Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a pris un congé de maternité pendant sa nomination pour une période déterminée – elle a commencé un congé de maternité non payé et a ensuite demandé une indemnité de maternité – pendant son congé de maternité, son emploi pour une période déterminée a pris fin et n’a pas été renouvelé – la défenderesse l’a réembauchée à titre d’employée nommée pour une période déterminée le 24 novembre 2016 et elle a commencé à recouvrer l’indemnité de maternité en décembre 2016, au motif que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas rempli son obligation de retour au travail conformément à une [traduction] « entente d’engagement concernant le congé de maternité et le congé parental » – elle a contesté le recouvrement de l’indemnité de maternité par la défenderesse – la Commission a conclu qu’elle avait établi l’existence d’une préclusion promissoire – la défenderesse a présenté un argument concernant la date de retour au travail, déclarant que la fonctionnaire s’estimant lésée n’aurait pas à rembourser l’indemnité si elle retournait au travail au plus tard à cette date et travaillait pour une période équivalente – la Commission a donc conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée s’était fiée à la représentation à son détriment – par conséquent, la Commission a ordonné que la défenderesse rembourse le montant qu’elle avait recouvré auprès de la fonctionnaire s’estimant lésée.

Grief accueilli.

Contenu de la décision

Date : 20210319

Dossier : 566-34-14580

 

Référence : 2021 CRTESPF 29

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

Ashley Tuplin

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

Agence du revenu du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Tuplin c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Ian R. Mackenzie, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Michael Fisher, avocat

Pour la défenderesse : Patrick Turcot, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence à Ottawa (Ontario)

le 1er septembre 2020.

(Arguments écrits reçus les 6 et 28 octobre et le 3 novembre 2020.)

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

TRADUCTION DE LA CRTESPF

I. Introduction

[1] Ashley Tuplin, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a été embauchée à titre d’employée nommée pour une période déterminée par l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur ») le 9 mars 2015. En novembre 2015, elle a commencé un congé de maternité non payé. Elle a ensuite demandé et reçu une indemnité de maternité. Elle a également signé une [traduction] « entente d’engagement concernant le congé de maternité et le congé parental » (l’« engagement »). Pendant son congé de maternité, son emploi pour une durée déterminée a pris fin et n’a pas été renouvelé. Elle a été réembauchée par l’employeur à titre d’employée nommée pour une période déterminée le 24 novembre 2016. L’employeur a commencé à recouvrer l’indemnité de maternité en décembre 2016, au motif que la fonctionnaire n’avait pas rempli son obligation de retour au travail conformément à l’engagement et à la convention collective. La fonctionnaire a contesté le recouvrement de l’indemnité de maternité.

[2] L’employeur a contesté le grief au motif qu’il était hors délai.

[3] L’audience de ce grief avait été fixée pour une journée, en personne, en mars 2020. L’audience a été ajournée en raison des restrictions liées à la pandémie. L’employeur a proposé d’examiner l’objection relative au respect des délais par voie d’arguments écrits. L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») s’est opposée à l’examen de l’opposition par écrit, car elle a déclaré qu’il y avait des faits importants en litige. J’ai décidé que l’audience se déroulerait par vidéoconférence et que la preuve serait entendue à la fois sur l’objection relative au respect des délais et sur le fond du grief.

[4] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

II. Dispositions de la convention collective

[5] La fonctionnaire fait partie du groupe Services et programmes (SP) de l’ARC. La convention collective applicable vise le groupe Exécution des programmes et des services administratifs; elle a expiré le 31 octobre 2012 (la « convention collective »).

[6] Le présent grief portait sur les articles de la convention collective relatifs à la procédure de règlement des griefs, au congé de maternité et à l’indemnité de maternité.

[7] L’article 18 fixe un délai de 25 jours pour déposer un grief. Le délai commence à la date à laquelle l’employé est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief. Le délai peut être prolongé d’un commun accord entre l’employeur et l’agent négociateur. Il peut également être prorogé par ordonnance de la Commission.

[8] L’article 38 de la convention collective prévoit un congé de maternité et une indemnité de maternité pour l’employée qui se voit accorder un congé de maternité. Les parties pertinentes de la disposition relative au congé de maternité sont les suivantes :

(a) L’employée qui devient enceinte se voit accorder, sur demande, un congé de maternité non payé pour une période commençant avant la date, à la date ou après la date de la fin de sa grossesse et se terminant, au plus tard, dix-huit (18) semaines après la date de la fin de sa grossesse.

[…]

(f) Sauf exception valable, l’employée doit, au moins quatre (4) semaines avant la date du début du congé ininterrompu au cours duquel la grossesse est censée prendre fin, aviser l’Employeur, par écrit, de son intention de prendre des congés tant payés que non payés relativement à son absence du travail attribuable à sa grossesse.

(g) Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l’« emploi continu » aux fins de l’indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

 

[9] Les conditions applicables à l’indemnité de maternité sont les suivantes :

[…]

38.02 Indemnité de maternité

(a) L’employée qui se voit accorder un congé de maternité non payé reçoit une indemnité de maternité conformément aux modalités du Régime de prestations supplémentaires de chômage (RPSC) décrit aux alinéas c) à i), pourvu qu’elle :

(i) compte six (6) mois d’emploi continu avant le début de son congé de maternité non payé,

(ii) fournisse à l’Employeur la preuve qu’elle a demandé et reçoit des prestations de maternité en vertu de l’article 22 de la Loi sur l’assurance-emploi ou du Régime québécois d’assurance parentale à l’égard d’un emploi assurable auprès de l’Employeur, et

(iii) signe une entente avec l’Employeur par laquelle elle s’engage :

(A) à retourner au travail à la date à laquelle son congé de maternité non payé prend fin à moins que l’Employeur ne consente à ce que la date de retour au travail soit modifiée par l’approbation d’un autre type de congé;

(B) suivant son retour au travail tel que décrit à la division (A), à travailler une période égale à la période pendant laquelle elle a reçu l’indemnité de maternité;

(C) à rembourser à l’Employeur le montant déterminé par la formule suivante si elle ne retourne pas au travail comme convenu à la division (A) ou si elle retourne au travail mais ne travaille pas la période totale stipulée à la division (B) :

(D) Le remboursement prévu à la division (C) ne s’appliquera pas dans les situations suivantes :

[…]

(iv) la fin d’une période d’emploi déterminée si l’employé-e est réengagé par l’Agence, un organisme visé par l’annexe I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ou l’Agence Parcs Canada, à l’intérieur de quatre-vingt-dix (90) jours suivant la fin de la période d’emploi déterminée, et que cela satisfait aux obligations précisées à la division (B), […]

[…]

 

III. Résumé de la preuve

[10] Les parties ont fourni un énoncé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents, que j’ai intégrés au résumé de la preuve.

[11] La fonctionnaire et la déléguée syndicale en chef à l’époque pertinente ont toutes deux témoigné. La gestionnaire qui a signé l’engagement a témoigné pour l’employeur, ainsi qu’un gestionnaire de la rémunération. Aucun des témoins n’avait un souvenir personnel des événements en cause dans le présent grief. Compte tenu de cela, leur témoignage n’était guère pertinent. Je me suis référé au témoignage des signataires de l’engagement quant à leur compréhension de ce qu’ils ont signé. Toutefois, comme ils ne se souviennent pas des discussions au moment de la signature de l’engagement, cette preuve est de valeur limitée. En outre, tous les témoins ont donné leur avis sur la signification de l’engagement et de la convention collective. Étant donné que c’est la question dont je suis saisi, je ne me suis pas appuyé sur ces opinions.

