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Date : 20210416

Dossier : 566-02-12786

 

Référence : 2021 CRTESPF 42

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Justin Cooke

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Ministère de l’Environnement)

 

employeur

Répertorié

Cooke c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : David Orfald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Guido Miguel Delgadillo, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Alexandre Toso, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 25 janvier, le 9 février et le 2 mars 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] La présente affaire porte sur la capacité de l’employeur à convertir un travailleur de jour en un travailleur par poste, puis de nouveau en un travailleur de jour, au cours d’une période de sept jours. Elle porte également sur la rémunération à verser pour les heures de fin de semaine travaillées pendant cette période.

[2] Justin Cooke, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a été embauché en mai 2009 à titre d’agent d’application de la loi sur la faune par le ministère de l’Environnement, maintenant connu sous le nom d’Environnement et Changement climatique Canada (l’« employeur »). Pendant plus de trois ans, ses heures normales de travail étaient du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h.

[3] En août 2012, l’employeur a informé le fonctionnaire qu’il l’obligerait à commencer à travailler par poste à compter du 13 septembre 2012. Il a travaillé deux postes de fin de semaine, un le samedi et un le dimanche, soit les 15 et 16 septembre 2012. Le jeudi 20 septembre 2012, l’employeur a décidé de ramener M. Cooke à l’horaire de travail normal.

[4] M. Cooke a déposé son grief le 14 septembre 2012, en vertu des dispositions de la convention collective des Services techniques (TC) conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC ou le « syndicat »); date d’expiration, le 21 juin 2011 (la « convention collective »). L’AFPC est l’agent négociateur accrédité des employés compris dans l’unité de négociation du groupe TC.

[5] Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait enfreint la convention collective lorsqu’il a tenté de le convertir d’un travailleur de jour en un travailleur par poste. Il devrait être considéré comme un travailleur de jour et, par conséquent, être rémunéré pour les heures supplémentaires qu’il a effectuées la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012.

[6] Selon l’employeur, lorsqu’il a été embauché, le fonctionnaire a été informé qu’il pourrait avoir à travailler par poste. Bien qu’il ait initialement travaillé selon un horaire de jour, l’employeur a conservé le droit de le faire travailler selon un horaire de travail par poste. Il l’a fait conformément aux dispositions de la convention collective. La fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012, le fonctionnaire a travaillé les heures prévues par l’employeur. Ainsi, selon l’employeur, il n’avait pas le droit de recevoir une rémunération au taux des heures supplémentaires.

[7] M. Cooke a renvoyé son grief à l’arbitrage le 25 juillet 2016.

[8] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de l’employeur de convertir le fonctionnaire d’un travailleur de jour à un travailleur par poste, puis de nouveau en un travailleur de jour, pendant une semaine, était incompatible avec la convention collective. Ainsi, les heures qu’il a travaillées la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012 devraient être payées au taux des heures supplémentaires.

[9] Le renvoi du grief du fonctionnaire à l’arbitrage a été fait devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique. Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de cette Commission pour qu’elle devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

[10] Dans la présente décision, la Commission et ses prédécesseurs seront désignés collectivement comme la « Commission ».

II. Résumé de la preuve

[11] Après avoir discuté avec les parties, la Commission a accepté d’entendre la présente affaire par voie d’arguments écrits. Les parties ont présenté un énoncé conjoint des faits étayé par un recueil conjoint de documents composé de sept onglets.

[12] M. Cooke a été affecté à son poste d’agent d’application de la loi sur la faune à compter du 19 mai 2009. La lettre d’offre de l’employeur était datée du 8 mai 2009. La lettre de nomination initiale ne traitait pas de ses heures de travail. Dans l’un des deux addenda à la lettre d’offre du 25 mai 2009, l’employeur a ajouté plusieurs conditions d’emploi. L’une de ces conditions est pertinente à la présente affaire et est rédigée comme suit : [traduction] « L’obligation de travailler par poste ou les fins de semaine, ou les jours fériés et les jours de congé provinciaux et territoriaux, des heures irrégulières et des heures supplémentaires ».

