Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée occupait un emploi à durée déterminée qui n’a pas été renouvelé – elle a contesté que cette décision était discriminatoire, compte tenu de sa condition médicale – l’employeur a objecté que le grief était hors délai – bien que la Commission ait déterminé que le grief était hors délai, elle a prorogé le délai de présentation par souci d’équité – la Commission a conclu que le non-renouvellement de l’emploi à durée déterminée n’était pas discriminatoire puisque la condition médicale de la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas été portée à la connaissance de l’employeur – la Commission a aussi conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait ni prouvé qu’elle souffrait d’une incapacité à l’époque ni que l’employeur aurait dû s’en douter.

Objection rejetée.
Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20210413

Dossiers: 566-34-10914

et 568-34-42578

 

Référence: 2021 CRTESPF 40

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Louise Dionne

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

Agence du revenu du Canada

 

employeur

Répertorié

Dionne c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et une demande visant la prorogation d'un délai visée à l'alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Linda Gobeil, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : James Cameron, avocat

Pour l’employeur : Pierre-Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Saguenay (Québec),

du 13 au 15 novembre 2019.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage et demande visant la prorogation d’un délai

[1] Le 3 juillet 2013, Louise Dionne, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), représentée par son syndicat, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat »), a présenté un grief contre l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur ») en vertu de la clause 19.01 de sa convention collective. La clause 19.01 se lit comme suit :

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

[2] Quant à lui, le grief se lit comme suit :

Je dépose un grief suite à la décision de l’employeur de ne pas renouveler mon poste à période déterminé en raison de mon incapacité. Cette décision est discriminatoire et contrevient à la convention collective, les politiques et lignes directrices de l’ARC ainsi que la loi Canadienne des droits de la personne. L’employeur a agi déraisonnablement en mettant fin à mon emploi alors qu’il avait accepté que je quitte le travail pour raison de maladie sans demander de date de retour. De plus, l’employeur n’a pas déployé tous les efforts pour me maintenir au poste de niveau SP-5 malgré mes nombreuses années d’expérience et de bon rendement. L’employeur n’a pas agi en personne raisonnable lorsqu’il n’a pas tenu compte de ma situation personnelle.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[3] À titre de mesures correctrices, la fonctionnaire demande ce qui suit :

Que l’employeur rescinde sa décision et me maintienne en emploi

Que l’on me réintègre dans le poste de SP-05 au retour de mon congé de maladie et dans l’alternative à un autre poste à l’ARC

Dans l’éventualité que ma condition médicale le nécessite, que l’employeur mette en place des mesures d’adaptation pour mon retour au travail. Que l’employeur prenne toutes autres mesures raisonnables dans les circonstances. Que je ne subisse aucun préjudice. Qu’on m’indemnise intégralement.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[4] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[5] Le grief de la fonctionnaire a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 20 janvier 2015. Le 10 mars 2015, la fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage et a donné avis à la Commission canadienne des droits de la personne alléguant de la discrimination de la part de l’employeur.

[6] Le 20 mars 2015, la Commission canadienne des droits de la personne a informé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique de son intention de présenter des observations relativement à l’allégation de discrimination soulevée par la fonctionnaire. Cependant, le 4 avril 2017, la Commission canadienne des droits de la personne a informé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique qu’elle n’avait plus l’intention de présenter de telles observations.

[7] Le 26 mars 2015, l’employeur a soulevé que le grief de la fonctionnaire devait être rejeté, car il avait été déposé au-delà du délai prescrit de 25 jours. En réponse, la fonctionnaire a soutenu, le 14 avril 2015, que le grief n’était pas hors délai; si je devais conclure que le grief est tardif, la fonctionnaire m’a demandé d’accorder une prorogation du délai compte tenu des circonstances de cette affaire.

[8] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

II. Résumé de la preuve

A. Objection de l’employeur

[9] Au début de l’audience, j’ai informé les parties que je prenais l’objection de l’employeur sous réserve et j’ai entendu la preuve.

B. Preuve de la fonctionnaire

[10] La fonctionnaire a témoigné avoir travaillé pour l’employeur depuis 1984, soit pour environ 30 ans. Elle a toujours occupé des emplois pour une durée déterminée, et ce, jusqu’à juin 2013. Après juin 2013, l’employeur a cessé de lui offrir un autre emploi (pièce B-A, onglets 2 à 4).

[11] Pour la période qui nous occupe, je note ici les périodes et la durée des emplois pour une durée déterminée offerts par l’employeur à la fonctionnaire à partir du mois d’août 2011, tel qu’il est indiqué dans la pièce B-A, à l’onglet 7 et dans la pièce E-1, à l’onglet 2. Je me dois ici de préciser qu’aucun argument n’a été fait concernant le statut de la fonctionnaire à la suite des nombreux emplois pour une durée déterminée de plus de trois mois de la fonctionnaire.

[12] Voici les périodes de travail de la fonctionnaire en tant qu’agente des décisions sur le RPC-A2 (groupe et niveau SP-05) dans le groupe de l’Assurabilité :

• nomination pour une durée déterminée de 2011-08-29 à 2012-03-30

• nomination pour une durée déterminée de 2012-03-30 à 2012-11-02

• nomination pour une durée déterminée de 2012-11-02 à 2012-12-28

• nomination pour une durée déterminée de 2012-12-28 à 2013-03-08

• nomination pour une durée déterminée de 2013-03-08 à 2013-03-29

 

[13] Voici les périodes de travail de la fonctionnaire en tant que commis au soutien administratif (groupe et niveau SP-02) dans le groupe de l’Assurabilité :

• nomination pour une durée déterminée de 2013-03-30 à 2013-05-10

• nomination pour une durée déterminée de 2013-05-10 à 2013-06-07

 

[14] Il est à noter que la fonctionnaire a pris des congés de maladie et d’autres congés au cours de ces périodes, notamment un congé de maladie pendant six mois, du 25 mai 2012 au 29 novembre 2012.

[15] Ainsi, en août 2011, la fonctionnaire a accepté un poste pour une durée déterminée d’agente des décisions (groupe et niveau SP-05) auprès du groupe de l’Assurabilité. La période initiale était du 29 août 2011 au 30 mars 2012 (pièce E-1, onglet 3). La fonctionnaire a témoigné avoir alors manqué de formation et que les dossiers dont elle devait s’occuper avaient un niveau de complexité supérieur à celui qui lui avait été initialement dit. Selon elle, elle devait s’occuper de dossiers du type « liens de dépendance », qui étaient plus banals et faciles à gérer. La fonctionnaire a expliqué avoir toutefois dû traiter de dossiers de type « inter-corporatif », qui avaient un trop grand degré de difficulté pour quelqu’un comme elle qui n’avait pas beaucoup d’expérience aux groupe et niveau SP-05. Tout cela a rendu son travail stressant. La fonctionnaire a indiqué avoir alors soulevé ce problème avec son réviseur de cas complexes et de revue technique d’alors, Luc Coudé. Ce dernier était d’avis lui aussi que les dossiers de type « inter corporatif » étaient trop complexes pour quelqu’un, comme la fonctionnaire, qui était moins expérimenté. Selon la fonctionnaire, sa chef d’équipe, Jocelyne Simard, était plutôt d’avis que la fonctionnaire aurait tôt ou tard à faire ce genre de dossiers, alors elle a continué à assigner à la fonctionnaire des dossiers plus complexes.

[16] La fonctionnaire a témoigné que, compte tenu de son manque d’expérience, elle devait passer plus de temps à lire les procédures, ce qui faisait en sorte qu’il lui fallait le double du temps dont ses collègues avaient besoin pour traiter des dossiers. Ses collègues lui conseillaient d’ailleurs de ne pas traiter certains dossiers. La fonctionnaire a indiqué ne pas avoir soulevé le problème avec ses supérieurs, car elle se sentait vulnérable compte tenu de son statut d’employée pour une durée déterminée. De plus, elle était embarrassée par sa situation personnelle (pièce B-A, onglet 10).

[17] En effet, la fonctionnaire a témoigné qu’en octobre 2011, soit quelques mois après le début de son emploi pour une durée déterminée (SP-05), elle a eu des problèmes avec son conjoint, ce qui a eu un impact dans son milieu de travail. Son conjoint, une autre personne impliquée et la fonctionnaire travaillaient tous pour le même employeur dans le même établissement. La fonctionnaire a dû changer d’établissement de travail, car il lui était difficile de travailler et de se concentrer. Selon la fonctionnaire, tout le monde au travail parlait de sa situation personnelle. Elle a dit avoir beaucoup pleuré au travail.

[18] La fonctionnaire a témoigné que l’automne 2011 et l’hiver 2012 avaient été très difficiles. Pendant cette période, elle s’est séparée de son conjoint, ce qui a eu un effet sur ses enfants; du même coup, elle devait rencontrer un avocat et régler les détails de la séparation. Cela avait été difficile émotivement.

[19] La fonctionnaire a aussi témoigné avoir eu des problèmes de santé à cette époque. Le 25 mai 2012, elle a dû subir une opération majeure qui l’a gardée immobilisée pendant six mois. Elle a donc été en congé de maladie de la fin mai 2012 jusqu’au 29 novembre 2012. La fonctionnaire a expliqué qu’à la suite de son congé de maladie, aucune mesure d’adaptation n’a été fournie par l’employeur, même si elle était en douleur et qu’elle avait de la difficulté à marcher. La fonctionnaire a soutenu qu’après ce temps, elle a été dans un état de détresse psychologique et qu’elle aurait dû avoir plus d’aide de la part de son employeur. Selon elle, le plan d’action proposé par l’employeur pour l’aider à améliorer son rendement était insuffisant; on aurait dû lui affecter un mentor (coach).

[20] La fonctionnaire a expliqué qu’à son retour au travail en novembre 2012, elle avait besoin d’aide, mais que l’employeur avait continué de lui donner des dossiers complexes de SP-05. Selon elle, les autres employés n’avaient pas ce type de dossiers aussi complexes. La fonctionnaire a toutefois convenu qu’en mai 2012, l’employeur lui avait indiqué qu’à son retour du congé de maladie, elle continuerait de suivre le plan d’amélioration qui avait été mis en place pour l’aider. Toutefois, selon elle, ce plan n’était pas suffisant. Elle avait besoin de plus d’aide à son retour de congé de maladie, qui avait pris fin le 29 novembre 2012, compte tenu de son état physique et mental (pièce E-1, onglet 10). Elle a indiqué que, de janvier 2013 à juin 2013, « elle n’était pas là ». Elle était inconsolable et, en plus, elle avait des problèmes de santé. La fonctionnaire a indiqué ne pas savoir si sa superviseure, Mme Simard, était au courant que sa santé mentale était affectée par tout ce qui lui arrivait. Selon elle, elle n’avait pas à étaler sa vie privée.

