Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a présenté des demandes dans lesquelles il sollicitait des ordonnances déclarant que cinq postes de conseillers en santé et sécurité au travail (SST) étaient des postes de direction ou de confiance – il a soutenu que les titulaires de ces postes ne devaient pas faire partie de l’unité de négociation pour des raisons de conflits d’intérêts, ou parce qu’à l’égard des questions en matière de relations de travail, ils ont des fonctions et des responsabilités qui sont confidentielles pour le titulaire d’un poste de direction ou de confiance en vertu des alinéas 59(1)g) et h) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral – l’employeur a soutenu que tous les griefs, y compris les griefs en matière de SST, sont visés par la définition de « relations de travail » – la Commission a conclu que cet argument ne tenait pas compte des fonctions et des responsabilités particulières des conseillers en SST en ce qui concerne les griefs et ne tenait pas compte des différentes structures quasi judiciaires établies pour surveiller les questions de SST par rapport aux relations de travail – selon les éléments de preuve, le rôle du conseiller en SST en ce qui a trait aux griefs ne constitue pas une partie importante ou régulière de ses fonctions – la Commission n’a pas été convaincue non plus que ces fonctions et responsabilités avaient trait aux relations de travail ou avaient un lien à celles‑ci – la Commission a aussi conclu que l’argument de l’employeur selon lequel les conseillers en SST étaient en conflit d’intérêts en raison de l’importance que l’agent négociateur accordait à la sécurité au travail était erroné – le fait qu’un agent négociateur a déclaré qu’il s’agit d’une priorité ne signifie pas qu’un de ses membres ne peut pas s’acquitter fidèlement de ses obligations de conseiller l’employeur – la proposition de l’employeur fait référence à la loyauté des employés, ce qui n’est pas le but d’une exclusion – la SST est une obligation bipartisane, et on ne doit pas présupposer un conflit d’intérêts simplement en raison de l’adhésion à un groupe ou à un autre – les conseillers en SST travaillent dans un environnement mixte et fournissent des services liés à toutes les catégories d’employés, y compris ceux qui appartiennent à différentes unités de négociation, ceux qui ne sont pas membres d’une unité de négociation, les employés exclus et la direction, où un conflit d’intérêts perçu n’est pas susceptible de survenir.

Demandes rejetées.

Contenu de la décision

Date: 20210309

Dossiers: 572‑02‑3955 à 3959

 

Référence: 2021 CRTESPF 24

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Conseil du Trésor

demandeur

 

et

 

Alliance de la Fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant des demandes de déclaration qu’un poste est un poste de direction ou de confiance, prévues au paragraphe 71(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le demandeur : Richard Fader, avocat

Pour la défenderesse : Janson LaBond, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 13, 20, 26 et 27 janvier 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Demandes devant la Commission

[1] Le Conseil du Trésor (le « demandeur ») demande que cinq postes de conseillers en santé et sécurité au travail (SST) classifiés aux groupe et niveau AS‑04 dans les bureaux régionaux de la Direction générale des ressources humaines d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) soient exclus de l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration (PA) représentée par l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC ou la « défenderesse ») en vertu des alinéas 59(1)g) et h) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). La défenderesse s’oppose aux demandes.

[2] Selon les demandes, les titulaires de ces postes AS‑04 fournissent des conseils et des orientations stratégiques aux comités de SST et à tous les niveaux de la direction à l’échelle régionale, y compris des conseils dans les domaines de la prévention des risques, de l’ergonomie, des incidents et des accidents de travail, du retour au travail après un congé pour accident de travail, des refus de travailler, des problèmes liés à la violence en milieu de travail et des plaintes. De plus, selon les demandes, les conseillers en SST ont un rôle à jouer dans la surveillance visant à assurer la conformité et dans l’appui de la direction concernant ses responsabilités en vertu de la partie II du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L‑2; CCT) et ses règlements.

[3] Les conseillers en SST font partie de la Direction de la gestion du milieu de travail de la Direction générale des ressources humaines d’EDSC, relèvent du même directeur et collaborent avec les Relations de travail et les conseillers en matière de prévention du harcèlement, qui ne sont pas représentés, à l’égard d’un certain nombre de dossiers. Les dossiers comprennent des plaintes de violence en milieu de travail, des refus de travailler, des griefs comportant des allégations de harcèlement ou de violence, ainsi que des griefs concernant la Directive sur la santé et la sécurité au travail du Conseil national mixte (CNM). Pour ces raisons, les conseillers en SST ont régulièrement accès à des renseignements confidentiels concernant les relations de travail.

[4] Les conseillers régionaux en SST ont un contact direct avec les directeurs, les directeurs généraux (DG) et les sous‑ministres adjoints (SMA) en ce qui a trait aux plaintes de violence en milieu de travail, aux refus de travailler et aux autres questions liées à la SST, tout en aidant à régler les problèmes. Cela concerne un accès aux rapports d’incidents, aux demandes d’indemnisation présentées à la Commission d’indemnisation des accidents du travail, aux rapports d’enquête sur les plaintes de violence en milieu de travail, aux rapports d’inspection et aux rapports et aux griefs des comités en milieu de travail qui se rapportent à la SST.

[5] Le demandeur a appuyé ses demandes en déclarant que les exclusions qu’il demande sont justifiées parce que la direction doit être en mesure de parler librement aux conseillers en SST sans doute qu’un conseiller donné représente uniquement ses intérêts. Si la direction n’a pas cette confiance, elle pourrait limiter sa consultation avec un conseiller en SST ou ne pas être réceptive à l’orientation du conseiller, au détriment des intérêts d’EDSC.

II. Résumé de la preuve

[6] Dans l’exercice de leurs fonctions régulières, les conseillers en SST traitent les plaintes déposées dans le cadre du processus de règlement interne des plaintes et les demandes d’indemnisation des employés relatives aux blessures invalidantes, y compris les demandes d’indemnisation présentées à la Commission d’indemnisation des accidents du travail; fournissent des conseils ayant trait aux refus de travailler; et gèrent les incidents et les plaintes de violence en milieu de travail, entre autres. Dans leurs conversations quotidiennes avec les clients, les conseillers en SST sont informés de renseignements confidentiels, protégés et de nature délicate, dont certains concernent les domaines nécessitant des améliorations du demandeur en ce qui a trait au respect du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86‑304; le « Règlement sur la SST »).

[7] Le conseiller en SST fournit des renseignements, des conseils et des recommandations aux comités consultatifs régionaux de SST, aux comités de santé et de sécurité au travail (CSST) et aux représentants en matière de santé et de sécurité. Ces comités sont bipartites et comprennent des membres du groupe PA. Les conseillers en SST offrent une formation et une orientation aux membres de ces comités. À titre de représentant du demandeur qui appuie la direction dans ses efforts d’appliquer le Règlement sur la SST de la manière prévue par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT), le conseiller en SST est souvent considéré comme le porte‑parole de la direction.

[8] Chaque jour, les conseillers en SST font la promotion, surveillent et fournissent des conseils et une orientation concernant le programme de SST du ministère au niveau régional. Les cinq postes qui relèvent de l’équipe des opérations des Ressources humaines du ministère appuient la direction dans l’exécution de ses responsabilités quotidiennes liées au programme de SST en formulant des recommandations et en fournissant une analyse des risques et des options à tous les niveaux de la direction. Pour ce faire, les conseillers en SST doivent interpréter le CCT et ses règlements, ainsi que la Directive sur la santé et la sécurité au travail du SCT et du CNM, ainsi que toutes les lignes directrices et les politiques d’EDSC, afin d’être en mesure de décrire les risques connexes (c.‑à‑d. les risques pour la santé, l’augmentation des coûts pour le ministère, les griefs, les plaintes, etc.).

[9] Le demandeur considère les conseillers en SST comme des experts dans leur domaine. EDSC assume les risques possibles suivants lorsqu’il ne suit pas les recommandations d’un conseiller en SST : une augmentation des maladies et des accidents liés au travail, une augmentation des coûts liés aux demandes d’indemnisation des accidents de travail, une augmentation du niveau de non‑conformité et des décisions défavorables rendues par le Programme du travail du Canada, par le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada ou par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »; ce titre abrégé est utilisé dans la présente décision pour faire référence à la Commission et à ses prédécesseurs).

