Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a demandé un réexamen d’une décision de la Commission en vertu de l’art. 43 de la Loi – la Commission a rejeté la demande de la demanderesse visant à autoriser le renvoi de son grief sans l’appui de son agent négociateur, comme l’exige la Loi – la Commission a demandé aux parties de présenter des arguments sur la question de savoir si la Commission pouvait exercer ses pouvoirs en vertu de l’art. 43 pour examiner une décision rendue en vertu de la partie 2 de la Loi – le défendeur a soutenu qu’il n’était pas nécessaire de rendre une décision sur l’application de l’art. 43 parce que la demanderesse n’avait pas établi le fondement nécessaire pour déclencher son application – la Commission était d’accord avec le défendeur pour dire que la demanderesse n’avait présenté aucun nouvel élément de preuve ou argument ni allégué un changement important, pour déclencher une demande en vertu de l’art. 43 – par conséquent, la Commission n’avait pas besoin de déterminer si elle devait exercer ses pouvoirs quant à l’application de l’art. 43 en vertu de la partie 2 de la Loi.

Objection accueillie.
Demande rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20210318

Dossier : 525‑02‑42430

XR : 566‑02‑42257

 

Référence : 2021 CRTESPF 28

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

Susan Kruse

demanderesse

 

et

 

Administrateur général

(Agence des services frontaliers du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Kruse c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant une demande d’exercice par la Commission de l’un ou l’autre de ses pouvoirs prévus à l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la demanderesse : John King

Pour le défendeur : Alexandre Toso, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 26 janvier et les 11 et 17 février 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Demande devant la Commission

[1] Susan Kruse (la « demanderesse ») demande une révision, en vertu de l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, article 2; la « Loi »), de la décision rendue par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») le 6 janvier 2021. Dans la décision, la Commission a rejeté sa demande visant à autoriser le renvoi de son grief à l’arbitrage sans l’appui de son agent négociateur, comme l’exige la Loi. La demanderesse demande que la Commission réexamine sa décision de ne pas accepter son grief déposé au dossier 566‑02‑42257 de la Commission aux fins d’arbitrage.

[2] La demande de renvoi du grief à l’arbitrage était fondée sur l’argument selon lequel la demanderesse avait droit à l’arbitrage, car le grief avait été déposé en vertu de l’article 208 de la Loi, ce qui signifie qu’il ne nécessitait pas l’appui d’un agent négociateur pour le renvoi du grief à l’arbitrage. Le commissaire affecté au dossier a déterminé que le paragraphe 209(2) exige que les fonctionnaires s’estimant lésés aient l’appui d’un agent négociateur pour que tous les griefs liés à l’interprétation d’une convention collective puissent être renvoyés à l’arbitrage. Étant donné que le grief de la demanderesse était lié à des questions relevant de l’interprétation de la convention collective, la Commission a déterminé qu’elle ne se conformait pas aux exigences établies à l’article 209 afin d’autoriser le renvoi de son grief à la Commission et a ordonné la clôture de son dossier sans procéder à l’arbitrage.

II. Aperçu

[3] Le litige entre les parties portait sur la question du dossier de congé de la demanderesse. La Commission a tranché la question de savoir si elle entendrait son grief dans Kruse c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 85. Le grief a été rejeté et la demanderesse n’a pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision. Néanmoins, elle a déposé, en vertu de l’article 208 de la Loi, un autre grief lié au même sujet, sans l’appui de son agent négociateur. Lorsque le grief a été renvoyé à l’arbitrage, le commissaire a reçu des arguments écrits des parties portant sur la compétence de la Commission d’entendre l’affaire. Après avoir examiné les arguments, la Commission a ordonné à son greffe de refuser le renvoi à l’arbitrage et de fermer le dossier (dossier de la Commission 566‑02‑42257), car il ne se conformait pas aux dispositions de la Loi. Cette décision fait l’objet de la présente demande de révision en vertu de l’article 43.

[4] Après le dépôt de la présente demande, la Commission a ordonné aux parties de présenter des arguments sur la question de savoir si la Commission pourrait exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 43 de la Loi pour examiner une décision rendue en vertu de la partie 2 de la Loi.

