Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir lorsqu’il a omis de fournir un processus de dotation équitable, objectif et impartial – il a allégué que le gestionnaire l’avait sciemment induit en erreur en ce qui concerne la préparation à l’examen (uniquement aux fins de la première évaluation) – lorsqu’il a pris connaissance des préoccupations du plaignant, l’intimé a décidé d’annuler les résultats de la première évaluation, car le matériel d’évaluation avait été compromis – les candidats présélectionnés ont été évalués de nouveau dès que les nouveaux documents sur l’évaluation ont été mis au point – le membre du comité d’évaluation a dit au gestionnaire de cesser de donner aux candidats des renseignements sur les questions d’évaluation – le plaignant a été évalué de nouveau et il a été jugé qualifié, mais il n’a pas été nommé – le plaignant a allégué que le gestionnaire était également intervenu dans la deuxième évaluation – la Commission a fait remarquer que le processus d’évaluation avait été relancé à l’aide d’une nouvelle évaluation et que le membre du comité d’évaluation a indiqué que le gestionnaire n’avait joué aucun rôle dans l’issu du processus – les éléments de preuve étaient insuffisants pour étayer une allégation selon laquelle le gestionnaire était intervenu dans la deuxième évaluation – la Commission a conclu qu’elle n’était pas en mesure de conclure, selon toute vraisemblance, qu’un observateur relativement bien renseigné qui examinerait cette question pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation – pour ces motifs, elle a conclu que le plaignant ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’un abus de pouvoir a eu lieu.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20210414

Dossier: EMP-2017-11342

 

Référence: 2021 CRTESPF 40

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

Entre

 

SERGE LARAMÉE

plaignant

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Gendarmerie royale du Canada)

 

intimé

Répertorié

Laramée c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir déposée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Frank Janz, représentant

Pour l’intimé : Elizabeth Matheson, avocate

Affaire entendue par vidéoconférence,

les 12 et 13 novembre 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] Serge Laramée (le « plaignant ») a cherché à obtenir une promotion à un poste de gestionnaire de l’Exploitation du parc automobile (AS-03) à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Ottawa (Ontario). Son nom a été placé dans un répertoire de candidats qualifiés, mais il n’a pas été retenu aux fins de nomination.

[2] Le plaignant prétend que le gestionnaire avait un parti pris contre lui et qu’il le considérait comme un mouton noir et comme un dénonciateur, étant donné que le plaignant avait dénoncé le gestionnaire parce qu’il avait compromis l’évaluation écrite dans le processus de nomination en litige.

[3] En particulier, dans l’allégation écrite présentée à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), le 6 octobre 2017, il est indiqué : [traduction] « Le plaignant allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir en n’offrant pas un processus de dotation équitable, objectif et impartial. »

[4] L’intimé a annulé l’exercice d’évaluation à cause de la mauvaise conduite du gestionnaire et lancé une nouvelle évaluation. Le gestionnaire n’était pas membre du comité de sélection, mais le plaignant a présenté des éléments de preuve et soutenu que ceux-ci sous-entendaient que le gestionnaire aurait pu continuer de tenter d’influencer le processus en cours et que ses efforts auraient pu être dirigés afin de profiter à un candidat ou de désavantager le plaignant.

[5] Je conclus que les éléments de preuve présentés à l’audience ne sont pas suffisamment clairs pour me permettre de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, jugerait que l’intimé a suscité une crainte raisonnable de partialité.

[6] Compte tenu de cette conclusion, je rejette la plainte.

II. La preuve

A. Contexte

[7] Le plaignant a déposé sa plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « Loi »). Il a allégué que l’intimé, l’administrateur général de la GRC, avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite dans le cadre du processus de nomination annoncé en litige.

[8] Dans le cadre des discussions lors de la conférence de gestion des cas avec les deux parties, bien avant l’audience, je leur ai dit qu’à mon avis, l’audience pourrait être tenue par vidéoconférence de façon plus efficace si des exposés écrits des faits étaient rédigés d’avance, adoptés en tant que témoignage par les témoins respectifs, et soumis à un contre-interrogatoire dans le cadre d’un témoignage de vive voix.

[9] L’employeur a présenté l’énoncé des faits suivants, qui a été accepté en tant que pièce à l’audience, avec le consentement du plaignant :

[Traduction]

1. Le plaignant, Serge Laramée, était employé à la Gendarmerie royale du Canada en tant que préposé au transport (CR-05) depuis 2015.

2. Le 13 décembre 2016, un processus de nomination annoncé (16-RCM-IA-N-N-NCR-CMC-63313) a été affiché afin de pourvoir un poste de gestionnaire de l’Exploitation du parc automobile (AS-03), à Ottawa, pour une période indéterminée. L’offre d’emploi a été fermée le 13 janvier 2017.

3. Benoit Ouellette, qui était gestionnaire du Parc automobile en 2017, a rédigé l’énoncé des critères de mérite pour le poste de gestionnaire, Exploitation du parc automobile, au groupe et au niveau AS-03.

4. M. Ouellette et Julie Furlotte ont créé le guide de cotation afin d’évaluer les candidats pour les entrevues menées en février 2017.

5. Le plaignant a posé sa candidature pour le poste visé par ce processus.

6. L’entrevue du plaignant a eu lieu le 15 février 2017; les résultats de la première évaluation du plaignant ont été finalisés le 16 février 2017.

7. Le 28 février 2017, le plaignant a reçu un courriel dans lequel on lui disait que les résultats précédents que les candidats avaient obtenus dans le cadre du processus n’étaient plus valides. Dans ce courriel, on indiquait que [traduction] « les documents d’évaluation avaient été compromis ». On ajoutait que les candidats sélectionnés subiraient une nouvelle évaluation une fois que les nouveaux documents d’évaluation seraient prêts.