[21] La fonctionnaire a convenu ne pas avoir remis de certificat médical à son employeur réclamant des mesures d’adaptation spéciales ou de retour au travail progressives à son retour de congé de maladie à la fin novembre 2012. Elle a maintenu avoir indiqué à sa superviseure, Mme Simard, de prendre en considération son absence de six mois en congé de maladie dans l’affectation du travail et de son évaluation.

[22] Le 12 mars 2013, l’employeur a offert à la fonctionnaire un autre poste pour une durée déterminée, mais cette fois en tant que commis au soutien administratif (groupe et niveau SP-02), pour la période du 30 mars 2013 au 10 mai 2013 (pièce E-4).

[23] La fonctionnaire a témoigné que presque tout de suite après le début de son affectation en tant que SP-02, elle a dû retourner en congé de maladie. Elle avait d’autres symptômes et elle ne pouvait pas se concentrer. L’employeur a d’ailleurs dû la renvoyer en taxi chez elle le 30 avril 2013, car elle n’allait pas bien et qu’elle n’était pas en état de conduire.

[24] Après le 7 juin 2013, la fonctionnaire n’a pas eu d’autres emplois avec l’employeur, malgré le fait qu’elle avait toujours travaillé pour lui depuis 1984 et qu’elle avait toujours été une employée modèle. Selon la fonctionnaire, elle a été avisée autour du 12 juin 2013, pendant qu’elle était en congé de maladie, par Mme Simard que son dernier emploi à durée déterminée comme SP-02 ne serait pas prolongé (pièce B-A, onglet 3, p.6). Elle a témoigné avoir été six mois sans travail; elle a par la suite travaillé à l’hôpital de Chicoutimi. Elle y a travaillé sur appel pendant deux ans et demi. Par après, elle est allée travailler à l’hôpital de Joliette à temps plein, mais de façon temporaire.

[25] Selon la fonctionnaire, les problèmes de rendement que lui reprochent l’employeur ont été causés par ses problèmes personnels et médicaux qui ont fait en sorte qu’elle n’était pas capable de travailler comme elle l’avait fait pendant 30 ans (pièce E-1, onglets 7 à 9). Malheureusement, l’employeur n’a pas tenu compte de cette réalité. La fonctionnaire a indiqué qu’elle croyait que l’employeur était au courant de sa situation personnelle et médicale, mais qu’il n’en avait pas tenu compte (pièce B-A, onglet 10). La fonctionnaire a indiqué qu’elle aurait probablement atteint ses objectifs si elle avait continué de travailler avec la réviseure de dossiers Fabienne Gagné.

[26] La fonctionnaire a indiqué avoir rencontré son médecin en juin 2013. Elle a insisté sur le fait que ce dernier connaissait toutefois son état de santé depuis octobre 2012 (pièce B-A, onglet 9). Dans le certificat médical de la fonctionnaire du 10 juin 2013, le médecin précisait qu’elle souffrait de dépression majeure et de problèmes d’adaptation qui remontaient à février 2013 (pièce B-A, onglet 9). La fonctionnaire a aussi mentionné que, à la suite de sa séparation, ce médecin lui avait alors prescrit des médicaments pour l’aider à dormir.

[27] Steeve Boivin a témoigné pour la fonctionnaire. M. Boivin est l’ancien conjoint de la fonctionnaire. Il travaille pour l’employeur depuis plus de 27 ans. M. Boivin a témoigné que la santé mentale de la fonctionnaire s’était détériorée à l’automne 2011. Selon lui, la fonctionnaire pleurait beaucoup et elle avait de la difficulté à gérer son stress. Elle avait de la difficulté à se concentrer. En contre-interrogatoire, M. Boivin a admis ne pas être médecin et ne pas avoir de formation médicale ou dans le domaine de la psychologie.

[28] Mme Gagné a aussi témoigné pour la fonctionnaire. Elle est maintenant à la retraite après 36 ans de service auprès de l’employeur. Mme Gagné a déjà été agente des décisions (groupe et niveau SP-05), comme la fonctionnaire, avant de devenir réviseure de dossiers (groupe et niveau SP-06) jusqu’au moment de prendre sa retraite.

[29] Mme Gagné a expliqué que son travail, en tant que réviseure de dossiers, consistait notamment à réviser les dossiers des agents SP-5 pour s’assurer que ceux-ci étaient conformes et complets. L’employeur avait mis en place un système de rotation des réviseurs, ce qui faisait en sorte que les réviseurs n’étaient pas toujours affectés aux mêmes agents. Mme Gagné a indiqué avoir travaillé en tant que réviseure du 4 décembre 2012 au 9 mars 2013 auprès d’environ 10 agents, incluant la fonctionnaire (pièce B-A, onglet 10).

[30] Mme Gagné a expliqué qu’elle devait réviser tout le travail de la fonctionnaire, ce qui n’était pas le cas pour les autres agents sous sa responsabilité. Toutefois, Mme Gagné a souligné que la fonctionnaire avait « du cœur au ventre » et qu’elle travaillait fort. Selon Mme Gagné, la fonctionnaire avait une bonne compréhension des dossiers, mais elle oubliait parfois des petites choses qu’il fallait corriger. Elle a indiqué ne jamais avoir eu à renverser une décision prise par la fonctionnaire. Mme Gagné a témoigné que, vers la fin de mars 2013, les signes étaient encourageants à savoir que la fonctionnaire allait satisfaire aux exigences du poste. Elle a ajouté que la fonctionnaire lui avait mentionné avoir des problèmes avec son mari, mais elle ignorait si les chefs d’équipe, Mme Simard et Andréa Laflamme, étaient au courant de la situation. Mme Gagné a témoigné que la fonctionnaire lui semblait vulnérable et sensible au début de l’année 2013; elle l’a souvent vue pleurer.

[31] Jérome Martel a été le dernier témoin de la fonctionnaire. M. Martel s’est joint à l’employeur en 2010. En 2013, il était président du syndicat local et jusqu’en 2015, il a occupé un poste au groupe et niveau SP-05 avec le groupe d’Assurabilité, qui est une division qui fait affaire avec différents types de clients. Après 2015, M. Martel est devenu vice-président du syndicat pour la région du Québec.

[32] M. Martel a expliqué qu’une fois embauché, un agent des décisions (groupe et niveau SP-05) a deux semaines de formation en classe et des travaux pratiques par la suite. La personne reçoit ensuite ses dossiers et un réviseur lui est ensuite assigné. Pendant les trois premiers mois, le travail de l’agent des décisions SP-05 est révisé entièrement. L’agent des décisions SP-05 doit aussi respecter ses échéanciers. Selon M. Martel, un agent des décisions SP-05 a besoin d’environ un an pour tout apprendre; à la fin de l’année, l’agent des décisions SP-05 devrait normalement être en mesure de traiter des dossiers plus complexes.

[33] M. Martel a expliqué que le système de rendement en ce qui concerne les agents des décisions SP-05 est source de grand stress. Selon lui, la moyenne d’heures par dossier est de 8,5 heures, et 30 à 40 % des agents des décisions n’atteignent pas leurs objectifs.

[34] Selon M. Martel, s’il y a un écart entre les objectifs et les résultats, le chef d’équipe va chercher à savoir s’il y a des raisons médicales ou autres, comme la complexité des dossiers, qui peuvent expliquer les limitations, ce qui suppose une discussion entre le superviseur et l’agent des décisions SP-05. Selon M. Martel, les absences causées par la maladie peuvent aussi expliquer la difficulté pour un agent des décisions SP-05 d’atteindre ses objectifs (pièce B-A-1, onglet 6).

[35] M. Martel a aussi indiqué qu’un agent des décisions SP-05 ne traite normalement pas de dossiers du type « inter-corporatif » au début de son affectation. De plus, selon lui, il est plutôt rare de mettre en place un plan d’amélioration avant 9 à 12 mois après le début d’une affectation d’un agent des décisions SP‑05.

C. Preuve de l’employeur

[36] Mme Simard a témoigné pour l’employeur. Mme Simard est retraitée depuis juin 2015. Avant de prendre sa retraite, elle était chef d’équipe au groupe et au niveau MG-3. Dans le passé, Mme Simard a occupé des postes tels commis administratif (SP-02) et agente des décisions (SP-05). Elle a aussi été réviseure de dossiers (SP-06).

[37] Mme Simard a expliqué qu’elle était la chef d’équipe de la fonctionnaire à l’arrivée de cette dernière en 2011. La fonctionnaire a été rencontrée avec un groupe d’autres nouveaux agents des décisions de niveau SP-05. On leur a alors présenté la personne qui serait leur réviseur. Mme Simard a témoigné que les nouveaux agents des décisions SP-05 suivent une formation d’une durée de deux à quatre semaines. Par la suite, les dossiers assignés à ces nouveaux agents des décisions SP-05 sont vérifiés entièrement pendant les deux premières semaines. Pendant ces deux premières semaines, l’employeur ne tient pas compte du temps passé sur chaque dossier. Après quatre semaines, la vérification effectuée par les réviseurs diminue, et l’employeur s’attend à ce qu’un employé passe environ 7 heures et demie par dossier.

[38] Selon Mme Simard, l’assignation des dossiers dépend des faits en cause. Ainsi, selon elle, les dossiers de type « inter-corporatif » peuvent être complexes ou non; cela dépend des cas.

[39] Mme Simard a affirmé qu’il fallait normalement environ huit semaines à un nouvel employé pour se débrouiller avec les dossiers d’agent des décisions SP-05. Après un an, l’employé devait normalement être autonome.

[40] Mme Simard a témoigné qu’après la formation de la fonctionnaire, on avait apporté à son attention que cette dernière avait de la difficulté à faire la collecte des faits dans un dossier et qu’elle perdait beaucoup de temps à consulter différentes personnes au lieu de s’en remettre à son réviseur pour des avis et conseils.

[41] Puisqu’elle tenait à ce que la fonctionnaire atteigne ses objectifs, Mme Simard l’a souvent rencontrée, et elle lui a demandé si elle avait besoin d’aide.

[42] Mme Simard a témoigné avoir offert l’aide d’un employé à la fonctionnaire pour l’aider à gérer son stress causé par la crainte de ne pas atteindre ses objectifs (pièce E-1, onglet 10) à la suite de ces rencontres. À la demande de la fonctionnaire, on lui a aussi assigné un nouveau réviseur pour l’aider. Mme Simard a aussi expliqué avoir mis en place, après discussion avec la fonctionnaire, un premier plan d’amélioration en janvier 2012, un deuxième plan en mai 2012, et un troisième en janvier 2013 (pièce E-1, onglets 10 à 12). Mme Simard a expliqué avoir eu de nombreuses rencontres avec la fonctionnaire concernant les objectifs à atteindre et les moyens pour les atteindre.

[43] Mme Simard a témoigné que la fonctionnaire lui aurait fait part lors de leurs rencontres au début de l’année 2012 qu’elle trouvait qu’elle manquait de formation, et qu’elle était en procédure de séparation.

