Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant, qui était le président de la section locale du syndicat de l’Établissement de Matsqui du Service correctionnel du Canada, a déposé cinq plaintes pour pratique déloyale de travail découlant d’une enquête disciplinaire contre lui – il a allégué que les mesures prises par les défendeurs étaient abusives, qu’elles intervenaient dans la représentation des employés par le syndicat et qu’il s’agissait d’un stratagème visant à dissuader les membres du syndicat d’exercer leurs droits – le défendeur a soutenu que le plaignant n’avait pas établi une cause défendable de violation de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») – l’existence d’une cause défendable doit être établie préalablement à la compétence de la Commission d’instruire la plainte et, pour ce qui est des plaintes fondées sur le paragraphe 186(2) de la Loi, avant que puisse s’appliquer l’inversion du fardeau de la preuve prévue au paragraphe 191(3) de la Loi – en considérant les faits allégués par le plaignant comme exacts, la Commission a conclu qu’il y avait une cause soutenable – elle a conclu que les défendeurs n’avaient pas prouvé qu’il n’y avait eu aucun manquement – les éléments de preuve ont démontré que les allégations à l’origine de l’enquête sur le président de la section locale du syndicat avaient été inventées dans le but d’amorcer une enquête et de le retirer de l’établissement – cela l’a empêché d’exercer ses droits prévus par la Loi et de représenter des employés – les actions des défendeurs ne constituaient pas un exercice raisonnable des droits de l’employeur et ils se sont livrés à des pratiques déloyales de travail – la Commission a ordonné que les congés de maladie pris par le plaignant à cause de l’enquête et de son retrait de l’établissement lui soient remis, que l’employeur lui verse des dommages d’un montant de 2 500 $ et que cette décision soit affichée à l’établissement.

Plaintes accueillies.

Contenu de la décision

Date: 20210315

Dossiers: 561-02-570 à 574

 

Référence: 2021 CRTESPF 27

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

GAELEN JOE, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN), ET SECTION LOCALE DE MATSQUI, UCCO-sacc-csn

plaignants

 

et

 

Janelle Marshall, Shelley Boyer, Corinne Justason, Vince Leblanc, Mark Bussey et Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

 

défendeurs

Répertorié

Joe c. Marshall

Affaire concernant des plaintes fondées sur l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les plaignants : Corinne Blanchette, UCCO-SACC-CSN

Pour les défendeurs : Marc Séguin, avocat

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),

du 22 au 24 novembre 2016 et le 9 janvier 2017.

(Arguments écrits déposés le 12 juillet, le 20 août et le 6 septembre 2012,

les 16 et 29 octobre et le 11 décembre 2014, et

les 3, 25 et 31 mars 2015.)
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(Traduction de la CRTESPF)

I. Introduction

[1] Le 21 juin 2012, Gaelen Joe (le « président de la section locale du syndicat » ou le « plaignant »), a déposé cinq plaintes distinctes fondées sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « LRTFP »), telle qu’elle était intitulée à cette époque. Lorsqu’il les a présentées, il était agent correctionnel de niveau 2 et président élu de la section locale de l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN ou le « syndicat ») à l’Établissement de Matsqui (l’« établissement ») du Service correctionnel du Canada (SCC) à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Il n’aurait pas eu connaissance des événements qui ont donné lieu aux plaintes avant le 26 mars et le 21 avril 2012, ce que les défendeurs n’ont pas contesté.

[2] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la LRTFP avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[3] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

[4] Les plaintes découlent d’une enquête disciplinaire sur des allégations selon lesquelles le président de la section locale du syndicat a mené un effort concerté pour cibler et discréditer la gestionnaire correctionnelle intérimaire, Shelley Boyer. Il affirme que l’enquête a été déclenchée après que Mme Boyer et une autre gestionnaire correctionnelle intérimaire, Janelle Marshall, ont fourni des renseignements trompeurs. Il allègue que la sous-directrice d’établissement, Corinne Justason, et le directeur adjoint des opérations, Mark Bussey, ont ensuite plaidé auprès du directeur d’établissement, Vince LeBlanc, en faveur d’une enquête et du retrait et transfert du plaignant à un autre établissement alors qu’ils savaient que les allégations n’étaient pas fondées. Finalement, il affirme que le directeur d’établissement LeBlanc a approuvé le retrait du plaignant et l’enquête à son égard. Le plaignant affirme que, pendant cette enquête, il lui était interdit d’accéder aux secteurs de l’établissement où des agents correctionnels étaient affectés et qu’il n’avait plus accès au bureau du syndicat et au babillard. Cette interdiction l’a empêché de communiquer des renseignements aux membres du syndicat et de les représenter.

[5] L’enquête a permis de déterminer que le président de la section locale du syndicat n’avait pas ciblé activement Mme Boyer, et aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre lui. Cependant, le président de la section locale du syndicat allègue que les mesures prises par les défendeurs étaient abusives, qu’elles intervenaient dans la représentation des employés par le syndicat et qu’il s’agissait d’un stratagème visant à dissuader les membres du syndicat d’exercer leurs droits. Il affirme que ces mesures contrevenaient au sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi, car elles constituaient une entrave à la représentation des membres du syndicat, au sous-alinéa 186(2)a)(iv) et à l’alinéa 186(2)b), en restreignant l’accès du plaignant à l’Établissement Matsqui, et à l’alinéa 186(2)c), en le décourageant de trouver une solution aux problèmes de harcèlement signalés par ses membres à l’égard de Mme Boyer.

[6] Le Conseil du Trésor, en tant qu’employeur et représentant des défendeurs relativement aux plaintes en question, soutient que les employés ont le droit de soulever des préoccupations et que si l’employeur juge que ces préoccupations sont fondées, il doit alors, par souci de diligence raisonnable et d’équité, enquêter sur ces préoccupations. Le fait de soulever des préoccupations et d’ouvrir une enquête ne constitue pas une pratique déloyale de travail. Pas plus que les mesures appliquées avant ou pendant l’enquête n’étaient motivées par un sentiment antisyndical ou n’empêchaient le plaignant de mener ses activités syndicales.

[7] Pour les raisons qui suivent, je conclus que les défendeurs se sont livrés à des pratiques de travail déloyales et qu’ils ont contrevenu au paragraphe 186(2) de la Loi. Les éléments de preuve ont démontré que les allégations à l’origine de l’enquête sur le président de la section locale du syndicat ont été inventées dans le but d’amorcer une enquête et de le retirer de l’établissement, ce qui l’a empêché d’exercer ses droits légitimes prévus par la Loi et, surtout, de représenter des employés.

II. Résumé de la preuve

[8] Le président de la section locale du syndicat a témoigné que dans le cadre de ses fonctions, il est le principal agent de liaison entre les employés et la direction. Il rencontre des employés syndiqués et la direction au bureau régional pour toutes les affaires de relations de travail en cours. Avant son retrait et l’enquête à son égard, il avait pleinement accès à l’établissement et à ses installations et pouvait rencontrer des employés en personne ou par téléphone. Avant l’enquête, il n’a jamais eu à demander la permission d’entrer dans l’établissement et il n’a jamais eu à dire pourquoi il allait dans un secteur précis. Il n’a jamais eu à fournir à la direction le nom des employés qu’il devait rencontrer.

[9] Il se souvient que, le 26 décembre 2011, un employé a communiqué avec lui pour discuter d’une plainte contre Mme Boyer. L’employé a soutenu que Mme Boyer a refusé de suivre la pratique de longue date de laisser les employés rentrer à la maison tôt les jours fériés. L’employé a affirmé qu’il a été retenu au travail jusqu’à 19 h 45. Cependant, Mme Boyer a laissé Mme Marshall rentrer chez elle plus tôt. L’employé se sentait ciblé, en tant que membre d’une minorité visible, et estimait que Mme Boyer avait offert un traitement préférentiel à son amie. Il a également allégué que Mme Boyer avait accordé un traitement spécial à Mme Marshall dans sa répartition des heures supplémentaires. L’employé voulait que le président de la section locale du syndicat en discute avec la direction. D’autres employés se sont plaints qu’ils se sentaient ciblés en raison de leur origine ethnique et que la conduite de Mme Boyer était raciste. Certains se sont plaints qu’elle les a harcelés, a crié contre eux et les a rabaissés.

[10] Mme Justason était sous-directrice d’établissement intérimaire en affectation à l’établissement de janvier à mars 2012. Le 5 janvier 2012, le président de la section locale du syndicat et la coordonnatrice des griefs de la section locale ont rencontré M. Bussey et Mme Justason pour discuter de ces affaires. Le président de la section locale du syndicat a rappelé que Mme Justason a déclaré qu’elle avait besoin des dates et des heures qui appuyaient les allégations. Elle a déclaré avoir cru comprendre que les principales préoccupations du président de la section locale du syndicat étaient que Mme Boyer a fait preuve de favoritisme envers ses amis et qu’elle prenait des décisions racistes. Mme Justason a déclaré que si ces allégations recelaient la moindre parcelle de vérité, alors il fallait que cela cesse. Elle a demandé au président de la section locale du syndicat de lui fournir des informations pour répondre aux questions suivantes : qui, quoi, quand et où. Il a porté les allégations à son attention en tant que conclusions de ses démarches. Elle a témoigné qu’elles étaient incendiaires et qu’elles méritaient toute son attention. En contre-interrogatoire, elle a convenu que le président de la section locale du syndicat avait tenté de régler la question de façon informelle.

