Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte de pratique déloyale alléguant que la défenderesse, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), avait enfreint l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2 ; LRTSPF) au motif que des personnes en autorité avaient exercé des représailles contre lui parce qu’il avait déposé des griefs en vertu de cette loi – la défenderesse s’était opposée à la compétence de la Commission au motif que le plaignant ne satisfaisait pas aux critères énoncés au sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la LRTSPF – la Commission a conclu que le paragraphe 238.24 de la LRTSPF limite le droit des fonctionnaires membres de la GRC au seul dépôt de griefs qui visent l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale – les membres de la GRC ont un recours additionnel en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi sur la la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985), ch. R-10; Loi sur la GRC), selon lequel ils peuvent déposer un grief qui vise une décision, un acte ou une omission liée à la gestion des affaires de la GRC leur causant un préjudice – il n’y avait aucun doute que les griefs du plaignant avaient été déposés selon la procédure de griefs prévue par la Loi sur la GRC et qu’ils ne portaient pas sur l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale puisqu’il n’y pas encore de convention collective entre l’agent négociateur représentant le plaignant et la GRC – en déposant ses deux griefs, le plaignant n’a pas exercé ses droits en vertu de la LRTSPF, mais plutôt en vertu de la Loi sur la GRC – la Commission ne pouvait statuer sur les représailles en vertu du paragraphe 31(5) de la Loi sur la GRC puisque les représailles sous cette disposition ne relèvent pas de la compétence de la Commission – la Commission a accueilli l’objection de la défenderesse voulant que le plaignant ne satisfaisait pas aux critères énoncés au sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la LRTSPF et elle a déterminé ne pas avoir compétence pour examiner la plainte.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20210423

Dossier: 561-02-42275

 

Référence: 2021 CRTESPF 47

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Éric Frémy

plaignant

 

et

 

Gendarmerie Royale du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Frémy c. Gendarmerie royale du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui-même

Pour la défenderesse : Valérie Taitt et Noémie Fillion, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Décision rendue en se fondant sur les arguments écrits
déposés
le 21 décembre 2020, le 7 février, le 10 mars, le 25 mars et le 6 avril 2021.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 10 novembre 2020, Éric Frémy (le « plaignant ») a déposé une plainte de pratique déloyale au sens de l’article 185 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, (L.C. 2003, c. 22, art. 2) (la « Loi ») alléguant que son employeur, la Gendarmerie royale du Canada (la « défenderesse » ou GRC) avait enfreint l’alinéa 190(1)g) de la Loi.

[2] Plus particulièrement, le plaignant allègue que la GRC et certaines des personnes en autorité ont exercé des représailles contre lui parce qu’il avait déposé une plainte ou un grief en vertu de la Loi, violant ainsi certaines dispositions du paragraphe 186(2) de la Loi. Ces dispositions interdisent à un employeur, à une personne qui agit pour son compte ou à une personne qui occupe un poste de direction ou de confiance de le faire.

[3] Le plaignant a déposé une documentation abondante relatant divers problèmes qu’il soutient avoir vécu avec son employeur au fil des ans. Selon cette documentation, le plaignant a joint la GRC en 2009. Même s’il était un francophone unilingue, il a tout d’abord été affecté à un poste en Colombie-Britannique en vue d’un besoin futur de ressources francophones pour les Jeux olympiques d’hiver de 2010. À la suite de divers problèmes liés à la langue, le plaignant a déposé une plainte au Commissariat aux langues officielles en 2013. S’en sont ensuivis divers événements qui ont mené, selon le plaignant, à sa démission sous la contrainte en décembre 2013. Plus tard, le plaignant a demandé que sa démission soit annulée et qu’il soit réintégré. Cette démarche finira en Cour fédérale, puis en Cour d’appel fédérale. En bout de ligne, le 14 mars 2019, le plaignant a été réintégré rétroactivement à sa date de départ.

[4] Selon le plaignant, plusieurs litiges se sont produits à la suite de sa réintégration, incluant des difficultés pour obtenir une attestation d’emploi confirmant son statut, son salaire et son ancienneté ainsi que l’intégration dans la bonne échelle de salaire.