[10] Les conseillers en SST et les consultants en relations de travail (RL), qui sont exclus, participent aux mêmes réunions de consultation auxquelles les cas et la jurisprudence en matière de RL et de SST sont discutés et ils donnent des mises à jour sur les relations patronales‑syndicales, y compris des mises à jour sur la négociation collective et les grèves possibles. Par exemple, dans le cas d’une plainte de violence en milieu de travail, le conseiller en SST examinera les allégations fournies par l’employé ou le syndicat, puis guidera la direction tout au long du processus de règlement.

[11] Il s’agit d’élaborer des stratégies avec la direction et de l’orienter dans le cadre de la procédure de recherche des faits afin de s’assurer que la question est réglée de manière efficace et au palier le plus bas possible. Si la plainte ne peut être réglée à l’interne, le mandat de l’enquête peut être attribué à une personne compétente. Le conseiller en SST offrira ensuite un soutien à la direction en ce qui a trait à l’identification d’une personne compétente et à la rédaction du contrat en vue d’embaucher cette personne aux fins de l’enquête.

[12] Le demandeur choisit la personne compétente, bien qu’en consultation avec le CSST ou le représentant en matière de santé et de sécurité, la plupart du temps. La sélection de la personne compétente est souvent une source importante de désaccord entre l’employé et la direction. Les parties concernées par les allégations doivent s’entendre sur l’impartialité de cette personne. Lorsque cette impartialité est remise en question, la direction demande des conseils du conseiller en SST pour déterminer si l’impartialité a été raisonnablement remise en question, et ils discutent des prochaines étapes.

[13] Même s’il n’y a aucun droit de représentation syndicale lorsqu’il s’agit du règlement des plaintes en matière de SST, comme celles concernant la violence en milieu de travail, selon le demandeur, dans la plupart des cas, l’employé demandera le soutien et les conseils de son syndicat. En tant que membres de l’unité de négociation, les conseillers en SST sont mis dans une situation délicate vis‑à‑vis les employés concernés par une plainte (comme les plaignants, les défendeurs et les témoins) et le représentant syndical qui les représentent. Ils sont parfois membres de la même unité de négociation que le conseiller en SST.

[14] La procédure de règlement des plaintes de violence en milieu de travail exige souvent que les conseillers en SST collaborent étroitement avec les consultants en relations de travail, car il est courant chez EDSC que le plaignant dépose simultanément un grief et une plainte de harcèlement portant sur la même question. Cette collaboration est importante, car le consultant en RL guidera la direction tout au long de la procédure de règlement de la plainte, tandis que le conseiller en SST la guidera tout au long de la procédure de règlement de la plainte de violence en milieu de travail simultanément.

[15] La collaboration entre les consultants en RL et les conseillers en SST est également essentielle dans les cas de plaintes de violence en milieu de travail comportant une allégation de harcèlement. Dans ces circonstances, ils collaborent pour fournir une réponse opportune et exacte qui respecte le CCT, le Règlement sur la SST, le Code de valeurs et d’éthique du secteur public et la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement du SCT. La plupart du temps, la direction communiquera le rapport final, qui a été rédigé par la personne compétence à la suite de l’enquête, au conseiller en SST. Le conseiller en SST conseillera et guidera ensuite la direction sur la mise en œuvre des mesures correctives et préventives énoncées dans le rapport, afin d’empêcher que des incidents de violence en milieu de travail ne se reproduisent.

[16] La même collaboration entre les consultants en RL et les conseillers en SST s’applique aux refus de travailler puisqu’ils découlent souvent d’une demande de mesures d’adaptation ou d’une évaluation des limitations fonctionnelles. Même si les consultants en RL appuient la direction dans l’évaluation des limitations fonctionnelles et de son obligation de prendre des mesures d’adaptation, les conseillers en SST fournissent des conseils à la direction en ce qui concerne le processus de refus de travailler décrit dans le CCT.

[17] Dans la plupart des cas, les aspects des RL et de la SST d’un cas sont indissociables, selon le demandeur. Par conséquent, le conseiller en SST et le consultant en RL collaboreront pour analyser les renseignements en main et pour formuler des recommandations à l’intention de la direction sous forme d’options disponibles pour répondre à la demande d’un employé et pour régler les situations de refus de travailler en tenant compte des analyses des risques fournies par les deux disciplines.

[18] Dans le même ordre d’idées, les conseillers en SST collaborent avec les consultants en RL qui traitent les cas de retour au travail à la suite de l’absence d’un employé en raison d’un accident de travail. Les conseillers en SST travaillent également en étroite collaboration avec les consultants en RL dans les cas de retour au travail concernant l’obligation de prendre des mesures d’adaptation lorsque des limitations fonctionnelles découlent d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle. Dans ces cas, le consultant en RL et le conseiller en SST ont tous les deux accès aux mêmes renseignements afin de formuler des conseils intégrés afin de régler une affaire, y compris le partage d’un système de suivi ou d’un lecteur commun avec les consultants en RL.

[19] Contrairement à ce que le demandeur décrit comme la fonction des conseillers en SST, la défenderesse décrit le travail comme étant limité. Les conseillers en SST font des recherches et analysent les plaintes, les griefs, la jurisprudence, les données sur les blessures, les cas d’indemnité d’accident du travail, les enquêtes sur les accidents, les enquêtes sommaires, les demandes d’accès à l’information et les demandes de renseignements des clients.

[20] Dans un cas de refus de travailler, le conseiller en SST interprète l’art. 129 du CCT pour les parties. Le conseiller donne ensuite des conseils aux parties quant à savoir si, à son avis, un danger existait. Si la direction, l’employé ou le CSST ne souscrit pas à l’interprétation du conseiller, un agent de santé et sécurité (ASS) externe qui travaille à titre indépendant et à titre de réglementation externe est alors appelé, comme pour tout employeur sous réglementation fédérale assujetti à la partie II (« Santé et sécurité au travail ») du CCT. Les ASS, et non les conseillers en SST, enquêtent sur les refus de travailler en vertu de l’art. 129. De même, les ASS donnent des directives concernant les violations de la partie II du CCT à l’intention des employeurs et des employés en vertu de l’art. 145. Les ASS relèvent du ministre fédéral du Travail et non du demandeur ou de l’AFPC.

[21] Dans une plainte de violence en milieu de travail, qui est réglementée par l’art. 20 de la partie XX (« Prévention de la violence dans le lieu de travail ») du Règlement sur la SST (la partie XX est maintenant abrogée, voir le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail, DORS/2020‑130). Le conseiller en SST conseille le demandeur quant à l’impartialité d’une « personne compétente » au sens du par. 20.9(1) de la partie XX du Règlement sur la SST. Le demandeur doit nommer une personne compétente pour enquêter sur un incident de violence en milieu de travail. Le Règlement sur la SST énonce que cette personne doit être « […] impartiale et est considérée comme telle par les parties […] ».

[22] Le rapport de la personne compétente est communiqué au conseiller en SST et le conseiller donne ensuite des conseils et des orientations à la direction concernant la mise en œuvre des mesures correctives et préventives énoncées dans le rapport.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le demandeur

[23] Un poste est exclu, et non le titulaire à la suite de la modification législative en 1992. Auparavant, le titulaire était exclu. Les exclusions sont déterminées selon les fonctions et les responsabilités d’un poste. Cette distinction est importante parce que les exclusions ne sont pas déterminées en fonction des apprentissages philosophiques personnels ou de l’intégrité, réelle ou perçue, du titulaire. Seules les fonctions et les responsabilités des postes sont pertinentes.

[24] Les exclusions sont déterminées selon les fonctions et les responsabilités du poste. Certaines dispositions du par. 59(1) ayant trait aux exclusions de postes de direction exigent un seuil d’exclusion (voir particulièrement les al. 59(1)d) et e)). Selon la jurisprudence, seuls les postes visés par une politique de haut niveau d’application générale sont exclus en fonction des critères énoncés à l’al. 59(1)d). De même, les véritables postes de direction ayant un pouvoir sur les fonctionnaires qui ne sont pas des postes de supervision ordinaires sont exclus en vertu des critères de l’al. 59(1)e).