[13] Comme il a été mentionné, à compter de mai 2009, les heures normales de travail du fonctionnaire étaient du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h (y compris une pause-repas de 30 minutes non payée).

[14] Également à compter de 2009, l’employeur a consulté l’AFPC au sujet de la mise en œuvre du travail par poste pour les agents d’application de la loi sur la faune. Ces discussions se sont déroulées aux niveaux national et régional au cours des années suivantes.

[15] Le 22 août 2012, le fonctionnaire a été informé par courriel que l’employeur allait mettre en œuvre un horaire de travail par poste pour les agents d’application de la loi sur la faune à compter de la période de paie du 13 septembre 2012 (un jeudi). L’horaire a duré 56 jours (jusqu’à la fin de la période de paie du 7 novembre 2012).

[16] Au cours de la semaine qui a débuté le 13 septembre 2012, les événements suivants se sont produits :

 

1) Le fonctionnaire devait travailler un poste de jour le jeudi 13 septembre, mais il avait pris un congé annuel ce jour-là.

2) Le vendredi 14 septembre, bien qu’il ait été prévu qu’il travaille de 13 h à 21 h, le fonctionnaire a travaillé ses heures normales de 8 h à 16 h, qui comprenaient une pause de 30 minutes non payée.

3) Conformément à l’horaire de postes, le samedi 15 septembre et le dimanche 16 septembre, le fonctionnaire a travaillé de 13 h à 21 h, incluant une pause de 30 minutes non payée.

4) Conformément à l’horaire, le fonctionnaire n’a pas travaillé le lundi 17 septembre ni le mardi 18 septembre.

5) Le mercredi 19 septembre et le jeudi 20 septembre, il a travaillé ses heures prévues à l’horaire, soit de 8 h à 16 h, qui comprenaient une pause de 30 minutes non payée.

 

[17] Le jeudi 20 septembre 2012, l’employeur a décidé de ramener M. Cooke à un horaire de travail normal, à compter du vendredi 21 septembre 2012.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire et son syndicat

[18] Le fonctionnaire a fait valoir que lorsqu’il a déposé son grief, il était un travailleur de jour. L’employeur ne pouvait pas convertir un travailleur de jour en un travailleur par poste de la façon qu’il proposait. Parce qu’il est resté un travailleur de jour, il devrait avoir droit à une rémunération des heures supplémentaires pour les heures qu’il a travaillées la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012.

[19] Tout en reconnaissant que le syndicat et l’employeur discutent depuis plusieurs années de la conversion des travailleurs de jour en travailleurs par poste, l’AFPC a déclaré qu’aucun accord n’a encore été conclu.

[20] Le syndicat a soutenu que la décision de l’employeur de convertir le fonctionnaire d’un travailleur de jour en un travailleur par poste puis de nouveau en travailleur de jour constituait une violation de la convention collective. L’AFPC a déclaré que, dans sa réponse au grief, l’employeur a eu tort de mettre l’accent sur l’absence d’une clause lui interdisant de convertir un travailleur de jour en un travailleur par poste. Citant Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition (au paragraphe 4:2100), le syndicat a soutenu que la convention collective doit être lue dans son ensemble, ce qui, en l’espèce, établit une distinction entre les travailleurs de jour et les travailleurs par poste comme étant différents types d’employés.

[21] Selon le syndicat, si l’employeur pouvait simplement convertir à son gré un employé pour qu’il travaille selon un horaire de postes, il pourrait se livrer à des subterfuges. Cela signifierait que l’employeur pourrait convertir un fonctionnaire en un travailleur par poste puis de nouveau en travailleur de jour lorsqu’il assigne un travail de fin de semaine simplement pour éviter de payer des heures supplémentaires. Cela constituerait un résultat absurde qui ne correspond pas à l’intention des parties, compte tenu de la convention collective dans son ensemble.