[44] Mme Simard a aussi témoigné que, pendant toute la période où la fonctionnaire a occupé le poste d’agent des décisions SP-05, le rendement de la fonctionnaire ne s’est pas amélioré (pièce E-1, onglets 8 à 11). Normalement, selon Mme Simard, le cumul des heures passées sur chaque dossier aurait dû diminuer en 2012 et au début de l’année 2013, toutefois ce ne fut pas le cas, et ce, malgré le fait que la fonctionnaire ait reçu de l’aide pour gérer son stress, qu’elle ait changé de réviseur (à sa demande) et que deux plans d’amélioration, soit en janvier 2012 et en mai 2012, aient été mis en place (pièce E-1, onglet 10).

[45] Mme Simard a affirmé avoir eu des discussions régulières avec la fonctionnaire en 2012, tel qu’il est mentionné dans les deux plans d’amélioration (pièce E-1, onglet 10). Selon Mme Simard, le rendement de la fonctionnaire ne s’est pas vraiment amélioré pendant les deux périodes couvertes par les plans d’amélioration. La qualité du travail faisait toujours défaut, et ce malgré le fait que la fonctionnaire avait maintenant un accès direct à un réviseur. En effet, elle avait priorité lorsqu’elle avait une question; elle n’avait pas à attendre. Selon Mme Simard, la fonctionnaire continuait d’avoir des problèmes d’interprétation des directives et de la loi. Elle continuait aussi à s’en remettre aux autres agents des décisions SP-05 au lieu de consulter le réviseur mis à sa disposition. Mme Simard a souligné avoir informé la fonctionnaire des conséquences possibles si son rendement ne s’améliorait pas (pièce E-1, onglet 10).

[46] Il est à noter ici qu’un troisième plan d’amélioration a aussi été mis en place du 7 janvier 2013 au 8 mars 2013, et que ce troisième plan se voulait la suite du plan d’amélioration précédant couvrant la période du 15 mai au 25 mai 2012 (pièce E-1, onglet 11). Selon Mme Simard, ce troisième plan d’amélioration a simplement changé de nom et est devenu un plan d’action (pièce E-1, onglets 11 et 12).

[47] Quant à l’état physique et psychologique de la fonctionnaire, selon Mme Simard, la fonctionnaire ne semblait pas en détresse émotionnelle ni n’a mentionné quoi que soit à cet égard lors de leurs rencontres régulières (pièce E-1, onglet 10). Mme Simard a toutefois reconnu que la fonctionnaire s’était plainte au début de janvier 2012 de douleurs physiques, et qu’elle avait dit craindre un cancer. La fonctionnaire a consulté un médecin à cet égard et elle a informé Mme Simard par la suite qu’il n’y avait pas de cancer et que ce « n’était pas grave » (pièce BA-1, onglet 10). Mme Simard a convenu être au courant des problèmes de la fonctionnaire avec son conjoint, mais elle a souligné que d’autres employés avaient passé au travers d’une séparation.

[48] Mme Simard a indiqué avoir prévu une nouvelle formation pour la fonctionnaire à son retour de congé de maladie; la fonctionnaire s’était fait opérer et elle avait été absente de mai 2012 à novembre 2012. Mme Simard estimait que la fonctionnaire avait besoin de rafraîchir ses connaissances. On a donc donné à la fonctionnaire un nouveau plan de formation avec un accès à un réviseur pour une durée de deux semaines à son retour. Il s’agissait d’un plan de formation adapté lorsqu’un employé revient d’un congé de maladie. À la suite de cette formation, l’idée était alors de reprendre le plan d’amélioration déjà prévu.

[49] Mme Simard a indiqué que, pendant la période où elle supervisait la fonctionnaire, cette dernière a pris plusieurs congés de maladie, incluant une absence de six mois de mai 2012 à la fin de novembre 2012, mais que dans tous les cas, ses absences étaient appuyées par des certificats médicaux (pièce E-1, onglet 6). Mme Simard a indiqué avoir demandé à la fonctionnaire si elle avait besoin de mesures d’adaptation pour l’aider, et la fonctionnaire lui a répondu que le médecin n’avait pas prescrit de mesures spéciales à la suite de son opération en mai 2012. Tout semblait bien aller de ce côté. Questionnée quant à savoir pourquoi elle n’avait pas demandé à la fonctionnaire de subir une évaluation médicale plus poussée, Mme Simard a affirmé que la fonctionnaire venait tout juste d’arriver dans le poste, elle disait être suivie par un médecin et qu’il n’y avait pas de mesures d’adaptation à prendre.

[50] Mme Simard a témoigné qu’elle ne se souvenait pas que la fonctionnaire était en pleurs dans son bureau après son retour de congé de maladie en novembre 2012. Mme Simard a précisé que, si cela avait été le cas, elle aurait fait de quoi. Elle a témoigné qu’on ne laisse pas un employé en pleurs et en détresse. Mme Simard a indiqué ne pas avoir vu le certificat médical de la fonctionnaire du 10 juin 2013; la fonctionnaire ne relevait plus d’elle en juin 2013.

[51] Mme Simard a quitté en décembre 2012 et elle a été remplacée par Andréa Laflamme, qui était la chef d’équipe de la fonctionnaire. Mme Simard a toutefois préparé l’évaluation du rendement de la fonctionnaire pour la période du 1er septembre 2011 au 22 octobre 2012 (pièce E-1, onglet 7). Mme Simard a expliqué que l’évaluation du rendement faisait état de plusieurs lacunes de rendement. Elle a affirmé qu’essentiellement, la fonctionnaire n’avait pas atteint les objectifs du poste SP-05. Elle a expliqué ne pas avoir mis cette conclusion dans le rapport de rendement, car la conséquence aurait été que l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire n’aurait tout simplement pas été prolongé. Mme Simard a indiqué avoir aussi pris en considération la condition médicale de la fonctionnaire. Selon Mme Simard, la fonctionnaire n’avait pas à traiter de dossiers complexes et difficiles. Par exemple, Mme Simard a maintenu que jamais elle n’aurait laissé la fonctionnaire avec un dossier complexe de type « inter-corporatif »; si la fonctionnaire en avait eu un, ses réviseurs désignés, comme M. Coudé, n’auraient jamais permis cela et auraient rapporté le tout comme chef d’équipe.

[52] Mme Simard a aussi expliqué avoir participé à l’évaluation du rendement de la fonctionnaire pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, et ce même si Mme Simard avait quitté en décembre 2012. Mme Simard a expliqué qu’elle avait quand même supervisé la fonctionnaire au retour de congé médical de cette dernière en novembre 2012, et que Mme Laflamme lui avait demandé de participer à l’évaluation (pièce E-1, onglet 9).

[53] Mme Simard a indiqué que cette évaluation faisait encore état de lacunes en ce qui concernait le rendement de la fonctionnaire; la fonctionnaire n’avait pas satisfait aux normes tant quantitatives que qualitatives de son poste SP-05 (pièce E-1, onglet 9).

[54] Quant à la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire à titre d’agente des décisions SP-05 à la fin de mars 2013, Mme Simard a indiqué qu’elle n’était plus en poste et que Marie Christine Claveau, la gestionnaire à la Division de la politique législative et affaire réglementaire, avait communiqué avec Mme Simard pour avoir sa rétroaction. Mme Simard a dit avoir fait part de ses observations à Mme Claveau de même que de ce que les réviseurs avaient dit au sujet de la fonctionnaire. Cependant, la décision revenait à Mme Claveau.

[55] Questionnée quant à savoir si elle savait que la fonctionnaire avait des problèmes physiques en 2012 et 2013, Mme Simard a rappelé qu’après avoir cru à un cancer, la fonctionnaire s’était ravisée. La fonctionnaire lui disait parfois avoir de la douleur, mais cela était pour d’autres périodes. Par exemple, la fonctionnaire avait avisé Mme Simard qu’elle avait de la difficulté à s’asseoir; l’employeur avait donc demandé une évaluation ergonomique pour aider la fonctionnaire. Selon Mme Simard, l’employeur ne connaissait pas la nature de la maladie de la fonctionnaire. La fonctionnaire n’a pas fait d’autres demandes.

[56] Selon Mme Simard, la fonctionnaire tenait, malgré ses problèmes de rendement, à demeurer dans le poste d’agente des décisions SP-05. Mme Simard a affirmé lui avoir demandé si elle se sentait à sa place à titre de SP-05; la fonctionnaire ne lui aurait jamais dit non. Selon Mme Simard, tout cela était aussi pour une question d’argent; la fonctionnaire ne voulait pas se retrouver dans un poste offrant un salaire moindre.

[57] M. Coudé a témoigné. Il est retraité. Il a été agent des décisions SP-05 pendant 19 ans. Il est devenu réviseur de cas complexes et de revue technique SP-06 en 2010. En tant que réviseur, il a eu l’occasion de réviser les décisions de la fonctionnaire.

[58] M. Coudé a affirmé que, normalement, les nouveaux agents des décisions traitent de dossiers sur le statut d’une personne employée et de son degré d’autonomie. Selon lui, les dossiers de type « inter-corporatif » ne sont pas tous compliqués; il y en a qui sont simples.

[59] Selon M. Coudé, si un agent des décisions, comme la fonctionnaire, le consulte sur un dossier et que ce dossier lui semble trop complexe, il avise alors la chef d’équipe, en l’occurrence Mme Simard ou Mme Laflamme, qui décide alors si l’agent des décisions a tout simplement besoin de « coaching », ou si le dossier va être réassigné à un autre agent plus expérimenté.

[60] M. Coudé a affirmé ne pas se souvenir si la fonctionnaire était venue le voir avec des dossiers trop complexes pour elle. Toutefois, il a indiqué se souvenir d’un dossier de la fonctionnaire qui avait été revu par sa collègue réviseure Mme Gagné. Il a affirmé qu’il avait dû, après la révision de Mme Gagné, revoir le dossier à la demande de Mme Laflamme. Selon lui, Mme Gagné était moins expérimentée que lui en tant que réviseur technique. Questionné si la fonctionnaire était tenue de suivre les directions de Mme Gagné dans ce dossier, M. Coudé a indiqué qu’il n’était pas en mesure de se prononcer. Il n’a pas participé à la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire en 2013.

[61] Mme Laflamme a aussi témoigné. Elle a occupé un poste d’agente des décisions SP-05 et elle a été réviseure SP-06. Elle a remplacé Mme Simard de façon intérimaire à titre de chef d’équipe (MG-3) du groupe de l’Assurabilité et, en 2016, elle est devenue permanente dans ce poste.

[62] Le témoignage de Mme Laflamme corrobore pour l’essentiel celui de Mme Simard. Mme Laflamme a d’abord été une collègue de travail de la fonctionnaire en tant qu’agente des décisions. Son poste de travail était alors très près de celui de la fonctionnaire. Jamais la fonctionnaire ne lui a fait part de problèmes personnels. Mme Laflamme a par la suite révisé des décisions de la fonctionnaire lorsqu’elle est devenue réviseure SP-06 en janvier 2012. La fonctionnaire avait alors beaucoup de problèmes de rendement. En effet, elle avait de la difficulté à comprendre le cadre législatif et les procédures à suivre pour arriver à une décision. Elle faisait aussi des erreurs d’inattention.