[5] La demanderesse a présenté son argument quant à la raison pour laquelle l’article 43 devrait s’appliquer en l’espèce. Aux fins de la présente affaire, l’administrateur général de l’Agence des services frontaliers du Canada (le « défendeur »), ne s’est pas opposé à la compétence de la Commission. Toutefois, le défendeur a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de rendre une décision concernant la compétence pour agir en vertu de l’article 43. Il s’est opposé à l’application de l’article 43 en l’espèce, car la demande de la demanderesse ne constitue pas, à juste titre, une demande de réexaminer, d’annuler ou de modifier une ordonnance ou décision de la Commission, mais plutôt une tentative de faire valoir de nouveau le bien‑fondé de l’affaire.

[6] La question de savoir si le pouvoir de la Commission en vertu de l’article 43 pourrait être exercé pour examiner une décision rendue en vertu de la partie 2 est une question ouverte. Toutefois, je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’il n’est pas nécessaire, pour l’instant, de rendre une décision relative à la question de l’application de l’article 43 aux décisions rendues en vertu de la partie 2. Comme je l’expliquerai plus en détail, même si l’article 43 pouvait s’appliquer, la demanderesse n’a pas établi le fondement nécessaire pour déclencher son application.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la demanderesse

[7] La demanderesse demande la révision de l’ordonnance et elle propose une solution de rechange. Selon elle, si la formation de la Commission soutient toujours que le grief dans le dossier 566‑02‑42257 de la Commission ne peut être autre chose qu’un grief d’interprétation qui exige l’appui du syndicat, malgré ce qui a déjà été présenté, elle propose deux options pour faire valoir son point de vue et atténuer toute préoccupation connexe.

[8] Selon la première proposition, si le défendeur peut admettre que le rapport individuel sur les congés de la demanderesse a été modifié pour tenir compte d’une absence de cinq ans commençant à la date à laquelle elle a été embauchée, ce qui ne tient pas compte fidèlement de son assiduité pour cette période, la Commission pourrait rendre une ordonnance enjoignant le défendeur à corriger le rapport individuel sur les congés en remplaçant la fausse date de début du service continu du 15 novembre 1995 par la date initiale et exacte du 19 mars 1990.

[9] Subsidiairement, la demanderesse a proposé que la formation de la Commission examine les deux rapports individuels sur les congés avant et après et qu’elle rende une ordonnance fondée sur les faits consignés. Il n’est pas nécessaire qu’elle fasse référence à une disposition de la convention collective ou qu’elle invoque l’interprétation de cette disposition pour établir son droit à un dossier de présence exact en vertu de la loi.

[10] Autoriser la demanderesse à exercer l’une de ces options serait conforme à l’exception mentionnée au paragraphe 43(2) de la Loi, car aucun droit n’a été acquis par suite de la décision antérieure de la Commission refusant le droit au renvoi à l’arbitrage.

B. Pour le défendeur

[11] Le pouvoir de réexaminer, d’annuler ou de modifier une ordonnance ou une décision de la Commission en vertu de l’article 43 ne préserve pas la compétence de la Commission de rendre une nouvelle décision sur les mêmes faits. La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une « […] demande de réexamen fondée sur l’article 43 de la LRTFP n’est ni un appel ni une demande de révision. » (voir Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 376, au paragraphe 8, et Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2017 CAF 40, au paragraphe 14). Par conséquent, même si l’article 43 pouvait s’appliquer aux décisions rendues en vertu de la partie 2, il ne remplacerait pas le principe de common law de functus officio (le principe selon lequel le titulaire d’une charge qui s’est acquitté de son devoir n’a plus le pouvoir de continuer à prendre des décisions) ou le principe selon lequel les décisions de la Commission sont définitives en vertu du paragraphe 34(1).

[12] Ainsi, les pouvoirs prévus à l’article 43 ne constituent pas une méthode d’appel de rechange. La demanderesse cherche uniquement à attaquer la décision centrale de la Commission sur le fond, sans présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qui n’auraient pas pu être présentés plus tôt. Cette démarche ressort de l’ensemble de ses arguments, dans lesquels elle explique qu’elle ne souscrit pas à plusieurs extraits de la décision de la Commission et reformule les arguments qui ont déjà été présentés à la Commission.

[13] Étant donné que le pouvoir de réexaminer, d’annuler ou de modifier une ordonnance ou une décision de la Commission exclut un appel ou une nouvelle décision, l’article 43 ne s’applique pas pour préserver la compétence de la Commission en l’espèce. La Commission n’aurait pas compétence pour le faire, que cette décision ait été rendue en vertu de la partie 1 ou de la partie 2.

