Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que la substitution de sa suspension d’une journée par une lettre de réprimande représentait une tentative de l’empêcher d’exercer ses droits de témoigner et de poursuivre son grief lié à la suspension devant la Commission – la substitution a été effectuée quelques jours avant l’audience de son grief, qui a été suivie d’une opposition à la compétence de la Commission de poursuivre avec l’audience, étant donné que les réprimandes écrites ne peuvent pas être renvoyées à l’arbitrage en vertu de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») – le défendeur a soutenu que les actes qu’il avait posés pour substituer la suspension ne constituaient pas une pratique déloyale de travail, et que le plaignant n’avait pas établi que sa plainte correspondait aux circonstances décrites au sous-alinéa 186(2)c)(i) de la Loi – la Commission a conclu que le plaignant avait établi un argument défendable en vertu du sous-alinéa 186(2)c)(i) de la Loi – le défendeur a cherché à obtenir en recourant à la force ce qu’il n’avait pas pu obtenir à la médiation – par conséquent, conformément au paragraphe 191(3) de la Loi, c’est le défendeur qui avait le fardeau de prouver que le défaut de se conformer au paragraphe 186(2) de la Loi n’avait pas eu lieu – la Commission avait d’importantes préoccupations sur la façon dont le défendeur avait géré l’affaire, mais elle était convaincue que les actes du défendeur ne visaient pas à intimider, à menacer, à pénaliser le plaignant, ou à prendre des mesures disciplinaires à son égard – la Commission a accepté que le défendeur avait tenté de prévenir que les individus qui avaient accusé le plaignant de harcèlement subissent d’autres préjudices et qu’il avait tenté de protéger les relations de travail positives nouvellement établies avec le syndicat local, dont le plaignant était le président – il n’y avait aucune preuve de mauvaise volonté à l’égard du plaignant afin de l’empêcher de poursuivre son grief à l’arbitrage.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20210129

Dossier : 561-02-720

 

Référence : 2021 CRTESPF 10

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

GAELEN JOe

plaignant

 

et

 

Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), Bobbi Sandhu ET PATRICIA DEMERS

 

défendeurs

Répertorié

Joe c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public

Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Corinne Blanchette et Peter Kerr, Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (SACC-UCCO-CSN)

Pour les défendeurs : Marc Séguin, avocat

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique)

les 2 et 3 mai 2017.

(Arguments écrits déposés le 30 janvier et les 20 et 27 février 2015.)

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Le 4 novembre 2014, Gaelen Joe (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l’al. 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ainsi intitulée à l’époque, contre Bobbi Sandhu, directrice par intérim de l’Établissement de Matsqui (l’« Établissement ») du Service correctionnel du Canada (SCC), et Patricia Demers, conseillère en relations de travail à l’Administration centrale (AC) du Service correctionnel du Canada (les « défendeurs »). À l’époque des événements en litige, le plaignant était le président local du syndicat de l’Établissement.

[2] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[3] Le plaignant a décrit les détails de sa plainte comme suit :

[Traduction]

Les 28 et 29 octobre 2014, la directrice Bobbi Sandhu, sous la direction des responsables des relations de travail de l’AC du SCC, y compris Mme Patricia Demers, a remplacé sa suspension initiale d’un jour par une lettre de réprimande pour empêcher le plaignant d’exercer ses droits d’être entendu par un arbitre de grief et de témoigner dans l’instance devant l’arbitre de grief Shannon du 4 au 7 novembre 2014 à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Le 29 octobre 2014, l’employeur a soulevé une objection auprès de la CRTFP en vue de fermer la présente affaire pour défaut de compétence, étant donné que les réprimandes écrites ne peuvent être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)b) de la LRTFP.

De plus, les motifs de discipline invoqués par l’employeur constituaient une autre pratique déloyale de travail, car le plaignant agissait dans le cadre de ses fonctions et de ses responsabilités syndicales.

[4] Le plaignant a invoqué deux motifs à l’appui de sa plainte : l’imposition d’une suspension d’une journée pour avoir soulevé des préoccupations au sujet des pratiques douteuses d’établissement de calendriers et de la mutation d’agents correctionnels; ainsi que la substitution de ladite suspension par une lettre de réprimande quelques jours avant l’audience du grief qu’il avait déposé concernant la suspension. Il a soutenu que les défendeurs se sont livrés à une pratique déloyale de travail au sens de l’art. 185 de la Loi, qui déclare que « […] pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1) » [le passage en évidence l’est dans l’original].

