Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté sa candidature à deux volets d’un processus de nomination – il s’est qualifié pour le premier volet, mais parce qu’il ne satisfaisait à aucune des compétences constituant un atout, il n’a pas fait l’objet d’une évaluation plus poussée – il ne s’est pas qualifié au deuxième volet parce qu’il n’a pas satisfait aux deux compétences essentielles – puisque la plupart des candidats au premier volet satisfaisaient aux compétences essentielles et ont été présélectionnés, le défendeur a utilisé trois compétences précises constituant un atout énumérées dans l’offre d’emploi et l’énoncé des critères de mérite, à titre d’outils d’évaluation supplémentaire pour réduire le volume - la Commission a conclu qu’il n’y avait rien de répréhensible à utiliser les compétences constituant un atout en tant que stratégie de contrôle du volume - l’application d’une méthode d’évaluation supplémentaire après le processus de présélection initial relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur, énoncé au paragraphe 30(2) et à l’article 36 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) – la Commission n’a pas non plus trouvé de preuve de favoritisme personnel envers la personne nommée – en ce qui concerne l’autre volet, le plaignant n’a pas démontré que le défendeur avait abusé de son pouvoir dans la façon dont il a élaboré ou noté l’examen, ou qu’il était partial à son égard – de plus, la Commission a conclu que le défendeur n’avait pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus de nomination annoncé – le plaignant n’a pas non plus présenté une preuve prima facie de discrimination à son égard de la part du défendeur – la Commission a rejeté la demande du plaignant d’anonymiser l’intitulé de cette décision.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20210122

Dossiers : EMP‑2016‑10180, 10194, 10195 et 10352

Référence : 2021 CRTESPF 3

Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

PAUL ABI‑MANSOUR

plaignant

 

et

 

SOUS‑MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Abi‑Mansour c. Sous‑ministre des Pêches et des Océans

Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir déposées en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Nancy Rosenberg, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui‑même

Pour l’intimé : Patrick Turcot, avocat

 

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

les 28 et 29 mars et le 5 avril 2019.

(Arguments écrits déposés les 2, 5, 15 et 26 avril, le 3 mai 2019 et les 6, 11 et 14 juin, le 19 août, les 4 et 9 septembre 2020.)

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 5 février 2015, le ministère des Pêches et des Océans (MPO) a mené un processus de nomination interne annoncé (numéro 14‑DFO‑NCR‑IA‑HRCS‑102099) afin de doter divers postes en technologie de l’information (TI) classifiés au groupe et au niveau CS‑02. Le processus comprenait quatre volets. L’avis de possibilité d’emploi (APE) invitait les employés du MPO de tout le Canada et les employés de la fonction publique fédérale qui occupent un poste dans la région de la capitale nationale de présenter leur candidature.

[2] Entre le 3 février et le 19 avril 2016, le plaignant, Paul Abi‑Mansour, un employé du MPO, a déposé quatre plaintes en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP). L’une concernait la nomination d’Alain Liard à un poste d’analyste de la sécurité au cours du volet 1. Les trois autres plaintes visaient les nominations d’Amy Wong, de Justin Hillick et d’Alexandre Voyer aux postes d’analyste‑programmeur dans le cadre du volet 3. Les plaintes ont été regroupées.

[3] Les outils d’évaluation comprenaient notamment la présélection des candidatures, un examen écrit, une entrevue et une vérification des références. Le plaignant a réussi l’examen écrit au volet 1, mais parce qu’il ne possédait aucune des qualifications constituant un atout, sa candidature n’a pas été évaluée davantage. Il ne s’est pas qualifié pour le volet 3, car il ne répondait pas aux deux critères essentiels (connaissances et capacités) évalués par l’examen écrit.

[4] Le plaignant a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite ainsi que dans le choix du processus et qu’il avait fait preuve de discrimination à son égard. Le plaignant n’a pas donné un avis préalable à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) selon lequel il prévoyait faire valoir qu’il avait été victime de discrimination, comme l’exige l’article 78 de la LEFP. À la demande de la Commission, il l’a fait le premier jour de l’audience. La CCDP a informé la Commission qu’elle n’avait pas l’intention de participer à l’audience.

[5] En vertu de l’article 79 de la LEFP, la Commission de la fonction publique (CFP) a le droit d’être entendue dans toute plainte de dotation déposée auprès de la Commission. La CFP a refusé de participer à l’audience et ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé des plaintes. Elle a toutefois présenté des arguments écrits décrivant les politiques de la CFP et la jurisprudence pertinente.

II. Arguments préliminaires du plaignant

A. La constitutionnalité du processus de dépôt de plaintes prévu par la LEFP; « norme de contrôle »

[6] Le plaignant a soutenu que le droit d’un fonctionnaire de demander une réparation au moyen d’une plainte en vertu de l’article 77 de la LEFP remplace le droit constitutionnel à un contrôle judiciaire de la décision d’un administrateur général. Il a contesté la validité constitutionnelle de la LEFP au motif qu’elle l’empêchait d’avoir directement accès à la Cour fédérale pour demander un contrôle judiciaire d’une décision de dotation. À son avis, cela l’a obligé à satisfaire à une norme plus élevée (abus de pouvoir) pour établir ses allégations dont est saisie la Commission. Il a fait valoir qu’en revanche, un contrôle judiciaire pourrait s’avérer favorable si une simple erreur ou omission de l’administrateur général était découverte.

[7] Le plaignant a fait valoir le même argument dans Abi‑Mansour c. Sous-ministre des Pêches et des Océans, 2018 CRTESPF 53 (« Abi‑Mansour 2018 »). Il a également fait valoir un argument connexe dans Abi‑Mansour c. président de la Commission de la fonction publique, 2016 CRTEFP 53 (« Abi‑Mansour 2016 »), dans laquelle il avait soutenu qu’un plaignant pouvait légalement choisir de poursuivre devant la Cour fédérale ou la Commission, mais que la Cour Fédérale n’était possible que pour les plaideurs fortunés.

[8] En l’espèce, le plaignant a soutenu que la LEFP l’avait limité à déposer une plainte en vertu de l’article 77 contre la décision de l’intimé et que, par conséquent, une audience devant la Commission constitue essentiellement un contrôle judiciaire de la décision de l’intimé. Par conséquent, la Commission devrait appliquer des normes de contrôle semblables à celles qui s’appliquent à un contrôle judiciaire.

[9] Une audience devant la Commission ne constitue pas un contrôle judiciaire; il s’agit d’une audience de novo (qui commence à nouveau) au cours de laquelle la Commission apprécie la preuve et détermine si le plaignant s’est acquitté de son fardeau d’établir que l’intimé a abusé de son pouvoir.

[10] Dans Abi‑Mansour 2018, la Commission a clairement indiqué au plaignant que l’argument de la validité constitutionnelle ne serait pas entendu, car les avis aux procureurs généraux requis en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C. (1985), ch. F‑7) n’avaient pas été signifiés. Ils n’ont pas été signifiés non plus en l’espèce. Cet argument ne sera pas examiné davantage.

[11] Je fais également remarquer que, comme l’a indiqué la Commission lorsqu’elle a été confrontée au même argument lors d’une audience subséquente à celle‑ci (Abi‑Mansour c. Administrateur général (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2020 CRTESPF 36 (« Abi‑Mansour 2020 »)), la véritable préoccupation du plaignant qui sous-tend son argument concernant le caractère constitutionnel et la norme de contrôle est que, à son avis, la Commission définit « abus de pouvoir » de manière trop étroite.

B. Abus de pouvoir en vertu de la LEFP

[12] Le paragraphe 77(1) de la LEFP prévoit qu’un candidat non retenu dans la zone de sélection d’un processus de nomination interne peut présenter une plainte auprès de la Commission selon laquelle il ou elle n’a pas été nommé en raison d’un abus de pouvoir. L’expression « abus de pouvoir » n’est pas définie dans la LEFP, mais le paragraphe 2(4) indique ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

[13] L’intimé et la CFP ont tous deux fait valoir dans leurs arguments écrits qu’une conclusion d’abus de pouvoir en vertu de la LEFP exige une inconduite grave intentionnelle de la part de l’employeur. Ils ont soutenu que les deux types d’abus prévus expressément au paragraphe 2(4) (mauvaise foi et favoritisme personnel) définissent le type d’abus de pouvoir intentionnel que le législateur entendait couvrir par l’expression « abus de pouvoir ».

[14] Dans Ross c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2017 CRTEFP 48, la Commission a fait remarquer qu’elle-même et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) avaient établi que le paragraphe 2(4) de la LEFP doit faire l’objet d’une interprétation large et qu’il n’exige pas un élément d’intention. La Commission a tranché la question de l’intention aux paragraphes 16 et 17, comme suit :

16 La Commission et le Tribunal ont, de manière uniforme, conclu qu’il n’est pas nécessaire de présenter une preuve d’intention pour tirer une conclusion d’abus de pouvoir. Comme l’indique Tibbs, au paragraphe 74 :

Exiger que l’abus de pouvoir soit lié à l’intention entraînerait des situations qui seraient clairement contraires à l’objet de la LEFP. Le législateur n’aurait pas pu envisager qu’il n’y aurait aucun recours en vertu de la LEFP lorsque, par exemple, un gestionnaire, de façon involontaire, procéderait à une nomination qui donnerait lieu à un résultat déraisonnable ou discriminatoire. Lorsqu’un gestionnaire involontairement procède à une nomination qui va clairement à l’encontre de la logique et des renseignements disponibles, cela peut ne pas constituer un acte de mauvaise foi, un acte répréhensible intentionnel ou une conduite irrégulière, mais le gestionnaire peut avoir abusé de son pouvoir discrétionnaire.

17 La Cour fédérale du Canada a également confirmé qu’une conclusion d’abus de pouvoir, dans le contexte de la LEFP, n’exige pas la preuve de l’intention. Dans Makoundi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1177, la Cour a déclaré qu’il peut y avoir abus de pouvoir sans qu’il soit démontré que l’abus était intentionnel. [...]

 

[15] Le plaignant a soutenu que le fait d’insister pour que l’intention fasse partie de la définition établit un seuil trop élevé et que l’abus de pouvoir pourrait être constaté en fonction d’une erreur ou d’une omission de la part de l’intimé. Je suis en partie d’accord avec le plaignant sur ce point, comme l’était la Commission dans Abi‑Mansour 2018, comme suit :

[58] Je suis d’accord avec le plaignant, dans la mesure où la CFP fait allusion à un abus de pouvoir comme étant un acte répréhensible si grave qu’il équivaut à un acte intentionnel. La Commission a constamment jugé qu’il s’agissait d’une norme trop élevée pour qu’un plaignant puisse y satisfaire.

 

[16] Je souscris à cette conclusion et je fais remarquer en outre qu’il n’est pas utile que la CFP continue de présenter cet argument, qui a été rejeté de manière claire et uniforme par la Commission et les tribunaux.

C. Fardeau de la preuve

[17] Dans une plainte concernant un abus de pouvoir, il incombe au plaignant d’établir ses allégations. Ce principe a été confirmé dans Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8 (Tibbs) comme suit :

[...]

[49] La règle générale devant les tribunaux civils et dans les audiences en matière d’arbitrage veut qu’il incombe à la partie qui fait une allégation de prouver celle‑ci plutôt qu’à l’autre partie de la réfuter. [...]

[50] [...] La règle générale dans les causes civiles devrait être suivie et il incombe à la plaignante, dans les procédures intentées auprès du Tribunal, de faire la preuve de l’allégation d’abus de pouvoir.

[...]