[12] La fonctionnaire a été embauchée le 9 mars 2015 à titre d’examinatrice et commis au traitement des documents au groupe et au niveau SP-02 nommée pour une période déterminée à Summerside, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Centre fiscal de l’ARC. Son mandat initial devait prendre fin le 24 avril 2015, mais il a été prolongé deux fois. La dernière prolongation (le 10 septembre 2015) était jusqu’au 31 mars 2016.

[13] Après la prolongation de son mandat, la fonctionnaire a informé l’ARC qu’elle prendrait un congé de maternité et un congé parental non payé à compter du 23 novembre 2015. Elle a témoigné qu’elle avait l’intention de prendre 52 semaines de congé, soit la période complète des prestations d’assurance-emploi disponibles pour le congé de maternité et le congé parental.

[14] Le 10 novembre 2015, la fonctionnaire a reçu une lettre du Centre de services à la clientèle pour la rémunération énonçant les conditions de son congé non payé. La lettre indiquait que sa nomination pour une période déterminée devait se terminer le 31 mars 2016 et précisait que [traduction] « […] l’approbation de votre CNP [congé non payé] de maternité et/ou parental ne doit pas être interprétée comme une prolongation de votre contrat d’emploi pour une période déterminée avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) ».

[15] La lettre indiquait également que certains renseignements qui y figuraient pouvaient ne pas s’appliquer à la fonctionnaire. Le reste de la lettre était une description générique des dispositions relatives aux congés en vertu de différentes conventions collectives. La lettre contenait une description de l’indemnité de maternité ou de l’indemnité parentale :

[Traduction]

Conformément à votre convention collective ou à vos conditions d’emploi (groupe RH), vous devez satisfaire aux exigences énumérées ci-dessous :

1. Avoir terminé six mois d’emploi continu.

2. Fournir à votre conseiller en rémunération une preuve de la réception des prestations de maternité d’AE en vertu de l’article 22 et des prestations parentales d’AE en vertu de l’article 23 de la Loi sur l’AE.

3. Signer une entente avec l’employeur dans lequel vous prenez les engagements suivants :

• Vous consentez à retourner travailler pour l’ARC pour une période précisée dans votre entente d’engagement concernant le congé de maternité et le congé parental.

• Vous acceptez de rembourser un montant proportionnel de votre indemnité de maternité et indemnité parentale correspondant à la période où vous n’avez pas travaillé, conformément à votre entente d’engagement concernant le congé de maternité et le congé parental et à votre engagement de retourner au travail pour l’ARC pour la période minimale décrite au paragraphe précédent (sauf en cas de mise en disponibilité, de décès, de cessation anticipée en raison d’un manque de travail ou de l’interruption d’une fonction pour une période d’emploi déterminée qui aurait été suffisante pour remplir ces obligations, ou d’invalidité au sens de la Loi sur la pension de la fonction publique (LPFP)).

4. Être en CNP de maternité et parental autorisé.

5. L’indemnité n’est pas versée en reconnaissance d’autres prestations d’AE, comme les prestations de maladie.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[16] La lettre contenait la note suivante :

[Traduction]

Remarque : Les employés nommés pour une période d’emploi déterminée ont droit à des indemnités équivalant à la durée de leur contrat, mais ont le choix d’obtenir l’intégralité des indemnités de maternité et des indemnités parentales, étant entendu que si leur mandat n’est pas renouvelé, le trop-payé doit être recouvré. Afin d’éviter les inconvénients du remboursement de l’indemnité de maternité ou de l’indemnité parentale reçue, vous pouvez choisir de retarder le paiement de votre indemnité jusqu’à ce que vous soyez certain d’une prolongation de votre période d’emploi déterminée.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[17] La lettre décrit également le processus de recouvrement des trop-payés, comme suit :

[Traduction]

Le ou les trop-payés seront recouvrés des premiers fonds disponibles (cela inclut votre indemnité de maternité et/ou parentale). Si votre trop-payé n’a pas été entièrement recouvré comme il est indiqué ci-dessus, il sera recouvré des premiers fonds disponibles à votre retour au travail.

[…]

 

[18] Un agent de la rémunération de l’ARC a contacté la fonctionnaire le 12 novembre 2015 pour discuter de son congé de maternité. La fonctionnaire n’avait aucun souvenir de cette conversation et l’agent de la rémunération n’a pas témoigné. Les notes de la conversation téléphonique indiquent que la fonctionnaire a été informée que les indemnités de maternité pouvaient être prélevés à tout moment et que si elle n’était pas réembauchée dans les 90 jours suivant la [traduction] « radiation de l’effectif », les indemnités deviendraient un trop-payé.

[19] Le 23 novembre 2015, la fonctionnaire a commencé son congé de maternité et congé parental. Son enfant est né le 2 décembre 2015.

[20] La fonctionnaire a discuté des détails d’une indemnité de maternité et d’une indemnité parentale avec un agent de la rémunération le 17 décembre 2015. La fonctionnaire n’avait aucun souvenir de cette conversation. Les notes de l’agent de la rémunération au sujet de l’appel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’employée a été avisée que, selon la convention collective et la naissance de l’enfant, elle peut retourner au travail 52 semaines après la naissance de l’enfant. Elle a été avisée que si elle décide de changer sa date de retour au travail, elle devra le demander au chef d’équipe et ils devront modifier le formulaire Web de congé de maternité et de congé parental non payé et la date de retour au travail devra être modifiée sur le formulaire d’entente d’engagement, en gardant à l’esprit que cela ne prolonge pas les indemnités et que les jours supplémentaires correspondraient à des congés non payés.

 

[21] Le 7 janvier 2016, la fonctionnaire a demandé l’indemnité de maternité. Elle a témoigné que, bien qu’elle ait d’abord décidé de ne pas la demander, sa situation financière avait changé et elle avait besoin du revenu supplémentaire.

[22] Le 15 janvier 2016, la fonctionnaire a signé l’engagement concernant l’indemnité de maternité et l’indemnité parentale. Sandra Batten, une gestionnaire, a signé au nom de l’ARC. La fonctionnaire et Mme Batten ne se souviennent pas de la signature de l’engagement ni de la discussion sur ses modalités. Les conditions de l’engagement comprenaient les suivantes :

[Traduction]

1. La présente entente […] est conforme aux clauses 38.01 et 38.02 de la convention collective […]

2. Conformément aux clauses 38.02a)(iii)(A) et (B), je m’engage à retourner au travail pour l’ARC le 21 novembre 2016, à moins que cette date ne soit modifiée par l’approbation d’une autre forme de congé, et je travaillerai pendant une période égale à la période pendant laquelle j’ai reçu mon indemnité de maternité.

3. Je reconnais que la clause 38.02a)(iii)(C) de la convention collective laisse entendre que si je ne retourne pas au travail comme il est stipulé au paragraphe 2 ci-dessus, je serai redevable à l’ARC pour la période applicable.

4. Je reconnais que je ne serai pas tenue de rembourser l’ARC, comme le prévoit la division 38.02a)(iii)(C), si l’une des situations énumérées aux clauses 38.02a)(iii)(D) (i) à (vi) s’applique à moi.

 

[23] Les modalités de l’engagement relatif au congé parental sont identiques, à l’exception d’une référence à la clause 48.02 de la convention collective (congé parental).

[24] L’engagement comprenait également la note suivante : [traduction] « Remarque : Si vous êtes une employée nommée pour une période d’emploi déterminée, vous devriez vous assurer que votre période d’emploi restante vous permettra de respecter votre entente de retour au travail. Sinon, vous serez redevable à l’ARC pour la période applicable » [le passage en évidence l’est dans l’original].

