Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé était un agent correctionnel – il a été licencié pour avoir consommé et caché de l’alcool pendant son service, ainsi que pour avoir nui à une enquête portant sur ces allégations – au début de l’audience, le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu avoir transporté et consommé de l’alcool pendant qu’il conduisait un véhicule du Service correctionnel du Canada sur les routes publiques – il a soutenu qu’il avait nié antérieurement les allégations en raison d’un milieu de travail négatif, d’un supposé gestionnaire zélé à l’excès et d’une culture de mesures disciplinaires excessives en milieu de travail – la Commission n’a entendu aucun élément de preuve portant sur les mesures disciplinaires excessives – le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que des facteurs atténuants devraient être pris en considération et qu’ils devraient permettre de conclure que son licenciement était excessif et qu’une sanction moindre devrait être imposée – l’employeur a soutenu que le licenciement était approprié, car les actes du fonctionnaire s'estimant lésé ont donné lieu à un incident très grave – il n’y avait aucun poste d’agent correctionnel inférieur à celui du fonctionnaire s'estimant lésé auquel il aurait pu être rétrogradé – la Commission a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait enfreint la politique sur le milieu de travail – il a mis en péril sa sécurité et la sécurité d’autrui lorsqu’il a apporté de l’alcool au travail, lorsqu’il l’a consommé pendant qu’il portait une arme de poing et lorsqu’il a fourni de l’alcool à un collègue armé – le fonctionnaire s'estimant lésé a nui à l’enquête demandée par son employeur et l’a entravée – même si le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire antérieure, il n’était pas un employé de longue date – la malhonnêteté dans le cadre d’une enquête constitue une faute professionnelle grave – malgré de multiples occasions de reconnaître les allégations, il les a niées à maintes reprises et a remis en question l’intégrité des autres – le fait que la mesure disciplinaire a des répercussions financières sur un employé n’exige pas en soi que le décideur réintègre cet employé dans ses fonctions.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20210330

Dossier: 566-02-14412

 

Référence: 2021 CRTESPF 32

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

Joshua Ewart-Wilson

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Ewart-Wilson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Darryl Korell, avocat

Pour le défendeur : Richard Fader, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence à Ottawa (Ontario),

les 15, 16 et 21 octobre 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Joshua Ewart-Wilson, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), travaillait pour le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et occupait un poste d’agent correctionnel classifié au groupe et au niveau CX-01 auprès du Service correctionnel du Canada (SCC), à l’Établissement de Joyceville (« Joyceville » ou l’« Établissement »), à Kingston (Ontario). Dans une lettre du 7 juin 2017 (la « lettre de licenciement »), le fonctionnaire a été licencié, à compter de ce même jour.

[2] La lettre de licenciement portait le nom de la directrice, Julie Blasko, quoique signée par quelqu’un d’autre en son nom. Mme Blasko a témoigné qu’elle avait pris la décision de licencier le fonctionnaire et qu’elle avait rédigé la lettre de licenciement, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à l’enquête disciplinaire tenue le 12 décembre 2016 afin d’examiner des allégations selon lesquelles vous auriez dissimulé et consommé de l’alcool pendant que vous étiez de service dans un véhicule d’escorte du Service correctionnel du Canada conduit sur les routes publiques le 21 novembre 2016.

L’affaire a maintenant fait l’objet d’une enquête, dont le rapport final vous a été présenté le 7 avril 2017 ou vers cette date. Vous avez eu l’occasion d’examiner les renseignements et les éléments de preuve présentés dans les conclusions du rapport, avant l’audience disciplinaire, qui a été menée le 25 avril 2017 en présence du représentant de votre choix.

Après avoir examiné attentivement les renseignements et les circonstances qui m’ont été présentés et, selon la prépondérance des probabilités, j’ai conclu que vous avez enfreint les dispositions suivantes des Règles de conduite professionnelle et du Code de discipline :

Règle Un – Responsabilité dans l’exécution des tâches

• Refuse de témoigner ou de présenter des preuves lors d’une enquête effectuée selon les lois du Parlement ou lors de toute enquête officielle que prévoit la Directive du commissaire sur les enquêtes;

• Omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

• Omet de signaler à un supérieur tout objet interdit trouvé en la possession d’un autre employé, d’un détenu ou d’un membre du public;

• Exerce ses fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, met en danger un autre employé du Service ou une autre personne quelconque ou cause des blessures ou la mort.

Règle 2 – Conduite et apparence

• Présente une apparence et/ou un comportement indigne d’un employé du Service lorsqu’il est de service ou en uniforme;

• Se conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le Service, qu’il soit de service ou non;

• Consomme de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes pendant qu’il est de service;

• Se présente au travail en état d’ébriété ou inapte à remplir ses fonctions parce qu’il a consommé de la drogue ou de l’alcool.

Règle 3 – Relations avec les autres employés

• Entrave le travail d’autres employés.

Étant donné la nature et la gravité de cette inconduite, je ne puis que conclure que le lien de confiance fondamental à la relation d’emploi a été irrémédiablement rompu. Qui plus est, votre conduite est incompatible avec celles attendues d’un agent correctionnel du Service correctionnel du Canada. Pour en arriver à ma décision, j’ai tenu dûment compte de votre dossier disciplinaire vierge et de la durée de votre service. J’ai également tenu compte du fait que vous avez omis de donner des renseignements sur les événements survenus le 21 novembre 2016, de votre collusion avec d’autres employés dans une tentative apparente de dissimuler les événements survenus le 21 novembre 2016 et du récit inexact des événements que vous avez fait tout au long du processus disciplinaire. J’ai aussi tenu compte du fait que vous n’avez montré aucun remords pour les gestes que vous avez posés.

[…]

 

[3] Le 16 juin 2017, le fonctionnaire a contesté le licenciement et présenté son grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 15 juillet 2019, l’employeur a rejeté le grief. Le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») pour arbitrage.

[4] Au début de l’audience, le fonctionnaire a avoué avoir transporté et consommé de l’alcool pendant qu’il était de service en tant que CX-01 dans un véhicule du SCC qui circulait sur des voies publiques le 21 novembre 2016.

[5] Les parties ont demandé que l’audience soit scindée et qu’elle ne porte que sur la question initiale de savoir si le licenciement constituait une sanction excessive. J’ai accepté cette demande conjointe. La présente décision se limitera à trancher cette question.

II. Résumé de la preuve

A. Contexte

[6] Joyceville est un pénitencier à sécurité moyenne pour hommes situé sur des terres de la réserve fédérale au nord-est de Kingston, le long du réseau de la rivière Rideau. On trouve aussi un pénitencier à sécurité minimale pour hommes sur ces terres de la réserve fédérale.

[7] Selon les éléments de preuve présentés, Joyceville possède au moins deux entrées : une entrée principale, par laquelle la plupart du trafic pédestre arrive, et une deuxième entrée, désignée seulement en tant qu’« entrée des véhicules » (une deuxième entrée qui n’est pas utilisée par le public). L’accès par l’entrée principale est strictement contrôlé. Entre autres mesures de sécurité, on utilisait et on utilise de l’équipement afin de vérifier le contenu de sacs et de paquets, ce qui permet de détecter des objets métalliques dissimulés dans des sacs ou dans des contenants. Toujours selon les éléments de preuve présentés, en cas de question sur le contenu d’un sac ou d’un contenant, les CX qui travaillent au poste de l’entrée principale peuvent effectuer une fouille physique afin de le déterminer.

[8] L’Établissement de Millhaven (« Millhaven ») est un pénitencier à sécurité maximale pour hommes situé sur des terres de la réserve fédérale (la « réserve Millhaven ») au sud‑ouest de Kingston, sur le bord du lac Ontario. On trouve sur ces mêmes terres de la réserve fédérale un pénitencier à sécurité moyenne pour hommes et un hôpital régional (l’« hôpital du SCC »). À cet hôpital, on soigne des détenus souffrant de problèmes de santé qui dépassent les capacités de l’établissement où ils sont hébergés, mais qui n’exige pas un traitement dans un établissement extérieur au système pénal.

[9] Le fonctionnaire a commencé sa carrière en tant que CX-01 à temps plein en novembre ou en décembre 2010 à Joyceville. Il a uniquement travaillé à cet établissement tout au long de son emploi au SCC. Il était âgé de 32 ans au moment où les événements qui ont mené au grief sont survenus.

[10] À l’audience, Julie Blasko avait pris sa retraite du SCC. En ce qui concerne les événements pertinents au présent grief, elle était directrice de Joyceville. Elle a commencé sa carrière au SCC en 1988, où elle a occupé plusieurs postes différents avant d’être nommée directrice, en 2007.

[11] À l’audience, Jack Coimbra était directeur adjoint à l’Établissement de Collins Bay (« Collins Bay »), un établissement à sécurité moyenne pour hommes, également situé à Kingston. Il occupait ce poste depuis un an et demi environ. Avant cela, et au moment où les événements pertinents à ce grief sont survenus, il était directeur adjoint, Opérations (DAO) à Joyceville. Il a commencé sa carrière au SCC en 1995 en tant que CX-01 à Millhaven. Le DAO est responsable de toutes les questions liées à la sécurité dans un établissement, ainsi qu’aux admissions, aux escortes et à la routine là-bas. Tous les CX et les gestionnaires correctionnels relèvent de lui par l’intermédiaire de la chaîne de commandement.

[12] Au moment où les événements pertinents à ce grief sont survenus, Lorrie Oddie était directrice ajointe des Services de gestion (DASG) à Joyceville. Elle a commencé sa carrière au SCC en 1990 au pénitencier de Kingston et a occupé différents postes à différents endroits pour le SCC. Elle est devenue DASG à Joyceville en 2010. Le DASG est responsable de superviser la prestation de services aux détenus et au personnel d’un établissement, ce qui comprend, sans toutefois s’y limiter, la nourriture, les finances, l’administration et la gestion du matériel, ce qui comprend les bâtiments, l’équipement et les véhicules. Le DASG rend compte directement au directeur.

[13] À l’audience, Cathy Boyce avait pris sa retraite du SCC. Au moment où les événements pertinents à ce grief sont survenus, elle était chef de la gestion du matériel (CGM) à Joyceville. Elle a commencé sa carrière au SCC en 1992 et est devenue CGM à Joyceville en 2015. Le CGM est responsable de la zone de l’approvisionnement, qui comprend un entrepôt, les marchandises et les véhicules, les messagers et les conducteurs. Le CGM rend compte au DASG.

[14] À l’audience, et depuis 2018, Bryan Leeman était le gestionnaire correctionnel des opérations à Joyceville. En novembre 2016, il était gestionnaire correctionnel de l’unité d’isolement à Joyceville. Il a commencé sa carrière au SCC en 1981 en tant que CX-01 à Collins Bay.

[15] Le SCC utilise des fourgons grand volume spécialement adaptés pour transporter des détenus. Ils sont dotés d’un compartiment à l’avant, ainsi que d’un siège avant et d’un siège arrière. Derrière le siège arrière, on trouve un compartiment isolé, fermé et bloqué pour les détenus. Les conducteurs de fourgon ne sont pas des CX, mais des employés qui travaillent dans les magasins ou dans la zone d’entreposage. Ils appartiennent à une unité de négociation différente et rendent compte au CGM (aux moments pertinents, il s’agissait de Mme Boyce).

[16] Mesdames Blasko, Oddie et Boyce, ainsi que MM. Coimbra et Leeman, ont témoigné au nom de l’employeur. Le fonctionnaire a témoigné en son nom.

[17] Les évaluations du rendement du fonctionnaire pour les cycles de rendement suivants ont été déposées en preuve :

• Du 3 mars 2011 au 3 janvier 2012;

• Du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012;

• Du 1er octobre 2012 au 31 mars 2014;

• Du 1er avril 2016 au 31 mars 2017.

[18] Toutes les évaluations du rendement du fonctionnaire indiquaient qu’il était sur la bonne voie pour le respect des attentes ou qu’il avait atteint les attentes. Il n’y avait aucune preuve de problèmes de rendement. Aucun acte d’inconduite et aucune mesure disciplinaire n’étaient consignés à son dossier.

B. Les directives du commissaire pertinentes, les Règles de conduite professionnelle et la description d’emploi du CX-01

[19] Un exemplaire de la Directive du commissaire (DC) 060, le Code de discipline (le « Code »), qui était en vigueur au moment de l’inconduite et de la mesure disciplinaire, a été déposé en preuve. Ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

OBJECTIF DE LA POLITIQUE

1. Établir des normes de conduite rigoureuses pour les employés du Service.