[63] Mme Laflamme a indiqué avoir rencontré la fonctionnaire lorsqu’elle est devenue chef d’équipe intérimaire en remplacement de Mme Simard. Mme Laflamme avait convenu avec Mme Simard avant qu’elle quitte de donner une « remise à niveau » à la fonctionnaire, qui devait revenir de son congé de maladie de six mois vers la fin de novembre 2012. De plus, l’employeur voulait rétablir un plan d’amélioration pour la fonctionnaire qui devait durer de janvier à mars 2013. Selon Mme Laflamme, la fonctionnaire trouvait que tout ce suivi de son rendement lui causait du stress.

[64] Mme Laflamme a témoigné qu’à deux ou trois reprises, la fonctionnaire pleurait dans son bureau parce que les résultats n’étaient pas là; la fonctionnaire était émotive. Mme Laflamme a tenté de la consoler. Selon Mme Laflamme, la fonctionnaire n’a fait aucune demande d’aide. Des mesures d’aide, comme le plan d’amélioration pour la période du 7 janvier 2013 au 8 mars 2013, ont été mises en place (pièce E-1, onglets 11 et 12).

[65] Dans son témoignage, Mme Laflamme a passé en revue ce plan d’amélioration de janvier 2013. Elle a souligné les efforts faits par l’employeur pour aider la fonctionnaire à atteindre ses objectifs : donner plus de temps à la fonctionnaire pour traiter un dossier; désigner une réviseure à temps plein en janvier 2013, en l’occurrence Mme Gagné, pour accompagner la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 11).

[66] Selon Mme Laflamme, la fonctionnaire avait tendance à consulter ses collègues de même niveau au lieu de s’en remettre à l’expertise de la réviseure. La fonctionnaire avait aussi, à quelques reprises, placé dans différents rapports de l’information qui appartenait à un autre dossier. Il arrivait souvent aussi que les dossiers étaient incomplets. Quant aux commentaires positifs et encourageants de la part de Mme Gagné à l’égard du rendement de la fonctionnaire, Mme Laflamme a expliqué que, bien qu’elle ne mettait pas en doute les compétences de Mme Gagné, il fallait comprendre que cette dernière était nouvelle dans son poste de réviseure SP-06 (pièce B-A, onglet 10).

[67] Mme Laflamme a indiqué ne pas avoir noté de trouble émotionnel ou physique de la part de la fonctionnaire ou d’en avoir été informée par d’autres employés, mis à part les deux ou trois fois où la fonctionnaire pleurait dans son bureau car elle était stressée de ne pas atteindre ses objectifs.

[68] Mme Laflamme a témoigné avoir avisé Mme Claveau le 6 mars 2013 que le rendement de la fonctionnaire ne s’était pas amélioré (pièce E-1, onglet 14). La qualité et la quantité n’étaient toujours pas là. Mme Laflamme a demandé à M. Coudé de réviser les trois derniers dossiers de décisions de la fonctionnaire, dont un avait été revu par la réviseure Mme Gagné. Selon Mme Laflamme, M. Coudé a lui aussi mis en doute le rendement de la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 14). Mme Laflamme a conclu que la fonctionnaire n’avait pas répondu aux attentes; les résultats attendus n’étaient simplement pas là (pièce E-1, onglet 8).

[69] Le 11 mars 2013, la fonctionnaire a été avisée, en présence de Mme Laflamme, de Mme Claveau et du représentant syndical de la fonctionnaire, M. Martel, que son emploi pour une durée déterminée en tant qu’agente des décisions SP-05 ne serait pas renouvelé. Selon Mme Laflamme, la rencontre s’est malgré tout bien passée. On n’a pas soulevé de problème physique ou psychologique de la fonctionnaire.

[70] Le 11 mars 2013, alors qu’elle était avisée que son emploi en tant qu’agente des décisions ne serait pas renouvelé, la fonctionnaire a quand même remercié Mme Laflamme de lui avoir donné toutes les chances pour l’aider à atteindre les objectifs qu’on lui avait donnés (pièce E-1, onglet 15).

[71] Mme Laflamme a témoigné que, devant le fait que l’emploi pour une durée déterminée d’agente des décisions de la fonctionnaire ne serait pas reconduit après le 29 mars 2013, Mme Claveau a immédiatement fait d’autres démarches afin de trouver un autre poste pour la fonctionnaire. Un poste pour une durée déterminée de commis au soutien administratif au groupe et au niveau SP-02 pour la période du 30 mars 2013 au 10 mai 2013 a donc été proposé à la fonctionnaire. Cet emploi était pour une durée déterminée jusqu’au retour au travail de la titulaire du poste.

[72] Selon Mme Laflamme, cette dernière affectation de la fonctionnaire en tant que commis au soutien administratif ne s’est pas non plus bien passée. Elle a cité en exemple que l’ouverture des dossiers par la fonctionnaire comportait souvent des erreurs; les dossiers n’étaient pas envoyés à la direction des Appels à Ottawa dans le délai requis, et la fonctionnaire ne faisait pas le suivi nécessaire.

[73] Le 30 avril 2013, une rencontre entre Mme Laflamme, Mme Claveau, la fonctionnaire et M. Martel s’est tenue afin de discuter des difficultés qu’avait la fonctionnaire dans son poste de commis au soutien administratif SP-02. Cette rencontre s’est mal passée. Selon Mme Laflamme, c’est lors de cette réunion que l’employeur a appris que la fonctionnaire n’allait pas bien, qu’elle prenait des médicaments, qu’elle était séparée et qu’elle consultait un psychologue. Mme Claveau a voulu s’assurer de la sécurité de la fonctionnaire et a voulu l’envoyer à l’hôpital, ce que la fonctionnaire a refusé. La fonctionnaire aurait dit qu’elle n’allait pas bien et que son médecin lui avait recommandé trois fois de prendre du repos et d’arrêter de travailler. Mme Claveau a communiqué avec la sœur de la fonctionnaire, mais cette dernière a refusé d’intervenir. Mme Claveau a quand même, d’elle-même, obtenu pour la fonctionnaire un rendez-vous d’urgence avec un médecin pour le lendemain. C’est M. Martel qui a raccompagné la fonctionnaire chez elle en taxi.

[74] Selon Mme Laflamme, c’était la première fois, lors de cette rencontre, qu’elle était informée que la fonctionnaire était séparée; la fonctionnaire ne lui avait jamais non plus parlé de problème de concentration.

[75] Mme Laflamme n’a pas revu la fonctionnaire par la suite, mais cette dernière a fourni un certificat médical du 10 juin 2013 (pièce B-A, onglet 10).

[76] Mme Claveau a été le dernier témoin. Avant de prendre sa retraite en 2015, Mme Claveau était gestionnaire à la Division de la politique législative et affaire réglementaire. Elle était responsable d’environ 150 employés. De 2011 à 2013, Mme Simard, et plus tard, Mme Laflamme, se rapportaient à elle en tant que chefs d’équipe, Mme Claveau a été tenue au courant du rendement de la fonctionnaire, car elle a indiqué tenir au développement de tous ses employés.

[77] Ainsi, Mme Claveau a appris en 2011 que la fonctionnaire avait des problèmes de rendement. Mme Claveau a aussi été mise au courant de la situation médicale de la fonctionnaire, celle-ci pensant peut-être avoir un cancer. Ce qui n’était pas le cas. Selon Mme Claveau, aucune mesure d’adaptation n’a été demandée ni prescrite par les médecins en 2011 et en 2012.

[78] Quant aux problèmes de rendement de la fonctionnaire lorsqu’elle était agente des décisions SP-05, Mme Claveau a témoigné avoir été consultée par Mme Simard et Mme Laflamme. Mme Claveau a alors demandé qu’on mette en place des plans d’amélioration pour aider la fonctionnaire (pièce E-1, onglets 11 et 12).

[79] Malheureusement, il n’y a pas eu d’amélioration au niveau du rendement, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Mme Claveau n’a alors eu d’autre choix que de ne pas renouveler, en mars 2013, l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire en tant qu’agente des décisions SP-05 (pièce E-1, onglet 14). Le 11 mars 2013, Mme Claveau et Mme Laflamme ont rencontré la fonctionnaire et M. Martel pour annoncer que son emploi à titre d’agente des décisions SP-05 ne serait pas renouvelé à son échéance le 29 mars 2013. La rencontre s’est passée sans incident.

[80] Le non-renouvellement de l’emploi à durée déterminée n’était pas une nouvelle pour la fonctionnaire. À plusieurs reprises, dans ses évaluations de rendement et dans ses plans d’amélioration, cette dernière avait été avisée que les objectifs et résultats n’avaient pas été atteints et que son emploi à durée déterminée ne serait pas prolongé (pièce E-1, onglets 8 à 11). Lors de cette rencontre, il n’y a eu aucune mention de problème psychologique ou physique qui aurait pu avoir une incidence sur le rendement de la fonctionnaire. Le 28 mars 2013, Mme Claveau a aussi avisé par écrit la fonctionnaire qu’elle ne rencontrait pas les attentes en matière de rendement comme SP-05 (pièce E-1, onglet 16).

[81] Mme Claveau a témoigné que, malgré tout, elle ne voulait pas que la fonctionnaire se retrouve sans rien; elle a dit : « humainement il fallait faire quelque chose ». Mme Claveau voulait trouver un autre emploi pour la fonctionnaire. Mme Claveau s’est donc informée auprès de la personne responsable du Centre fiscal de Jonquière pour voir si la fonctionnaire pouvait y retourner. Cela n’était pas possible.

[82] Mme Claveau a donc décidé d’offrir à la fonctionnaire le 12 mars 2013 un poste pour une durée déterminée en tant que commis au SP-02 soutien administratif (pièce E-1, onglet 4). Mme Claveau a expliqué que la fonctionnaire devait remplacer une autre employée seulement pour la durée de l’absence de cette dernière. Cet emploi pour une durée déterminée SP-02 devait être du 30 mars 2013 au 10 mai 2013. Il est à noter que cet l’emploi pour une durée déterminée a été prolongé pour couvrir la période de congé de maladie de la fonctionnaire jusqu’au 7 juin 2013 (pièce E-1, onglet 2). La fonctionnaire a accepté ce nouvel emploi pour une durée déterminée.

[83] Selon Mme Claveau, la situation ne s’est pas améliorée dans les nouvelles fonctions de commis au soutien administratif SP-02. Il y avait encore des problèmes lors de l’acheminement de documents et des mésententes aussi avec d’autres employés.