[5] En ce qui concerne l’imposition de la mesure disciplinaire, le plaignant a fait valoir qu’il avait agi, en tout temps, à l’intérieur de la portée de ses fonctions et de ses responsabilités syndicales. Les dispositions de la Loi que les défendeurs auraient enfreintes lorsqu’ils ont imposé la mesure disciplinaire sont l’al. 186(1)a) et le sous-al. 186(2)a)(iv). Le libellé de ces dispositions a été modifié en 2017 afin d’inclure les agents de la Gendarmerie royale du Canada, mais le fond de pratiques déloyales de travail qui y est énoncé demeure le même que celui à l’époque de la plainte. Elles disposent ce qui suit :

[…]

186 (1) Il est interdit à l’employeur ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

a) de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci […]

[…]

(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, de la licencier par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie royale du Canada ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

[…]

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 […]

[…]

 

[6] Le plaignant a allégué qu’en remplaçant la suspension d’une journée sans solde par la réprimande écrite, les défendeurs ont enfreint le sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi, qui est ainsi rédigé en partie :

186(2)c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de congédiement ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger une personne soit à s’abstenir ou à cesser d’adhérer à une organisation syndicale ou d’occuper un poste de dirigeant ou de représentant syndical, soit à s’abstenir :

(i) de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 […]

 

[7] Au début de l’audience, j’ai informé les parties que je n’examinerai pas l’allégation du plaignant selon laquelle les défendeurs se sont livrés à une pratique déloyale de travail lorsqu’ils ont imposé la suspension d’une journée. Un grief contestant la suspension a été rejeté dans Joe c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 95. Dans Joe, l’arbitre de grief a déterminé que si l’employeur n’avait pas déjà réduit la sanction à une réprimande écrite, elle aurait maintenu la suspension d’une journée imposée au départ, puisqu’elle n’était ni déraisonnable ni erronée, étant donné sa conclusion selon laquelle le fonctionnaire avait réellement harcelé une employée lorsqu’il a exercé ses activités de président local et étant donné que cette conduite ne constituait pas une activité syndicale protégée en vertu de la Loi.

[8] À l’issue de la présentation de la preuve à l’audience, le plaignant a retiré son allégation selon laquelle la suspension constituait une pratique déloyale de travail. Le plaignant a convenu que la seule question à trancher consistait à savoir si le remplacement de la suspension d’une journée par une réprimande écrite équivalait à une pratique déloyale de travail.

II. Résumé de la preuve

[9] Le plaignant a déposé son grief lié à la suspension d’une journée le 16 juillet 2013. La procédure de règlement des griefs au premier palier a été abandonnée et le grief a été rejeté par Mme Sandhu au deuxième palier le 2 août 2013. Le grief a été envoyé au troisième et dernier palier le 20 août 2013. Le Service correctionnel du Canada n’a rendu aucune décision au dernier palier et le grief ayant trait à la suspension d’une journée a été renvoyé à l’arbitrage le 8 novembre 2013. Le grief contre la suspension d’une journée a été entendu par un arbitre de grief du 5 au 7 novembre 2014, du 12 au 15 mai et du 3 au 5 novembre 2015 à Abbotsford, en Colombie-Britannique.

[10] Mme Sandhu a témoigné des antécédents importants entre les relations de travail, la direction et les personnes concernées par les plaintes de harcèlement déposées contre le plaignant en 2010. En 2012, en tant que directrice de l’Établissement, elle a été chargée de travailler avec le Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (SACC-UCCO-CSN) (le « syndicat ») de manière efficace et de réparer la relation. Elle a déclaré qu’elle et le plaignant avaient déployé des efforts équivalents pour tenter de réparer la relation endommagée Plusieurs enquêtes en matière de harcèlement étaient cours en dehors de celles concernant le plaignant. Elle a géré ces enquêtes et d’autres, et elle a été en mesure de réparer la relation de manière positive avec le syndicat pour l’avenir. Il s’agissait là d’un point sensible pour le plaignant et les personnes victimes de harcèlement. Toutes les parties ont subi des préjudices en raison de l’enquête. Pendant qu’elle gérait toutes ces questions en parallèle avec la mesure disciplinaire, elle a également traité avec les personnes victimes du harcèlement et a tenté de les muter et de leur trouver d’autres lieux de travail.

[11] Mme Demers a témoigné qu’elle se rappelait avoir travaillé avec l’avocat du Conseil du Trésor vers le 24 octobre 2014 pour se préparer à l’arbitrage de grief. Elle se rappelait que Mme Sandhu lui avait fait part de ses préoccupations selon lesquelles les témoins devaient revivre le harcèlement. Elle avait également des considérations financières. Mme Demers a été invitée à communiquer avec Corinne Blanchette pour régler l’affaire sans recourir à l’arbitrage de grief et pour déterminer si le plaignant accepterait une lettre de réprimande; Mme Blanchette doutait qu’il l’accepte.