[11] Le président de la section locale du syndicat a également rappelé avoir informé Mme Justason et M. Bussey de sa plainte personnelle contre Mme Boyer. Une personne lui avait rapporté que Mme Boyer avait dit qu’elle voulait se débarrasser de lui en tant que président de la section locale du syndicat. En contre-interrogatoire, il a précisé qu’il avait voulu s’assurer que l’allégation était fondée avant de présenter une plainte officielle contre elle.

[12] Lors de la réunion, Mme Justason l’a mis en garde au sujet de la sollicitation de renseignements contre Mme Boyer, puisque cette pratique pourrait être perçue comme du harcèlement. Elle a témoigné qu’à son avis, il y avait une différence entre recevoir et demander des renseignements. Mme Justason a déclaré : [traduction] « Une personne a le droit de faire face à son accusateur. » Elle craignait que le président de la section locale du syndicat sollicite des plaintes contre Mme Boyer. Il a déclaré : [traduction] « Si vous avez besoin de plus de renseignements, dites-le-moi, et je vous en donnerai plus. » Elle se souvient lui avoir dit que si quelqu’un se comportait de cette façon, elle traiterait cette personne en conséquence. La déclaration du plaignant lui donnait l’impression qu’il cherchait à en savoir plus sur ce qui se passait dans le lieu de travail.

[13] Mme Justason croit fermement que le président de la section locale du syndicat demandait aux employés s’ils avaient entendu Mme Boyer prendre des décisions ou faire des remarques racistes. Elle craignait que cette conduite puisse créer des rumeurs, ce qui créerait une impression que Mme Boyer était en fait raciste. Sa réputation ne pourrait plus être rétablie. Quand elle l’a averti, le président de la section locale du syndicat a répondu : [traduction] « Inscrivez-moi ou ajoutez-moi à la liste », ou quelque chose du genre. Il lui a remis des documents signés par les agents qui souhaitaient déposer une plainte. Elle l’a informé qu’elle ferait enquête, qu’elle communiquerait avec Mme Boyer pour obtenir une perspective équilibrée des préoccupations des employés et que, si un examen plus approfondi était nécessaire, elle partirait de ce point-là.

[14] Le président de la section locale du syndicat a répondu qu’il avait compris son avertissement. Il a témoigné qu’il tentait simplement de recueillir des renseignements afin de fournir les détails à Mme Justason, comme elle l’avait demandé. En ce qui concerne sa plainte personnelle contre Mme Boyer, il voulait que Mme Justason enquête et y donne suite. En outre, les membres de l’unité de négociation faisaient pression sur lui pour qu’il règle leurs plaintes contre Mme Boyer. Il a fait un suivi avec Mme Justason le 9 janvier 2012, mais elle n’avait pas encore eu l’occasion de faire enquête.

[15] En contre-interrogatoire, le président de la section locale du syndicat a convenu qu’il était inapproprié de solliciter des plaintes contre un collègue. Cependant, après sa rencontre avec Mme Justason et M. Bussey le 5 janvier 2012, il n’a pas sollicité de plaintes. Il est simplement allé voir les employés pour voir comment se passaient les choses. Mais il n’a jamais ciblé personne en particulier. Les employés venaient le voir pour lui communiquer leurs plaintes.

[16] Lors d’un contre-interrogatoire supplémentaire, l’avocat des défendeurs a déclaré que Mme Justason témoignerait que, en fonction des renseignements dont elle disposait, il était clair que le président de la section locale du syndicat sollicitait des renseignements contre Mme Boyer. Il n’était pas d’accord. Il a déclaré qu’il avait dit aux membres de laisser le temps arranger les choses. Il n’a pas téléphoné aux agents Jason Palmer et Justin Ott, comme l’a allégué Mme Marshall dans un rapport d’observation qui sera abordé plus tard dans la présente décision. Il n’a pas sollicité de renseignements auprès d’eux ou ne les a pas encouragés à porter plainte.

[17] Le 8 janvier 2012, Mme Justason a rencontré Mme Boyer et M. Bussey pour la première fois. Mme Justason était consciente qu’il s’agissait d’une première réunion embarrassante pour Mme Boyer, qui était gestionnaire correctionnelle intérimaire. Elle voulait entendre la version de Mme Boyer. Mme Boyer a fourni une explication raisonnable de sa décision de ne pas suivre la pratique consistant à laisser les employés rentrer tôt à la maison. Mme Boyer a expliqué qu’une agente correctionnelle s’est présentée à son bureau dans un état très émotif. Elle a dit qu’elle avait perdu la notion du temps, qu’elle avait trouvé cela malheureux pour les autres employés, mais qu’elle avait choisi de prioriser l’agente correctionnelle bouleversée. Les agents concernés n’étaient pas au courant des motifs de la décision de Mme Boyer.

[18] En ce qui concerne l’établissement des horaires des agents correctionnels, Mme Boyer a nié avoir fait preuve de favoritisme. Elle a nié avoir crié contre les agents qui relèvent d’elle et elle a nié avoir frappé avec sa main sur un bureau. Elle avait demandé aux agents en cause d’assurer la relève d’autres agents. Ils ne le voulaient pas, alors Mme Boyer les a informés que c’était une priorité. Elle a nié les avoir critiqués, même lorsqu’ils ont d’abord refusé d’exécuter ses instructions. Mme Justason a trouvé son explication crédible. Elle a ensuite demandé des renseignements aux autres agents présents ce jour-là. Ils ont corroboré ce que Mme Boyer avait dit. Ils ont déclaré qu’elle n’avait pas crié et qu’elle n’était pas devenue agressive physiquement. Cependant, un agent correctionnel a déclaré que Mme Boyer avait un ton. En contre-interrogatoire, Mme Justason a déclaré qu’elle ne se souvenait pas d’avoir mis Mme Boyer en garde à propos de quoi que ce soit.

[19] Dans sa chronologie des événements, Mme Justason a fait mention que Mme Boyer l’a informée qu’un agent correctionnel l’avait approchée et avait exprimé des préoccupations, car il était pris entre deux feux et il se sentait mal à l’aise. Mme Boyer a indiqué qu’une personne avait approché l’agent et que ce dernier avait reçu des conseils sur ce qu’il devait dire concernant ce qui s’était passé entre elle et les agents qui se plaignaient d’elle. L’agent n’a pas été nommé dans sa chronologie des événements. Rien n’indiquait qu’elle a tenté de découvrir de qui il s’agissait.

[20] Mme Justason a renvoyé à sa chronologie des événements, selon laquelle elle a rencontré le président et le vice-président de la section locale du syndicat à leur demande le 8 janvier 2012. Le président de la section locale du syndicat voulait une mise à jour sur l’état des plaintes. Elle leur a rappelé que seulement quelques jours s’étaient écoulés et qu’elle devait prendre une décision éclairée avant de discuter davantage de l’affaire avec eux. Elle s’est engagée à donner des nouvelles au président de la section locale du syndicat au plus tard à la fin de cette semaine-là.

[21] Le président de la section locale du syndicat a soulevé d’autres préoccupations. Mme Justason n’a pas donné de précisions à leur égard dans sa chronologie des évènements ou à l’audience. Selon la chronologie des évènements, elle a informé le président de la section locale du syndicat qu’elle n’avait aucune intention de prendre part à une chasse aux sorcières et qu’elle enquêterait sur les allégations, mais qu’elle n’effectuerait pas une véritable enquête. Il a invité Mme Justason à parler avec l’agent qui a été témoin de l’incident entre Mme Boyer et l’agent qui s’est plaint.

[22] Mme Justason a témoigné que, le 11 janvier 2012, Mme Boyer est venue la voir parce qu’elle était préoccupée par une tentative organisée de la cibler et de la faire démettre de ses fonctions. Certains agents avaient exprimé leur colère et leur outrage à Mme Boyer. Ils espéraient que la direction interviendrait pour que ce comportement cesse. Mme Boyer était contrariée par l’évolution de la situation; elle avait aussi l’impression que différents camps se formaient. Mme Justason a indiqué qu’elle avait consulté le conseiller régional sur la gestion des conflits pour obtenir de l’aide.

