Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur avait refusé de lui accorder l’indemnité de disponibilité prévue dans la convention collective – l’employeur a contesté le délai pour déposer le grief – la Commission a conclu que le grief avait été déposé au-delà du délai de 25 jours prescrit par la convention collective – le fonctionnaire s’estimant lésé, de son propre aveu et après avoir discuté avec son représentant syndical, était au courant et avait pris connaissance des circonstances ayant donné lieu au grief, et il a choisi d’attendre en toute connaissance de cause – après avoir soulevé la question de l’indemnité de disponibilité auprès de l’employeur et avoir été informé qu’elle serait refusée, il a de nouveau choisi d’attendre pour déposer son grief.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20210303

Dossier: 566-02-11699

 

Référence: 2021 CRTESPF 21

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Serge Guilbault

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de la Défense nationale)

 

employeur

Répertorié

Guilbault c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Linda Gobeil, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Kim Patenaude, avocate

Pour l’employeur : Josh Alcock, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),

le 9 juillet 2019.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Le 13 février 2012, Serge Guilbault, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a déposé un grief contre le ministère de la Défense nationale (l’« employeur »). Le fonctionnaire allègue que l’employeur a refusé de lui accorder l’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 de la convention collective intervenue entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor pour le groupe Services techniques, dont la date d’expiration est le 21 juin 2011 (la « convention collective ») (pièce P-1, onglet 1 et pièce E-1, onglet 10).

[2] L’employeur a rejeté le grief du fonctionnaire à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs. Dans ses réponses, l’employeur a aussi soulevé le fait que le grief du fonctionnaire n’avait pas été déposé dans le délai imparti de 25 jours prévu à la clause 18.15 de la convention collective. À l’audience, l’employeur a réitéré son objection. Il a maintenu que je n’avais pas compétence pour décider du bien-fondé du grief, car il a été déposé au-delà du délai de 25 jours prévu dans la convention collective. Il est à noter que le fonctionnaire n’a pas présenté de demande de prorogation de délai dans cette affaire. J’ai décidé de prendre l’objection sous réserve et d’entendre la preuve.

[3] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no2 sur le plan d'action économique de 2013.

[4] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

II. Résumé de la preuve

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[5] Le fonctionnaire a témoigné être, depuis 2006, superviseur technique, dont le poste est au groupe et au niveau TI-4, au 25e Dépôt d’approvisionnement des Forces canadienne (25e DAFC) à Montréal. Il a expliqué que la division comporte trois secteurs, dont la gestion de substances toxiques comme les chlorobiphényles (ou BPC) (pièce T-1, onglet 5).

[6] Le fonctionnaire a expliqué que, dans le cadre de ses fonctions, il a à manipuler tout de qui est en « fin de vie » pour l’employeur, par exemple des avions F-18 et des sous-marins. En 2006, sept employés se rapportaient à lui. À cette époque, le Manuel de sécurité et gestion des matières dangereuses était l’outil de référence (pièce T-1, onglet 8). Ce manuel comporte un chapitre consacré à la manipulation des BPC.

[7] Toujours en 2006, à son retour de formation de trois semaines sur la manipulation de matières dangereuses, son superviseur d’alors, Michel Millette, lui a remis un téléavertisseur (pagette) en lui disant que, si jamais un incident impliquant une matière dangereuse survenait, il serait appelé. Selon le fonctionnaire, il fallait être diligent et être disponible. Il a indiqué que, lors de sa formation, on lui avait dit qu’il était passible de prison s’il n’était pas diligent, surtout en ce qui a trait aux BCP.

[8] Le fonctionnaire a expliqué que le fait de porter un téléavertisseur le rendait moins « spontané ». C’est-à-dire qu’il devait toujours avoir un plan B et s’assurer qu’il pouvait « déléguer » son téléavertisseur a un de ses employés soit M. Hinse ou M. St. Louis si, par exemple, il partait en vacances.

[9] Le fonctionnaire a témoigné que c’est le numéro de son téléavertisseur et le numéro de son domicile qui apparaissent dans le Document Urgence Procédures pour le 25e DAFC (pièce P-1, onglet 7 p.8-9). Au cours de son témoignage, le fonctionnaire a passé en revue le contenu du Manuel sur le programme de sécurité générale et il a mis en relief les lois applicables aux matières dangereuses, les procédures et le fait qu’il faut faire tout son possible pour bien gérer les matières dangereuses (pièce P-1, onglet 8).