[12] Mme Demers a témoigné qu’elle avait discuté de l’affaire avec Mme Sandhu. Pendant leur téléconférence, Mme Sandhu a déclaré qu’elle croyait que le plaignant avait tiré des leçons de l’incident et qu’elle souhaitait remplacer la mesure disciplinaire par une lettre de réprimande. Mme Sandhu souhaitait adopter cette approche pour les raisons mentionnées antérieurement dans la présente décision et il s’agissait entièrement de sa décision.

[13] Le 28 octobre 2014, comme l’a recommandé Mme Demers, Mme Sandhu a décidé de remplacer la suspension d’une journée sans solde par une réprimande écrite. Selon son témoignage, elle était toujours d’avis que la suspension avait été justifiée, mais c’était sa décision, et la sienne seule, de la remplacer.

[14] Lorsqu’elle a réduit la mesure disciplinaire, Mme Sandhu a consulté la section régionale des relations de travail et a demandé des conseils. Il ne s’agissait pas d’une décision aléatoire. Ses intentions visaient purement le bien-être de l’Établissement. Elle a reconnu qu’elle n’avait pas le pouvoir de le faire, mais elle ne savait pas que cette décision outrepassait son pouvoir au moment où elle l’a prise.

[15] Le plaignant s’est rappelé qu’il avait été convoqué au bureau de Mme Sandhu. Il a été accueilli par sa secrétaire. Il ne connaissait pas l’objet de la réunion. Elle lui a donné la lettre et lui a demandé de la signer. La réunion a duré deux minutes. Il a lu la lettre et l’a signée. Elle a été directe et elle lui a dit que l’AC lui avait dit de ne pas en parler. Il a trouvé cela étrange parce que sa relation avec elle jusqu’à ce moment-là avait toujours été de nature [traduction] « bavarde ». Il estimait qu’elle était [traduction] « paralysée et penaude ». Il ne l’avait jamais vue aussi directe et dépourvue de commentaires. Il a déduit de la lettre que l’arbitrage de grief ne constituait plus une option. Il a ensuite remis la lettre à Mme Blanchette et est retourné au travail.

[16] Mme Sandhu s’est rappelé avoir rencontré le plaignant et un autre membre de l’exécutif syndical. Ils ont eu de bonnes et saines discussions. Elle a reconnu que la relation entre le syndicat et la direction était positive et qu’elle l’était depuis 16 ou 17 mois. Il n’y a eu aucune répétition de mauvais comportement ou de rendement négatif dans le rôle du plaignant en tant que président syndical. En fait, la relation avait changé énormément par rapport à ce qu’elle était lorsqu’elle a commencé. Le comportement s’était corrigé et elle avait toujours des discussions saines et respectueuses avec le plaignant. Elle ne se rappelait pas lui avoir dit qu’elle avait des ordres stricts de ne pas discuter de la lettre. Il n’existait aucune question liée à la protection des renseignements personnels. À l’époque, le plaignant et le syndicat avaient l’impression qu’il ne s’agissait pas de sa décision, mais elle n’était pas certaine de l’origine de ce point de vue. En tant que directrice par intérim de l’Établissement, elle a consulté la section des relations de travail, mais en fin de compte, il s’agissait de sa décision. Elle a analysé les conseils qui lui ont été donnés et a pris sa décision en vue d’améliorer l’Établissement.

[17] En contre-interrogatoire, Mme Sandhu a reconnu qu’elle était au courant de la procédure de règlement des griefs prévue dans la convention collective et que son deuxième palier est entendu par le directeur, tandis que le troisième palier est entendu par la personne à qui le pouvoir de l’AC a été délégué, qui est, en l’espèce, le commissaire adjoint à la gestion des ressources humaines. Elle a convenu qu’en juin 2013, lors de l’audience du grief au deuxième palier, elle a examiné attentivement et en profondeur le grief du plaignant, mais elle a maintenu sa décision d’imposer une suspension d’une journée. Lorsque la mesure disciplinaire a été remplacée par une réprimande écrite, elle savait que l’affaire avait été mise au rôle pour arbitrage. Elle savait également qu’une réprimande écrite ne pouvait pas être renvoyée à l’arbitrage.