[23] Mme Justason s’est souvenue que, le 12 janvier 2012, Mme Boyer avait demandé une réunion avec elle et M. Bussey, ainsi que les autres gestionnaires correctionnels en service ce jour-là. Elle a fourni à Mme Justason un rapport d’observation rempli par Mme Marshall. Il indiquait que le président de la section locale du syndicat avait téléphoné aux agents correctionnels, M. Ott et M. Palmer, pendant leur quart de travail, pour recueillir des plaintes supplémentaires contre Mme Boyer. Les gestionnaires correctionnels considéraient que, par ses agissements, le président de la section locale du syndicat harcelait Mme Boyer. Mme Boyer était visiblement contrariée. Elle a déclaré qu’elle continuait d’éprouver des difficultés à composer avec la situation et que les agents correctionnels qui relevaient d’elle choisissaient leur camp. Elle a indiqué qu’elle estimait être harcelée par le président de la section locale du syndicat.

[24] En contre-interrogatoire, Mme Justason a déclaré qu’elle n’avait pas trouvé inhabituel que le rapport d’observation n’ait pas été signé. Elle a déclaré que c’était peut-être contraire à la politique, mais que, selon elle, il n’y avait rien d’inhabituel. D’après Mme Justason, Mme Marshall ne devait pas signer le rapport puisqu’il n’y avait aucun incident de sécurité. Mme Marshall aurait pu écrire toute observation qu’elle souhaitait. Mme Justason n’avait aucune raison de ne pas croire Mme Marshall. Elle n’a pas jugé nécessaire de confirmer ou de rejeter le rapport d’observation en vérifiant le registre d’appels du système téléphonique Genesis. Selon elle, rien ne l’obligeait à demander à l’enquêteur de vérifier le registre d’appels.

[25] Le président de la section locale du syndicat a appelé M. Ott à témoigner. Au moment des événements en cause, M. Ott était délégué syndical auprès de la section locale du syndicat. Il a témoigné avoir examiné le rapport d’observation avant son témoignage. Sa conversation avec le président de la section locale du syndicat portait sur l’ordre du jour qu’il devait aborder avec Mme Justason. Il se souvenait de l’incident. Il était question d’une plainte contre la gestionnaire correctionnelle Boyer déposée par des Indo-Canadiens. M. Ott a expliqué qu’il n’avait aucun intérêt à ce que Mme Boyer soit retiré de l’établissement. Il n’avait aucun problème avec elle. M. Ott explique que M. Leblanc lui a demandé de recueillir des renseignements sur les allégations qui avaient été faites contre Mme Boyer parce que M. Leblanc voulait s’en occuper. En tant que délégué syndical. M. Ott était au courant de ces problèmes.

[26] M. Ott explique que, le jour en question, Mme Marshall a tenté de lui soutirer des renseignements. Elle était amicale avec lui et a essayé d’obtenir des renseignements pour Mme Boyer, mais il ne lui a rien dit. Selon M. Ott, en retirant le président de la section locale de l’établissement, la directrice tentait d’envoyer un message au syndicat. Il estimait que la directrice tentait de démanteler le syndicat. Il craignait qu’on lui impose des mesures disciplinaires pour avoir exercé des fonctions syndicales. M. Ott estimait que le président de la section locale du syndicat était puni et attaqué pour avoir fait son travail. Le 5 janvier 2012, le document « Rapport : listes de présence » pour l’établissement, à la page 10, indique qu’il était affecté au poste 110A – unité de surveillance numéro un. Il n’était pas avec Mme Marshall ou M. Palmer. Le document indique que Mme Marshall était affectée au poste 210A, surveillance de l’unité trois, et que M. Palmer était affecté au poste 210B, unité de surveillance numéro trois. M. Palmer était en congé ce jour-là en raison de la maladie d’un membre de sa famille. Les défendeurs n’ont pas contre-interrogé M. Ott.

[27] M. Palmer, un agent correctionnel, a été appelé à témoigner pour le président de la section locale du syndicat. Il n’a pas vu le rapport d’observation préparé par Mme Marshall. Il se souvient qu’à un moment donné, quelqu’un lui a demandé s’il se souvenait avoir reçu un appel téléphonique du président de la section locale du syndicat pour obtenir des renseignements contre Mme Boyer. Il a déclaré n’avoir reçu aucun appel de celui-ci à ce sujet. Il s’est souvenu de l’enquête sur le président de la section locale du syndicat. Il a confirmé que sa déclaration reflétait fidèlement son témoignage. En contre-interrogatoire, M. Palmer a affirmé sans ambages n’avoir jamais reçu d’appel téléphonique correspondant à celui décrit dans le rapport de Mme Marshall.

[28] En contre-preuve, le président de la section locale du syndicat a témoigné qu’il n’avait pas téléphoné à l’établissement le 5 janvier 2012. Il n’avait aucune raison d’appeler M. Palmer parce qu’ils s’étaient rencontrés cet après-midi-là. Il a obtenu ses relevés de téléphone. Il n’y avait ni indication ni élément de preuve confirmant qu’il avait téléphoné à qui que ce soit pendant cette période. Il était sorti avec un ami ce soir-là. Il a fourni ses registres d’appels à M. Bussey, M. Leblanc et au sous-commissaire. Ils n’étaient pas intéressés par ses relevés de téléphone. Il les a fournis après l’enquête. M. Leblanc a dit au président de la section locale du syndicat qu’il avait été exonéré par l’enquête, donc que les registres téléphoniques n’étaient pas nécessaires. Le président de la section locale du syndicat avait eu l’impression d’avoir fait tout cela pour rien et d’avoir été ciblé par l’enquête.

[29] En contre-interrogatoire, on a fait observer au président de la section locale du syndicat qu’il aurait pu utiliser le téléphone de son ami ou le téléphone de son domicile pour faire l’appel. Il a répondu fermement que son téléphone cellulaire était son téléphone principal et qu’il n’a pas téléphoné à l’établissement ce soir-là.

[30] Mme Marshall a témoigné qu’elle avait rédigé le rapport d’observation. Son quart de travail était de 7 h à 16 h. Mme Boyer lui a demandé d’entrer dans son bureau. Elle a demandé si Mme Marshall était au courant de sa rencontre avec la direction au sujet des plaintes qui ont été déposées contre elle. Mme Marshall lui a parlé des appels téléphoniques qu’elle avait entendus entre le président de la section locale du président et les agents Palmer et Ott. Mme Boyer lui a demandé si elle pouvait écrire sur ce qu’elle avait observé avant la rotation des postes.

[31] Mme Marshall a déclaré qu’elle travaillait au troisième étage de l’unité résidentielle. Elle a entendu des conversations qui ont commencé par deux appels téléphoniques au bureau où elle était assise. Elle a témoigné qu’elle ne se souvenait pas de tous les détails de cette nuit-là, mais qu’elle se souvenait de l’essentiel. Elle se souvenait que M. Palmer et M. Ott ont eu des conversations au sujet de personnes qui se plaignaient de Mme Boyer et de la nécessité de trouver suffisamment de personnes pour se plaindre à son sujet. Les deux fois, elle a répondu au téléphone. M. Palmer a discuté de la conversation avec elle et a déclaré qu’elle provenait du président de la section locale du président. Elle a déclaré qu’il était possible que les événements aient eu lieu le 6 janvier et non le 5 janvier 2012. Elle a rédigé le rapport d’observation une semaine plus tard seulement en raison de sa conversation avec Mme Boyer, qui lui a demandé de le préparer. Le milieu de travail à l’époque était toxique. Il y avait beaucoup de conflits entre le syndicat et la direction. Elle n’était pas surprise que le syndicat recueille des renseignements sur Mme Boyer et qu’il cherche à prouver qu’elle n’était pas une gestionnaire compétente.

[32] Mme Marshall a déclaré que Mme Boyer ne voulait pas qu’elle signe le rapport d’observation parce qu’il portait sur elle. Mme Marshall a apporté le rapport d’observation à Mme Justason et l’a laissé à son adjointe administrative, mais elle a oublié de le signer. Mme Marshall se souvient d’avoir été interrogée. Elle a confirmé que sa déclaration dans le rapport d’enquête était exacte. Elle se souvenait que M. Palmer ou M. Ott a utilité le mot [traduction] « munitions ». Elle n’a parlé à personne d’autre de son rapport.

[33] Mme Marshall a expliqué que M. Leblanc lui a parlé au sujet de son rapport d’observation quelque temps après qu’elle l’a rédigé, mais avant l’enquête. Il l’a approchée pour en discuter parce que le président de la section locale du syndicat a déclaré que ces appels n’avaient pas eu lieu. M. Leblanc voulait obtenir le registre du système téléphonique de l’établissement. Elle lui a donné l’information qu’il cherchait. Il est retourné la voir une deuxième fois et il lui a dit que le registre du système téléphonique ne fonctionnait pas depuis plusieurs mois, sans que personne ne l’ait su. Il lui a dit que le président de la section locale du syndicat soutenait qu’il n’avait pas appelé l’établissement depuis son téléphone portable. M. Leblanc envisageait d’embaucher un expert pour rétablir le registre des appels et voir tous les appels entrants. Les réparations auraient coûté plus de 10 000 $. Il ne pouvait pas justifier ces réparations parce que le coût était trop élevé.