[22] Le fonctionnaire a nié que la lettre d’offre modifiée l’avait décrit comme un travailleur par poste. Il a été un travailleur de jour depuis son embauche en mai 2009 jusqu’aux dates en question. À ce titre, il devrait être rémunéré pour les heures supplémentaires qu’il a effectuées les 15 et 16 septembre 2012.

B. Pour l’employeur

[23] L’employeur a soutenu que le fonctionnaire n’a pas établi qu’il avait enfreint la convention collective. Il n’existe aucune interdiction dans la convention qui pourrait empêcher la direction de convertir un employé d’un travailleur de jour à un travailleur par poste. De plus, selon les conditions d’emploi de ce fonctionnaire, la direction pouvait exiger qu’il travaille par poste. À ce titre, l’employeur n’a pas modifié ses conditions d’emploi, ce qui signifie qu’il n’a pas déclenché l’obligation de consultation conformément à la clause 21.03 (la clause de consultation mixte) ou la clause 25.02 (consultation au sujet des changements aux horaires de travail).

[24] Néanmoins, l’employeur avait consulté l’AFPC au sujet de la mise en œuvre d’un horaire de postes pour les agents d’application de la loi sur la faune. Après plus de trois ans de consultation, l’employeur a fourni aux agents, y compris le fonctionnaire, un horaire de postes conformément à la clause 25.09 de la convention collective.

[25] L’employeur a fait valoir qu’il est bien établi que l’employeur a le droit de convertir des travailleurs de jour en employés qui travaillent par poste sans l’accord de l’agent négociateur (voir Hodgson c. Conseil du Trésor (Transports Canada), 2005 CRTFP 30). Cette affaire concernait des employés initialement embauchés comme travailleurs de jour. Par conséquent, la Commission a conclu dans Hodgson que l’employeur avait l’obligation de consulter l’agent négociateur, mais pas l’obligation d’obtenir son accord.

[26] Selon l’employeur, en date du 13 septembre 2012, le fonctionnaire était un travailleur par poste et ses heures de travail les 15 et 16 septembre 2012 étaient prévues conformément à la clause 25.09. La convention collective définit clairement les « heures supplémentaires » comme le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire. Par conséquent, ces heures ne devraient pas être payées au taux des heures supplémentaires (voir Maessen et McKindsey c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 95, au paragraphe 58).

[27] L’employeur a reconnu qu’il était tenu de respecter la clause 25.09 lors de l’établissement de l’horaire des travailleurs par poste. Il devait s’assurer que les employés travaillent en moyenne cinq jours par semaine, soit 7,5 heures par jour. L’alinéa 25.09d) énonce un certain nombre d’autres protections pour les travailleurs par poste dont les parties ont convenues. Le syndicat n’a pas soutenu que l’employeur n’avait pas respecté ces dispositions.

[28] Toutefois, selon l’employeur, aucun libellé dans la convention collective ne limite le pouvoir discrétionnaire de la direction de prévoir l’horaire de travail d’un employé conformément à la clause 25.09. L’employeur a déclaré que la direction peut faire tout ce qui n’est pas expressément ou implicitement interdit par la loi ou par une convention collective (Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CF 277, au paragraphe 30, conf. par Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236, aux paragraphes 50 et 55).

[29] L’employeur et le syndicat sont des parties bien renseignées, et si elles avaient eu l’intention de limiter le droit de l’employeur de convertir des travailleurs de jour en travailleurs par poste, ils auraient pu le faire explicitement. En fait, c’est ce que les parties ont précisément fait dans une version ultérieure de la convention collective (celle qui a expiré le 21 juin 2018). Dans cette convention, les parties ont inclus une nouvelle clause, soit la clause 25.11, qui est rédigée comme suit :

25.11 Avant que l’employeur ne modifie le statut de travailleur et travailleuse de jour à celui de travailleur et travailleuse par poste, et inversement, l’employeur doit consulter à l’avance l’Alliance à ce sujet et établir, lors des consultations, que ces heures sont nécessaires pour répondre aux besoins du public et/ou assurer le bon fonctionnement du service.