RESPONSABILITÉS GÉNÉRALES

[…]

3. Il incombe aux employés du Service de respecter les Règles de conduite professionnelle. Des règles de conduite professionnelle découle un certain nombre de règles précises que doivent observer les employés du Service correctionnel du Canada. Une liste d’exemples d’infractions est présentée sous chaque règle précise. Ces listes ne sont pas exhaustives.

4. On s’attend aussi à ce que chacun des employés du Service connaisse et respecte les lois, règlements et politiques auxquels est assujetti le personnel du SCC ainsi que les instructions et directives du Service. On s’attend aussi à ce que chacun des employés du SCC connaisse et respecte les lois, les règlements et les politiques auxquels il est assujetti ainsi que les instructions et les directives du SCC.

RÈGLES DE CONDUITE PROFESSIONNELLE

Responsabilité dans l’exécution des tâches

4.

5. Les employés doivent avoir une conduite qui rejaillit positivement sur la fonction publique du Canada, en travaillant ensemble pour atteindre les objectifs du Service correctionnel du Canada. Ils s’acquitteront de leurs tâches avec diligence et compétence, et en ayant soin de respecter les valeurs et les principes décrits dans le document sur la Mission, ainsi que les politiques et procédures établies dans la législation, les directives, les guides et autres documents officiels. Les employés sont obligés de suivre les instructions de leurs superviseurs et de tout autre employé responsable du lieu de travail. Ils doivent également servir le public avec professionnalisme, courtoisie et promptitude.

Infractions

5.

6. Commet une infraction l’employé qui :

a. omet de consigner ses présences ou celles d’un autre employé, ou les consigne de façon frauduleuse;

b. se présente en retard au travail ou ne s’y présente pas, ou quitte son lieu de travail sans autorisation;

c. cherche à obtenir, ou obtient, frauduleusement les documents nécessaires pour recevoir l’approbation d’un congé;

d. refuse de témoigner ou de présenter des preuves lors d’une enquête effectuée selon les lois du Parlement ou lors de toute enquête officielle que prévoit la Directive du commissaire 041 - Enquêtes sur les incidents, ou fait obstruction à ladite enquête, ou nuit à son déroulement de toute autre façon;

[…]

f. omet de prendre les mesures voulues ou néglige ses fonctions d’agent de la paix d’autres façons;

g. omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions;

[…]

j. volontairement ou par négligence, fait ou signe une fausse déclaration ayant trait à l’exercice de ses fonctions;

[…]

l. omet de signaler à un supérieur tout objet interdit trouvé en la possession d’un autre employé, d’un délinquant ou d’un membre du public;

m. exerce ses fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, met en danger un autre employé du Service ou une autre personne quelconque ou cause des blessures ou la mort; []

[…]

Conduite et apparence

6.

7. Le comportement des employés, qu’ils soient de service ou non, doit faire honneur au Service correctionnel du Canada et à la fonction publique. Tous les employés doivent se comporter d’une façon qui projette une bonne image professionnelle, tant par leurs paroles que par leurs actes. De même, lorsqu’ils sont de service, leur apparence et leurs vêtements doivent refléter leur professionnalisme et être conformes aux normes de santé et de sécurité au travail.

Infractions

7.

8. Commet une infraction l’employé qui :

a. présente une apparence et/ou un comportement indigne d’un employé du Service lorsqu’il est de service ou en uniforme;

[…]

c. se conduit d’une manière susceptible de ternir l’image du Service, qu’il soit de service ou non;

[…]

g. consomme de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes pendant qu’il est de service;

h. se présente au travail en état d’ébriété ou inapte à remplir ses fonctions parce qu’il a consommé de la drogue ou de l’alcool; […]

[…]

ANNEXE A […] - SIGNALEMENT DE CAS DE MAUVAIS TRAITEMENTS, DE HARCÈLEMENT OU DE DISCRIMINATION DE LA PART DU PERSONNEL À L’ENDROIT DE DÉLINQUANTS […]

RESPONSABILITÉS

Tous les employés du SCC ont l’obligation de signaler toute situation où ils croient qu’un délinquant fait l’objet de mauvais traitements, de harcèlement ou de discrimination de la part d’un membre du personnel.

Il incombe aux directeurs d’établissement/de district de résoudre toute situation de mauvais traitements, de harcèlement ou de discrimination portée à leur attention, qu’une plainte ou un grief ait été déposé ou non, et de prendre immédiatement des mesures correctives appropriées.

[…]

Tenue d’un examen des faits/d’une enquête

Lorsque le directeur de l’établissement/du district décide d’ordonner la tenue d’un examen des faits/d’une enquête, il définira le mandat du ou des enquêteurs. Il veillera aussi à ce que les personnes menant l’examen des faits/enquête soient adéquatement formées sur le sujet en litige (p. ex. les différences socio-culturelles entre les deux sexes, la diversité), qu’elles soient impartiales, n’aient aucune relation de supervision avec les parties en cause et ne soient pas en situation de conflit d’intérêt. Il doit y avoir au moins un enquêteur qui ne relève pas du directeur de l’établissement/du district.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[20] Un exemplaire des Règles de conduite professionnelle (les « Règles »), qui était en vigueur au moment des faits qui ont donné lieu à la mesure disciplinaire, a été déposé en preuve. Les parties pertinentes de ce rapport indiquent ce qui suit :

[…]

Règles de conduite professionnelle

1. RÈGLE UNE

RESPONSABILITÉ DANS L’EXÉCUTION DES TÂCHES

Les employés doivent avoir une conduite qui rejaillit positivement sur la fonction publique du Canada, en travaillant ensemble pour atteindre les objectifs du SCC. Ils s’acquitteront de leurs tâches avec diligence et compétence, et en ayant soin de respecter les valeurs et les principes décrits dans le document sur la Mission, ainsi que les politiques et procédures établies dans la législation, les directives, les guides et autres documents officiels.

[…]

2. RÈGLE DEUX

CONDUITE ET APPARENCE

Le comportement des employés, qu’ils soient de service ou non, doit faire honneur au Service correctionnel du Canada et à la fonction publique. Tous les employés doivent se comporter d’une façon qui projette une bonne image professionnelle, tant par leurs paroles que par leurs actes. De même, lorsqu’ils sont de service, leur apparence et leurs vêtements doivent refléter leur professionnalisme et être conformes aux normes de santé et de sécurité au travail.

[…]

3. RÈGLE TROIS

RELATIONS AVEC LES AUTRES EMPLOYÉS

Les relations avec les autres employés doivent favoriser le respect mutuel au sein du Service correctionnel du Canada et améliorer la qualité des services. Les employés sont tenus de contribuer à la création d’un milieu de travail sain, sûr et sécuritaire, exempt de harcèlement et de discrimination.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[21] La description d’emploi d’un CX-01 a été déposée en preuve. Ses parties pertinentes se lisent comme suit :

[Traduction]

Résultats axés sur le service à la clientèle […]

Opérations correctionnelles liées à la sécurité et à la protection du public, du personnel, des détenus et de l’établissement, ainsi que la supervision fonctionnelle des activités menées pour le Service correctionnel du Canada (SCC).

Activités principales […]

Superviser, contrôler et surveiller les déplacements et les activités des détenus à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement; effectuer des dénombrements et des patrouilles.

Effectuer les vérifications de sécurité et les fouilles des unités résidentielles, des installations physiques, des bâtiments, des véhicules, des détenus, des autres personnes et de leurs effets personnels ainsi que de tout autre endroit où peuvent se trouver des objets interdits.

Surveiller les déplacements et les activités des visiteurs et des entrepreneurs civils, ainsi que les activités et les événements sociaux à l’établissement et sur la réserve pénitentiaire.

Participer, en tant que membre de l’équipe de l’unité correctionnelle, à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes de l’unité, et formuler des commentaires à cet égard.

Fournir du mentorat et de l’encadrement en cours d’emploi aux agents correctionnels au niveau d’entrée et aux étudiants en stage.

Faire preuve de professionnalisme dans l’exercice des fonctions de sécurité afin de présenter un exemple comportemental positif aux détenus et favoriser un environnement contribuant au perfectionnement des compétences nécessaires à la vie courante.

Dans le cadre des fonctions, encourager les détenus à participer aux programmes de réinsertion.

Consigner les observations sur les déplacements et le comportement des détenus dans des registres des activités précis afin de tenir les superviseurs informés.

Participer à des escortes et à des transferts de détenus en dehors de l’établissement.

Saisir et consigner les objets interdits aux fins de sécurité.

Pratiquer la réanimation cardiopulmonaire (RCP) en réponse aux urgences médicales et prêter une aide et un soutien immédiats, une fois que le secteur est sécurisé, aux parties blessées, au besoin. Le ou la titulaire peut également devoir utiliser l’appareil respiratoire autonome pour secourir des personnes dans des endroits enfumés.

Le titulaire détient le statut d’agent de la paix.

[…]

Responsabilité […]

[…]

2) Bien-être d’autrui

Escorter les détenus à l’extérieur de l’établissement, en prenant des mesures de sécurité appropriée afin de garantir la sécurité du public, du personnel et des détenus.

Garantir la sûreté et la sécurité du public, du personnel et des détenus en menant des fouilles pour détecter des articles interdits, en surveillant la sécurité physique (p. ex., vérifier les outils, l’équipement et les verrous), en surveillant les activités des détenus et en évaluant le comportement et l’attitude de détenus ou de groupes de détenus particuliers. Cela comprend la prévention de disputes entre les détenus, le personnel ou le public, ou l’intervention active en cas de disputes, ce qui peut comprendre des tactiques visant à intimider le personnel.

Intervenir s’il y a lieu afin de réduire la probabilité de mêlée, d’intimidation ou de préjudices possible à la suite du comportement et des gestes des détenus.

Intervenir afin de prévenir ou de désamorcer la violence et de protéger le public, le personnel et les détenus. Recourir à l’intervention la plus sécuritaire et la plus raisonnable possible, conformément au modèle de gestion de crise approuvé, afin de calmer, de retenir et de contrôler les détenus qui agissent de façon violente ou menaçante.

S’il y a lieu, administrer les premiers soins ou la RCP ou utiliser l’appareil respiratoire autonome pour secourir des personnes dans des endroits enfumés.

Encourager les détenus à participer aux programmes de réinsertion.

Prêter une aide et un soutien aux parties blessées, dès que le secteur est sécurisé.

Traiter les demandes des détenus au cas par cas, conformément aux lois et politiques.

[…]

6) Surveillance de la conformité

Exécuter des fonctions liées à la sécurité afin d’assurer la conformité à l’ensemble des lois, règlements et politiques applicables.

Conformément aux exigences associées à la désignation d’agent de la paix, s’assurer que les détenus se conforment aux règles et règlements du SCC. Le titulaire peut prendre des mesures administratives pour les infractions mineures et recommander une mesure disciplinaire pour les infractions graves signalées. S’il est témoin d’une infraction commise par un détenu, s’acquitter de l’obligation d’agir, conformément à l’article 10 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et à l’article 2 du Code criminel. Recourir à l’intervention la plus sécuritaire et la plus raisonnable possible afin de prévenir ou de contrer, conformément au modèle de gestion de crise approuvé, les agressions, les émeutes ou les tentatives de fuite des détenus.

[…]

 

[22] Un exemplaire de la Directive du commissaire 566-6, Escortes de sécurité, qui était en vigueur le 21 novembre 2016, a été déposé en preuve. Elle contient une disposition qui indique que le code routier provincial doit être respecté pendant l’escorte de sécurité d’un détenu.

C. Faits non contestés liés au 21 novembre 2016 (l’« incident du 21 novembre »)

[23] Le 21 novembre 2016, le fonctionnaire devait travailler un quart de nuit (de 14 h à 23 h). Sur l’horaire de rotation, on indiquait qu’il occupait un poste de remplacement, ce qui signifie qu’il n’était pas affecté à un poste ou à un endroit précis, mais qu’on lui en assignerait un à son arrivée. Avant le but de son quart de travail, un détenu, identifié sous le nom de « détenu A » aux fins de la présente décision, avait été transporté à l’hôpital général de Kingston (HGK) aux fins de traitement et s’y trouvait toujours avec les CX qui l’avaient escorté. Les détails exacts entourant le transport et le séjour à l’hôpital ne sont pas pertinents au grief ou à la présente décision. Une fois que le détenu A a obtenu son congé de l’hôpital, en vertu du protocole, il devait être transporté à l’hôpital du SCC sur la réserve Millhaven, et pas à Joyceville.