[10] Le fonctionnaire a expliqué qu’il était le gardien des matières contenant des BCP et que lui seul et ses deux employés, MM. St. Louis et Hinse étaient autorisés à entrer dans l’entrepôt contenant des BPC. Le fonctionnaire a insisté sur les sanctions sévères dans les cas de non-respect des procédures (pièce P-1, onglet 8 et pièce P-2).

[11] Le fonctionnaire a témoigné qu’au cours de la période des Fêtes de 2010, des collègues de travail l’ont vu porter son téléavertisseur pendant qu’ils étaient à l’aréna. Ses collègues lui ont alors dit qu’il avait le droit de recevoir une indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 de la convention collective. Le fonctionnaire n’avait jamais réclamé cette indemnité pour le port de son téléavertisseur. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a convenu qu’il avait appris en décembre 2010 l’existence de cet article 30 de la convention collective, notamment par Daniel Rodgers, président local du syndicat. Le fonctionnaire a admis que, lorsqu’il a parlé avec M. Rodgers et qu’il a consulté l’article 30, il était clair pour lui que l’article s’appliquait à sa situation; il pensait donc avoir le droit de réclamer cette indemnité de disponibilité.

[12] Le fonctionnaire a déclaré que, bien qu’il ait alors lui-même consulté l’article 30 de la convention collective en décembre 2010 et parlé avec le président local du syndicat, il n’était pas à l’aise avec la décision de déposer un grief, et il a décidé de « laisser dormir ça; laisser macérer ça ». Il a expliqué qu’il ne voulait pas de conflit.

[13] Toutefois, le 9 mai 2011, il a décidé de demander à son gestionnaire, Guillaume Quessy, l’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 de la convention collective. Il a aussi voulu savoir si sa réclamation pouvait être rétroactive (pièce P-1, onglet 2). Le 12 décembre 2011, après consultation, M. Quessy a avisé le fonctionnaire que l’employeur ne lui verserait pas l’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 de la convention collective (pièce P-1, onglet 3 p.3). Le fonctionnaire a alors été invité à remettre le téléavertisseur s’il le désirait. Le 15 décembre 2011, le fonctionnaire a réitéré sa demande lors d’une rencontre avec M. Quessy et le superviseur de ce dernier, Christian Masse (pièce P-1, onglet 3, p.2). Dans sa réponse le 1er février 2012, M. Masse fait référence au fait que la demande a déjà été rejetée le 12 décembre et le 15 décembre 2011, et que la décision n’a pas changé (pièce P-1, onglet 3 p.1).

[14] Au cours de son témoignage, le fonctionnaire a insisté sur le fait que la réponse de l’employeur est erronée, notamment lorsque M. Masse affirme que le fonctionnaire « n’avait aucune obligation de répondre au pagette [sic] » (pièce P-1, onglet 3 p. 4). Selon le fonctionnaire, tout cela va à l’encontre des règles et procédures établies dans les plans de mesure d’urgence. Le fonctionnaire a affirmé que ces procédures sont établies par des personnes en position d’autorité supérieure à M. Masse, et le fait demeure que c’est le nom du fonctionnaire et son numéro de téléphone qui figurent dans les plans de mesure d’urgence, comme celui sur les BPC. Le fonctionnaire aurait voulu que le commandant de la base se prononce.

[15] En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a indiqué avoir remis le téléavertisseur à son employeur et qu’il n’a pas par la suite demandé à l’employeur de retirer son nom des plans de mesure d’urgence.

B. Pour l’employeur

[16] M. Masse a témoigné pour l’employeur. Il est maintenant patrouilleur pour la Gendarmerie royale du Canda, mais il était chef de soutien aux opérations au 25e DAFC du 30 octobre 2011 à juillet 2013. Il se rapportait alors au commandant (pièce E-1, onglet 3).

[17] M. Masse a affirmé connaître l’article 30 de la convention collective et a expliqué qu’on avise normalement un employé qu’il est en disponibilité par écrit.