[84] Le 30 avril 2013, Mme Claveau, accompagnée de Mme Laflamme, a encore une fois rencontré la fonctionnaire et M. Martel. Le but de la rencontre était de voir comment allaient les choses. La fonctionnaire était ébranlée lors de cette rencontre. Elle pleurait et elle était émotive. Elle disait que ça n’allait pas bien, ce qui a inquiété Mme Claveau qui craignait à ce moment-là pour la vie de la fonctionnaire. Mme Claveau a donc immédiatement pris, pour la fonctionnaire, un rendez-vous avec un médecin. Mme Claveau a aussi appelé la sœur de la fonctionnaire, qui l’a mal reçue. Il a été décidé que M. Martel allait reconduire la fonctionnaire chez elle en taxi. Mme Claveau a témoigné avoir remis à la fonctionnaire son numéro de téléphone personnel; la fonctionnaire pouvait l’appeler n’importe quand si nécessaire.

[85] Mme Claveau a témoigné que la fonctionnaire ne s’est pas présentée au travail après la réunion du 30 avril 2013. Elle a été en congé de maladie jusqu’au 7 juin 2013, date à laquelle l’emploi pour une durée déterminée SP-02 est venu à échéance. De plus, la titulaire du poste occupé par la fonctionnaire devait réintégrer son poste le 17 juin 2013 (pièce E-1, onglet 17). Le 5 juin 2013, Mme Claveau a envoyé un courriel à M. Martel l’avisant que l’emploi à durée déterminée de la fonctionnaire comme SP-02 ne serait pas renouvelé au-delà du 7 juin 2013 (pièce E-1, onglet 17).

[86] Mme Claveau a convenu avoir reçu le 11 juin 2013, le certificat médical de la fonctionnaire daté du 10 juin 2013 qui était rétroactif au mois de février 2013. Elle a toutefois maintenu que les problèmes de rendement de la fonctionnaire avaient commencé dès le début de l’embauche de la fonctionnaire en tant qu’agente des décisions SP-05, soit en 2011.

[87] Selon Mme Claveau, ses collègues et elle n’avaient pas l’information leur permettant de déceler une dépression majeure chez la fonctionnaire. Mme Claveau a indiqué : « [la fonctionnaire] n’avait jamais soulevé ça; ça ne paraissait pas ». Mme Claveau a aussi témoigné ne pas avoir été au courant que la fonctionnaire s’était séparée de son conjoint en 2011. Elle l’a appris avec surprise à l’audience.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire

1. Le grief a-t-il été soumis hors délai?

[88] En réponse à l’employeur qui soutient que le grief de la fonctionnaire est hors délai car il a été déposé au-delà du délai de 25 jours applicable, la fonctionnaire maintient que le délai a commencé à courir après que la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 a été communiquée à la fonctionnaire le 12 juin 2013. Le grief n’est donc pas hors délai, car il a été déposé le 3 juillet 2013. La fonctionnaire a expliqué qu’il s’agit d’un grief continu, qui a commencé en 2011 et qui s’est terminé, non pas à la fin de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 le 29 mars 2013, mais plutôt à l’annonce que l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 ne serait pas renouvelé le 12 juin 2013.

[89] Subsidiairement, si je décide que le grief aurait dû être déposé 25 jours après l’annonce du non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05, soit verbalement le 11 mars 2013, et par écrit le 28 mars 2013 (pièce E-1, onglet 16), la fonctionnaire me demande d’exercer ma discrétion et de proroger le délai en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement. La fonctionnaire me réfère à Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1. La fonctionnaire souligne que l’employeur savait qu’elle souffrait de sérieux problèmes mentaux, ce qui a eu un effet sur le dépôt du grief. Selon la fonctionnaire, elle subirait un grave préjudice si le grief devait être rejeté à cause du retard; ce qui ne serait pas le cas pour l’employeur si une prorogation de délai était accordée.

2. Le non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 était-il discriminatoire?

[90] La fonctionnaire a maintenu que l’employeur avait agi de mauvaise foi en décidant de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05.

[91] La fonctionnaire a soutenu que la décision de l’employeur est basée sur des motifs discriminatoires. Ainsi, la décision de l’employeur avait donc des conséquences juridiques et ce, même si l’emploi non renouvelé était pour une durée déterminée. La fonctionnaire m’a référée aux décisions suivantes : Teti c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 112, au par. 129; et Chopra c. Canada (Procureur général, 2007 CAF 268, aux paragraphes 2 et 3.

[92] La fonctionnaire a plaidé que je me devais de regarder si, effectivement, l’employeur l’avait discriminée et qu’en conséquence elle a perdu son emploi. Au soutien, la fonctionnaire m’a renvoyée à la décision Hugues c. Canada (Procureur général), 2019 CF 1026, aux paragraphes 36 et 37.

[93] La fonctionnaire a aussi soutenu que, non seulement l’employeur ne pouvait faire preuve de discrimination envers une personne sur la base de sa santé mentale et physique, l’employeur avait aussi le devoir d’enquêter afin de voir si le rendement de la fonctionnaire était affecté par sa santé mentale et physique. L’employeur aurait dû savoir que la condition physique et mentale de la fonctionnaire affectait son rendement et qu’il ne suffisait pas d’affirmer qu’il ne connaissait pas l’état de santé de la fonctionnaire. La fonctionnaire m’a renvoyée aux décisions suivantes : Mellon c. Canada (Développement des Ressources humaines), 2006 TCDP 3, aux paragraphes 88 à 100; et Dupuis c. Canada (Procureur général), 2010 CF 511, aux paragraphes 25 à 27.

[94] Selon la fonctionnaire, si on met de côté les périodes pendant lesquelles elle a été absente pour raison de maladie, il s’agit d’une période d’environ 9 à 10 mois où elle a été au travail et au cours desquels il y aurait eu des problèmes de rendement. Lorsqu’on compare cette période au cours de laquelle son rendement aurait été déficient avec ses trente quelques années de travail sans problème, c’est une très courte période. L’employeur aurait dû tenir compte de ce fait, comme il aurait également dû prendre en considération le fait que la fonctionnaire souffrait de dépression majeure (pièce B-A, onglet 9). Mme Claveau aurait dû poser des questions; elle a été mal conseillée.

[95] La fonctionnaire a maintenu que l’employeur avait dit qu’il avait suffisamment d’éléments en main pour décider de ne pas renouveler son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05. L’employeur devait creuser davantage et voir si la fonctionnaire avait des problèmes de santé physique ou mentale.

[96] La fonctionnaire a rappelé qu’en 2011-2012, elle travaillait tout en éprouvant de la douleur physique; elle avait de la difficulté à s’asseoir. Elle a même dû subir une opération majeure qui l’empêchait de se déplacer pendant six mois. De plus, elle devait composer avec sa situation personnelle au travail, ce qui n’était pas facile, car son ancien conjoint et une autre personne impliquée travaillaient au même endroit qu’elle, et que tout le monde était au courant de la situation; les gens parlaient. La fonctionnaire trouvait difficile de travailler dans sa situation et dans l’environnement dans lequel elle se trouvait et de se concentrer comme elle l’avait fait pendant 30 ans.

[97] La fonctionnaire a vécu un énorme stress entre septembre 2011 et mai 2012. Mme Gagné et M. Martel ont dit que la fonctionnaire pleurait au travail et qu’elle était stressée.

[98] La fonctionnaire a aussi maintenu que Mme Simard savait avant mai 2011 qu’elle souffrait physiquement et qu’elle allait subir une opération. Elle savait aussi que la fonctionnaire vivait une séparation. Malheureusement, Mme Simard, tout comme Mme Laflamme, étaient seulement préoccupées par le rendement. Mme Simard n’a jamais dit à Mme Laflamme que la fonctionnaire était en procédure de séparation, ce qui est la preuve que, selon elle, cette situation n’était pas préoccupante. Mme Claveau a été plus directe, elle a mentionné qu’elle craignait pour la vie de la fonctionnaire.

[99] Malheureusement, après consultations, Mme Claveau n’a pas donné suite au certificat médical qui indiquait que la fonctionnaire était en dépression majeure depuis le mois de février 2013. Mme Claveau n’a pas jugé bon de demander un examen médical indépendant. Selon Mme Claveau, le problème de rendement existait en 2011. Toutefois, elle ne savait pas que la fonctionnaire était séparée de son conjoint à ce moment-là. Si Mme Claveau avait fait enquête, elle aurait vu que les problèmes physique et mental de la fonctionnaire existaient en 2011.

[100] Selon la fonctionnaire, l’employeur, qui connaissait le passé de la fonctionnaire depuis 1984, aurait dû chercher plus loin et réaliser qu’il y avait des circonstances particulières qui expliquaient les problèmes de rendement de la fonctionnaire. Malheureusement, il ne l’a pas fait.

B. Pour l’employeur

1. Le grief a-t-il été soumis hors délai?

[101] Quant à la question de savoir si le grief de la fonctionnaire est hors délai, l’employeur insiste sur le fait que les emplois pour des durées déterminées SP-05 et SP-02 sont des emplois pour des postes différents.

[102] La fonctionnaire a été avisée verbalement le 11 mars 2013 que l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 ne serait pas renouvelé. Cette information a été confirmée le 28 mars 2013 (pièce E-1, onglet 16). Ainsi, le grief de la fonctionnaire, déposé le 3 juillet 2013, est clairement hors délai et doit être rejeté. Selon l’employeur, le fait que le grief ait été déposé dans les 25 jours suivant la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire en tant que SP-02 le 5 juin 2013 n’est pas pertinent. Selon l’employeur, le grief déposé le 3 juillet 2013 a clairement pour objet la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant qu’agente des décisions SP-05, et non celui de commis au soutien administratif SP-02. Par conséquent, le grief de la fonctionnaire a été déposé hors délai et doit donc être rejeté.

[103] Subsidiairement, si je concluais que le grief de la fonctionnaire visait le non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 et qu’il n’était pas hors délai, l’employeur soutient que tous ont reconnu que cet emploi était clairement pour une période déterminée pendant l’absence de la titulaire du poste, que ce poste avait été accordé pour venir en aide à la fonctionnaire et qu’il ne s’agissait pas ici d’une question de rendement.

2. Le non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 était-il discriminatoire?

[104] Par la suite, la question qui se pose, selon l’employeur, est de déterminer à quel moment la fonctionnaire était dépressive. Selon l’employeur, personne n’est en mesure de dire à partir de quand la fonctionnaire était dépressive. Il soutient que le certificat médical fourni par la fonctionnaire après les événements du 30 avril 2013, et qui indique un état dépressif à partir du mois de février 2013, doit être considéré avec une très grande prudence. Le certificat ne fait état que d’un court diagnostic. Il n’y a aucuns détails et le médecin n’a pas témoigné. L’employeur m’a renvoyée à Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, aux paragraphes 26 et 31.