[24] Quand le fonctionnaire s’est présenté à son quart de travail, à 14 h, un autre CX-1, « Mme B » (les noms de certaines personnes impliquées dans les événements en question ont été anonymisés dans cette décision), et lui, se sont vus confier la tâche de prendre la relève de l’escorte qui se trouvait déjà à l’HGK et de continuer d’escorter le détenu A. Ils devaient notamment demeurer avec lui à l’HGK jusqu’à ce qu’il obtienne son congé et l’accompagner dans le fourgon du SCC à l’hôpital du SCC, après quoi ils devaient retourner à Joyceville et terminer leur quart.

[25] Selon la preuve, les CX devaient être armés pour l’escorte en question, ce qui signifie que l’on a remis au fonctionnaire et à Mme B chacun un pistolet de 9 mm et des munitions. Une fois qu’ils ont eu tout ce dont ils avaient besoin pour l’escorte, ils ont quitté Joyceville et se sont rendus à l’HGK. Selon la preuve, en vertu du protocole régulier, les CX doivent récupérer leur équipement, y compris les armes, et rencontrer le conducteur au fourgon. Toutefois, les détails entourant le déroulement des événements ne m’ont pas été présentés. En particulier, j’ignore s’ils sont survenus à l’intérieur des murs ou de la clôture de Joyceville ou à peine sur le terrain de la réserve, à l’extérieur du périmètre sécurisé.

[26] À un moment donné, à la fin de l’après-midi ou au début de la soirée, le détenu A a obtenu son congé de l’HGK et le fonctionnaire et Mme B l’ont escorté dans le fourgon du SCC vers l’hôpital du SCC dans la réserve de Millhaven. Par la suite, ils sont retournés, avec « M. C », à Joyceville, où ils ont terminé leur quart.

D. Le 22 novembre 2016 et par la suite, ainsi que les faits contestés liés à l’incident du 21 novembre

[27] Le 22 novembre 2016, Mme Boyce est arrivée dans le secteur des magasins, où elle a un bureau. Elle a témoigné qu’elle est passée par hasard à côté des poubelles. Elle y a trouvé des canettes qui contenaient de l’alcool, qu’elle a apportées dans son bureau et mises dans un sac, selon ce qu’elle affirme. Des photographies de deux canettes de bière artisanale différentes, qu’elle a identifiées, ont été déposées en preuve. L’une d’elles affiche clairement une teneur en alcool de 6,5 %.

[28] Mme Boyce a témoigné qu’au moment où elle a apporté les canettes dans son bureau afin de les mettre dans un sac, « M. D » (un autre conducteur) l’a suivi et lui a raconté ce qu’il avait entendu de M. C. Elle a indiqué qu’elle a ensuite appelé Mme Oddie et lui a raconté ce que M. D lui avait dit, soit que M. C avait participé à une escorte la veille et qu’au retour de la réserve de Millhaven, les CX lui ont demandé s’il avait un problème avec le fait qu’ils boivent de la bière. Il [M. C] croyait qu’ils faisaient une blague, jusqu’à ce qu’il entende le bruit de canettes que l’on ouvre. Quand il est arrivé à Joyceville, il a déposé les CX, a retourné le fourgon dans la zone des magasins, avant de tout nettoyer et de jeter les canettes à la poubelle.

[29] Le 25 novembre 2016, Mme Boyce a envoyé à M. Coimbra un courriel rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

À ma connaissance, voici la chaîne des événements qui sont survenus dans le cadre de l’incident du lundi 21 novembre 2016 en soirée :

Mardi 22 novembre 2016 - au cours de l’après-midi, je ne me souviens plus de l’heure exacte, j’ai jeté un œil sur les poubelles et j’y ai remarqué la présence de deux canettes, qui se seraient habituellement trouvées dans l’autre bac. J’en ai pris une et j’ai constaté qu’elle affichait une teneur en alcool de 6,2 %. J’étais obligée de partir, et j’ai remis la canette dans la poubelle jusqu’à mon retour.

- Quelques minutes plus tard, j’ai sorti les canettes et je les ai mises dans un sac de plastique dans mon bureau.

- L’un des agents d’approvisionnement est venu à mon bureau et m’a raconté ce qui s’était passé pendant qu’un autre agent d’approvisionnement participait à une escorte, la veille, en soirée.

- J’ai envoyé un courriel à la DASG à 15 h 40, auquel j’ai reçu une réponse, et j’ai ensuite eu une conversation téléphonique au cours de laquelle j’ai transmis l’information que l’agent d’approvisionnement m’avait transmise.

Mercredi 23 novembre 2016, à environ 14 h 20

- J’ai rencontré Lorrie Oddie et Jack Coimbra afin de leur transmettre l’information qui m’avait été donnée.

- Jack a indiqué que ceux qui avaient participé à l’escorte devaient rédiger un Rapport d’observation ou déclaration d’un agent (RODA).

- Le RODA serait seulement remis à Jack et pas traité selon les canaux habituels.

- Jack a parlé des conséquences du fait de ne pas donner de détails.

Mardi 24 novembre 2016, à environ 10 h 30

- J’ai envoyé un courriel à l’un des agents d’approvisionnement afin de lui demander d’avoir une conversation avec lui ou qu’il réponde aux questions que j’avais écrites, et s’il était à l’aise de parler en privé de l’incident avec Jack. Cet agent d’approvisionnement participait à une escorte à ce moment, avant de participer à une autre, à 14 h.

- Jack a appelé afin de savoir si j’avais parlé avec le conducteur, ce que je n’avais pas fait, car il participait à une escorte et n’était revenu qu’après les heures de travail normales.

Vendredi 25 novembre 2016, à environ 8 h 15

- J’ai rencontré l’un des agents d’approvisionnement, qui a indiqué qu’il ne voulait pas être traité de traître ou mis sur la liste noire, car il devait travailler continuellement avec d’autres employés. Il y avait déjà suffisamment d’employés qui étaient déjà au courant de ces situations et qui choisissaient de se taire, et ce ne sont pas eux (les agents d’approvisionnement) qui allaient être abandonnés à leur sort. Ils n’avaient seulement qu’à regarder les caméras afin de savoir qui entre par l’entrée des véhicules plutôt que par l’entrée principale. Ce n’est pas le personnel de soutien qui contourne l’appareil de détection.

- À ce moment, il a indiqué qu’il ne s’agissait pas de l’équipe d’escorte initiale, qui s’était rendue de l’hôpital à Millhaven, mais bien des agents qui avaient été envoyés remplacer ceux qui se trouvaient à l’hôpital. Aucun arrêt n’avait été effectué sur la route menant à Millhaven ou sur le chemin du retour à l’établissement. À leur retour à l’établissement, les agents ont été déposés à l’entrée des véhicules et le véhicule a été retourné à l’approvisionnement, où il a été nettoyé.

À 8 h 45 environ

- J’ai rencontré Jack, qui a réitéré que le RODA devait lui être remis aujourd’hui. Il allait le présenter à la directrice le lundi, et elle déterminerait ensuite la façon de procéder. Un ordre direct serait donné afin de rédiger le RODA, au besoin.

À 9 h 45 environ

- J’ai rencontré l’un des agents d’approvisionnement afin d’expliquer qu’il était nécessaire d’obtenir un RODA, en insistant sur l’importance. L’agent d’approvisionnement est prêt à rencontrer Jack à l’extérieur de l’établissement n’importe quand, mais pas à un Timmies.

À 15 h 23 environ

- Je n’ai pas eu l’occasion de parler à l’agent d’approvisionnement étant donné qu’il a participé à des escortes tout au long de la journée. Il n’est pas encore de retour à l’heure actuelle. Je lui ai envoyé un autre courriel afin de lui indiquer que je dois lui parler.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[30] Le terme « RODA » signifie « Rapport d’observation ou déclaration d’un agent » et on l’appelle parfois un rapport d’observation.

[31] Le 25 novembre 2016, à 15 h 40, Mme Boyce a envoyé à M. C un courriel rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Nous devons parler lundi de l’incident survenu lundi dernier. Jack insiste pour que vous présentiez un rapport d’observation, qui ne sera pas traité selon le processus habituel, et seul lui le verra. C’est moi qui le lui remettrai. Je peux vous aider à le rédiger si vous le voulez. Jack a besoin de cette information afin de pouvoir mener une enquête très discrète ou tout ce que la directrice aura déterminé.

Je lui ai fait part de vos inquiétudes à vous faire traiter de traître et à vous retrouver sur la liste noire, alors que tant d’autres sont au courant de ce qui se passe et n’ont rien dit. Peu importe qui m’a raconté l’histoire, j’ai trouvé les canettes dans la poubelle, j’ai consulté l’étiquette et j’ai vu qu’il s’agissait d’une boisson alcoolisée. Si elles s’étaient trouvées dans l’autre bac, je ne les aurais pas remarquées. C’est ensuite que l’histoire est sortie.

Étant donné que j’avais l’information, je devais la transmettre à Lorrie, qui l’a transmise à son tour à Jack. Si je ne lui avais pas transmis l’information, j’aurais pu être reconnue coupable de dissimuler ce qui s’est passé. Je ne perdrai pas mon emploi pour un petit garçon ou une petite fille en bleu, simplement parce qu’ils sont des trous de cul qui ne pensent qu’à eux. Leur stupidité aurait pu vous coûter votre permis de conduire, si vous aviez été arrêté.

Vous n’avez aucune façon de savoir comment et quand ces gardes ont récupéré les boissons, étant donné que vous n’êtes pas passé les prendre. Tout ce que vous savez, c’est qu’ils vous ont demandé si vous aviez un problème avec le fait qu’ils boivent une bière et vous avez cru qu’ils faisaient une blague. Et, à cause de la température, vous ne leur portiez pas trop attention, et vous vous concentriez sur la conduite dans la tempête de neige.

[…]

 

[32] On a demandé à Mme Blasko de se reporter au courriel envoyé le 25 novembre 2016 par Mme Boyce à M. C, et on lui a demandé ce que Mme Boyce avait dit, selon elle, dans le dernier paragraphe. Mme Blasko a répondu qu’à son avis, Mme Boyce avait indiqué ce qu’elle avait compris de ce que M. C ou M. D lui avaient dit. Quand on lui a dit que cela pouvait être interprété comme une indication de ce que M. C devait dire, Mme Blasko a répondu que cela était possible, mais qu’elle ne l’avait pas lu de cette façon et qu’il fallait demander à Mme Boyce ce qu’elle voulait dire par là.

[33] On a demandé à Mme Boyce d’expliquer le courriel. Elle a répondu qu’elle avait tenté d’insister auprès de M. C pour qu’il raconte en toute franchise ce qui s’était produit et pour qu’il présente un RODA. Elle lui a dit que les événements en question pouvaient avoir des répercussions sur son permis de conduire. Elle a indiqué qu’elle savait qu’il s’inquiétait d’être traité de « traître », mais qu’il devait présenter un RODA.

[34] Mme Boyce a témoigné que le personnel l’avait mal traitée une fois que les événements se sont sus. Elle a indiqué qu’on l’a placée dans la liste des personnes avec qui il fallait se taire, ce qui signifie que plus personne ne parlait chaque fois qu’elle entrait dans une pièce. On l’ignorait et on ne l’incluait pas aux discussions.

[35] En contre-interrogatoire, Mme Boyce a indiqué qu’elle n’avait pas aidé M. C à rédiger un RODA sur l’incident survenu le 21 novembre et qu’elle n’avait pas aidé aucun autre employé à en rédiger un. Quand on lui a demandé pourquoi elle avait offert à M. C de l’aider, elle a répondu que c’était à cause de sa réticence à en rédiger un. Quand on lui a demandé ce qu’elle voulait dire quand elle avait traité les CX de « trous de cul », elle a dit qu’elle faisait référence aux deux qui avaient consommé de la bière au travail. Elle a indiqué qu’elle était frustrée par leur comportement et les répercussions de celui-ci sur elle et sur M. C, à cause de la situation dans laquelle il les a mis. Elle a indiqué que la situation aurait pu être considérée comme une dissimulation et que l’on aurait pu croire qu’elle y avait participé, ce qu’elle n’allait pas accepter.