 

[30] Toutefois, l’employeur a soutenu que la version de la convention collective que la Commission doit interpréter dans la présente affaire est celle qui a expiré le 21 juin 2011. Cette convention ne restreignait pas le droit de la direction de convertir un travailleur de jour en un travailleur par poste ou un travailleur par poste en un travailleur de jour.

IV. Motifs

[31] Ce que je trouve unique dans cette affaire, c’est la transition rapide du fonctionnaire d’un statut de travailleur de jour à un statut de travailleur par poste, puis de nouveau en un travailleur de jour, tout cela en l’espace d’une semaine.

[32] De toute évidence, il y avait une question sous-jacente en jeu, comme en témoigne la longue période de consultation entre l’employeur et le syndicat au sujet de la proposition de l’employeur de faire travailler les agents de la faune selon un horaire de postes. Dans sa réponse au grief au dernier palier, l’employeur a déclaré qu’il [traduction] « [...] y avait un grand nombre d’activités qui exigeaient un travail de terrain important après les heures de travail et votre employeur voulait appliquer correctement la convention collective dans tout le pays lorsqu’il gérait la présence après les heures de travail ». En octobre 2009, l’employeur a entrepris des consultations avec le syndicat à l’échelle nationale et a consulté les agents de toutes les régions au niveau local. En août 2012, il a procédé à la mise en place d’un horaire de postes pour les agents de la faune.

[33] Les parties n’ont fourni ni preuve ni explication de la raison pour laquelle l’employeur a décidé de revenir sur sa décision à l’égard du fonctionnaire. Je ne présume pas que l’employeur s’est engagé dans un subterfuge pour éviter de payer des heures supplémentaires pour une fin de semaine de travail. Le fonctionnaire était manifestement mécontent d’être obligé de travailler selon un horaire de postes et il a déposé son grief à la toute première occasion. Je soupçonne que l’employeur a simplement décidé qu’il préférait avoir un travailleur de jour heureux plutôt qu’un travailleur par poste mécontent. Cependant, cette hypothèse n’est pas pertinente; le fait est qu’après seulement sept jours de travail par poste, l’employeur a ramené M. Cooke au statut de travailleur de jour.

[34] On ne m’a pas non plus fourni d’éléments de preuve ou d’explications sur ce qui est arrivé aux horaires de travail de l’ensemble de la collectivité de l’application de la loi sur la faune, et ces questions ne m’ont pas été soumises.

[35] La seule question que j’ai à trancher est celle de savoir si l’employeur a contrevenu à la convention collective en imposant à M. Cooke un horaire de poste à partir du 13 septembre 2012, seulement pour le ramener à un horaire de travail de jour le 21 septembre 2012, et s’il l’a payé correctement pour le temps travaillé pendant cette période.

[36] Les parties ne contestent pas ici les principes fondamentaux d’interprétation des contrats en cause. La Commission doit présumer que les parties ont eu l’intention d’utiliser les mots qu’elles ont utilisés et elle doit donner un sens aux mots de la convention collective dans leur contexte global, compte tenu de leur sens grammatical et ordinaire. L’ensemble de la convention constitue le contexte dans lequel les dispositions individuelles sont interprétées. Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour qu’un arbitre de grief en fasse abstraction si la disposition est clairement formulée. (Voir, par exemple, Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, au paragraphe 4:2100; Arsenault c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17, au paragraphe 29; Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, au paragraphe 51.)