[25] Bien que la fonctionnaire ne se souvienne d’aucune discussion au sujet de l’engagement, elle a témoigné qu’à l’époque, elle avait compris que cela signifiait qu’elle allait retourner au travail le 21 novembre 2016 et qu’elle n’aurait pas à rembourser l’indemnité tant qu’elle y retournerait et travaillerait pour une période égale à celle de son congé.

[26] Mme Batten ne se souvenait pas non plus de la signature de l’engagement. Elle a témoigné que la date de retour au travail du 21 novembre 2016 avait été incluse en partant de l’hypothèse que la fonctionnaire aurait travaillé pour l’ARC pendant toute la période si elle n’avait pas été en congé de maternité, et que cette date aurait été sa date de retour naturelle si elle avait été sous contrat. Elle a également témoigné que la date de fin du 31 mars 2016 n’avait pas été utilisée dans l’engagement parce que ce dernier couvrait une période future, et au moment de sa signature, les parties ne savaient pas si la période de travail de la fonctionnaire serait prolongé au-delà du 31 mars 2016.

[27] Bien que Mme Batten ne se souvienne pas de sa conversation avec la fonctionnaire, elle a témoigné qu’elle a toujours parlé aux employées qui partaient en congé de maternité et qu’elle recommandait systématiquement aux employées nommées pour une période déterminée de ne pas prendre l’indemnité à moins que le reste de leur nomination pour une période déterminée ne soit pour toute la période de leur congé de maternité.

[28] La fonctionnaire a reçu son indemnité de maternité du 23 novembre 2015 au 26 mars 2016, au montant de 6 148,68 $.

[29] L’emploi pour une période déterminée de la fonctionnaire a pris fin le 31 mars 2016. L’employeur lui a délivré un [traduction] « relevé d’emploi ».

[30] Le 2 novembre 2016, un conseiller en rémunération de l’ARC a envoyé par courriel à la fonctionnaire une lettre indiquant qu’elle avait obtenu un trop-payé pour son indemnité de maternité :

[Traduction]

Un examen de vos indemnités de maternité et/ou indemnités parentales pour la période du 22 novembre 2015 au 26 mars 2016 indique que vous avez obtenu un trop-payé pour la raison suivante :

• Ne pas avoir rempli votre obligation de retourner au travail conformément à l’entente d’engagement concernant le congé de maternité et le congé parental que vous avez signé pour votre période de congé de maternité et de congé parental non payé.

Le montant du trop-payé est de 6 148,68 $.

Vous pouvez réduire ou éliminer votre trop-payé en effectuant un paiement sur votre compte. Pour effectuer un paiement, ou pour rapprocher complètement votre compte, veuillez envoyer un chèque ou un mandat-poste à l’ordre du Receveur général du Canada et indiquer votre CIDP au recto du chèque ou mandat-poste […]

[…]

Vous devriez également indiquer que le chèque ou le mandat-poste vise à rapprocher un trop-payé versé pour l’indemnité de maternité et l’indemnité parentale.

Si vous retournez au travail pour l’Agence du Revenu du Canada avant que cette dette n’ait été remboursée, le paiement sera débité, sans autre préavis, des premiers fonds disponibles jusqu’à ce que la dette soit remboursée.

Si vous avez des questions à l’égard de cette lettre, veuillez communiquer avec le Service national de renseignements […]

 

[31] La fonctionnaire a témoigné que lorsqu’elle a reçu cette lettre, elle avait l’impression qu’elle pouvait encore remplir les exigences en matière d’indemnité en retournant au travail à la date convenue du 21 novembre 2016. Elle ne se rappelait pas si elle avait appelé au numéro fourni pour discuter de la lettre. Il n’y a aucune trace d’un appel dans les registres du Centre de rémunération de l’ARC.

[32] Le 14 novembre 2016, la fonctionnaire a parlé avec son chef d’équipe à l’ARC, qui a convenu qu’elle pourrait retourner au travail le 24 novembre 2016, plutôt que le 21 novembre 2016. Le 16 novembre 2016, la fonctionnaire s’est vu offrir une nomination pour une période déterminée du 24 novembre 2016 au 31 mars 2017.

[33] Le 14 décembre 2016, la fonctionnaire n’a pas reçu sa première paye prévue. Elle a témoigné qu’elle n’avait reçu aucun avis que son premier chèque serait entièrement [traduction] « récupéré ». Toutefois, la lettre du 2 novembre 2016 indiquait que le paiement serait prélevé [traduction] « sans autre préavis » des premiers fonds disponibles à son retour au travail à l’ARC.

[34] La fonctionnaire a communiqué avec un agent de la rémunération de l’ARC, qui l’a informée que l’intégralité de sa paie avait été recouvrée en raison du trop-payé de l’indemnité de maternité. Le 15 décembre 2016, dans un courriel adressé à la fonctionnaire, l’agent de la rémunération lui a dit qu’elle pouvait demander de réduire le montant déduit de chaque paie en raison de difficultés financières.

[35] La fonctionnaire ne se souvenait pas de la première fois où elle s’est adressée à son agent négociateur pour obtenir de l’aide, même si c’était après le recouvrement de sa première paie. Elle a déclaré qu’elle a probablement mentionné sa situation à un collègue, qui lui a dit que l’agent négociateur pourrait être en mesure de l’aider. Elle a témoigné qu’elle n’avait jamais travaillé dans un milieu de travail syndiqué auparavant et que, même si elle savait qu’elle était syndiquée, elle ne connaissait pas la fonction d’un agent négociateur. Elle a contacté la déléguée syndicale en chef, Maureen Getson. Mme Getson ne se souvenait pas de la date à laquelle elle a été contactée, mais elle a estimé que c’était entre le milieu et la fin de décembre 2016.

[36] Le 20 décembre 2016, la fonctionnaire a demandé une réduction des montants recouvrés en raison de difficultés financières. Le montant recouvré a d’abord été réduit à 800 $ par période de paie, puis à 300 $.

[37] Mme Getson a exposé les préoccupations au sujet du trop-payé dans un courriel adressé au président de la section locale de l’agent négociateur le 10 janvier 2017. Le courriel a été transmis à Paul Morin, directeur adjoint, Direction générale des ressources humaines, ARC, qui a ensuite demandé une réponse à Emiliano Galera, directeur adjoint, Centre de rémunération de l’ARC à Winnipeg, au Manitoba. Il a fourni la réponse qui suit par courriel le 11 janvier 2017 :

[Traduction]

[…]

L’employée a été licenciée (RE) à la date de fin de son contrat, soit le 31 mars 2016. Par conséquent, elle ne reste pas en congé de maternité ou en congé parental auprès de l’ARC, puisqu’elle n’est plus considérée comme une employée de l’ARC une fois qu’elle est RE. La seule façon pour l’employée de rester en congé de maternité ou en congé parental avec l’ARC est que son contrat soit prolongé et/ou qu’elle obtienne un nouveau contrat dans les 90 jours, nous la remettrions donc en congé de maternité ou en congé parental non payé.

[…]

Tout employé (période déterminée ou indéterminée) visé par la convention collective est toujours « admissible » à des indemnités complémentaires à condition de respecter les exigences d’admissibilité. La complication avec n’importe quelle durée déterminée est de savoir s’ils devront payer une partie ou la totalité de la somme […] tout cela dépend des prolongations de contrat, des nouveaux contrats ou de la RE. C’est pourquoi certains de nos employés nommés pour une période déterminée retardent la prise d’indemnités jusqu’à ce qu’ils retournent au travail ou qu’ils aient un contrat qui leur permette de ne pas risquer d’avoir à rembourser les indemnités.