[36] Le 28 novembre 2016, Mme Boyce a transféré à Mme Oddie le courriel qu’elle avait envoyé à M. C le 25 novembre 2016. Elle a écrit ce qui suit : « Voici ce que j’ai envoyé à [M. C] vendredi, pendant qu’il participait à une autre escorte. Il refuse d’aller plus loin dans cette affaire. Peut-être pourriez-vous lui parler quand vous serez ici […] »

[37] Le 28 novembre 2016 également, à 11 h 39, Mme Oddie a envoyé un courriel à M. Coimbra et à Mme Boyce en copie, qui se lisait comme suit :

[Traduction]

[…]

Jack, dès que j’ai appris que [M. C] refusait de rédiger un rapport d’observation sur un incident survenu la semaine dernière (des canettes de bière trouvées dans un véhicule du SCC), je suis allée le voir ce matin à l’approvisionnement afin d’en discuter davantage. Il était très réticent à discuter avec moi. Au départ, il a nié avoir des connaissances directes de la consommation de boissons alcoolisées par des agents pendant l’escorte. Il a indiqué que [nom omis] avait trouvé les canettes de bière dans le véhicule. Je lui ai expliqué l’importance de présenter des observations aussi graves que celles-ci, et je lui ai expliqué qu’en plus de placer les conducteurs dans une mauvaise situation, cela pourrait menacer la sûreté et la sécurité de l’établissement. Même s’il a continué de nier avoir eu connaissance de l’incident, il a effectivement indiqué qu’il avait parlé aux deux agents par la suite et que ceux-ci lui avaient assuré qu’une telle situation ne se reproduirait plus. Je lui ai dit que je m’attendais à ce qu’il présente un rapport d’observation détaillé et que son défaut de le faire pourrait donner lieu à un ordre direct ou à une mesure disciplinaire, ou les deux. Je lui ai dit que nous allions faire une recherche des faits et j’ai répété que je m’attendais à ce qu’il coopère entièrement. Il a indiqué qu’il se ferait représenter par son syndicat. Je vais lui donner jusqu’à midi demain pour présenter un rapport d’observation et s’il omet de le faire, nous lui donnerons un ordre direct. Il était très nerveux pendant notre conversation et a indiqué qu’il craignait d’être la cible de représailles. Veuillez communiquer avec moi si vous avez des questions ou préoccupations à cet égard.

[…]

 

[38] Le 2 décembre 2016, à 14 h 30, M. C a remis un RODA, que Mme Boyce a reçu. Il indiquait que l’incident avait eu lieu le 21 novembre 2016, à 19 h, et a fait le récit suivant :

[Traduction]

[…]

Je participais à des escortes le 21 novembre 2016 et j’ai vidé les poubelles du fourgon d’escorte dans le conteneur de l’approvisionnement. Le lendemain, le 22 novembre 2016, (CGM) Cathy Boyce m’a posé des questions sur les canettes, en indiquant qu’elles devaient provenir de la poubelle du fourgon d’escorte.

[…]

 

[39] Le 12 décembre 2016, la directrice Blasko a donné un ordre de convocation pour une recherche de faits, qui se lisait comme suit :

[Traduction]

COMITÉ D’ENQUÊTE DISCIPLINAIRE SUR DES ALLÉGATIONS DE CONSOMMATION D’ALCOOL EN SERVICE PAR DES EMPLOYÉS LE LUNDI 21 NOVEMBRE 2016 À L’ÉTABLISSEMENT DE JOYCEVILLE.

[…]

ATTENDU QUE, le lundi 21 novembre 2016, les employés Joshua Ewart-Wilson, CX-01, et [Mme B], CX-01, auraient dissimulé et plus tard consommé de l’alcool en service. Cet incident est survenu dans un véhicule du Service correctionnel du Canada qui se trouvait dans la collectivité et était conduit sur des routes publiques par [M. C], agent d’approvisionnement, au retour de l’hôpital régional de Millhaven.

PAR CONSÉQUENT, je, Julie Blasko, directrice de l’Établissement de Joyceville, dans la région de l’Ontario, nomme par les présentes Bryan Leeman en tant que président et Trevor McCuaig en tant que membre de l’enquête disciplinaire.

J’ORDONNE ET JE CHARGE les personnes ainsi désignées de s’acquitter fidèlement des fonctions qui leur sont confiées dans le cadre de cette enquête et de me fournir un exposé de toutes les circonstances entourant l’incident susmentionné, y compris :

a) le contexte entourant l’incident;

b) la description des allégations;

c) la chronologie des événements.

Si une autre inconduite est découverte pendant l’enquête susmentionnée, et si elle est très différente de celle qui fait actuellement l’objet de l’enquête, le Comité doit obtenir un ordre de convocation modifié concernant cette inconduite.

EN OUTRE, J’ORDONNE que le comité analyse tout particulièrement les questions suivantes, y compris toute question portant sur la non-conformité aux lois, aux politiques et aux procédures :

a) examiner les circonstances entourant les allégations d’inconduite et fournir les constatations pertinentes;

b) déterminer si des documents ou des dossiers demandés par le comité n’ont pas été reçus;

c) toute autre question jugée pertinente.

J’ORDONNE EN OUTRE au comité de me fournir ses conclusions sur les questions susmentionnées. Je demande aussi au comité de rendre compte de toute pratique exemplaire constatée dans le cadre de son enquête.

ET DE PLUS, en vue de veiller à ce que l’enquête soit menée à bonne fin, le comité est autorisé :

a) à adopter les procédures et les méthodes qu’il pourra juger nécessaires à la bonne conduite du présent examen de l’enquête;

b) à se voir fournir des locaux adéquats et sécuritaires et l’aide administrative nécessaire aux fins de ces travaux;

c) à fouiller tout édifice, contenant ou objet se trouvant sur le terrain ou en la possession du Service correctionnel du Canada et de saisir et conserver tout livre, document ou objet qu’il juge, selon des motifs raisonnables, nécessaires pour bien s’acquitter de son mandat;

d) à avoir entièrement accès aux documents et au personnel du Service correctionnel du Canada ou travaillant pour celui-ci à contrat;

e) à communiquer, à la discrétion du président, avec toute personne, tout organisme, tout bureau ou toute organisation de l’extérieur qui peut l’aider à mener à bien l’examen;

f) à divulguer tout renseignement personnel qu’il estime nécessaire afin de veiller au respect des principes liés au devoir d’agir équitablement.

[…]

ET ENFIN, J’ORDONNE au comité de me remettre à moi, Julie Blasko, directrice de l’établissement de Joyceville, région de l’Ontario, un rapport écrit portant la cote « Protégé B », au plus tard le 31 janvier 2017.

[…]

 

[40] Une copie du rapport d’enquête disciplinaire du 31 janvier 2017 et rédigé par MM. Leeman et McCuaig (le « rapport d’enquête ») a été déposée en preuve, dont les parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Partie IV. Exposé des faits

[…]

Quand il a été interrogé, le 20 décembre 2016, en présence de Michael Deslauriers, représentant du SACC, le conducteur de l’approvisionnement [M. D] a indiqué que [M. C] lui avait demandé, le 22 novembre au matin, de confirmer que les canettes qu’il avait jetées et qui provenaient de son escorte de la veille contenaient une boisson alcoolisée. [M. D] l’a effectivement vérifié en lisant ce qui était inscrit sur les canettes, qui indiquait qu’elles contenaient bel et bien de l’alcool. [M. D] s’est souvenu avoir rencontré Mme Boyce le 22 novembre, mais il n’arrivait pas à se rappeler des détails de la conversation et il n’a pas corroboré les déclarations faites par Mme Boyce lors de son entrevue. [M. D] ne se souvenait pas non plus de la conversation qu’il avait eue avec [M. C] le mercredi 23 novembre sur les détails entourant l’escorte, que Mme Boyce avait entendue.

Lors de son entrevue, le 20 décembre 2016, en présence de Michael Deslauriers, représentant du SACC, le conducteur de l’approvisionnement [M. C] a confirmé qu’il était le conducteur de l’escorte au cours de la semaine du 21 novembre 2016. [M. C] s’est souvenu avoir conduit une escorte à l’hôpital général de Kingston (HGK), puis à l’Établissement de Millhaven, avant de retourner à l’Établissement de Joyceville. L’escorte est rentrée après les heures normales de bureau, à 18 h 30 environ. [M. C] a confirmé qu’il se trouvait à bord du véhicule d’escorte à partir du moment où ils ont quitté Joyceville, à 10 h 30 environ le 21 novembre, jusqu’à leur retour à l’établissement en soirée. Aucun détenu ne se trouvait à bord du véhicule d’escorte pendant le trajet de retour à Joyceville. [M. C] a indiqué que les conditions routières étaient mauvaises lors de l’escorte et qu’il est demeuré concentré sur sa conduite pendant toute la durée du trajet. [M. C] a également confirmé qu’il avait vidé la poubelle du véhicule d’escorte à son retour à l’Établissement de Joyceville. [M. C] ne se souvenait pas du compte rendu de tiers présenté par Mme Boyce, selon lequel les agents correctionnels lui avaient demandé s’il avait un problème avec le fait qu’ils boivent et il avait ensuite jeté les canettes. [M. C] a indiqué que ce n’était que le lendemain qu’il s’était rendu compte que les canettes de boissons alcoolisées se trouvaient dans la poubelle. [M. C] a confirmé que l’un des agents correctionnels était assis sur le siège avant du véhicule d’escorte lors du voyage de retour, mais il ne se souvenait pas s’il s’agissait de l’agent de sexe masculin ou féminin.

[M. C] a aussi indiqué que l’objet de la conversation que Mme Boyce avait entendue entre lui et [M. D] le 23 novembre ne la regardait pas, sans nier que la conversation avait eu lieu. [M. C] a aussi expliqué qu’il ne lit pas régulièrement beaucoup les courriels de Mme Boyce, qui est sa superviseure directe, et celle-ci ne lui avait jamais demandé de présenter un rapport d’observation ou déclaration. Le comité a fait remarquer que le courriel envoyé par Cathy Boyce le 25 novembre 2016 à 15 h 40, à l’annexe B, réfute directement cet énoncé.

[…]

[M. C] a aussi indiqué qu’il avait reçu un ordre direct de Lorrie Oddie, DASG, de présenter le rapport pendant leur réunion.

Lors de leurs entrevues séparées, toutes deux tenues le 21 décembre 2016 en présence de Michael Deslauriers, représentant du SACC, les agents correctionnels de l’Établissement de Joyceville, Joshua Ewart-Wilson et [Mme B] ont confirmé qu’ils participaient à une escorte le 21 novembre 2016. M. Ewart-Wilson a confirmé qu’il avait apporté son sac de sport, tandis que [Mme B] a indiqué qu’elle n’avait rien apporté pour l’escorte. Les deux agents ont confirmé qu’ils s’étaient rendus de l’Établissement de Joyceville à l’HGK ensemble, l’après-midi du 21 novembre, dans un véhicule régulier du SCC. Les agents ont indiqué qu’ils n’avaient fait aucun arrêt pendant le trajet vers l’hôpital afin de prendre la relève des agents d’escorte qui étaient de service à l’HGK. Quand le détenu a obtenu son congé de l’hôpital, les agents l’ont escorté jusqu’à l’Établissement de Millhaven avec le conducteur de l’approvisionnement [M. C]. Ils ont laissé le détenu à Millhaven pour qu’il reste en observation et le véhicule d’escorte est retourné directement à Joyceville, avec le conducteur de l’approvisionnement et les deux agents d’escorte. [Mme B] et M. Ewart-Wilson ont présenté des comptes rendus similaires des événements survenus au cours de la soirée et ils ont tous deux nié avoir eu connaissance de la consommation de boissons alcoolisées ou de la disposition des canettes.

Lors de son entrevue le 25 janvier 2017, en présence de Gary Lalande, représentant du SACC, l’agent correctionnel de l’Établissement de Joyceville [nom omis] a confirmé qu’il participait à une escorte avec le conducteur de l’approvisionnement [M. C] qui a quitté Joyceville le 21 novembre au matin afin de se rendre à l’HGK. [Nom omis] a confirmé qu’il a été libéré de ses fonctions par les agents Ewart-Wilson et [Mme B]. Quand on lui a demandé s’il avait vu des canettes d’alcool dans le véhicule avant ou pendant l’escorte, [nom omis] a répondu par la négative. Quand on lui a demandé s’il avait senti une odeur inhabituelle dans le véhicule, ou si le véhicule dégageait une odeur, [nom omis] a confirmé qu’il n’avait rien senti.

