminel indique que les officiers et militaires suivants du rang des Forces canadiennes sont des agents de la paix, comme suit :

[…]

g) les officiers et militaires du rang des Forces canadiennes qui sont :

(i) soit nommés pour l’application de l’article 156 de la Loi sur la défense nationale,

(ii) soit employés à des fonctions que le gouverneur en conseil, dans des règlements pris en vertu de la Loi sur la défense nationale pour l’application du présent alinéa, a prescrites comment étant d’une telle sorte que les officiers et les militaires du rang qui les exercent doivent nécessairement avoir les pouvoirs des agents de la paix.

[341] Il est pour le moins troublant que l’employeur demande d’écarter certains des rapports de la police militaire, qui est investie des pouvoirs des agents de la paix, puisque l’employeur s’est basé du moins en partie sur le contenu des rapports de la police militaire pour justifier ses actes envers le fonctionnaire. Le témoignage du maj Martin contredit le rapport du cpl Gauthier du 25 février 2014. Le maj Martin a témoigné qu’il ne se souvenait pas des items a, b, et c. Si l’employeur avait des doutes au sujet du rapport, il aurait pu citer le cpl Gauthier comme témoin. En effet, la question se pose à savoir quel serait l’intérêt de la police militaire de fabriquer les dires du maj Martin, et quel serait l’intérêt du maj Martin d’affirmer qu’une partie de ce rapport est fausse. Le même genre de situation se reproduit avec le maj Rhéaume, qui a fait valoir que le cpl Belizaire avait rapporté, dans son rapport du 27 février 2014, ce qu’il avait bien voulu comprendre. De toute façon, la véracité du contenu des rapports de la police militaire n’est pas en question; le seul point important est que l’employeur s’est basé en partie sur ces rapports tels qu’ils ont été rédigés.

B. Suspension

[342] L’employeur a soutenu que la compétence de la Commission est limitée à ce qui est expressément mentionné à l’alinéa 209(1)b) de la LRTSPF :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire […] peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[343] L’employeur s’est appuyé sur Chamberlain et s’est opposé à ma compétence d’examiner le grief en ce qui concerne l’arrêt de travail au motif qu’il s’agissait d’une mesure administrative et non d’une mesure disciplinaire. Selon le fonctionnaire, la Commission a compétence pour instruire le grief puisque l’arrêt de travail est en réalité une suspension de nature disciplinaire. Je suis d’accord avec les parties que ma compétence pour un arrêt de travail forcé par l’employeur se limite aux suspensions de nature disciplinaire. Ceci étant, il est tout à fait loisible pour moi d’examiner non seulement l’impact de la suspension sur le fonctionnaire, mais également l’intention véritable de l’employeur. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la suspension est une mesure disciplinaire déguisée.

[344] Le fonctionnaire m’a renvoyé au paragraphe 14 de Basra et a fait valoir que, puisqu’il avait été privé de son salaire unilatéralement par l’employeur, il y avait une présomption de caractère punitif de la mesure imposée. Le paragraphe 14 de Basra est libellé comme suit :

14 La Cour a indiqué durant l’audience que le fait que la suspension était sans traitement aurait pu être suffisant en soi pour permettre de conclure que la mesure était de nature disciplinaire. En effet, l’interruption du traitement est à première vue punitive puisqu’elle prive l’employé du salaire auquel il a autrement droit. []

[345] L’employeur a soutenu qu’il ne ressort pas si clairement que, dans Basra, la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’il y avait une présomption qu’une suspension sans solde était disciplinaire et qu’il fallait plutôt déterminer l’intention de l’employeur. Pour l’employeur, une suspension sans solde n’est pas automatiquement de nature disciplinaire. J’estime que l’intention est déterminante pour établir le caractère punitif de l’arrêt de travail, et que l’interruption du versement du salaire n’est qu’un indice voulant que la mesure soit disciplinaire.

[346] Je dois déterminer si l’employeur a imposé une mesure disciplinaire en imposant un arrêt de travail de durée indéterminée au fonctionnaire en raison de son comportement au travail. La lettre d’arrêt de travail en date du 4 mars 2014, et signée par le col Lalonde, indique ce qui suit :

[…]

La présente fait suite à la rencontre que vous avez eue le 26 février à 10h30 avec les majors Martin et Rhéaume au cours de laquelle on vous a informé que, suite à un événement qui nous a été rapporté par des agents de la Police militaire le 25 février en après-midi; événement que [sic] se serait produit lors d’une conversation téléphonique entre vous et un représentant de la Compagnie d’assurances Sun Life le 14 février 2014, nous avions des raisons de croire que vous pourriez aller jusqu’à poser des gestes ayant pour effet de mettre la santé et/ou la sécurité d’autres personnes en danger. Ceci est en lien avec des propos menaçants que vous auriez tenus lors de ladite conversation téléphonique. Nous pensons que votre état de santé actuel pourrait peut-être en être la cause.

Or, nous confirmons, qu’à compter du 26 février 2014, à 11h00, nous vous avons mis en arrêt de travail forcé et nous vous demandons de prendre rendez-vous avec votre médecin traitant dans les plus brefs délais afin que celui-ci puisse procéder à l’évaluation de votre aptitude au travail.

Pour ce faire, vous trouverez, ci-joint, une lettre s’adressant à votre médecin précisant les motifs pour lesquels nous demandons un avis médical sur votre aptitude au travail ainsi que, le cas échéant, vos limitations fonctionnelles temporaires ou permanentes.

[…]

[347] Je dois examiner les éléments sous-jacents au motif énoncé par l’employeur afin de déterminer quelle était sa véritable intention. Selon le paragraphe 23 de Frazee, la façon dont l’employeur a choisi de qualifier sa décision ne peut pas être en soi un facteur déterminant. Je suis guidé par les principes suivants de Frazee :

24 Le problème de la mesure disciplinaire déguisée peut aussi être abordé par l’examen des effets de la mesure sur l’employé. Lorsque l’incidence de la décision de l’employeur est grandement disproportionnée par rapport au motif administratif qui est invoqué, la décision peut être considérée comme disciplinaire. [] Cependant, cette norme ne sera pas atteinte si la mesure imposée par l’employeur est jugée comme étant une réaction raisonnable (mais pas nécessairement la meilleure) à des considérations opérationnelles honnêtes.

25 Parmi les autres facteurs servant à définir la mesure disciplinaire dans le contexte de l’emploi figurent les répercussions de la décision sur les perspectives de carrière de l’employé et les questions de savoir si l’incident en cause ou le point de vue de l’employeur à cet égard peut sembler être lié à la conduite de l’employé pouvant être rectifiée ou à sa conduite coupable, si la décision prise était de nature corrective et si la mesure de l’employeur a eu un effet préjudiciable immédiat sur l’employé.

[348] La Cour d’appel fédérale a réitéré les principes établis dans Frazee, aux paragraphes 34 et 37 de Bergey c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 30. La Cour a déclaré que la Commission avait élaboré la notion de mesure disciplinaire déguisée, qui désigne certaines décisions qui, selon l’employeur, ne sont pas disciplinaires et ne peuvent donc pas être renvoyées à l’arbitrage. Lorsqu’il s’avère que ces décisions sont de nature disciplinaire, la Commission a le pouvoir de statuer sur celles-ci et d’en examiner le bien-fondé. La Cour a aussi indiqué que, pour distinguer une mesure disciplinaire d’une mesure non disciplinaire, il est nécessaire de tenir compte à la fois de l’intention réelle (par opposition à l’intention déclarée) de l’employeur qui a pris la mesure et des répercussions de la mesure sur la carrière de l’employé. La Cour a également mentionné, au paragraphe 78 de Bergey, que la jurisprudence enseigne que l’intention subjective de l’employeur n’est pas concluante lorsqu’il s’agit de décider s’il a pris ou non une mesure disciplinaire déguisée. Je dois évaluer objectivement les faits survenus.

[349] Je tiens à souligner la décision de la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. Grover, 2007 CF 28, confirmée par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Grover, 2008 CAF 97. Dans cette décision, l’employeur a imposé un congé sans solde à M. Grover, sous prétexte qu’il refusait de se soumettre à un examen médical et que, par conséquent, il mettait sa santé et celles des autres à risque. L’arbitre de griefs a conclu que la mesure était disciplinaire et que l’employeur cherchait en fait à modifier le comportement de M. Grover en le punissant. Au paragraphe 46 de sa décision, la Cour fédérale a confirmé l’importance pour la Commission de considérer « le fond plutôt que la forme » de la décision de l’employeur :

[] Les tribunaux ont reconnu depuis longtemps que certains employeurs pourraient vouloir se soustraire à un arbitrage en tentant de dissimuler la vraie nature de leurs décisions. Les arbitres de la Commission doivent considérer le fond d’une décision plutôt que sa forme lorsqu’ils se demandent s’ils ont ou non compétence. []

[350] Selon l’employeur, l’intention n’a jamais été de punir le fonctionnaire, mais bien d’assurer un milieu de travail sain et sécuritaire pour tous et de veiller à ce que le fonctionnaire reçoive de l’aide s’il en avait besoin. L’employeur a fait valoir qu’il fallait distinguer les différents acteurs. Pour déterminer son intention, l’employeur a soutenu que je devais me pencher sur ceux qui avaient le pouvoir de prendre les décisions qui auraient un impact sur le fonctionnaire, et non pas sur toute personne impliquée de près ou de loin dans le dossier, que ce soit des fonctionnaires ou non. L’ensemble des propos, des actions et des décisions prises par Santé Canada et ses médecins, la police militaire, la conseillère en ressources humaines, le procureur de la Couronne dans le dossier criminel, les employés de la Sun Life ou de la SPVM ne devraient pas m’influencer dans la détermination de l’intention de l’employeur. La décision de suspendre le fonctionnaire a été prise par le col Lalonde sur recommandation du maj Rhéaume et de Mme Simard. L’employeur a soutenu que je ne devais pas tenir compte des décisions prises autrement que par l’employeur. La décision du col Lalonde de suspendre le fonctionnaire découle d’une série d’événements. Je dois examiner la preuve sur laquelle l’employeur s’est appuyé pour prendre sa décision et en examiner le fond plutôt que la forme.