[18] M. Masse a expliqué avoir informé M. Quessy le 6 décembre 2011 que le fonctionnaire n’avait pas droit à l’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 de la convention collective. M. Quessy en a alors avisé le fonctionnaire le 12 décembre 2011. Selon M. Masse, c’était lui, mis à part le commandant, qui avait l’autorité nécessaire pour autoriser ou rejeter une demande de paiement de l’indemnité de disponibilité. À cet égard, M. Masse a expliqué que le fonctionnaire était venu le voir le 15 décembre 2011 pour lui demander de valider le refus de lui accorder l’indemnité de disponibilité. M. Masse lui aurait alors réitéré avoir la délégation nécessaire et ainsi être la personne désignée pour prendre cette décision quant à l’octroi ou non de l’indemnité de disponibilité. M. Masse a aussi répété au fonctionnaire que l’employeur ne lui avait jamais demandé d’être disponible au sens de l’article 30, et qu’en conséquence, le fonctionnaire n’était pas habilité pour recevoir l’indemnité. En contre-interrogatoire, M. Masse a convenu avoir discuté de la demande du fonctionnaire avec le commandant. M. Masse a expliqué que, compte tenu de la somme en jeu en cas de paiement de l’indemnité, il se devait de le dire au commandant, mais que cela ne changeait rien au fait qu’il avait la délégation nécessaire pour prendre la décision de rejeter la demande.

[19] M. Masse a expliqué que le fonctionnaire n’avait pas droit à l’indemnité car, après vérification, on ne lui avait jamais demandé d’être en disponibilité. Selon M. Masse, le téléavertisseur n’était qu’un outil de communication sans plus. Il a souligné que le 25e DAFC est très vaste, alors le téléavertisseur peut être pratique pour joindre des employés.

[20] M. Masse a soutenu que certaines conditions doivent être remplies lorsqu’un employé est en disponibilité selon les termes de l’article 30, par exemple, ne pas consommer d’alcool et ne pas s’éloigner. Jamais on n’a demandé cela au fonctionnaire. On n’a jamais non plus avisé le fonctionnaire par écrit ou autrement qu’il devait être disponible « durant les heures hors service » aux termes de l’article 30 de la convention collective.

[21] Selon M. Masse, une fois que le fonctionnaire a remis le téléavertisseur, l’employeur a retiré le numéro du téléavertisseur de ses plans de mesure d’urgence (pièce E-1, onglet 8). Quant à l’argument du fonctionnaire à savoir qu’il était responsable, par exemple en cas de déversement de BPC, M. Masse a témoigné qu’on ne met pas des personnes en disponibilité pour autant. Le plan de mesure d’urgence est un document d’information pour les employés. M. Masse a aussi précisé qu’en cas de déversement majeur de BCP par exemple, le fonctionnaire n’est pas sur la liste des personnes à contacter.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

1. Le grief a-t-il été déposé hors délai?

[22] Selon le fonctionnaire, bien qu’il ait réalisé en décembre 2010 être admissible au paiement de l’indemnité de disponibilité, il a hésité à en faire la demande. Toutefois, en mai 2011, après avoir soulevé la question et reçu les réponses de M. Quessy et de M. Masse, le fonctionnaire croyait que M. Masse n’avait pas l’autorité nécessaire pour se prononcer sur sa demande. La preuve démontre qu’effectivement M. Masse a consulté le commandant afin que ce dernier valide sa décision. Selon le fonctionnaire, ce n’est que le 1er février 2012 qu’il a reçu une réponse définitive à sa demande (pièce P-1, onglet 3 page 1). Avant cette date, ce n’était que des discussions. Le grief n’est donc pas en retard, car il a été déposé le 13 février 2012, soit moins de 25 jours après que le fonctionnaire ait été avisé de la décision. De plus, il s’agit d’un grief continu. Le fonctionnaire m’a renvoyée à la décision Campbell c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 42.

2. L’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 de la convention collective

[23] Le fonctionnaire a plaidé qu’on lui avait remis un téléavertisseur en 2006 avec la condition qu’on puisse le joindre en tout temps. Le fonctionnaire a expliqué que, lorsqu’il n’était pas disponible, il s’organisait pour remettre le téléavertisseur à un de ses employés. Cette responsabilité a existé jusqu’en 2017, selon les procédures d’Urgences (pièce P-1, onglet 12).