8. Mme Furlotte et Nathalie Guilbault ont créé le guide de cotation pour les entrevues de juillet 2017.

9. Les résultats de la deuxième évaluation du plaignant ont été finalisés le 10 juillet 2017.

10. Pour la première et la deuxième évaluation, le comité était formé de Nathalie Guilbault, Darren Mierau et Julie Furlotte; ils ont mené les deux entrevues du plaignant et ses deux évaluations.

11. Le plaignant a été informé que son nom avait été placé dans le répertoire le 20 juillet 2017, mais qu’il n’avait pas été retenu pour cette nomination.

12. Une notification de nomination ou de proposition de nomination a été affichée le 1er août 2017 pour le poste AS-03. La personne proposée pour la nomination était Richard Jr. Leduc.

13. Le plaignant a déposé sa plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral le 8 août 2017.

B. L’exposé du plaignant

[10] Le plaignant a rédigé l’exposé écrit suivant. Il a été remis à l’avocate de l’intimé. Le plaignant a adopté le texte en entier comme son témoignage sous affirmation solennelle au début de son interrogatoire principal. Le texte suivant a été accepté en tant que pièce :

[Traduction]

Description des événements : Du 23 décembre 2016 au 20 juillet 2017

Le 8 août 2017

Bonjour,

Je suis employé de la GRC depuis les 25 dernières années. Au cours de mes 25 années d’emploi, je n’ai pas posé ma candidature sur un grand nombre de concours, ce qui signifie que je ne possède pas beaucoup d’expérience à cet égard et que je ne comprends pas le processus de dotation dans son ensemble.

Par conséquent, voici un bref exposé de l’événement qui a commencé le 23 décembre 2016 et s’est terminé le 20 juillet 2017.

J’ai commencé à occuper mon emploi au Transport (Benoit Ouellette) en septembre 2015. Il s’agissait d’une affectation liée à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation entre l’organisation du dirigeant principal de l’information, qui a payé mon salaire pendant les six premiers mois, et la direction de la Gestion générale et contrôle.

En décembre 2016, un poste vacant de gestionnaire, Exploitation du parc automobile, était à pourvoir dans la section. Étant donné que je venais d’arriver dans la section, je n’étais pas plus intéressé qu’il faut par cette possibilité, mais à quelques reprises, Benoit Ouellette a insisté pour que je pose ma candidature, ce que j’ai fait. De plus, il disait à tout le monde, comme s’il voulait se convaincre lui-même, qu’il ne participait pas au processus, parce qu’il voulait que celui-ci soit équitable et transparent.

Le 23 décembre 2016 - Le 23 décembre 2016, je me suis rendu au bureau de Benoit Ouellette vers 13 h 30. Cette rencontre visait à garantir que je satisfaisais aux critères indiqués dans l’annonce d’emploi pour le poste AS-03. Je me sentais à l’aise de le faire, parce qu’il disait à tout le monde qu’il ne participait pas au processus de sélection afin d’en assurer l’équité et la transparence. Il m’a demandé si je connaissais les quatre étapes du cycle de vie du matériel, et j’ai répondu que je n’étais pas certain. Il m’a ensuite fait entrer dans son bureau et m’a indiqué que ces quatre étapes étaient la planification, l’acquisition, le fonctionnement et l’entretien, et la disposition ou le remplacement. J’ai répondu que je possédais sans aucun doute les compétences requises pour les trois premières étapes, mais que je devais confirmer auprès de mon ancien superviseur si je les possédais pour la 4e étape. Mon ancien superviseur a confirmé que je possédais les compétences liées à cette étape, en ce qui concerne la disposition d’équipement informatique. À ce moment-là, il a offert d’examiner mon curriculum vitae avant que je l’envoie à l’équipe de la dotation avec ma candidature pour le poste, afin de s’assurer que j’avais mentionné tous les éléments. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à me poser des questions, particulièrement parce qu’il ne participait pas au processus. (Voir en pièce jointe le courriel du 7 janvier au courriel de réponse de Benoit du 8 mai)

Le 18 janvier 2017 - Pendant que je me préparais et que j’étudiais en vue du concours à venir et que j’obtenais l’information du personnel de protection des personnalités de marque, j’ai décidé d’envoyer un courriel à Benoit Ouellette, le 18 janvier 2017, c’est un fait (voir le courriel), car je voulais confirmer qu’il s’agissait des bons cortèges motorisés, il a répondu « ça me semble être le cas » et m’a demandé de passer à son bureau après 15 h. C’est ce que j’ai fait, parce que je voulais préciser d’autres éléments et profiter de l’occasion pour avoir des renseignements plus détaillés sur le niveau de sécurité. Il a commencé à dire « nous pourrions aussi demander de donner des exemples de composition de cortège motorisé ». Je lui ai ensuite montré la feuille sur le niveau de sécurité que j’avais en main, et il m’a dit de ne pas m’inquiéter avec cela, que cela ne faisait pas partie de l’examen. Il a ensuite pointé du doigt une autre page, intitulée « Catégorie d’événement », et m’a dit : « Il y aura une question sur ce sujet dans l’examen. » À partir de ce moment-là, j’ai commencé à me sentir mal à l’aise, surpris et pas certain de ce qui se passait. Je tiens aussi à indiquer qu’il a dit, à au moins trois ou quatre reprises, « ne dis rien à personne ». J’ai commencé à en parler avec un collègue (il le confirmera s’il doit le faire).