[18] Le 29 octobre 2014, le Service correctionnel du Canada s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief d’entendre le grief concernant la suspension. Il a fait valoir que, puisque la suspension initiale imposée au plaignant avait été remplacée par une lettre de réprimande, il n’existe aucun litige actuel. L’arbitre de grief n’avait pas compétence puisque les lettres de réprimande ne peuvent pas être renvoyées à l’arbitrage. La Loi impose des limites aux griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage. Conformément à l’al. 209(1)b), seul un grief portant sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire peut être renvoyé à l’arbitrage. Une réprimande écrite, même si elle est de nature disciplinaire, ne satisfait pas aux limites énumérées à l’al. 209(1)b).

[19] En contre-interrogatoire, Mme Sandhu a témoigné qu’elle ne se rappelait pas si l’objection à la compétence avait été soulevée avant qu’elle ne donne la lettre de réprimande au plaignant. Elle ne savait pas pourquoi elle n’avait pas indiqué que le plaignant pouvait avoir d’autres recours à sa disposition. Elle estimait qu’une réprimande écrite mettrait fin à l’affaire. Elle ne voulait pas nuire aux progrès réalisés avec le plaignant dans son rôle de président local du syndicat. Ils étaient encore en situation de guérison. Elle ne voulait pas revenir sur les questions et les répercussions importantes sur les personnes concernées. Elle ne se préoccupait que du bien-être de l’Établissement.

[20] Le 29 octobre 2014, le plaignant a été convoqué de nouveau au bureau de Mme Sandhu. Elle s’est assurée de lui dire qu’il s’agissait entièrement de sa décision. Il avait eu l’impression qu’elle insistait trop sur le fait que la lettre de réprimande était sa décision et non celle de l’AC. Depuis juin 2013, il entretenait une excellente relation avec Mme Sandhu. Il n’y a jamais eu d’indication d’une possibilité de modification de la suspension d’une journée. C’était entièrement de but en blanc. Mme Sandhu l’a informé que le remplacement avait été effectué à la suite d’un examen approfondi. Il a trouvé étrange que quatre heures auparavant, il y ait eu un silence total et aucun commentaire pour expliquer le remplacement. Mme Sandhu l’a informé que c’était parce qu’il avait fait preuve d’un bon rendement.

[21] Le plaignant s’est préparé à son audience pendant deux mois. Il a perdu le sommeil et il s’agissait d’une période stressante pour lui. Il était soulagé que son grief soit enfin entendu dans un forum impartial. En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il n’était pas heureux de recevoir la réprimande écrite au lieu de la suspension d’une journée. Il était à une semaine de l’audience de son grief. Il a déclaré qu’ils avaient tenté une médiation. Il n’était pas au courant des efforts déployés pour régler l’affaire avant cette date.

[22] Le plaignant a affirmé qu’il était important pour lui que son grief soit entendu à l’arbitrage, parce qu’il souhaitait avoir l’occasion de clarifier qu’il n’avait jamais harcelé d’autres agents correctionnels; il avait agi dans le cadre de ses fonctions de président local du syndicat. Il souhaitait redresser la situation et s’assurer que les présidents locaux futurs du syndicat n’aient pas peur de donner suite aux problèmes en milieu de travail.

[23] Le 30 octobre 2014, les parties au grief ont été informées que la question relative à la compétence serait examinée à titre de question préliminaire à l’audience prévue le 5 novembre 2014.

[24] Le 31 octobre 2014, les parties au grief ont tenté de régler la question à l’aide d’une médiation devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), ainsi nommée à l’époque, mais la médiation a échoué et le grief a été entendu.

[25] L’arbitrage du grief a exigé une audience de 10 jours et comportait le témoignage de huit témoins pour l’employeur et cinq témoins pour le plaignant, dont lui. De 2010 à 2012, l’Établissement a eu trois directeurs qui ont soit convoqué des enquêtes, soit reçu les rapports d’enquête, soit imposé des mesures disciplinaires. Il s’agissait d’une période très difficile entre la direction et le syndicat. Une série de directeurs ont tenté de régler la situation très difficile ayant trait aux relations de travail.

[26] L’arbitre de grief a rejeté l’objection de l’employeur concernant la compétence et a conclu qu’il existait encore un litige actuel à trancher. La question dont elle était saisie consistait à savoir si la suspension d’une journée était justifiée et, dans l’affirmative, si la sanction imposée était raisonnable dans les circonstances.

[27] Le fonctionnaire s’estimant lésé avait soutenu que le principe établi dans Parkolub c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 64, devrait être suivi, soit qu’un arbitre de grief a compétence si, lorsque le grief lui a été renvoyé, le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à l’arbitrage.