[37] La convention collective établit une distinction claire entre les travailleurs de jour et les travailleurs par poste. Les heures de travail des travailleurs de jour sont indiquées à l’alinéa 25.04a), qui est rédigée comme suit :

a) Sous réserve du paragraphe 25.09, la semaine de travail normale est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures, à l’exclusion des périodes de repas, réparties sur cinq (5) jours de sept virgule cinq (7,5) heures chacun, du lundi au vendredi. La journée de travail est prévue à l’horaire au cours d’une période de neuf (9) heures située entre 6 h et 18 h, à moins qu’il n’en ait été convenu autrement au cours de consultations au niveau approprié entre l’Alliance et l’Employeur.

 

[38] Le libellé de l’alinéa 25.04a) décrit la clause 25.09 comme une exception à la semaine normale de travail. Les employés qui sont visés par la clause 25.09 sont communément appelés travailleurs par poste. La clause 25.09 commence comme suit :

25.09 Dans le cas des employé-e-s qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière :

a) la durée normale du travail est portée à l’horaire de manière que les employé-e-s travaillent :

(i) en moyenne trente-sept virgule cinq (37,5) heures par semaine et en moyenne cinq (5) jours par semaine;

et

(ii) sept virgule cinq (7,5) heures par jour.

[…]

 

[39] La clause 25.09 contient un certain nombre d’autres dispositions régissant les travailleurs par poste. L’alinéa d) s’applique à la présente question et est rédigé comme suit :

d) L’Employeur fait tout effort raisonnable :

(i) pour ne pas prévoir à l’horaire un commencement de poste dans les huit (8) heures qui suivent la fin du poste précédent de l’employé-e;

(ii) pour éviter les fluctuations excessives des heures de travail;

(iii) pour tenir compte des désirs de la majorité des employé-e-s touchés par la répartition des postes à l’intérieur d’un horaire de postes;

(iv) pour répartir les postes sur une période ne dépassant pas cinquante-six (56) jours et pour afficher les horaires au moins quatorze (14) jours avant la date de début du nouvel horaire;

(v) pour accorder à l’employé-e au moins deux (2) jours de repos consécutifs.

 

[40] À l’alinéa 25.09g), les parties prévoient également des horaires de postes alternatifs avec des heures de travail différentes de celles indiquées à l’alinéa 25.09a). Ces dispositions sont régies par plusieurs autres clauses qui énoncent les conditions régissant l’administration des horaires de travail variables (clauses 25.10 à 25.13, inclusivement). Toutefois, le syndicat n’a pas affirmé que l’horaire de postes du fonctionnaire était un arrangement spécial visé par l’alinéa 25.09g).

[41] Il convient de noter que la clause 25.02 énonce le processus par lequel l’horaire de travail d’un groupe d’employés peut être modifié :

25.02 L’Employeur convient, avant de modifier l’horaire des heures de travail, de discuter des modifications avec le représentant approprié de l’Alliance si la modification touche la majorité des employé-e-s assujettis à cet horaire.

 

[42] La distinction claire entre travailleurs de jour et travailleurs par poste est également illustrée dans le libellé de l’article 27, intitulé « Primes de poste et de fin de semaine ». Cet article accorde une prime de poste de 2,00 $ l’heure aux employés qui travaillent par postes en dehors des heures effectuées entre 8 h et 16 h. Il prévoit également une prime supplémentaire de 2,00 $ l’heure pour toutes les heures de fin de semaine travaillées par poste. L’article 27 est précédé d’une exclusion claire qui stipule qu’il « [...] ne s’applique pas aux employé-e-s qui travaillent de jour et qui sont couverts par les paragraphes 25.04 à 25.06 [...] ».

[43] Malgré le libellé de sa lettre d’offre modifiée, il n’est pas contesté que, du 19 mai 2009 au 12 septembre 2012, le fonctionnaire a travaillé des semaines normales de travail, du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h, à l’exclusion d’une pause-repas non payée de 30 minutes.

[44] Pendant cette période, il n’a pas travaillé « par roulement ou de façon irrégulière », comme le prévoit la clause 25.09. L’employeur n’a pas non plus organisé ses heures de travail selon un horaire pouvant aller jusqu’à 56 jours. Le fonctionnaire était un travailleur de jour.