 

[18] Néanmoins, le plaignant a soutenu que le fardeau de la preuve dans le cadre d’une plainte déposée en vertu de l’article 77 de la LEFP devrait être différent et ne pas incomber uniquement au plaignant. Il a proposé plutôt d’appliquer une [traduction] « légère dérogation » de Tibbs, en ce sens qu’un plaignant ne devrait avoir qu’à établir une preuve prima facie, comme dans les affaires concernant les droits de la personne, et que le fardeau devrait ensuite incomber à l’intimé.

[19] Le plaignant a fondé cette proposition sur son point de vue selon lequel les plaignants disposent de très peu de renseignements et que le processus d’échange de renseignements ne fournit pas toujours suffisamment de renseignements afin de permettre à un plaignant de faire valoir ses arguments. Il a soutenu qu’il devrait être suffisant pour le plaignant de simplement soulever une croyance selon laquelle des personnes nommées n’étaient pas qualifiées pour transférer le fardeau à l’intimé. Selon le plaignant, [traduction] « [n]ous avons essayé d’appliquer Tibbs pendant 13 ans, mais toutes les affaires sont constamment rejetées et nous avons peut‑être besoin d’une nouvelle approche. »

[20] Je ne nie pas que, en général, l’employeur dispose de beaucoup plus de renseignements qu’un plaignant dans le cadre d’une plainte en matière de dotation et je peux comprendre la frustration du plaignant à cet égard. Toutefois, on ne peut pas remédier à ce problème en permettant simplement aux plaignants de présenter des allégations sans fondement selon lesquelles les personnes nommées ne sont pas qualifiées afin de transférer le fardeau de la preuve.

[21] Confrontée au même argument dans Abi‑Mansour 2018, la Commission a adopté les commentaires antérieurs de la Commission énoncés dans Abi‑Mansour 2016. La présente Commission les adopte également :

[...]

[21] En ce qui concerne le fardeau de la preuve, le plaignant a invoqué Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, au paragraphe 29, et a fait valoir qu’il était renversé lorsqu’une preuve prima facie était démontrée. Selon l’intimé, une lecture appropriée de Lahlali permet de conclure que, tout au long de l’affaire, il incombe au plaignant de s’acquitter du fardeau de la preuve.

[22] En effet, pour l’ensemble de l’analyse, le plaignant doit s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe. Toutefois, tel qu’il est indiqué dans McGregor c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 197, l’intimé peut avoir à s’acquitter d’un fardeau tactique afin de répondre à la preuve du plaignant.

[23] McGregor est antérieure aux changements qui ont été apportés à la LEFP en vertu desquels le Tribunal a été créé. Quoi qu’il en soit, les principes du fardeau de la preuve décrits comme suit aux paragraphes 27 à 29 de McGregor s’appliquent toujours dans le contexte actuel :

[27] Pour que l’appel fondé sur l’article 21 soit utile, il faut que l’appelant axe sa preuve sur les éléments précis du processus de sélection qui démontrent, selon lui, que le principe du mérite n’ait pas été respecté. Plus la cause de l’appelant est solide, plus le ministère d’embauche élaborera ce qu’on pourrait appeler un « fardeau tactique » en vue de présenter des éléments de preuve pour réfuter ceux sur lesquels l’appelant se fonde, de crainte d’une décision défavorable. Toutefois, ce fardeau tactique ne repose pas sur la loi, mais sur le simple bon sens. En tout temps, c’est sur l’appelant que repose le fardeau ultime et la charge de persuader le comité d’appel que le jury de sélection n’a pas respecté le principe du mérite (voir John Sopinka et al., The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1999, aux paragraphes 3.47 et 3.48).

[...]

[29] Ainsi que je l’ai déjà expliqué, il n’est pas concevable d’obliger dans chaque cas le jury de sélection à démontrer que la procédure suivie respectait le principe du mérite à tous les égards. [...] Il n’est pas dans l’intérêt du public de consacrer d’abondantes ressources à réfuter des allégations qui ne peuvent être étayées. [...]

[...]

 

D. Crainte raisonnable de partialité

[22] Le plaignant a également demandé que la barre soit mise moins haut afin de conclure qu’il existe une crainte raisonnable de partialité. Il a contesté ce critère juridique parce qu’il s’appliquait à son allégation selon laquelle il existait une crainte raisonnable de partialité en faveur de M. Liard, la personne nommée dans le cadre du volet 1.

[23] Il a soutenu qu’une autre norme devrait s’appliquer, selon la personne qui rend la décision. Le plaignant a cité Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 817, en guise de jurisprudence pour cette proposition, et il a ajouté que le décideur dans Baker n’était [traduction] « qu’un agent d’immigration », semblable à un gestionnaire dans la fonction publique. Il est allé plus loin en suggérant que [traduction] « nous n’embauchons pas les commissaires dans la rue, mais en ce qui concerne les gestionnaires, nous le faisons parfois. » Par conséquent, la crainte raisonnable de partialité concernant les décisions des gestionnaires devrait être assujettie à un seuil inférieur. Il a demandé pour la forme pourquoi les gestionnaires sont considérés comme impartiaux et il a proposé qu’il ne devrait exister aucune telle présomption.

[24] Baker a examiné un certain nombre de facteurs contextuels différents qui permettraient à un tribunal de décider si un processus décisionnel administratif était équitable. L’un des facteurs pris en considération était la nature de l’organisme de décision. Plus le processus ressemble à une prise de décision judiciaire, plus il est probable que l’obligation d’agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès.

[25] Certes, les gestionnaires qui cherchent à trouver la bonne personne à nommer à un poste exercent leurs fonctions dans un contexte différent de celui des commissaires ou des juges et leur processus décisionnel ne ressemble pas beaucoup au modèle judiciaire. Néanmoins, ils ont une obligation légale d’être impartiaux et, en l’absence d’une preuve contraire, ils sont présumés l’être. J’ajoute, au passage, que les commentaires dédaigneux du plaignant au sujet des agents d’immigration et des gestionnaires de la fonction publique étaient injustifiés et inappropriés.

[26] Dans Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, la Cour suprême du Canada a établi le critère à appliquer à cette question, comme suit :

[...]

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. [...] »

 

[27] Le TDFP et la Commission ont reformulé ce critère dans le contexte de la dotation, comme suit : Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables de l’évaluation, la Commission peut conclure à l’existence d’un abus de pouvoir (Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2016 CRTEFP 33, faisant référence à Gignac c. le sous‑ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10). La Cour fédérale a également mentionné cette reformulation du critère dans Makoundi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1177, au paragraphe 51. Je ne vois aucune raison de m’en écarter.

E. Stare decisis; abus de procédure

[28] Le plaignant a soutenu que la doctrine du stare decisis (précédent judiciaire) ne s’applique pas à la Commission parce qu’elle est un tribunal administratif et qu’elle a donc le droit de modifier ses précédents, de distinguer ses décisions et de s’écarter des interprétations antérieures, le cas échéant. Il a estimé qu’il s’agit d’un attribut important des tribunaux administratifs et qu’ils disposent d’une grande marge de manœuvre pour adopter de nouvelles interprétations.

[29] Dans cette optique, le plaignant a demandé à la Commission de ne pas tenir compte des décisions antérieures ou, comme il l’a dit, des décisions [traduction] « erronées » qui le concernent. Il a indiqué que toutes les décisions antérieures de la Commission à son sujet étaient erronées. Elles ne découlaient pas d’une prise de décision équitable et de bonne foi, mais plutôt de [traduction] « problèmes » entre les commissaires et lui‑même. Les décideurs de ses affaires antérieures avaient un parti pris contre lui.

[30] Le plaignant a raison de dire que la Commission n’est pas tenue de suivre ses décisions antérieures. Toutefois, ses commentaires outranciers à l’égard des commissaires qui ont instruit ses plaintes antérieures étaient tout à fait inappropriés. Le fait de ne pas souscrire à une décision ne donne pas à un plaignant le droit de formuler des allégations non fondées laissant entendre un parti pris de la part d’un décideur. Il s’agit d’une allégation extrêmement grave. Le fait de faire de fausses accusations de cette nature sans fondement est vexatoire et constitue un abus de la procédure de la Commission. Pire encore, cela n’est pas nouveau pour le plaignant, qui en a déjà été informé par la Commission et les tribunaux à maintes reprises.

III. Allégations d’abus de pouvoir

[31] Le plaignant a allégué que l’intimé avait commis un abus de pouvoir :

[Traduction]

• en établissant les qualifications du volet 1 et en utilisant les critères constituant un atout en tant que méthode d’évaluation pour le contrôle du volume;

• en élaborant l’examen dans le cadre du volet 3 et en le corrigeant de manière inéquitable;

• en démontrant un favoritisme personnel envers la personne nommée dans le cadre du volet 1;

• en ayant un parti pris contre le plaignant;

• en nommant des candidats qui étaient moins qualifiés que lui et qui ne répondaient pas aux qualifications essentielles et aux qualifications constituant un atout;

• en choisissant un processus annoncé;

• en faisant preuve de discrimination à son égard sur la base d’un motif de distinction illicite contraire aux articles 3 et 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

[...]

[32] La LEFP établit le vaste pouvoir discrétionnaire de l’intimé, dans l’exercice du pouvoir qui lui est délégué par la CFP, de déterminer les critères essentiels et ceux constituant un atout pour un poste, ainsi que les méthodes d’évaluation qu’il utilisera pour déterminer les candidats qui y satisfont :

[...]

Principes

(1) Les nominations – internes ou externes – à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

Définition du mérite

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

b) la Commission prend en compte :

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

[...]

Méthode d’évaluation

36 La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous‑alinéa 30(2)b)(i).

[...]

 

[33] Le plaignant a témoigné en son propre nom et n’a cité aucun témoin à témoigner. Un certain nombre de ses allégations étaient exprimées en termes vagues et il n’était pas toujours évident de savoir quand elles visaient les deux volets ou seulement un. J’ai lié les allégations au volet auquel elles semblaient le plus liées et ai-je les ai regroupées selon ce qui convenait.

[34] L’intimé a cité à témoigner cinq témoins : Richard Bastien, gestionnaire, Soutien et développement d’applications, qui a dirigé le processus de dotation, trois gestionnaires d’embauche, soit Patrick Martin, Bert Paulin et Andrew Frost, ainsi que Julien Tremblay, qui était l’expert en la matière dans le cadre de ce processus.