La lettre d’indemnités que nous envoyons indique quelle est la date de fin de la période déterminée actuelle et que l’approbation du CNP de maternité ou du CNP parental ne doit pas être interprétée comme une prolongation de leur contrat d’emploi pour une période déterminée avec l’ARC […]

La clause 38.02 de la convention collective doit être interprétée et appliquée dans son intégralité. Le point qui est omis dans le courriel ci-dessous [de l’agent négociateur] est le fait qu’elle n’a pas été réembauchée (n’a pas reçu de nouveau contrat dans les 90 jours). De plus, la lettre que l’employée a reçue au sujet du montant du trop-payé indique qu’il était dû pour non-respect de l’obligation de retour au travail, et non que son contrat actuel ne satisfait pas aux obligations de retour au travail, comme il est indiqué ci-dessous. Son nouveau contrat (sept mois plus tard) n’a aucune incidence dans ce cas.

 

[38] M. Galera a témoigné que, pour que la date de retour précisée dans l’engagement soit logique, la fonctionnaire aurait dû recevoir des prolongations de la période déterminée au moins jusqu’à cette date. Il a témoigné que, puisqu’elle n’en a reçu aucune, la date de retour n’a pas été prise en considération. Il a reconnu en contre-interrogatoire que l’engagement était unique et a déclaré qu’il ne [traduction] « valait pas le papier sur lequel il était écrit ».

[39] Le courriel de M. Galera a été transmis à Mme Getson le 12 janvier 2017. La fonctionnaire a déposé son grief le 27 janvier 2017.

[40] Mme Getson a témoigné qu’à son avis, le délai pour déposer un grief a commencé le 12 janvier 2017. Elle a déclaré que jusqu’alors, il n’y avait rien eu à contester, puisque l’agent négociateur et l’employeur avaient tenté activement de résoudre l’affaire, et que l’agent négociateur n’a reçu aucune réponse finale avant le 12 janvier 2017. Elle a expliqué que le retard dans le traitement de la question (entre le 14 décembre et le 12 janvier) était dû en partie à la période des fêtes, qui a eu lieu entre-temps.

[41] Le 17 mai 2017, le dernier paiement de recouvrement a été traité, et le trop-payé a été recouvré intégralement.

[42] Le 15 juin 2017, l’emploi pour une période déterminée de la fonctionnaire a été prolongé jusqu’au 28 juillet 2017. Le 13 juillet 2017, il a été prolongé jusqu’au 1er septembre 2017. Le 15 août 2017, il a été prolongé jusqu’au 29 septembre 2017. Elle a ensuite trouvé un autre emploi et n’est plus employée dans la fonction publique fédérale.

IV. Le respect des délais du grief et la demande de prorogation du délai

A. Introduction

[43] L’employeur s’est opposé au renvoi du grief à l’arbitrage au motif qu’il était hors délai. L’agent négociateur a contesté le fait qu’il était hors délai. Subsidiairement, l’agent négociateur a soutenu que je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire de proroger le délai de dépôt du grief.

B. Motifs

1. Le grief est-il hors délai?

[44] La clause 18.11 de la convention collective permet à un employé de présenter un grief au plus tard le 25e jour qui suit la date « à laquelle il ou elle est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief ». Le terme « employé-e » est défini à la clause 2.01 de la convention collective comme une personne définie comme fonctionnaire en vertu de la Loi et qui fait partie de l’unité de négociation. La partie 2 de la Loi définit un fonctionnaire comme une personne employée dans la fonction publique, sous réserve de quelques exceptions qui ne sont pas pertinentes aux fins du présent grief.

[45] L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire a pris connaissance de l’obligation relative au trop-payé pour la première fois lorsqu’elle a reçu la lettre du 2 novembre 2016, l’informant de ce trop-payé. L’employeur a reconnu que la fonctionnaire ne pouvait pas déposer un grief avant qu’il ne la réembauche le 24 novembre 2016. Il est d’avis que le délai pour le dépôt d’un grief a commencé au moment de sa réembauche. Le grief a été déposé le 27 janvier 2017 – 64 jours après sa date de réembauche.

[46] L’agent négociateur est d’avis que le délai pour le dépôt d’un grief n’a commencé que lorsque Mme Getson a reçu une réponse à son courriel le 12 janvier 2017.

[47] Je conclus que le grief était hors délai. Bien que la fonctionnaire ait été avisée d’un trop-payé au moyen d’une lettre le 2 novembre 2016, elle n’était pas une employée à ce moment-là. Je fais remarquer que la convention collective fait référence à un avis à un employé. Par conséquent, l’employeur n’a pas, par sa lettre à la fonctionnaire du 2 novembre 2016, avisé oralement ou par écrit l’employée qu’il recouvrerait un trop-payé à partir de sa première période de paie. Par conséquent, le premier avis que la fonctionnaire a reçu, à titre d’employée, était à la date de sa première paie, soit le 14 décembre 2016.

[48] Le délai prévu par la disposition sur les griefs de la convention collective a donc commencé le 14 décembre 2016. Le grief a donc été déposé 42 jours après que la fonctionnaire eut pris connaissance pour la première fois des actions de l’employeur qui ont donné lieu au grief.

[49] Les discussions en cours entre un agent négociateur et l’employeur ne suspendent pas le délai à moins que les parties n’aient accepté de le suspendre. La clause 18.01 de la convention collective établit un processus officiel de communication des avis pour faciliter les discussions informelles. L’agent négociateur a reconnu qu’il ne s’est pas prévalu de cette clause.

[50] Par conséquent, je conclus que le grief était hors délai.

2. Le délai devrait-il être prorogé?

[51] Les demandes de prorogation de délai sont présentées en vertu de l’art. 61 du Règlement, qui permet une prorogation du délai au moyen d’une entente entre les parties ou d’une ordonnance de la formation de la Commission « par souci d’équité ».

[52] Les deux parties se sont appuyées sur le résumé des critères d’octroi d’une prorogation de délai établi comme suit dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1 :

  • 1) le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;

  • 2) la durée du retard;

  • 3) la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;

  • 4) l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;

  • 5) les chances de succès du grief.

 

[53] Les délais sont censés être respectés par les parties et ne devraient être prorogés que dans des circonstances exceptionnelles. Ces circonstances dépendent toujours des faits entourant chaque cas. Voir, par exemple, Salain c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 117.

a. Les raisons du délai

[54] L’agent négociateur a soutenu que le retard de la fonctionnaire à le consulter était dû à son manque de connaissance de ses droits et à son manque de familiarité avec sa fonction dans le milieu de travail. Il a fait valoir que la fonctionnaire n’a pas tardé à demander son aide après avoir appris qu’il pouvait l’aider. Il a soutenu qu’après avoir communiqué avec son représentant local, elle a pris des mesures pour déterminer la nature du différend et a déposé un grief peu après que l’employeur eut confirmé sa position. L’agent négociateur a fait valoir que s’il avait commis une erreur dans le calcul du délai pour déposer le grief, cela constituerait un facteur en faveur de l’octroi de la prorogation.

[55] L’employeur a soutenu qu’il n’y avait pas de raisons « claires, logiques et convaincantes » justifiant le retard et que la Commission et ses prédécesseurs ont déterminé qu’un manque de connaissances ne constitue pas une raison claire, logique et convaincante pour justifier un retard (voir Salain et Schenkman).

[56] Je conviens qu’un manque de familiarité avec les droits prévus par la convention collective n’est pas une raison claire, logique ou convaincante pour justifier le retard en l’espèce. De même, le fait d’avoir des discussions en cours pour résoudre un problème de relations de travail n’est pas une raison claire, logique ou convaincante pour justifier un retard; voir Salain.