Le 15 février 2017 - Benoit s’est présenté au comptoir. J’ignore comment la conversation a commencé, mais il m’a demandé si j’étais prêt, et je lui ai répondu oui, que j’étudiais depuis près de six semaines. Par la suite, il a posé une question sortie de nulle part, qui exigeait une réponse : trouve-t-on de l’équipement de police dans un véhicule administratif? Je ne savais pas trop où il voulait en venir. J’ai répondu oui, il a répondu non et j’ai défendu ma réponse, en donnant l’exemple d’une demande d’installation de gyrophare portatif et d’une radio de bord pendant un événement important. Il a répondu que cela ne comptait pas, ce à quoi j’ai répondu en donnant l’exemple des véhicules à Leomont qui sont conduits par des fonctionnaires. Il m’a répondu que le fusible doit être fermé et c’est à ce moment qu’un collègue est entré. Je suis devenu très mal à l’aise et il est parti. Ensuite, l’histoire du fusible m’a fait réfléchir. Je savais que tout l’équipement de police était fonctionnel. J’ai donc voulu le confirmer auprès d’un collègue à Leomont, et il m’a confirmé que les fusibles ne devaient pas être éteints. Par conséquent, ce comportement était inapproprié selon moi, d’autant plus que je partais sous peu pour aller faire mon examen. Je sentais que l’on essayait de me piéger et je ne comprenais vraiment pas ce qui se passait! Le plus bizarre dans tout cela, c’est que la première question de l’examen, qui avait deux volets, était liée à la conversation.

Ensuite, le 16 février 2017, j’ai reçu un avis selon lequel ma candidature avait été rejetée! C’est à ce moment-là que j’ai demandé à Benoit Ouellette de le rencontrer pour obtenir une explication. J’avais préparé des questions, car je sentais qu’on m’avait piégé. Il n’a donné que des réponses vagues.

J’ai ensuite posé des questions à la section de la dotation sur les politiques, mais il semblerait qu’à un certain moment la dotation a déployé des efforts et insisté auprès de Nathalie Guilbault, l’une des membres du comité, pour qu’elle organise une discussion officieuse. Nous avons eu une conversation téléphonique, au cours de laquelle j’ai confirmé tous les problèmes survenus avec Benoit Ouellette et elle a insisté pour que je le mette sur papier, ce que j’ai fait. Cela étant dit, le 9 mars 2017, j’ai reçu un courriel de Benoit Ouellette, dans lequel il répondait à notre réunion du 20 février 2017. Ce qui est malheureux dans tout cela, c’est qu’il suivait les conseils de Nathalie Guilbault. Je le sais, parce que Benoit Ouellette a oublié de supprimer la partie où elle lui donne des conseils sur le document Word. Nathalie Guilbault a ensuite confirmé qu’il s’agissait bel et bien d’elle, après que je le lui ai demandé; c’était facile à deviner. Pour moi, ce fut une véritable gifle, une déloyauté.

Ensuite, le 28 février, l’équipe de la dotation a décidé de mettre fin au concours parce que les documents de l’évaluation avaient été compromis. C’est à partir de ce moment que tout s’est mis à mal aller pour moi : j’étais le dénonciateur, ils ont décidé de ne pas renouveler mon affectation, comme il en avait été convenu de vive voix avec Benoit Ouellette avant tout ces événements, et ils ont mis fin à mon affectation à Transport.

Tous ces événements ont été confirmés par la C/I Johanne Hendrick. Il a été déterminé par la suite que le processus ne serait pas annulé entièrement, mais plutôt que du nouveau matériel d’évaluation serait créé et que M. Ouellette ne serait pas un membre du comité de sélection. Je n’étais pas d’accord, à cause de la relation entre Benoit Ouellette et Nathalie Guilbault et cela étant dit, j’ai aussi deux courriels dans lesquels le candidat retenu confirme que le 19 avril 2017, Benoit Ouellette et un membre du comité discutent de la façon de gérer le concours cette fois-ci. En outre, le candidat retenu, avant sa sélection, avait eu une réunion avec l’un des membres du comité et avait envoyé une lettre de remerciement d’un client. Le candidat retenu a aussi enregistré en secret avec son téléphone personnel la conversation téléphonique qu’il avait eue avec le gestionnaire responsable de l’embauche afin de le piéger, qu’il m’a fait écouter.

J’ai en ma possession le courriel lié à la présente plainte, y compris le nouveau matériel, où l’on constate que Benoit Ouellette participe toujours, mais après que Joanne Hendrick a confirmé qu’il n’exercerait aucune influence. Il est aussi facile de croire qu’au moins un autre membre du comité a toujours participé depuis le début de la situation.

 

C. Les pièces du plaignant

[11] Le plaignant a témoigné qu’à un moment donné, son collègue de travail, M. Leduc, se trouvait à son bureau et à travers les murs minces qui séparent les bureaux, il pouvait entendre un côté (la voix de M. Ouellette) d’une conversation téléphonique qui se déroulait dans le bureau adjacent. Le plaignant a expliqué que le courriel présenté dans le paragraphe suivant lui a été envoyé quelques minutes à peine après la fin de l’appel téléphonique.

[12] M. Leduc a envoyé le courriel suivant au plaignant le 19 avril 2017, à 10 h 22 (pièce BA-1) :

Merci pour l’information Serge. Quand même inquiétant que Mercredi le 19 avril à 09 h 55, Mr. Benoit Ouellette avait une conversation téléphonique (parlais fort donc facile d’entendre tout même si cela n’étais pas voulu), lors de cette conversation, on entendais Benoit très clairement dire : On a juste à réouvrir le concour AS-03 pour toute Ottawa et mettre moins de connaissance pour visite et plus pour le management. Benoit a dit, je vais le “trainer” c’est tout. Pourtant l’examen est supposé être seulement le 24, et que d’après madame Hendrick, Benois n’est pas supposé être impliqué. De plus comment il sait qu’ils auront besoin de réouvrir le concour et mettre moins d’expérience de visite sans même savoir qui pourrais gagner le 24, Peut-être quelqu’un avec beaucoup d’expérience de visite pourrais gagner?