[351] Pour le col Lalonde, l’appel de la Sun Life est le point culminant à la suite d’une gradation ascendante dans les réactions du fonctionnaire. Dans ce contexte, les parties ont présenté des éléments de preuve relativement à diverses autres situations qui ont eu lieu au Service du Génie, au 25e Dépôt et à la garde de caserne et qui font partie de « l’accumulation des incidents antérieurs » dont l’employeur a tenu compte dans sa lettre d’arrêt de travail du 26 février 2014, menant ainsi à la suspension. Tout ce contexte m’amène à conclure que la suspension était de nature disciplinaire, et non pas administrative, puisque l’employeur cherchait davantage à alimenter un dossier pour discipliner le fonctionnaire compte tenu de sa conduite.

1. Service du Génie

[352] Selon le maj Rhéaume, à l’automne 2013, le maj Marcotte a communiqué avec lui parce que le fonctionnaire effectuait des démarches dans son organisation. Le maj Marcotte avait un drôle de sentiment au sujet du fonctionnaire et il avait entendu parler de lui. Ni le maj Marcotte ni le capt Kilburn, qui a aussi participé à une rencontre avec le fonctionnaire, n’ont témoigné. Alors que la démarche du fonctionnaire auprès du maj Marcotte a cessé en décembre 2013, le 15 avril 2014, le maj Marcotte a donné au maj Rhéaume, à sa demande, un résumé de ses interactions avec le fonctionnaire quant à la présentation de sa candidature pour le poste de FI-01 au Service du Génie. Il y a lieu de s’interroger à savoir pourquoi, en avril 2014, le maj Rhéaume a demandé un résumé des interactions du fonctionnaire qui dataient de l’automne 2013. Cette demande a été faite alors que le fonctionnaire était déjà en arrêt de travail. L’employeur n’a pas démontré en quoi la rencontre au Service du Génie faisait partie de l’« accumulation des incidents antérieurs », car je ne constate aucun incident dans ces circonstances.

2. 25e Dépôt

[353] Avant même de m’attarder sur les faits spécifiques liés aux événements du 25e Dépôt, je note la remarque du maj Rhéaume, dans son courriel du 5 décembre 2013 au maj Anderson, selon laquelle il cherchait à « alimenter son dossier » sur le fonctionnaire. Le maj Rhéaume a communiqué avec le maj Anderson par courriel pour obtenir une déclaration ou un résumé de Mme Aubin relativement à l’entrevue et aux échanges de courriels ou verbaux post-entrevue qu’elle a eue avec le fonctionnaire. Le maj Rhéaume considérait qu’il était important d’alimenter son dossier concernant le fonctionnaire.

[354] En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a reconnu qu’il n’avait pas demandé au fonctionnaire sa version des événements qui ont eu lieu au 25e Dépôt, puisque les documents faisaient état de ce qui s’était passé et que le rapport de la police militaire faisait en sorte qu’il ne pouvait s’y immiscer. Pourtant, la police militaire n’a pas donné suite à l’incident au 25e Dépôt; il n’y avait aucune infraction criminelle.

[355] Mme Simard a aussi avoué en contre-interrogatoire ne pas avoir demandé au fonctionnaire sa version de l’incident au 25e Dépôt, ni sa version des faits concernant Mme Aubin. Elle a indiqué que ce n’était pas à elle d’intervenir concernant Mme Aubin. Il n’en demeure pas moins que l’employeur menait sa propre enquête, indépendamment de celle de la police militaire, puisque le maj Rhéaume a communiqué avec le maj Anderson pour alimenter son dossier, sans toutefois obtenir la version du fonctionnaire. Il a procédé de la même façon avec le maj Marcotte au Service du Génie. Si les diverses enquêtes de l’employeur visaient la sécurité du milieu de travail et le bien-être du fonctionnaire, par souci d’équité, l’employeur aurait dû tenir compte de la version du fonctionnaire pour l’ensemble de ses enquêtes.

[356] Le col Lalonde a témoigné qu’on lui avait rapporté que le fonctionnaire avait eu une altercation avec une employée du 25e Dépôt, que cette dernière s’était sentie menacée et qu’elle avait appelé la police militaire. À la question de savoir si c’est cela qui lui avait permis de dire que le fonctionnaire avait un comportement bizarre, le col Lalonde a répondu qu’il y avait un conflit existant, qu’il avait rencontré le fonctionnaire et que son comportement aurait été rapporté comme étant bizarre. Le col Lalonde n’a pas précisé l’identité des personnes qui lui ont rapporté que le comportement du fonctionnaire était bizarre.

[357] Les témoignages relatifs à l’incident au 25e Dépôt visaient l’attitude du fonctionnaire. Bien que des éléments de preuve exhaustifs m’aient été présentés au sujet de l’incident au 25e Dépôt, ceux-ci proviennent de deux témoins principaux, soit Mme Aubin et le fonctionnaire, et de témoignages par ouï-dire du maj Rhéaume et de Mme Simard. Je note encore une fois l’absence de témoins clés et une contradiction entre le témoignage de Mme Aubin et les rapports de la police militaire. Le fonctionnaire a soutenu qu’un préjudice à son égard était solidement ancré dans l’esprit de Mme Aubin et du maj Anderson, à savoir que le fonctionnaire était un tueur, mais il n’a pas été établi qu’il était un tueur. J’estime, tout comme le fonctionnaire, que ces personnes ont sauté aux conclusions.

[358] Mme Aubin a témoigné au sujet de ses craintes à l’égard du fonctionnaire et a dit qu’elle le trouvait agressif. Elle a mentionné une conversation où le fonctionnaire avait été agressif. Mme Dubois, qui aurait pu corroborer les dires de Mme Aubin, n’a pas témoigné. Mme Aubin a écrit au maj Anderson lui indiquant qu’elle avait conservé les messages téléphoniques du fonctionnaire pour démontrer à quel point il était sarcastique et arrogant. Ces messages téléphoniques n’ont pas été présentés en preuve. Cependant, le fonctionnaire n’a pas contredit Mme Aubin sur le ton qu’il avait durant ces conversations, soit agressif, sarcastique et arrogant.

[359] Mme Aubin a témoigné qu’elle se sentait harcelée par le fonctionnaire. Elle a néanmoins été incapable d’énoncer des gestes ou de menaces qu’aurait faits le fonctionnaire. Elle a témoigné que le fonctionnaire n’avait jamais été menaçant ou blasphématoire à son endroit. En contre-interrogatoire, Mme Aubin a reconnu qu’elle n’avait pas mis fin à l’entrevue et que le fonctionnaire ne l’avait pas forcée à continuer. Elle a aussi reconnu que le fonctionnaire n’avait pas blasphémé durant la réunion, qu’il ne l’avait pas intimidée ou menacée physiquement et qu’il n’avait formulé aucun commentaire à son égard.

[360] La police militaire a indiqué dans un rapport et dans les notes de son enquête que l’incident de la guérite avait eu lieu le 2 décembre 2013. Selon le courriel et le témoignage de Mme Aubin, ainsi que la déclaration écrite de Richard Sirois, un collègue de travail qui n’a pas témoigné, cet incident à la guérite a eu lieu le 3 décembre 2013. J’ai conclu plus tôt dans cette décision que l’incident à la guérite avait eu lieu le 2 décembre 2013, plutôt que le 3 décembre 2013, en m’appuyant sur des rapports de la police militaire. Selon la séquence des événements, l’incident ne pouvait avoir eu lieu le 3 décembre 2013. Il est possible que Mme Aubin ait confondu la date de l’incident à la guérite. Bien que M. Sirois ait confirmé la date avancée par Mme Aubin, si l’on se fie au témoignage de Mme Aubin et à la déclaration écrite de M. Sirois, il est peu plausible que la séquence d’événements relatés par la police militaire dans plusieurs rapports ait eu lieu le 3 décembre 2013. Il est cependant tout à fait possible qu’elle ait eu lieu le 2 décembre 2013. Si j’appuie le témoignage de Mme Aubin et la déclaration écrite de M. Sirois en ce qui concerne la date du 3 décembre 2013, je dois écarter les dates qui figurent dans les rapports de la police militaire. Je n’ai aucune raison de croire que la police militaire, qui a mené son enquête, ait fait des erreurs dans les dates mentionnées dans leurs rapports et donc, je m’appuie sur les rapports de la police militaire par rapport à la date en question.

[361] Mme Aubin a trouvé bizarre que le fonctionnaire vienne sur les lieux, mais M. Sirois n’a pas porté attention au fonctionnaire. M. Sirois a simplement conclu que le fonctionnaire rencontrait quelqu’un et il avait raison. En effet, le commissionnaire à la guérite, les témoignages du fonctionnaire et de M. Gibeau, ainsi que les rapports de la police militaire, ont confirmé que le fonctionnaire rencontrait quelqu’un. J’estime que Mme Aubin a effectivement sauté aux conclusions.