[57] Toutefois, une grande partie du retard dans la présentation d’un grief s’explique par la confusion de la fonctionnaire quant à ce qui lui a été communiqué par son employeur. Comme je le mentionnerai plus loin dans la présente décision, l’engagement signé par la fonctionnaire lui indiquait clairement qu’elle n’aurait pas à rembourser l’indemnité de maternité si elle retournait au travail au plus tard le 21 novembre 2016. Évidemment, ce qui a concentré son attention sur cette communication contradictoire a été le recouvrement de sa rémunération le 14 décembre 2015. À ce moment-là, elle a consulté son agent négociateur. Je trouve que c’est une raison claire, logique et convaincante pour justifier son retard à se renseigner sur ses droits. En outre, une partie du retard peut être attribuée à la période des fêtes à la fin du mois de décembre. Cette circonstance a également contribué à expliquer les raisons claires, logiques et convaincantes d’au moins une partie du retard.

b. La durée du retard

[58] Les parties n’étaient pas d’accord sur la durée du retard. L’employeur est d’avis que le délai de dépôt d’un grief a commencé le 24 novembre 2016 (date de la réembauche de la fonctionnaire), tandis que l’agent négociateur (dans sa position subsidiaire) est d’avis qu’il a commencé le 14 décembre 2016 (date du recouvrement du trop-payé). J’ai déjà conclu que le délai avait commencé le 14 décembre 2016.

[59] Je conclus que la durée du retard n’était pas significative, puisque le grief a été déposé le 27 janvier 2017.

c. La diligence raisonnable de la fonctionnaire

[60] L’employeur a soutenu que la fonctionnaire n’a pas fait preuve de diligence raisonnable, puisqu’elle était au courant du trop-payé en novembre et qu’elle n’a soulevé aucune préoccupation avant la mi-décembre, date à laquelle elle n’a pas reçu sa paie. L’agent négociateur a soutenu qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable dès que le premier recouvrement de trop-payé a été effectué.

[61] Bien que la fonctionnaire ait été informée du trop-payé au début de novembre 2016 et des conséquences, notamment le fait qu’il serait récupéré de son premier chèque de paie, c’était dans le contexte de la confusion entourant les engagements antérieurs de l’employeur selon lesquels elle n’aurait pas à rembourser l’indemnité. J’ai aussi déjà conclu que le délai pour le dépôt du grief a commencé le 14 décembre 2016. La fonctionnaire a d’abord communiqué avec son agent négociateur peu de temps après cette date, faisant preuve de diligence raisonnable pour faire valoir ses droits par l’intermédiaire de son agent négociateur. Comme je l’ai également noté, une partie du retard est attribuable à la période des fêtes.

d. L’injustice causée à l’employée par rapport au préjudice que subit l’employeur

[62] L’agent négociateur a soutenu que la fonctionnaire subirait une injustice si le grief était rejeté pour une [traduction] « formalité ». Elle perdrait l’occasion de faire entendre son grief, ce qui pourrait l’empêcher d’obtenir une réparation qui, compte tenu de sa situation financière, n’est pas négligeable. L’agent négociateur a soutenu que l’employeur ne subissait pas de préjudice, puisque le grief a été déposé peu après l’expiration du délai.

[63] L’employeur a soutenu que cette question est théorique, puisque la fonctionnaire a eu l’occasion de faire entendre son grief sur le fond devant la Commission.

[64] L’employeur a fait valoir que les contribuables et lui-même avaient subi un préjudice, puisque trois ans s’étaient écoulés depuis que l’agent négociateur a déposé le grief en dehors du délai. L’employeur a soutenu qu’il a dépensé [traduction] « l’argent des contribuables » pour régler le grief. Il a également fait valoir que le temps a eu des conséquences sur la mémoire des témoins.

[65] L’argument de l’employeur concernant le préjudice n’est pas étayé par les faits. Le grief a été déposé en janvier 2017, dans le mois suivant l’expiration du délai. Les délais pour parvenir à une audience ne sont pas pertinents dans une demande de prorogation du délai; voir Safire c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2013 CRTFP 97.

[66] Bien que l’employeur ait raison de dire que la fonctionnaire a eu l’occasion de plaider le grief sur le fond, en l’absence d’une ordonnance prorogeant le délai, une telle audience ne peut pas donner lieu à une réparation. Dans la plupart des cas, les fonctionnaires déposent des griefs pour obtenir une réparation et pas seulement pour être entendus.

[67] Je n’accepte pas la suggestion de l’employeur selon laquelle la Commission, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devrait tenir compte du préjudice subi par les contribuables. Les conventions collectives sont conclues entre les employeurs et les agents négociateurs. Les contribuables ne sont pas parties à cette entente. Il est vrai que la plupart des activités de l’employeur sont financées par les impôts. Il est également possible que la dépense de ressources puisse être un facteur dans la détermination du préjudice subi par un employeur en raison de la prorogation d’un délai (lorsqu’il est confronté à un retard très long, par exemple). Toutefois, le fait que ces ressources de l’employeur soient financées par [traduction] « l’argent des contribuables » n’est pas un facteur pertinent pour déterminer le préjudice subi par l’employeur.

[68] En l’espèce, l’employeur ne subit pas de préjudice et une injustice risque d’être causée à la fonctionnaire si la prorogation n’est pas accordée.

e. Les chances de succès du grief

[69] Étant donné que l’audience a porté sur le fond du grief, ce facteur n’est pas pertinent.

f. L’évaluation des facteurs

[70] L’agent négociateur a soutenu que l’évaluation des facteurs justifiait l’octroi d’une prorogation. L’employeur a fait valoir qu’en l’absence d’une raison claire, logique et convaincante justifiant le retard, les autres facteurs sont peu pertinents (voir Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110; Lagacé c. Conseil du Trésor (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2011 CRTFP 68; Brassard c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 102; Bertrand c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 92; et Fontaine c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 39.

[71] En l’espèce, j’ai conclu qu’il y avait une raison claire, logique et convaincante justifiant le retard dans le dépôt d’un grief. J’estime, en tenant compte des facteurs, que la période relativement courte du délai, la diligence de la fonctionnaire après le premier paiement de recouvrement, l’absence de préjudice subi par l’employeur et l’injustice pouvant être causée à la fonctionnaire appuient une prorogation du délai dans la présente affaire.

[72] J’accorde donc la prorogation du délai.

V. Recouvrement du trop-payé de l’indemnité de maternité

A. Arguments

[73] Les parties ont présenté des arguments écrits que j’ai examinés. Je les ai résumés dans la présente section.

[74] L’agent négociateur a soutenu que les dispositions de la convention collective relatives à l’indemnité de maternité n’exigeaient pas que la fonctionnaire rembourse l’indemnité qu’elle a reçue. Subsidiairement, il a soutenu que l’employeur ne pouvait pas recouvrer un trop-payé en raison de la préclusion promissoire.

[75] L’employeur a soutenu que la disposition de la convention collective créait un trop-payé d’indemnités. Il a également soutenu que la fonctionnaire n’a pas établi l’existence d’une préclusion promissoire.

[76] Les parties ont reconnu les principes généraux de l’interprétation d’une convention collective, soit que le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, selon son sens grammatical et ordinaire, en conformité avec l’économie et l’objet de la convention et avec l’intention des parties (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e éd., au paragraphe 4:2100). On présume que les parties ont voulu les mots utilisés dans une convention, et ces mots doivent être interprétés dans leur sens ordinaire et simple, à moins qu’une telle interprétation ne soit susceptible de donner lieu à une absurdité ou ne soit incompatible avec l’ensemble de la convention collective.