[5] Le plaignant a déposé un grief le 30 juillet 2019 concernant la question des promotions qu’il considère qu’il aurait dû recevoir. Puis, dans les semaines qui suivirent, des désaccords ont aussi surgi au sujet de l’affectation et de la formation dont il avait besoin. Selon le plaignant, l’employeur voulait qu’il suive une formation de cadet comme à ses débuts en 2009. Le plaignant a refusé catégoriquement. Il s’ensuivra un second grief déposé le 1er décembre 2019.

[6] Dans la documentation soumise, le plaignant explique en quoi les décisions ou actions de la direction qui ont suivi le dépôt des griefs constituent des représailles. Entre autres, un représentant de l’employeur qui a entendu un de ses griefs l’aurait informé qu’il n’aurait aucune promotion ou augmentation de salaire s’il n’acceptait pas d’être réintégré comme cadet et de refaire le programme de formation pratique. Qui plus est, un autre représentant de l’employeur, lors d’échanges sur un de ses griefs, aurait dit au plaignant qu’il n’avait pas le pouvoir de lui trouver une position. Il est clair pour le plaignant qu’il y a eu des interactions entre ces représentants de l’employeur pour le forcer à accepter contre son gré d’être réintégré comme cadet.

[7] Je reviendrai au besoin sur les détails des actions de l’employeur qui ont amené le plaignant à croire qu’il a été sujet à des pratiques illégales après avoir disposé des objections soulevées par la défenderesse.

[8] Tout d’abord, la défenderesse soutient que le plaignant ne satisfait pas aux critères énoncés au sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la Loi. La défenderesse prétend aussi que la plainte a été déposée en dehors des délais prescrits au paragraphe 190(2) de la Loi.

[9] Le 16 février 2021, j’ai informé les parties que je traiterai des deux objections de l’employeur sur la base des arguments écrits des parties selon un échéancier qui leur avait été fourni. J’ai aussi avisé les parties qu’une décision finale sur les objections seraient rendues sur la base des arguments et de la documentation déjà au dossier.

II. Résumé de l’argumentation de l’employeur sur ses objections

[10] Les deux griefs auxquels le plaignant réfère ont été déposés au Bureau de coordination des griefs et des appels conformément à la partie III de la Loi sur la gendarmerie royale du Canada (la « Loi sur la GRC ») (L.R.C. (1985), ch. R-10). Ces deux griefs ne satisfont pas aux critères du sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la Loi. Ce sous-alinéa réfère uniquement à des griefs présentés en vertu de la Loi.

[11] Selon l’employeur, il aurait fallu que les griefs du plaignant portent sur l’application ou l’interprétation d’une convention collective pour que sa plainte puisse être entendue, ce qui n’est pas le cas. La Commission devrait donc déclarer qu’elle n’a pas compétence pour se prononcer sur la plainte.

[12] Le paragraphe 238.24 de la Loi est clair : un fonctionnaire membre de la GRC peut seulement présenter un grief individuel au sens de la Loi que si le grief porte sur l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale. Cet argument est d’ailleurs confirmé par le paragraphe 31(1.01) de la Loi sur la GRC qui va dans le même sens.

[13] L’employeur rappelle aussi que le paragraphe 31(5) de la Loi sur la GRC stipule que des mesures de représailles ne peuvent être prises contre un membre de la GRC qui présente un grief en vertu de cette même loi. Par conséquent, le plaignant aurait pu déposer un grief sous le régime de la Loi sur la GRC s’il voulait contester des mesures de représailles contre lui.

[14] L’employeur soutient aussi que la plainte a été déposée en dehors du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi.

[15] Selon l’employeur, le plaignant était au courant des décisions de la direction à l’égard de ses promotions et de sa réintégration bien avant les 90 jours précédant le dépôt de la plainte. Les deux griefs du plaignant sont du 30 juillet 2019 et du 1er décembre 2019, soit plusieurs mois avant le dépôt de la plainte. Or, il n’y a eu aucune nouvelle information ou fait nouveau dans les 90 jours précédant le dépôt de la plainte.