[362] Aucun élément de preuve n’a établi la raison pour laquelle le fonctionnaire s’est présenté une deuxième fois à la guérite. Cependant, cette deuxième présence pourrait être liée à une rencontre avec M. Gibeau, à sa recherche d’emploi, au fait qu’il est un employé qui travaille à la garnison et qui est en droit d’être sur les lieux de travail ou toute autre raison. La situation a escaladé rapidement puisque le maj Anderson, la lcol Pelletier et la police militaire ont été impliqués. L’employeur a admis ne pas avoir cherché à connaître la version du fonctionnaire. Si l’employeur avait pris la peine de demander au fonctionnaire s’il s’était présenté une deuxième fois à la guérite et, le cas échéant, les raisons de cette deuxième visite, les événements auraient pu prendre une toute autre tournure, qui ne porterait en aucun cas sur les menaces envers Mme Aubin tel qu’il a été prétendu dans le cadre du premier incident. J’ai tendance à croire que Mme Aubin, le maj Anderson et la lcol Pelletier ont tous sauté aux conclusions.

[363] Dans le cas du maj Anderson, je constate qu’il a été influencé par des événements passés qui n’ont rien à voir avec le fonctionnaire. Le maj Anderson a fait référence à l’attaque, à cette époque, à l’endroit de Pauline Marois le soir de son élection et à un employé d’un autre dépôt qui avait été une cible quelques années auparavant. Il ne connaissait pas le fonctionnaire et voulait peut-être bien faire en ne prenant pas de risques et en réagissant à la présence du fonctionnaire. Il a été aussi influencé par le commentaire de la maj Marion selon lequel le fonctionnaire était un inadapté social. La preuve n’a pas révélé si le maj Anderson savait que la maj Marion avait déjà été sous le coup d’une plainte de harcèlement de la part du fonctionnaire. J’estime que les affirmations du maj Anderson soutiennent la prétention du fonctionnaire selon laquelle le maj Anderson a sauté à des conclusions à son égard.

[364] Je retiens des événements concernant le 25e Dépôt que Mme Aubin, le maj Anderson et la lcol Pelletier ont effectivement sauté aux conclusions. Aucun élément de preuve n’a été présenté concernant les allégations de harcèlement formulées par Mme Aubin. Il n’y a pas de suite aux rapports de la police militaire. L’employeur n’a aucunement tenté de connaître la version du fonctionnaire. Je reconnais que, selon les éléments de preuve qui m’ont été présentés, le fonctionnaire pouvait être agressif, arrogant et sarcastique. Cependant, la preuve n’a pas établi que le fonctionnaire avait proféré des menaces. En réalité, je ne constate aucune gradation ascendante dans les réactions du fonctionnaire. Le comportement qu’il a eu avec Mme Aubin semble être le même que celui qu’il a eu avec Mme Morin, de la Sun Life, dont je discuterai plus loin.

3. Garde de caserne

[365] L’employeur a présenté des éléments de preuve concernant une garde de caserne, mais l’adjum Fleury, qui aurait rapporté ses inquiétudes au maj Rhéaume, n’a pas témoigné. Le fonctionnaire n’a pas non plus témoigné à ce sujet. Le maj Rhéaume a témoigné au sujet des commentaires qu’il a reçus suivant une garde de caserne supervisée par l’adjum Fleury. L’adjum Fleury aurait trouvé bizarre que le fonctionnaire lui demande si les armes utilisées dans la garde de caserne étaient chargées. L’adjum Fleury a dit au maj Rhéaume que, si n’importe qui d’autre à la caserne lui avait posé la même question, il n’en aurait pas été préoccupé. Le fait que cette question ait été posée par le fonctionnaire a fait en sorte que l’adjum Fleury ait ressenti le besoin d’en parler au maj Rhéaume.

[366] En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a avoué ne pas avoir demandé au fonctionnaire sa version des événements concernant les armes chargées, parce que les documents faisaient état de ce qui s’était passé. Pourtant, aucun document n’a été déposé à cet égard et aucune preuve documentaire ou testimoniale n’a démontré qu’une plainte aurait été déposée ou que l’employeur aurait fait un suivi à ce sujet. Le maj Rhéaume a aussi admis ne pas avoir rencontré le fonctionnaire à cet égard. Je retiens de ceci que l’employeur n’a fait aucun suivi sur les faits rapportés. L’employeur n’a pas demandé au fonctionnaire sa version des faits. La preuve n’a aucunement établi que le fonctionnaire avait un comportement qui démontrait une gradation ascendante de ses réactions en ce qui concerne l’incident de la garde de caserne.

4. La Sun Life

[367] Les seuls témoignages directs de l’appel de la Sun Life qui m’ont été présentés sont ceux du fonctionnaire et du maj Martin. Plusieurs personnes ont supposément entendu la conversation du fonctionnaire avec Mme Morin, mais ni le capt Rodrigo, ni M. Provencher n’ont témoigné pour corroborer les dires du fonctionnaire et du maj Martin. En fait, la police militaire a rencontré les témoins de cet appel et a rédigé des rapports pour certains d’entre eux, mais la preuve n’a pas révélé si la police militaire avait rencontré le capt Rodrigo ou M. Provencher, ni si la police militaire avait rédigé des rapports contenant des déclarations de ces individus. Par ailleurs, il semble que la conversation entre Mme Morin et le fonctionnaire ait été enregistrée par la Sun Life, mais que la bande sonore ait été détruite. L’employeur n’a pas contredit le témoignage du fonctionnaire, mais le rapport de la police militaire contredit le témoignage du maj Martin.

[368] Je conclus ce qui suit au sujet des propos tenus lors de l’appel de la Sun Life entre le fonctionnaire et Mme Morin, le 14 février 2014. Le fonctionnaire était dans son cubicule avec le maj Martin, le capt Rodrigo et M. Provencher, alors qu’il a reçu un appel sur son téléphone cellulaire de la part de Mme Morin de la Sun Life. Elle lui a dit qu’elle n’avait pas son billet médical et qu’il devait en soumettre un autre. Le fonctionnaire lui aurait répondu : « Encore une fois, vous n’allez pas faire un infarctus au travail. Vous faites preuve d’un grand laxisme. Vous faites tout en sorte que ça ne fonctionne pas. Je vais être obligé d’appeler votre patronne. » Mme Morin lui aurait alors répondu : « Cette fois, M. Gariépy, il va y avoir des conséquences. Ça ne passera pas. » Le fonctionnaire a affirmé que ses collègues l’écoutaient. Il aurait entendu le maj Martin dire au capt Rodrigo et à M. Provencher ce qui suit : « Chut… écoutez. » Selon le fonctionnaire, le maj Martin a très bien entendu la conversation. Le fonctionnaire a indiqué qu’il n’avait jamais proféré de menaces envers Mme Morin. Je rappelle que, à compter de janvier 2013, le fonctionnaire a eu d’importantes difficultés avec la Sun Life en ce qui concerne ses prestations d’invalidité et que ce n’est qu’à la suite de l’intervention de Mme St-Pierre et de l’ombudsman de la Sun Life que cette situation s’est résolue. Ainsi, il est probable qu’il s’agit de la raison pour laquelle le fonctionnaire avait l’impression que Mme Morin faisait preuve de laxisme et qu’il devait communiquer avec Mme St-Pierre.

[369] Le maj Martin a témoigné que la police militaire l’avait rencontré pour s’enquérir de ce qu’il savait d’un appel à la Sun Life. Il n’avait pas eu connaissance d’un appel fait à la Sun Life ou de menaces qui auraient été proférées. Il a affirmé en contre‑interrogatoire qu’il n’avait pas entendu le fonctionnaire proférer des menaces à Mme Morin.

[370] Selon le rapport de la police militaire du 25 février 2014, le maj Martin a confirmé avoir entendu le fonctionnaire hausser le ton, mais a été incapable de confirmer si le fonctionnaire avait proféré des menaces ou non. Le maj Martin considère ce rapport faux sur les points suivants :

a. Maj Martin confirme que dans l’avant-midi du 14 février 2014, il a entendu le fonctionnaire avec une personne de la Sun Life;

b. à un certain moment de la conversation, ce dernier s’est mis à hausser le ton, mais n’a pas été capable de confirmer si le fonctionnaire a proféré des menaces à la personne à l’autre bout du fil;

c. Maj Martin a confirmé que le fonctionnaire n’a pas un bon historique de travail dû à son attitude;

[371] Le maj Rhéaume a avoué en contre-interrogatoire ne pas avoir demandé au fonctionnaire sa version des événements liés à la Sun Life, puisque les documents faisaient état de ce qui s’était passé et que le rapport de la police militaire faisait en sorte qu’il ne pouvait s’y immiscer. Je suis donc saisi d’un rapport de la police militaire qui, selon le maj Martin, est partiellement faux, mais sur lequel le maj Rhéaume s’appuie, entre autres rapports de la police militaire. Si j’accorde de la crédibilité au témoignage du maj Martin sur la fausseté alléguée du rapport, cela pourrait vouloir dire que j’écarte le témoignage du maj Rhéaume, qui s’appuie sur le rapport de la police militaire. Toutefois, je n’ai pas à déterminer si ce rapport de la police militaire est faux ou non. Le seul fait pertinent quant aux rapports de la police militaire est que l’employeur lui-même a avoué s’être basé du moins en partie sur ces rapports afin de mettre le fonctionnaire en congé de maladie forcé.