A. Établir et appliquer les critères constituant un atout (volet 1)

[35] L’APE et l’énoncé des critères de mérite (ECM) déclarent ce qui suit :

[Traduction]

Les critères suivants constituant un atout peuvent être utilisés pour sélectionner les candidats à des postes particuliers. Par conséquent, les candidats doivent démontrer clairement dans leur candidature les qualifications relatives aux études et à l’expérience constituant un ATOUT auxquelles ils satisfont. Le non-respect de cette exigence peut entraîner le rejet de la candidature d'un candidat pour des postes exigeant certaines qualifications spécifiques constituant un atout.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[36] L’intimé a utilisé les trois critères particuliers constituant un atout indiqués dans l’APE et l’ECM à titre d’outils d’évaluation supplémentaires pour réduire le volume. Le plaignant a reconnu qu’il était au courant, grâce à l’APE, que les qualifications constituant un atout pourraient être utilisées dans le processus de sélection. Toutefois, comme il l’a dit, [traduction] « [m]ême si je l’ai lu, je n’y souscris pas. »

[37] Selon la théorie du plaignant, les qualifications essentielles et l’examen du volet 1 établissaient délibérément un seuil inférieur, permettant à de nombreux candidats d’être présélectionnés, afin que les critères particuliers constituant un atout puissent être invoqués. Cette façon de faire aurait ainsi permis la nomination de M. Liard, qui occupait déjà le poste par intérim. Le plaignant a soutenu que les critères constituant un atout ont été utilisés en tant que prétexte, qu’ils étaient trop précis, qu’il était presque impossible d’y satisfaire et que, de tous les candidats, seul M. Liard pouvait y satisfaire. Auparavant, l’intimé avait nommé M. Liard au poste à titre intérimaire sans ces qualifications constituant un atout; elles n’étaient donc pas nécessaires pour occuper le poste. Le plaignant a fait valoir que l’intimé n’avait aucune raison d’insister sur ces qualifications, mais que M. Liard a été nommé au poste en raison de celles‑ci. Il a posé la question rhétorique suivante : [traduction] « Étaient‑elles vraiment si importantes? »

[38] Le plaignant a fait remarquer que, même après avoir conçu un examen trop facile, l’intimé disposait encore d’autres options de contrôle du volume et n’avait pas besoin d’insister sur ces qualifications particulières constituant un atout. Par exemple, il aurait pu plutôt augmenter les exigences d’études, commencer par seulement les employés du MPO ou faire passer d’autres examens. Le plaignant estime que l’utilisation de l’une ou l’autre de ces options pour réduire le nombre de candidats retenus aurait augmenté ses chances de succès. Au contraire, l’employeur a utilisé les qualifications constituant un atout pour réduire le nombre, sans justifier cette approche. Par conséquent, la Commission devrait tirer une conclusion défavorable selon laquelle la stratégie de contrôle du volume avait pour but de s’assurer que M. Liard serait nommé au poste.

[39] Le plaignant a fait remarquer que l’article 33 de la LEFP précise qu’il n’est pas nécessaire de satisfaire aux qualifications constituant un atout et que, par conséquent, l’intimé aurait pu le nommer au poste même s’il n’y satisfaisait pas. Il a également soutenu qu’il était plus qualifié que la personne nommée parce qu’il avait fait plus d’études, suivi plus de formation et possédait plus d’expérience en général, et parce qu’il faisait partie d’un bassin de candidats qualifiés avant la personne nommée.

[40] M. Bastien a témoigné qu’il avait participé à quatre processus de dotation sur une période de 10 ans, à titre d’expert en la matière dans le cadre de deux de ces processus et à titre de responsable dans les deux autres. On lui avait demandé d’être responsable de celui‑ci. Il a coordonné les équipes pour les différents volets et a géré le processus.

[41] Il a témoigné que les qualifications essentielles et celles constituant un atout n’avaient pas été déterminées unilatéralement ou de mauvaise foi, mais qu’elles ont plutôt été élaborées en collaboration avec les gestionnaires d’embauche, les ressources humaines (RH) et les experts en la matière. Il y avait au moins quatre gestionnaires, un pour chaque volet, ainsi que des superviseurs et des techniciens; cet effort a concerné plus de 15 personnes. Le but était de s’assurer d’avoir un ECM appuyé par tout le monde et qui était approuvé par les RH.

[42] M. Bastien a déclaré qu’un ECM décrit les qualifications requises pour un poste afin de de répondre aux besoins opérationnels. Il indique la façon dont les candidats devraient expliquer et démontrer leur expérience et leurs connaissances. Il est important que les RH examinent l’ECM afin de s’assurer que la section des qualifications est claire et que les exigences en matière d’études satisfont aux normes gouvernementales. M. Bastien a dit que les RH examinent le contenu et la rédaction de chaque ECM. Si les RH soulèvent des problèmes, les équipes apportent les ajustements nécessaires. M. Bastien ne s’est souvenu d’aucun problème important relatif à celui‑ci.

[43] Un ECM comporte deux volets : les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout. Les qualifications essentielles constituent le premier seuil. Les candidats qui sont évalués par rapport à ces qualifications et qui ne satisfont pas à une ou à plusieurs de celles‑ci ne sont pas considérés comme qualifiés et leur candidature est éliminée à cette étape. Si les candidats satisfont aux qualifications essentielles, les critères constituant un atout peuvent être utilisés pour les évaluer davantage.

[44] M. Bastien a témoigné que les qualifications constituant un atout sont souvent très importantes, selon le poste, et que les gestionnaires s’y fient souvent pour prendre leurs décisions en matière de sélection. Elles visent habituellement une expérience ou des qualifications techniques plus particulières. Si une expérience particulière ou technique est indiquée en tant que qualification essentielle, elle permet souvent d’éliminer de nombreux candidats. Dans le cadre de ce processus, l’intimé a pris soin de garder les besoins plus particuliers comme des qualifications constituant un atout. Le but était d’éliminer les candidats qui ne satisfaisaient manifestement pas aux qualifications de base, mais également d’éviter d’éliminer ceux qui pourraient avoir des atouts souhaitables à offrir.

[45] Lorsque ce type d’approche donne lieu à la sélection préalable d’un trop grand nombre de candidats, il est parfois nécessaire de mettre en œuvre d’autres stratégies de contrôle du volume. En l’espèce, sur plus de 100 candidats, 72 ont d’abord été présélectionnés dans le cadre du volet 1, après avoir conclu qu’ils possédaient les qualifications essentielles, qui ont été évaluées à l’aide de l’examen écrit. À ce stade, en consultation avec les directeurs et les gestionnaires, il a été décidé de mettre en œuvre une stratégie de contrôle du volume fondée sur les trois qualifications constituant un atout, dont une seule devait être satisfaite pour passer à l’étape de l’entrevue. Il s’agissait des trois qualifications suivantes :

[Traduction]

A4 : Expérience dans le processus de certification et d’accréditation (C et A) des

Systèmes d’information, y compris la production d’un énoncé de sensibilité (ES) et l’exécution d’une évaluation de la menace et des risques (EMR) des systèmes de la TI

A5 : Expérience appréciable* et récente** dans un ou plusieurs des secteurs de la sécurité de la TI suivants :

Effectuer des évaluations de vulnérabilité des systèmes de la TI

Sécurité des applications

Sécurité des réseaux

Gestion des incidents de sécurité

Essais et évaluation de la sécurité de la TI

A6 : Expérience dans l’utilisation d’un ou plusieurs des principes, des méthodes, des pratiques ou des outils suivants en matière de sécurité de la TI :

ITSG‑33 – Méthodologie d’évaluation et d’autorisation de la sécurité

Méthodologie harmonisée d’EMR (évaluation de la menace et des risques)

Architecture de la sécurité et zones de sécurité de la TI (ITSD‑02)

 

[46] Je ne vois rien de mal dans l’élaboration par l’intimé des critères particuliers constituant un atout, qui traitent clairement des compétences et de l’expérience requises pour effectuer le travail. L’intimé n’était pas non plus tenu d’interroger 72 candidats. L’application d’une méthode d’évaluation supplémentaire à la suite du processus de sélection initial relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur prévu au paragraphe 30(2) et à l’article 36 de la LEFP. L’intimé avait le pouvoir de tenir compte de toute qualification supplémentaire qu’il considérait comme un atout pour le travail à exécuter ou pour l’organisme actuel ou à l’avenir.

[47] Rien dans la preuve n’indiquait que l’employeur avait établi les exigences essentielles et l’examen à un seuil inférieur pour lui permettre de manipuler le processus afin de nommer le candidat qui occupait le poste par intérim. Je retiens la justification de l’intimé selon laquelle le but était d’éviter d’éliminer prématurément des candidats qui auraient pu posséder les atouts dont il avait besoin. C’est l’intimé qui décide du travail à faire et qui doit trouver le bon candidat pour bien accomplir ce travail. Le fait de mettre l’accent sur les qualifications particulières constituant un atout pour le travail particulier à accomplir ne constitue pas une approche déraisonnable.

B. Favoritisme personnel (volet 1)

[48] Le plaignant a contesté le rôle de Robert Luther dans la nomination de M. Liard. M. Luther était le chef d’équipe et le superviseur direct de la personne nommée dans son rôle par intérim. Il a fourni une référence pour M. Liard et, selon les directives de M. Martin, a rédigé la justification de nomination pour la nomination de M. Liard. Le plaignant a fait valoir que M. Luther était [traduction] « l’associé » de M. Liard et qu’il souhaitait tout simplement qu’il occupe le poste.

[49] M. Martin était le gestionnaire d’embauche pour la nomination de M. Liard. Il avait travaillé dans le domaine de la TI pendant 20 ans, dont 10 ans au MPO, et il était chargé du groupe de sécurité. Il a décrit sa participation comme étant principalement un consommateur du bassin et a indiqué qu’il n’avait aucune relation avec M. Liard qui, à titre de CS‑01, relevait de son chef d’équipe, M. Luther. Leurs bureaux étaient physiquement à proximité l’un de l’autre et ils pouvaient se saluer, mais il n’y avait aucune relation hiérarchique ou de travail direct entre eux. M. Martin a également indiqué qu’il n’avait jamais rencontré le plaignant et que, jusqu’à récemment, il n’avait jamais entendu son nom.

[50] M. Martin a nié avoir fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de M. Liard. Il a dit qu’il avait besoin d’une personne ayant suivi une formation en sécurité de la TI et qu’il faut beaucoup de temps pour acquérir ces compétences. Il a été décidé d’établir les exigences essentielles à un niveau assez bas parce que, parfois, lorsqu’on demande une expérience approfondie, il n’y a aucun candidat. En mettant trop l’accent sur les qualifications essentielles, on risque d’éliminer les personnes qui pourraient avoir les atouts nécessaires. L’examen a été établi à un niveau assez bas et mettait l’accent sur les connaissances générales. Le processus de sélection visait plus à trouver les qualifications particulières nécessaires constituant un atout.

[51] M. Martin a témoigné qu’il avait tenu compte des observations de M. Luther, en tant que superviseur direct de M. Liard, afin de déterminer s’il serait le candidat approprié pour le poste. M. Liard faisait preuve d’un bon rendement dans le rôle par intérim et il possédait les compétences et l’expérience pratique qui étaient nécessaires. M. Martin a examiné les observations de M. Luther et y a souscrit, et il a signé la justification de nomination en tant que gestionnaire responsable. Il a témoigné qu’il ne signerait pas un document auquel il ne souscrit pas.

[52] En contre‑interrogatoire, il a été interrogé au sujet du manque d’expérience en sécurité de la TI de M. Liard lorsqu’il a été nommé au poste par intérim. M. Martin a répondu que, s’il est impossible de trouver une personne ayant de l’expérience en sécurité de la TI, un candidat ayant de l’expérience au bureau d’aide est donc recherché. Ce type d’expérience aidera la personne à se familiariser avec la sécurité de la TI au cours d’une période raisonnable. M. Liard possédait une expérience au bureau d’aide lorsqu’il a obtenu le poste par intérim.

[53] Interrogé au sujet de la qualité du travail de M. Liard dans son rôle par intérim, M. Martin a dit qu’il avait fait preuve d’un bon rendement. Il avait dépassé les exigences de travail et avait proposé des améliorations. Même si M. Liard ne relevait pas directement de lui, M. Martin pouvait constater ces réalisations grâce aux courriels qui lui avaient été communiqués de temps à autre, et le chef d’équipe l’avait informé du rendement de M. Liard. Il avait une bonne expérience pratique pour ce type de travail de sécurité en raison de son rôle par intérim et de son expérience antérieure au bureau d’aide.