[34] En contre-interrogatoire, Mme Marshall a confirmé que son superviseur immédiat ne voulait pas transmettre le rapport d’observation à M. Bussey parce que Mme Boyer lui avait demandé de le remettre à Mme Justason. Elle n’a pas laissé de copie à Mme Boyer. Elle ne pouvait pas expliquer l’écart entre son témoignage et celui de Mme Boyer, mais c’est elle qui a remis le rapport d’observation à Mme Justason.

[35] En contre-interrogatoire, Mme Marshall a déclaré qu’elle n’était pas amie avec M. Ott ou M. Palmer et que tous les membres de l’établissement parlaient des plaintes contre Mme Boyer. Elle a confirmé que, pendant toute la période de janvier 2012, elle occupait un poste à titre intérimaire pour une période de quatre mois moins un jour.

[36] Mme Justason a expliqué que c’était une période étrange pour elle à l’établissement. Elle était là depuis seulement quelques jours quand tout a commencé. Elle a déclaré que les employés de l’établissement étaient suspicieux. Elle était complètement inconnue là-bas. Elle a reçu des courriels et des lettres non sollicités dans des enveloppes. Dans le contexte d’allégations sérieuses de racisme et de favoritisme à l’encontre d’une gestionnaire correctionnelle, les renseignements qui lui ont été fournis indiquaient que l’établissement était en pagaille. Des camps se formaient. Les employés choisissaient leur camp. Elle a pris toutes ces choses au sérieux.

[37] Rachel Robinson, une agente correctionnelle à l’établissement, a été appelée à témoigner au nom du président de la section locale du syndicat. À la date de l’audience, elle travaillait pour le SCC depuis plus de 14 ans. Elle a témoigné que Mme Boyer lui avait demandé de rédiger une lettre en sa faveur. Elle a déclaré que, le 12 janvier 2012, Mme Boyer l’avait retirée de son poste et l’avait envoyée dans la salle de pause pour rédiger la lettre.

[38] Mme Robinson a témoigné que Mme Boyer lui avait dit de corriger certaines choses dans sa lettre. Compte tenu de ce qui se passait à l’époque à l’établissement entre la direction et le personnel et entre les membres du personnel, Mme Robinson estimait qu’une lettre était justifiée. Le dernier paragraphe de la lettre n’est pas le sien. Mme Boyer lui a dit d’écrire que, selon elle, c’était [traduction] « […] complètement injuste et que les allégations formulées contre [Mme] Boyer, à son avis, n’ont aucun fondement, mis à part le simple fait que certaines personnes n’aiment pas qu’on leur demande de faire leur travail ou qu’on s’attende à ce qu’ils le fassent ».

[39] Mme Robinson a témoigné que Mme Boyer lui avait dit que le président de la section locale du syndicat essayait de solliciter des plaintes contre elle. Mme Robinson n’était pas d’accord avec cette déclaration. Le président de la section locale du syndicat a toujours été professionnel et n’a jamais sollicité de renseignements contre qui que ce soit. Il est venu la voir en tant que représentant syndical et lui a demandé si tout allait bien.

[40] Mme Robinson a témoigné qu’elle était en colère contre le fait que sa lettre ait été utilisée contre le président de la section locale du syndicat pour justifier une enquête. Elle était irritée par le fait que ses mots aient été utilisés contre quelqu’un à son insu et contre ses intentions. Une fois qu’elle a imprimé la lettre et qu’elle est retournée à l’ordinateur, la lettre avait été supprimée du bureau de l’ordinateur. Elle l’a remise à Mme Boyer, qui l’a prise et a dit : [traduction] « Merci. Cela fera l’affaire », ou quelque chose du genre.

[41] En contre-interrogatoire, Mme Robinson a confirmé que le premier paragraphe de sa lettre était exact. Il y avait de la discorde à l’établissement, et elle ne voulait pas s’en mêler. Le deuxième paragraphe aussi était exact. Les problèmes entre la direction et le personnel et entre les membres du personnel causaient beaucoup de stress. Elle ne voulait pas écrire le troisième paragraphe. Elle voulait s’arrêter au deuxième paragraphe. Mme Robinson a déclaré que Mme Boyer voulait qu’elle ajoute le troisième paragraphe. Mme Boyer a déclaré qu’elle voulait [traduction] « attraper » le personnel travaillant dans l’unité d’isolement. Mme Robinson a déclaré qu’elle était complètement en désaccord avec la dernière phrase du paragraphe trois. Elle se sentait menacée par Mme Boyer, qui regardait par-dessus son épaule et qui lui a dit d’écrire : [traduction] « J’ai l’impression que c’est tout à fait injuste et que les allégations formulées contre la GC Boyer, à mon avis, n’ont aucun fondement, sauf le simple fait que certaines personnes n’aiment pas qu’on leur demande de faire leur travail ou qu’on attende d’elles qu’elles le fassent. » Elle se sentait mal à l’aise avec la situation et elle avait l’impression qu’elle ne pouvait pas compter sur son supérieur. C’était un environnement hostile. Elle ne pouvait pas présenter ces préoccupations à la direction.

[42] Les défendeurs ont appelé Mme Boyer à témoigner. Elle a nié avoir demandé à Mme Robinson d’ajouter cette phrase à la lettre. Elle a déclaré que les paragraphes un et deux sont des déclarations véridiques. Elle n’était pas d’accord avec le paragraphe trois. Elle n’était pas présente lorsque Mme Robinson a rédigé la lettre et ne lui a pas dit quoi écrire. Elle ne se souvenait pas avoir reçu une lettre de Mme Robinson et elle n’a pas demandé de renseignements de Mme Robinson ou d’autres membres du syndicat. Il se passait tellement de choses à l’époque qu’elle ne se souvient pas avoir reçu une lettre. Jusqu’à ce qu’elle reçoive les renseignements de l’enquête, elle n’avait jamais vu cette lettre.

[43] En contre-interrogatoire, Mme Boyer a déclaré qu’elle n’était pas présente lorsque Mme Robinson a rédigé la lettre et qu’elle ne lui avait pas dit de l’écrire. Elle a déclaré que, si Mme Robinson lui avait donné une lettre, elle l’aurait donnée à Mme Justason.

[44] En contre-interrogatoire, Mme Robinson a déclaré qu’elle était d’accord avec les conclusions de l’enquête sur le président de la section locale du syndicat. Il n’avait rien fait de mal. Il lui a seulement demandé si elle avait des problèmes; il n’a jamais mentionné de noms. Mme Robinson n’a pas parlé des problèmes que lui posait l’enquête. Elle ne pouvait pas parce qu’elle ne se sentait pas en sécurité. Elle devait faire attention à ce qu’elle disait en raison de son sentiment d’insécurité. Elle sentait qu’elle devait toujours être sur ses gardes. Elle ne pouvait pas faire part de problèmes compte tenu de sa déclaration pendant l’enquête.

[45] En réinterrogatoire, on a demandé à Mme Robinson pourquoi elle ne pouvait pas faire part de ses problèmes à M. Bussey. Mme Robinson a déclaré qu’il y avait à l’époque un climat propice à l’intimidation et au favoritisme dans l’établissement. Si elle était allée voir M. Bussey, elle aurait couru à sa perte. Elle ne lui faisait pas confiance. Elle savait d’expérience comment M. Bussey et ses gestionnaires correctionnels se comportaient et elle estimait qu’elle ne pouvait pas faire part de ses préoccupations en toute sûreté.

[46] M. Bussey a été appelé à témoigner en son nom et en celui des défendeurs. En réponse au témoignage de Mme Robinson, il a témoigné qu’il prend chaque plainte au pied de la lettre et qu’il explique clairement qu’il procédera à une enquête à la suite d’une plainte. Il cherche à établir les faits et, selon lui, c’est pour cette raison que Mme Robinson n’a pas été le voir, c’est-à-dire sa façon de régler les situations. Il n’a jamais vu la lettre que Mme Robinson a écrite à l’appui de Mme Boyer. M. Bussey a déclaré que, selon lui, il avait fait tout son possible pour protéger Mme Boyer et qu’il ne savait pas pourquoi il y avait une telle perception.

[47] En contre-interrogatoire, M. Bussey a déclaré que son style de gestion n’est pas de dire aux employés s’il a imposé des mesures disciplinaires à un gestionnaire correctionnel; il ne leur communique pas ce renseignement. Il comprend que la perception est qu’il protégerait Mme Boyer sans faire d’enquête, mais ce n’est pas le cas. La plupart des employés étaient à l’aise pour aller lui parler au sujet d’un gestionnaire correctionnel sous ses ordres. Si, au départ, ils ont eu l’impression qu’il la protégeait et que c’est la raison pour laquelle ils ne venaient pas le voir, il ne peut rien faire à ce sujet.

[48] En contre-interrogatoire, Mme Justason a indiqué qu’elle ne savait pas que Mme Robinson se sentait menacée et forcée d’écrire la lettre en faveur de Mme Boyer. Elle l’ignorait. Mme Robinson aurait dû communiquer avec la direction à ce moment-là, ce qui aurait pu changer la recommandation de Mme Justason. Mme Justason ne pouvait pas être certaine de l’issue, parce que ça n’est pas arrivé.