[24] Selon le fonctionnaire, les conséquences étaient importantes si on ne pouvait pas le joindre. Il risquait des amendes, voire la prison (pièce P-1, onglet 8).

[25] Il incombait à l’employeur de donner une directive claire au fonctionnaire quant à savoir s’il était en disponibilité aux termes de l’article sur la disponibilité. Le fonctionnaire m’a renvoyée aux décisions suivantes : Gasbarro c. Conseil du Trésor (Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2007 CRTFP 87Gasbarro »), et Beaulieu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 3 (« Beaulieu »).

B. Pour l’employeur

1. Le grief a-t-il été déposé hors délai?

[26] L’employeur me réfère au libellé de la clause 18.15 de la convention collective et soumet que, déjà en décembre 2010, le fonctionnaire pensait pouvoir faire une réclamation en vertu de l’article 30 de la convention collective. Toutefois, ce n’est que beaucoup plus tard, soit le 13 février 2012, que le fonctionnaire a choisi de déposer un grief. Dans les circonstances, l’employeur soumet que je n’ai pas compétence pour décider de ce grief, car le grief a été déposé au-delà du délai de 25 jours où le fonctionnaire a pris connaissance des circonstances donnant lieu au grief.

[27] En effet, le fonctionnaire a admis avoir été informé en décembre 2010 par le représentant syndical, M. Rodgers, de l’existence de l’article 30 de la convention collective sur la disponibilité et de son application à sa situation. Le fonctionnaire a aussi admis avoir lui-même regardé cet article et avoir conclu qu’il avait droit à l’indemnité. Ce n’est toutefois que le 9 mai 2011, soit quelques cinq mois plus tard, qu’il a soulevé la question avec son employeur.

[28] Le 12 décembre 2011, le fonctionnaire a reçu de M. Quessy une réponse négative à sa demande. Cette réponse lui a été répétée par M. Masse trois jours plus tard, soit le 15 décembre 2011. Le fonctionnaire a choisi de ne pas déposer de grief à ce moment. Son explication est qu’il croyait que M. Masse n’avait pas l’autorité nécessaire pour se prononcer. Cette explication ne saurait tenir.

[29] Selon l’employeur, le fonctionnaire connaissait l’existence de l’article 30 de la convention collective et il était au fait des circonstances donnant lieu au grief en décembre 2010 mais il n’a rien fait. Il a attendu en mai 2011 pour soulever la question. Il a reçu une réponse négative le 12 décembre 2011 de M. Quessy qui a été répétée par M. Masse lors d’une rencontre le 15 décembre 2011. Ce n’est que le 13 février 2012, soit au-delà du délai de 25 jours prévu que le fonctionnaire a déposé son grief. Il est clairement en retard. L’employeur m’a renvoyée aux décisions Sonmor et Slater c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 20, et Marks c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2012 CRTFP 77.

2. L’indemnité de disponibilité prévue à l’article 30 de la convention collective

[30] Selon l’employeur, le fonctionnaire a le fardeau de démontrer qu’il satisfaisait aux conditions prévues à l’article 30 de la convention collective, à savoir que l’employeur lui a demandé d’être disponible durant les heures hors service. Selon l’employeur, cette preuve n’a pas été faite.

[31] L’employeur a plaidé qu’il ne revient pas au fonctionnaire de se déclarer disponible et ainsi de tenir l’employeur responsable. Contrairement à Gasbarro, où par ses agissements et commentaires, l’employeur avait laissé comprendre au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il devait être disponible en dehors des heures de travail normal, il n’y a aucune indication de ce genre dans le présent cas. Le fonctionnaire s’est fait une idée des règlements; l’employeur n’a toutefois rien fait pour créer une situation qui aurait laissé croire que le fonctionnaire devait être disponible.

[32] Bien que le nom du fonctionnaire apparaisse dans certains documents, comme les procédures d’urgence, il n’y a absolument rien qui indique que le fonctionnaire devait être disponible durant les heures hors service (pièce E-1, onglet 7). À cet égard, l’employeur a rappelé le témoignage de M. Masse à savoir qu’en cas de déversement majeur de BCP, on ne communique pas avec le fonctionnaire.