[54] M. Martin a convenu que le deuxième meilleur candidat était classifié au groupe et au niveau CS‑03, un niveau plus élevé que celui de M. Liard, mais a expliqué que ce candidat ne possédait pas l’expérience particulière en sécurité de la TI, ce qui importait le plus à ce moment‑là. Il fallait une personne possédant une expérience en certification des applications, en évaluation de la menace et des risques et, surtout, en gestion des incidents. Le candidat CS‑03 possédait une expérience en évaluation de la menace, qui englobe l’évaluation d’une application, la façon dont elle a été développée, la question de savoir s’il y a suffisamment de mesures de protection de la confidentialité et si elle est essentielle à la mission. Cela correspondait, en partie, à ce qui était nécessaire, mais la combinaison était importante – trouver une personne possédant une expérience en évaluation de la menace et des risques ainsi qu’en gestion des incidents. À ce moment‑là, des deux, la gestion des incidents constituait l’exigence la plus importante.

[55] M. Martin a indiqué que des connaissances approfondies étaient nécessaires à la gestion des incidents. Lorsqu’un incident survient, il n’est pas évident de savoir à quoi vous êtes confronté, c’est pourquoi une expérience dans différents domaines est donc nécessaire. Une personne possédant ces compétences est quelque peu l’opposé d’un pirate informatique. Il s’agit d’une situation stressante parce qu’un incident survient habituellement alors qu’on tente de le gérer. Si la personne en fonction ne peut pas cerner rapidement le problème, les choses peuvent tourner très mal; par exemple, un virus continuera de se propager. Il faut plusieurs années pour acquérir ces compétences et pour y être compétent. M. Liard était le seul candidat possédant cette combinaison de compétences et d’expérience en sécurité de la TI.

[56] Il n’est pas inhabituel que les postes par intérim donnent aux employés la possibilité d’acquérir ou de renforcer des compétences et une expérience qui peuvent faire d’eux des candidats plus souhaitables lorsque des postes par intérim sont affichés. Il ressort de la preuve que M. Liard avait probablement profité de son rôle par intérim de cette manière. Toutefois, cela ne signifie pas en soi que la personne nommée a fait l’objet d’un favoritisme personnel dans la décision de la nommer dans le cadre de ce processus.

[57] Le document de justification de nomination comprend des extraits des candidatures de chacun des quatre meilleurs candidats, qui décrivent en détail leurs diverses expériences relatives aux qualifications constituant un atout. M. Liard n’était pas le seul candidat qui possédait certaines des qualifications requises constituant un atout, comme l’a allégué le plaignant. Toutefois, il possédait la meilleure combinaison de l’expérience souhaitée et, plus important encore, il était compétent en gestion des incidents, comme l’indique la justification de nomination :

[Traduction]

D’autres candidats démontrent également des niveaux semblables de ces caractéristiques et il existe peu de différences entre les candidats les mieux notés. Nous estimons que cet écart n’est pas assez important pour élever un candidat par rapport à un autre. Nous estimons toutefois que l’expérience directe en gestion des incidents de sécurité de TI et en évaluation et autorisation de la sécurité démontrée par les candidats peut être utilisée en tant que facteur déterminant. Dans ce contexte, Alain Liard a démontré le niveau le plus élevé de l’expérience applicable.

 

[58] M. Liard a fait preuve d’un bon rendement lorsqu’il a occupé le poste par intérim. Son superviseur direct était satisfait de son travail et a fourni une référence positive. Cela ne constitue pas un favoritisme personnel, qui doit être fondé sur une relation personnelle quelconque, soit avec le candidat, soit avec une autre personne qui peut influer sur la décision en matière d’embauche. Voir Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, au paragraphe 39 : « Il convient de noter que le mot “favoritisme” est qualifié par l’adjectif “personnel”, ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir. » [Le passage en évidence l’est dans l’original].

[59] Afin d’établir le favoritisme personnel, il faut démontrer que des facteurs autres que le mérite ont influé sur la décision en matière d’embauche. Si le superviseur direct de la personne nommée voulait qu’il occupe le poste parce qu’il possédait l’expérience appropriée et qu’il faisait un bon travail, et si aucun autre candidat ne possédait l’expérience équivalente, l’objectif du processus de dotation a donc été réalisé, qui était de trouver le bon candidat ayant la capacité de bien faire le travail. Cela ne constitue pas une preuve de favoritisme personnel.

[60] Par conséquent, le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de M. Liard.

C. Élaboration et correction de l’examen; parti pris contre le plaignant (volet 3)

[61] Le plaignant a soutenu que l’examen du volet 3 était inéquitable parce que les personnes nommées n’étaient pas qualifiées, qu’elles étaient moins qualifiées que lui, que le correcteur de l’examen avait un parti pris contre lui et parce qu’il s’était déjà qualifié dans un bassin équivalent et n’aurait pas dû avoir à se qualifier de nouveau dans le cadre de ce processus.

[62] Le plaignant avait écrit pour obtenir des renseignements avant de subir l’examen, comme suit :

[Traduction]

J’ai reçu les avis pour les trois volets. Le problème auquel je suis confronté en me préparant à ces examens concerne le fait que les connaissances qui seront évaluées sont énoncées de façon très large ou générale. Il est donc très difficile de se préparer de manière efficace pour cet examen. Pouvez‑vous me mettre en contact avec le gestionnaire d’embauche parce que j’aurai des questions à lui poser à cet égard?

 

[63] Le plaignant a été informé que, pour assurer l’intégrité du processus et l’équité envers les autres candidats, des renseignements supplémentaires ne pouvaient pas lui être fournis.

[64] Le plaignant a allégué que l’examen était subjectif, qu’il n’a pas été utilisé pour déterminer les connaissances, mais simplement pour déterminer qui était un ami du gestionnaire. Il a décrit l’examen de différentes manières, comme suit : [traduction] « Les instructions n’étaient pas claires », [traduction] « Pour moi, c’était un exercice de poésie et je n’aime pas la poésie », [traduction] « Il ne s’agissait pas d’un examen sérieux pour le niveau CS‑02 » et [traduction] « Il était très inéquitable ». Il a soutenu que l’examen était arbitraire; son véritable objectif était de donner à l’intimé le plein pouvoir de décider qui a réussi et qui a échoué. Le plaignant a dit qu’il aurait dû réussir l’examen parce qu’il avait réussi d’autres examens beaucoup plus difficiles et complexes, comme celui d’un processus postérieur, qu’il a été déposé en preuve.

[65] En ce qui concerne l’allégation de discrimination, le plaignant a fait valoir que, parce que l’examen n’était pas clair et était subjectif, il constituait un obstacle pour les membres de minorités visibles. Il n’a pas expliqué davantage.

[66] L’examen consistait en une question conçue pour évaluer les connaissances et la capacité, en particulier la connaissance (C3) des tendances et des pratiques exemplaires relatives à la conception et au développement des applications et la capacité (CA3) de communiquer de manière efficace par écrit. Le plaignant n’a pas discuté en détail de sa réponse à la question sur les connaissances, mais il a fait remarquer qu’il ne se souvenait pas d’avoir jamais échoué en communication écrite et que personne n’avait jamais soulevé de problème concernant sa communication écrite. Il a allégué que M. Tremblay avait un parti pris contre lui en raison d’une interaction au cours d’un processus de dotation antérieur. Il a laissé entendre que pour cette raison, M. Tremblay aurait dû se récuser de participer à titre d’expert en la matière et de corriger son examen.

[67] M. Bastien a témoigné que les experts en la matière du volet 3 qui travaillent dans le domaine ont élaboré l’examen. L’objectif était d’être en mesure d’évaluer si les candidats avaient une bonne connaissance générale de l’expertise requise pour le poste. Les experts prennent soin de ne pas poser trop de questions, afin de s’assurer qu’il est facile de comprendre les questions et que l’examen n’est pas trop long. Ils ont élaboré plusieurs questions fondées sur un scénario technique en vue de simplifier le processus. Les experts étaient chargés de déterminer les questions et les réponses acceptables.

[68] Les RH ont fourni un guide de cotation élaboré par Fasttrack Staffing, une société de consultants en matière de ressources humaines embauchée pour aider à administrer le processus. Les RH ont vérifié l’examen pour s’assurer qu’il satisfaisait aux normes gouvernementales appropriées. Les autres gestionnaires d’embauche concernés l’ont approuvé. Tous les candidats ont reçu le même examen et on leur a tous accordé le même temps pour le passer.

[69] Les correcteurs cherchaient des éléments précis et prédéterminés dans les réponses des candidats à l’aide de la feuille de réponses et du guide de cotation. Sur les 67 candidats présélectionnés, 63 ont passé l’examen, dont 32 ont échoué et ont été éliminés. Le plaignant a échoué d’un point les sections « connaissances » et « communications ».

[70] Il ressort de la preuve que M. Tremblay se demandait s’il devait réviser et augmenter d’un point la note du plaignant dans la dernière section. Il a demandé aux autres experts en la matière si l’un d’eux pouvait effectuer un deuxième examen. Justin Mundy était un des experts en la matière qui a reçu la demande. Il a été identifié par erreur à l’audience comme le deuxième correcteur. Toutefois, dans la preuve déposée après l’audience, que j’ai autorisée à la suite d’une demande du plaignant (Abi‑Mansour c. Sous-ministre du ministère des Pêches et des Océans, 2020 CRTESPF 91), il a été précisé qu’un autre expert en la matière, Étienne Beaule, avait effectué le deuxième examen.

[71] M. Beaule a recommandé de laisser la note telle quelle et a donné des motifs détaillés de cette réponse. Ses motifs ont été caviardés en partie, car ils ont été obtenus au moyen d’une demande d’AIPRP. Toutefois, il les avait résumés comme suit :

[Traduction]

Donc, en résumé, je dois utiliser mes propres connaissances pour remédier aux lacunes de sa réponse, ce qui m’amène à la conclusion suivante :

1. Le candidat n’a pas répondu clairement à la première partie de la question.

2. Le candidat n’a pas démontré clairement comment la nouvelle conception répondra à au moins trois exigences.

J’accorderais une note de 2 à cette question.

 

[72] M. Paulin était un gestionnaire d’embauche pour la Garde côtière canadienne. Il travaillait dans le domaine de la TI depuis 2002 et était chargé de fournir des solutions de la TI essentielles à la mission. Il était un consommateur du bassin et n’avait participé aucunement à la création de l’ECM. Son rôle a commencé après l’achèvement du processus de dotation. Il a demandé une liste des candidats qui s’étaient qualifiés et il leur a fait passer un entretien.

[73] Il cherchait un analyste‑programmeur, plus particulièrement une personne possédant une expérience avec .NET, un outil de programmation Web utilisé pour créer des applications personnalisées. M. Paulin a expliqué que .NET est un ensemble de compétences qui s’acquiert et doit être connu pour faire le travail. Les risques qui peuvent survenir si une personne n’a pas les compétences appropriées peuvent être graves; par exemple, si un système cesse de fonctionner, ou dans des contextes tels que la recherche d’objets en mer pendant une opération de recherche et de sauvetage. Dans de telles circonstances, les choses peuvent se dégrader rapidement.

[74] M. Paulin a nommé Mme Wong et M. Hollick à des postes d’analyste‑programmeur. Il a déclaré qu’il n’avait aucune relation personnelle ou professionnelle avec l’un ou l’autre; il les a rencontrés pour la première fois lors de leur entrevue. Il n’avait pas non plus de relation personnelle ou professionnelle avec le plaignant, mais il l’avait rencontré une fois auparavant dans le cadre d’un processus de médiation découlant d’une plainte de dotation antérieure. M. Paulin avait témoigné devant la Commission dans le cadre de cette plainte.

[75] M. Frost était également un gestionnaire d’embauche. Il a nommé M. Voyer en tant qu’analyste‑programmeur. Il a témoigné qu’il avait travaillé avec lui à quelques reprises et qu’il avait été le chef d’équipe de M. Voyer pendant une courte période, mais qu’il n’avait aucune relation personnelle avec lui en dehors du travail. Il a témoigné qu’il n’avait jamais travaillé avec le plaignant et qu’il ne le connaissait pas. Il était un consommateur du bassin et n’a joué aucun rôle dans le processus de sélection.