[49] Lors d’un contre-interrogatoire supplémentaire, Mme Justason a déclaré qu’elle ne croyait pas au témoignage de Mme Robinson. Lorsque la situation s’est produite, Mme Robinson n’est pas allée voir le syndicat ou la direction. Elle ne l’a pas mentionné dans l’enquête. Mme Justason a déclaré qu’elle était sceptique à l’égard du témoignage de Mme Robinson et que quatre ans après les faits, elle s’est rétractée. Elle admet que cette réaction aurait pu être causée par des problèmes de confiance. Elle ne pouvait pas savoir que Mme Justason se sentait effrayée ou menacée.

[50] Le président de la section locale du syndicat a appelé Beverley Scorey à témoigner. Elle est agente correctionnelle à l’établissement. Le 12 janvier 2012, Mme Scorey a envoyé un courriel à Mme Justason pour l’informer qu’elle avait récemment entendu certains agents affirmer qu’ils avaient été approchés pour participer à une plainte de harcèlement contre Mme Boyer. Elle a indiqué que ceux qui lui en ont parlé n’y participeraient pas, mais qu’un agent, membre d’une minorité visible, souhaitait venir à la défense de Mme Boyer. Cependant, il n’était pas en mesure de la faire, car il craignait de subir des représailles. Elle a expliqué qu’elle ne savait pas que son courriel servirait à justifier une enquête sur le président de la section locale du syndicat et son retrait de l’établissement.

[51] Mme Scorey a témoigné que lorsqu’elle a participé à l’enquête, elle était très confuse en quittant la réunion avec l’enquêteur puisque ce dernier l’avait interrogée au sujet du président de la section locale du syndicat. Dans son esprit, il n’était pas concerné. Elle n’a jamais fait de lien entre la situation décrite dans son courriel et le président. Elle se sentait en colère que son courriel ait été utilisé à cette fin. À son avis, le président de la section locale du syndicat est sympathique et travaillant. C’est un politicien né. Elle a toujours eu l’impression qu’elle pouvait aller le voir pour n’importe quoi, même ses jours de congé. Elle a affirmé qu’il était un homme bon. Il ne lui a jamais demandé de porter plainte contre Mme Boyer.

[52] En contre-interrogatoire, Mme Scorey a maintenu ce qu’elle affirmait dans la lettre et a indiqué que c’est bel et bien elle qui l’avait écrite, puisque son nom figurait sur la lettre. Mme Boyer était une gestionnaire correctionnelle forte et stricte. Mme Scorey dit que certains agents correctionnels n’avaient aucun problème à travailler dans cet environnement. Par contre, certains agents correctionnels ont dit des choses à propos de Mme Boyer avec lesquelles Mme Scorey n’était pas d’accord.

[53] Mme Susan Koch-Chey, agente correctionnelle à l’établissement, a témoigné pour le compte du président de la section locale du syndicat. Le 14 janvier 2012, à la demande de Mme Boyer, elle a envoyé un courriel à Mme Justason. Elle ne savait pas que son courriel servirait à justifier une enquête sur le président de la section locale du syndicat et son retrait. Elle a simplement fait part de son expérience et de son interaction avec Mme Boyer. Elle n’avait pas l’intention de porter plainte contre le président de la section locale du syndicat. Elle était horrifiée que son courriel ait été utilisé à cette fin. En réponse, Mme Justason l’a remerciée d’avoir fait part de son interaction positive avec Mme Boyer. Elle ne se souvenait pas avoir participé à une enquête. Elle n’a jamais rencontré personne.

[54] En contre-interrogatoire, Mme Koch-Chey a déclaré qu’elle n’avait jamais été interrogée par l’enquêteur. Elle ne l’a jamais rencontré. Elle a envoyé un courriel à Mme Justason parce qu’elle ne pensait pas que les commentaires négatifs qu’elle entendait au sujet de Mme Boyer étaient vrais.

[55] Mme Boyer a expliqué que sa relation avec le président de la section locale du syndicat était tendue. En 2009, elle s’est présentée contre lui pour le poste de président de la section locale du syndicat. Selon elle, il n’avait pas aimé ça et il ne lui a jamais pardonné de l’avoir fait. Mme Boyer a déclaré qu’il y avait de nombreuses rumeurs la concernant. De nombreuses plaintes avaient aussi été déposées contre elle; elle ne comprenait pas pourquoi tant de plaintes avaient été déposées. Elle se souvient d’un incident où elle a ordonné à deux gestionnaires correctionnels de prendre la relève de deux autres agents. Elle s’est rendue à l’endroit où ils travaillaient pour voir ce qu’ils faisaient. Elle a appuyé sa main sur un panneau de la porte coupée et leur a demandé pourquoi ils ne suivaient pas sa directive. Un des agents naviguait sur Internet. Plus tard dans la journée, elle a veillé à ce qu’il perde son accès à Internet. Elle a expliqué que son style était ferme, mais juste. Elle s’attend à ce que les agents correctionnels fassent leur travail; s’ils ne le font pas, elle ne le laisse pas passer. Elle a témoigné au sujet d’autres types de plaintes déposées à son encontre par le personnel et qui, en fin de compte, ont été jugées non fondées. L’une d’elles était la plainte selon laquelle elle n’avait pas laissé les agents partir plus tôt le lendemain de Noël.

[56] Mme Boyer a reconnu le courriel envoyé par l’agente correctionnelle Doris Cloutier à Mme Justason le 14 janvier 2012. Il s’agissait d’un courriel d’appui, envers elle et son style de gestion. Elle a nié avoir demandé à Mme Scorey et à Mme Koch-Chey d’envoyer des courriels en sa faveur à Mme Justason. En contre‑interrogatoire, Mme Boyer a témoigné qu’elle ne se souvenait pas de la première fois qu’elle a vu ce courriel.

[57] En contre-interrogatoire, Mme Boyer a admis qu’elle avait demandé à Mme Marshall de préparer le rapport d’observation, mais elle a déclaré qu’elle ne lui avait pas demandé de le remettre à Mme Justason. Elle ne se souvenait pas avoir pris le rapport. Lorsqu’elle a examiné la chronologie des événements préparée par Mme Justason, Mme Boyer a convenu que si elle avait reçu le rapport d’observation, elle devait l’avoir remis à Mme Justason.

[58] En contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Boyer s’il était exact de dire qu’elle n’avait rien à voir avec le rapport d’observation, la lettre de Mme Robinson, la lettre de Mme Scorey, le courriel de Mme Cloutier et le courriel de Mme Koch-Chey. Mme Boyer a répondu qu’il n’y avait pas de secrets et que tout le monde parlait des réunions qui avaient lieu avec Mme Justason. Tous les documents ont été envoyés à Mme Justason. La seule discussion qu’elle a eue avec Mme Justason portait sur le rapport d’observation. Auparavant, elles avaient discuté des plaintes déposées par des agents concernant le lendemain de Noël.

[59] Mme Justason a déclaré qu’à la demande du président de la section locale du syndicat, elle s’est entretenue avec les agents qui se sont initialement plaints de Mme Boyer et avec l’agent qui a assisté aux événements. Elle leur a demandé pourquoi ils n’ont pas suivi les directives de Mme Boyer. Les agents ne pouvaient pas l’expliquer. L’un d’entre eux naviguait sur Internet. Mme Justason a conclu que les directives de Mme Boyer étaient légitimes et raisonnables. Elle a conclu que les allégations selon lesquelles Mme Boyer avait eu un comportement belliqueux et agressif n’avaient pas été confirmées par l’agent indépendant qui était présent.

[60] Le 13 janvier 2012, le président de la section locale du syndicat a reçu un appel de Mme Justason. Elle l’a informé que les allégations n’étaient pas appuyées par les éléments de preuve. Elle a expliqué qu’elle a fait le suivi auprès des agents qui ont porté plainte contre Mme Boyer. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas de problèmes avec la façon dont Mme Boyer s’est comportée. Elle ne voyait aucune raison de porter l’affaire plus loin. Le président de la section locale du syndicat a estimé que cette résolution n’était ni juste ni ouverte et que la direction avait balayé la question sous le tapis. Pendant cette période, Mme Justason a déclaré qu’elle avait reçu des courriels et des lettres à l’appui de Mme Boyer. Le 14 janvier 2012, elle a reçu un courriel de Mme Cloutier à l’appui de Mme Boyer.