[28] L’arbitre de grief était d’accord avec le fonctionnaire s’estimant lésé. Elle a déterminé qu’il n’avait pas déposé de grief contre la lettre de réprimande remplacée par Mme Sandhu. Le grief relatif à la suspension d’une journée a été renvoyé à l’arbitrage. Elle était d’accord avec le fonctionnaire s’estimant lésé pour dire que la politique publique exige que, dans l’intérêt des relations de travail efficaces, les décisions de l’employeur soient soumises à un examen minutieux. L’employeur ne devrait pas être autorisé à se soustraire à cet examen minutieux en remplaçant la mesure disciplinaire initiale en par une lettre de réprimande sur les marches du palais de justice. Le législateur et la Cour fédérale n’ont pas envisagé que l’interdiction de renvoyer à l’arbitrage une lettre de réprimande soit utilisée pour outrepasser la compétence de l’arbitre de grief la veille d’une audience en remplaçant une mesure disciplinaire par une lettre de réprimande.

[29] En outre, elle a remis en question le pouvoir de Mme Sandhu de remplacer la mesure disciplinaire par une réprimande écrite une fois le grief renvoyé au troisième palier et, par la suite, à l’arbitrage.

[30] En fin de compte, l’arbitre de grief a déterminé que la mesure disciplinaire était justifiée. La conduite du fonctionnaire s’estimant lésé envers l’agent de services correctionnels était répréhensible, ce que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû savoir. Lorsqu’elle a déterminé qu’il était coupable de harcèlement et que sa conduite justifiait une mesure disciplinaire, l’arbitre de grief a examiné ses arguments concernant l’activité syndicale protégée. Elle a déterminé que sa conduite équivalait à un harcèlement et qu’elle ne constituait pas une activité syndicale protégée.

[31] Le plaignant a retiré son allégation selon laquelle la suspension constituait une pratique déloyale de travail et a convenu que la seule question dont je suis saisi consistait à savoir si le remplacement de la mesure disciplinaire, quelques jours avant l’audience du grief du plaignant, équivalait à une pratique déloyale de travail interdite par la Loi.

III. Résumé de l’argumentation

[32] Le plaignant a allégué que le remplacement de la mesure disciplinaire constituait une tentative des défendeurs de l’empêcher de faire entendre son grief par un arbitre de grief et qu’ils ont enfreint le sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi.

[33] Le plaignant a soutenu que ce sous-alinéa de la Loi devrait être interprétée de façon libérale. Afin d’équivaloir à une pratique déloyale de travail, il n’est pas nécessaire que les défendeurs réussissent à empêcher le fonctionnaire s’estimant lésé de faire entendre son grief; il n’exige pas non plus des motifs inavoués. L’application de la disposition est automatiquement déclenchée par la tentative des défendeurs d’empêcher le plaignant d’exercer ses droits en vertu de la Loi. Le remplacement de la mesure disciplinaire par une réprimande écrite constituait une tentative des défendeurs d’empêcher le plaignant de témoigner ou de participer par ailleurs à une procédure en vertu des parties 1 ou 2 de la Loi.

[34] Les défendeurs ont soutenu qu’il incombait au plaignant d’établir une preuve « prima facie » que les défendeurs avaient enfreint le sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi afin que la Commission ait compétence. En d’autres termes, je dois déterminer s’il existe, en supposant que les faits allégués par le plaignant sont vrais, une cause défendable que les défendeurs ont contrevenu aux interdictions énoncées au sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi. Ce n’est que lorsque le plaignant a établi une cause défendable que le renversement du fardeau de la preuve prévu au par. 191(3) de la Loi s’applique. Plus précisément, le par. 191(3) prévoit que la plainte elle-même est la preuve qu’un manquement de se conformer au par. 186(2) a eu lieu et, si les défendeurs allèguent que ce manquement n’a pas eu lieu, il leur incombe de l’établir.

[35] Les défendeurs ont fait valoir que le plaignant n’a pas établi que les circonstances décrites dans la plainte correspondaient à l’une des circonstances énoncées au sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi. Il n’y a aucune allégation d’intimidation, de menace de congédiement ou de toute autre type de menace par l’imposition d’une sanction pécuniaire ou autre, ou par tout autre moyen, ni aucune indication de la façon dont il a été empêché de témoigner ou de participer par ailleurs à une procédure en vertu des parties 1 ou 2 de la Loi. Les défendeurs ont invoqué les principes maintenus dans Laplante c. Conseil du Trésor (Industrie Canada et le Centre de recherches sur les communications), 2007 CRTFP 95; Quadrini c. Agence du revenu du Canada et Hillier, 2008 CRTFP 37; et Comiskey c. Jensen, 2012 CRTFP 22.