[77] L’agent négociateur a soutenu que les anomalies ou les résultats irréfléchis ne suffisent pas à s’écarter du sens ordinaire des dispositions en cause (voir DHL Express (Canada) Ltd. v. CAW-Canada, Local 4215 (2004), 124 L.A.C. (4th) 271). L’agent négociateur a soutenu que la découverte d’une absurdité dépend d’exigences rigoureuses; elle exige que le décideur soit convaincu de l’application du sens clair des mots [traduction] « n’a pas d’utilité possible en matière de relations de travail » (voir Ontario Finnish Resthome Ass’n v. SEIU, Local 268, [2004] O.L.A.A. No. 371 (QL)).

[78] L’employeur a déclaré que le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour qu’un arbitre de grief en fasse abstraction si la disposition est clairement formulée (voir Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112).

[79] L’agent négociateur a soutenu que la décision de l’employeur de recouvrer le trop-payé contrevenait à la clause 38.02 de la convention collective. L’agent négociateur a déclaré que la fonctionnaire avait satisfait aux deux exigences du sous‑alinéa 38.02a)(ii) : elle a accepté de retourner au travail « à la date à laquelle son congé de maternité non payé prend fin à moins que l’Employeur ne consente à ce que la date de retour au travail soit modifiée par l’approbation d’un autre type de congé » et elle a travaillé pour une période égale à la période pendant laquelle elle a reçu l’indemnité de maternité. L’agent négociateur a soutenu que l’exigence de la convention collective a été remplie par l’engagement qu’elle a signé – lorsqu’elle a accepté de retourner au travail le 21 novembre 2016. Il a soutenu que les parties avaient convenu d’une date de retour précise, même si sa nomination pour une période déterminée devait se terminer le 31 mars 2017. Étant donné qu’elle s’est conformée aux conditions de l’engagement et aux dispositions de la convention collective, il n’y avait aucune obligation de remboursement.

[80] L’agent négociateur a fait remarquer que l’employeur avait accepté une date de retour en novembre 2016, plutôt que la date antérieure du 31 mars 2016. Aucun fondement de principe ne permettait à l’employeur de se soustraire aux conséquences de son accord ou de le déclarer invalide pour des raisons qui n’étaient pas expressément prévues dans l’engagement. L’agent négociateur a soutenu qu’il n’y avait aucune raison pour que la fonctionnaire croit que l’engagement serait en quelque sorte invalide si elle n’obtenait pas un contrat dans les 90 jours suivant la fin de son emploi pour une période déterminée, le 31 mars 2016.

[81] L’employeur a fait remarquer qu’au moment de la signature de l’engagement, la fonctionnaire était toujours une employée, raison pour laquelle elle avait le droit de demander le supplément de l’indemnité de maternité, à condition de satisfaire aux autres exigences, ce qu’elle a fait. Toutefois, le 31 mars 2016, lorsque son emploi pour une période déterminée a pris fin, la fonctionnaire a cessé d’être une employée de l’ARC. Cet événement a déclenché le délai de grâce de 90 jours stipulé à la clause 38.02a)(iii)(D)(iv). L’employeur a fait valoir que le délai de 90 jours s’était écoulé sans qu’un nouveau contrat soit conclu, et que, comme le stipulaient l’engagement et la convention collective, la fonctionnaire est devenue redevable à l’ARC du montant qu’elle avait reçu. L’employeur a également renvoyé à la remarque figurant dans l’engagement signé par la fonctionnaire, à savoir qu’il fallait s’assurer que la période d’emploi restante permettrait à l’employée de remplir son entente de retour au travail. L’employeur a soutenu que le fait que la fonctionnaire ait reçu une nouvelle nomination pour une période déterminée en novembre 2016 n’est pas pertinent. Il a soutenu que le seul contrat pertinent aurait été un contrat obtenu dans les 90 jours suivant le 31 mars 2016.

[82] L’agent négociateur a soutenu que la fonctionnaire s’était assurée que sa période d’emploi restante lui permettrait de respecter son entente de retour au travail, comme en témoigne l’engagement qu’elle a signé. L’interprétation de la clause 38.02 par l’employeur exige que l’on prétende que l’engagement n’existe pas ou qu’il énonce autre chose que ce qu’il dit.

[83] L’agent négociateur a soutenu que la fonctionnaire n’aurait peut-être pas su s’il y aurait eu du travail disponible à la date de retour indiquée dans l’engagement, mais qu’elle avait le droit de prendre ce risque. L’agent négociateur a fait valoir que lorsque la fonctionnaire a pu obtenir un emploi continu pour remplir son entente de retour au travail, l’employeur [traduction] « a modifié les objectifs pour lui nuire ». L’employeur a obtenu sa part de l’entente, mais ce n’était pas le cas de la fonctionnaire.

[84] Subsidiairement, l’agent négociateur a soutenu que l’employeur ne devrait pas avoir le droit de recouvrer l’indemnité de maternité. L’employeur a dit à la fonctionnaire qu’elle ne serait redevable que si elle ne revenait pas au travail à la date convenue. Il serait injuste de la part de l’ARC de revenir sur cette entente.

[85] L’agent négociateur a soutenu que les éléments de la préclusion sont présents en l’espèce : la déclaration dans l’engagement indiquait sans équivoque que si la fonctionnaire retournait au travail le 21 novembre 2016, elle n’aurait aucune obligation de remboursement. Aucun des renseignements qui lui ont été fournis au moment de la signature de l’engagement n’indiquait qu’il serait invalide si elle n’obtenait pas un contrat dans les 90 jours suivant le 31 mars 2016.

[86] L’agent négociateur a soutenu que la fonctionnaire n’avait d’autre choix que de conclure l’engagement pour obtenir son indemnité de maternité et qu’elle s’est appuyée sur la déclaration dans l’engagement selon laquelle elle n’aurait pas à rembourser l’indemnité si elle retournait au travail à la date convenue.

[87] L’employeur a soutenu que, pour que la préclusion s’applique, les parties à la convention collective doivent avoir fait une promesse et qu’en l’espèce, la fonctionnaire n’y est pas partie (voir Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93).

[88] L’employeur a soutenu que, subsidiairement, l’agent négociateur n’a pas établi toutes les exigences de la préclusion. L’employeur a fait valoir qu’il n’avait pas promis clairement et sans ambiguïté à la fonctionnaire qu’elle serait réembauchée avant le 21 novembre 2016, ni qu’il ne recouvrerait pas l’indemnité de maternité. Il a également soutenu qu’elle ne s’est pas fondée sur la promesse alléguée à son détriment. Rien ne l’obligeait à demander le supplément. Rien ne prouve que l’employeur ait influencé sa décision de demander l’indemnité. Il a fait valoir qu’elle aurait signé l’engagement de toute façon, en raison de sa situation financière. Il a également fait valoir que le fait d’éprouver des difficultés financières n’équivaut pas à une créance désavantageuse; voir Murchison c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 93.

[89] L’agent négociateur a fait valoir que la Commission a appliqué la préclusion dans des questions liées à la rémunération et qu’il ne devrait y avoir aucune controverse que cette préclusion puisse s’appliquer entre un employeur et un employé faisant partie d’une unité de négociation.

B. Motifs

[90] Je conclus que la fonctionnaire a établi l’existence d’une préclusion promissoire par l’employeur et le grief est accueilli pour ce motif.

[91] La convention collective et l’engagement signé par la fonctionnaire doivent être examinés ensemble pour déterminer son obligation de rembourser le paiement de l’indemnité de maternité.