[105] L’employeur m’a aussi renvoyée aux certificats médicaux précédents de la fonctionnaire, et il a insisté sur le fait que jamais auparavant il n’avait été question d’un problème de dépression dans ces certificats médicaux (pièce E-1, onglet 6). Ce n’est que le 10 juin 2013, soit après avoir été avisée que son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 ne serait pas renouvelé et cinq jours après que M. Martel ait été informé, que l’employeur a reçu le certificat médical faisant état d’une dépression majeure qui perdurait depuis février 2013. Quant à la responsabilité de la fonctionnaire, l’employeur m’a renvoyée aux décisions Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33, et Brassard c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 102.

[106] L’employeur maintient qu’il ne faut pas oublier que la seule information que Mme Claveau avait lorsqu’elle a décidé de ne plus renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 de la fonctionnaire était la dernière rencontre du 11 mars 2013 avec la fonctionnaire, et au cours de laquelle rien ne laissait croire que la fonctionnaire avait un problème de dépression.

[107] L’employeur insiste qu’il lui fût impossible de deviner l’état physique et mental de la fonctionnaire, et que s’il avait alors insisté pour une évaluation médicale, on lui aurait alors reproché de harceler la fonctionnaire.

[108] L’employeur soutient qu’il revient à la fonctionnaire de faire la preuve prima facie qu’il a posé un acte discrimination à son égard en raison de sa santé physique et mentale, ayant pour résultat que son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 n’a pas été renouvelé.

[109] Ainsi, la fonctionnaire se doit de faire la preuve prima facie qu’elle avait une déficience physique menant à un traitement différent, à savoir le non‑renouvellement de son emploi pour une durée déterminée. Il doit y avoir un nexus entre les deux.

[110] L’employeur a maintenu qu’au cours de la période avant que la fonctionnaire subisse son opération en mai 2012, la fonctionnaire s’est plainte d’inconfort et de douleurs, mais tout cela n’a pas été communiqué à l’employeur et n’a pas été documenté dans des certificats médicaux. Il n’y a aucune preuve d’une incapacité avec limitations ou d’une nécessité de mesures d’adaptation. Rien de tout cela n’a été demandé. Même si la fonctionnaire fournit régulièrement des certificats médicaux après ses absences, rien ne soutenait une incapacité ou des limitations. Selon l’employeur, il faut faire la différence entre une incapacité physique et le fait d’être affligé par la douleur. Dans le présent cas, aucune preuve d’incapacité physique n’a été présentée.

[111] Selon l’employeur, la preuve est claire à savoir que Mme Simard a souvent demandé à la fonctionnaire si elle avait besoin de quelque chose. La fonctionnaire n’a rien demandé ni indiqué quoi que ce soit. Lors du retour de la fonctionnaire à la suite de son opération en novembre 2012, encore une fois, Mme Simard a demandé à la fonctionnaire si elle avait besoin de mesures d’adaptation. La réponse était négative. Selon l’employeur, il est important de comprendre le contexte du présent cas : l’employeur n’avait pas d’information lui permettant de conclure à une incapacité physique. L’employeur m’a renvoyée aux décisions suivantes : Medeiros c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) et Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2012 CRTFP 104; et Belmar c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 20.

[112] Quant à savoir si l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire à cause de son état mental, l’employeur soutient encore une fois ne pas avoir été informé de son état mental. L’employeur a soutenu que bien que Mme Simard et Mme Laflamme aient vu la fonctionnaire pleurer, tout cela était lié d’une part au stress du rendement et d’autre part au fait que la fonctionnaire croyait à cette époque avoir un cancer, ce qui n’était pas le cas.

[113] À cet égard, l’employeur a précisé que bien que les témoins M. Boivin et M. Martel ont indiqué avoir vu pleurer la fonctionnaire, il s’agit de l’ex-conjoint de la fonctionnaire et son représentant syndical, et non pas de représentants de l’employeur. Il n’y a donc pas de preuve que la fonctionnaire était désemparée au travail ou qu’elle était en état de détresse.

[114] L’employeur a aussi soutenu que la séparation de la fonctionnaire n’était pas connue de tous; c’est lors de l’audience que Mme Laflamme et Mme Claveau ont appris que la fonctionnaire était séparée de son conjoint, et qu’une autre personne au travail avait aussi été impliquée.

[115] L’employeur est revenu sur le témoignage de Mme Claveau affirmant avoir pris sa décision en tenant compte de l’information dont elle disposait. Elle ne pouvait pas prendre de mesure d’adaptation quand elle ne savait pas qu’il en fallait. Malgré tout, l’employeur a fait plusieurs efforts pour aider la fonctionnaire, par exemple mettre en place des plans d’amélioration afin d’aider la fonctionnaire à atteindre ses objectifs et ce, dans un contexte où l’employeur n’avait pas d’information sur l’état de santé général de la fonctionnaire. L’employeur m’a renvoyée à Togola c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2014 CRTFP 1. Selon l’employeur, le 11 mars 2013, la fonctionnaire aurait pu saisir l’occasion pour l’informer de sa situation. Elle n’a rien dit, ainsi que son représentant syndical qui l’accompagnait. Si, effectivement, la fonctionnaire n’était pas bien physiquement et mentalement, pourquoi alors ne pas avoir déposé un grief à la suite de la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05? Selon l’employeur, il y a dans le présent cas une responsabilité de la part du syndicat qui la représentait.

[116] Selon l’employeur, le fait que la fonctionnaire ait travaillé tout près de 30 années sans problème n’est pas pertinent. L’employeur a souligné que, d’une part, il ne s’agissait pas de 30 années de travail continu, et d’autre part, il est possible que les fonctions exercées par la fonctionnaire avant de se joindre en tant que SP-5 au groupe de l’Assurabilité lui convenaient mieux.

[117] En ce qui concerne l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02, l’employeur maintient que la question de discrimination ne se pose pas, car la fin de l’emploi pour une durée déterminée était préalablement connue de tous, incluant la fonctionnaire. Cet emploi devait se terminer lorsque la titulaire du poste reviendrait au travail le 17 juin 2013.

C. Réplique

[118] En réplique, la fonctionnaire a soumis que l’employeur avait assez d’éléments pour voir qu’elle n’était pas elle-même. Selon la fonctionnaire, l’employeur avait assez d’information pour s’enquérir davantage auprès d’elle et essayer de comprendre ce qui n’allait pas. Même si l’employeur a mis des mesures en place pour aider la fonctionnaire, il avait un devoir de chercher davantage pour comprendre ce qui arrivait.

[119] Selon la fonctionnaire, l’employeur n’a pas pris une approche raisonnable dans le présent cas. Alors que plusieurs indices montraient des incapacités physiques et mentales chez la fonctionnaire en 2013, l’employeur a choisi d’ignorer ces indices. L’employeur n’aurait pas dû s’en tenir à mettre en place des plans d’amélioration. Il aurait dû aussi prendre une approche raisonnable, qui aurait été de chercher à comprendre ce qui se cachait derrière les problèmes de rendement de la fonctionnaire. Malheureusement, il ne l’a pas fait.

IV. Motifs

A. Est-ce que le grief est hors délai, et, si oui, est-ce que la Commission devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et proroger le délai en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement?

[120] En réponse à l’objection soulevée par l’employeur, à savoir que le grief devrait être rejeté car il a été déposé hors délai, la fonctionnaire a soutenu que le grief n’est pas hors délai, car il s’agirait d’un grief continu qui vise la décision de l’employeur de ne pas renouveler les emplois pour une durée déterminée de la fonctionnaire en tant que SP-05 et SP-02.

[121] Subsidiairement, si je conclus que le grief a été déposé au-delà du délai de 25 jours, la fonctionnaire me demande d’exercer mon pouvoir discrétionnaire en vertu de l’alinéa 61b) du Règlement et de proroger le délai pour déposer le grief.

[122] Dans un premier temps, je dois décider si le grief porte sur l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05, s’il s’agit d’un grief portant sur le non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 ou si ce grief est de nature continue.

[123] À mon avis, le libellé du grief présenté è l’employeur laisse peu de doute quant à l’intention de la fonctionnaire de déposer un grief contre la décision de l’employeur de ne pas prolonger son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05. Aucune mention quant à l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 n’y est faite.

[124] Même si le dépôt du grief par la fonctionnaire le 3 juillet 2013 fait suite à la décision de l’employeur de ne pas renouveler son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02, il n’en demeure pas moins que la décision contestée dans le grief est le non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05. L’employeur a avisé verbalement la fonctionnaire de cette décision le 11 mars 2013 et l’a fait par écrit le 28 mars 2013 (pièce E-1, onglet 16). Le grief de la fonctionnaire est donc hors délai, car il a été déposé plus de 25 jours après que la décision de l’employeur lui a été communiquée.

[125] L’alinéa 61b) du Règlement prévoit que la Commission peut, par souci d’équité et sur demande de l’une des parties, proroger le délai pour le dépôt d’un grief.

[126] La décision Schenkman a énuméré les critères à considérer lors d’une demande de prorogation du délai. Ces critères sont les suivants :

- le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;

- la durée du retard;

- la diligence raisonnable de la fonctionnaire;

- le caractère disproportionné de l’injustice que le délai cause a la fonctionnaire à la lumière du préjudice qu’une prorogation causerait à l’employeur;

- les chances de succès du grief.

[127] Considérant le premier critère, à savoir que le retard soit justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes, la preuve a montré que, le 11 mars 2013, lors de la rencontre avec la fonctionnaire, M. Martel, Mme Laflamme et Mme Claveau, cette dernière a avisé la fonctionnaire que son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 ne serait pas prolongé au-delà du 29 mars 2013. Toutefois, par compassion, Mme Claveau a trouvé pour la fonctionnaire un autre emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02, pendant l’absence de la titulaire permanente de ce poste.

[128] La fonctionnaire n’a pas, dans le délai de 25 jours, déposé de grief contre le non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05. Je comprends de la preuve que la fonctionnaire, voyant que l’emploi en tant que SP-05 pour une durée déterminée ne serait pas prolongé, a choisi d’accepter d’aller de l’avant et d’accepter l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02. Les discussions quant au non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 et l’offre de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 sont très contemporaines, l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 ayant officiellement été offert le lendemain de la réunion avec la fonctionnaire, soit le 12 mars 2013, comme en fait foi la lettre d’offre comme SP-02 (pièce E-1, onglet 4). Il appert que la fonctionnaire ait opté dans les circonstances pour accepter l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 (pièce E-1, onglet 4). Je peux comprendre que la fonctionnaire voulait, à ce moment-là, continuer de travailler, même si c’était dans un poste à un niveau moindre, à savoir SP-02.

[129] Dans les circonstances, la fonctionnaire, placée devant un choix difficile, soit de déposer un grief ou d’aller de l’avant et accepter un emploi pour une durée déterminée à un niveau moindre. Elle a accepté l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02. Compte tenu du contexte, des discussions tenues simultanément quant aux emplois en tant que SP-05 et SP-02, l’explication de la fonctionnaire qui voulait continuer à travailler m’apparaît comme une raison claire, logique et convaincante compte tenu du contexte factuel et temporel.