[76] M. Tremblay était un gestionnaire au MPO depuis 9 ou 10 mois. Avant cela, il avait été chef d’équipe, supervisant une équipe d’employés de groupes et de niveaux CS‑01 et CS‑02 pendant environ 10 ans. Il possédait une expérience de 15 ans qui, selon son témoignage, lui a permis d’acquérir les connaissances et la capacité de comprendre les solutions de la TI et de les évaluer en fonction du guide de cotation. Il était un des experts en la matière. Il n’a pas participé à l’élaboration de l’examen, mais il a été chargé de l’examiner. Il a été chargé, selon lui par M. Bastien, de corriger l’examen du plaignant. Le processus consistait à utiliser le guide de cotation fourni par les RH et qui avait été élaboré par Fasttrack Staffing.

[77] M. Tremblay a déclaré qu’il n’avait aucune relation personnelle ou professionnelle avec le plaignant. Il a également déclaré qu’il ne l’avait jamais supervisé et qu’il n’avait jamais travaillé avec lui. Il avait été membre d’un conseil d’examen plusieurs années auparavant, lorsque le plaignant avait présenté sa candidature sans succès à un poste CS‑01 par intérim, et il avait tenu la discussion officieuse postérieure au processus avec lui. En réponse à la remarque du plaignant selon laquelle lui et M. Tremblay avaient eu une [traduction] « mauvaise relation » à la suite de cette rencontre, M. Tremblay a dit qu’il ne la caractériserait pas comme mauvaise, mais seulement comme un peu maladroite. En ce qui concerne le point de vue du plaignant selon lequel M. Tremblay ne le voulait pas comme membre de son équipe, il a reconnu que cela aurait été un peu délicat à la suite du processus de dotation antérieur, mais il était clair qu’il y était disposé à l’époque – toutefois, seulement pour un poste CS‑01 et non pour un poste CS‑02.

[78] Interrogé en contre-interrogatoire sur la source de cette gêne, M. Tremblay a mentionné le commentaire du plaignant dans le cadre du processus antérieur selon lequel il ne poursuivrait pas M. Tremblay devant les tribunaux pour un poste CS‑01. À la question de savoir pourquoi il se souviendrait de ce commentaire fait plusieurs années auparavant, M. Tremblay a répondu qu’il s’agissait simplement d’un commentaire et qu’il n’était pas important. Toutefois, c’était la première fois qu’une personne lui disait quelque chose de ce genre dans le cadre d’un processus de dotation, et il s’en est donc souvenu. Il ne s’est pas récusé pour ce motif parce que, selon ses propres mots, [traduction] « [j]e ne considérais pas notre interaction antérieure comme quelque chose qui pourrait affecter mon jugement. »

[79] Quant à savoir si le plaignant croyait à juste titre que M. Tremblay ne le voulait pas comme membre de son équipe maintenant, M. Tremblay a reconnu franchement qu’étant donné la situation, et après cette plainte, le point de vue du plaignant à cet égard serait assez précis, mais qu’il ne l’avait pas été avant ce processus. Il a répondu honnêtement au plaignant comme suit : [traduction] « C’est un peu délicat et, à ce stade, je ne pense pas pouvoir vous appuyer probablement, mais je pourrais vous donner des conseils relatifs à votre carrière. »

[80] À première vue, la question de l’examen était clairement rédigée et propre au travail d’un analyste‑programmeur. Le rôle de la Commission ne consiste pas à réévaluer ni à corriger de nouveau l’examen. Toutefois, j’ai examiné les réponses du plaignant et les commentaires de M. Tremblay et de M. Beaule, ainsi que les examens des autres candidats que le plaignant a déposés en preuve. Je n’ai rien vu qui pourrait suggérer une cotation inéquitable ou partiale. Le plaignant ne m’a pas non plus indiqué quelque chose de particulier à cet égard.

[81] L’allégation de partialité concerne principalement le point de vue du plaignant selon lequel lui et M. Tremblay avaient une mauvaise relation en raison de l’interaction antérieure. M. Tremblay a reconnu un certain malaise en raison du commentaire antérieur du plaignant selon lequel il ne le poursuivrait pas devant les tribunaux pour un poste CS‑01. Toutefois, il a indiqué clairement qu’il n’estimait pas qu’il s’agissait d’un facteur qui l’empêcherait de faire son travail correctement. Son témoignage à cet égard était crédible. Sa réponse honnête selon laquelle il ne pourrait probablement pas appuyer le plaignant pour un poste maintenant, mais qu’il pourrait lui donner des conseils relatifs à sa carrière n’a aucune pertinence dans le cadre de cette procédure. Au moment de ce processus de sélection, M. Tremblay était disposé à ce que le plaignant soit membre de son équipe, mais uniquement en tant que CS‑01. Ce qualificatif était clairement basé sur son évaluation des compétences et de la capacité du plaignant et non en raison d’un parti pris contre lui découlant du processus antérieur.

[82] Le plaignant a fait une présentation erronée du témoignage de M. Tremblay dans ses arguments portant sur l’allégation de discrimination en déclarant ce qui suit : [traduction] « M. Tremblay a témoigné à l’audience qu’il avait eu un contact négatif antérieur avec le plaignant. » En fait, M. Tremblay a nié cette proposition au moins trois fois. Le plaignant a ensuite soutenu que, puisque M. Tremblay avait reconnu une relation négative (ce qu’il n’a pas fait), [traduction] « [...] le contact entre M. Tremblay et l’examen du plaignant au volet 3 est entaché de discrimination. Il s’agit d’une conclusion raisonnable. »

[83] L’argument du plaignant n’est pas clair. Il n’avait pas laissé entendre auparavant qu’une négativité (comme il l’a décrite) ou qu’une maladresse (comme M. Tremblay l’a décrite) avait quelque chose à voir avec la discrimination. L’argument concernait uniquement le processus de dotation antérieur et le commentaire du plaignant à l’égard de M. Tremblay. Il n’y a aucune suggestion d’un quelconque lien entre son allégation de partialité et la discrimination dans sa plainte, ses allégations, son témoignage, son contre‑interrogatoire de M. Tremblay ou dans son argumentation finale. Ce n’est que dans ses arguments écrits sur la discrimination déposés après l’audience qu’il a tenté d’établir un lien entre son argument de partialité et son allégation de discrimination, comme suit :

[Traduction]

Une des allégations dans le présent dossier concerne la discrimination. Le fait de ne pas vouloir le plaignant comme membre de l’équipe de M. Tremblay constitue, du moins en partie, des représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP, qui protège contre les formes les plus grave de discrimination. La personne qui se livre à des représailles peut facilement se livrer à la discrimination.

[Je mets en évidence]

 

[84] Il s’agit là d’un bond considérable. Le fait d’accuser une personne de discrimination fondée sur les droits de la personne est grave, surtout lorsqu’elle est fondée sur une telle logique. Je conclus que, même si on y croit, la preuve du plaignant de toute négativité ou de toute maladresse entre lui et M. Tremblay ne permet pas d’établir qu’elle avait quelque chose à voir avec un motif de discrimination illicite.

[85] Je fais également remarquer que c’est M. Tremblay qui a envisagé d’augmenter la note du plaignant à une note de passage. C’est M. Beaule qui l’a déconseillé. Il ne ressort aucunement de la preuve que M. Beaule connaissait le plaignant ou qu’il avait eu une quelconque interaction avec lui. Le plaignant n’a soulevé aucune proposition de partialité ou de discrimination à l’égard de M. Beaule.

[86] Le plaignant a également allégué que les personnes nommées dans le cadre du volet 3 étaient moins qualifiées que lui et qu’elles ne satisfaisaient pas aux qualifications essentielles et aux qualifications constituant un atout, c’est‑à‑dire qu’elles n’étaient pas qualifiées pour les postes auxquels elles ont été nommées. Il a convenu qu’il ne disposait pas des candidatures des personnes nommées lorsqu’il a déposé sa plainte dans laquelle il a formulé ces allégations, et il a reconnu qu’elle était fondée uniquement sur sa propre conviction et sa confiance en soi. Il ne disposait pas non plus des examens corrigés des personnes nommées lorsqu’il a allégué que les examens avaient été corrigés de manière inéquitable. Comme il a été mentionné plus haut dans la présente décision, le plaignant estime qu’il devrait être en mesure d’établir une preuve prima facie simplement en disant que les personnes nommées n’étaient pas qualifiées et que le fardeau de la preuve devrait ensuite incomber à l’intimé. Cette conviction est la seule explication de ces allégations – le plaignant ne connaissait rien au sujet des qualifications des personnes nommées lorsqu’il les a formulées.

[87] Les gestionnaires d’embauche ont témoigné que les personnes nommées ont été sélectionnées en raison de leurs qualifications et de leur expérience. Ils ont félicité la qualité du travail de leurs personnes nommées respectives. M. Paulin a indiqué que Mme Wong et M. Hollick étaient de si bons programmeurs qu’ils ont tous deux été promus à des postes CS‑03 dans l’année suivant leur nomination. M. Frost a dit à la Commission que M. Voyer était un très bon programmeur et un autodidacte dynamique. Lui aussi a été promu à un poste CS‑03 environ un an plus tard. Je conclus que le plaignant n’a pas établi que les personnes nommées dans le volet 3 n’étaient pas qualifiées. Au contraire, elles étaient bien qualifiées pour les postes auxquels elles ont été nommées.

[88] Dans l’ensemble, le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans la façon dont il a élaboré ou corrigé l’examen du volet 3, qu’il y avait un parti pris contre lui ou qu’il avait fait preuve de discrimination à son égard.

D. Choix du processus (les deux volets)

[89] Le plaignant a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a annoncé les postes alors qu’il aurait pu utiliser un processus non annoncé et le nommer simplement au poste parce qu’il s’était qualifié dans un bassin de CS‑02 auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Il a fait remarquer que les processus non annoncés étaient autorisés, mais il a dit du MPO que [traduction] « [...] il fait le contraire – au mieux il communique une déclaration d’intérêt et ensuite il embauche à l’externe. » Il a dit que l’intimé aurait pu facilement l’embaucher dès juin 2015 lorsqu’il s’était qualifié pour la première fois dans l’autre bassin, mais qu’il a plutôt continué de chercher des candidats, même à l’extérieur du MPO.

[90] Il a ajouté en outre que la Politique du MPO sur le processus de nomination non annoncé indiquait que l’un de ses critères pour une nomination non annoncée était [traduction] « [l]a nomination d’un membre d’un groupe désigné, effectuée conformément au Plan d’équité en matière d’emploi du MPO ou à un plan de gestion des ressources humaines et lorsqu’il existe une sous‑représentation du groupe professionnel à doter. » Le MPO aurait pu se fonder sur cela pour le nommer au poste.

[91] M. Bastien a témoigné que l’intimé a choisi de procéder à un processus annoncé parce qu’il n’y avait pas un nombre suffisant de membres du personnel pour effectuer le travail et qu’un processus interne ne contribue pas à bâtir l’organisation. Un bassin était nécessaire, surtout pour l’avenir. L’exécution d’un processus de dotation exige beaucoup de temps et d’efforts et il est donc préférable de l’utiliser pour acquérir le plus grand bassin possible. Il a souligné qu’il est essentiel de toujours tenir compte de l’avenir.