[14] L’article 43 ne préserve pas la compétence de la Commission lorsque le demandeur cherche à faire valoir de nouveau le bien‑fondé de l’affaire plutôt que d’utiliser le recours normal pour contester le caractère exact ou raisonnable d’une décision (voir Bialy c. Gordon, 2016 CRTEFP 109, aux paragraphes 8 et 9). Le principe de functus officio a épuisé sa compétence pour rendre une autre décision sur les mêmes faits.

[15] La demanderesse n’a pas demandé de réexaminer, d’annuler ou de modifier la décision de la Commission, mais elle a plutôt demandé un appel ou une nouvelle décision. Par conséquent, l’article 43 ne s’applique pas et la Commission devrait rejeter la demande à première vue.

IV. Motifs

[16] Compte tenu de la structure de la Loi et de la répartition des pouvoirs entre la partie 1 et la partie 2, il n’est pas certain que l’article 43 puisse être appliqué en l’espèce. Toutefois, même s’il pouvait être appliqué, j’estime que la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir qu’un examen de la décision en question est justifié.

[17] Dans Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39, le commissaire a établi les lignes directrices ou les critères pour réexaminer une décision de la Commission. Une décision rendue en vertu de l’article 43 ne peut faire valoir de nouveau le bien‑fondé d’une affaire et doit être fondée sur un changement important des circonstances ou sur la présentation de nouveaux éléments de preuve ou arguments qui n’auraient pas raisonnablement pu être présentés lors de l’audience initiale (voir le paragraphe 29). La demanderesse n’a présenté aucun nouvel élément de preuve ou argument; elle n’a pas non plus allégué un changement important à l’appui d’une demande présentée en vertu de l’article 43. Au contraire, il est évident qu’elle ne cherche qu’à faire valoir de nouveau ses arguments, car elle ne souscrit pas à l’issue.

[18] Selon l’essentiel de l’argument de la demanderesse, la Commission a décidé à tort que l’affaire soulevée dans le dossier 566‑02‑42257 de la Commission ne pouvait être renvoyée à l’arbitrage. Elle n’a présenté aucun nouvel élément de preuve. Elle a plutôt simplement réitéré son point de vue selon lequel [traduction] « tous les griefs déposés conformément à l’article 208 de la Loi, sauf disposition contraire, sont examinés et traités de la même manière, ce qui signifie qu’ils sont tous également admissibles à l’arbitrage. »

[19] Il s’agit d’un malentendu fondamental du pouvoir conféré par la Loi à la Commission d’entendre un grief. La demanderesse peut affirmer que toutes les affaires qui peuvent être présentées en vertu de l’article 208 sont également admissibles à l’arbitrage en vertu de l’article 209, mais ce n’est pas le cas, comme cela lui a été expliqué dans la décision qu’elle demande à la Commission de réexaminer.

[20] La demanderesse a réitéré son argument selon lequel la Commission devrait réentendre l’affaire, car elle porte sur l’interprétation d’une loi (le Code criminel du Canada (L.R.C. (1985), ch. C‑46)). Il ne s’agit pas d’un nouvel argument et, même s’il l’était, il ne constitue pas un motif de renvoi à l’arbitrage. Subsidiairement, la demanderesse a soutenu que l’affaire pourrait être renvoyée en vertu de l’alinéa 209(1)b). Toutefois, elle n’a présenté aucun nouveau fait ou argument à l’appui de son affirmation selon laquelle l’affaire en cause concernait une mesure disciplinaire, afin qu’elle soit visé par la portée de cette disposition.

[21] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’il s’agit d’une tentative de remettre en litige les décisions rendues par une formation de la Commission. La demanderesse demande que la Commission change d’avis et autorise que le grief, déposé apparemment en vertu de l’article 208 de la Loi, soit renvoyé à l’arbitrage. La demanderesse cherche à obtenir un résultat différent de celui obtenu dans le dossier 566‑02‑42257 de la Commission sans fournir de fondement pour présenter une demande en vertu de l’article 43. Elle n’a fourni aucun nouveau renseignement qui n’était pas disponible au moment du dépôt du grief initial. Elle demande une annulation de la décision initiale fondée uniquement sur le fait qu’elle ne souscrit pas à sa conclusion. Par conséquent, son recours ne relève pas de la Commission.

[22] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[23] La demande est rejetée.

Le 18 mars 2021.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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