[25] Les exclusions confidentielles en litige dans le présent cas ne concernent ni un seuil ni un degré. Selon les règles d’interprétation législative, lorsque le législateur a prévu expressément un seuil ou un degré dans un alinéa, mais non dans un autre, il n’est pas loisible à la Commission d’en interpréter un. Cela découle de la jurisprudence relative aux griefs. Même si le titulaire n’a jamais été demandé d’entendre un grief réel, le titulaire est quand même exclu. Un parallèle devrait être établi à l’égard des paliers de grief (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 172‑2‑831 (19950426), [1995] C.R.T.F.P.C. no 41 (QL) aux pages 8 à 10; Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada) c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 172‑2‑1115 (19980721), [1998] C.R.T.F.P.C. no 61, aux paragraphes 14, 16 et 18).

[26] Il incombe au demandeur d’établir qu’un poste est visé à l’al. 59(1)g) de la Loi (voir le par. 62(3)). Cette disposition omnibus ou résiduelle comporte deux parties concernant l’exclusion de postes de l’unité de négociation en raison d’un conflit d’intérêts ou en raison des fonctions et des responsabilités envers le demandeur.

[27] Historiquement, les demandes présentées en vertu de l’al. 59(1)g) ont été utilisées lorsqu’un poste ne répondait pas aux autres critères énoncés. Dans un cas de 1980, soit Bureau du Vérificateur général du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 172‑14‑297 (19800319), [1980] C.R.T.F.P.C. no 2 (QL) (« Lalonde »), aux paragraphes 15, 16 et 20, lorsqu’elle a abordé les propositions en vertu de l’al. 59(1)g), qui comprenait alors uniquement le deuxième critère « […] en raison de ses fonctions et de ses responsabilités envers l’employeur », la Commission a élaboré les deux critères connexes suivants :

[…] si la personne […] fait partie de l’« équipe de gestion » […]

[…] s’il y a danger d’incompatibilité entre les responsabilités envers l’employeur et les intérêts de membre de l’unité de négociation […]

[28] Le libellé exprès, « pour des raisons de conflits d’intérêts » à l’al. 59(1)g) a été ajouté dans les modifications apportées en 1992. Même si l’appartenance à l’équipe de gestion a été jugée entraîner nécessairement une probabilité de conflit d’intérêts, « […] bien que l’on puisse dire que toute participation à l’équipe de gestion entraîne la possibilité de conflit d’intérêts, l’inverse n’est pas nécessairement vrai » (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 174‑2‑250 (19770214), [1977] C.R.T.F.P.C. no 3 (QL), au par. 17 (à la page 12 de la version anglaise de la décision initiale)).

[29] De même, des conditions autres qu’un « conflit d’intérêts » exprès peuvent donner lieu à une proposition d’exclusion « […] en raison des fonctions et responsabilités envers l’employeur […] »; p. ex. le caractère délicat du travail. Il est difficile d’énumérer expressément toutes les circonstances dans lesquelles un poste peut être considéré comme incompatible avec l’appartenance à une unité de négociation. L’alinéa 59(1)g) avait pour objet de conférer à la Commission le pouvoir discrétionnaire d’évaluer les cas individuels.

[30] Même si le fait de faire partie d’une équipe de gestion entraînera un conflit d’intérêts, la Commission a conclu que l’existence d’un tel conflit dans les cas où des personnes ne font pas partie de l’équipe de gestion (voir Bureau du vérificateur général du Canada; Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 174‑2‑378 (19820831), [1982] C.R.T.F.P.C. no 148 (QL); Institut professionnel de la Fonction publique du Canada c. Office national du film du Canada, dossier de la CRTFP 172‑8‑501 (19900406), [1990] C.R.T.F.P.C. no 78 (QL); Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 85; Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2012 CRTFP 46 (la « décision SCC de 2012 »)).

[31] La Commission a conclu dans la décision SCC de 2012 que l’al. 59(1)g) est une « disposition générique » (au paragraphe 69), tandis que le terme « conflit d’intérêts » est « quelque peu ambigu » (au paragraphe 68) et que l’expression « fonctions auprès de l’employeur » est « encore moins limitati[ve] » (au paragraphe 70). La Commission a fait une mise en garde contre de ne pas entraver son pouvoir discrétionnaire en « […] tentant de fournir une définition plus restrictive […] » (au paragraphe 70).

[32] Cette dernière expression englobe les situations dans lesquelles l’appartenance à l’unité de négociation « […] peut compromettre l’efficacité de cet employé dans l’exercice de fonctions essentielles pour le demandeur » (au paragraphe 72). Malgré qu’il ne comporte pas les caractéristiques traditionnelles de l’exclusion, le poste en litige dans cette affaire aurait eu un conflit d’intérêts entre ses fonctions et ses « […] obligations […] envers les autres membres de l’unité de négociation » (au paragraphe 79). Le concept des « obligations […] envers les autres membres de l’unité de négociation » s’applique directement dans le présent cas, étant donné que les titulaires fournissent des conseils sur les questions touchant les autres membres de l’unité de négociation.

[33] Dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2016 CRTEFP 84, la Commission a formulé des commentaires sur le conflit de loyauté auquel les titulaires dans ce cas seraient confrontés dans des situations ou des moyens de pression sont exercés. Le cas portait sur une demande d’exclusion de nombreux postes au Centre national des opérations frontalières de l’Agence des services frontaliers du Canada. La Commission a fait remarquer que le peu de travail qui entraînerait un conflit de loyauté ne permettait pas de trancher la question (aux paragraphes 62, 63 et 67). Le concept de « conflit de loyauté », tel qu’il est utilisé dans ce cas, s’applique directement dans le présent cas.

[34] Dans Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2016 CRTEFP 80, les postes en litige étaient ceux d’enquêteurs spéciaux qui traitaient, en partie, d’allégations d’inconduite des employés. La Commission a conclu que les titulaires ne faisaient pas partie de l’équipe de gestion; ils n’étaient pas non plus les décideurs en matière d’imposition de mesures disciplinaires. Toutefois, la Commission a conclu que leur rôle d’enquête et de recherche des faits à l’égard des employés de la même unité de négociation pouvait mener à un conflit d’intérêts (au paragraphe 100). La Commission a exprimé son mécontentement au sujet du retard de l’employeur à désigner ces postes à exclure, mais il a souligné que ce retard n’avait aucune incidence sur son analyse en vertu de l’art. 59 de la Loi (aux paragraphes 103 et 104).

[35] Le poste d’avocat principal en litige dans Conseil du Trésor (ministère de la Justice) c. Association des Juristes de Justice, 2020 CRTESPF 59, (le « cas concernant le poste d’avocat principal »), fournissait des conseils sur des questions concernant l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AIPRP) à d’autres collègues au ministère de la Justice sur des questions touchant les relations de travail. Le fait que les questions touchaient les relations de travail a fait en sorte que le titulaire était en situation de conflit d’intérêts. Le poste a été exclu.

[36] Dans la décision SCC de 2012, la Commission a examiné attentivement l’al. 59(1)g) de la Loi. Dans cette décision, au paragraphe 69, la Commission a déclaré que cet alinéa est une disposition générique qui est « […] destinée à englober les situations pour lesquelles exclure un employé peut être justifié par un motif, parmi un large éventail, qui ne figure pas dans les descriptions plus précises des autres alinéas ». La disposition est « […] conçue pour servir de clause passe‑partout conférant à la [Commission] un champ d’application étendu pour considérer l’exclusion de postes peu communs et qui ne peuvent être prévus […] » (au paragraphe 70). Le but est « […] de permettre à la [Commission] de prendre en compte des situations qui ne correspondent à aucune des justifications habituelles pour exclure un poste d’une unité de négociation » (au paragraphe 76).

[37] Dans la structure globale de la partie II du CCT, il est implicite de reconnaître un ensemble d’intérêts différent en ce qui concerne la détermination, l’enquête et le règlement des questions en matière de santé et de sécurité. Les employeurs, les employés et les agents négociateurs sont liés dans un environnement souvent conflictuel. Le CCT énonce d’importants freins et contrepoids en fonction desquels les employeurs et les agents négociateurs bénéficient d’un pied d’égalité lorsqu’ils règlent des préoccupations en matière de santé et sécurité.

[38] Selon le nombre d’employés d’un organisme, le CCT énonce l’exigence obligatoire pour les représentants en santé et en sécurité, les comités en milieu de travail et les comités d’orientation. Les comités doivent nommer deux présidents, l’un choisi parmi les membres de l’employeur et l’autre parmi les membres du syndicat. Les comités doivent avoir une représentation égale.