Partie V. Analyse

Pendant les entrevues, le comité est parvenu à déterminer que les agents Ewart-Wilson et [Mme B] avaient effectivement participé à l’escorte à l’HGK afin de libérer l’agent [nom omis] de ses fonctions et de transférer un détenu de l’hôpital à l’Établissement de Millhaven. L’agent [nom omis] a confirmé que le véhicule ne dégageait aucune odeur perceptible pendant l’escorte à laquelle il participait, avant d’être libéré de ses fonctions. Par la suite, [M. C] a indiqué qu’il avait quitté Joyceville à environ 10 h 30 et qu’il était demeuré dans le véhicule à l’HGK jusqu’à 17 h 30 en attendant le retour de l’escorte. [M. C] s’est ensuite rendu à l’Établissement de Millhaven avec le détenu et les deux agents d’escorte, M. Ewart-Wilson et [Mme B], où le détenu a été déposé, et ils sont retournés à l’Établissement de Joyceville. [M. C] a passé environ huit heures dans le véhicule d’escorte le 21 novembre. Le comité est d’avis qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce que deux canettes de bière laissées ouvertes pendant un certain nombre d’heures dans un véhicule commenceraient à dégager une odeur perceptible difficile à ignorer.

Il a également été confirmé que l’agent Ewart-Wilson a apporté un sac de sport pendant l’escorte. Les agents Ewart-Wilson et [Mme B] se trouvaient dans le véhicule d’escorte pendant le trajet de retour de l’HGK à Millhaven et ensuite à l’Établissement de Joyceville, avec le conducteur de l’approvisionnement [M. C]. Il a également été déterminé, à cause des conditions météorologiques difficiles, que les routes étaient en mauvais état pendant la partie du retour du voyage et que le conducteur, [M. C], se concentrait sur sa conduite. [M. C] a confirmé qu’il avait vidé la poubelle du véhicule d’escorte à son retour à l’Établissement de Joyceville et qu’il a plus tard été déterminé que les canettes de bière se trouvaient dans la poubelle vidée du véhicule. Étant donné que les canettes ont été trouvées dans la poubelle de l’Approvisionnement le lendemain matin, et qu’aucun véhicule n’avait été utilisé pour des escortes, le comité en est venu à la conclusion logique selon laquelle si les canettes ne se trouvaient pas dans le véhicule au moment où les agents d’escorte ont pris la relève à l’HGK, elles ont dû être introduites pendant la portion du retour vers l’Établissement de Joyceville du voyage dans le véhicule d’escorte conduit par [M. C].

[…]

Partie VII. Conclusion

Les renseignements recueillis au cours de l’enquête ont permis de prouver l’allégation selon laquelle :

Le 21 novembre 2016, les employés Joshua Ewart-Wilson (CX-1) et [Mme B] (CX-1) ont dissimulé et plus tard consommé de l’alcool en service. Cet incident est survenu dans un véhicule du SCC qui se trouvait dans la collectivité et était conduit sur des routes publiques par [M. C], agent d’approvisionnement, au retour de l’hôpital régional de Millhaven.

Selon la prépondérance des probabilités, cette allégation est fondée.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[41] Le 25 avril 2017, une audience disciplinaire a été tenue pour le fonctionnaire. Les notes prises par l’agent des relations de travail (Ryan Dejneha) pendant l’audience, dont les parties pertinentes se lisent comme suit, ont été déposées en preuve :

[Traduction]

[…]

Participants

• J. Ewart-Wilson (EW)

• M. Deslauriers (MD)

• J. Coimbra (JC)

• L. Oddie (LO)

• R. Dejneha (RD)

- Aucun argument écrit n’a été présenté pendant l’audience.

- L’audience a été enregistrée par les deux parties et le fichier MP3 est inclus au dossier.

[…]

• MD, en tant que représentant de l’employé, a fait remarquer la quantité importante de spéculations contenues dans le corps du rapport d’enquête et indiqué que les conclusions du rapport reposaient sur les spéculations d’un tiers.

• MD a indiqué que les poubelles qui se trouvent dans les véhicules d’escorte ne sont pas nettoyées chaque jour, mais plutôt selon les besoins. La façon dont les canettes ont fini dans la poubelle est assujettie à une spéculation.

• MD a indiqué que les comptes rendus de tiers étaient douteux, au mieux. Ces comptes rendus ont formé un fondement à partir duquel on a brossé un portrait général des événements du 21 novembre 2016.

• MD a mentionné que le ROD sur l’incident a été présenté seulement à la suite de la demande présentée directement par Cathy Boyce et Lorrie Oddie.

[…]

• EW a remis en doute le « passé coloré » de [M. D]. EW et MD ont présenté une capture d’écran tirée d’Internet, qui contenait de l’information sur les accusations criminelles antérieures dont [M. D] avait fait l’objet et sa violation des conditions liées au cautionnement (vers 2012). Cette capture d’écran a été rejetée, étant donné qu’elle n’était pas pertinente à la procédure, et n’a donc pas été incluse en tant qu’argument écrit.

[…]

 

[42] Le fonctionnaire a témoigné qu’il s’est rendu au domicile d’un ami le 20 novembre 2016 en soirée. Il a apporté de la bière dans son sac de sport. À son retour à la maison, certaines canettes non ouvertes se trouvaient toujours dans le sac et il ne les a pas enlevées. Il a indiqué avoir oublié qu’elles s’y trouvaient. Il a indiqué que, le 21 novembre, il a mis de la nourriture, des grignotines, des boissons gazeuses et possiblement des boissons énergisantes dans son sac de sport et s’est rendu au travail. Il a indiqué qu’il avait apporté son sac de sport à l’établissement, après en avoir franchi l’entrée principale. Il a indiqué que personne n’était venu le voir pour lui dire que son sac contenait de la bière. Il a indiqué qu’il avait son sac avec lui quand Mme B et lui ont participé à l’escorte, et également quand il s’est rendu à l’HGK.

[43] Le fonctionnaire a également témoigné qu’il était assis sur le siège avant du fourgon du SCC après qu’ils ont déposé le détenu A à la réserve de Millhaven et pendant leur voyage de retour vers Joyceville. Il a dit qu’il avait soif et qu’il a demandé à Mme B si elle voulait quelque chose à boire. Il s’est pris une canette et lui en a donné une. Selon ce qu’il a affirmé, il n’a pas réalisé que la canette contenait de la bière, l’a ouverte et l’a bue. Il a indiqué ne pas savoir si Mme B avait bu la bière qu’il lui avait donnée. Il a dit que cet événement n’était pas prévu et qu’il ignorait que la bière se trouvait dans son sac de sport jusqu’à ce qu’il commence à la boire. Il a dit avoir bu toute la canette de bière. Il a dit qu’il aurait dû faire preuve de plus de discernement, qu’il avait eu un manque de jugement. Il a confirmé en contre‑interrogatoire que les deux canettes de bière contenaient de l’alcool.

[44] Quand son avocat lui a demandé combien de temps il restait à son quart de travail à son retour à Joyceville, il a répondu qu’il restait environ une demi-heure et qu’il était à peu près 22 h 30. Il a indiqué qu’il est tout simplement demeuré à l’entrée des véhicules, jusqu’à ce que le compte soit bon, à 23 h, et il est rentré à la maison. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait interagi avec des détenus, il a répondu [traduction] « Non ». Lorsqu’on lui a demandé si quelqu’un lui avait demandé, après ce quart de travail, s’il avait consommé de la bière au cours de la soirée du 21 novembre, pendant qu’il était de service, il a répondu [traduction] « Non ».

[45] Il n’y a aucune preuve selon laquelle le fonctionnaire ou Mme B ont rédigé un RODA sur un événement qui aurait pu survenir le 21 novembre 2016.

[46] Dans son témoignage devant moi, le fonctionnaire a indiqué qu’il se sentait affreusement mal et qu’il s’était excusé à plusieurs reprises pour son comportement. Il a indiqué qu’à plusieurs reprises, des stresseurs personnels étaient entrés en jeu dans ses écarts de jugement, et que ces stresseurs étaient causés par son travail et par sa situation familiale. Il n’a pas précisé les stresseurs liés à sa situation familiale; en fait, il n’a pas parlé de sa vie familiale.

[47] En ce qui concerne les stresseurs liés au travail, le fonctionnaire a indiqué qu’il avait peur des conséquences au fait d’être traité de traître et que tous les employés de l’établissement qui travaillent pour le SCC respectent le « code d’honneur », y compris la direction et le personnel non CX. Il a indiqué qu’il avait senti une immense pression à partir du lendemain de l’événement jusqu’au jour de son licenciement. Il n’a fourni aucun détail et n’a rien dit au sujet d’autres stresseurs précis au travail, hormis le fait que son travail était parfois stressant.

[48] Le fonctionnaire a également dit qu’il avait continué de participer à des escortes, et ce, même après l’incident du 21 novembre, et indiqué qu’il ne croyait pas cesser d’y participer un jour. Il a indiqué qu’à sa connaissance, aucun changement n’avait été apporté aux tâches qu’il avait exécutées avant le 21 novembre. Il s’est exprimé comme suit à son sujet :

[Traduction]

aimai[t] [son] emploi en tant que CX, sauf le stress;

aimai[t] le changement de rythme et le fait de faire des choses différentes tous les jours;

aimai[t] les gens, [ses] collègues CX, et entretenai[t] de bonnes relations avec les autres CX et le personnel non CX;

faisai[t] bien [son] travail et s’acquittai[t] de [ses] tâches, sauf à cette occasion.

 

[49] Le fonctionnaire a indiqué qu’il gagnait un salaire annuel d’environ 70 000 $ en tant que CX-01, et qu’il avait un régime de soins médicaux et dentaires, ainsi qu’un régime de pension. Toutefois, après son licenciement, il s’est trouvé un travail en janvier 2019 seulement, et seulement en tant qu’ouvrier général, gagnant environ 14 $ et ayant des avantages minimes, sans pension et sans représentation syndicale.

[50] Le fonctionnaire n’a jamais avoué pendant l’enquête et l’enquête disciplinaire qu’il avait apporté de la bière au travail le 21 novembre 2016, en avait offert à une collègue ou en avait bu. Quand on lui a demandé pourquoi il n’avait pas fait ces aveux à ces moments, il a répondu que c’était à cause de la culture, de son stress et de son manque de jugement, et de sa crainte à l’égard d’un gestionnaire excessivement zélé, qui créait un milieu de travail négatif. Il a sous-entendu qu’il avait peur de faire l’objet d’une mesure disciplinaire excessive.

[51] Le fonctionnaire n’a pas expliqué ce qu’il voulait dire par la culture ou par son gestionnaire excessivement zélé, par le milieu de travail négatif ou par la mesure disciplinaire excessive.

[52] Le fonctionnaire a indiqué que M. Leeman était son gestionnaire le plus régulier, étant donné qu’il travaillait dans l’unité d’isolement de l’établissement. Je n’ai entendu aucun témoignage qui me permettrait d’évaluer la conduite de M. Leeman en tant que gestionnaire dans des affaires disciplinaires ou de savoir s’il avait le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires. On ne m’a présenté aucun exemple de situation où M. Leeman aurait été excessivement zélé ou aurait créé un milieu de travail négatif. En contre-interrogatoire, il n’a aucunement été mention de son pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires et aucune question n’a été soulevée sur le zèle excessif ou sur le milieu de travail négatif.

[53] Je n’ai entendu aucune preuve selon laquelle d’autres gestionnaires dont le fonctionnaire relevait avaient agi avec excès de zèle ou créé un milieu de travail négatif, ou s’ils avaient le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires et, le cas échéant, s’ils avaient imposé des mesures disciplinaires pour inconduite.

[54] Une audience disciplinaire a été tenue pour M. D, dont l’enregistrement et la transcription ont été effectués par Gillespie Reporting Services, d’Ottawa (Ontario). Une copie de la transcription a été déposée en preuve. La partie pertinente se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Mme Blasko : D’accord, veuillez me dire ce que [M. C] vous a dit.

M. D : Il m’a dit qu’au retour de Millhaven, on lui a demandé s’il avait un problème avec le fait qu’ils boivent de la bière. Il se concentrait à conduire pendant une tempête de neige et il ne croyait même pas qu’ils étaient sérieux, parce que cela ne s’était jamais produit avant, d’après ce que je sais. Je travaille ici depuis 10 ans, et je n’ai jamais vu un événement de la sorte se produire.

Mme Blasko : D’accord.

M. D : Il se concentrait à conduire et il n’y a pas vraiment porté attention. Quand il est retourné à l’établissement, on lui a demandé ce que je devais faire avec les canettes. Il a dit de les laisser là, tout simplement. Je vais m’en débarrasser, pensant qu’il s’agit de boissons gazeuses, et il a vidé le fourgon quand il est arrivé à l’approvisionnement.

Mme Blasko : Hm humm.

M. D : Il s’est rendu à la barrière. La porte était verrouillée. Elle était gelée. Il a dû revenir afin de prendre une torche au propane. Il était 19 h 30. Il a dit qu’il était frustré, est entré et a jeté les canettes dans la poubelle, avant de rentrer à la maison. On les a trouvées le lendemain matin.