[45] La question est celle de savoir si l’employeur avait le droit, en vertu de la convention collective, de convertir le fonctionnaire en un travailleur par poste.

[46] Je suis d’avis que l’employeur a raison de dire qu’aucun libellé dans la convention collective ne lui interdit explicitement de convertir un travailleur de jour en un travailleur par poste. C’est ce qui a amené la Commission à conclure dans Hodgson que la direction conservait donc le droit de prendre cette décision. Sa conclusion était la suivante, au paragraphe 128 :

[128] Il est clair que les droits généraux de gestion attribués au Conseil du Trésor peuvent être considérablement limités par les conditions d’emploi négociées qui se trouvent dans une convention collective […] En l’espèce, j’ai déterminé que la convention collective ne limite pas le droit de l’employeur de déterminer les heures de travail de manière à convertir un travailleur de jour en travailleur par poste. Cela ne décharge cependant pas la direction de l’obligation de consulter l’agent négociateur au sujet d’une modification aussi fondamentale des conditions d’emploi (voir l’article 21 sur la consultation mixte).

 

[47] Hodgson portait sur une décision de Transports Canada de convertir les inspecteurs de la sécurité régionaux employés dans les aéroports d’un statut de travailleurs de jour à celui de travailleurs par poste dans les mois qui ont suivi les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis (communément appelées « événements du 11 septembre »). Cette décision s’inscrivait dans un contexte où le ministère devait mettre en place des dispositions de sécurité aéroportuaire améliorées qui avaient été adoptées par le gouvernement fédéral. Le ministère a consulté le syndicat et a essayé de satisfaire à la plupart de ses exigences en matière de travail par poste au moyen de nouvelles embauches. Cependant, en fin de compte, certains employés qui avaient été embauchés comme travailleurs de jour ont été convertis en travailleurs par poste. Cette conversion s’est faite en vertu d’une version antérieure de la convention collective du groupe TC, qui avait les mêmes dispositions essentielles en matière d’heures de travail que celles en vigueur en l’espèce. La Commission a confirmé la décision du ministère.

[48] Cependant, je trouve qu’il est facile de distinguer l’affaire dont je suis saisi de Hodgson. Cette affaire a été entendue comme une cause type pour plus d’une douzaine de griefs individuels. Dans Hodgson, Transports Canada a soutenu qu’il y avait un besoin opérationnel manifeste de faire en sorte que les employés deviennent des travailleurs par poste. À la suite des événements du 11 septembre, le ministère a invoqué les dispositions de la convention collective relatives à la « Sûreté de l’État » comme justification de sa décision. Une fois que les employés ont été convertis en travailleurs par poste, ils ont continué à travailler par poste.

[49] En l’espèce, l’employeur n’a pas prouvé que la façon dont il a exercé ses droits de la direction reposait sur un besoin opérationnel. Il s’est appuyé sur le fait que la lettre de nomination modifiée de M. Cooke indiquait qu’il pourrait avoir à travailler par poste et qu’il avait consulté le syndicat au sujet de la conversion des agents d’application de la loi sur la faune en travailleurs par poste.

[50] Ce qui distingue toutefois le plus cette affaire de Hodgson, c’est la décision de l’employeur de convertir M. Cooke d’un statut de travailleur de jour en celui de travailleur par poste, puis de nouveau en un travailleur de jour en l’espace d’une semaine. Je ne crois pas que Hodgson soit favorable à cette proposition. Je souscris à la conclusion de la Commission dans Hodgson selon laquelle le fait de modifier le statut professionnel d’un employé constitue une modification fondamentale des conditions d’emploi. La direction a besoin d’une bonne raison pour exercer ses droits à cet égard.

[51] En outre, le libellé de la convention collective à la clause 25.09 ne dit pas [traduction] « l’horaire des employé-e-s qui travaillent par poste sera prévu comme suit […] ». Il commence par la phrase suivante : « Dans le cas des employé-e-s qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière ». Toutes ses dispositions découlent de ce fondement.