[39] En plus d’encourager le règlement au palier le plus bas possible, le CCT reconnaît que les intérêts de l’employeur et ceux des employés et de leurs agents négociateurs ne sont pas toujours les mêmes. L’article 127.1 prévoit un processus de règlement interne des plaintes qui concerne la structure du comité. En fin de compte, si une impasse survient entre les membres de l’employeur et les membres de l’unité de négociation, l’affaire fait l’objet d’une enquête et une instruction est donnée à l’employeur si une violation du CCT et de ses règlements est constatée (voir le par. 145(1) du CCT).

[40] Un scénario semblable figure dans les dispositions portant sur le refus de travailler des art. 128 et 129. Le CCT ordonne aux parties de tenter de trouver une solution au palier le plus bas possible. Toutefois, si une solution n’est pas trouvée, le délégué d’un ministre doit enquêter et décider s’il existe un « danger » (qui donne lieu à un droit continu de refuser de travailler et à une instruction à l’employeur); dans la négative, l’employé en cause doit retourner au travail. Il s’agit d’un point banal, mais dans les milieux de travail de ses membres, l’AFPC joue un rôle actif tout au long du processus, du palier le plus bas jusqu’aux audiences devant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI; anciennement, le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada).

[41] La Loi ne prévoit aucune définition de l’expression « conflit d’intérêts ». Toutefois, il s’agit d’un concept bien établi dans la jurisprudence de la Commission. Dans Atkins c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 166‑02‑889 (19740321) et citée dans Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62, la Commission a fait remarquer la définition de conflit d’intérêts formulée par le professeur américain doyen Manning comme suit à la page 29 :

Un intérêt particulier d’un individu peut entrer en conflit à certains moments avec n’importe lequel de ses autres intérêts. Le présent livre toutefois ne s’attachera qu’à deux intérêts uniquement : le premier est l’intérêt du représentant du gouvernement (et de la population) dans le bon exercice de ses fonctions; le second est l’intérêt de ce même représentant dans ses affaires financières privées. Un conflit d’intérêts existe toutes les fois que ces deux intérêts s’opposent ou semblent s’opposer.

Un conflit d’intérêts ne présuppose pas nécessairement qu’une mesure prise par le représentant et favorisant l’un de ces intérêts sera préjudiciable à l’autre, ni que le représentant résoudra en fait le conflit à son avantage personnel plutôt qu’à celui du gouvernement. Si [une personne] est dans une situation où il y a conflit d’intérêts, [elle] sera soumis[e] à la tentation de quelque manière qu’[elle] résolve la situation. Les règlements sur les conflits d’intérêts tentent de prévenir des situations où pourraient surgir des tentations …. J’ai souligné les mots « ou semblent s’opposer » parce qu’ils constituent le fond même du problème. Il n’est pas suffisant pour le fonctionnaire ou ses associés d’être convaincus de leur innocence et de leur intégrité. Il n’est pas nécessaire non plus de prouver qu’ils ont été déloyaux envers leur employeur. Même en l’absence de preuve d’écart de conduite délibéré, un conflit d’intérêts ou l’apparence d’un tel conflit peut facilement être reconnu par un citoyen censé comme étant contraire à la politique publique.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[42] De même, dans Assh c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 358, aux paragraphes 74 à 76, la Cour d’appel fédérale a souligné ce qui suit. L’application du critère de la « perception de conflit » à des faits particuliers est une question mixte de fait et de droit. Il s’agit d’une évaluation factuelle, qui peut être effectuée uniquement en fonction de jugements et de conclusions pratiques, plutôt que sur des éléments de preuve directs. Le critère d’un conflit d’intérêts consiste à savoir si une personne raisonnable estimerait qu’il existe une possibilité réaliste que l’inclusion du conseiller en SST à l’unité de négociation puisse influer sur l’exécution des fonctions du conseiller.

[43] Dans le contexte de la SST, l’AFPC joue un rôle clé en tant qu’intervenant dans la défense des intérêts de ses membres. Les membres de l’unité de négociation ont parfaitement le droit de participer au travail important de l’AFPC, y compris dans la défense du domaine de la SST. La Commission a reconnu les conflits d’intérêts fondés sur « […] les obligations […] envers les autres membres de l’unité de négociation » (voir la décision SCC de 2012, au paragraphe 79).

[44] Dans ce contexte, un membre de l’unité de négociation est divisé entre le rôle de conseillers en relations de travail et en gestion par rapport à la position de l’agent négociateur du membre. Il ne faut pas oublier qu’en tant que membres de l’unité de négociation, les titulaires ont le droit d’occuper une charge au sein du syndicat et de participer à ses activités continues visant à promouvoir à la fois son programme et celui de ses membres. La SST représente un intérêt important pour l’AFPC. Le conflit d’intérêts entre le rôle de l’AFPC et celui des conseillers en gestion sur ces questions est clair et évident. La participation de l’AFPC aux appels en matière de SST comprend un appel contre une décision selon laquelle il n’existe aucun danger en vertu du par. 129(7) du CCT ou contre une instruction donnée en vertu de l’art. 145.

[45] En ce qui concerne l’alinéa 59(1)h) de la Loi, le demandeur soutient que les fonctions et les responsabilités doivent être liées aux questions en matière de relations de travail. Les décisions de la Commission dans le cas AJJ et le cas concernant le poste d’avocat principal ne sont pas cohérentes dans leur approche concernant l’expression « relations de travail ». Il faut privilégier l’approche adoptée dans le cas concernant le poste d’avocat principal, car elle est plus large et est conforme au titre de la Loi et aux décisions d’autres commissions provinciales des relations de travail. Selon l’approche adoptée dans ce cas, l’expression « relations de travail » comprendrait la santé et la sécurité au travail. En outre, l’expression « en matière de » indique l’intention du législateur que les « fonctions et responsabilités » en question ne doivent pas se limiter aux choses qui constituent des questions en matière de relations de travail, elles doivent simplement s’y rapporter ou y avoir un lien. Dans le cas AJJ, la Commission n’a pas effectué cette analyse et n’a analysé que la question de savoir si les fonctions et les responsabilités constituent des questions de relations de travail. Même si la Commission conclut que la santé et la sécurité au travail ne relèvent pas directement de l’expression « relations de travail », le demandeur soutient que les questions de santé et de sécurité au travail sont « en matière de » relations de travail.

[46] Afin que l’alinéa 59(1)h) de la Loi s’applique, les fonctions et les responsabilités doivent également être confidentielles. Les conseillers en SST sont des experts et fournissent des conseils à tous les niveaux de la gestion, souvent dans un contexte conflictuel. Par conséquent, le demandeur soutient que les conseillers en SST ont des fonctions confidentielles à l’égard des postes énumérés particulièrement à l’alinéa 59(1)b) (les postes classifiés au groupe de la direction), ainsi que des postes en relations de travail (conseillers en RL et en matière de harcèlement) visés à l’alinéa 59(1)c).

B. Pour la défenderesse

[47] Les principales activités des conseillers en SST précisent qu’ils fournissent des conseils, des orientations et des recommandations à la direction et aux CSST mixtes [traduction] « […] pour permettre un milieu de travail sain et sécuritaire ». Cela coïncide avec l’objectif global de la partie II du CCT. Cette partie a pour objet de prévenir les maladies et les accidents liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

[48] Le demandeur a soutenu que ces postes doivent être exclus parce que les employés qui les occupent conseillent la direction en ce qui concerne les refus de travailler, les plaintes de violence en milieu de travail et d’autres violations alléguées du CCT concernant les membres de l’AFPC. En fait, ils sont également chargés de fournir des conseils sur ces mêmes questions, entre autres, aux membres des CSST mixtes, qui comprennent des membres de l’AFPC.

[49] Dans Conseil du Trésor c. Association des juristes de justice, 2020 CRTESPF 3, aux paragraphes 57 et 60 (le « cas AJJ »), la Commission a conclu que les conseils en matière de SST et le type de fonctions décrites dans la description de travail des conseillers en SST n’étaient pas en fait des activités de relations de travail. Selon cette décision, l’art. 240 de la Loi prévoit l’application de la partie II du CCT (qui porte sur la SST) à la fonction publique. Tout comme en l’espèce, le demandeur dans ce cas soutient que les titulaires fournissent des conseils concernant l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité, les obligations connexes du demandeur et même le droit du demandeur d’aborder les questions de santé et de sécurité sans avoir à faire appel à un représentant de l’employé. Selon le cas AJJ, ces fonctions relèvent des fonctions exclusives en matière de santé et de sécurité du demandeur en vertu des art. 124 à 125.3 du CCT et non des relations de travail.