[33] Selon l’employeur, il n’y a pas de preuve que, pendant toute la période de 2006 à 2012, le fonctionnaire a même reçu un appel sur le téléavertisseur. C’est donc la preuve que d’avoir un employé disponible en vertu de l’article 30 de la convention collective n’était vraiment pas un enjeu pour l’employeur. L’employeur ne voyait certainement pas la nécessité d’avoir un employé en disponibilité.

[34] Selon l’employeur, il semble ici y avoir confusion entre le fait d’être en disponibilité et les cas de rappels au travail.

[35] L’employeur m’a renvoyée aux décisions suivantes : Beaulieu; Gasbarro; Kettle c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-21941 (19920412), [1992] C.R.T.F.P. No. 55 (QL); Mullins c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17752 (19890202), [1989] C.R.T.F.P.C. no 32 (QL); Roach c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 3.

IV. Motifs

[36] Je vais d’abord traiter de l’objection préliminaire de l’employeur voulant que je rejette ce grief car il a été déposé au-delà du délai de 25 jours prescrit par la convention collective pour le dépôt d’un grief.

[37] La clause 18.15 de la convention collective se lit comme suit :

18.15 Un employé-e s’estimant lésé peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite par le paragraphe 18.08 au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est informé ou prend connaissance de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief […].

 

[38] Dans le présent cas, la preuve montre que, déjà en décembre 2010, le fonctionnaire, après discussion avec des collègues de travail et du président du syndicat local M. Rodgers, connaissait les circonstances donnant lieu à son grief. Le fonctionnaire a même admis avoir de lui-même consulté l’article 30 de la convention collective et avoir alors convenu qu’elle s’appliquait aux circonstances de son grief. Le fonctionnaire a aussi admis ne pas avoir alors voulu déposer de grief, qu’il avait décidé d’attendre et de « laisser dormir ça; laisser macérer ça ». Ce n’est que le 9 mai 2011, presque cinq mois plus tard, qu’il a demandé à son employeur le paiement de l’indemnité de disponibilité.

[39] Qui plus est, la preuve est claire quant au fait que le fonctionnaire a été informé le 12 décembre 2011 de la décision de l’employeur de ne pas lui accorder l’indemnité de disponibilité. Cette réponse négative lui a été réitérée lors d’une rencontre avec M. Quessy et M. Masse le 15 décembre 2011 (pièce E-1, onglet 5). Ce n’est que le 13 février 2012, soit encore une fois au-delà du délai de 25 jours prescrit par la convention collective, que le fonctionnaire a déposé son grief.

[40] Le fonctionnaire a plaidé qu’il ne croyait pas que la réponse de l’employeur était définitive le 12 et le 15 décembre 2011, car il doutait de l’autorité de M. Masse pour prendre une décision sur sa demande. Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. En effet, la réponse de M. Quessy du 12 décembre 2011 est sans équivoque quant au refus de l’employeur de payer l’indemnité de disponibilité. Ce refus a été réitéré en présence de M. Masse le 15 décembre 2011. Si le fonctionnaire avait vraiment des doutes quant à l’autorité de décision de M. Masse, il aurait dû déposer un grief dans les 25 jours suivant la rencontre du 15 décembre. Il a choisi de ne pas le faire.

[41] Il m’apparaît très clair que, déjà en décembre 2010, le fonctionnaire, de son propre aveu et après discussion avec son représentant syndical, était au courant et avait pris connaissance des circonstances donnant lieu au grief selon les termes de la clause 18.15 de la convention collective. Il a choisi d’attendre en toute connaissance de cause. De plus, une fois clairement informé du refus de l’employeur le 12 et le 15 décembre 2011, il a encore choisi d’attendre et de déposer son grief le 13 février 2012, soit encore une fois au-delà du délai de 25 jours prescrit par la convention collective.

[42] Dans les circonstances, je n’ai aucune hésitation à rejeter le grief pour non-respect du délai pour le dépôt du grief.

[43] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

[44] Le grief est rejeté.

Le 3 mars 2021.

Linda Gobeil,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.