[372] L’autre personne partie prenante à l’appel était Mme Morin. Mme Morin n’a pas témoigné à l’audience sur les menaces alléguées que le fonctionnaire aurait proférées. La déclaration écrite que Mme Morin a faite à la police militaire n’a pas non plus été présentée en preuve. Mme St-Pierre et M. Montecino, qui étaient présents lors de l’entrevue de Mme Morin avec le cpl Belizaire, n’ont pas témoigné non plus et n’ont pas fourni de déclaration.

[373] Mme St-Pierre a appelé la police militaire à 14 h 7, le 14 février 2014, alors que l’appel entre Mme Morin et le fonctionnaire a eu lieu à 9 h 51. Entre temps, le fonctionnaire a laissé un message à Mme St-Pierre vers 11 h. Aucune explication n’a été fournie quant au délai entre l’appel de Mme Morin avec le fonctionnaire, à 9 h 51, et l’appel de Mme St-Pierre à la police militaire, à 14 h 7. Vu le sérieux des allégations contre le fonctionnaire, soit qu’il aurait menacé de placer une bombe, je me demande pourquoi Mme St-Pierre a tardé à appeler la police militaire, soit un délai de plus de quatre heures, ou à tout le moins communiquer avec les RH plus tôt dans la journée puisque le fonctionnaire est un employé civil et non pas un militaire. Selon ce que l’employeur avance, une menace de bombe planait sur un édifice de la Sun Life. Pourquoi la Sun Life a attendu quatre heures avant de réagir?

[374] Vu le sérieux de ces allégations, je suis troublé que Mme Morin n’ait pas témoigné et que sa déclaration écrite n’ait pas été déposée en preuve. Bien que les propos de Mme Morin soient rapportés dans un rapport de police militaire, il n’en demeure pas moins qu’ils ne font pas foi de leur véracité et n’ont pas été validés ou réfutés par un interrogatoire ou contre-interrogatoire, comme cela a été le cas pour les maj Martin et Rhéaume. À l’instar de Faryna v. Chorny, j’ai de sérieuses réserves sur la compatibilité des propos de Mme Morin avec les probabilités qui caractérisent les faits relatifs à cet incident, tel qu’ils ont été rapportés par le fonctionnaire. Je note que le fonctionnaire n’a pas nié que la conversation ait eu lieu; il a toutefois nié avoir proféré des menaces. Le fait que la déclaration écrite de Mme Morin ne m’ait pas été présentée, pas plus qu’à la Cour du Québec où le fonctionnaire a été acquitté, laisse planer d’importants doutes dans mon esprit.

[375] D’autres personnes ont témoigné au sujet de l’appel de la Sun Life. Toute cette preuve constitue du ouï-dire. L’employeur s’est appuyé sur des propos rapportés par des personnes qui n’ont pas témoigné et dont la provenance n’a pas été mise en preuve. Le col Lalonde a témoigné que le maj Rhéaume lui avait rapporté que le fonctionnaire aurait dit quelque chose comme « ça va barder », mais n’a pas indiqué de qui le maj Rhéaume avait entendu cette affirmation. En contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a répondu qu’il fallait demander au col Lalonde si le fonctionnaire avait dit « ça va barder ». Mme Simard ne se souvenait pas si le maj Rhéaume l’avait informé des propos du fonctionnaire à l’endroit de Mme Morin. Le maj Rhéaume lui a cependant dit que les propos étaient suffisamment sérieux et inquiétants pour que la Sun Life dépose une plainte auprès de la SPVM. Mme Simard a dit que la plainte de la Sun Life auprès de la SPVM avait inquiété l’employeur, puisque la Sun Life indemnise la majorité des employés de la fonction publique fédérale. Dans son témoignage, le maj Rhéaume a dit que le fonctionnaire aurait proféré des menaces qui incluaient le mot « bombe » à l’endroit de Mme Morin, qu’il aurait haussé le ton, qu’il aurait déclaré « de faire attention, il pourrait y avoir une bombe qui saute » et qu’il aurait argumenté tout au long de l’appel et refusé de suivre les procédures demandées par Mme Morin.

[376] Le maj Rhéaume n’a pas dit d’où venaient les propos rapportés. Il a souligné que la commandante de la police militaire, la maj Point, avait dit que la police militaire l’avait avertie des menaces du fonctionnaire; la maj Point n’a pas témoigné. Essentiellement, le col Lalonde et Mme Simard ont rapporté ce que le maj Rhéaume leur avait dit. Je m’en remets donc plutôt au témoignage du maj Rhéaume qui, au bout du compte, n’a pas présenté de témoignage quant à la provenance des propos qui lui ont été rapportés, à l’exception de ceux de la maj Point, qui n’a pas témoigné. Cependant, j’accorde peu de poids au témoignage du maj Rhéaume puisqu’il n’était pas présent lors de l’appel.

[377] Ce qui précède est l’étendue de la preuve qui m’a été présentée et elle ne soutient aucunement les allégations de menaces de bombe que le fonctionnaire aurait proférées. Je suis effectivement convaincu que les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’établissent pas que le fonctionnaire a proféré des menaces quant à une bombe. Le fonctionnaire s’est questionné à savoir pourquoi la référence à la bombe ne figurait pas dans la lettre au médecin du 4 mars 2014, puisque, selon lui, il aurait été important de l’inclure. Le fonctionnaire a répondu lui-même à sa question en soulignant que la menace ne figurait pas dans la lettre puisqu’aucune telle menace n’a été rapportée au maj Rhéaume, au col Lalonde ou à Mme Simard. Selon Mme Simard, qui a préparé la lettre, l’omission visait à ménager le fonctionnaire. Pourtant, il semble que les menaces alléguées du fonctionnaire constituaient l’élément déclencheur de sa suspension.

[378] Le fonctionnaire a allégué que le maj Rhéaume avait monté de toute pièce de concert avec la Sun Life une histoire de menace et de plainte à la police militaire. Le fonctionnaire n’a pas prouvé cette allégation et je n’en tiens pas compte pour les fins de cette décision.

[379] L’employeur a tenté de me convaincre qu’il ne voulait pas décrire le fonctionnaire comme un employé problématique, mais qu’il tenait tout simplement à mettre le plus de détails possible. J’estime plutôt que l’employeur a cherché à décrire le fonctionnaire comme étant un employé problématique, puisque le maj Rhéaume a témoigné que l’insubordination du fonctionnaire de 2011 faisait partie des incidents à noter pour le médecin. Or, je n’ai devant moi aucune preuve d’insubordination du fonctionnaire, seulement des faits qui relatent l’exercice de son droit de déposer une plainte de harcèlement en 2011. Le fait d’exercer un droit ne veut pas nécessairement dire qu’un individu cherche les conflits. À partir de 2011, les difficultés du fonctionnaire avec la maj Marion ont débuté lorsque le maj Anderson lui a demandé son avis, en novembre 2013, et qu’elle l’a qualifié d’inadapté social. Je note toutefois que le maj Rhéaume n’a pas mentionné que la maj Marion avait rédigé une bonne évaluation du rendement pour le fonctionnaire en 2012.

[380] L’employeur a fait valoir que, peu importe la teneur des propos menaçants rapportés au maj Rhéaume, il importe de retenir que la police militaire s’est présentée à lui et lui a mentionné qu’elle faisait enquête sur des propos menaçants que le fonctionnaire aurait proférés. Tel que je l’ai mentionné, les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’ont pas établi que le fonctionnaire aurait proféré des propos menaçants. Tout au plus, la preuve a démontré que le fonctionnaire semblait exaspéré par ses interactions avec Mme Morin, ce qui pourrait s’expliquer par les difficultés qu’il a rencontrées durant l’année 2013 à recevoir les prestations d’invalidité.

[381] La preuve n’a pas clairement démontré à quel moment l’employeur a appris la teneur de l’appel de la Sun Life. Selon le col Lalonde, qui s’appuyait sur les propos du maj Rhéaume et du maj Martin, la police militaire lui a rapporté l’incident de la Sun Life le 25 février 2014, en après-midi. Cette date est la même que celle qui est indiquée dans la lettre du col Lalonde en date du 4 mars 2014, confirmant la décision de mettre le fonctionnaire en arrêt de travail forcé à compter du 26 février 2014, ainsi que dans sa lettre du 4 mars 2014, à l’intention du médecin traitant du fonctionnaire pour l’ÉAT. Dans son interrogatoire en chef, le maj Rhéaume a témoigné que lorsqu’il en a été informé, il a immédiatement appelé Mme Simard, car il fallait qu’elle agisse. Par contre, en contre-interrogatoire, le maj Rhéaume a semblé contredire ce témoignage, car il a affirmé que la maj Point lui avait parlé d’une bombe le 14 février 2014. Il n’a pas expliqué le délai entre le 14 et le 26 février 2014. Le maj Rhéaume a ensuite témoigné en ré-interrogatoire qu’il n’était pas capable de dire hors de tout doute quand il avait été informé de l’incident impliquant la Sun Life. Mme Simard a témoigné qu’elle avait entendu parler de l’incident de la Sun Life le 24 ou le 25 février 2014.