[…]

 

[55] Mme B et MM. C et D n’ont pas témoigné.

[56] Mme Blasko a indiqué qu’il était approprié de licencier le fonctionnaire, car sa conduite avait donné lieu à un incident très grave. Elle a indiqué ce qui suit à son sujet :

• il avait de l’alcool en sa possession pendant une escorte;

• il avait l’alcool en sa possession quand il est passé prendre le détenu à l’HGK;

• il avait l’alcool en sa possession quand il a reconduit le détenu à l’hôpital du SCC à la réserve de Millhaven;

• il a donné de l’alcool à Mme B;

• il a consommé de l’alcool pendant qu’il se trouvait à bord d’un véhicule du SCC sur • les routes publiques et pendant qu’il était de service;

• il n’a montré aucune compréhension de ce qu’il avait fait;

• il n’a aucunement assumé la responsabilité de ses actes;

• il n’a pas coopéré, même si on lui a donné des occasions de le faire;

• il a fait de la collusion avec d’autres afin de dissimuler l’événement;

• il n’a montré aucun remords face à ses gestes;

• il a menti sur toute la ligne;

• il n’a pas fait preuve d’un comportement éthique solide;

• il a tenté de remettre en question le caractère de M. D et sous-entendu que celui-ci mentait alors qu’il disait la vérité;

• il n’a aucunement songé aux responsabilités du SCC et n’a incarné aucune des valeurs de celui-ci auprès d’autres personnes.

 

[57] Elle a indiqué qu’elle ne pouvait pas rétrograder le fonctionnaire, étant donné qu’il occupait un poste de CX-01.

[58] Quand on a interrogé Mme Blasko sur l’aveu du fonctionnaire (tout juste avant le début de l’audience) selon lequel il avait apporté la bière et l’avait consommée dans le fourgon du SCC, elle a répondu que sa première réaction a été de se demander pourquoi il avait fait cet aveu à ce moment-là seulement. Elle a indiqué qu’on lui avait offert de nombreuses occasions et qu’il n’avait jamais avoué ce qui s’était passé. Elle a présumé que peut-être que Mme B, qui avait elle aussi été licenciée à la suite de l’incident du 21 novembre, ne voulait plus mentir et qu’il avait réalisé que ce n’était qu’une question de temps avant que la vérité soit connue. Elle a indiqué que le fonctionnaire ne possède pas des qualités comme l’intégrité et la responsabilité. Elle croyait qu’il avait tenté de se protéger en faisant cet aveu à ce moment-là.

[59] En contre-interrogatoire, on a renvoyé Mme Blasko à l’annexe A du Code, en particulier au paragraphe sur l’examen des faits et les enquêtes, où il est indiqué que les personnes nommées pour mener un examen des faits ne doivent pas avoir une relation de supervision avec la ou les personnes visées par le ou les sujets de l’enquête. On a porté à son attention que M. Leeman était le superviseur immédiat du fonctionnaire quand celui-ci travaillait à l’unité d’isolement. On lui a premièrement demandé, si tel était le cas, s’il était le superviseur direct du fonctionnaire ou s’il avait une relation de supervision avec lui. Mme Blasko a confirmé qu’elle savait que le fonctionnaire avait travaillé dans l’unité d’isolement et indiqué que tous les gestionnaires correctionnels (y compris M. Leeman) auraient eu une relation de supervision avec lui.

[60] On a dit à Mme Blasko que c’est M. Leeman qui avait effectué la plus récente évaluation du rendement du fonctionnaire. Elle a répondu que, si M. Leeman avait témoigné qu’il était le superviseur du fonctionnaire, elle ne l’aurait pas contredit. On lui a deuxièmement demandé, si M. Leeman était bel et bien le superviseur direct du fonctionnaire, s’il avait été approprié qu’il mène l’enquête sur les faits. Elle a répondu qu’il aurait été approprié de le faire, étant donné que M. Leeman était un employé de longue date, très juste et consciencieux, et qu’elle jugeait qu’il était impartial.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[61] L’employeur a fait valoir que le présent grief devrait être rejeté.

[62] L’employeur m’a renvoyé à Brazeau c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 62; Horne c. Agence Parcs Canada, 2014 CRTFP 30; Rahim c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 121; Cormier v. Treasury Board (Fisheries and Oceans), 1989 CarswellNat 1833; Markham (Town) v. C.U.P.E., Local 1219, 1997 CarswellOnt 5307; Dekort c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 75; Faryna v. Chorny, [1951] B.C.J. No. 152 (QL); Ken’s Lift Truck Delivery Ltd. v. Howell, 2003 CarswellNat 7244; Mackie c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 3; McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26; Newfoundland Association of Public Employees v. Her Majesty the Queen in Right of Newfoundland as represented by Treasury Board (Department of Environment and Lands), 1995 CarswellNfld 549; Richer c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 10; Bridgen c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 92; Teamsters Local Union 230 v. Premier/KVN Concrete (1993), 29 C.L.A.S. 224; Teeluck c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27956 (19980820), [1998] C.R.T.F.P.C. 76 (QL); Tobin c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 254; Fonctionnaire s’estimant lésé X c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 74.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[63] Le fonctionnaire a fait valoir qu’il fallait prendre en considération un certain nombre de facteurs atténuants afin de tirer la conclusion selon laquelle son licenciement constituait une mesure excessive et qu’une sanction moins grave devait être imposée.

[64] En plus de répondre aux arguments et à la jurisprudence présentés par l’employeur, le fonctionnaire m’a également renvoyé à Hughes c. Agence Parcs Canada, 2015 CRTEFP 75.

IV. Motifs

[65] Les audiences d’arbitrage en ce qui concerne une mesure disciplinaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) sont des audiences de novo et l’employeur assume le fardeau de preuve.

[66] Le fondement habituel pour trancher les questions disciplinaires est l’examen des trois questions suivantes (voir Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 C.L.R.B.R. 1 (QL)) : Le fonctionnaire a-t-il fait preuve d’inconduite? Si c’est le cas, la mesure disciplinaire imposée par l’employeur était-elle excessive dans les circonstances? Si elle était excessive, quelle autre sanction serait juste et équitable dans les circonstances? Dans le présent cas, on m’a demandé de limiter mon examen aux deux premières questions.

A. Y a-t-il eu inconduite de la part du fonctionnaire s’estimant lésé?

[67] Dans la lettre de licenciement, l’employeur a déterminé qu’une enquête disciplinaire avait conclu que le fonctionnaire avait enfreint les normes un, deux et trois du Code, et qu’il avait fait ce qui suit :

• consommé de l’alcool en service;

• omis de fournir des renseignements sur l’incident survenu le 21 novembre;

• fait preuve de collusion avec d’autres employés afin de tenter de dissimuler l’incident du 21 novembre;

• fait un récit inexact des événements survenus le 21 novembre tout au long du processus disciplinaire.

 

[68] Au début de l’audience, le fonctionnaire a avoué avoir apporté et consommé de l’alcool pendant qu’il était de service en tant que CX-01 dans un véhicule du SCC qui circulait sur des voies publiques le jour en question.

[69] Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu que le fonctionnaire avait enfreint les normes un, deux et trois du Code.

Règle un

Refuse de témoigner ou de présenter des preuves lors d’une enquête effectuée selon les lois du Parlement ou lors de toute enquête officielle que prévoit la Directive du commissaire 041 - Enquêtes sur les incidents

[70] La preuve a montré que, le 21 novembre 2016, le fonctionnaire a apporté de la bière (qui contenait de l’alcool) au travail à Joyceville et qu’il l’avait apportée dans le fourgon du SCC pendant qu’il participait à l’escorte ce jour-là. Par conséquent, il l’aurait eu en sa possession à l’HGK et par la suite à la réserve Millhaven. Même s’il était toujours de service, sur les voies publiques et dans le fourgon du SCC, il a consommé une bière et en a offert une autre à une collègue CX, Mme B, et a avoué tous ces faits.

[71] Malgré sa conduite le 21 novembre 2016, le fonctionnaire n’a pas rédigé de RODA. De plus, pendant l’enquête sur l’examen des faits, il a fourni des renseignements trompeurs. Il a nié être au courant que des canettes de bière avaient été trouvées dans les poubelles de l’Approvisionnement et nié avoir consommé la bière pendant qu’il était de service. Cette conduite montre clairement qu’il a refusé de témoigner ou de présenter des preuves et qu’il a fait obstruction à l’enquête demandée par Mme Blasko, ou nuit à son déroulement de toute autre façon.

Omet de respecter ou d’appliquer une loi, un règlement, une directive du commissaire, un ordre permanent ou une autre directive quelconque ayant trait à ses fonctions.

[72] Le fait d’apporter de l’alcool au travail, d’en consommer et d’en offrir à une collègue constituait manifestement un manquement du fonctionnaire de respecter et d’appliquer le Code et les Règles, qui interdisent la consommation d’alcool en service.

Omet de signaler à un supérieur tout objet interdit trouvé en la possession d’un autre employé, d’un délinquant ou d’un membre du public.

[73] Le fonctionnaire était en possession d’alcool pendant qu’il était de service et il a offert de l’alcool à Mme B. L’alcool est un produit de contrebande. Peu importe la situation dans laquelle il se trouvait, il avait le devoir de dire qu’il avait eu l’alcool en sa possession, qu’il en avait offert à Mme B et qu’il en avait consommé pendant qu’il était de service.

Exerce ses fonctions de façon négligente et par ce fait, soit directement ou indirectement, met en danger un autre employé du Service ou une autre personne quelconque ou cause des blessures ou la mort.

[74] Le fonctionnaire participait à une escorte et pour cette occasion, on lui avait remis un pistolet de 9 mm chargé, qu’il transportait. La seule raison pour laquelle on remet un pistolet à un CX dans le cadre de ses fonctions est la force létale. Un agent qui consomme de l’alcool pendant qu’il est de service et en possession d’un pistolet chargé s’acquitte de ses fonctions de manière négligente et met en danger sa sécurité, ainsi que celle de toute autre personne avec qui il entre en contact. Le fonctionnaire a aussi enfreint cette disposition en fournissant de l’alcool à sa partenaire, Mme B, étant donné qu’elle avait aussi sur elle un pistolet de 9 mm.

Règle deux

Présente une apparence et/ou un comportement indigne d’un employé du Service lorsqu’il est de service ou en uniforme.

Se conduit d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur le Service, qu’il soit de service ou non.

Consomme de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes pendant qu’il est de service.

Se présente au travail en état d’ébriété ou inapte à remplir ses fonctions parce qu’il a consommé de la drogue ou de l’alcool.

[75] Il est évident que la consommation d’alcool en service et en étant armé d’un pistolet chargé est un comportement indigne pour un employé du SCC. Une telle conduite est susceptible de discréditer le SCC. Le fonctionnaire l’a fait pendant qu’il était de service et en uniforme, à bord d’un véhicule qui circulait sur des routes publiques.

[76] Aux paragraphes 51 à 60 à 62 de Tobin, la Cour d’appel fédérale a tranché la question relative à la discréditions et à l’atteinte à la réputation de l’employeur comme suit :

51 De la même façon, les règles de conduite professionnelle et le Code de conduite traitent de conduite nuisible à la réputation du SCC. Compte tenu de la mission du SCC, la question de savoir si une déclaration de culpabilité et les circonstances dans lesquelles la culpabilité a été reconnue lui sont nuisibles constitue un facteur à prendre en compte dans l’évaluation du caractère approprié de la sanction imposée à M. Tobin.

[…]

60 L’arbitre ne précise pas sous quelle forme une telle preuve devrait être présentée. La preuve directe d’atteinte à la réputation peut être requise en certaines circonstances, mais il était manifestement déraisonnable pour l’arbitre de fixer une norme qui, à toutes fins utiles, ne pouvait être respectée. L’on ne saurait apprécier ou mesurer la réputation d’une institution nationale de la même façon qu’on le ferait pour une personne au sein d’une collectivité. Comment l’arbitre concevait-il qu’une telle preuve lui serait présentée? Aurait-elle été présentée sous forme de sondages de l’opinion publique? Hormis la question des coûts et de l’emploi à bon escient des fonds publics, il m’apparaît que la conception de tels sondages poserait des difficultés considérables. Par exemple, comment l’employeur s’y prendrait-il pour savoir, avant les événements en question, qu’il doit commencer à recueillir des éléments de preuve d’atteinte à sa réputation? Il est tout simplement déraisonnable de croire que la réputation du SCC puisse être mesurée avec une précision mathématique et qu’un facteur particulier puisse expliquer avec certitude les changements à cette réputation.