[36] Le plaignant a répondu qu’à l’époque de ces événements, il était le président local élu du syndicat à l’Établissement. À titre de directrice par intérim, Mme Sandhu a imposé la mesure disciplinaire au plaignant et, à titre de conseillère en relation de travail du Service, Mme Demers a conseillé Mme Sandhu de remplacer la suspension par une réprimande écrite seulement quelques jours avant l’audience prévue. Mme Sandhu a informé le plaignant qu’elle avait reçu des directives strictes de la section des relations de travail à l’AC de ne pas discuter de la modification.

[37] En outre, Mme Sandhu a témoigné qu’elle estimait que la suspension d’une journée était justifiée, mais a néanmoins procédé au remplacement, sachant que la lettre de réprimande ne pouvait pas être renvoyée à l’arbitrage. Mme Sandhu n’avait pas le pouvoir de remplacer la mesure disciplinaire. Il existe une question de crédibilité quant à son intention. Mme Sandhu a prétendu avoir agi de bonne foi. Le fait qu’elle n’avait pas le pouvoir de remplacer la mesure disciplinaire remet en question sa motivation.

[38] Selon le plaignant, il est hautement improbable que les défendeurs admettent une violation de la Loi. Il y a une preuve circonstancielle suffisante pour conclure qu’il y a eu une telle violation. Le principal raisonnement donné par Mme Sandhu était de régler l’affaire, d’empêcher que les personnes touchées par les activités syndicales du plaignant subissent un préjudice, de réduire les coûts, de préserver la relation avec le plaignant et d’éclaircir la question. Les défendeurs ont en fin de compte fait ce qu’ils ne pouvaient pas faire dans le cadre de la médiation. Mme Demers a participé activement à la décision de remplacer la suspension sans solde par une réprimande écrite. Encore une fois, Mme Sandhu a dit au plaignant qu’elle avait reçu des directives strictes des relations de travail de l’AC de ne pas discuter de la modification de la mesure disciplinaire. Ce fait n’a pas été contredit par les défendeurs. En ce qui concerne le fait de priver le plaignant de faire entendre son grief à l’arbitrage, il y a une analogie à emprunter des affaires portant sur le renvoi en cours de stage. La caractérisation unilatérale des défendeurs ne lie pas la Commission. La Commission doit tenir compte de tous les faits concernant les circonstances de l’affaire pour déterminer si l’acte des défendeurs est véritablement ce qu’elle est ou s’il constitue un subterfuge ou un camouflage. La jurisprudence de la Commission est utile à cet égard, voir : Jacmain c. Procureur général (Canada), 1977 CanLII 200 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 15; Canada (PG) c. Penner, (1989) 3 C.F. 429 (C.A.F.) à p. 440 (QL). Cela suffit à déclencher l’application du renversement du fardeau de la preuve énoncé au par. 191(3) de la Loi. Le plaignant a fait référence à la jurisprudence suivante à l’appui de sa position : Lavoie c. Syndicat des Métallos, Local 7065, 2012 CCRI 636, au par. 127.

IV. Motifs

A. Les défendeurs ont-ils enfreint le sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi lorsqu’ils ont remplacé la mesure disciplinaire par la réprimande écrite?

[39] Afin de déterminer si les défendeurs ont enfreint le sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi lorsqu’ils ont remplacé la mesure disciplinaire par la réprimande écrite, le plaignant doit d’abord établir une cause défendable. Tel qu’il a été reconnu dans Quadrini, au par. 21, et dans Laplante, au par. 88, la question de savoir si la plainte, à première vue, indique un lien raisonnable aux interdictions énumérées au sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi est essentielle et concerne directement la compétence. En son absence, la plainte ne peut être instruite.

[40] Habituellement, l’évaluation d’une cause défendable est effectuée en fonction des allégations contenues dans la plainte et dans les arguments écrits sur cette question. Dans Laplante, la CRTFP a déterminé qu’une plainte doit satisfaire à cette condition préalable pour l’application de la disposition portant sur le renversement du fardeau de la preuve; c’est-à-dire avant que l’employeur puisse être tenu d’établir qu’il n’a pas contrevenu aux interdictions. Le plaignant doit établir que l’une des circonstances décrites au par. 186(2) de la Loi a été satisfaite. Le plaignant doit également décrire la façon dont il a été soit intimidé, soit menacé, soit pénalisé, soit discipliné. Sans cela, la plainte est irrecevable et le renversement du fardeau de la preuve prévu au par. 191(3) de la Loi ne peut être appliqué.