[92] Le plaignant a répondu que d’autres ministères et organismes ne tiennent pas compte de l’avenir, mais s’occupent plutôt de leurs propres employés et que le MPO devrait faire de même. Il a dit que le fait de toujours nommer à l’interne, dans la mesure du possible, avant de regarder à l’extérieur de l’organisation constitue un principe établi qui a été repris dans le Plan d’action stratégique ministériel de 2014 à 2017 d’équité en matière d’emploi et de diversité (le « Plan d’action ») du MPO. Il aurait pu et aurait dû être nommé à partir de l’autre bassin.

[93] Il est difficile de savoir quoi faire de cet argument. Il est vrai que l’article 33 de la LEFP permet de choisir l’un ou l’autre des processus. Toutefois, le choix d’un processus annoncé peut être avantageux pour une organisation. Comme M. Bastien l’a déclaré dans son témoignage, le MPO avait besoin d’un bassin de candidats qualifiés dans lequel puiser afin d’établir son organisation future.

[94] Ce n’est la première fois que le plaignant présente ce type d’argument, comme cela est indiqué dans Abi‑Mansour 2016 :

[...]

[25] Avant de poser sa candidature au processus de nomination en cause, le plaignant a envoyé un courriel à l’intimé afin de lui demander d’être sélectionné à partir d’un autre bassin de candidats de niveau EC‑04 pour lequel il était déjà qualifié au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration Canada (CIC). [...]

[26] L’intimé a répondu qu’agir comme tel serait injuste pour les autres candidats au processus de nomination, et il a encouragé le plaignant à poser sa candidature, ce qu’il a fait le 6 décembre 2010. Dans sa demande, le plaignant a répété qu’il faisait déjà partie d’un bassin de candidats pour des postes classifiés EC‑04.

[27] Le plaignant affirme que l’intimé aurait dû le nommer à partir du bassin de candidats de CIC ou, à tout le moins, le qualifier pour le processus de nomination pour cette raison.

[28] L’intimé a fait valoir qu’il avait des objectifs très précis à l’esprit en ce qui concerne le processus de nomination et qu’il voulait évaluer tous les candidats de façon égale, selon les exigences du processus.

[...]

[35] Le choix du processus peut mener à une conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir (alinéa 77(1)b)). Toutefois, je ne peux conclure que la décision de l’intimé de mener un processus annoncé afin d’offrir la possibilité à plus d’une personne est erronée. Qui plus est, l’intimé n’a aucunement l’obligation de choisir un candidat d’un autre bassin, dans un autre ministère, où les personnes ont été sélectionnées selon un ensemble différent d’exigences liées aux études. [...]

[...]

 

[95] La même analyse s’applique également en l’espèce. L’intimé avait des besoins particuliers et cherchait des candidats qui possédaient l’expérience, les compétences et la capacité d’y répondre. Il n’était pas obligé de nommer le plaignant ou de conclure qu’il était qualifié pour le processus de nomination simplement parce qu’il s’était qualifié dans un autre processus auprès d’une autre organisation.

[96] Je fais également remarquer que, bien que le plaignant ait présenté le même argument concernant le choix du processus dans Abi‑Mansour 2016, il a présenté l’argument contraire dans Abi‑Mansour 2018. Dans cette affaire, il a soutenu que le même intimé, le MPO, avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus non annoncé.

[97] Je conclus que le plaignant n’a pas établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi d’utiliser un processus annoncé pour procéder à ces nominations.

E. Discrimination (les deux volets)

[98] Conformément à l’article 80 de la LEFP, la Commission peut interpréter et appliquer la LCDP dans son analyse d’une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’article 77. Le plaignant a fait référence aux articles 3 et 7 de la LCDP, qui énoncent ce qui suit :

3 (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’état de personne graciée ou la déficience.

[...]

7 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

 

[99] Le plaignant n’a pas précisé le motif de distinction illicite sur lequel il a fondé sa plainte. Toutefois, je fais remarquer que, dans d’autres décisions concernant des plaintes de dotation déposées par le plaignant, il s’identifie comme un immigrant du Liban originaire du Moyen‑Orient et a allégué qu’il avait été victime de discrimination fondée sur la race et l’origine nationale ou ethnique (voir, par exemple, Abi‑Mansour c. le sous‑ministre d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, 2013 TDFP 6 (Abi‑Mansour 2013)).

[100] Le plaignant a fait remarquer que, pour prouver la discrimination, il devait d’abord établir une preuve prima facie. Il a fait référence à Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (« O’Malley ») et a fait valoir que sa preuve directe, si je lui fais foi, était suffisante pour justifier un verdict en sa faveur, en l’absence de réplique de l’intimé. Il a soutenu qu’il avait satisfait aux critères établis dans Shakes et Israeli (voir Shakes v. Rex Pak Ltd. (1982), 3 C.H.R.R. D/1001 (Commission d’enquête de l’Ontario), et Israeli v. Canada (Human Rights Commission) (1983), 4 C.H.R.R. D/1616 (C.H.R.T.), confirmée dans (1984), 5 C.H.R.R. D/2147 (T.C.D.P. – Trib. rév.).

[101] Dans Shakes, il a été conclu qu’il est possible d’établir une preuve prima facie de discrimination lorsque le plaignant 1) possède les qualifications pour l’emploi en cause, 2) qu’il n’a pas été embauché et 3) qu’une personne qui n’est pas mieux qualifiée, et qui n’a pas le trait distinctif à l’origine de la plainte liée aux droits de la personne, a subséquemment obtenu le poste.

[102] En appliquant Shakes, le plaignant a fait valoir qu’il avait réussi l’examen du volet 1 et qu’il était donc qualifié pour le poste. Il était plus qualifié que la personne nommée parce qu’il avait fait plus d’études, suivi plus de formations et possédait plus d’expérience en général et qu’il faisait partie d’un bassin de candidats qualifiés avant la personne nommée. De plus, la personne nommée n’avait pas le trait distinctif. Comme l’a dit le plaignant : [traduction] « Il (M. Liard) n’est ni arabe, ni originaire du Moyen‑Orient, ni même membre d’une minorité. » En ce qui concerne le volet 3, son examen a été corrigé de manière inéquitable et il aurait dû avoir réussi l’examen, ce qui l’aurait qualifié pour le poste. De plus, il était plus qualifié que les personnes nommées, qui n’avaient pas toutes son trait distinctif, qui est à l’origine d’une plainte liée aux droits de la personne.

[103] Il a également fait remarquer qu’il avait satisfait au critère établi dans Israeli parce que le MPO a continué de chercher ailleurs et a mené le processus de sélection alors qu’il aurait pu le qualifier dans l’un ou l’autre des volets à tout moment après juin 2015, lorsqu’il s’était qualifié dans l’autre bassin.

[104] Le plaignant a soutenu que tout cela équivalait à une preuve prima facie de discrimination pour laquelle l’intimé n’avait aucune explication crédible. Il a fait valoir en outre que le témoignage des témoins de l’intimé était [traduction] « [...] intéressé, non corroboré et argumentatif plutôt que factuel [...] démontrait une animosité manifeste envers le plaignant. [...] et aucun poids ne devrait y être accordé. » Il a soutenu que la LCDP avait été adoptée pour protéger les personnes qui ont toujours été confrontées à des obstacles lorsqu’elles essayaient de trouver un emploi et d’acquérir de l’expérience. Les compétences requises constituant un atout dans le processus du volet 1 étaient très particulières et presque impossibles à acquérir. Si la Commission devait leur accorder un poids, elle entraverait la réalisation de l’objectif de la LCDP.

[105] Le plaignant a demandé à la Commission de considérer les données sur l’équité en matière d’emploi comme une preuve circonstancielle pour aider à déterminer si une discrimination a eu lieu dans le cadre de ce processus de dotation. Dans la même veine, il a présenté deux documents : le Plan d’action stratégique ministériel de 2014 à 2017 d’équité en matière d’emploi et de diversité (le « Plan d’action ») mentionné plus haut dans la présente décision et un tableau d’une page intitulé [traduction] « Ministère des Pêches et des Océans, Analyse nationale de l’équité en matière d’emploi de l’effectif, Enquête nationale auprès des ménages de 2011 et Enquête canadienne sur l’incapacité de 2012, le 31 mars 2016 **OFFICIEL** (l’« Analyse de l’effectif »).

[106] La discrimination est, sans aucun doute, difficile à établir. Il y a le plus souvent un manque de preuve directe. Par conséquent, je suis d’accord avec le plaignant pour dire que la preuve circonstancielle est pertinente à une telle allégation et devrait être examinée. Voir Abi‑Mansour 2013, Abi‑Mansour 2016 et notamment Premakumar c. Air Canada, (2002 CanLII 23561; [2002] D.C.D.P. no 3 (QL) (T.C.D.P.), qui a décrit ce qui suit :

[...]

79 La jurisprudence reconnaît la difficulté de prouver les allégations de discrimination par le moyen d’une preuve directe. Tel que mentionné dans Basi :

La discrimination fondée sur la race ou la couleur se pratique souvent de manière subtile. Rares sont les cas de discrimination pratiqués ouvertement.

Il appartient plutôt au Tribunal de tenir compte de toutes les circonstances pour établir s’il existe ce qui a été décrit dans la cause Basi comme « de subtiles odeurs de discrimination ».

80 La preuve statistique dans les questions ayant trait aux enjeux systémiques dans un lieu de travail peut constituer une preuve circonstancielle à partir de laquelle il est possible de conclure que la discrimination a probablement eu lieu dans une affaire particulière.

81 La norme de la preuve dans les causes de discrimination est la norme civile ordinaire de la prépondérance des probabilités. Dans les cas de preuve circonstancielle, le critère peut se formuler comme suit :

[traduction] L’on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l’appui rend cette conclusion plus probable que n’importe quelle autre conclusion ou hypothèse possible.

82 Il n’est pas nécessaire que les considérations discriminatoires soient la seule raison des actes en cause pour qu’une plainte soit acceptée. C’est suffisant si la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique étaient des facteurs de la décision de ne pas l’embaucher.

 

[107] L’argument du plaignant fondé sur les considérations statistiques de l’équité en matière d’emploi est ainsi rédigé :

[Traduction]

Dans le volet 1, en supposant, comme l’affirme l’intimé, que 100 personnes présentent leur candidature. Si nous en déduisons que la disponibilité des minorités visibles au sein de la population active varie de 10 % à 20 %, sur les 100 candidats, de 10 à 20 candidats (minorités visibles) devraient donc être qualifiés. Toutefois, aucun d’eux n’a été embauché ou ne s’est même qualifié dans le bassin. La personne embauchée était blanche et locale.

Dans le volet 3, le nombre de personnes qui ont présenté leur candidature n’est pas clair. Si nous supposons qu’il y avait 70 candidats, de sept à quatorze personnes appartenant à une minorité visible sont vraisemblablement qualifiées pour être embauchées. Toutefois, les personnes qui ont été embauchées (M. Voyer, M. Hollick et Amy Wong) sont tous blancs et locaux.

 

[108] Cet argument est fondé sur quatre principes erronés selon lesquels : 1) le taux de disponibilité des minorités visibles au sein de la population active du MPO était de 10 % à 20 % en 2015; 2) pour cette raison, on peut supposer que 10 % à 20 % des candidats dans le cadre de ce processus de dotation étaient des candidats appartenant à une minorité visible; 3) on peut supposer en outre que chaque candidat appartenant à une minorité visible était qualifié; 4) aucun candidat appartenant à une minorité visible n’avait été nommé ou même s’était qualifié dans le bassin.