[61] Le 23 janvier 2012, le président de la section locale du syndicat a rencontré Mme Justason et M. Bussey pour discuter de l’utilisation de caméras à l’établissement et de leur angle de prise de vue. Il était accompagné du chef délégué syndical. Il ne savait pas qu’il s’agissait d’une réunion disciplinaire et d’établissement des faits. À la fin de la réunion, Mme Justason a remis au président de la section locale du syndicat une lettre indiquant qu’une enquête disciplinaire avait été convoquée pour établir les faits entourant sa participation à une infraction aux Règles de conduite professionnelle du SCC. Selon la lettre, il était à l’origine d’un effort concerté pour cibler et discréditer Mme Boyer, gestionnaire correctionnelle intérimaire, en sollicitant des renseignements négatifs contre elle. Il a également reçu une autre lettre l’informant de sa réaffectation en attendant l’achèvement de l’enquête. Les deux lettres étaient du 23 janvier 2012 et signées par le directeur d’établissement Vince Leblanc. Plus tard dans la journée, le président de la section locale du syndicat a envoyé un courriel détaillant la chronologie des événements qui ont mené à son retrait le 23 janvier 2012. Il était abasourdi.

[62] En contre-interrogatoire, Mme Justason a confirmé que le président de la section locale du syndicat n’avait pas été prévenu que l’objectif de la réunion du 23 janvier 2012 était de l’informer de l’enquête disciplinaire et d’établissement des faits.

[63] Le président de la section locale du syndicat a déclaré qu’il avait tenté de régler les plaintes contre Mme Boyer de façon informelle tout en tenant les employés informés. Ces derniers étaient mécontents et voulaient exercer d’autres recours. Il les a informés des recours qui s’offraient à eux au cas où ils souhaitaient donner suite à cette affaire. Sa participation s’est arrêtée là.

[64] M. Bussey a nié avoir plaidé en faveur de la tenue d’une enquête sur le président de la section locale du syndicat et de son retrait de l’établissement. Il était présent à titre de gestionnaire et de témoin de la rencontre entre le président de la section locale du syndicat et Mme Justason. La réunion avait été convoquée, car Mme Justason avait obtenu de l’information selon laquelle le président de la section locale du syndicat sollicitait des renseignements contre Mme Boyer, même si Mme Justason lui avait ordonné d’arrêter. Pendant presque toute la durée de la réunion, M. Bussey est demeuré silencieux.

[65] M. Bussey a témoigné qu’il n’avait pas pris la décision de séparer le président de la section locale du syndicat et Mme Boyer, mais qu’il était en faveur de cette décision. Il n’avait pas été mis au courant des allégations contre le président de la section locale du syndicat. Il n’a participé que brièvement à la réunion, soit environ 10 minutes. Il se rappelle que Mme Justason a convoqué la réunion après avoir reçu le rapport d’observation de Mme Marshall. Mme Marshall a indiqué que le président de la section locale du syndicat avait téléphoné à l’établissement pour recueillir des renseignements contre Mme Boyer et qu’il continuait de le faire même si on lui avait demandé d’arrêter. M. Bussey a participé à la discussion avec Mme Justason et M. Leblanc afin de déterminer les mesures à prendre, le cas échéant.

[66] En contre-interrogatoire, M. Bussey a été interrogé au sujet du rapport d’observation de Mme Marshall. Il a déclaré que le rapport était inhabituel en ce sens qu’il n’était pas signé. Les dates de l’observation et du rapport étaient également inhabituelles. Le rapport avait été préparé sept jours après l’observation. La politique exige que le rapport soit signé avant la fin d’un quart de travail ou immédiatement à la fin de celui-ci. Il a déclaré qu’il n’avait pas remis en question le rapport parce qu’il lui avait été communiqué verbalement à la réunion avec Mme Justason. Il appuyait la décision de retirer le président de la section locale du syndicat compte tenu du rapport et parce que le président n’a pas suivi les instructions de Mme Justason et le processus établi à l’égard de Mme Boyer. Pour cette raison, il a approuvé la mesure provisoire de retirer temporairement de l’établissement le président de la section locale du syndicat en attendant la tenue d’une enquête. Le but était de déterminer qui avait fait quoi et si une inconduite avait été commise. Dans ce contexte, il a soutenu la décision de retirer de l’établissement le président.

[67] En réinterrogatoire, M. Bussey a déclaré qu’il avait pris connaissance du rapport d’observation le jour suivant. Le rapport était du 12 janvier 2012, de sorte qu’il en a pris connaissance le 13 janvier 2012. Il y a des exceptions quant au moment de rédiger des rapports d’observation, comme dans le cas d’incidents qui ne sont pas critiques, qui peuvent être préparés à la fin d’un quart de travail.

[68] En contre-interrogatoire supplémentaire, M. Bussey a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec la chronologie des événements exposée par Mme Justason. Il ne se souvenait pas avoir rencontré Mme Boyer, Mme Justason et d’autres gestionnaires correctionnels le 12 janvier 2012. Aucune réunion ce jour-là ne figurait dans ces notes. Il se souvenait seulement de sa réunion initiale avec le président de la section locale du syndicat, son représentant et Mme Justason. Il n’y a pas eu de discussion sur la justesse des actions de Mme Boyer. De prime abord, l’approche consistait à enquêter sur la situation et à déterminer si des mesures s’imposaient. Il se souvient d’avoir discuté de la pratique consistant à laisser le personnel partir plus tôt. À son avis, cela ne devrait pas se produire sans la permission du gestionnaire correctionnel. Si la décision était fondée sur un motif de distinction illicite, alors elle n’était pas appropriée.

[69] En contre-interrogatoire, M. Bussey a déclaré que, selon lui, le résumé de son témoignage figurant dans le rapport d’enquête reflétait fidèlement son témoignage. Il a affirmé que le président de la section locale du syndicat formulait sans cesse les mêmes plaintes, à savoir que Mme Boyer et d’autres gestionnaires correctionnels faisaient preuve de favoritisme dans l’attribution des heures supplémentaires. Pour chacune des plaintes, il a mené une enquête, mais n’a jamais rien trouvé; il n’y avait aucune malversation. Compte tenu de ce qui précède, M. Bussey s’est demandé si le président de la section locale du syndicat ciblait Mme Boyer.

[70] Selon Mme Justason, elle s’est appuyée sur la lettre de Mme Robinson du 12 janvier 2012, le courriel de Mme Cloutier du 14 janvier 2012, le courriel de Mme Scorey du 12 janvier 2012, le courriel de Mme Koch-Chey du 14 janvier 2012, et finalement le rapport d’observation de Mme Marshall du 12 janvier 2012, pour recommander le lancement d’une enquête sur le président de la section locale du syndicat. Mme Justason ne se souvient pas de la façon dont elle a reçu le rapport d’observation, mais elle se souvient de l’avoir reçu.

[71] Mme Justason a témoigné que la décision de mener une enquête disciplinaire sur le président de la section locale du syndicat relevait du directeur de l’établissement, M. Leblanc. Elle a expliqué que le rôle du sous-directeur d’établissement est de collaborer avec le directeur pour analyser les renseignements. Il agit aussi à titre consultatif. Somme toute, le sous-directeur d’établissement fait la synthèse des renseignements et formule une recommandation au directeur d’établissement. Le directeur d’établissement est responsable de la décision finale. Une recommandation au directeur d’établissement est signée par le sous-directeur d’établissement. Mme Justason a fait référence à sa chronologie des événements, présentée en preuve, dans laquelle figurent ses recommandations écrites au directeur d’établissement.

[72] Elle a consulté la Section des relations de travail au niveau régional et le coordonnateur de la lutte contre le harcèlement. Elle et le directeur d’établissement ont rencontré le coordonnateur et ont examiné la politique en matière de harcèlement du Conseil du Trésor. Les Relations de travail avaient recommandé que la direction intervienne compte tenu de la possibilité que le comportement du président de la section locale du syndicat soit contraire à la politique. L’employeur avait l’obligation d’enquêter et d’intervenir à la fin de l’enquête. En se basant sur tout ce qui se passait, elle a recommandé de lancer une enquête.

[73] Mme Justason estimait qu’une enquête sur le président de la section locale du syndicat était justifiée, car il lui avait dit qu’il pourrait en obtenir davantage si elle en voulait davantage, qu’elle l’avait averti de ne pas solliciter de plaintes contre Mme Boyer et qu’il avait eu une réaction désinvolte quand il lui avait dit de [traduction] « [l’ajouter] à la liste » ou quelque chose du genre. En outre, tous les documents et courriels qui lui avaient été envoyés indiquaient clairement que des camps se formaient. Les employés lui écrivaient de manière inattendue pour lui faire part de leurs sentiments personnels vis-à-vis du milieu de travail. Elle a conclu qu’une enquête était justifiée. Elle avait ordonné au président de la section locale du syndicat de ne pas solliciter de plaintes, puisque cette approche pourrait enfreindre la politique du Conseil du Trésor. Elle soupçonne qu’il sollicitait des plaintes contre Mme Boyer, ce qui aurait pu constituer du harcèlement et une violation de la politique du Conseil du Trésor.

[74] En contre-interrogatoire, Mme Justason a déclaré que les renseignements dans leur ensemble étaient préoccupants, y compris le rapport d’observation. Des camps étaient en train de se former et un groupe consolidé d’agents a porté plainte contre Mme Boyer, dont faisait partie le président de la section locale du syndicat.