[16] La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») a affirmé à maintes reprises dans des décisions antérieures le caractère obligatoire du délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. La Commission ne peut exercer un pouvoir discrétionnaire pour proroger ce délai qui est de rigueur.

[17] L’employeur n’est pas d’accord avec l’affirmation du plaignant à savoir qu’il aurait pris connaissance de la situation donnant lieu à la plainte le 7 octobre 2020. Selon l’employeur, le plaignant était au courant de la situation dès 2019.

[18] L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Gibbins c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 17 (« Gibbins »); Baun c. Opérations des enquêtes statistiques, 2018 CRTESPF 54; Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90; Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CAF 98; Paquette c. Allliance de la Fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 20; Panula c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 4 Panula »); Scott c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 72; Beaulieu c. Gendarmerie Royale du Canada, 2017 CRTESPF 45.

III. Résumé de l’argumentation du plaignant sur les objections de l’employeur

[19] En réponse aux objections de l’employeur, le plaignant a tout d’abord présenté un texte de quelques pages sur le contexte de sa situation avec l’employeur et sur le bien-fondé de sa plainte de pratique déloyale contre la GRC. Je ne reprendrai ces propos, car ils ne m’aident aucunement à disposer des deux objections de l’employeur.

[20] Le plaignant se dit victime de mesures de représailles à la suite du dépôt de deux griefs sous la Loi sur la GRC. Le premier grief touche directement la réussite d’un programme de formation et par le fait même le niveau de rémunération et le grade du plaignant. Le deuxième grief conteste la décision de la direction d’annuler la participation du plaignant au programme de recrutement latéral auquel le plaignant était déjà inscrit.

[21] Même si ces deux griefs furent déposés en vertu de la Loi sur la GRC, il n’est pas dit explicitement dans la Loi qu’un fonctionnaire membre de la GRC ne peut déposer une plainte pour pratique déloyale. Selon le plaignant, un fonctionnaire membre de la GRC ne peut déposer un grief devant la Commission, car le grief doit d’abord passer par le processus interne de la GRC. Par contre, un membre de la GRC peut, à la suite de ce processus interne, avoir recours à la Commission pour demander l’arbitrage.

[22] Selon le plaignant, il peut déposer une plainte pour pratique déloyale, car la pratique en question résulte du dépôt des deux griefs qui sont soumis à un arbitre de la GRC pour décision.

[23] Le paragraphe 31(5) de la Loi sur la GRC est incomplet et n’apporte aucun redressement en cas de représailles. Un fonctionnaire membre de la GRC doit donc pouvoir présenter une plainte de pratique déloyale sous la Loi. Il serait déraisonnable de soustraire les fonctionnaires membres de la GRC d’un recours qui est ouvert à tous les autres fonctionnaires fédéraux. Qui plus est, rien dans la Loi ou dans la Loi sur la GRC n’interdit de déposer une plainte pour pratique déloyale devant la Commission.

[24] Le plaignant a rappelé qu’il est un fonctionnaire au sens de la Loi à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1. Il a donc le droit de déposer une plainte en vertu de la Loi.

[25] Selon le plaignant, un fonctionnaire membre de la GRC peut demander, en vertu du paragraphe 238.25(1) de la Loi, la révision par la Commission d’un grief individuel présenté sous la Loi de la GRC s’il n’est pas satisfait de la décision du palier final. Il serait donc logique que la Commission puisse examiner une plainte pour pratique déloyale résultant d’un grief déposé sous la Loi de la GRC.

[26] Selon le plaignant, il n’existe pas de disposition sur les pratiques déloyales dans la Loi de la GRC. Il serait déraisonnable de ne pas accorder de recours aux membres de la GRC qui déposent des griefs sous cette même loi.

[27] Sur la question des délais, le plaignant n’est pas d’accord avec la position de la défenderesse qu’il rejette catégoriquement.