[130] Examinant maintenant le critère du caractère disproportionné de l’injustice que le délai cause a la fonctionnaire à la lumière du préjudice qu’une prorogation causerait à l’employeur, je conclus que le préjudice que pourrait subir l’employeur du fait d’une prorogation serait beaucoup moindre que l’injustice à laquelle la fonctionnaire fait face. À cet égard, aucune indication de préjudice potentiel sérieux de l’employeur n’a été soumise.

[131] Quant à la durée du délai écoulé entre la date de la décision et le dépôt du grief, soit entre le 11 mars 2013 et le 3 juillet 2013, je considère que, dans les circonstances, un retard de quelque 3 mois n’est pas excessif. Finalement, considérant les chances de succès du grief, compte tenu des faits dans cette affaire et des nombreux témoins, ce critère m’apparaît plus difficile à évaluer; il nécessiterait un examen de la preuve sur le fond.

[132] Dans les circonstances, et par souci d’équité, j’accorde donc la demande de prorogation de délai de la fonctionnaire pour déposer son grief le 3 juillet 2013 contre la décision de l’employeur de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05.

B. Est-ce que la décision de l’employeur de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 en mars 2013 était discriminatoire?

[133] Comme je l’ai déjà mentionné, le grief porte à mon avis sur le non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05, et non sur l’emploi en tant que SP-02. La question du non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 n’est donc pas devant moi. J’ajouterais toutefois que l’octroi de cet emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 m’apparaît clairement avoir été fait, comme l’a dit Mme Claveau, par souci « d’humanité ». Mme Claveau cherchait malgré tout, et en toute bonne foi, à continuer d’aider la fonctionnaire. Fait encore plus important, l’employeur a clairement signalé à la fonctionnaire en mars 2013 qu’il s’agissait d’un emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02, avec une date de fin d’emploi clairement exprimée qui était assujettie au retour de la titulaire du poste.

[134] J’aimerais tout d’abord rappeler que l’emploi de la fonctionnaire en tant que SP-05 était lui aussi pour une durée déterminée et qu’aucun fonctionnaire n’a droit au renouvellement automatique d’un tel emploi. J’aimerais aussi rappeler que, malgré les lacunes de rendement de la fonctionnaire dès le début de son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05, cet emploi a tout de même été renouvelé plusieurs fois de mai 2011 à mars 2013.

[135] En effet, considérant toute la preuve entourant le niveau de rendement de la fonctionnaire, il m’apparaît, sans aucun doute, que la fonctionnaire, malgré la mise en œuvre de trois plans d’amélioration, d’aide de gestion de stress, de formation, d’accès direct à des réviseurs, d’évaluations du rendement détaillées, de rencontres et de suivis réguliers avec ses chefs d’équipe, n’a pas été en mesure d’atteindre les objectifs. Les détails des problèmes de rendement, des tentatives pour régler les lacunes et des commentaires ont été fournis (pièce E-1, onglets 5, 7, 8, 9, 10, 11, et 12).

[136] Il faut aussi garder à l’esprit que, selon la preuve, c’était la première fois que la fonctionnaire avait un emploi dans le groupe de l’Assurabilité et à un niveau SP-05 (pièce B-A, onglet 7, et pièce E-1, onglet 2). Avant, la fonctionnaire avait occupé des emplois pour des durées déterminées dans la Direction des recouvrements des recettes, au groupe et aux niveaux SP-03 et SP-04 (pièce B-A, onglets 3 et 7).

[137] Malgré les difficultés de rendement de la fonctionnaire, l’employeur a prolongé, quatre fois, soit du 29 août 2011 au 30 mars 2013, l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire en tant que SP-05. Par la suite, Mme Claveau a offert, pour des raisons qualifiées « d’humanitaires », un autre emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02, du 30 mars 2013 au 10 mai 2013, ce dernier emploi ayant été prolongé jusqu’au 7 juin 2013, compte tenu du retour de la titulaire du poste (pièce B-A, onglet 7, et pièce E-1, onglets 2 et 17).

[138] La fonctionnaire a soutenu qu’en 2011, elle était en état de détresse psychologique à la suite de sa séparation à l’automne 2011; son conjoint travaillait dans le même édifice qu’elle. Tout ça aurait fait en sorte qu’elle avait de la difficulté à se concentrer, ce qui aurait nui à son rendement. Elle a soutenu aussi que ses problèmes de rendement étaient aussi attribuables à sa condition physique qui a nécessité une opération en mai 2012 et une convalescence jusqu’en novembre 2012.

[139] Selon la fonctionnaire, il était alors apparent qu’elle souffrait psychologiquement et physiquement dès 2011. Dans le passé, elle aurait toujours eu un bon rendement. L’employeur aurait donc eu le devoir de chercher à comprendre la raison des problèmes de rendement. Au lieu de se limiter à lui imposer des plans d’amélioration qui n’ont fait qu’accentuer son stress, l’employeur aurait dû chercher davantage. En décidant de ne pas renouveler son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05, l’employeur aurait fait preuve de discrimination envers la fonctionnaire sur la base de son état mental et physique.

[140] La jurisprudence est constante à savoir que la partie qui allègue qu’il y a eu discrimination doit d’abord faire la preuve prima facie de discrimination. Ainsi, tel que notamment reconnu par la Cour suprême du Canada dans Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33 :

33 Comme l’a à juste titre reconnu le Tribunal, pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois sur les droits de la personne. Si la conduite ou pratique ne peut être justifiée, le tribunal conclura à l’existence de la discrimination.

 

[141] Dans le présent cas, la caractéristique invoquée par la fonctionnaire serait protégée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) (plutôt que par le Human Rights Code de la Colombie-Britannique (R.S.B.C. 1996, ch. 210)) et l’effet préjudiciable serait relatif au non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05. Il s’agit donc de déterminer si la fonctionnaire a présenté une preuve prima facie à l’effet que :

• la fonctionnaire avait une caractéristique protégée par la Loi canadienne sur les droits de la personne;

• la fonctionnaire a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05;

• la caractéristique protégée a été un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable.

 

[142] Le paragraphe 3(1) et l’alinéa 7a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoient ce qui suit :

3(1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’état de personne graciée ou la déficience.

7 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

 

[143] Je dois donc décider si la fonctionnaire a fait la preuve d’une incapacité psychologique ou physique et si, tel qu’il est allégué, cette incapacité a été un facteur dans la décision de ne pas renouveler son emploi à durée déterminée en tant que SP-05. C’est dans ce contexte que se soulève la question si l’employeur aurait dû savoir qu’elle souffrait d’une telle incapacité.

[144] Regardons dans un premier temps l’élément de détresse psychologique que la fonctionnaire a dit subir en 2011 lorsqu’elle a éprouvé des difficultés avec son conjoint. La fonctionnaire a affirmé que ces difficultés ont été accentuées du fait que son conjoint, une autre personne impliquée et elle-même travaillaient dans le même édifice. Je note qu’aucune preuve médicale n’a été présentée pour établir que la fonctionnaire souffrait d’une incapacité à cette époque. La preuve révèle cependant que, bien que la fonctionnaire ait mentionné à Mme Simard qu’elle avait des difficultés avec son conjoint, elle n’a jamais élaboré avec Mme Simard sur ce sujet, ni n’a indiqué que la situation avec son conjoint lui occasionnant des problèmes de stress, de concentration et nuisait à son atteinte des objectifs. À cet égard, la fonctionnaire a témoigné qu’elle ne savait pas si « Mme Simard était au courant que sa santé mentale était affectée par ce qui lui arrivait » et « qu’elle n’avait pas à étaler sa vie privée ». J’en conclus donc que la preuve n’établit pas que Mme Simard avait une raison objective de suspecter un état de détresse psychologique chez la fonctionnaire, d’autant plus que la fonctionnaire a décidé de ne pas en informer Mme Simard.

[145] Bien que je comprenne la délicate situation dans laquelle la fonctionnaire se trouvait et le fait qu’elle tenait à ne pas avoir à donner des détails, il m’apparaît maintenant difficile de soutenir que Mme Simard aurait dû savoir ce qui se passait. Il est vrai que Mme Simard a indiqué qu’elle était au courant que la fonctionnaire s’était séparée de son conjoint à l’automne 2011. Toutefois, selon Mme Simard, tout ça n’avait rien d’exceptionnel; d’autres employés se sont séparés de leurs conjoints. Qui plus est, les certificats médicaux d’alors ne font aucune référence à une détresse psychologique. La fonctionnaire n’a pas prouvé qu’elle souffrait d’une incapacité à cette époque et que Mme Simard aurait dû le savoir.

[146] Il est vrai que, dans son témoignage, la fonctionnaire a maintenu que ses collègues étaient au courant de sa situation personnelle et que « ça parlait », rendant ainsi la situation encore plus difficile pour elle. À cet égard, je me dois de souligner qu’aucune preuve indépendante n’est venue appuyer cette affirmation à l’audience. Au contraire, je retiens la réaction de surprise sincère lorsque Mme Laflamme et Mme Claveau ont appris que la fonctionnaire était séparée de son conjoint et qu’une autre personne avait aussi été impliquée dans les difficultés personnelles de la fonctionnaire.

[147] Tel qu’il a été mentionné, la fonctionnaire a témoigné ne pas savoir si Mme Simard était au courant de ses problèmes avec son ex-conjoint et ne pas avoir à étaler sa vie privée. Concrètement, cela signifie qu’elle ne voulait pas en parler. Bien qu’encore une fois je comprenne que la fonctionnaire ait voulu se montrer discrète, il me semble maintenant difficile de conclure que l’employeur aurait dû savoir ce qui se passait. Dans son témoignage, Mme Simard a fait référence à plusieurs rencontres avec la fonctionnaire pour discuter du rendement. La preuve non contredite est à savoir que rien, mis à part le stress vécu pour atteindre les objectifs, ne montrait l’état psychologique dans lequel se trouvait la fonctionnaire. Rien dans les comptes rendus de ces rencontres dans les plans d’amélioration n’indique que la fonctionnaire ait soulevé quelque difficulté que ce soit ou que la fonctionnaire ait émis des commentaires (pièce E-1, onglets 10 et 11).

[148] Dans son témoignage, Mme Simard a répondu candidement que, si elle avait vu la fonctionnaire pleurer et être en état de détresse psychologique, elle serait intervenue. Selon ses dires : elle aurait « fait de quoi; on ne laisse pas une employée en pleurs et en détresse ». J’ajouterai içi que de nombreux certificats médicaux ont été soumis de 2011 à 2013 et que mis à part celui du 10 juin 2013, aucun ne fait référence à un état dépressif de la fonctionnaire. De plus, aucun de ces certificats médicaux n’indique que la fonctionnaire prenait des médicaments.