[382] L’employeur n’a pas agi rapidement à l’égard d’une situation qu’il jugeait menaçante, tant en ce qui concerne les propos relatifs à la bombe que tout autre propos menaçant. Même s’il avait su la teneur des propos le 24 ou le 25 février 2014, il n’en demeure pas moins que la police militaire était au courant depuis le 14 février 2014. De plus, la maj Point, ou possiblement un autre militaire en situation d’autorité, devait sûrement être au courant de cette situation alléguée comme étant menaçante où une bombe pourrait être déposée à la Sun Life. Étant donné que plusieurs militaires étaient très préoccupés de l’attitude présumée du fonctionnaire, selon le maj Rhéaume, mais que le fonctionnaire a continué de travailler sur les lieux pendant 12 jours suivant les incidents au 25e Dépôt et de la Sun Life, ce dernier ne devait pas être aussi menaçant pour la santé et la sécurité des gens de la base militaire que l’employeur cherche à le dépeindre. Je réitère que le maj Rhéaume a rapporté les propos de la maj Marion, du maj Marcotte, du maj Anderson et de l’adjum Fleury, et que ceux-ci n’ont aucunement témoigné. Ma conclusion qu’il n’a pas été démontré que le fonctionnaire a tenu des propos menaçants est appuyée par le fait que la police militaire, ou l’employeur, a tardé à réagir et que le fonctionnaire est resté sur les lieux du travail. Il s’agit d’un indicateur important que l’employeur n’était pas aussi préoccupé par la santé des gens dans le milieu de travail durant cette période de 12 jours qu’il le laisse entendre.

[383] Je conviens que l’employeur a pris ces menaces alléguées très au sérieux, puisque des accusations criminelles ont été déposées. Pourtant, les preuves devant la Cour du Québec sont inexistantes. La bande sonore de la conversation tenue avec Mme Morin le 14 février 2014 a été détruite. Compte tenu de l’ampleur des propos allégués, il est étonnant que la Sun Life n’ait pas conservé cette preuve qui aurait attesté des propos du fonctionnaire et de Mme Morin. Par ailleurs, il semble que la déclaration de Mme Morin n’ait pas été déposée par la Couronne devant la Cour du Québec. J’ai déjà noté que cette déclaration n’avait pas été déposée en preuve devant moi. D’ailleurs, selon le procès-verbal de la Cour du Québec, la Cour a acquitté le fonctionnaire et son procès n’a duré qu’une minute, l’audience ayant débuté à 11 h 39 et ayant pris fin à 11 h 40.

[384] Le fonctionnaire m’a invité à considérer les propos répertoriés dans le rapport de la police militaire, selon lesquels le maj Rhéaume aurait dit qu’il voulait congédier le fonctionnaire à la suite de l’incident relatif à la Sun Life, comme indiquant l’intention disciplinaire de l’employeur. Je note que le maj Rhéaume a nié avoir tenu ces propos. Toutefois, je n’ai pas à trancher cette question, car je suis d’avis que les faits devant moi, sans tenir compte de ces propos, démontrent une intention disciplinaire de la part de l’employeur.

[385] Force est de constater que le fonctionnaire a été mis en arrêt de travail pour des menaces qui n’ont pas été démontrées en l’espèce. Elles n’ont pas été démontrées devant la Cour du Québec non plus puisque le fonctionnaire a été acquitté. Tel qu’il est énoncé dans Frazee, lorsque l’incidence de la décision de l’employeur, soit la suspension en l’espèce, est grandement disproportionnée par rapport au motif administratif qui est invoqué, soit la sécurité du milieu de travail, la décision peut être considérée comme étant disciplinaire. Les propos du maj Rhéaume en témoignent. Je conviens que, normalement, à la suite d’une menace de bombe, la décision de l’employeur de suspendre le fonctionnaire ne serait pas considérée comme étant grandement disproportionnée par rapport au motif administratif invoqué par l’employeur. Toutefois, en l’espèce, il n’y a pas de preuve de menaces proférées par le fonctionnaire. Je ne crois pas que la réaction de l’employeur ait été raisonnablement liée à des considérations opérationnelles honnêtes, soit de vouloir assurer un milieu de travail sain et sécuritaire pour les gens de la base militaire et veiller à ce que le fonctionnaire puisse avoir de l’aide. Les répercussions de la suspension sur les perspectives de carrière du fonctionnaire ont été grandes puisque la suspension sans solde était pour une période indéterminée, ce qui aurait pu contribuer aux difficultés du fonctionnaire à se trouver un autre emploi dans la fonction publique, puisqu’il n’est jamais revenu dans le milieu de travail. Au sens de Frazee, j’estime que la suspension était liée à la conduite du fonctionnaire et qu’elle a eu un effet préjudiciable sur lui en le privant de son salaire, tout en le forçant à écouler ses congés et à encaisser son indemnité de départ.

[386] Ni l’employeur ni le fonctionnaire n’ont présenté d’éléments de preuve à savoir si, durant la période du 17 septembre 2013 au 26 février 2014, ou lors de discussions entre l’employeur et le fonctionnaire, l’employeur a cherché à savoir si le fonctionnaire avait besoin d’aide ou s’il avait informé le fonctionnaire que le programme d’aide aux employés lui était disponible puisqu’il semblait multiplier les conflits, selon l’employeur. Dans Hood, l’employeur a offert de l’aide à l’employé avant de demander une ÉAT. Cela n’a pas été fait pour le fonctionnaire.

[387] Je conclus de toute cette preuve que le fonctionnaire a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’arrêt de travail était en réalité une suspension disciplinaire déguisée injustifiée et non une mesure administrative. Je conclus également que, vu l’absence de preuve quant aux menaces proférées par le fonctionnaire à l’endroit de Mme Morin de la Sun Life, le fonctionnaire ne méritait pas l’imposition d’une suspension disciplinaire. Par conséquent, j’accueille le grief sur la suspension.

C. Licenciement

[388] L’employeur a fait valoir que la fin d’emploi constitue une mise en disponibilité et qu’il s’agit de son droit en vertu de la LEFP et du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique. Selon l’employeur, la mise en disponibilité du fonctionnaire découle de la LEFP, qui prévoit certains recours qui ne peuvent faire l’objet d’un grief individuel au sens du paragraphe 209(1) de la LRTSPF et ne peuvent être renvoyés à l’arbitrage. De plus, l’employeur a soutenu que, selon l’article 211 de la LRTSPF, toute fin d’emploi prévue à la LEFP échappe à la compétence de la Commission (voir Mutart c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 90, aux paragraphes 94-99). L’employeur a souligné que le recours approprié en l’occurrence aurait été de déposer une plainte d’abus de pouvoir lié à la mise en disponibilité du fonctionnaire. Si la Commission avait accueilli la plainte, elle aurait pu annuler la mise en disponibilité (par. 65(4) de la LEFP). L’employeur a également soulevé que le par. 208(2) de la LRTSPF prévoit qu’un employé ne peut présenter de grief individuel si un autre recours administratif lui est offert (Brown c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1205, aux paragraphes 28 et 29).

[389] De prime abord, je note que les questions relatives à une fin d’emploi en vertu de la LEFP et à une mesure disciplinaire déguisée ont été abordées dans Canada c. Rinaldi, 1997 CanLII 16721 (CF). La Cour a fait état de ce qui suit :

[] L’ajout du paragraphe 92(3) à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [maintenant l’article 211 de la LRTSPF] qui exclut le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique n’a pas pour effet d’anéantir la compétence de l’arbitre au seul motif qu’un tel licenciement est invoqué par l’employeur. De toute évidence, cette disposition exclut le renvoi à l’arbitrage que lorsqu’un licenciement a effectivement lieu en vertu de cette Loi. Or l’hypothèse sur laquelle l’arbitre a fondé sa décision rejoint carrément la situation où l’employeur camoufle un congédiement illégal sous l’égide de l’abolition d’un poste en invoquant de façon factice cette Loi. Il va de soi qu’il s’agirait là d’une situation qui tombe dans le champs [sic] de compétence dévolu à l’arbitre de griefs en vertu de l’article 92(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[390] Cette décision a été rendue sous l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35), qui a depuis été abrogée. Lorsqu’elle a été rendue, l’équivalent du paragraphe 208(2) (l’ancien par. 91(1)) et de l’article 211 (l’ancien par. 92(3)) existaient. Les anciennes et nouvelles dispositions se lisent comme suit :

91(1) Sous réserve du paragraphe 2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d’une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief…

208(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

92(3) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

 

Les articles 209 et 209.1 n’ont pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

soit toute mutation effectuée sous le régime de cette loi, sauf celle du fonctionnaire qui a présenté le grief.

 

 

[391] Les principes établis dans Rinaldi sont toujours valides puisque les fondements de ces dispositions existent dans la LRTSPF actuellement en vigueur. Tel qu’il est établi dans Rinaldi, j’ai compétence dans la mesure où la mise en disponibilité rejoint carrément la situation où l’employeur camoufle un congédiement illégal empreint de mauvaise foi, une ruse, ou un congédiement disciplinaire déguisé sous l’égide d’une mise en disponibilité factice en vertu de la LEFP.