[41] Je souscris au raisonnement suivi dans Quadrini et Laplante. Une allégation de violation du par. 186(2) doit être raisonnablement défendable à première vue afin que la Commission ait compétence et que le par. 191(3) s’applique. Dans Quadrini, au par. 32, la CRTFP a décrit le seuil comme suit : « […] si l’on tient pour acquis que tous les faits allégués dans la plainte sont vrais, y a-t-il une preuve soutenable que les défendeurs ont violé les sous-alinéas 186(2)a)(iii) ou (iv) de la nouvelle Loi? »

[42] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les allégations contenues dans la plainte qui a été déposée le 4 novembre 2014 et les arguments écrits subséquents des parties établissent une cause défendable d’une violation du sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi. Afin d’établir une cause défendable, le plaignant doit établir que la plainte est fondée, à l’égard de laquelle une violation de la Loi peut être constatée. Il ne suffit pas qu’un plaignant formule des accusations et se fie à l’incapacité des défendeurs de les réfuter. La jurisprudence de la Commission est uniforme à cet égard. La Commission doit décider si le plaignant a établi les éléments requis de l’art. 186 de la Loi avant que le fardeau de la preuve ne puisse être transféré aux défendeurs.

[43] En l’espèce, le plaignant a établi que sa plainte est défendable en vertu du sous-al. 186(2)c)(i). Le défendeur a remplacé la suspension d’une journée par la réprimande écrite. Par conséquent, le défendeur s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre le grief concernant la suspension. Le défendeur a cherché à obtenir par la force ce qu’il ne pouvait obtenir dans le cadre de la médiation. Le plaignant a allégué qu’il s’agissait d’une tentative par les défendeurs de l’empêcher de faire entendre son grief à l’arbitrage.

[44] La disposition est rédigée comme suit :

[…]

186(2)c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de congédiement ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger une personne soit à s’abstenir ou à cesser d’adhérer à une organisation syndicale ou d’occuper un poste de dirigeant ou de représentant syndical, soit à s’abstenir :

(i) de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 […]

[Je souligne]

 

[45] En remplaçant la suspension d’une journée par la réprimande écrite et en s’opposant à la compétence de la Commission d’entendre le grief, le défendeur a tenté par d’« autres » moyens « à obliger [le plaignant] à s’abstenir […] de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 ».

[46] Comme il a été déterminé dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, une cause défendable de violation du sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi doit indiquer la façon dont les défendeurs ont cherché « […] par intimidation, par menace de congédiement ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, […] » à obliger le plaignant à s’abstenir « de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 […] ». Les plaignants doivent décrire la façon dont le comportement du défendeur constituait une intimidation, une menace de congédiement ou l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres. L’alinéa 186(2)c) comprend l’expression « ou autres ». Les règles d’interprétation de la loi exigent que cette expression soit interprétée comme [traduction] « ou autres moyens du même genre » (Manella, au par. 24, le passage en évidence l’est dans l’original). À mon avis « un moyen du même genre » comprendrait, sans toutefois s’y limiter, la mauvaise volonté, la tromperie, la fraude et l’exercice déraisonnable du pouvoir de la direction.

[47] Dans ses arguments écrits, le plaignant fait clairement référence aux relations de travail tumultueuses qui existaient antérieurement à l’Établissement au moment de l’imposition de la mesure disciplinaire. En outre, le plaignant a soutenu que les actes de Mme Demers et de Mme Sandhu constituaient un camouflage et un subterfuge visant à le priver d’exercer ses droits en vertu de la Loi. Le plaignant a remis en question les intentions de Mme Sandhu, ainsi que celles de Mme Demers en tant que conseillère en relations de travail de Mme Sandhu.

[48] À l’appui de cette allégation, le plaignant a fait référence à la jurisprudence de la Commission portant sur les affaires de renvoi en cours de stage : que la caractérisation unilatérale des actes de l’employeur n’est pas exécutoire et que la Commission doit tenir compte de tous les faits et des circonstances connexes de l’affaire pour déterminer si l’acte du défendeur est vraiment ce qu’il est ou s’il constitue un subterfuge ou un camouflage. Je déduis d’après les allégations que le plaignant allègue qu’il a été intimidé, qu’il s’est senti menacé et que le remplacement a été fait de mauvaise foi. Cela suffit à déclencher le renversement du fardeau de la preuve prévu au par. 191(3) de la Loi.