[50] Dans le cas AJJ, le demandeur a également invoqué des motifs d’exclusion en vertu de l’al. 59(1)h) de la Loi. La Commission a appliqué ses principes de longue date en ce qui concerne les objections en matière de relations de travail confidentielles tel qu’il a été initialement exprimé dans une décision antérieure de la CRTFP, à savoir, Canada (Conseil du Trésor) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 176‑2‑287 (19791009), [1979] C.R.T.F.P.C. no 9 (QL) (« Sisson »), comme suit :

[…]

a. Le simple fait qu’un employé a accès à des renseignements confidentiels ne signifie pas en soi qu’il est préposé à des fonctions confidentielles.

b. Pour qu’il y ait exclusion en raison de fonctions confidentielles, il doit exister entre l’employeur et l’employé « un rapport dont la nature diffère des rapports généraux habituels et qui comporte un certain degré de confiance ». Il doit également exister un élément de confiance personnelle qui permet de « penser tout haut » à certaines questions.

c. Dans de nombreux cas, la nature même des renseignements exige que ceux‑ci ne soient révélés à aucun des membres d’un groupe dont la plupart des employés font partie.

d. Les questions confidentielles auxquelles la personne a accès doivent avoir trait aux relations industrielles.

e. La divulgation des renseignements pourrait nuire à l’employeur.

f. L’accès à ce genre de renseignements doit entrer dans le cadre des fonctions importantes et habituelles de l’employé. Il ne suffit pas que l’accès soit occasionnel.

[Traduction]

g. L’exclusion visant le poste de confiance doit être interprétée de façon restrictive afin d’éviter des circonstances dans lesquelles l’employeur désigne un nombre disproportionné de personnes comme titulaires de postes de confiance et de s’assurer que le nombre maximal de personnes ait le droit et les libertés découlant de la négociation collective.

h. Le refus des droits de négociation collective aux personnes occupant un poste de confiance est fondé sur un motif ayant trait au conflit d’intérêts. L’employeur a l’obligation d’organiser ses affaires de façon que ses employés ne soient pas occasionnellement placés en conflits d’intérêts éventuels si ce résultat peut être facilement évité.

[…]

 

[51] La Commission a conclu que les employés dans le cas AJJ ne fournissaient pas des conseils en matière de relations de travail. L’AFPC fait valoir que l’application de ces principes au présent cas donnera lieu à la même conclusion.

[52] Les conseillers en SST font des recherches et analysent les plaintes, les griefs, la jurisprudence, les données sur les blessures, les cas d’indemnité d’accident du travail, les enquêtes sur les accidents, les enquêtes sommaires, les demandes d’accès à l’information et les demandes de renseignements des clients. Ils effectuent des analyses afin de fournir une interprétation de la réglementation de la SST à la direction et aux CSST mixtes.

[53] Dans un cas de refus de travailler, le conseiller en SST interprète l’art. 129 du CCT pour les parties. Le conseiller donne ensuite des conseils aux parties quant à savoir si, à son avis, un danger existe. Si la direction, l’employé ou le CSST ne souscrit pas à l’interprétation du conseiller, un ASS externe qui travaille à titre indépendant et à titre de réglementation externe est alors appelé, comme pour tout employeur sous réglementation fédérale assujetti à la partie II du CCT. Les ASS enquêtent sur les refus de travailler des employés en vertu de l’art. 129. Ils donnent des instructions pour les infractions à la partie II aux employeurs et aux employés en vertu de l’art. 145. Les fonctions et les responsabilités des ASS qui découlent de ces deux articles ne sont pas celles de l’employeur ou de l’AFPC, mais celles du ministre du Travail.

[54] Dans son argumentation, le demandeur met un accent important sur le rôle qu’un conseiller en SST pourrait jouer dans une plainte de violence en milieu de travail, qui est réglementée par l’art. 20 de la partie XX du Règlement sur la SST. Ce règlement est en vigueur depuis 2008. Évidemment, depuis lors, les employés qui travaillent à titre de conseillers en SST pour le ministère ont pu exercer leurs fonctions malgré leur statut de membres de l’AFPC.

[55] Il n’est pas remarquable qu’un conseiller en SST conseille le demandeur quant à l’impartialité d’une personne compétente, conformément au par. 20.9(1) de la partie XX du Règlement sur la SST. Le demandeur doit nommer une personne compétente pour enquêter sur un incident de violence en milieu de travail. Le Règlement sur la SST énonce que cette personne doit être « […] impartiale et est considérée comme telle par les parties […] ». Un conseiller en SST n’a pas le dernier mot quant à savoir qui la personne compétente serait. Les parties ont recours à une décision de l’ASS, comme dans un cas de refus de travailler.

[56] De même, il n’est pas remarquable de communiquer le rapport de la personne compétente au conseiller en SST. Le rapport est également transmis au CSST mixte, conformément à l’al. 20.9(5)b) du Règlement sur la SST. Le fait de conseiller et d’orienter la direction quant à la mise en œuvre des mesures correctives et préventives figurant dans le rapport ne donne pas lieu à un conflit d’intérêts. Le CSST mixte fait la même chose. Dans le cas AJJ, la Commission a déjà rejeté toute importance en matière de relations de travail par rapport au droit de l’employeur de régler les questions de santé et de sécurité sans être obligé de faire appel à un représentant de l’employé.

[57] Les griefs sont mentionnés deux fois dans la description de travail, aux pages 1 et 4. Aucun élément de preuve n’indique que le traitement des griefs en matière de SST constitue un élément important ou régulier des fonctions des conseillers en SST. Tout conseil ou toute recommandation qu’un conseiller donne ou formule est nécessairement fondé sur l’interprétation technique et objective du conseiller des lois et des règlements fédéraux, ainsi que des règles et des politiques du ministère en matière de santé et de sécurité. Aucun des représentants de la haute direction qui aurait reçu des conseils d’un conseiller en SST, notamment les DG ou les SMA, n’a témoigné. Aucun élément de preuve ne permet d’établir que les conseillers en SST ont le pouvoir de recommandation effective à l’égard d’une décision de la direction.

[58] Les conseillers en SST n’attribuent pas la responsabilité d’un incident de sécurité en milieu de travail ou d’un accident de travail, ils n’ont pas le pouvoir d’imposer une mesure disciplinaire et n’interprètent pas les conventions collectives. Ils ne répondent pas officiellement aux griefs à un palier particulier pour le demandeur. Le fait qu’ils relèvent du même directeur dont relèvent les conseillers en RH n’a aucune conséquence. Les employés représentés et non représentés relèvent du même directeur. Il ne s’agit pas d’un motif d’exclusion.

[59] Le partage d’un système de suivi ou d’un lecteur commun avec les conseillers en RH et en RL n’est qu’une commodité pour le demandeur qui empêche le dédoublement de systèmes. La recherche et l’analyse des griefs occasionnels en matière de SST n’exigent pas un accès en gros à tous les griefs et à toutes les plaintes dans la base de données internes des relations de travail du demandeur. Le demandeur contrôle l’accès à cette base de données et peut structurer et accorder cet accès comme il le juge indiquer.

[60] Le demandeur ne peut ignorer son obligation d’organiser ses affaires de façon à ce que les conseillers en SST ne soient pas occasionnellement placés en conflit d’intérêts éventuels. Cette situation peut facilement être évitée. Cette situation peut être facilement remédiée. De même, il ne peut pas ignorer son obligation de protéger les renseignements qu’il recueille contre la divulgation à ceux qui n’ont pas besoin d’y avoir accès. Les exclusions ne visent pas à remédier aux problèmes budgétaires ou organisationnels du demandeur.

[61] La Commission a conclu que les questions concernant les griefs ne sont pas automatiquement confidentielles. La plupart des fonctions du poste qui concernent les griefs sont liées à la saisie de données et à la mise à jour des systèmes et des dossiers. Ce ne sont pas tous les renseignements relatifs aux griefs, y compris les mesures disciplinaires, qui sont confidentiels (voir Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2017 CRTEFP 11, au par. 39). La Commission a également conclu à maintes reprises que l’exposition occasionnelle des employés à des renseignements confidentiels ayant trait aux griefs ne constitue pas un motif d’exclusion. Seules les personnes qui échangent des renseignements confidentiels ayant trait aux griefs devraient être désignées à titre de personnes « préposées à la gestion ou à des fonctions confidentielles ». Sinon, il serait impossible de s’assurer que le nombre maximal de personnes jouissent de la liberté et des droits de négociations collectives.