[109] Le plaignant a fait référence à l’Annexe A du Plan d’action, mais ce document n’indique pas un taux de disponibilité au sein de la population active du MPO pour les membres des minorités visibles de 10 % à 20 %, mais plutôt un taux de 6,4 %. Il indique un taux de représentation de 5,9 %. Pour la catégorie Administration et service extérieur (qui comprend le groupe CS), il indique un taux de disponibilité au sein de la population active de 7,4 % et un taux de représentation de 9,3 %. L’Annexe C – Groupes professionnels en vue d’établir les cibles de l’équité en matière d’emploi en vertu de la LEFP (du 31 mars 2014 au 31 mars 2015) met en évidence les groupes professionnels qui avaient une représentation insuffisante de moins de 5 % ou plus en mars 2014, qui devaient être visés par les marges de manœuvre en équité en matière d’emploi en vertu de la LEFP. L’annexe indique un certain nombre de groupes professionnels dont la représentation des minorités visibles était insuffisante, mais le groupe CS n’en faisait pas partie.

[110] Le plaignant a également fait référence à un tableau d’une page provenant de l’Analyse de l’effectif, qui semble être un extrait d’un document plus important. Le tableau n’était pas très informatif. Cependant, dans ses notes explicatives, il indique que les écarts ont été calculés à l’aide des données sur la disponibilité au sein de la population active de 2013 et que les écarts négatifs indiquaient un manque de représentation (une insuffisance). Le tableau semble indiquer que la représentation des minorités visibles du groupe CS était de 31 personnes et qu’il y avait un écart de ‑2.

[111] Le plaignant suppose, dans ses arguments, tel qu’ils ont été reproduits ci‑dessus, que le nombre de personnes appartenant à une minorité visible qui ont présenté leur candidature dans le cadre de ce processus de nomination correspond directement au taux de disponibilité au sein de la population active. Toutefois, il n’y a aucune preuve du nombre réel de candidats appartenant à une minorité visible. On ne peut pas simplement supposer qu’un nombre corrélatif de personnes appartenant à une minorité visible ont présenté leur candidature dans le cadre de ce processus.

[112] L’argument du plaignant suppose en outre que tous les candidats appartenant à une minorité visible étaient qualifiés. La plupart des quelque 100 candidats dans un volet et des 70 de l’autre ont été éliminés du processus parce qu’ils n’étaient pas qualifiés.

[113] L’argument du plaignant suppose également que toutes les personnes nommées étaient [traduction] « blanches, locales », tel qu’il décrit les candidats qui n’appartiennent pas à une minorité visible. Cependant, le rapport du comité d’évaluation indique que Mme Wong, une des quatre personnes nommées, semble s’être identifiée comme une femme et comme appartenant à une minorité visible aux fins de l’équité en matière d’emploi (« F/MV »).

[114] En ce qui concerne l’argument selon lequel un candidat qui n’appartient pas à une minorité visible s’est qualifié dans le bassin, aucun élément de preuve concernant le taux de succès des autres candidats n’a été déposé. Les seuls renseignements dont nous disposons concernent les quatre personnes nommées.

[115] Le plaignant a également allégué que : [traduction] « [t]ous les membres du comité de sélection, dont cinq ont témoigné à l’audience, étaient “blanc et locaux”. Il n’y avait aucune diversité dans la composition des comités de sélection. » M. Bastien a témoigné que plus de 15 personnes ont participé au processus de dotation. Trois des cinq témoins étaient des gestionnaires d’embauche qui n’ont pas participé au processus de sélection pour le bassin. Nous savons que M. Tremblay était un expert en la matière qui a corrigé l’examen du plaignant et que M. Beaule a été identifié correctement après l’audience comme étant le deuxième correcteur. Hormis cela, il n’y avait aucune preuve de qui faisait partie du comité de sélection, et encore moins de la façon dont ils se sont auto‑identifiés aux fins de l’équité en matière d’emploi.

[116] Je fais remarquer que le plaignant a présenté des éléments de preuve très semblables relatifs à l’équité en matière d’emploi dans Abi‑Mansour 2018, y compris le même document Analyse de l’effectif déposé en preuve en l’espèce. Toutefois, dans cette affaire, il contestait des nominations non annoncées et a donc soutenu le contraire de ses arguments en l’espèce. Il a soutenu que le MPO aurait dû être guidé davantage par des considérations d’équité en matière d’emploi et par la nécessité d’être représentatif de la diversité du Canada, en annonçant ce poste afin de permettre à un plus grand nombre de candidats visés par l’équité en matière d’emploi, comme lui, de présenter leur candidature. En l’espèce, il a fait valoir que l’intimé aurait dû s’acquitter de ses obligations relatives à l’équité en matière d’emploi en le nommant simplement, sans exiger qu’il se qualifie, car il était déjà qualifié dans un autre bassin. Je fais remarquer qu’une telle approche aurait empêché d’autres candidats appartenant à une minorité visible de présenter leur candidature.

[117] Une grande partie de l’argument du plaignant relatif à la discrimination reposait sur ses hypothèses et ses croyances. Il n’était pas fondé sur des éléments de preuve, directs ou circonstanciels. Il a déclaré à plusieurs reprises que toutes les personnes nommées étaient [traduction] « blanches et locales », ne tenant pas compte de l’’auto‑identification de Mme Wong en tant que personne nommée appartenant à une minorité visible. Il a déclaré que tous les membres du comité de sélection étaient [traduction] « blancs et locaux », sans savoir qui ils étaient. Son argument sur les considérations d’équité en matière d’emploi n’était pas fondé sur les données qu’il a présentées, mais plutôt sur de nombreuses hypothèses erronées.

[118] Les données présentées n’ont été que peu utiles. Toutefois, dans la mesure où elles ont permis de mieux comprendre le profil d’équité en matière d’emploi du groupe CS du MPO au moment de ce processus de sélection, elles n’étayaient pas son argument selon lequel la discrimination était probablement une source de son échec à se qualifier. Un document indiquait une légère surreprésentation des employés appartenant à une minorité visible dans le groupe CS à l’époque, et le deuxième document indiquait une légère sous‑représentation.

[119] Je fais également remarquer que la CCDP aurait pu contribuer à cette partie de la discussion. Toutefois, le plaignant n’a pas informé la CCDP avant que la Commission lui ait demandé de le faire le premier jour de l’audience. Lorsqu’il l’a fait, il a informé la CCDP que [traduction] « aucune mesure n’est nécessaire de la part de la CCDP », indiquant clairement qu’il ne demanderait pas son aide.

[120] L’intimé a invoqué Basi c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada, 1988 CanLII 108, [1988] D.C.D.P. no 2 (QL) (T.C.D.P.), qui reprend et applique les critères établis dans Shakes et Israeli invoqués par le plaignant. Il a soutenu que le plaignant a été éliminé du processus du volet 1 parce qu’il ne possédait pas les qualifications requises constituant un atout et il a été éliminé du processus du volet 3 parce qu’il a échoué à l’examen. Contrairement au plaignant dans Basi, il n’était pas [traduction] « qualifié pour l’emploi en question ». Étant donné que le plaignant n’a pas satisfait à cette première étape pour établir une preuve prima facie, le fardeau de la preuve ne lui appartient pas et l’allégation devrait être rejetée.

[121] Dans son témoignage et ses arguments écrits, le plaignant a reconnu que son allégation selon laquelle il était plus qualifié que les personnes nommées dans les deux volets était fondée sur ses [traduction] « propres croyances et sa confiance en soi ». L’intimé a fait remarquer qu’il y avait un manque important de fondement factuel pour étayer ces allégations et il a fait référence à Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32, confirmée dans 2006 CF 785, dans laquelle le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu ce qui suit :

[...]

[41] [...] Il doit y avoir quelque chose dans la preuve, indépendamment de ce que le plaignant croit, qui confirme ses soupçons. Je ne dis pas que ce que croit un plaignant n’a aucune force probante. Cela dépend des circonstances. Toutefois, le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant.

[...]

 

[122] Pour conclure qu’il y a eu discrimination, la Commission doit d’abord déterminer si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination. Dans l’affirmative, l’intimé doit présenter une explication non discriminatoire raisonnable pour la pratique qui serait par ailleurs discriminatoire, à défaut de quoi on conclura à la discrimination. La Cour d’appel fédérale a confirmé de nouveau dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 154 (« Morris »), qu’une preuve prima facie de discrimination en vertu de la LCDP est établie en appliquant le critère établi dans O’Malley : que, si l’on y ajoute foi et en l’absence d’explications raisonnables, la preuve fournie suffit pour établir le bien‑fondé d’une plainte de discrimination. La Cour a également examiné les décisions dans Shakes et Israeli, comme suit :

[...]

[26] À mon avis, l’arrêt Lincoln est déterminant : l’arrêt O’Malley indique le critère juridique de la preuve prima facie de discrimination à appliquer en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les décisions Shakes et Israeli indiquent simplement la preuve qui, si l’on y ajoute foi et si l’intimé ne donne pas d’explications satisfaisantes, suffira pour que le plaignant ait gain de cause dans certains contextes d’emploi.

[...]

 

[123] Dans Abi‑Mansour 2016, la Commission a indiqué que, peu importe que le critère établi dans Shakes ou celui établi dans Israeli ait été appliqué, le résultat serait le même, car le plaignant n’a pas démontré qu’il était qualifié pour les postes, comme l’exigeaient les deux critères, et elle a déclaré ce qui suit :

[...]

[84] Rien dans la preuve présentée par le plaignant ne mène à la discrimination fondée sur la race ou l’origine nationale ou ethnique. La distinction est établie entre ceux qui ont présenté la liste des cours requis et le plaignant, qui ne l’a pas fait. Il ne suffit pas d’alléguer que le rejet d’un cours ou le fait de ne pas tenir compte de son expérience constitue de la discrimination. Il n’y a tout simplement aucune preuve, circonstancielle ou autre, selon laquelle l’intimé a fait preuve de discrimination. J’appliquerais le même raisonnement que celui indiqué dans Nash c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2014 TDFP 10, au paragraphe 54, qui indique ce qui suit :

54 Bien que le Tribunal puisse tenir compte de ce que croit le plaignant, il doit s’agir de plus qu’une simple possibilité; comme l’a établi le Tribunal canadien des droits de la personne, « le fait de croire abstraitement qu’une personne fait l’objet de discrimination, sans qu’il existe un certain fait qui le confirme, n’est pas suffisant ». Voir la décision Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2005 TCDP 32, para. 41; conf. par 2006 CF 785.

[...]

 

[124] De même, en l’espèce, l’application du critère établi dans Shakes ou dans Israeli donnerait lieu à la même conclusion pour la même raison. Tout comme dans Abi‑Mansour 2016, rien dans la preuve, directe ou circonstancielle, n’a indiqué qu’un motif de distinction illicite était un facteur dans le fait que le plaignant ne s’est pas qualifié. Comme il l’a fait valoir, le seuil pour établir une preuve prima facie est bas. Toutefois, il faut plus que la croyance du plaignant sans qu’il y ait un autre élément sur lequel elle puisse être fondée.

[125] Il n’y avait aucune preuve de discrimination dans le choix ou l’application par le défendeur des critères constituant un atout dans le volet 1 ou dans l’élaboration et la correction de l’examen dans le volet 3. Il n’y avait aucune preuve sur laquelle le plaignant pouvait fonder son affirmation selon laquelle il était qualifié et que les personnes nommées étaient moins qualifiées que lui. Par conséquent, il n’a pas satisfait à la première étape requise par Shakes et Israeli.

[126] Il n’y avait aucune preuve de discrimination dans le choix de l’intimé d’un processus annoncé. La proposition du plaignant selon laquelle le poste aurait dû simplement lui être confié dans un processus non annoncé aurait privé un groupe très important de candidats, y compris sans doute d’autres candidats appartenant à une minorité visible, de la possibilité de présenter leur candidature.