[92] La fonctionnaire n’est pas retournée au travail le 21 novembre 2016 – la date de retour au travail prévue dans l’engagement. Cependant, son chef d’équipe a accepté qu’elle retourne au travail le 24 novembre 2016. Je conclus que cette entente constituait une modification de l’engagement visant à indiquer une date de retour au travail du 24 novembre 2016.

[93] Bien que la fonctionnaire ait signé un engagement quant à l’indemnité de maternité et l’indemnité parentale, les parties conviennent qu’elle n’a reçu que l’indemnité de maternité. La disposition relative à l’indemnité de maternité de la convention collective doit être interprétée conjointement avec la disposition relative au congé de maternité non payé de la convention collective. Le droit de recevoir une indemnité de maternité est subordonné à l’octroi d’un congé de maternité non payé à une employée. En l’espèce, la fonctionnaire a obtenu un congé de maternité non payé du 23 novembre 2015 jusqu’à la fin de sa nomination pour une période déterminée en mars 2016.

[94] La convention collective exige que, pour recevoir l’indemnité de maternité, l’employée consente (dans un engagement) à retourner au travail à la date d’expiration de son congé de maternité non payé, à moins qu’elle ne reçoive une autre forme de congé. La fonctionnaire était en congé de maternité jusqu’à la fin de sa période d’emploi. Elle n’a pas accepté de retourner au travail à la fin de son congé de maternité non payé. L’exception pertinente au retour au travail obligatoire à l’expiration du congé de maternité non payé est celle où l’ancienne employée est réembauchée dans les 90 jours suivant la fin de son mandat.

[95] La fonctionnaire n’a pas été réembauchée dans la période de 90 jours prévue par la convention collective. Elle n’a été réembauchée que le 24 novembre 2016, soit presque neuf mois après la fin de son emploi pour une période déterminée. Par conséquent, selon une lecture simple de la convention collective, elle était tenue de rembourser l’indemnité. Toutefois, l’engagement qu’elle a signé doit également être pris en considération.

[96] L’engagement est un accord type, obligeant les parties à remplir les espaces vides. Les signataires de l’engagement sont la fonctionnaire et la gestionnaire au nom de l’employeur. En signant l’engagement, la fonctionnaire et l’employeur ont convenu qu’il était conforme à la clause 38.02 de la convention collective. L’engagement n’est pas une entente autonome – elle doit être interprétée à la lumière de la clause 38.02. La partie de l’engagement suscitant la confusion se trouve dans sa deuxième clause, où la date à laquelle elle accepte de retourner au travail (le 21 novembre 2016) n’est pas conforme à la fin de son congé de maternité non payé, comme suit :

[Traduction]

Conformément aux clauses 38.02a)(iii)(A) et (B), je m’engage à retourner au travail pour l’ARC le 21 novembre 2016, à moins que cette date ne soit modifiée par l’approbation d’une autre forme de congé, et je travaillerai pendant une période égale à la période pendant laquelle j’ai reçu mon indemnité de maternité.

 

[97] La date de retour au travail utilisée dans l’engagement n’est pas conforme à la clause 38.02a)(iii)(A) de la convention collective. Cette clause de la convention collective exigeait que la fonctionnaire signe un engagement auprès de l’employeur indiquant qu’elle retournerait au travail à la date d’expiration de son congé de maternité non payé (à moins que cette date ne soit modifiée par une autre forme de congé approuvé ou dans les 90 jours suivant la fin de son mandat). Au moment de la signature de l’engagement, la date d’expiration de son congé de maternité non payé était le 31 mars 2016; toutefois, comme je l’ai mentionné, la date de retour au travail précisée dans l’engagement que la fonctionnaire a été invitée à signer était le 21 novembre 2016. La confusion a été aggravée par la clause suivante de l’engagement : [traduction] « Je reconnais que la division 38.02a)(iii)(C) de la convention collective laisse entendre que si je ne retourne pas au travail comme il est stipulé au paragraphe 2 ci-dessus, je serai redevable à l’ARC pour la période applicable ». La clause signifie que ce n’est que si la fonctionnaire n’avait pas repris le travail avant le 21 novembre 2016 (date [traduction] « stipulée » au paragraphe 2) qu’elle aurait été redevable de l’indemnité à l’ARC.

[98] Bien que l’engagement, tel qu’il a été signé, n’était pas conforme à la convention collective, cela ne met pas fin à la question. Je dois également tenir compte de l’argument de la fonctionnaire en faveur de la préclusion promissoire.

[99] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire a établi l’existence d’une préclusion promissoire. Les trois conditions qui doivent être remplies pour établir une prétention de préclusion ont été résumées de façon succincte dans Munroe c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 56 : « […] 1) une partie a transmis un message, soit en utilisant des mots, soit en affichant une certaine conduite; 2) l’autre partie était censée agir en réponse à cette communication; 3) l’autre partie s’est, dans les faits, fiée à la communication en question ». La représentation doit être claire et non équivoque, et elle doit s’accompagner d’une créance désavantageuse; voir Paquet c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (Bureau de la traduction)), 2016 CRTEFP 30.

[100] L’employeur a soutenu que la doctrine de la préclusion promissoire ne pouvait pas être appliquée en l’espèce, puisque la fonctionnaire n’était pas partie à la convention collective. Toutefois, la prétendue préclusion en l’espèce découle de la signature de l’engagement par la fonctionnaire. Par conséquent, la question de la préclusion peut être abordée.

[101] En l’espèce, l’employeur a bien fait une déclaration claire et non équivoque dans l’engagement selon laquelle si la travailleuse retournait au travail au plus tard le 21 novembre 2016, il ne recouvrerait pas l’indemnité. Malheureusement, aucun des témoins ne s’est rappelé ses conversations au sujet de l’indemnité de maternité. Il me reste donc la preuve documentaire. Je conclus que la preuve documentaire démontre qu’une déclaration claire et non équivoque a été faite selon laquelle l’indemnité de maternité ne serait pas recouvrée si la fonctionnaire retournait au travail en novembre 2016 et travaillait pour une période équivalente.

[102] La déclaration de l’employeur faisait partie de l’engagement, mais, dans ce contexte, il est important d’examiner certains des éléments de preuve documentaire qui ont conduit à la signature de l’engagement.

[103] La lettre initiale que la fonctionnaire a reçue le 10 novembre 2015, lorsqu’elle a demandé pour la première fois un congé de maternité, contenait le résumé inexact suivant des dispositions de la convention collective relatives à l’indemnité de maternité :

[Traduction]

[…]

3. Signer une entente avec l’employeur dans lequel vous prenez les engagements suivants :

• Vous consentez à retourner travailler pour l’ARC pour une période précisée dans votre entente d’engagement concernant le congé de maternité et le congé parental.

• Vous acceptez de rembourser un montant proportionnel de votre indemnité de maternité et indemnité parentale correspondant à la période où vous n’avez pas travaillé conformément à votre entente d’engagement concernant le congé de maternité et le congé parental et à votre engagement de retourner au travail pour l’ARC pour la période minimale décrite au paragraphe précédent […]

Remarque : Les employés nommés pour une période déterminée ont droit à des indemnités équivalant à la durée de leur contrat, mais ils ont le choix d’obtenir des indemnités de maternité et des indemnités parentales, étant entendu que si leur mandat n’est pas renouvelé, le trop-payé doit être recouvré.

[Je mets en évidence]

 

[104] La lettre est inexacte parce qu’elle n’indique pas qu’une employée devait accepter de retourner au travail à l’expiration de son congé de maternité non payé (tel qu’il est énoncé dans la convention collective) – elle indique que la date de retour au travail est celle qui est énoncée dans l’engagement. La date indiquée dans l’engagement signé était le 21 novembre 2016.