[62] En l’absence d’une preuve quant à la fréquence, le demandeur allègue que les conseillers en SST participent aux réunions visant à discuter des cas, de la jurisprudence et des mises à jour sur les relations syndicales‑patronales, y compris sur la négociation collective et les grèves possibles. Il ne s’agit pas de renseignements confidentiels sur les relations de travail. Le syndicat, l’effectif et, dans une large mesure, le grand public, en sont au courant. Les sites Web des commissions des relations de travail, les bases de données juridiques et les sites Web des parties, les babillards électroniques sur le lieu de travail, les intranets et les procès‑verbaux du Comité syndical‑patronal les contiennent.

[63] Les conseillers en SST dans le présent cas ne sont pas des conseillers en RH classifiés au groupe PE (Gestion du personnel). Leur compétence est en SST et non en RL, qui sont des disciplines distinctes.

[64] Par contre, le demandeur fait référence à trois cas de deux commissions provinciales des relations de travail qui, à son avis, étayent ses arguments. L’AFPC estime qu’ils peuvent tous être distingués. Dans Toronto District School Board v. Canadian Union of Public Employees Local 4400, 2008 CanLII 10519, l’adjointe administrative dont la description de travail était visée par l’examen a dit qu’elle offrait un soutien administratif confidentiel en matière de rémunération et d’avantages sociaux, du Système d’information sur les ressources humaines (SIRH), de santé et sécurité au travail et de services de paye et qu’elle relevait directement de deux gestionnaires exclus. Elle avait pleinement accès au courriel du gestionnaire de la SST et à un gestionnaire qui donnaient des directives au conseiller juridique de la Commission. Elle avait également accès à la correspondance et au calendrier du gestionnaire du SIRH.

[65] La défenderesse fait remarquer que le demandeur dans ce cas a fourni plusieurs niveaux d’accès à sa base de données du SIRH, selon l’autorisation sécuritaire. L’adjointe administrative était l’une des très rares membres du personnel de la direction qui avaient le plus haut niveau d’accès sans restriction à la base de données du SIRH. En fait, elle avait la capacité de modifier le niveau d’accès d’une personne. Elle était chargée du procès‑verbal des réunions de la haute direction et avait accès aux renseignements concernant le point de vue de la direction quant aux propositions de négociation.

[66] Les conseillers en SST dans le présent cas devant la Commission ne participent pas à la négociation collective. Ils n’ont pas un accès sans restriction aux comptes de courriel personnel des DG ou des SMA ni même à ceux de leurs superviseurs ou gestionnaires immédiats. Les renseignements sur la santé et la sécurité auxquels ils ont accès sont les mêmes qui sont à la disposition du syndicat par l’entremise des CSST mixtes.

[67] Dans Burnaby General Hospital v. Registered Nurses’ Association of British Columbia, [1978] 2 Can. L.R.B.R. 550, la Commission des relations de travail de la Colombie‑Britannique a reconnu que la fonction des relations de travail est distincte de la sécurité. Cette commission a jugé [traduction] « […] inutile de fonder [sa] décision sur un lien relatif à des relations de travail ténues ». L’employée visée était une infirmière en santé du personnel de l’hôpital en cause qui enquêtait sur les maladies professionnelles prolongées, évaluait et analysait l’absentéisme touchant le rendement des employés et évaluait l’aptitude au travail des employés. Elle enquêtait également sur les abus en matière de congés de maladie.

[68] La Commission a conclu que chaque demande présentée en vertu de l’al. 59(1)g) doit être tranchée en fonction de son bien‑fondé (voir Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction Publique du Canada, 2000 CRTESPF 46, au par. 31) :

[…] il faut trancher chaque affaire en fonction de ses propres circonstances en se reportant à la jurisprudence qui s’est établie. De plus, il y a lieu de se rappeler qu’il incombe à l’employeur d’organiser ses affaires de façon à ce que ses employés ne soient pas à l’occasion placés dans une situation de conflit d’intérêts.

 

[69] La Commission a appliqué l’al. 59(1)g) de façon étroite, rarement et dans les circonstances inhabituelles où l’inclusion d’un poste dans l’unité de négociation serait fondamentalement incompatible avec les fonctions et les responsabilités du poste et uniquement après avoir été convaincue que le poste n’était pas visé par les autres dispositions de l’art. 59.

[70] La SST n’est pas contradictoire, ou du moins elle ne devrait pas l’être, car elle est dans l’intérêt supérieur de tous dans le milieu de travail. Tout au long de son argumentation, le demandeur cherche à la décrire comme un régime contradictoire dans la fonction publique fédérale, opposant le plus grand employeur du pays aux membres de son plus grand agent négociateur. Dans son argumentation, les employeurs et les agents négociateurs sont présentés comme étant liés dans le milieu contradictoire que représente la partie II du CCT. Le prédécesseur du CCRI a rejeté cette description dans British Columbia Telephone Company (1979), CLRB Decision No. 221 (QL).

[71] Le CCRI a clairement indiqué que les relations industrielles, y compris l’application d’une convention collective, sont distinctes de l’application de la loi fédérale en matière de SST. En tant que preuve supplémentaire du conflit supposé entre les parties en matière de santé et de sécurité, le demandeur a présenté deux pages et demie d’appels interjetés contre les directives des ASS. Dans certains appels, l’employeur est l’appelant. Dans d’autres, c’est l’AFPC. En fait, les employeurs, les employés et les syndicats peuvent déposer des appels. Effectivement, l’employeur et le syndicat interjettent parfois tous les appels à l’encontre de la même directive de l’ASS, même si pour des raisons différentes.

[72] Les conseillers en SST, comme la plupart des employés du secteur public fédéral, ont accès à des renseignements confidentiels. La Commission a déclaré à maintes reprises que le serment que tous ces employés prêtent est suffisant pour protéger les renseignements confidentiels auxquels ils peuvent avoir accès dans l’exercice de leurs fonctions et qu’il ne doit pas servir de motif d’exclusion (voir Lalonde, au par. 19).

[73] L’AFPC soutient que le serment, le professionnalisme et l’obligation fiduciaire des conseillers en SST envers leur employeur sont plus que suffisants pour protéger les renseignements confidentiels dont ils doivent traiter. Le demandeur soutient que les conseillers en SST ont un [traduction] « contact direct » avec les DG et les SMA en ce qui a trait aux plaintes de violence en milieu de travail et aux refus de travailler. On demande à tout le monde de croire que, d’une façon ou d’une autre, il s’agit d’une preuve d’une relation extraordinaire et confidentielle. Ce n’est pas le cas. Les membres syndiqués des CSST mixtes ont un tel contact avec la haute direction, souvent par l’intermédiaire de leurs coprésidents de comité (un représentant le demandeur et un le syndicat) ou directement, étant donné que les membres de la haute direction siègent également souvent aux comités d’orientation nationaux en matière de santé et de sécurité au travail (COSST).

[74] La longue liste de fonctions et d’obligations figurant à l’art. 125.1 du CCT (intitulé, « Autres obligations spécifiques ») est instructive. Les ministères sont conscients de leur obligation de consulter, d’informer et de collaborer avec les CSST mixtes. De même, le demandeur soutient que l’accès des conseillers en SST aux rapports d’incidents, aux demandes de prestations d’accidents du travail, aux rapports d’enquête sur la violence, aux rapports d’inspection, aux rapports de comités du milieu de travail et aux griefs liés à la SST est privilégié. Encore une fois, ce n’est pas le cas. Ces renseignements sont communiqués aux syndicats et ces derniers en ont connaissance. En effet, les membres des CSST mixtes participent aux enquêtes, y compris sur les accidents, les décès et les maladies professionnelles. Ils formulent des recommandations pour empêcher les incidents répétés. Entre autres, ils accompagnent également les ASS dans le cadre d’enquêtes ou demandes de renseignements sur les lieux de travail (voir l’art. 141.1), représentent les employés pendant les refus de travailler (voir les par. 128(1) et (10)), participent aux enquêtes effectuées dans le cadre du processus de règlement interne des plaintes (voir l’al. 127.1(3)a)) et reçoivent tous les rapports ou directives des ASS qui sont pertinents au milieu de travail (voir le par. 141(6)).