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[13] Le 22 juin 2017, à 14 h 48, M. Leduc a envoyé le courriel suivant à Mme Guilbault (pièce BA-2) :

Dans un premier temps, je crois important de vous mettres au courant d’une discussion entre Benoit Ouellette et moi qui est survenu en début d’après midi, le 22 Juin 2017. Nous sommes présentement dans un moment très occupé, nous gérons plusieurs événements.

Losrque Benoit est passé prêt de mon bureau, il m’a questionné comment allais les choses. Je lui ai dit que présentement tout va bien. Étant donné que pour la fête du Canada, Benoit c’est offert à travailler si nous sommes en manque de ressource, je lui ai indiqué que présentement tout semble sous control en fait de ressource. J’ai par la suite indiqué que pour la visite de L’ITALIE lundi, les demandes étais de 1 gars de 'Fleet' avec moi a CRC et 2 gars de 'Fleet' ici à TPOF et que c’était au tour de PAULO de venir à CRC. Ensuite j’ai mentionné que pour la visite ROYAL, la demande étais la même, 1 gars de 'Fleet' à CRC Jeudi, je lui ai dit que c’était au tour de Denis CHABOT. C’est alors que Benoit à immédiatement repliquer : “je ne suis pas d’accord, ca devrait être Denis JETTÉ qui a la chance d’y aller, il doit prendre de l’expérience dans les visites et c’est lui (Denis JETTÉ) qui devrais y aller. Il est dans la compétition du AS-03 et il devrait aller au CRC".

Voilà ou je vois cela comme un problème. J’ai expliquer à Benoit que je suis un gars loyal et que je ne favorisera pas un candidat quand c’est au tour de 2 employés qui ont travailler très fort sur plusieurs évènements et qu’il n’ont jamais eu la chance eu même de vivre l’expérience au CRC. Deuxièmement, je croyais que Benoit ne pouvais pas être impliqué dans le processus AS-03 tel que nous a indiqué Mme Hendrick, donc j’explique mal qu’il me suggère de donner de l’expérience à un des candidats dans la compétition. Troisièmement, je croyais que tu devais déjà avoir cette expérience d’acquise pour participer à la compétition du AS-03 donc me voilà surpris que Benoit me propose que Denis JETTÉ devrais aller à CRC pour acquérir de l’expérience. De plus, je suis impliqué dans les 2 visites à 100 % depuis le début alors que Benoit n’est pas impliqué, mais à ce point essaie d’imposer la sélection d’un employé versus un autre de la flotte.

Finalement, j’ai mentionné à Benoit Ouellette que j’étais en attente d’une confirmation pour retourner une 3e fois à CRC le Vendredi pour la 2e arrivée du Prince en provenance de Trenton et que Denis JETTÉ était le prochain si tel étais confirmé. Benoit a réitéré en disant que Denis JETTÉ devrais aller à CRC. je lui ai repondu qu’en étant une personne honnête, je vois mal comment j’aurais favorisé un emplyé face au 2 autres employés.

Je crois présentement faire un excellent travail dans un moment qui est occupé d’une façon hors du commun et j’ai plusieurs courriel qui démontre la charge, la qualité et l’appréciation du travail si jamais vous désiré les recevoirs. De plus je crois traiter les employés très honnêtement et égal et je vous met ci-joint une preuve que j’ai donner la chances au 2 employés de LÉOMONT (Denis Jetté et Sébastien Rainville) de venir acquérir de l’expérience dans ces évènement, je n’ai choisi moi même sans donner la chance à un des 2 employés.

Merci pour votre temps si précieux et comme mentionné auparavant, je n’ai aucun problème à me soumettre à un polygraphe si vous devez valider mes propos.

P.S: Mr. Benoit Ouellette a été mis en BC dans ce courriel et je lui avais indiqué d’avance que je vous écrivais ce courriel pour vous avisez de la discussion entre lui et moi

Merci et bonne journée.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[14] Les deux courriels, rédigés en français, ont été traduits vers l’anglais. Les parties ont examiné les traductions anglaises et confirmé leur exactitude.

[15] L’avocate de l’employeur s’est opposée au fait que le courriel du 22 juin est accepté en tant que preuve au motif qu’il contenait une nouvelle allégation, soit le sabotage du comité de sélection.

[16] Je ne suis pas d’accord. Comme il a été indiqué plus tôt, les allégations écrites du plaignant qui ont été ajoutées au dossier en octobre 2017 allèguent un défaut d’offrir un processus de dotation équitable, objectif et impartial.

[17] Je conclus que l’intérêt et que les gestes continus allégués de M. Ouellette liés au processus de nomination sont compris dans les allégations écrites de partialité que j’ai citées.

[18] L’avocate a également fait remarquer que les documents représentaient des ouï-dire pour l’audience et que je devais n’apporter que peu d’importance aux énoncés qu’ils contiennent.

III. Témoignages

[19] Chacune des parties a fait entendre un témoin à l’audience.

A. Le plaignant

[20] En plus de la déclaration écrite précédente, le plaignant a témoigné comme suit :

- Il croyait que le processus de nomination pour le poste AS-03 était malhonnête.

- Il a conclu, à la suite de discussions avec ses collègues, que DJ avait dû être le candidat retenu dans le processus avorté.

- Après que la première évaluation a mal tourné, il a parlé à M. Ouellette. Il croyait avoir reçu des réponses malhonnêtes de la part de M. Ouellette au sujet de l’évaluation et des renseignements qu’il lui avait donnés pour se préparer aux questions d’évaluation.

- Quand il a signalé les gestes douteux posés par M. Ouellette à Mme Guilbault, il lui a dit de garder leur discussion confidentielle. Toutefois, il a rapidement su qu’elle avait transmis ce qu’il lui avait dit à M. Ouellette.