[127] Le plaignant n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination.

IV. Conclusion

[128] Le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que l’intimé avait abusé son pouvoir lorsqu’il a établi et appliqué les critères constituant un atout pour le volet 1 ou qu’il avait démontré un favoritisme personnel envers la personne nommée au volet 1. Il n’a pas établi un abus de pouvoir dans l’élaboration ou la correction de l’examen du volet 3 ni un parti pris contre le plaignant dans le cadre du processus du volet 3. Le plaignant n’a pas non plus établi un abus de pouvoir dans le choix de l’intimé d’un processus annoncé et n’a pas établi une preuve prima facie que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son égard.

V. Demande d’anonymisation

[129] Le plaignant a demandé une ordonnance visant à anonymiser l’intitulé de la présente décision. Il a indiqué que la même demande avait été rejetée dans Abi‑Mansour 2018 et qu’il avait contesté cette décision au moyen d’un contrôle judiciaire.

[130] Le plaignant a soutenu qu’il avait postulé à de nombreux processus de nomination dans la fonction publique, mais qu’il n’avait jamais réussi à obtenir un poste. Au moment où il a présenté sa demande précédente à la Commission en avril 2018, deux gestionnaires l’avaient averti que ses litiges fréquents devant la Commission et les tribunaux en matière de dotation avaient probablement une incidence négative sur ses possibilités d’obtenir un emploi. Le plaignant a fait valoir que, depuis lors, d’autres gestionnaires lui avaient fait part de ce même commentaire. Toutefois, il n’en a précisé qu’un. En mars 2019, un chef d’équipe de la société d’État où il était employé temporairement en vertu d’une entente de détachement a fait la même remarque.

[131] Le plaignant a également indiqué qu’il s’était rendu au Moyen‑Orient et qu’il avait effectué une recherche de son nom dans Google, ainsi que lors d’une escale à Londres, en Angleterre. Il a découvert que, aux deux endroits, Google a récupéré les mêmes renseignements qu’au Canada, c’est‑à‑dire qu’il a affiché ses décisions antérieures de la Commission et des tribunaux.

[132] Entre mai et juin 2018, le plaignant a cherché activement un emploi et a participé à un certain nombre d’entrevues officieuses en vue d’explorer la possibilité d’être choisi d’un bassin auquel il s’était déjà qualifié. Toutefois, aucune offre d’emploi ne lui a été présentée. En septembre 2018, il s’est qualifié dans un autre bassin lié aux données et aux statistiques et, en janvier 2019, il a été appelé à une entrevue officieuse pour une possibilité d’emploi. Il a expliqué ce qui suit : [traduction] « Le gestionnaire en question cherchait même à embaucher uniquement des membres d’un groupe d’équité en matière d’emploi. Aucune offre d’emploi n’a été présentée et aucune réponse n’a jamais été donnée. »

[133] Le plaignant est préoccupé par le fait que la publication par la Commission de décisions portant son nom permet aux employeurs éventuels de la fonction publique fédérale, d’ailleurs au Canada et du Moyen‑Orient, où il pourrait également travailler, de trouver les décisions qui le ternissent et qui ont une incidence négative sur ses possibilités d’être embauché. Voici ce qu’il dit à ce sujet :

[Traduction]

Étant donné cette matrice factuelle, l’hypothèse la plus probable est que le plaignant, grâce à son expérience approfondie de recherche d’emploi, a démontré que la publication de son nom dans le dossier public constitue au moins un facteur qui empêche le plaignant d’obtenir un emploi.

 

[134] Le plaignant a soutenu que le principe de transparence judiciaire ne s’applique pas à la Commission dans le cadre d’une plainte déposée en vertu de l’article 77 et que la décision dans Abi‑Mansour 2018 [traduction] « [...] est erronée et comporte de nombreuses erreurs de fait et de droit. Ladite décision n’est pas prise par un arbitre de grief impartial, étant donné son langage négatif à l’égard du plaignant tout au long de la décision. »

[135] Le plaignant a fait valoir que le critère juridique approprié pour l’anonymisation n’est pas le principe de transparence judiciaire. Il a plutôt soutenu que la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P‑21) prévaut en ce sens que le nom du plaideur constitue un renseignement personnel recueilli par une institution gouvernementale qui ne peut être divulgué sans consentement, sauf lorsque l’intérêt public l’emporte manifestement sur l’atteinte à la vie privée. Il a également fait valoir que, si le principe de transparence judiciaire s’applique, le critère à appliquer ne devrait alors pas être le critère Dagenais/Mentuck, mais plutôt le critère du « préjudice objectivement discernable », tel qu’il est discuté dans A.B. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 237, au paragraphe 40, qui fait référence à AB c. Bragg Communications Inc, 2012 CSC 46. Il a soutenu en outre que l’anonymisation de l’intitulé ne porterait atteinte que minimalement au principe de transparence judiciaire.

[136] L’intimé a fait valoir que le critère Dagenais/Mentuck s’applique à toutes les décisions discrétionnaires qui limitent l’accès aux procédures judiciaires. Selon le critère relatif à l’anonymisation, il doit être nécessaire afin d’éviter un risque sérieux pour un intérêt important. Les effets bénéfiques d’une telle ordonnance doivent surpasser ses effets préjudiciables sur l’intérêt du public dans des procédures judiciaires transparentes et accessibles. Afin de prouver l’élément de risque sérieux exigé par la première étape du critère, une partie doit démontrer que la menace de dommage est « réel[le] et important[e], en ce qu’[elle] est bien étayé[e] par la preuve » (voir Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, 2005 CSC 41, aux paragraphes 27, 30 et 31, et Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43, aux paragraphes 30 et 31). La deuxième étape porte sur la proportionnalité en équilibrant les effets positifs et les effets négatifs qui en découlent.

[137] L’intimé a soutenu que les faits fournis à l’appui de la demande du plaignant étaient fondés sur des hypothèses, des spéculations et des conjectures plutôt que sur un fondement probant véritable. Les avertissements allégués des gestionnaires au sujet des procédures judiciaires du plaignant ne constituent qu’une preuve par ouï‑dire. Il est possible qu’un employeur éventuel ait connaissance de décisions concernant le plaignant, qui peuvent ou non avoir une incidence sur son employabilité. Toutefois, il n’existe aucun fondement réel ou important, bien étayé par la preuve, qui laisse entendre que toute atteinte à sa vie privée constitue un risque grave pour un intérêt important ou que les effets bénéfiques de caviarder son nom l’emporteraient sur l’intérêt public.

[138] Je conviens que les vagues références aux gestionnaires qui lui ont donné des avertissements ne correspondent pas au genre de preuve substantielle de préjudice qui serait nécessaire pour satisfaire au critère. La preuve tout aussi vague selon laquelle le plaignant a été invité à plusieurs entrevues officieuses pour être choisi à partir d’un bassin, pour finalement ne recevoir aucune offre d’emploi, n’est pas non plus utile. Même si personne ne serait surpris d’apprendre que ces possibilités d’emploi ont pu s’évaporer à la suite d’une recherche dans Google par un gestionnaire d’embauche, il n’y a aucune preuve à cet égard. Même s’il y avait eu une telle preuve, il ne s’agit pas du type de préjudice grave à un intérêt important qui peut constituer le fondement de l’anonymisation.

[139] Le plaignant a cherché à faire valoir que les choses s’étaient aggravées depuis la décision dans Abi‑Mansour 2018, en déclarant ceci : [traduction] « Depuis lors, il y a eu de nombreux changements. » Toutefois, il y a en fait très peu de différences entre le fondement de sa demande dans Abi‑Mansour 2018, et celle‑ci. Il a reçu un autre avertissement d’un chef d’équipe, pour un total de trois. Il s’est concentré un peu plus sur la possibilité des employeurs du Moyen‑Orient d’avoir accès à ses renseignements après avoir effectué une recherche de son nom dans Google à Londres et à Beyrouth, au Liban. Toutefois, il a également soulevé cette question dans Abi‑Mansour 2018.

[140] Les éléments de preuve et les arguments relatifs à la demande d’anonymisation du plaignant sont essentiellement les mêmes que ceux qui ont été présentés à la Commission dans Abi‑Mansour 2018. J’adopte le raisonnement énoncé dans cette décision aux paragraphes 15 à 44, et en particulier ce qui suit :

[...]

[37] Le préjudice auquel renvoie le plaignant et son risque d’être inapte au travail sont de nature conjecturale. Plus important encore, s’il subit effectivement une perte de possibilités d’emploi, cette situation ne peut être rectifiée rétroactivement.

[...]

[39] Le plaignant est conscient du fait que, chaque fois qu’il dépose une plainte en vertu de la Loi, elle donnera lieu à une audience publique et à une décision publique de la Commission. Il n’a aucun droit à la vie privée concernant l’objet de sa plainte et de la décision qui en découle.

[...]

[41] Une personne qui choisit de déposer 48 plaintes distinctes à l’encontre du gouvernement devrait être suffisamment responsable pour accepter la responsabilité selon laquelle il pourrait être connu comme une personne qui est fréquemment partie à des instances. [...]

[42] Par ailleurs, si je devais accueillir la demande du plaignant, alors littéralement tout plaignant qui comparaît devant la Commission pourrait raisonnablement demander que son affaire ne soit pas publiée de crainte qu’un préjudice quelconque puisse découler du fait d’assujettir des gestionnaires de la fonction publique à un processus d’audience.

[43] Enfin, compte tenu des longs antécédents de litige comportant 48 plaintes, en vertu de la Loi, déposées par le plaignant, et du fait que les nombreuses décisions des tribunaux y découlant sont toutes accessibles dans le site Web de la Commission, en réalité, il est trop tard pour qu’il se soucis du stigmate associé à son nom en raison des procédures judiciaires intentées contre le gouvernement fédéral.

[44] Comme nous le disons dans les Prairies, à cet égard [traduction] «Il est trop tard pour fermer l’écurie, quand le cheval s’est sauvé».

 

[141] Je souscris à cette conclusion.

[142] En outre, dans Abi‑Mansour 2020, la Commission a également souscrit à cette décision et l’a adoptée. Elle a également fait remarquer qu’elle avait résisté à l’examen judiciaire minutieux. Cette décision décrit succinctement comme suit la séquence des événements judiciaires qui y a donné lieu :

 

[...]

[51] [...] Le plaignant a déposé une requête devant la Cour d’appel fédérale en vue d’obtenir une ordonnance de suspension de sa publication [la décision dans Abi‑Mansour, 2018], l’autorisation de présenter une demande sous le pseudonyme de « M. P. » et d’autres suspensions (voir le dossier no 18‑A‑32 de la Cour d’appel fédérale). La requête a été rejetée avec dépens le 24 août 2018. Il a ensuite déposé une demande d’autorisation d’appel auprès d’une formation de trois personnes de la Cour, qui a été rejetée avec dépens le 20 décembre 2018. Enfin, il a déposé une demande d’autorisation d’appel de la décision dans le dossier 18‑A‑32 devant la Cour suprême du Canada le 31 mars 2019, en vue de demander plusieurs ordonnances, dont une demande d’anonymisation (voir le dossier n38728 de la Cour suprême du Canada). Le 31 octobre 2019, la Cour suprême a refusé l’autorisation d’interjeter appel et a rejeté la demande d’anonymisation, entre autres. En conséquence, le rejet de la demande d’anonymisation dans Abi‑Mansour 2018 et les motifs de ce rejet demeurent une jurisprudence faisant autorité de la Commission.

[...]

 

[143] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[144] Les plaintes sont rejetées.

[145] La demande d’anonymisation de l’intitulé de la présente décision est rejetée.

Le 22 janvier 2021.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 

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