[75] En contre-interrogatoire, Mme Justason a reconnu qu’il n’y avait aucune mention du président de la section locale du syndicat dans les lettres et les courriels qu’elle a reçus des agents correctionnels qui lui ont écrit à l’appui de Mme Boyer. Elle a examiné l’affaire qui lui était présentée, sans franchir la ligne entre l’examen et l’enquête. Les paroles ne correspondent pas toujours aux faits. Elle a convenu qu’elle avait examiné les allégations contre Mme Boyer en consultant les personnes concernées, mais elle a déclaré qu’elle n’avait pas examiné les renseignements figurant dans les courriels et les documents de la même façon qu’elle avait examiné les allégations des membres contre Mme Boyer.

[76] En contre-interrogatoire supplémentaire, la représentante du président de la section locale du syndicat a déclaré à Mme Justason que cette dernière était bien servie en associant le président de la section locale du syndicat à tout ce qui se passait sur le lieu de travail sans vérifier si c’était vraiment le cas. Elle a répondu que franchement, elle aurait préféré qu’il n’en soit pas ainsi, mais qu’elle ne voulait pas violer les règles et enquêter elle-même. Elle a convenu que tous les documents sont arrivés entre le 12 et le 14 janvier et qu’ils ont été envoyés après que le rapport d’observation a été rempli.

[77] Le directeur d’établissement a décidé d’ouvrir une enquête et de réaffecter le président de la section locale du syndicat à un autre établissement en attendant le résultat de l’enquête. La décision a été prise en collaboration entre Mme Justason et le directeur. Sa chronologie des événements a fourni le contexte et les renseignements de base sur lesquels sa recommandation d’enquêter a été formulée.

[78] En contre-interrogatoire, Mme Justason a confirmé qu’au départ, la recommandation de l’Administration centrale du SCC était d’interdire complètement l’accès de l’établissement au président la section locale du syndicat, c’est-à-dire qu’il n’aurait pas eu accès à l’établissement sans autorisation préalable. Il a ensuite été décidé qu’il pouvait avoir accès à l’établissement pour récupérer son matériel d’intervention d’urgence.

[79] En contre-interrogatoire, Mme Justason a déclaré qu’elle avait recommandé que l’enquête soit menée par une personne externe à l’établissement. Elle n’a joué absolument aucun rôle dans le travail de l’enquêteur. Elle lui a seulement fourni la liste des témoins à interroger en fonction de sa chronologie des évènements et de ses documents. Un dossier avait été fourni à l’enquêteur avec les lettres, les courriels et la chronologie des évènements.

[80] Le président de la section locale du syndicat a témoigné que, lorsqu’il avait reçu les lettres signées par le directeur d’établissement, il s’était inquiété de son accès à l’établissement et de la représentation des membres. Il était préoccupé par le fait de ne pas pouvoir participer à la réunion du Comité de consultation patronale-syndicale (CCPS) et à la journée de formation de l’EIU et de ne pas avoir accès à l’équipement. Il a été complètement pris de court et il ne comprenait pas ce qu’il avait fait qui justifiait son retrait. Il s’efforçait en tout temps de résoudre les problèmes au plus bas niveau, sans les porter à l’échelon supérieur. IL s’agissait d’une période très stressante pour lui, et il ne dormait presque pas. Il se souciait de son travail et de ses fonctions de président de la section locale du syndicat. Après 10,5 années de service, cet événement a changé son point de vue sur la direction. En tant que président de la section locale du syndicat, il sentait qu’il n’était plus le même. Il s’était toujours battu bec et ongles pour les droits de ses membres, mais il estimait que cette charge avait eu un impact négatif sur lui et qu’il n’était plus aussi efficace par la suite.

[81] Dans sa recommandation en faveur d’une enquête sur l’affaire, Mme Justason s’est assurée d’inclure un plan pour permettre au président de la section locale du syndicat de remplir son rôle et d’exécuter sans entraves ses fonctions à titre de président de la section locale du syndicat. Il ne lui a jamais présenté de demande d’accès à l’établissement pour mener ses activités du syndicat durant sa réaffectation.

[82] En contre-interrogatoire, M. Bussey a témoigné que des conditions étaient associées au retrait de l’établissement du président de la section locale du syndicat en attendant l’enquête. On s’est assuré qu’un processus avait été mis en place pour lui permettre de continuer de mener ses activités syndicales à l’établissement. Il devait y avoir accès pour remplir ses fonctions. Sa réaffectation à l’autre établissement a pris fin peu après et il est retourné à l’établissement.

[83] Selon le président de la section locale du syndicat, la situation n’a pas donné lieu à une réaction de peur extrême au sein du syndicat, mais plutôt d’extrême prudence. Les agents qui faisaient face à des problèmes dans le milieu de travail avaient peur d’exprimer leurs préoccupations. Si l’employeur pouvait retirer le président de la section locale du syndicat, quelles autres mesures pouvait-il prendre à leur encontre? Les employés victimes d’injustice craignaient de faire part de leur situation compte tenu de ce qui pourrait leur arriver. L’approche du président de la section locale du syndicat avait toujours été de résoudre les problèmes au niveau local, mais il ne pouvait plus le faire.

[84] L’effet que cette enquête a eu sur lui, en tant que président de la section locale du syndicat, était différent, puisqu’il ne savait pas ce qu’il avait fait de mal. Lorsqu’il a rencontré l’enquêteur, il a eu l’impression que sa relation avec la direction avait pris un coup. Il était fier de son travail en tant qu’agent correctionnel, de son poste à l’EIU et de ses fonctions syndicales, mais après l’enquête, ses sentiments n’étaient plus les mêmes. Il a pris un congé avec étalement du revenu en raison de sa relation avec le directeur d’établissement. Il se sentait dépassé.

[85] Le président de la section locale du syndicat a rappelé que Mme Boyer a été titularisée dans un poste de gestionnaire correctionnel pendant l’enquête. En raison de l’enquête et de la relation difficile avec le directeur d’établissement, aucun problème ne pouvait être résolu. Toutes les questions devaient être réglées avec l’Administration centrale. Lorsqu’un agent correctionnel est réaffecté à un autre endroit, on part toujours du principe que l’agent a fait quelque chose de mal. Les membres étaient contrariés par le fait qu’il ait été réaffecté. Certains membres ont même fait du piquetage pour protester contre son retrait. Il a vécu beaucoup de stress durant cette période et il a dû prendre des congés de maladie.

[86] Le président de la section locale du syndicat a témoigné que le président du comité exécutif national du syndicat avait dû intervenir afin qu’il puisse retourner à l’établissement. Mme Justason savait que l’Administration centrale du SCC et le représentant syndical national avaient convenu que le président de la section locale du syndicat serait réaffecté à l’établissement, qu’on lui donnerait l’ordre précis de ne pas prendre de mesures à l’égard de Mme Boyer et qu’il devrait prendre ses distances avec elle et laisser l’enquête suivre son cours naturellement.

[87] En 2012, le président de la section locale du syndicat a appelé Gord Robertson, président de la région du Pacifique, UCCO-SACC-CSN. M. Robertson a témoigné qu’il était important que le syndicat ait une bonne relation de travail au niveau le plus bas possible pour résoudre les problèmes en milieu de travail, ce qui avait toujours été sa première approche. Il a communiqué avec l’Administration centrale pour intervenir dans l’affaire. Il estimait que le retrait du président de la section locale du syndicat était injuste et excessif. Il s’inquiétait du fait que seul le président de la section locale du syndicat, et personne d’autre, ait été retiré.

[88] Plusieurs appels aux Relations de travail à l’Administration centrale ont été nécessaires pour régler le problème. Finalement, le président de la section locale du syndicat a été réintégré à l’établissement sous certaines conditions, c’est-à-dire qu’il devait cesser de discuter des questions concernant Mme Boyer avec les membres et qu’il ne devait pas intervenir dans l’enquête. Il voulait retourner à l’établissement et il estimait qu’il s’agissait d’une demande raisonnable. M. Robertson a rappelé que le président de la section locale du syndicat était très stressé par l’exercice de ses fonctions de président après cet événement. C’était une période très difficile pour lui. Il essayait de représenter les membres, mais il craignait que la direction ne prenne des mesures contre lui. Une fois par mois, M. Robertson devait rencontrer le président de la section locale du syndicat pour l’aider à porter les affaires au palier supérieur au besoin. Ces événements ont eu une incidence sur l’ensemble des présidents des sections locales de l’agent négociateur. Tout le monde est demeuré sur pause. Ces évènements ont une incidence à l’échelle nationale.