[392] L’alinéa 209(1)c) de la LRTSPF ne comprend pas la mise en disponibilité, qui est exclue par l’effet de l’article 211 de la LRTSPF. D’ailleurs, j’avais déjà noté au paragraphe 134 de Heyser c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social) et Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2015 CRTEFP 70 (confirmée par Canada (Procureur général) c. Heyser, 2017 CAF 113), que ces dispositions sont des exceptions bien précises en ce qui concerne la compétence d’un arbitre de grief relativement aux licenciements. Je dois donc déterminer si le licenciement, dans le contexte d’une fin d’emploi alléguée sous la LEFP et compte tenu du paragraphe 208(2) et de l’article 211 de la LRTSPF, a été effectué en vertu de la LEFP, à savoir une véritable mise en disponibilité ou en vertu de la LRTSPF, ou à savoir un congédiement disciplinaire déguisé. Dans mon analyse, je tiens compte du paragraphe 208(2) et de l’article 211 de la LRTSPF, dans la mesure où il s’agit d’une véritable mise en disponibilité.

[393] Je rappelle les principes dans Basra et Frazee, repris dans Bergey, particulièrement dans le contexte de l’analyse quant à une mesure disciplinaire déguisée, et je note l’extrait suivant au paragraphe 36 :

36. Lorsque la Commission conclut que les actes de l’employeur constituent une mesure disciplinaire déguisée, comme la Cour le fait observer dans la décision Basra, aux paragraphes 24 à 29, elle est chargée d’examiner ce qui s’est produit et de décider si la décision de l’employeur d’imposer la sanction ou de prendre la mesure en question était motivée. Dans l’affirmative, le grief est rejeté; dans le cas contraire, la Commission ordonne une réparation, qui, dans le cas d’un congédiement, consistera habituellement en la réintégration avec salaire rétroactif et le rétablissement des prestations, mais qui peut consister en un dédommagement pécuniaire tenant lieu de réintégration.

[394] Dans son argumentation, le fonctionnaire a soutenu qu’en le suspendant, l’employeur lui imposait un congé de maladie forcé et le jugeait inapte au travail. En conséquence, il était impossible pour lui de se trouver un nouvel emploi dans la fonction publique durant la période imposée. Le fonctionnaire a allégué que la mise en disponibilité constituait réellement un congédiement. Selon le fonctionnaire, il y a suffisamment d’éléments de preuve établissant que l’employeur ne voulait pas de lui et qu’il voulait s’en débarrasser. Je note que, dans son grief, le fonctionnaire allègue que l’employeur avait l’obligation d’arrêter l’écoulement de la période de préavis d’employé optant dès la suspension du 26 février 2014, au motif que, en raison de la suspension, il était en congé de maladie forcé et qu’il avait été jugé inapte au travail. Il a allégué que l’avis de mise en disponibilité du 5 janvier 2015 était en réalité la matérialisation d’un congédiement.

[395] Je ne remets pas en question le droit de l’employeur de réaménager ses effectifs et de supprimer des fonctions et des postes. Je ne doute pas non plus qu’un exercice de réaménagement des effectifs a été entrepris au sein du ministère et que l’employeur a subi une vague de suppression de postes dans le cadre de cet exercice qui a entraîné l’abolition de 92 postes. L’employeur a déposé des tableaux sur les initiatives de réduction des effectifs qui ont été préparés à partir d’une étude stratégique, visant des regroupements, dont le QG (quartier général) SQFT, le CI (Centre d’instruction) SQFT, le 5e GSS, le 34 GBC (Groupe-brigade du Canada) et le 5 GBMC (Groupe-brigade mécanisé du Canada), ainsi que des postes visés et où ils étaient situés, soit à Montréal, à Valcartier ou à Saint-Jean (Québec). Cette preuve a été facilement étalée devant moi.

[396] Le poste du fonctionnaire a été aboli après avoir été identifié parmi ceux visés au QG SQFT. Le fonctionnaire a reçu une lettre d’employé touché datée du 27 mai 2013.

[397] L’employeur a soutenu que la décision d’abolir le poste du fonctionnaire avait été prise après réflexion et consultation. Le col Lalonde a témoigné que le poste du fonctionnaire avait été identifié par son gestionnaire à des fins d’abolition parce que l’analyse de l’employeur démontrait que les fonctions principales du poste du fonctionnaire ne prenaient pas la totalité de son temps et pouvaient être assumées par le contrôleur ou le contrôleur adjoint. Le fonctionnaire n’a pas contredit ce témoignage.

[398] Je souligne que le fonctionnaire n’a pas contesté le droit de l’employeur de le déclarer excédentaire ni au moment de la déclaration ni dans le libellé du grief devant moi. Le grief du fonctionnaire conteste les actes de l’employeur entre la déclaration d’employé excédentaire et ce qu’il allègue être son congédiement. Bien que ni l’un ni l’autre des griefs du fonctionnaire ne conteste le fait que le fonctionnaire ait été déclaré employé excédentaire, j’estime que la preuve ne démontre pas, malgré la prétention du fonctionnaire à l’audience, que cette déclaration n’a pas été valablement faite par l’employeur ou qu’il y avait de la mauvaise foi de la part de l’employeur à cet égard.

[399] Le fonctionnaire a tenté de faire valoir que son poste avait été aboli, car il avait été malade et qu’il était revenu au travail à temps partiel en septembre 2013. Le maj Rhéaume, le maj Martin et le col Lalonde ont témoigné qu’ils avaient été informés que le fonctionnaire était en congé de maladie, mais ils ne connaissaient pas la raison de son congé. Je ne crois pas que le poste du fonctionnaire ait été aboli en raison de sa maladie. De toute façon, cela n’est pas soulevé dans le grief, il n’y a pas de preuve à cet effet et Burchill s’applique.

[400] Dans son argumentation, l’employeur a fait valoir que la décision d’abolir le poste du fonctionnaire avait été prise avant les événements menant au congé de maladie forcé du fonctionnaire, et que les événements subséquents devraient avoir un impact minimal sur l’analyse de l’intention de l’employeur.

[401] Bien que la déclaration d’employé excédentaire du 16 octobre 2013 n’était pas disciplinaire, cela ne veut pas dire que le fonctionnaire avait une bonne relation avec l’employeur à ce moment-là. Par ailleurs, cette relation s’est dégradée davantage lors de la période visée par le grief.

[402] Selon l’employeur, la preuve n’appuie pas l’idée qu’il avait l’intention de punir un comportement fautif quand la décision d’abolir le poste du fonctionnaire a été prise. Il ne s’agit toutefois pas de la question que je dois déterminer, car le grief conteste l’omission de l’employeur de suspendre l’écoulement de la période de priorité d’employé optant du fonctionnaire.

[403] Le grief sur le licenciement allègue que le refus de l’employeur de mettre la période de préavis en suspens pendant son congé de maladie forcé consistait aussi en une mesure disciplinaire déguisée. Ce grief repose donc sur la capacité de l’employeur de suspendre la période de priorité. Selon l’employeur, la LEFP ne prévoit pas une telle possibilité et le fonctionnaire ne m’a pas convaincu du contraire.

[404] J’ai conclu que le congé de maladie forcé du fonctionnaire était motivé par une intention disciplinaire. Toutefois, je ne puis conclure que l’écoulement de la période de priorité était de nature disciplinaire en l’absence de preuve que ladite période pouvait être suspendue. L’employeur n’aurait pu agir de manière disciplinaire que s’il avait le pouvoir de suspendre la période de préavis et qu’il avait agi sur un tel pouvoir. L’employeur a soutenu que, en l’espèce, il n’y avait pas de choix à faire et la preuve a révélé que, en conséquence, il n’a pas pris en considération cette question. Pour l’employeur, la période de préavis s’écoulait même si le fonctionnaire était en congé de maladie forcé. Le fonctionnaire ne m’a pas présenté une assise juridique indiquant que l’employeur avait le pouvoir de prolonger la période de préavis et qu’il avait décidé de ne pas le faire pour des motifs disciplinaires.

[405] Selon la preuve, le fonctionnaire avait l’impression que la période de préavis était suspendue pendant son absence en congé de maladie forcé, et ce, en raison de la façon dont l’employeur lui avait présenté la situation lors de son premier congé de maladie. Je rappelle que lorsque le maj Rhéaume a remis au fonctionnaire la lettre du 27 mai 2013, il lui a indiqué que le contenu de la lettre n’avait pas d’effet pendant son congé de maladie et que, à son retour, il aurait le statut d’employé optant. Mme Simard a témoigné qu’ils avaient procédé ainsi pour ne pas punir indûment le fonctionnaire puisque, au moment où il recevrait la lettre d’employé optant, le délai du processus quant au réaménagement des effectifs serait enclenché et la période de priorité ne pouvait être repoussée. Il semble que le fonctionnaire ait compris que le processus de réaménagement des effectifs fonctionnait d’une certaine façon. Il a toutefois été surpris quand il a reçu la lettre du 5 janvier 2015, l’avisant de sa mise en disponibilité à compter du 10 février 2015, ce qui a donné lieu au présent grief.

[406] L’employeur a fait valoir que la durée de la période de priorité applicable au fonctionnaire est déterminée par l’alinéa 5(2)c) du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique et qu’il n’a donc pas le pouvoir discrétionnaire de repousser la période de priorité. Je reproduis cette disposition, citée plus tôt dans cette décision, pour en faciliter la consultation :

5 (1) Tout fonctionnaire qui a été informé par l’administrateur général que ses services ne sont plus nécessaires, mais dont l’éventuelle mise en disponibilité n’a pas pris effet, a droit à une priorité de nomination absolue — après les priorités prévues aux articles 39.1 et 40 et aux paragraphes 41(1) et (4) de la Loi — à tout poste dans la fonction publique pour lequel, selon la Commission, il possède les qualifications essentielles visées à l’alinéa 30(2)a) de la Loi.