[49] Encore une fois, en appliquant le critère de la cause défendable, je suis convaincue que, en fonction des faits allégués dans la plainte et les arguments écrits, et en supposant qu’ils sont vrais, il existe une cause défendable selon laquelle les défendeurs ont contrevenu aux interdictions prévues au sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi. Il incombe aux défendeurs d’établir qu’il n’ont pas enfreint le sous-al. 186(2)c)(i) de la Loi.

[50] Le paragraphe 191(3) de la Loi affecte le fardeau de la preuve dans une plainte relative à une pratique déloyale de travail concernant le paragraphe 186(2) comme suit :

191(3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

 

[51] Les défendeurs ont fait valoir qu’en fin de compte, le plaignant a eu la pleine possibilité d’être entendu et de voir son grief soumis à l’arbitrage. Il n’a subi aucune perte et n’a été privé d’aucun droit en vertu de la Loi. Il n’a pas été menacé, intimidé, pénalisé ou obligé à s’abstenir de poursuivre son grief à l’arbitrage ou de contester la réprimande écrite. Il n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir exercé ses droits en vertu des parties 1 ou 2 de la Loi. Il a déposé cette plainte presque immédiatement après le remplacement. Le plaignant n’a pas fait l’objet de mesures disciplinaires, de menace ou d’intimidation pour avoir déposé la plainte dont la Commission est saisie.

[52] Même si je suis d’accord avec les défendeurs pour dire qu’en fin de compte, le plaignant s’est fait entendre par le tribunal et son grief a été entièrement instruit par la Commission dans Joe, j’ai d’importantes préoccupations quant à la façon dont cette affaire a été traitée par la section des relations de travail et par les défendeurs. Même si la direction a le droit de remplacer une mesure disciplinaire, ce remplacement aurait dû avoir été effectué au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, conformément au pouvoir délégué approprié du défendeur. En outre, il aurait dû être accompagné d’un échange significatif avec le plaignant, plutôt que sur les marches du palais de justice la veille de l’audience prévue. Je suis d’accord avec le plaignant pour dire que les défendeurs ont essentiellement obtenu par la force ce qu’ils n’avaient pas été en mesure d’obtenir dans le cadre de la médiation.

[53] Même si les défendeurs auraient pu adopter une meilleure approche et que les faits appuient qu’ils aient fait preuve d’un mauvais jugement, je suis convaincue que leurs actes ne visaient pas à intimider, à menacer, à pénaliser ou à discipliner le plaignant. J’accepte que Mme Sandhu tentait d’empêcher que les personnes victimes de harcèlement de la part du plaignant subissent un autre préjudice et de préserver les nouvelles relations de travail favorables avec le syndicat local, mais il était tout à fait inapproprié qu’elle le fasse de la manière qu’elle l’a fait. Elle n’avait aucune mauvaise volonté envers le plaignant. En fait, les éléments de preuve permettent de confirmer qu’ils avaient une bonne relation. En ce qui concerne Mme Demers, la preuve n’a pas permis d’établir une mauvaise volonté envers le plaignant. Elle a fourni des conseils à Mme Sandhu. Mme Sandhu a pris la décision finale.

[54] Selon les éléments de preuve présentés à l’audience, même si je ne peux conclure que les défendeurs se sont livrés à une pratique déloyale de travail, je conclus que ce type de pratique n’a pas sa place dans des relations de travail saines. Si le Service correctionnel du Canada tient véritablement à avoir de bonnes relations de travail, il devrait entendre les griefs au troisième palier et rendre une décision avant leur renvoi à la Commission et non tenter d’outrepasser la compétence de la Commission, quelles que soient les nobles intentions de celle-ci. Même si le plaignant a remis en question les motifs de Mme Sandhu, j’ai conclu que son témoignage était crédible et conforme aux faits de l’espèce. Les circonstances liées au remplacement de la suspension d’une journée par la réprimande écrite, y compris le choix du moment et la façon dont Mme Sandhu l’a communiqué au plaignant, ne m’amènent pas à remettre en question ses motifs. Je crois qu’elle a vraiment agi dans l’intérêt de l’Établissement. S’il y avait eu des éléments de preuve de mauvaise volonté envers le plaignant en vue de l’empêcher de poursuivre son grief à l’arbitrage, ma conclusion aurait été différente. Toutefois, je ne crois pas que c’est le cas. Par conséquent, je conclus que les défendeurs ne se sont pas livrés à une pratique déloyale de travail comme l’a allégué le plaignant.

[55] Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[56] L’objection du défendeur est rejetée.

[57] La plainte est rejetée.

Le 29 janvier 2021.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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