[28] Selon le plaignant, la pratique déloyale s’est produite non pas au moment du dépôt des griefs, mais plutôt par la suite. Elle découle de la manipulation de la direction de la GRC visant à contraindre le plaignant à abandonner ses griefs. Une pratique déloyale n’est pas caractérisée par des actions posées au grand jour, mais résulte plutôt d’un processus obscur et pernicieux mené d’une manière délibérée.

[29] La défenderesse ne peut prétendre que le plaignant s’est rendu compte immédiatement d’une pratique déloyale, puisque le tout était déguisé. Seul le plaignant peut établir quand il s’est rendu compte de cette pratique.

[30] Le plaignant m’a renvoyé aux décisions suivantes : Panula; Quadrini c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 37; Choinière Lapointe c. Service correctionnel du Canada, 2019 CRTESPF 68.

IV. Motifs

[31] Je disposerai tout d’abord de l’objection sur la compétence de la Commission de disposer de cette plainte. Puis, si nécessaire, j’examinerai par la suite l’objection sur le délai de 90 jours pour déposer une plainte.

[32] Sommairement, l’employeur s’oppose à la compétence de la Commission de traiter de cette plainte au motif que le plaignant ne satisfait pas aux critères énoncés au sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la Loi. Les extraits suivants de la Loi sont d’un intérêt particulier pour disposer de cette première objection :

[…]

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

186(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, à l’officier, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou à la personne qui occupe un poste détenu par un tel officier, qu’ils agissent ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, de la licencier par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie royale du Canada ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

[…]

(iii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie ou de la section 1 de la partie 2.1, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1,

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1;

[…]

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

[…]

Partie 2.1

Dispositions particulières – Gendarmerie royale du Canada

[…]

238.02 (1) Les dispositions de la présente partie l’emportent sur les dispositions incompatibles des parties 1 et 2.

[…]

(2) Pour l’application du paragraphe (1), sont notamment incompatibles avec la présente partie, l’article 58, les paragraphes 208(1) et 209(1) et (2) et l’article 209.1.

[…]

238.24 Sous réserve des paragraphes 208(2) à (7), le fonctionnaire membre de la GRC a le droit de présenter un grief individuel seulement lorsqu’il s’estime lésé par l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

[…]

 

[33] Les deux parties affirment dans leurs arguments que les griefs du plaignant dont il est question dans sa plainte ont été déposés selon la procédure de griefs prévue dans la Loi sur la GRC. Ce ne sont donc pas des griefs qui portent sur l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

[34] Certaines dispositions de la Loi sur la GRC sont d’un intérêt particulier dans le cas présent. Je reproduis ici les dispositions suivantes de la partie III de cette loi :

[…]

31(1) Sous réserve des paragraphes (1.01) à (3), le membre à qui une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie causent un préjudice peut présenter son grief par écrit à chacun des niveaux que prévoit la procédure applicable aux griefs prévue par la présente partie dans le cas où la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ne prévoient aucune autre procédure pour réparer ce préjudice.

[…]

(1.01) Tout grief qui porte sur l’interprétation ou l’application à l’égard d’un membre de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale doit être présenté sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[…]

31(5) Le fait qu’un membre présente un grief en vertu de la présente partie ne doit entraîner aucune peine disciplinaire ni aucune autre sanction relativement à son emploi ou à la durée de son emploi dans la Gendarmerie.

[…]

[35] Selon les arguments des parties, les deux griefs soumis par le plaignant l’ont été selon la Loi sur la GRC, et j’ajouterai selon le paragraphe 31(1) de cette loi. Il ne s’agissait pas de griefs visant l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale. Selon le paragraphe 31(1.01) de la Loi sur la GRC, de tels griefs auraient nécessairement dû être déposés sous le régime de la Loi, ce qui n’est pas le cas. Il ne pourrait d’ailleurs en être ainsi, car il n’y pas encore de convention collective entre l’agent négociateur représentant le plaignant qui est un fonctionnaire membre de la GRC, et la GRC.