(2) Le droit commence le jour où le fonctionnaire est déclaré excédentaire par l’administrateur général et se termine au premier en date des jours suivants :

[…]

c) le jour où il est mis en disponibilité.

[407] Selon le fonctionnaire, l’article 7 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique accorde à l’employeur le pouvoir discrétionnaire de repousser la période de priorité dans le cas d’un fonctionnaire souffrant d’une invalidité. L’article 7 prévoit qu’un fonctionnaire qui devient handicapé et qui, de ce fait, n’est plus en mesure d’exercer les fonctions de son poste, a droit à une priorité de nomination absolue en certaines circonstances. Il n’y a rien dans cette disposition ou dans le règlement qui indique, soit explicitement ou implicitement, que l’employeur peut repousser la période de priorité. Le fonctionnaire n’a pas non plus expliqué de quelle façon l’article 7 s’appliquait en l’espèce.

[408] Le fonctionnaire devait s’acquitter du fardeau de démontrer que l’employeur a agi avec une intention disciplinaire en laissant s’écouler la période de priorité. Pour ce faire, il devait me convaincre que l’employeur avait le pouvoir de repousser la période de priorité et qu’il avait choisi de ne pas l’exercer pour des motifs disciplinaires. Aucun élément de preuve n’a établi que l’employeur avait agi de mauvaise foi. Le fonctionnaire n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau en l’absence d’une assise juridique appuyant sa position.

[409] Vu ce qui précède, je conclus que la mise en disponibilité du fonctionnaire en vertu de l’article 64 de la LEFP était une mesure strictement administrative. En conséquence, je n’ai pas compétence pour déterminer ce grief et le grief est rejeté.

D. Mesures de réparation

[410] Compte tenu de ma conclusion voulant que le grief de licenciement du fonctionnaire ne soit pas fondé, je n’ai pas à me prononcer sur les mesures de réparation demandées à son égard pour ce grief.

[411] Dans son argumentation, le fonctionnaire a soutenu qu’il avait dû vendre sa maison, que l’employeur avait bloqué ses références, qu’il avait eu des difficultés énormes à se trouver un autre emploi et qu’il avait subi des frais juridiques. Le fonctionnaire a demandé la somme de 30 000.00 $ à titre de dommages moraux compensatoires pour stress et préjudices, ainsi que 50 000.00 $ à titre de dommages punitifs et exemplaires. Le fonctionnaire a indiqué qu’il subissait des torts considérables dans son environnement de travail, dont de la diffamation quant à sa réputation professionnelle.

[412] Selon l’employeur, les mesures de réparation demandées ne font pas partie du grief et Burchill s’applique (Cameron c. Administrateur général (Bureau du Directeur des poursuites pénales), 2015 CRTEFP 98, au paragraphe 88). L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve justifiant l’octroi de dommages moraux compensatoires. Selon Canada (Procureur général) c. Tipple, 2011 CF 762, au paragraphe 58, les dommages-intérêts sont octroyés pour les préjudices réels, non les préjudices probables. Le seul témoignage du fonctionnaire n’est pas suffisant.

[413] Quant à la demande de dommages exemplaires (Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39 aux paragraphes 62 et 68 (Keays)), la version présentée par le fonctionnaire ne s’accorde pas avec l’octroi de tels dommages. L’employeur a soutenu que sa décision était fondée sur les faits : la menace à une employée de la Sun Life, l’absence de mauvaise foi et l’assurance de l’aptitude au travail du fonctionnaire. L’abolition du poste du fonctionnaire n’est pas motivée par la vengeance parce que ses fonctions ont été attribuées à d’autres employés. La demande du fonctionnaire pour des dommages exemplaires repose sur sa perception subjective des faits et ne s’accorde pas avec la prépondérance des probabilités. Le fait que le fonctionnaire ne soit pas d’accord avec les décisions de l’employeur ne lui donne pas droit à des dommages exemplaires pour dissuader et punir l’employeur.

[414] L’employeur a soutenu que la Commission n’avait pas le pouvoir d’accorder des dépens; la LRTSPF doit le prévoir expressément. Contrairement à Canada (Procureur général c. Tipple, 2011 CF 762 et Tipple c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 158, en l’espèce, il n’y a pas d’entrave au processus d’arbitrage.

[415] En ce qui a trait à l’argument de l’employeur que les mesures de réparation ne font pas partie des griefs du fonctionnaire, je note que dans un courriel en date du 5 mai 2014, adressée à Mme Simard, avec copie conforme au greffe de la Commission, dont le sujet est libellé « Amendement aux mesures correctives du grief [de suspension] », le fonctionnaire a fait certaines demandes à l’employeur, dont la suivante :

Débourser un montant pour dommage punitif exemplaire, permettant de compenser les tords occasionnés à ma réputation, des suite de l’organisation des fausses accusations criminelles manigancées par le Major Sylvain Rhéaume.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[416] L’employeur ne s’est pas opposé à cet amendement.

[417] Je considère que la formulation utilisée par le fonctionnaire de façon sommaire dans le grief sur la suspension est suffisante pour être considérée comme faisant partie de ce grief. Toutefois, je note que le grief sur la suspension ne réclame pas des dommages compensatoires à titre de mesure de réparation. Par ailleurs, l’employeur n’a pas abordé la question de savoir si Burchill s’applique aux mesures de réparation demandées dans ce grief ou seulement à la nature même du grief. Bien que les parties n’aient pas traité ces deux questions, je n’ai pas à me prononcer, puisque, j’appuie ma décision sur un autre motif, tel qu’indiqué dans les paragraphes qui suivent.

[418] En ce qui a trait aux dommages compensatoires réclamés, le fonctionnaire n’a déposé aucune preuve à cet égard. Dans son argumentation, afin d’appuyer sa thèse que le congé de maladie forcé du fonctionnaire était de nature disciplinaire et avait eu un effet préjudiciable sur lui, l’avocat du fonctionnaire a fait valoir que le fonctionnaire avait dû vendre sa maison, que l’employeur avait bloqué ses références, qu’il avait eu des difficultés énormes à se trouver un autre emploi et qu’il avait encouru des frais juridiques. Toutefois, tel qu’il a déjà été mentionné, aucune preuve n’a été déposée à cet égard.

[419] Au cours de l’audience, le fonctionnaire n’a pas fait de requête orale et directe pour que la preuve soit scindée et que je réserve compétence pour recevoir des éléments de preuve et que j’entende l’argumentation des parties sur la question des dommages, et il n’y a pas eu d’entente entre les parties à cet égard. Ce n’est que le dernier jour de l’audience, pendant son argumentation, que l’avocat du fonctionnaire m’a soumis un document intitulé « Remèdes demandés par le plaignant », dans lequel il a demandé entre autres qu’en cas de besoin, je réserve au fonctionnaire le droit d’administrer une preuve supplémentaire relativement aux dommages moraux compensatoires et exemplaires.

[420] Si une partie croit que la preuve relative aux dommages compensatoires est justifiée, une requête voulant que la preuve soit scindée doit être faite pendant l’audience afin que l’arbitre de griefs puisse bénéficier des représentations des deux parties à cet égard. Il est bien établi en droit que l’arbitre de griefs est maître de sa procédure. J’estime qu’en l’espèce, la demande du fonctionnaire formulée en fin d’audience était tardive.

[421] Pendant l’audience, le fonctionnaire a eu l’occasion de (1) présenter une preuve quant aux dommages réclamés; (2) faire une demande que la preuve soit scindée et (3) réagir lorsque l’employeur a plaidé qu’aucune preuve n’avait été présentée à l’appui des demandes de dommages compensatoires ou punitifs exemplaires. J’estime qu’il incombait au fonctionnaire de présenter une preuve à l’appui de sa demande pour dommages compensatoires, ce qu’il n’a pas fait. Vu ce qui précède, je rejette la demande pour dommages compensatoires.

[422] En ce qui a trait à la réclamation pour dommages punitifs et exemplaires, le fonctionnaire a fait valoir que la preuve a démontré que le comportement de l’employeur était arbitraire, empreint de malice et de mauvaise foi au regard de sa réputation professionnelle et constituait une violation de son droit à la vie privée, à l’intégrité et à la dignité.

[423] Tel qu’indiqué par la Cour suprême du Canada : « Les dommages punitifs sont accordés uniquement lorsque l’acte fautif délibéré est si malveillant et inacceptable qu’il justifie une sanction indépendante. (Keays, au paragraphe 62) » Le comportement en question doit être « dur, vengeur, répréhensible et malicieux » (Keays, au paragraphe 68). J’estime que, en l’espèce, la preuve n’a pas démontré que le comportement de l’employeur satisfait au critère pour l’octroi de dommages punitifs et exemplaires. Il n’y a pas de preuve que l’employeur avait l’intention de nuire au fonctionnaire ou de le blesser en lui imposant un arrêt de travail. Bien que le comportement de l’employeur puisse être caractérisé comme étant maladroit, il n’était pas dur, vengeur, répréhensible ou malicieux. Par conséquent, je rejette la demande du fonctionnaire pour dommages punitifs et exemplaires à l’égard du grief sur la suspension.