- M. Ouellette a ensuite envoyé un courriel aux candidats à propos du processus et de l’évaluation. Il contenait des notes marginales rédigées par Mme Guilbault qui indiquaient qu’elle collaborait avec M. Ouellette et qu’elle appuyait ses efforts.

- Selon lui, les efforts déployés par Mme Guilbault pour aider M. Ouellette correspondaient à une trahison, car le plaignant croyait avoir parlé à M. Guilbault en toute confidentialité à propos de ses inquiétudes à l’égard du processus.

- M. Ouellette l’a traité comme un mouton noir après qu’il a parlé à Mme Guilbault.

- Peu de temps après leurs échanges, M. Ouellette lui a dit que son affectation ne serait pas prolongée, et ce, même s’il avait été informé précédemment qu’elle le serait.

- Son entente d’affectation a pris fin.

B. Mme Guilbault

[21] Mme Guilbault a témoigné comme suit :

- M. Ouellette était le superviseur direct du poste offert dans le processus de nomination en litige.

- M. Ouellette a rédigé l’énoncé des critères de mérite et les qualifications essentielles. Il a également participé à l’élaboration du guide de cotation, étant donné qu’il était l’expert en la matière.

- M. Ouellette avait fait part de ses commentaires aux membres du comité de sélection sur les questions d’entrevue liées à l’évaluation initiale.

- Au terme du premier processus d’évaluation, tous les candidats non retenus ont été informés de l’issue, mais pas le candidat retenu.

- Quand elle a eu connaissance des inquiétudes du plaignant, elle a tenu une discussion informelle avec lui afin d’en savoir plus sur son allégation selon laquelle M. Ouellette avait compromis le processus d’évaluation.

- Elle a pris en note les renseignements donnés par le plaignant. À la suite de discussions avec d’autres personnes, il a été déterminé que l’évaluation serait menée de nouveau, mais que le processus de nomination existant était adéquat.

- Dans le cadre de sa discussion à ce propos avec M. Ouellette, elle a indiqué qu’il avait avoué avoir aidé le plaignant pendant l’évaluation initiale, car M. Ouellette avait dit qu’il voulait le plus grand nombre de candidats retenus possible pour le poste.

- Elle a dit à M. Ouellette d’arrêter de donner de l’information aux candidats sur les questions d’évaluation.

- Elle a témoigné que M. Ouellette n’avait pas participé à l’élaboration de la deuxième évaluation ou à la sélection du candidat à qui le poste a été offert à la suite du deuxième processus.

- En ce qui concerne l’aide que M. Ouellette avait fournie, elle a témoigné qu’il avait donné l’information au plaignant sur les questions d’évaluation qui portaient sur les cortèges motorisés et sur le cycle de vie des biens.

- Dans la première évaluation du plaignant, le premier facteur de connaissance évalué (C1) portait sur les politiques et procédures en matière de covoiturage.

- Même si on lui a posé des questions d’approfondissement, le plaignant a obtenu une note de 0 sur 5 pour la première des deux questions liées à l’élément C1, qui portait sur l’achat de véhicules de covoiturage.

- Il a obtenu une note de 4 sur 5 pour la deuxième question liée au facteur C1, qui portait sur l’installation d’équipement d’urgence dans des véhicules administratifs.

- Le troisième facteur (C3) évalué portait sur la composition des cortèges motorisés. Le plaignant a obtenu une note de 5 sur 5 pour celui-ci. Les deux questions pour ce facteur visaient à décrire les désignations données aux véhicules de cortèges motorisés et demandaient de donner trois exemples de compositions de cortèges motorisés.

- Le facteur « C4 » était lié au cycle de vie de la gestion du matériel.

IV. Analyse

A. Jurisprudence

[22] Selon les alinéas 77(1)a) et 2a) de la Loi, un candidat qui n’est pas nommé dans la zone de sélection d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé ni fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir dans l’application du mérite.

[23] Le plaignant avait le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait abusé de son pouvoir (voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49 et 55). Selon le paragraphe 30(1) de la Loi, les nominations internes ou externes à la fonction publique doivent être fondées sur le mérite, et selon l’alinéa 30(2)a), la nomination est fondée sur le mérite lorsque la personne à nommer satisfait aux qualifications essentielles, qui sont établies par l’administrateur général.

[24] L’expression « abus de pouvoir » n’est pas définie par la Loi; toutefois, son paragraphe 2(4) fournit l’orientation suivante : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. » Comme la présidente Ebbs de l’époque l’a souligné dans Ross c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2017 CRTEFP 48, au paragraphe 14, le paragraphe 2(4) de la Loi doit être interprété de façon générale. Cela veut dire que le terme « abus de pouvoir » ne doit pas se limiter à la mauvaise foi et au favoritisme personnel.

[25] Dans Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, aux paragraphes 21 et 38, la Cour fédérale a confirmé que la définition de l’« abus de pouvoir » prévue au paragraphe 2(4) de la Loi n’est pas exhaustive et peut comprendre d’autres formes de conduite inappropriée.

[26] Comme il est souligné dans Tibbs, aux paragraphes 66 et 71, et confirmé dans Agnew c. Sous-ministre des Pêches et des Océans, 2018 CRTESPF 2, au paragraphe 95, un abus de pouvoir peut comprendre un acte, une omission ou une erreur que le législateur n’aurait pas pu envisager dans le cadre de la discrétion accordée aux personnes avec des pouvoirs délégués de dotation. L’abus de pouvoir est une question de degrés. Pour qu’une telle conclusion soit faite, l’erreur ou l’omission doit être si énorme qu’elle ne peut faire partie de la discrétion accordée au gestionnaire délégué.