[36] Ces dispositions de la Loi sur la GRC sont d’ailleurs tout à fait compatibles avec les dispositions particulières de la Loi quant au droit restreint de dépôt de griefs par des fonctionnaires membres de la GRC. Alors qu’un fonctionnaire qui n’est pas membre de la GRC peut déposer un grief sur à peu près tout ce qui touche ses conditions d’emploi (voir les alinéas 208(1)a) et b) de la Loi), le paragraphe 238.24 de la Loi limite le droit des fonctionnaires membres de la GRC au seul dépôt de griefs qui visent l’interprétation ou l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale. Par contre, en parallèle, les membres de la GRC ont un recours additionnel en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi sur la GRC selon lequel ils peuvent déposer un grief qui vise une décision, un acte ou une omission liée à la gestion des affaires de la GRC leur causant un préjudice. Dans le présent cas, il ne fait de doute que c’est ce second recours que le plaignant a utilisé lorsqu’il a déposé ses deux griefs.

[37] Compte tenu que les deux griefs du plaignant n’ont pas été déposés sous le régime de la Loi, et plus particulièrement de sa partie 2 traitant des griefs, je suis d’accord avec l’objection de la défenderesse voulant que le plaignant ne satisfait pas aux critères énoncés au sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la Loi pour que la Commission puisse instruire la plainte pour pratique déloyale. En déposant ses deux griefs, le plaignant n’a pas exercé ses droits en vertu de la Loi, mais plutôt en vertu de la Loi sur la GRC. Je n’ai donc pas compétence pour examiner sa plainte.

[38] Le paragraphe 31(5) de la Loi sur la GRC prévoit que le fait qu’un membre présente un grief en vertu de cette loi ne doit entraîner aucune peine disciplinaire ni aucune autre sanction relativement à son emploi ou à la durée de son emploi dans la GRC. La Commission ne peut statuer sur les représailles mentionnées à cette disposition qui ne relèvent pas de sa compétence. Qui plus est, il ne m’appartient pas d’aviser le plaignant quant aux recours qui pourraient exister pour faire respecter cette disposition de la loi sur la GRC.

[39] Je suis d’accord avec le plaignant que rien dans la Loi ou dans la Loi sur la GRC n’empêche le dépôt par un membre de la GRC d’une plainte pour pratique déloyale. Là n’est pas la question. La question est plutôt de savoir si la pratique déloyale fait suite à l’exercice d’un droit prévu à la Loi. Par exemple, si un membre de la GRC subissait des mesures de représailles à la suite de son implication dans la Fédération de la police nationale, il serait parfaitement en droit de déposer une plainte sous la Loi.

[40] En réponse aux arguments du plaignant, j’ajouterai que pour l’instant, un fonctionnaire membre de la GRC ne peut déposer un grief qui pourrait éventuellement être renvoyé à l’arbitrage devant la Commission, car il n’y a pas de convention collective signée ou de décision arbitrale imposée. Un grief déposé sous la Loi sur la GRC ne peut en aucun cas être renvoyé à la Commission, car il ne porte pas sur l’application d’une convention collective ou d’une décision arbitrale. Le régime de griefs de la convention collective ou des décisions arbitrales et le régime interne de griefs de la GRC sont deux régimes totalement distincts qui existent en parallèle et qui ne se recoupent pas.

[41] La jurisprudence soumise par les parties porte surtout sur la question du respect des délais et du renversement du fardeau de la preuve. Ces décisions sont peu utiles pour trancher cette première objection si ce n’est pour le paragraphe 87 dans Gibbins. L’arbitre a alors rejeté une plainte au motif qu’elle ne concerne en rien l’exercice d’un droit qu’accorde la partie 1 ou la partie 2 de la Loi.

[42] Il n’y a pas lieu de traiter de la seconde objection de l’employeur, car j’ai déjà établi, en acceptant la première objection, que je n’ai pas compétence pour statuer sur la plainte.

[43] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[44] La plainte est rejetée.

Le 23 avril 2021.

Renaud Paquet,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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