[52] Malgré le libellé de sa lettre de nomination modifiée, M. Cooke n’était pas un employé qui travaillait par roulement ou de façon irrégulière. Il était un travailleur de jour depuis la date de sa nomination en 2009 jusqu’au 12 septembre 2012. L’employeur l’a affecté à des postes irréguliers et par roulement pour une période de 56 jours commençant le 13 septembre 2012. Cependant, il n’a travaillé que deux postes de ce genre, soit la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012. Par la suite, il n’a travaillé que durant le jour.

[53] Étant donné que le fonctionnaire n’était pas un employé qui travaillait par roulement ou de façon irrégulière, l’affirmation de l’employeur selon laquelle il était visé par la clause 25.09 doit être rejetée. Par défaut, la convention collective prévoit que les employés qui ne sont pas visés par la clause 25.09 sont des travailleurs de jour dont les heures de travail doivent être prévues conformément à la clause 25.04.

[54] Étant donné que les heures qu’il a travaillées la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012 étaient en dehors des heures de travail autorisées en vertu de la clause 25.04, elles ne peuvent pas être considérées comme des heures normales de travail prévues par la convention collective.

[55] Je reconnais que les heures supplémentaires sont définies à la clause 2.01 de la convention collective comme suit : « […] dans le cas d’un employé-e à temps plein, le travail autorisé qu’il ou elle exécute en plus des heures de travail prévues à son horaire […] ». L’employeur avait prévu que le fonctionnaire travaille les 15 et 16 septembre 2012 et n’avait pas prévu qu’il travaille le lundi 17 septembre et le mardi 18 septembre 2012. Il n’a pas travaillé ces journées-là. Conformément à la logique de la décision de la Commission dans Maessen, je dois en tenir compte dans l’élaboration d’une mesure corrective appropriée.

[56] À ce titre, je conclus que le fonctionnaire a le droit de recevoir la différence entre ce que sa rémunération d’heures supplémentaires aurait été pour les heures qu’il a travaillées la fin de semaine des 15 et 16 septembre 2012 et sa rémunération d’heures normales pour les jours où il n’a pas travaillé les 17 et 18 septembre 2012. En d’autres termes, il a droit à un tarif supplémentaire de 0,5 pour les heures travaillées le samedi et de 1,0 pour les heures travaillées le dimanche.

[57] De plus, comme j’ai conclu que M. Cooke aurait dû être considéré comme un travailleur de jour, il n’a plus droit aux primes de poste et de fin de semaine qui lui ont été versées pour les heures travaillées les 15 et 16 septembre 2012. Par conséquent, les heures supplémentaires qui lui sont dues à la suite de cette décision doivent être réduites par les primes de poste et de fin de semaine qui lui ont été versées pour cette fin de semaine.

[58] Comme l’employeur l’a fait remarquer dans son argumentation, dans les conventions collectives subséquentes, les parties ont convenu d’un nouveau libellé qui limite la capacité de l’employeur de convertir les employés de travailleurs de jour en travailleurs par poste ou inversement. Ce n’était pas le libellé dont j’étais saisi en l’espèce. Toutefois, je prends note du fait que le nouveau libellé pourrait modifier le cadre d’analyse à appliquer par la Commission advenant qu’une situation comme celle de M. Cooke survienne à l’avenir.

[59] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[60] Le grief est accueilli en partie.

[61] Le fonctionnaire a droit au taux des heures supplémentaires pour le travail effectué le samedi 15 septembre et le dimanche 16 septembre 2012.

[62] Les parties doivent déterminer le montant réel de la rémunération due au fonctionnaire, conformément aux motifs énoncés dans la présente décision. Au cas où les parties n’y parviendraient pas, je resterai saisi de la question pendant une période de 90 jours.

Le 16 avril 2021.

Traduction de la CRTESPF

David Orfald,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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