[27] Le représentant du plaignant n’a présenté aucun cas dans son plaidoyer final, mais je cite la décision rendue par la Commission dans Johnston c. Directeur des poursuites pénales, 2018 CRTESPF, dans laquelle j’ai abordé les questions de partialité dans un processus de nomination, comme suit :

[…]

[33] Le plaignant a indiqué dans son argumentation de cette allégation que la Commission avait conclu qu’il n’était pas nécessaire qu’une partialité réelle soit constatée, puisqu’une crainte raisonnable de partialité peut constituer un abus de pouvoir (voir Ryan c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2014 TDFP 9, au paragraphe 25, qui cite Denny c. Le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, au paragraphe 125, qui renvoie à Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369, à la page 394).

[34] Dans sa forme initiale, dans Committee for Justice and Liberty, à la p. 394, la Cour suprême du Canada a énoncé le critère relatif à l’existence d’une crainte de partialité comme suit :

[…] « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[35] Dans Ryan, en invoquant Gignac c. Le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, qui à son tour a invoqué Committee for Justice and Liberty, le TDFP a adapté le critère comme suit :

[…]

Lorsqu’il y a allégation de partialité, le critère suivant pourra être appliqué à son analyse en tenant compte des circonstances l’entourant : Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a abus de pouvoir.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[28] Je mentionne aussi Bain c. le sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2011 TDFP 28, qui a porté comme suit sur la question d’une amitié et la conclusion d’une crainte raisonnable de partialité :

[…]

134 En examinant les questions de parti pris et de crainte raisonnable de partialité, les tribunaux ont reconnu qu’il est difficile d’établir une preuve directe de parti pris. La manière dont le critère de partialité doit être établi est décrite dans les motifs de dissidence de la décision Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394 :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croiraitelle que, selon toute vraisemblance, [cette personne], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

[caractères italiques ajoutés]

[…]

138 […]

[…] est suffisamment étroite pour qu’une personne raisonnable s’interroge sur la capacité du décideur de porter un jugement impartial.

[traduction]

139 Les candidats qui participent à un processus d’évaluation doivent pouvoir avoir confiance en la nature équitable du processus. Une crainte raisonnable de partialité entache le processus et soulève des doutes quant à son intégrité. Conformément au principe d’équité, les membres du comité d’évaluation doivent éviter les situations qui pourraient susciter une crainte raisonnable de partialité de la part d’un décideur.

[…]

[Je mets en évidence]

B. Allégations

[29] Le plaignant a allégué que M. Ouellette l’avait sciemment trompé pendant qu’il se préparait à passer l’examen (pour l’évaluation initiale seulement).

[30] L’intimé a soutenu que la question des résultats de l’examen initial était théorique, étant donné que ceux-ci avaient été rejetés et que le plaignant avait passé la deuxième évaluation, qui comprenait une deuxième entrevue et un examen écrit.

[31] Le représentant du plaignant a interrogé Mme Guilbault, la gestionnaire principale du lieu de travail, au sujet de l’allégation selon laquelle M. Ouellette avait fourni des renseignements trompeurs en ce qui concerne le premier examen. Elle a répondu qu’elle en avait parlé au plaignant et qu’elle avait vu où il croyait avoir été trompé.

[32] Toutefois, le représentant du plaignant n’a pas posé de questions supplémentaires afin de mener le témoin à indiquer où exactement dans l’examen le sentiment d’avoir été trompé s’était manifesté chez le plaignant.

[33] Quand l’avocate de l’employeur a demandé à Mme Guilbault quelles étaient les questions qui avaient été compromises, selon elle, celle-ci a répondu qu’il s’agissait de celles sur les cortèges motorisés et sur le cycle de vie, selon ce que le plaignant lui avait dit.

[34] Dans le cadre de son contre-interrogatoire principal, Mme Guilbault a témoigné avoir parlé à M. Ouellette après avoir entendu les allégations du plaignant au sujet du premier examen, et que M. Ouellette avait avoué avoir aider le plaignant à se préparer pour l’examen.

[35] Elle a indiqué que M. Ouellette avait dit vouloir le plus grand nombre de candidats possible pour le poste.

[36] J’analyserai la première allégation au sujet de l’examen, étant donné que toute conclusion d’hostilité à l’égard du plaignant étayerait le fondement de sa cause selon laquelle M. Ouellette avait saboté sa candidature dans le cadre du processus de nomination.

1. C1 - Politiques et procédures relatives au covoiturage

[37] Le plaignant a témoigné ce qu’il croyait être de l’information sciemment trompeuse qu’il avait reçue à propos de l’équipement d’urgence dans les véhicules administratifs dans le cadre d’une conversation avec M. Ouellette.

[38] Le plaignant a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Le 15 février 2017 - Benoit s’est présenté au comptoir. J’ignore comment la conversation a commencé, mais il m’a demandé si j’étais prêt, et je lui ai répondu oui, que j’étudiais depuis près de six semaines. Par la suite, il a posé une question sortie de nulle part, qui exigeait une réponse : « trouve-t-on de l’équipement de police dans un véhicule administratif? » Je ne savais pas trop où il voulait en venir. J’ai répondu oui, il a répondu non et j’ai défendu ma réponse, en donnant l’exemple d’une demande d’installation de gyrophare portatif et d’une radio de bord pendant un événement important. Il a répondu que cela ne comptait pas, ce à quoi j’ai répondu en donnant l’exemple des véhicules à Leomont qui sont conduits par des fonctionnaires. Il m’a répondu que le fusible doit être fermé et c’est à ce moment qu’un collègue est entré. Je suis devenu très mal à l’aise et il est parti. Ensuite, l’histoire du fusible m’a fait réfléchir. Je savais que tout l’équipement de police était fonctionnel. J’ai donc voulu le confirmer auprès d’un collègue à Leomont, et il m’a confirmé que les fusibles ne devaient pas être éteints. Par conséquent, ce comportement était inapproprié selon moi, d’autant plus que je partais sous peu pour aller faire mon examen. Je sentais que l’on essayait de me piéger et je ne comprenais vraiment pas ce qui se passait. Le plus bizarre dans tout cela, c’est que la première question de l’examen, qui avait deux volets, était liée à la conversation.