[105] La lettre est également ambiguë parce que l’indemnité de maternité de 18 semaines de la fonctionnaire a coïncidé avec le nombre de semaines de congé de maternité prises de novembre 2015 jusqu’à la fin de la période de son emploi en mars 2016, comme l’exige apparemment la remarque à la fin de la lettre.

[106] Les notes de l’agent de la rémunération tirées de la conversation du 15 décembre 2015 font également état de renseignements trompeurs qui ont été fournis à la fonctionnaire. La fonctionnaire a été informée qu’elle pouvait retourner au travail 52 semaines après la naissance de son enfant.

[107] L’engagement a été signé par la fonctionnaire et un représentant de la direction. Dans cet engagement, la fonctionnaire s’est engagée à [traduction] « retourner au travail pour l’ARC le 21 novembre 2016 ». Elle a également reconnu que si elle ne [traduction] « retourne pas au travail comme il est stipulé », elle serait redevable à l’ARC pour la période applicable. L’expression [traduction] « comme il est stipulé » est une référence directe à la date du 21 novembre 2016. Il s’agit d’un engagement clair à l’égard d’une date de retour au travail et d’une reconnaissance que si elle ne revenait pas d’ici cette date, elle devrait rembourser l’indemnité de maternité.

[108] À la lumière de l’engagement clair de la fonctionnaire et de l’employeur à l’égard d’un retour au travail le 21 novembre 2016, la remarque dans l’engagement selon laquelle une employée nommée pour une période déterminée devrait s’assurer que sa période d’emploi restante lui permettra de respecter l’entente de retour au travail est ambiguë. On pourrait l’interpréter comme faisant référence au temps qu’elle aurait à travailler après son retour le 21 novembre 2016.

[109] Étant donné la déclaration de l’employeur au sujet de la date de retour au travail et l’affirmation selon laquelle elle n’aurait pas à rembourser l’indemnité si elle revenait à cette date et travaillait pour une période équivalente, je conclus que la représentation était destinée à être suivie par la fonctionnaire. La preuve démontre également que la fonctionnaire s’est fondée sur cette déclaration – elle a accepté l’indemnité et a été surprise du recouvrement. Elle n’a pas non plus cherché à obtenir une nomination antérieure qui aurait pu éliminer l’obligation de remboursement. L’employeur a soutenu que la doctrine de la préclusion ne peut pas être utilisée systématiquement pour remédier à tout ce qui semble injuste, en s’appuyant sur Paquet. Je suis d’accord pour dire que la préclusion ne devrait pas être utilisée simplement pour remédier à une injustice. Toutefois, dans Paquet, la commissaire a noté que la véritable idée qui sous-tend le principe de la préclusion est (au paragraphe 47) :

[…] qu’une partie ne peut sciemment, par ses agissements, amener l’autre partie à croire qu’elle n’exercera pas un droit donné de façon à la tromper. La préclusion est en fait un principe qui empêche une partie qui, en toute connaissance de cause, donne à l’autre partie un sentiment de sécurité quant à une interprétation ou une pratique données mais qui exige par la suite, lorsque l’autre partie n’est plus en mesure de négocier, l’application correcte de cette clause ou pratique […]

 

[110] En l’espèce, l’employeur a sciemment donné à la fonctionnaire un « sentiment de sécurité » quant à la date de retour au travail.

[111] Je conclus également que le fait que la fonctionnaire s’est fiée à la promesse lui a été préjudiciable.

[112] L’employeur a invoqué Murchison pour justifier sa position selon laquelle des difficultés financières ne sont pas préjudiciables. Murchison portait sur des crédits de congé annuel en trop. En accueillant le grief, l’arbitre de grief n’a pas invoqué la préclusion, mais un exercice déraisonnable des droits de la direction. Il a formulé le commentaire suivant au sujet des difficultés financières et de la créance désavantageuse dans les cas de trop-payé :

[…] Éprouver des difficultés financières n’équivaut pas à une créance désavantageuse. La créance désavantageuse existe au moment de l’erreur et découle du fait que le ou la fonctionnaire s’estimant lésé se fonde sur la déclaration ou sur l’erreur de l’employeur et contracte une dette ou agit d’une façon indiquant qu’il ou elle s’est fié à la parole ou à l’erreur de l’employeur à son détriment. Les difficultés financières découlent par contre de la découverte de l’erreur et de la demande de l’employeur qui s’ensuit de rembourser ce qui a été reçu à cause d’une erreur. Par conséquent, la doctrine de préclusion, telle qu’elle a typiquement été appliquée dans les cas d’argent payé en trop, ne peut pas être invoquée par la fonctionnaire comme fondement de son grief.

 

[113] En l’espèce, la créance désavantageuse de la fonctionnaire s’est manifestée au moment de l’erreur et dans les semaines qui ont suivi, lorsqu’elle a agi d’une manière qui montrait qu’elle s’appuyait sur la parole de l’employeur. Si la date de retour au travail stipulée dans l’engagement avait été la fin de son congé de maternité (le 31 mars 2016), comme l’exige la convention collective, elle aurait su que si elle n’était pas réembauchée dans les 90 jours suivant le 31 mars 2016, elle serait tenue de rembourser l’indemnité de maternité. Toutefois, la déclaration sur laquelle elle s’est appuyée était que si elle retournait au travail au plus tard le 21 novembre 2016, elle n’aurait pas à rembourser ce montant. Si la déclaration n’avait pas été faite, elle aurait pu raccourcir son congé de maternité et retourner au travail plus tôt ou demander une autre nomination pour une période déterminée et demander un congé parental non payé. M. Galera l’a reconnu dans son courriel du 11 janvier 2017, dans lequel il a déclaré que [traduction] « [l]a seule façon pour l’employée de rester en congé de maternité ou en congé parental avec l’ARC est que son contrat soit prolongé et/ou qu’elle obtienne un nouveau contrat dans les 90 jours, nous la remettrions donc en congé de maternité ou en congé parental non payé ». Au lieu de cela, elle s’est appuyée sur déclaration selon laquelle elle n’aurait pas à rembourser l’indemnité si elle retournait au travail à la date prévue (et accomplissait une période d’emploi équivalant à la période pendant laquelle elle a reçu l’indemnité de maternité).

[114] Par conséquent, je conclus que l’employeur ne pouvait pas recouvrer l’indemnité de maternité.

[115] La fonctionnaire a demandé que j’ordonne à l’employeur de lui rembourser le montant recouvré (6 148,68 $), avec intérêt. Elle m’a également demandé de rester saisi de l’affaire pour régler toute question découlant de la mise en œuvre de cette décision.

[116] Comme j’ai accueilli le grief, l’employeur est tenu de rembourser le montant de 6 148,68 $ qu’il a recouvré auprès de la fonctionnaire.

[117] L’alinéa 226(2)c) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral permet à la Commission d’accorder des intérêts uniquement dans le cas de grief portant sur le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Par conséquent, je n’ai pas le pouvoir d’accorder des intérêts.

[118] Étant donné que le paiement du montant dû est une transaction simple, je refuse de conserver ma compétence sur la mise en œuvre de la mesure corrective accordée.

[119] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[120] Le grief est accueilli.

[121] L’employeur est tenu de verser à la fonctionnaire le montant de 6 148,68 $ dans les 90 jours suivant la date de la présente décision.

Le 19 mars 2021.

(Traduction de la CRTESPF)

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des relations de travail et

de l’emploi dans le secteur public fédéral

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