VI. Ordonnance de confidentialité

[424] Le fonctionnaire a demandé qu’une ordonnance de confidentialité soit rendue pour que la pièce P-49 soit scellée. Cette pièce est une clé USB contenant l’enregistrement de son entretien avec le Dr Bérard, qui a eu lieu le 2 octobre 2014, dans le cadre de l’ÉAT. L’employeur ne s’est pas opposé à cette demande.

[425] Le fonctionnaire a de plus demandé la mise sous scellés des informations sur sa santé qui ont été divulguées pendant l’audience en preuve documentaire, afin d’éviter des préjudices à sa réputation professionnelle.

[426] Le fonctionnaire a aussi demandé que la décision le concernant soit anonymisée. Il a fait valoir qu’en faisant une recherche, par exemple dans le site Web de recherche CanLII (Canadian Legal Information Institute), un employeur pourrait trouver une décision qui nomme le fonctionnaire. Ces demandes ne créent aucun préjudice à l’égard de l’employeur. Le test de la Cour suprême du Canada n’est pas la prépondérance des inconvénients entre les parties; il ne s’agit pas du facteur déterminant.

[427] L’employeur s’est opposé aux demandes d’anonymisation et de mise sous scellés de la preuve documentaire concernant le fonctionnaire et demande qu’elles soient rejetées au motif qu’elles sont hypothétiques. Aucun élément de preuve n’a établi que l’employeur faisait le genre de recherche mentionnée par le fonctionnaire. La probabilité que cela survienne n’a pas été établie. La transparence de l’accès aux procédures judiciaires par le public, y compris l’accès aux documents, est un volet de la justice. L’employeur n’a trouvé aucun cas où la Commission a ordonné la protection de l’entièreté des informations divulguées pendant une audience en tant que preuve documentaire concernant un fonctionnaire s’estimant lésé.

[428] La Commission fonctionne selon le principe de transparence judiciaire, qui est établi dans sa politique publiée sur son site Web. Selon le principe de transparence judiciaire, la Commission tient ses audiences en public, sauf dans des circonstances exceptionnelles. La Commission déroge à son principe de transparence judiciaire et peut accorder une ordonnance de confidentialité visant des éléments de preuve précis lorsqu’une telle demande respecte les normes juridiques applicables. La politique de la Commission discute de ces principes comme suit :

Le principe de transparence judiciaire occupe une place importante dans notre système de justice. Suivant ce principe, garanti par la Constitution, la Commission tient ses audiences en public, sauf dans des circonstances exceptionnelles. De par son mandat et la nature des affaires qu’elle entend, la Commission pratique une politique d’ouverture qui favorise la transparence de ses procédures, la responsabilisation et l’équité dans la conduite de ses audiences.

Sur son site Web, de même que dans ses avis, bulletins d’information et autres publications, la Commission fait savoir aux parties ainsi qu’à la communauté des relations de travail que ses audiences sont ouvertes au public. Les parties qui ont recours aux services de la Commission doivent savoir qu’elles s’engagent dans un processus où il est entendu que le différend qui les oppose sera débattu en public et que les décisions rendues par la Commission seront elles aussi publiques. Les parties et leurs témoins sont assujettis à l’examen du public lorsqu’ils témoignent devant la Commission; ils sont donc plus enclins à dire la vérité si leur identité est connue. Les décisions de la Commission indiquent le nom des parties et des témoins et fournissent toute information à leur sujet qui est pertinente et nécessaire pour décider du différend.

Parallèlement, la Commission reconnaît que, dans certains cas, la mention de renseignements personnels au cours d’une audience ou dans une décision écrite peut avoir des répercussions sur la vie de la personne concernée. Des préoccupations liées à la protection de la vie privée surviennent le plus souvent lorsque des renseignements sur certains aspects de la vie d’une personne deviennent publics. []

Devant les progrès de la technologie et la facilité d’afficher électroniquement des documents, y compris ses propres décisions, la Commission reconnaît que, dans certaines circonstances, il puisse être justifié de limiter le concept de transparence en ce qui concerne les circonstances de personnes qui sont parties ou témoins à des affaires dont la Commission est saisie.

Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission déroge à son principe de transparence judiciaire pour accéder à des demandes visant la protection de la confidentialité d’éléments spécifiques de la preuve et adapter ses décisions au besoin pour protéger la vie privée d’une personne (notamment en tenant une audience à huis clos, en scellant des pièces présentées en preuve qui contiennent des renseignements médicaux ou personnels de nature délicate ou en protégeant l’identité de témoins ou de tierces parties). La Commission peut accorder de telles demandes lorsqu’elles respectent les normes applicables reconnues dans la jurisprudence.

[429] Dans Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, aux paragraphes 9 à 11, la Commission a examiné en détail les principes juridiques applicables, qui peuvent être résumés comme suit : l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire est un droit protégé par le droit à la liberté d’expression. Toutefois, des occasions surviennent où la liberté d’expression et le principe d’accès ouvert et public aux audiences doivent être équilibrés par rapport à d’autres droits importants, y compris le droit à une audience équitable. La Commission doit équilibrer ces droits et intérêts concurrents au moment de déterminer si elle doit accorder une ordonnance de confidentialité. Lorsqu’elle prend cette décision, la Commission doit appliquer le critère Dagenais/Mentuck, tel qu’il est indiqué au paragraphe 11 de Basic :

11 Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non-publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

1. elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque.

2. ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

[430] Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, au paragraphe 55, (« Sierra Club »), la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit au sujet de l’intérêt public :

[…] pour citer le juge Binnie dans F.N. (Re), [2000] 1 R.C.S. 880, 2000 CSC 35, par. 10, la règle de la publicité des débats judiciaires ne cède le pas que « dans les cas où le droit du public à la confidentialité l’emporte sur le droit du public à l’accessibilité […]

 

[431] Le seuil du critère visant à assurer la confidentialité de la preuve est très élevé et la partie qui présente une demande de confidentialité a le fardeau de démontrer qu’elle respecte les exigences du critère.

[432] L’entretien du fonctionnaire avec le Dr Bérard a duré environ deux heures. Au cours de l’entrevue, le fonctionnaire a répondu à des questions d’ordre très personnel sur divers aspects de sa vie.

[433] Il est clair que l’entretien avec le Dr Bérard contient des informations personnelles divulguées par le fonctionnaire en toute confidence à un médecin. Malgré le décès du fonctionnaire, j’estime que l’information divulguée par le fonctionnaire dans ce contexte représente un intérêt important pour sa réputation ainsi que pour sa famille. Je considère que, pour écarter le risque que le public ait accès à cet enregistrement, il n’y a pas d’autre option que d’émettre une ordonnance de confidentialité. De plus, je suis d’avis qu’il n’y a aucun intérêt pour le public d’avoir accès à cet enregistrement. Que l’enregistrement demeure confidentiel ne change en rien le sort de cette décision. D’ailleurs, il faut se rappeler que l’ÉAT n’a pas été complétée par le Dr Bérard et que Santé Canada a fermé le dossier de l’ÉAT parce que le motif sous-tendant l’ÉAT n’existait plus.

[434] Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés de la pièce P-49.

[435] En ce qui a trait à la demande de mise sous scellés des informations au sujet du fonctionnaire divulguées pendant l’audience en preuve documentaire, je considère que cette demande est trop large et pas suffisamment détaillée. Le fonctionnaire n’a pas précisé quels éléments de la preuve documentaire, selon lui, devaient être mis sous scellés; il lui incombait d’identifier ces éléments et de fournir des motifs démontrant que sa demande respecte le critère de la confidentialité. Le fonctionnaire ne m’a pas convaincu qu’il était nécessaire de sceller toute la preuve documentaire le concernant et, par conséquent, je rejette cette demande.

[436] Quant à la demande d’anonymisation de cette décision, tel qu’il est énoncé dans la politique de la Commission, les parties qui ont recours à ses services savent qu’elles s’engagent dans un processus public et que les décisions de la Commission indiquent le nom des parties. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut accorder des demandes visant à protéger la vie privée d’une personne.

[437] Le fonctionnaire a demandé l’anonymisation de cette décision puisqu’un individu effectuant une recherche sur des sites Web pourrait accéder à cette décision ainsi qu’à la preuve au dossier, ce qui pourrait nuire à la recherche d’emploi du fonctionnaire et stigmatiser sa réputation professionnelle. Compte tenu du décès du fonctionnaire, la recherche d’emploi par celui-ci est dorénavant sans objet.

[438] J’estime que l’information contenue dans cette décision ne présente pas un risque sérieux à la réputation posthume du fonctionnaire et que l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires doit prévaloir dans les circonstances.

[439] Par conséquent, je rejette la demande d’anonymisation de cette décision.

[440] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


 

VII. Ordonnance

 

[441] Le grief sur la suspension (dossier 566-02-9762) est accueilli. J’ordonne à l’administrateur général de rembourser à la succession du fonctionnaire le salaire et les avantages sociaux, au groupe et au niveau FI-02, auxquels le fonctionnaire aurait eu droit pour la période entre la date de sa mise en congé de maladie forcé, soit le 26 février 2014, et la date de sa mise en disponibilité, soit le 10 février 2015, compte tenu des déductions d’usage.

[442] Le grief sur le licenciement (dossier 566-02-11009) est rejeté.

[443] J’ordonne la mise sous scellés de la pièce P-49.

[444] La Commission demeure saisie de toute question liée au calcul des sommes dues au titre du paragraphe 441 de cette décision, pendant 90 jours suivant la date de cette décision.

Le 19 novembre 2020.

Steven B. Katkin,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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