[75] Enfin, les par. 134.1(5) et (6) et les par. 135(8) et (9) du CCT exigent que tous ces renseignements soient mis à la disposition des travailleurs et de leurs syndicats par l’intermédiaire des CSST mixtes.

[76] Depuis plus de 60 ans, les commissions des relations de travail et les tribunaux ont appliqué une interprétation étroite aux exclusions des postes de direction ou de confiance, de crainte que la grande partie des employés soient exclus de négociation collective (voir Sisson, aux paragraphes 42 à 51).

[77] L’AFPC soutient que la négociation collective doit être facilitée et améliorée pour le plus grand nombre possible de personnes. Les droits de négociation collective ne sont pas un privilège, une concession ou une faveur; ils constituent un droit fondamental qui ne sera retiré à aucun employé sans raisons très sérieuses (voir U.S.W.A. v. Cominco Ltd. (1980), CLRB Decision No. 240 (QL)). La Commission a également reconnu la nécessité d’interpréter de manière étroite les exclusions de l’unité de négociation comme suit : « Il nous faut aussi veiller à ce que le plus grand nombre de personnes […] jouissent […] des droits rattachés à la négociation collective » (voir Sisson, au par. 73).

[78] L’argument du demandeur repose sur le principe selon lequel la SST en milieu de travail n’est qu’un sous‑ensemble contradictoire de relations de travail entre les parties en conflit permanent. Le CCRI, l’arbitre de la loi fédérale sur la SST, a rejeté cet argument. Le CCRI a déterminé que la SST en milieu de travail est distincte des relations de travail.

[79] Ces employés sont des conseillers en SST et non des conseillers en RH. Ils ne sont pas des praticiens des relations de travail au sein d’une commission des relations de travail. Ils ne sont pas les représentants du demandeur qui ont le pouvoir d’imposer une mesure disciplinaire à leurs collègues. Ils n’interprètent pas les conventions collectives. Le pouvoir de répondre officiellement aux griefs au nom du demandeur ne leur a pas été délégué. En fait, ce sont les experts techniques dans le domaine de la SST qui conseillent les gestionnaires et les CSST mixtes sur l’application des lois, des règlements, des politiques et des programmes fédéraux en matière de santé et sécurité au travail, dont tous visent à assurer des lieux de travail exempts d’accidents et de préjudices.

[80] Le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve. Il n’existe aucune incompatibilité fondamentale entre les fonctions des conseillers en SST et leur inclusion dans l’unité de négociation. La Commission ne dispose tout simplement pas de preuve convaincante qui justifierait de refuser leurs droits de négociation collective, qui sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés (partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, adoptée en tant qu’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.‑U.); la « Charte »). 

[81] Par conséquent, la défenderesse demande que la Commission rejette les demandes.

IV. Motifs

[82] Les parties ont présenté de nombreux exemples historiques d’un poste exclu de l’unité de négociation, que je n’estime pas instructifs, surtout à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada reconnaissant que le droit des employés de véritablement s’associer en vue de réaliser des objectifs collectifs relatifs aux conditions de travail est protégé par la Charte (voir Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1). Chaque cas doit être tranché en fonction de ses propres faits de façon à empiéter de la manière la moins intrusive sur les droits découlant de la Charte de chaque employé du groupe désigné. Ces cas orientent uniquement l’application de l’article 59 de la Loi.

[83] Selon la Loi, j’ai le pouvoir discrétionnaire d’exclure un poste de l’unité de négociation, sur demande du demandeur, dans certaines circonstances, comme suit :

[…]

59 (1) Après notification d’une demande d’accréditation faite en conformité avec la présente partie ou la section 1 de la partie 2.1, l’employeur peut présenter une demande à la Commission pour qu’elle déclare, par ordonnance, que l’un ou l’autre des postes visés par la demande d’accréditation est un poste de direction ou de confiance pour le motif qu’il correspond à l’un des postes suivants :

a) poste de confiance occupé auprès du gouverneur général, d’un ministre fédéral, d’un juge de la Cour suprême du Canada, de la Cour d’appel fédérale, de la Cour fédérale ou de la Cour canadienne de l’impôt, ou d’un administrateur général;

b) poste classé par l’employeur dans le groupe de la direction, quelle qu’en soit la dénomination;

c) poste dont le titulaire dispense des avis sur les relations de travail, la dotation en personnel ou la classification;

d) poste dont le titulaire a des attributions l’amenant à participer, dans une proportion notable, à l’élaboration d’orientations ou de programmes du gouvernement du Canada;

e) poste dont le titulaire exerce, dans une proportion notable, des attributions de gestion à l’égard de fonctionnaires ou des attributions l’amenant à s’occuper officiellement, pour le compte de l’employeur, de griefs présentés selon la procédure établie en application de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1;

f) poste dont le titulaire participe directement aux négociations collectives pour le compte de l’employeur;

g) poste dont le titulaire, bien que ses attributions ne soient pas mentionnées au présent paragraphe, ne doit pas faire partie d’une unité de négociation pour des raisons de conflits d’intérêts ou en raison de ses fonctions auprès de l’employeur;

h) poste de confiance occupé, en matière de relations de travail, auprès des titulaires des postes visés aux alinéas b), c), d) et f). […]

 

[84] Le demandeur demande l’exclusion des conseillers en SST en vertu des al. 59(1)g) et h).

[85] Lorsque j’exerce ce pouvoir discrétionnaire dans les affaires protégées par la Charte, en tant que décideur, je dois tenir compte des objectifs que vise la Loi. Je dois me demander comment protéger au mieux les valeurs en jeu consacrées par la Charte compte tenu des objectifs visés par la loi et mettre en balance la gravité de l’atteinte à la valeur protégée par la Charte et les objectifs que vise la loi (voir Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12; Certain Employees of Brandt Tractor Ltd. v. International Union of Operating Engineers, Local No. 115, 2012 CanLII 53287).

[86] Le préambule de la Loi prévoit le respect mutuel et l’harmonisation des relations patronales‑syndicales entre l’employeur et les agents négociateurs. Il prévoit également que les intérêts des employés en matière de négociation collective sont protégés. En ce qui concerne les demandes présentées en vertu des alinéas 59(1)d) à h), le par. 62(3) de la Loi prévoit qu’il incombe à l’employeur d’établir que le poste devrait être exclu. Par conséquent, je crois que la présomption dans ces types de demandes est qu’un poste dont la classification est représentée par un agent négociateur doit être inclus dans la définition de l’unité de négociation, sauf si le demandeur, à l’aide d’une preuve claire et convaincante et selon la prépondérance des probabilités, convainc la Commission que le poste est un poste de direction ou de confiance. Cela nécessite une analyse en fonction de chaque cas de la relation de travail et des fonctions de chaque poste visé par la demande d’exemption.

[87] En tant qu’élément important de toute demande présentée en vertu de l’al. 59(1)h), en ce qui concerne les relations de travail, le titulaire du poste doit avoir des fonctions et des responsabilités qui sont confidentielles pour le titulaire d’un poste classifié au groupe de direction, fournir des conseils sur les relations de travail, avoir des fonctions importantes concernant l’élaboration et la détermination des politiques du gouvernement, ou participer directement au processus de négociation collective au nom du demandeur.

[88] Le critère suivant, appliqué par la Commission (voir Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 175‑2‑465 (19861210), [1986] C.R.T.F.P.C. no 341 (QL), au par. 6) pour déterminer si un poste devrait être exclu, est intitulé le critère de Canada Safeway :

  • Les questions confidentielles auxquelles la personne a accès doivent avoir trait aux relations industrielles.
  • La divulgation des renseignements pourrait nuire à l’employeur.
  • L’accès à ce genre de renseignements doit entrer dans le cadre des fonctions importantes et habituelles de l’employé. Il ne suffit pas que l’accès soit occasionnel.

[89] Je ne peux répondre à chaque point que par la négative, pour les motifs suivants.