 

[39] En réponse à cette allégation, l’intimé a renvoyé à la preuve qui a établi que la question de l’équipement d’urgence dans les véhicules administratifs se trouvait bel et bien dans l’examen : il s’agissait de la deuxième question pour le facteur C1.

[40] Toutefois, les éléments de preuve indiquent que le plaignant a obtenu une note de 4 sur 5 pour sa réponse.

[41] Dans son plaidoyer final, le représentant du plaignant n’a pas renvoyé à un extrait en particulier des documents d’évaluation ou du guide de réponse afin de me montrer la preuve que le plaignant n’avait possiblement pas tenu compte de l’information donnée par M. Ouellette pour obtenir une note de 4 sur 5 à la deuxième question pour le facteur C1.

[42] Le facteur C1 contenait aussi la première question, qui portait sur l’achat de véhicules. Le plaignant n’a pas allégué avoir été trompé en ce qui concerne cette question. Sa réponse lui a valu une note de 0.

[43] Ni les témoignages ni mon examen des éléments de preuve documentaire me permettent de conclure que l’intervention de M. Ouellette auprès du plaignant, à propos des connaissances sur les politiques et procédures relatives au covoiturage liées au facteur C1, visait à avoir ou a eu un effet nuisible sur le rendement du plaignant dans sa réponse aux questions liées au facteur C1.

2. C3 - composition des cortèges motorisés

[44] Après avoir examiné attentivement les témoignages et les pièces, je suis incapable de trouver suffisamment d’éléments de preuve pour étayer la conclusion selon laquelle M. Ouellette a, de quelque façon que ce soit, trompé le plaignant ou saboté sa conduite pour cette partie de l’évaluation.

[45] Le plaignant a livré le témoignage suivant :

[Traduction]

Il a commencé à dire « nous pourrions aussi demander de donner des exemples de composition de cortège motorisé ». Je lui ai ensuite montré la feuille sur le niveau de sécurité que j’avais en main, et il m’a dit de ne pas m’inquiéter avec cela, que cela ne faisait pas partie de l’examen. Il a ensuite pointé du doigt une autre page, intitulée « Catégorie d’événement », et m’a dit, « il y aura une question sur ce sujet dans l’examen ».

 

[46] Dans son argumentation, l’intimé a indiqué que le plaignant avait obtenu une note de 5 sur 5 pour ses réponses au facteur C3. Ainsi, il ne semblait pas avoir été désavantagé par les interventions de M. Ouellette en ce qui concerne le facteur C3.

[47] Toutefois, je suis allé au-delà de la simple note, au cas où le plaignant, grâce à son bon travail, aurait pu surmonter une éventuelle directive erronée sur le facteur C3 de M. Ouellette.

[48] Après avoir examiné une fois de plus le témoignage du plaignant en ce qui concerne les conseils donnés par M. Ouellette sur le facteur C3, il n’est pas évident que celui-ci lui a donné l’information trompeuse que le plaignant allègue en vue de saboter son rendement à l’examen au cours de la première évaluation.

[49] Le plaignant a indiqué dans sa déclaration écrite qu’il avait discuté de ses qualifications avec M. Ouellette et qu’il souhaitait confirmer son expérience en ce qui concerne la gestion du cycle de vie du matériel. Il a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Il [M. Ouellette] m’a demandé si je connaissais les quatre étapes du cycle de vie du matériel, et j’ai répondu que je n’étais pas certain. Il m’a ensuite fait entrer dans son bureau et m’a indiqué que ces quatre étapes étaient la planification, l’acquisition, le fonctionnement et l’entretien, et la disposition ou le remplacement. J’ai répondu que je possédais sans aucun doute les compétences requises pour les trois premières étapes, mais que je devais confirmer auprès de mon ancien superviseur si je les possédais pour la 4e étape. Mon ancien superviseur a confirmé que je possédais les compétences liées à cette étape, en ce qui concerne la disposition d’équipement informatique.

 

[50] Même si le plaignant n’a pas approfondi cette question en tant qu’allégation précise liée au facteur C4 dans l’évaluation écrite, mon examen des éléments de preuve liés à cette affaire indique que même si M. Ouellette a simplement indiqué que ce sujet était important, le plaignant a obtenu une note de 2 sur 5, ce qui correspond à un échec pour la question sur ce sujet.

[51] Les éléments de preuve qui m’ont été présentés ne me portent pas à conclure que M. Ouellette a d’une manière ou l’autre trompé le plaignant sur le sujet de la gestion du cycle de vie du matériel, comme ce qui a été allégué, afin de saboter le rendement du plaignant pendant le premier processus d’évaluation.

3. M. Ouellette est intervenu dans le deuxième processus d’évaluation

[52] Le plaignant a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Cela étant dit, le 9 mars 2017, j’ai reçu un courriel de Benoit Ouellette, dans lequel il répondait à notre réunion du 20 février 2017. Ce qui est malheureux dans tout cela, c’est qu’il suivait les conseils de Nathalie Guilbault. Je le sais, parce que Benoit Ouellette a oublié de supprimer la partie où elle lui donne des conseils sur le document Word. Nathalie Guilbault a ensuite confirmé qu’il s’agissait bel et bien d’elle, après que je le lui ai demandé; c’était facile à deviner. Pour moi, ce fut une véritable gifle, une déloyauté.

[53] Le représentant du plaignant n’a présenté aucun document en tant que pièce et n’a renvoyé à aucune autre pièce pendant l’audience qui montrait les commentaires allégués de Mme Guilbault.