61 Le passage de l’arrêt Fraser c. Canada (Commission des relations de travail dans la Fonction publique), [1985] 2 R.C.S. 455 [Fraser], auquel le juge de première instance renvoie au paragraphe 50 de ses motifs, est particulièrement pertinent à cet égard. Dans l’arrêt Fraser, il s’agissait de déterminer si les critiques d’un fonctionnaire à l’égard des politiques du gouvernement avaient laissé libre cours à la perception qu’il était incapable de remplir ses fonctions de fonctionnaire. La notion d’incidence néfaste est assez élastique, tout comme celle de l’image ternie. C’est en ce sens que la Cour suprême s’est prononcée :

Si on examine l’incidence néfaste dans un sens plus large, je suis d’avis qu’une preuve directe n’est pas nécessairement exigée. Les traditions et les normes contemporaines de la fonction publique peuvent constituer des éléments de preuve directe. Toutefois elles peuvent également être des éléments d’étude, d’argumentation écrite et orale, de connaissance générale de la part d’arbitres qui ont l’expérience du secteur public et enfin, de déductions raisonnables par ces derniers.

Fraser, précité, au paragraphe 48

62 Il en va de même pour la question de savoir si une conduite donnée porte atteinte à la réputation du SCC. Il s’agit d’une question dont le traitement commande une dose de bon sens et de discernement. […]

 

[77] Le fait de consommer de l’alcool pendant que l’on est de service pour le SCC tout en étant armé, et de donner de l’alcool à une collègue qui l’est aussi, et pendant que l’on se trouve à bord d’un véhicule du SCC qui circule sur des voies publiques, ne constitue absolument pas une représentation positive du SCC ou de la fonction publique fédérale. Une telle conduite discrédite manifestement l’organisation. Comme il est indiqué dans Fraser c. C.R.T.F.P., [1985] 2 RCS 455, il n’est pas nécessaire d’obtenir la preuve directe de l’opinion négative du public à l’égard du SCC, étant donné les gestes ou le comportement du fonctionnaire. Une personne raisonnable ayant une dose de bon sens et de discernement aurait une opinion négative de la conduite du fonctionnaire, ce qui présenterait son employeur et le SCC sous un mauvais jour.

[78] De plus, le fait que le fonctionnaire a ouvertement menti dans le cadre d’une enquête ne donne pas une image positive du SCC ou de la fonction publique fédérale. Sa tentative de discréditer un autre employé en lançant des calomnies sur le caractère de cet employé alors que celui-ci disait la vérité ne le fait pas non plus.

[79] Je conclus que le comportement du fonctionnaire, soit d’avoir apporté de l’alcool à l’établissement et pendant l’escorte, et ensuite d’en consommer, d’en fournir à sa collègue et de faire de fausses déclarations dans le cadre de l’enquête sur son comportement comprenait une inconduite grave, qu’un observateur raisonnable et informé jugerait susceptible de discréditer le SCC et l’employeur. Il n’est pas nécessaire de prouver le véritable discrédit.

[80] Même si l’employeur n’a pas sous-entendu que le fonctionnaire avait les capacités affaiblies, selon la définition qu’en fait le Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C‑46), la consommation d’alcool sous la forme d’une canette de bière affaiblit effectivement les capacités à un certain niveau. C’est là l’effet de l’alcool. Le fait d’avoir consommé la bière pendant qu’il portait une arme chargée signifiait que le fonctionnaire était de service avec les facultés affaiblies ou qu’il était inapte, parce qu’il était sous l’influence de l’alcool.

Règle trois

Entrave le travail d’autres employés

[81] En termes simples, le SCC a le mandat d’héberger des personnes qui ont été reconnues coupables d’infractions criminelles (détenus) et qui purgent des peines d’emprisonnement d’au moins deux ans, d’en prendre soin et de les contrôler. Ils habitent dans des établissements aux niveaux de sécurité différents, à l’échelle du pays, en fonction d’un certain nombre de facteurs différents. Certains ont été reconnus coupables de crimes violents et vicieux et passent leur vie en établissement. Selon le niveau de sécurité, la vie des détenus est très contrôlée et très réglementée chaque jour. Les CX assurent la sécurité de l’établissement et de ceux qui y habitent et y travaillent.

[82] La norme trois établit la façon dont les employés doivent interagir avec les autres membres du personnel dans le cadre de leur travail. La conduite du fonctionnaire, qui a apporté de l’alcool avec lui au travail, en a offert à une collègue, en a consommé et a dissimulé leurs gestes, et sa tentative d’attribuer le blâme à d’autres ne fait pas la promotion du respect mutuel ou n’améliore pas la qualité du service. En outre, elle ne contribue pas à un milieu de travail sain, sûr et sécuritaire, exempt de harcèlement et de discrimination.

[83] La preuve a montré qu’un certain nombre de personnes participaient à l’enquête et qu’elles géraient l’inconduite du fonctionnaire, dont plusieurs ont témoigné devant moi. En outre, son comportement a créé un environnement où les autres employés devaient choisir entre faire ce qu’ils devaient faire et être traités de traîtres, ce qui les aurait rendus victimes de harcèlement et de représailles. Tous ces éléments ont entravé le travail des autres.

B. La mesure disciplinaire était-elle excessive dans les circonstances?

[84] Étant donné que l’employeur a prouvé les allégations, je me penche maintenant sur la question de savoir si la sanction, le licenciement, était excessive. Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu qu’elle n’était pas excessive et je refuse de l’annuler.

[85] L’appréciation de la sanction dans les affaires disciplinaires au sein du secteur public fédéral a été établie aux paragraphes 179 et 180 de Brazeau, où l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) s’est exprimée comme suit :

179 Dans la quatrième édition de Canadian Labour Arbitration, Brown et Beatty discutent du rôle de l’arbitre de grief lorsqu’il est appelé à évaluer le caractère équitable d’une sanction particulière :

 

[Traduction]

[…]


L’objet de leur examen est de confirmer personnellement qu’une sanction est juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances – à savoir que la sanction est à la mesure de la faute […] (page 7-129)

[…]

Il est désormais reconnu que l’évaluation du caractère raisonnable d’une sanction disciplinaire passe par un examen étendu de nombreuses circonstances concernant l’employé, l’employeur et l’incident même. (page 7-144)

[…]

Sont invariablement pris en compte la nature de l’inconduite, les circonstances personnelles de l’employé, la façon dont l’employeur a géré la situation, ou un ensemble des trois. De plus, le contexte de l’emploi et la situation professionnelle de l’employé sont souvent des facteurs d’importance.

Pour qu’employeurs et employés comprennent mieux leur cadre analytique, les arbitres leur ont fourni des aide mémoire qui énumèrent les facteurs les plus importants qui déterminent le plus souvent la structure de leurs délibérations. Dans une ancienne décision fréquemment citée, un arbitre a résumé comme il suit les facteurs susceptibles de compenser la gravité de l’inconduite, toutes choses étant égales par ailleurs :

D’aucuns ont soutenu, toutefois, que, là où un conseil d’arbitrage est habilité à atténuer la sanction imposée au fonctionnaire s’estimant lésé, il doit prendre en considération les facteurs suivants pour rendre une décision :

1. le dossier du fonctionnaire s’estimant lésé;

2. les longs états de service du fonctionnaire s’estimant lésé;

3. la question de savoir si l’infraction était un cas isolé dans les antécédents de travail du fonctionnaire s’estimant lésé;

4. la provocation;

5. la question de savoir si l’infraction a été commise spontanément et représente un écart de conduite ponctuelle, si elle est due à de fortes impulsions émotives ou si elle était préméditée;

6. la possibilité que la sanction ait causé des difficultés financières particulières au fonctionnaire s’estimant lésé, compte tenu de ses circonstances;

7. des indices qui montrent que les règles de l’organisation n’ont pas été appliquées uniformément, ce qui constitue une forme de discrimination;

8. des circonstances montrant que le fonctionnaire n’avait pas d’intention coupable, par exemple la probabilité qu’il a mal compris la nature ou l’intention d’une directive, ce qui l’a porté à l’enfreindre;

9. la gravité de l’infraction en regard de la politique de l’entreprise et de ses obligations;

10. toutes autres circonstances que le conseil devrait prendre en considération (page 7 153)

[…]

180 Brown et Beatty traitent comme suit du potentiel de réadaptation et de la méthode corrective :

[Traduction]

La question capitale que doivent se poser les arbitres qui recourent à une approche corrective est celle de la capacité du fonctionnaire s’estimant lésé de se conformer à des normes de comportement acceptables à l’avenir. Pour pouvoir répondre à la question, il faut évaluer la capacité et la volonté du fonctionnaire s’estimant lésé de s’amender et de se réadapter pour qu’il soit possible de rétablir une relation d’emploi satisfaisante. En un mot, il incombe à l’arbitre de décider si la personne est « récupérable ». À ce propos, comme l’a signalé un arbitre, l’aide mémoire des facteurs atténuants « ne représente que les circonstances générales de considérations également générales qui déterminent le potentiel qu’a l’employé d’avoir un comportement acceptable à l’avenir », ce qui est le fond même de l’ensemble de l’approche corrective de la discipline.

Lorsqu’ils évaluent la possibilité qu’une relation d’emploi durable soit rétablie, les arbitres accordent énormément de poids aux excuses sincères que l’employé aurait offertes ou à l’authentique remords qu’il aurait exprimé. Il est supposé que les employés dont c’est le cas ont reconnu le caractère inacceptable de leur comportement et seront vraisemblablement capables de répondre aux attentes légitimes de l’employeur.

 

[86] Dans Horne, au paragraphe 204, la CRTFP a indiqué que le manque d’honnêteté au cours d’une enquête constitue une faute professionnelle grave.

[87] Le fonctionnaire n’avait aucune mesure disciplinaire à son dossier, ce qui joue en sa faveur. Cependant, il n’avait pas de longs états de service. Il ne s’est joint au SCC qu’à la fin de l’année 2010, ce qui signifie qu’il n’avait que six ans d’expérience au moment de l’incident du 21 novembre.

[88] Même s’il n’existe aucune preuve selon laquelle le fonctionnaire avait déjà apporté de l’alcool au travail et qu’il en avait consommé pendant qu’il était de service ou en avait offert à un collègue, l’incident du 21 novembre ne se limitait pas à ces faits. Quand il a été interrogé dans le cadre de l’enquête, un mois exactement après l’incident du 21 novembre, et pendant qu’il était représenté par un représentant de l’agent négociateur, le fonctionnaire a nié avoir apporté la bière au travail et en avoir consommé ou fourni à Mme B lors de son audience disciplinaire, tenue le 25 avril 2017, quelque cinq mois après l’incident du 21 novembre, encore une fois pendant qu’il était représenté, en plus de nié une fois de plus les allégations, il a remis en doute l’intégrité d’un autre employé (M. D), qui avait donné de l’information sur l’incident du 21 novembre.

[89] Les griefs liés au licenciement sont habituellement gérés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, et ce cas n’était pas différent. Le fonctionnaire aurait pu une fois de plus dire la vérité; une fois de plus, il ne l’a pas fait. Cette question devait au départ être entendue avec le grief déposé par Mme B afin de contester son licenciement, attribuable au même scénario, pendant la semaine du 23 mars 2020, à Kingston. L’audience a toutefois été reportée en raison du confinement imposé pour lutter contre la propagation de la COVID-19. Elle a été reportée et entendue par téléconférence les 15, 16 et 21 octobre 2020. On m’a dit que tout juste avant le début de l’audience, le grief déposé par Mme B avait été réglé et que seul celui du fonctionnaire serait entendu. Ce n’est qu’à ce moment, dans la semaine précédant l’audience, et presque quatre ans après l’incident du 21 novembre, que le fonctionnaire a avoué avoir apporté de la bière, en avoir consommé et en avoir offert une à Mme B.

[90] Les gestes posés par le fonctionnaire à plus d’une reprise pour induire en erreur son employeur en ce qui concerne l’incident du 21 novembre concernent directement son intégrité et son jugement. De plus, ses déclarations trompeuses répétées à son employeur sont survenues bien après l’événement en question et après qu’il a eu suffisamment le temps de penser à un plan d’action approprié. Plutôt que de dire la vérité, il a poursuivi une trajectoire préméditée, qu’il a continué de maintenir au fil du temps. On lui a donné à plusieurs reprises l’occasion de dire la vérité, de faire la bonne chose. Pourtant, même s’il a eu amplement la possibilité de le faire, non seulement il a décidé de faire des déclarations trompeuses à son employeur, mais c’est également ce qu’il a fait. L’on ne saurait dire que ses gestes étaient isolés, faits sur un coup de tête, ou qu’il s’agissait d’une réaction émotionnelle.