[90] L’exclusion d’un employé d’une unité de négociation vise à préserver les intérêts opérationnels légitimes du demandeur. La participation aux questions de relations de travail est l’une des caractéristiques typiques de l’exclusion (voir Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2012 CRTFP 46, au par. 77). Selon les arguments du demandeur, tous les griefs, y compris les griefs en matière de SST, seraient visés par la définition de « relations de travail » prévue dans la décision récente rendue dans Régie de l’énergie du Canada c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2020 CRTESPF 120. Je fais remarquer que la conclusion de cette décision était que « En général, les griefs relevaient des relations de travail » (au par. 114) et que ni les fonctions en matière de santé et de sécurité au travail ni les griefs connexes n’étaient en litige.

[91] En fin de compte, selon les éléments de preuve dans ce cas, la Commission a déterminé que les postes de directeur en litige ne jouaient aucun rôle dans les griefs autres que le fait d’être autorisé à en accepter un et à le transmettre au responsable délégué de palier de grief et a rejeté l’exclusion proposée en vertu de l’al. 59(1)c) de la Loi. Je ne souscris pas à la déclaration du demandeur parce qu’elle ne tient pas compte des fonctions et des responsabilités particulières des conseillers en SST en ce qui concerne les griefs et ne tient pas compte des différentes structures quasi judiciaires établies pour surveiller les questions de SST par rapport aux relations de travail et même les questions de dotation, par exemple, telles qu’elles sont énumérées de manière distincte des relations de travail à l’alinéa 59(1)c). Il existe une distinction ou le législateur n’aurait pas créé et conservé cette distinction et l’accent particulier mis sur les fonctions et les responsabilités confidentielles par rapport aux questions de relations de travail prévues à l’alinéa 59(1)h) de la Loi. En fin de compte, selon les éléments de preuve dans le présent cas, comme dans Régie de l’énergie du Canada, le rôle du conseiller en SST en ce qui a trait aux griefs ne constitue pas une partie importante ou régulière de ses fonctions. Je n’ai pas été convaincue non plus que ces fonctions et responsabilités ont trait aux relations de travail ou ont un lien à celles‑ci.

[92] Le demandeur a soutenu que la Commission devrait adopter une interprétation large de ce qui englobe les relations de travail et de ce qui définit un grief. Je conviens qu’au fil du temps, le monde des relations de travail a changé. Toutefois, dans la fonction publique, il n’a pas changé au point de me permettre d’écarter la structure selon laquelle la Commission a été établie ou les décisions très claires de son collègue, le CCRI. Dans British Columbia Telephone Company, le prédécesseur du CCRI a déclaré que les relations de travail et les questions de SST sont distinctes. Je souscris à cet énoncé, surtout compte tenu de la structure des relations de travail dans la fonction publique, au sein de laquelle la Commission a une compétence limitée sur toute question touchant le CCT.

[93] Une attention importante a été portée sur l’accès aux renseignements sur les relations de travail accordé aux conseillers en SST. La grande partie des renseignements auxquels ils peuvent avoir accès sont à la disposition du public ou facilement accessibles s’ils sont demandés et ne sont pas liés à la négociation collective ou à d’autres questions de nature délicate en matière de relations de travail. Les articles auxquels ils peuvent avoir accès sont protégés par le système de classification de sécurité du demandeur. Toute exposition au‑delà du dépôt et de l’extraction est accessoire. Aucun élément de preuve n’indique que les conseillers en SST ont été tenus de participer de manière importante à l’élaboration des politiques ou des propositions de négociation collective du demandeur. Il n’a pas été démontré que l’inclusion du poste de conseiller en SST dans l’unité de négociation a empêché le demandeur de réaliser ses intérêts opérationnels légitimes. En examinant les facteurs énumérés dans Canada Safeway et Sisson, je conclus que les postes de conseillers en SST ne sont pas visés par l’exclusion prévue à l’alinéa 59(1)h) de la Loi.

[94] L’accès à des renseignements confidentiels ne suffit pas en soi à justifier l’exclusion d’un poste de l’unité de négociation, car cet accès est contrôlé en partie par le niveau de l’autorisation sécuritaire requis par le poste. Un système de dépôt électronique partagé peut permettre aux conseillers en SST d’avoir accès aux renseignements auxquels ils ne peuvent avoir accès par ailleurs. Toutefois, cet accès ne garantit pas que le titulaire soit empêché d’être membre de l’unité de négociation, à moins que la situation ne soit visée par les catégories énoncées à l’al. 59(1)h) de la Loi. Le simple fait d’avoir accès à des documents qui peuvent être liés de manière accessoire aux relations de travail et de les déposer ne suffit pas à répondre aux catégories d’exclusion.

[95] Si je dois empiéter sur le droit d’un employé de véritablement s’associer en vue de réaliser des objectifs collectifs relatifs aux conditions de travail en vertu de l’al. 59(1)h) de la Loi, je dois être convaincue et il doit y avoir des éléments de preuve convaincants à l’appui. Comme je l’ai expliqué, je ne l’ai pas dans le présent cas. L’accès périphérique ou accessoire au processus relatif aux RL et le fait de donner des commentaires à l’égard de ce dernier ne suffit pas pour s’acquitter du fardeau de la preuve. L’accès à des renseignements confidentiels qui sont couverts par le serment d’office d’un fonctionnaire et le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique ne suffisent pas non plus à justifier l’ordonnance d’exclusion fondée sur la confidentialité (voir Sisson).

[96] Le demandeur a soutenu que les conseillers en SST devraient être exclus en raison de leur rôle consistant à conseiller les gestionnaires et les conseillers en relations de travail dans le domaine de la SST. Je ne suis pas d’accord. Le fait de fournir des conseils d’experts en santé et sécurité au travail à leurs collègues en RL n’équivaut pas à la prestation de conseils en relations de travail qui portent sur les conditions d’emploi, les mesures disciplinaires possibles et le domaine de la négociation collective, de l’interprétation et de la mise en œuvre, entre autres nuances mentionnées dans les cas cités par les parties. Puisque j’ai conclu qu’une demande d’exclusion en vertu de l’al. 59(1)h) ne devrait pas être accordée, la question à trancher est celle de savoir si les conseillers en SST devraient être exclus en vertu de l’al. 59(1)g).

[97] À mon avis, l’argument du demandeur selon lequel les conseillers en SST sont en conflit d’intérêts en raison de l’importance que l’AFPC accorde à la sécurité au travail est erroné, de deux points de vue. En premier lieu, la sécurité en milieu de travail devrait être la principale préoccupation de toutes les parties concernées, y compris le demandeur. Le fait qu’un agent négociateur a déclaré qu’il s’agit d’une priorité ne signifie pas qu’un de ses membres ne peut pas s’acquitter fidèlement de ses obligations de conseiller le demandeur quant à la bonne application du CCT. En deuxième lieu, la proposition du demandeur fait référence à la loyauté des employés, ce qui n’est pas le but d’une exclusion. La SST est une obligation bipartisane. On ne doit pas présupposer un conflit d’intérêts simplement en raison de l’adhésion à un groupe ou à un autre. De plus, les conseillers en SST travaillent dans un environnement mixte et fournissent des services liés à toutes les catégories d’employés, y compris ceux qui appartiennent à différentes unités de négociation, ceux qui ne sont pas membres d’une unité de négociation, les employés exclus et la direction, où un conflit d’intérêts perçu n’est pas susceptible de survenir.

[98] Je souscris à la conclusion tirée dans le cas AJJ, au par. 60, en ce que je ne constate aucun élément des relations de travail dans ce type de conseil. Je crois comprendre que les conseils portent sur les obligations exclusives du demandeur en ce qui concerne la santé et la sécurité en vertu des articles de 124 à 125.3 du CCT.

[99] La défenderesse a porté une attention importante à l’absence de preuve dans les arguments du demandeur quant à la mesure dans laquelle la direction se fonde sur les conseils que les conseillers en SST lui fournissent. Le demandeur a soulevé une objection à cet argument, affirmant que, sans la demande de la défenderesse de procéder à cette affaire par voie d’arguments écrits, qui a été accordée par la Commission, un témoignage de vive voix de cette nature aurait été présenté. Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que le commentaire de la défenderesse était trompeur. Je n’ai tiré aucune conclusion négative du fait que le demandeur ne m’a fourni aucun affidavit ni aucun autre élément de preuve, comme l’a demandé la défenderesse. Ma décision est fondée uniquement sur les arguments devant moi.

[100] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[101] Les demandes sont rejetées.

Le 9 mars 2021.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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