[54] Mme Guilbault n’a pas été interrogée non plus sur ces commentaires ou sur leur contenu et leur intention en contre-interrogatoire.

[55] Étant donné cette absence de preuve, rien ne me permet de conclure que Mme Guilbault donnait des conseils à M. Ouellette, comme ce qui a été allégué.

4. M. Ouellette s’est assuré que l’affectation du plaignant ne soit pas renouvelée, même s’il avait affirmé qu’elle le serait

[56] Le plaignant a témoigné que M. Ouellette s’était assuré que son affectation ne soit pas renouvelée, malgré le fait qu’il avait indiqué verbalement qu’elle le serait.

[57] La Commission n’a pas compétence pour examiner et trancher une question portant sur une affectation (voir Ait Lahcen c. le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2009 TDFP 0013).

[58] Toutefois, cette allégation a été présentée à l’audience plus en tant qu’élément de preuve supplémentaire de partialité à l’égard du plaignant tout au long du processus de nomination.

[59] Aucun élément de preuve ne m’a été présenté sur cette question autre que cette allégation et la déclaration du plaignant selon laquelle on lui avait assuré verbalement que son affectation serait prolongée.

[60] Étant donné l’absence d’autres éléments de preuve à l’appui de cette affirmation, je suis incapable de tirer une conclusion sur cette allégation qui appuierait l’allégation de partialité.

[61] Le plaignant a aussi invoqué deux documents déposés en tant que pièces. Il les a reçus de son collègue, M. Leduc, qui a plus tard été le candidat retenu dans le processus de nomination en litige.

[62] Dans le premier document, dans son courriel (pièce BA-1), M. Leduc écrit ce qui suit afin de transmettre ce qu’il dit avoir entendu de la part de M. Ouellette, qui parlait au téléphone : « lors de cette conversation, on entendais Benoit très clairement dire : On a juste à réouvrir le concour AS-03 pour toute Ottawa et mettre moins de connaissance pour visite et plus pour le management. Benoit a dit, je vais le « trainer », c’est tout » [sic pour l’ensemble de la citation].

[63] On a interrogé Mme Guilbault au sujet de cette conversation téléphonique alléguée. Elle a confirmé qu’elle avait bel et bien eu une conversation téléphonique avec M. Ouellette à la même heure environ.

[64] Toutefois, elle a témoigné que cet appel portait sur la rédaction du document pour un processus de gestionnaire des opérations par intérim, qui était différent de celui en litige dans la présente plainte.

[65] Le deuxième document (pièce BA-2) est le courriel dans lequel M. Leduc fait part de ses inquiétudes à Mme Guilbault par rapport à ce qu’il croyait être des tentatives déployées par M. Ouellette pour influencer le deuxième processus.

[66] Ces inquiétudes sont liées aux interventions de M. Ouellette afin d’affecter M. J. à une fonction particulièrement pour lui permettre d’acquérir de l’expérience. M. Leduc écrit qu’il s’y est opposé, parce qu’il ne s’agissait pas d’une affectation adéquate, qu’elle ne respectait pas la rotation et que M. Ouellette ne devait pas participer au processus de nomination.

[67] Mme Guilbault a témoigné que l’aspect des critères de nomination lié à l’expérience avait déjà été abordé dans la sélection initiale des candidats. Elle a expliqué que la question entourant le fait de permettre à un candidat d’acquérir de l’expérience dans le cadre d’un événement particulier ne lui aurait été aucunement utile dans le processus de nomination.

[68] Elle a témoigné qu’elle ne croyait pas que ce geste posé par M. Ouellette était lié de quelconque façon au processus de nomination, mais qu’il souhaitait plutôt avoir le plus grand nombre possible d’employés ayant une expérience dans tous ces aspects différents du travail.

[69] Même si j’accepte le deuxième document en tant que pièce BA-2, malgré l’objection soulevée par l’avocate de l’intimé selon laquelle il s’agit de ouï-dire, je conclus que son contenu n’est pas convaincant, à la lumière du témoignage indiquant que le facteur lié à l’expérience cité dans le document n’était pas pertinent de toute façon après la sélection initiale. Par conséquent, il me dissuade davantage par son absence de valeur probante que par le fait qu’il s’agit de ouï-dire.

[70] Ainsi, à la lumière de ces conclusions, je conclus que la preuve ne suffit pas à étayer l’allégation selon laquelle M. Ouellette serait intervenu dans la deuxième évaluation.

V. Conclusion

[71] Le plaignant a une opinion très arrêtée à la suite de ses nombreux échanges avec ses collègues et avec M. Ouellette. Le plaignant est convaincu qu’on lui a refusé injustement la nomination et que son affectation a été terminée injustement.

[72] L’allégation selon laquelle M. Ouellette aurait donné au plaignant de l’information soi-disant trompeuse pour le premier examen est troublante. Mme Guilbault a témoigné qu’elle avait trouvé problématique cette soi-disant aide avec l’examen et indiqué que cela allait à l’encontre des politiques et procédures adéquates en matière de dotation.

[73] Toutefois, je mentionne les observations de l’avocate de l’employeur, qui a indiqué que le processus d’évaluation avait été mené de nouveau avec une nouvelle évaluation, et le témoignage de Mme Guilbault selon lequel M. Ouellette n’avait joué aucun rôle dans l’issue du processus, avec lesquels je suis d’accord.

[74] Après avoir réfléchi à chacune des allégations, de façon individuelle et ensemble, je ne puis conclure, selon toute vraisemblance, qu’un observateur relativement bien renseigné qui examinerait cette question peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation.

[75] Pour ces raisons, je dois conclure que le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’un abus de pouvoir a été commis. Je rejette la plainte.

[76] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

 


VI. Ordonnance

[77] J’ordonne le rejet de la plainte.

Le 14 avril 2021.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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