[91] Le fonctionnaire a fait valoir qu’il a un bon potentiel de réhabilitation. Pour les motifs déjà indiqués et pour ceux qui suivent, je ne suis pas d’accord.

[92] Je ne suis pas prêt à accepter la version du fonctionnaire pour expliquer la présence de la bière et sa consommation, le 21 novembre 2016, étant donné qu’elle ne répond pas au critère de crédibilité établi dans Faryna, qui indique en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans une affaire déterminée doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme étant raisonnable à cet endroit et dans ces conditions […]

[…]

 

[93] Le fonctionnaire a indiqué que, lorsqu’il s’est rendu au travail, le 21 novembre 2016, il avait soi-disant laissé par inadvertance des canettes de bière dans son sac de sport, qu’il avait apporté chez un ami la veille. Il a également indiqué qu’il avait mis de la nourriture, des boissons gazeuses, de l’eau et peut-être des boissons énergisantes dans son sac afin de partir travailler et qu’il l’avait apporté à l’établissement. Il a dit qu’il est entré à l’établissement en passant par le poste de sécurité et que personne n’a remarqué que le sac contenait de la bière.

[94] Si je dois croire cette version des événements, je dois accepter le fait qu’il y a eu un défaut total de la sécurité à une prison de sécurité moyenne et que les CX responsables de la tâche importante et difficile de maintenir la sûreté et la sécurité à un établissement canadien ont exécuté leurs fonctions avec une négligence telle qu’ils ont permis l’introduction d’un produit de contrebande par la porte d’entrée de Joyceville. Même si je ne puis accepter qu’il s’agisse de la véritable version des événements, si tel avait été le cas, le fait que le fonctionnaire n’ait pas dit la vérité près de quatre ans rendait impossible pour l’employeur d’enquêter sur ce qui aurait pu poser une grave menace à la sûreté et à la sécurité de l’Établissement, des personnes qui y travaillent et, possiblement, du public.

[95] De plus, dans son témoignage, le fonctionnaire a tenté de minimiser l’importance de tout risque pour Joyceville que sa consommation d’alcool aurait pu poser, en indiquant qu’il était retourné à l’Établissement vers 22 h 30, et qu’il était tout simplement demeuré près de l’entrée des véhicules, jusqu’au dénombrement de nuit, environ une demi-heure plus tard; il est ensuite rentré chez lui. Je ne puis accepter ou croire cette excuse, prouvée seulement par son témoignage, qui tranche nettement avec les trois autres éléments de preuve que voici :

• Dans son RODA, M. C a indiqué que l’événement en litige (quand il a vidé la poubelle du fourgon du SCC), s’était produit à 19 h, le 21 novembre.

• Dans le rapport d’enquête, on indique que M. C a indiqué lors de son entrevue qu’il est retourné à Joyceville (après être allé à la réserve de Millhaven) vers 18 h 30.

• La transcription des notes de l’audience disciplinaire de M. D, où il a indiqué que M. C lui avait dit qu’il était retourné à Joyceville à 19 h 30 le 21 novembre.

[96] Même si MM. C et D n’ont pas témoigné, les heures qu’ils ont indiquées et qui ont été saisies dans les documents produits en preuve indiquent que M. C est arrivé à Joyceville entre 18 h 30 et 19 h 30, soit de trois à quatre heures avant l’heure de retour indiquée par le fonctionnaire. Je suis prêt à accepter le fait que ces heures, indiquées par MM. C et D à la fin de l’année 2016 et au début de l’année 2017, sont probablement plus exactes que l’heure indiquée par le fonctionnaire de façon intéressée à la fin du mois d’octobre 2020. Même si ces heures ne sont pas exactement les mêmes, elles donnent une fourchette d’une heure. En outre, elles correspondent à une autre heure indiquée dans une autre partie du rapport d’enquête, où il est indiqué que M. C a dit être resté à l’HGK jusqu’à 17 h 30 ce jour-là.

[97] Selon le trajet emprunté, la distance entre l’HGK et la réserve de Millhaven varie de 25 km à 29 km et, encore une fois en fonction du trajet emprunté, la distance entre Millhaven et Joyceville varie de 43 km à 48 km. Toutes choses étant égales par ailleurs, étant donné la prépondérance de la preuve, il est probable que la période d’une à deux heures pour faire le voyage soit réaliste.

[98] En outre, les heures indiquées par M. C ou M. D étaient des faits inoffensifs, qui ne jouaient aucun rôle dans la conduite ou dans la mesure disciplinaire liée à l’une ou l’autre. Aucun d’eux n’a consommé d’alcool. L’inconduite qui leur avait été reprochée était leur défaut de coopérer en ce qui concerne la déclaration et l’enquête. L’heure à laquelle M. C est retourné à Joyceville n’a rien à avoir avec l’inconduite reprochée à M. C ou à M. D. Elle était toutefois très pertinente pour l’inconduite et pour la mesure disciplinaire du fonctionnaire, étant donné qu’un retour à 18 h 30 ou à 19 h 30 aurait signifié qu’il était de retour à Joyceville après avoir consommé de l’alcool en service et, pendant une partie du temps au moins, en possession d’une arme chargée, pendant 3,5 à 4,5 heures. Étant donné ses antécédents de mensonges et de fausses déclarations en ce qui concerne l’incident du 21 novembre, je ne suis pas prêt à accepter sa déclaration en ce qui concerne l’heure de son retour à l’établissement. Par conséquent, il ne s’agit pas, comme il le prétend, d’un facteur atténuant en sa faveur.

[99] Le fonctionnaire a indiqué que l’une des raisons pour laquelle il n’avait pas dit la vérité sur ce qui s’était passé était sa crainte à l’égard d’un gestionnaire excessivement zélé et sa peur de faire l’objet d’une mesure disciplinaire excessive. Ces déclarations ne sont que de simples allégations, et une atteinte à l’intégrité de son superviseur. Il n’a fourni aucune preuve. Je n’ai rien entendu qui me porterait à croire que M. Leeman, qui était son gestionnaire à l’unité d’isolement (où le fonctionnaire travaillait régulièrement) avait imposé des mesures disciplinaires à des employés, encore moins des mesures disciplinaires excessives. Aucune question n’a été posée à M. Leeman sur son pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires et sur les mesures disciplinaires qu’il avait imposées, le cas échéant, et aucun exemple de son zèle excessif n’a été présenté. En outre, aucune preuve d’autres mesures disciplinaires excessives ou de gestionnaire excessivement zélé n’a été présentée.

[100] Même si le fonctionnaire s’est effectivement excusé pour son comportement à l’audience, je ne crois pas qu’il était honnête ou sincère; je ne crois pas non plus qu’il ait des remords. Le témoignage qu’il a livré à l’audience et ses excuses indique qu’il a entretenu un mensonge et une imposture pendant presque quatre ans après l’incident du 21 novembre, jusqu’au dernier moment possible. Il a avoué son inconduite quelques jours à peine avant le début de l’audience et ne s’est excusé que pendant son témoignage. Quelle coïncidence remarquable que son aveu d’inconduite survienne seulement quand Mme B, qui a elle aussi été congédiée à cause de l’incident du 21 novembre, a réglé son grief à la dernière minute.

[101] Pendant son témoignage, même s’il s’est excusé, le fonctionnaire a maintenu ses excuses afin de réduire la gravité de son comportement et de rejeter le blâme sur les autres. Il a dit qu’il avait oublié que la bière se trouvait dans son sac de sport et a sous-entendu qu’il avait pu l’apporter dans l’établissement à cause d’un manque allégué de sécurité et de négligence de ses collègues dans l’exercice de leurs fonctions. Quand il a témoigné sur les événements qui l’ont mené à consommer la bière, il a indiqué ignorer qu’il avait ouvert une bière plutôt qu’une boisson gazeuse, une bouteille d’eau ou une boisson énergisante. Pourtant, même s’il a reconnu qu’il ignorait ce qu’il allait boire avant d’en prendre une gorgée, il savait ce qu’il buvait après cette gorgée, et plutôt que de la jeter ou d’arrêter de la boire et de la déverser, il l’a bue. Il s’agit d’une histoire plutôt pratique, qui ne satisfait pas au critère établi dans Faryna. Le fonctionnaire a également tenté de rejeter la faute de son silence sur les gestionnaires stricts allégués, et aucune preuve n’a été présentée à ce sujet.

[102] Le fonctionnaire a également soutenu qu’il n’avait pas dit la vérité plus tôt à cause du code d’honneur. Le terme « code d’honneur » renvoie à une entente entre des personnes de ne pas révéler de renseignements préjudiciables sur d’autres personnes ou sur des groupes, ce qui comprend habituellement des renseignements qui causeraient des problèmes à cette personne ou à ce groupe. L’utilisation de ce terme et son respect dans le système correctionnel sont connus, quoique l’on ignore à quel point il est réellement mis en pratique. Il est clair, à la lumière des preuves qui m’ont été présentées, que MM. C et D se préoccupaient de dénoncer le fonctionnaire et [Mme B], et Mme Boyce a indiqué qu’elle a été victime du code d’honneur quand elle a reçu le traitement du silence et qu’on l’a ignorée.

[103] Le respect du soi-disant « code d’honneur » ne constitue certainement pas une excuse légitime pour ne pas dire la vérité et avouer ses torts. Même si cela était problématique pour le fonctionnaire à ce moment, il y a longtemps que cela ne devrait plus être le cas, plutôt que quelques jours à peine avant l’audition de son grief. En fait, à la moitié de l’année 2017, il était sans emploi. S’inquiétait-il du code d’honneur une fois licencié? Je serais porté à croire que cela ne fut pas le cas.

[104] En fait, le fonctionnaire aurait dû être prévoyant et réaliser qu’il avait de graves problèmes au moment de son audience disciplinaire, selon ce qu’il savait que l’employeur savait, et parce qu’il savait qu’il mentait et qu’il était coupable de sa conduite en ce qui concerne l’incident du 21 novembre. Assurément, le fait de sauver son emploi était plus important que le code d’honneur. Encore une fois, le témoignage du fonctionnaire à cet égard n’est pas conforme au critère établi dans Faryna et ne ressemble à rien de plus que des excuses vides. Quoi qu’il en soit, même s’il a dit s’inquiéter à propos du code d’honneur, il n’a fourni aucun détail selon lequel quelqu’un lui aurait suggéré de ne pas dire la vérité, ou qu’il devrait mentir ou faire de fausses déclarations sur ce qui s’était produit, et qu’il subirait des conséquences négatives s’il n’agissait pas de la sorte.

[105] Le fonctionnaire a également fait valoir qu’après son licenciement, il a eu de la difficulté à se trouver un nouvel emploi et que, lorsqu’il a réussi à s’en trouver un, il gagnait un salaire bien inférieur, essentiellement le salaire minimum, et avait moins d’avantages sociaux et aucune représentation syndicale. Il a également dit qu’il aimait son travail de CX et qu’il aimait travailler avec ses collègues CX. Cela est malheureux, mais le fait que la mesure disciplinaire a eu une incidence financière sur un employé ne sert pas en soi à exiger d’un arbitre de grief ou d’une commission d’arbitrage qu’il réintègre cet employé. Autrement, aucun cas de licenciement où l’employé a perdu son emploi et subi des pertes financières ne pourrait être confirmé.

[106] Le fonctionnaire a également fait valoir que, malgré son comportement, il croit avoir continué de participer à des escortes et que son travail régulier n’a pas changé, ce qui devrait constituer un facteur en sa faveur. Toutefois, son témoignage à ce sujet était loin d’être convaincant et, étant donné cette incertitude et sa difficulté à présenter la vérité, je ne suis pas prêt à accepter sa déclaration à cet égard dans mon appréciation des facteurs qui permettent de déterminer si la mesure disciplinaire imposée par l’employeur était excessive.

C. Divers

[107] Dans ses arguments, le fonctionnaire a fait allusion au fait qu’il était inapproprié pour M. Leeman de faire partie de l’enquête, étant donné qu’il était son superviseur. Même s’il est tout à fait sensé qu’un superviseur immédiat ne participe habituellement pas en tant qu’enquêteur à une enquête sur un subalterne immédiat, la section du Code qui interdit un superviseur immédiat de participer à un examen des faits n’est pas une interdiction générale, mais vise l’examen des faits sur les mauvais traitements des détenus en vertu de l’annexe A.

[108] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[109] Le grief est rejeté.

Le 30 mars 2021.

Traduction de la CRTESPF John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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