[149] Dans cet ordre d’idées, le témoignage de Mme Laflamme rejoint aussi celui de Mme Simard. En aucun temps Mme Laflamme n’a reçu de l’information ou a été placée devant des situations qui auraient dû l’amener à conclure que, mis à part le fait que la fonctionnaire éprouvait du stress dans la poursuite de l’atteinte de ses objectifs de rendement, la fonctionnaire était en détresse psychologique. Tel qu’il a été mentionné, ce n’est qu’à l’audience que Mme Laflamme et Mme Claveau ont appris avec surprise que la fonctionnaire s’était séparée de son conjoint à l’automne 2011 et qu’une autre personne au travail était aussi impliquée dans cette affaire.

[150] Mme Laflamme, tout comme avant elle Mme Simard, a pourtant tenu des rencontres régulières avec la fonctionnaire pour l’aider et faire le suivi pendant tout le temps où elle a été la chef d’équipe de cette dernière. Il est quand même malheureux que la fonctionnaire n’ait pas partagé, pendant ces rencontres avec sa chef d’équipe, le fait que sa situation personnelle affectait grandement son rendement. D’autant plus que les deux semblaient avoir une bonne relation de travail, comme en fait foi le courriel de remerciements de la fonctionnaire lors de l’annonce du non-renouvellement de son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 le 11 mars 2013 (pièce E-15).

[151] Bien que le certificat médical du 10 juin 2013 ait été remis à l’employeur le 10 juin 2013, soit après que la fonctionnaire ait été informée que l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 ne serait pas renouvelé, il me semble opportun de traiter ici du poids à donner à ce certificat, qui indique que la fonctionnaire souffrait de dépression majeure depuis fin février 2013; qu’elle n’était donc pas apte au travail pendant cette période.

[152] Le certificat médical a été remis à l’employeur une fois que la décision de ne pas renouveler l’emploi à durée indéterminée comme SP-02 a été prise et communiquée à la fonctionnaire et à son représentant syndical par courriel le 5 juin 2013 (pièce E-1, onglet 17). J’ai déjà conclu que la question du non-renouvellement de l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02 n’est pas devant moi. Cependant, l’information contenue dans ce certificat n’était clairement pas disponible aux représentantes de l’employeur lorsque la décision a été prise de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 le 11 mars 2013. La preuve est claire que la fonctionnaire n’a rien dit à cet égard lors de la rencontre du 11 mars 2013. Au contraire, la fonctionnaire s’est comportée comme si tout allait bien compte tenu des circonstances. La fonctionnaire n’a pas alors soulevé de préoccupations quant à sa condition psychologique et physique. À mon avis, on ne peut maintenant, de façon rétroactive, prétendre que, sur la base de ce certificat médical remis à l’employeur trois mois plus tard, la preuve supporte que l’employeur aurait dû savoir ce qui se passait. J’ajouterai de plus que le médecin n’a pas témoigné, qu’il n’a pu être contre-interrogé et qu’en aucun cas, les certificats médicaux soumis par la fonctionnaire dans les années 2011 à 2013 ne font état de cette condition médicale.

[153] En ce qui a trait aux difficultés physiques éprouvées par la fonctionnaire lorsqu’elle occupait, en mai 2012, son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05, ici encore la preuve est que la fonctionnaire a informé sa chef d’équipe d’alors, Mme Simard, des douleurs qu’elle ressentait et de la crainte qu’il s’agisse d’un cancer, crainte qui heureusement ne s’est pas matérialisée. Le témoignage non contredit de Mme Simard est à savoir que, d’elle-même, elle a demandé une évaluation ergonomique pour aider la fonctionnaire et elle a demandé à la fonctionnaire quelles mesures d’adaptation, le cas échéant, devraient être appliquées. La fonctionnaire n’a pas donné suite à la proposition de mesures d’adaptation de Mme Simard. Encore une fois, les nombreux certificats médicaux soumis ne font aucunement mention de mesures spéciales à prendre. De plus, il n’est pas établi que les problèmes physiques de la fonctionnaire à cette époque étaient liés à ses problèmes de rendement ou qu’ils aient été un facteur dans la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05.

[154] Ce n’est que le 30 avril 2013, lors d’une autre rencontre pour discuter des problèmes de rendement de la fonctionnaire, cette fois-ci dans le cadre de son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-02, que la fonctionnaire a soulevé ses problèmes personnels de façon très émotive avec Mme Claveau et Mme Laflamme. La décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 avait toutefois déjà été prise et communiquée à la fonctionnaire depuis déjà plus d’un mois, soit le 11 mars 2013.

[155] Dans les circonstances, Mme Claveau était-elle tenue de retourner en arrière pour vérifier si la condition mentale et physique était liée aux problèmes de rendement de la fonctionnaire lorsqu’elle occupait un poste pour une durée déterminée en tant que SP-05? Je ne le crois pas. Bien que tous conviennent que la rencontre du 30 avril 2013 ait été difficile et chargée d’émotion, il ne faut pas perdre de vue que l’emploi de la fonctionnaire en tant que SP-05 était pour une durée déterminée et qu’il était venu à échéance et que la décision avait déjà été prise et communiquée un mois et demi avant à la fonctionnaire sans qu’aucune objection ou préoccupation ne soit soulevée. Tel que déjà mentionné, aucun fonctionnaire n’a droit au renouvellement automatique d’un tel emploi.

[156] Mme Claveau n’avait, au moment où elle a pris sa décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05, aucune information qui lui laissait croire que les problèmes de santé physique et psychologique de la fonctionnaire avaient pu affecter le rendement de cette dernière. Ce n’est que le 10 juin 2013 que la fonctionnaire a fourni un certificat médical voulant qu’elle était dépressive depuis le mois de février 2013. J’ajouterai seulement que cette information n’était pas disponible lorsqu’en toute bonne foi, Mme Claveau a pris la décision de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire en tant que SP-05 le 11 mars 2013.

[157] De plus, il est difficile de prétendre que l’employeur connaissant ou aurait dû connaître l’état de détresse psychologique ou physique de la fonctionnaire pendant la période où celle-ci occupait un emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05. Selon la fonctionnaire, l’employeur aurait dû enquêter davantage.

[158] Compte tenu des faits de cette affaire, je ne suis pas d’accord avec les prétentions de la fonctionnaire. Je pense qu’ici l’employeur, sur la base de l’information disponible, a pris les décisions raisonnables à la lumière des faits connus en mars 2013.

[159] Encore une fois, bien que la fonctionnaire ait connu des problèmes de santé physique et psychologique, elle n’a jamais informé son employeur que ses problèmes allaient au-delà de douleurs physiques qui nécessitaient des mesures d’adaptation. C’est Mme Simard qui a demandé à la fonctionnaire si des mesures d’adaptation étaient nécessaires; la fonctionnaire n’a pas donné suite à cette proposition. En aucun temps la fonctionnaire n’a indiqué que ses douleurs physiques nuisaient à sa concentration et qu’elles avaient un impact sur son rendement.

[160] Quant à sa détresse psychologique, la fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait pas à étaler sa vie privée. Concrètement, elle ne voulait pas en parler. Dans un tel contexte, il devient alors difficile de prétendre sérieusement que l’employeur aurait dû savoir et qu’il aurait dû faire plus d’enquête.

[161] À cet égard, je dois dire que je ne crois pas que l’obligation de l’employeur d’aller plus loin dans son enquête est absolue. Il faut tenir compte du contexte dans lequel les faits se sont déroulés, de l’information dont disposait alors l’employeur et de la disposition de l’employé en cause. Dans Gibson, l’arbitre de grief a conclu ce qui suit aux paragraphes 36 et 37 :

[36] À mon sens, il serait déraisonnable d’obliger l’employeur à déterminer unilatéralement la nature de la déficience de l’employé et à déterminer, tout aussi unilatéralement, la nature de l’accommodement à prévoir sans un certain apport de l’employé […]

[37] Je désire avancer que, dans les circonstances de l’espèce, Mme Smith aurait dû être plus proactive. À ce sujet, je note qu’elle a reconnu ce fait dans son témoignage, mais, en dernière analyse, le défaut de l’employeur de se montrer plus proactif ne constitue pas un défaut d’accommodement, puisque des actions manquaient de la part de la fonctionnaire s’estimant lésée.

 

[162] Je souscris au raisonnement dans Gibson, à la différence que, dans le présent cas, la preuve démontre que l’employeur s’est enquis du besoin de prendre des mesures d’adaptation. J’ajouterai que, contrairement aux faits dans Dupuis, l’employeur a effectivement cherché à aller plus loin pour aider la fonctionnaire, malgré le peu d’information fournie par cette dernière. En effet, des efforts ont été faits par l’employeur, comme s’enquérir auprès de la fonctionnaire pour voir si des mesures d’adaptation étaient requises, ce à quoi la fonctionnaire n’a pas donné suite, et recommander une évaluation ergonomique. L’employeur a aussi donné un accès en priorité à la fonctionnaire à un réviseur pour l’aider dans ses dossiers, et des séances sur comment gérer son stress ont été organisées, comme en font foi les plans d’amélioration de 2012 et 2013 (pièce E-1, onglets 10 et 11).

[163] Contrairement à ce qu’affirme la fonctionnaire, j’estime que l’employeur a vraiment été proactif dans des démarches d’aide. En plus des mesures et questions posées par l’employeur pour aider la fonctionnaire, ce dernier est même allé jusqu’à reconduire son emploi pour une durée déterminée en tant que SP-05 quatre fois après la nomination initiale en 2011, et ce même si clairement la fonctionnaire n’atteignait pas les objectifs du poste SP-05. De plus, l’employeur a aussi, par souci « d’humanité », accordé à la fonctionnaire un autre emploi pour une durée déterminée en mars 2013 en tant que SP-02.

[164] Tel qu’il a déjà été mentionné, il ne faut pas perdre de vue que la fonctionnaire se trouvait dans un nouveau poste à un niveau supérieur à ceux qu’elle avait occupés avant (pièce B-A onglet 7, et pièce E-1, onglet 2). La difficulté d’adaptation de tout employé dans un nouveau poste et à un niveau supérieur peut sûrement ne pas être nécessairement liée à des déficiences physiques ou psychologiques. Selon moi, l’employeur a agi de façon raisonnable compte tenu de l’information disponible et de l’information que la fonctionnaire voulait bien partager. Je suis également d’avis que, contrairement à ce qu’allègue la fonctionnaire, l’employeur a vraiment cherché à l’aider en proposant des moyens pour gérer son stress et pour régler ses problèmes physiques et de rendement.

 

[165] Je conclus donc que la fonctionnaire n’a pas fait la preuve à première vue que les déficiences physiques et psychologiques alléguées par la fonctionnaire ont été un facteur dans la décision de l’employeur de ne pas renouveler l’emploi pour une durée déterminée de la fonctionnaire en tant que SP-05.

[166] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[167] La demande de prorogation du délai pour présenter le grief est accordée.

[168] Le grief est rejeté.

Le 13 avril 2021.

Linda Gobeil,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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