[89] M. Robertson a témoigné que la façon de gérer les relations de travail de M. Leblanc était erratique. Parfois, il était facile de régler les problèmes; d’autres fois, ce n’était pas le cas. Il avait l’habitude de composer avec différents styles, mais il était particulièrement difficile de faire affaire avec M. Leblanc. Il connaissait M. Leblanc puisqu’il avait travaillé avec lui auparavant. M. Robertson a dû intervenir 9 ou 10 fois auprès de M. Leblanc en ce qui concerne les relations de travail à l’établissement en 2012. Dans un courriel du 27 janvier 2012 adressé à Alain Toussignant, directeur général, Relations de travail, et à Fraser Macaulay, sous-commissaire, Gestion des ressources humaines à l’Administration centrale du SCC, M. Robertson a confirmé que le président de la section locale du syndicat acceptait l’accord selon lequel il ne discuterait pas de l’affaire avec les membres, mais qu’il continuerait de les représenter sur d’autres questions, comme le retour au travail.

[90] En contre-interrogatoire, M. Robertson a précisé que sa discussion avec M. Toussignant et M. Macaulay portait sur le retour à l’établissement du président de la section locale du syndicat afin qu’il puisse continuer à représenter les membres. Il était question non seulement de la participation du président de la section locale du syndicat aux réunions du CCPS ou aux activités de l’EIU, mais aussi de sa présence sur place pour parler à ses membres et les tenir informés.

[91] En contre-interrogatoire, M. Robertson a convenu que le président de la section locale du syndicat avait été réaffecté pendant très peu de temps. Il n’était pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle la période pendant laquelle le président a été réaffecté était plus courte que le temps qu’il a fallu pour le réintégrer compte tenu du congé de maladie pris durant cette période. M. Robertson a confirmé qu’au début, on a dit au président de la section locale du syndicat qu’il ne pouvait pas représenter les membres, mais que cela a changé rapidement en raison des interventions de M. Robertson. Le président de la section locale du syndicat a vécu beaucoup de stress durant cette période.

[92] En contre-interrogatoire supplémentaire, M. Robertson a précisé que, lorsque le président de la section locale du syndicat a été retiré, on lui a expressément dit qu’il ne pouvait pas accéder à l’établissement durant sa réaffectation et qu’il ne pouvait pas représenter les membres. Les courriels de Mme Justason des 23 et 26 janvier 2012, dans lesquels il est mentionné que le président de la section locale du syndicat aurait accès à l’établissement sur demande, lui ont été envoyés après son retrait.

[93] Le 30 janvier 2012, le président de la section locale du syndicat a pu retourner à l’établissement. Ce jour-là, il a rencontré le directeur d’établissement, ainsi que deux autres représentants syndicaux. À ce moment-là, sa relation avec le directeur d’établissement était très tendue. Le directeur d’établissement voulait que certaines informations soient retirées du site Web du syndicat et il lui avait demandé : [traduction] « Si c’était lui qui menait le bal, alors pourquoi cette information était-elle toujours sur le site? » Le directeur n’était jamais poli avec le président de la section locale du syndicat dans ses communications. Leurs interactions étaient toujours tendues. C’était la pire relation qu’il n’ait jamais eue avec un directeur d’établissement.

[94] En contre-interrogatoire, M. Bussey se souvient d’une empoignade entre le président de la section locale du syndicat et M. Leblanc à la suite d’une réunion du CCPS, à laquelle ils étaient seuls tous les deux. En réinterrogatoire, M. Bussey a déclaré que l’incident avait eu lieu pendant la cérémonie de passation des pouvoirs et la nomination de M. Leblanc comme directeur de l’établissement. M. Leblanc croyait que le président de la section locale du président essayait de saboter la cérémonie et qu’il encourageait les agents correctionnels à ne pas y assister.

[95] En contre-interrogatoire, Mme Justason a déclaré qu’elle et le directeur d’établissement n’avaient pas participé à la décision de réintégrer à l’établissement le président de la section locale du syndicat. Cette décision a été prise par l’Administration centrale du SCC. Elle n’a pas demandé d’explications. Elle était frustrée par le fait que ceux qui avaient soutenu le retrait du président de la section locale du syndicat ne l’appuyaient plus. Elle estimait que le retrait et le retour étaient injustes pour lui. Elle a déclaré que son rôle était simplement de faire des recommandations, mais qu’il incombait au décideur de les accepter ou de les rejeter. Elle a déclaré que, si elle avait été la présidente de la section locale du syndicat, elle aurait eu l’impression que quelqu’un lui serrait la vis, ce qui la dérangeait.

[96] En contre-interrogatoire supplémentaire, Mme Justason a déclaré qu’elle ne savait pas de qui relevait le président de la section locale du syndicat. Elle ne savait pas de quel gestionnaire correctionnel il s’agissait. Elle n’a pas demandé son avis.

[97] En contre-interrogatoire, le président de la section locale du syndicat a déclaré, qu’entre le 23 et le 30 janvier 2012, il ne pouvait pas rencontrer les membres et les représenter. Il a confirmé qu’il avait travaillé à l’Établissement du Pacifique du SCC le 26 janvier 2012, conformément aux modalités de sa réaffectation. En raison du stress lié à l’enquête, il a ensuite pris un congé de maladie du 27 au 29 janvier. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas remplir ses fonctions syndicales à partir d’un autre établissement parce qu’il devait s’y acclimater.

[98] En contre-interrogatoire, il a reconnu qu’il pouvait assister à la réunion du CCPS, mais elle a par la suite été annulée. Il a reconnu avoir reçu, le 23 janvier 2012, un courriel de Mme Justason indiquant qu’il pouvait entrer dans l’établissement pour la réunion du CCPS. Dans ce courriel elle lui demandait de l’informer s’il avait autrement besoin d’accéder à l’établissement pour remplir ses fonctions de président de la section locale du syndicat. Elle avait également précisé qu’il avait le droit d’entrer dans l’établissement le 27 janvier 2012, dans le but de récupérer la clé pour accéder à son matériel d’intervention d’urgence pour la formation prévue.

[99] Le président de la section locale du syndicat a reconnu que les parties en cause dans une plainte de harcèlement sont normalement séparées. À son retour le 30 janvier 2012, son horaire était structuré de façon à ce qu’il ne chevauche pas celui de Mme Boyer. La direction s’est assurée que ces deux personnes avaient des horaires différents.

[100] Le 23 mars 2012, le président de la section locale du syndicat a été convoqué au bureau du directeur d’établissement. L’enquête était terminée. Il a été déterminé qu’il n’y avait aucun renseignement direct indiquant qu’il demandait activement que des plaintes soient déposées contre Mme Boyer. Il a témoigné qu’il savait qu’il n’avait rien fait d’autre que remplir ses fonctions de président de la section locale du syndicat, mais qu’il était toujours préoccupé. Il était renversé par le fait que les choses qu’il savait fausses étaient à la base de sa réaffectation et de l’enquête.

[101] Le président de la section locale du syndicat a témoigné qu’une fois l’enquête terminée, les agents correctionnels qui travaillaient sous les ordres de Mme Boyer étaient surveillés. Certains se sentaient particulièrement ciblés. Compte tenu de l’enquête dont il avait fait l’objet, il a cessé de s’occuper du dossier. Il craignait qu’on lui reproche à nouveau de cibler Mme Boyer. Il ne pouvait pas représenter ces membres. Finalement, la direction a décidé d’enquêter sur l’affaire relative à Mme Boyer. L’enquête a révélé qu’elle avait harcelé les employés en cause. Le président de la section locale du syndicat avait estimé qu’il n’était pas prudent pour lui de représenter des membres dans l’enquête sur Mme Boyer. Les allégations qui ont motivé l’enquête la concernant étaient les mêmes que celles qu’il avait déjà présentées à Mme Justason. Le rapport, publié le 2 novembre 2013, avait confirmé les plaintes contre Mme Boyer.

III. Analyse

[102] Le président de la section locale du syndicat a déposé les plaintes en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Cette disposition prévoit que la Commission doit instruire toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l’employeur, une organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’art. 185, y compris celles mentionnées aux paragraphes 186(1) ou 186(2).

[103] Il a soutenu que l’enquête disciplinaire et son retrait étaient le résultat direct de l’exercice de ses fonctions de président de la section locale du syndicat et que la direction l’avait ciblé. Dans ses plaintes, il alléguait que les défendeurs sont allés à l’encontre des dispositions suivantes de la Loi, lorsqu’ils l’ont retiré de l’établissement et ont lancé une enquête disciplinaire à son égard en raison d’allégations inventées selon lesquelles il ciblait une gestionnaire correctionnelle intérimaire :

[…]

5 Le fonctionnaire est libre d’adhérer à l’organisation syndicale de son choix et de participer à toute activité licite de celle-ci.

[…]

186 (1) Il est interdit à l’employeur et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

b) de faire des distinctions illicites à l’égard de toute organisation syndicale.

(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant – ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir –, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation,

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente
partie ou la partie 2
[…]

[…]

[Je mets en évidence]

 

[104] Les défendeurs ont soutenu que les allégations qui ont donné lieu à ces plaintes étaient toutes liées à des allégations de harcèlement qui ont fait l’objet d’une enquête et qui ont été jugées non fondées. L’enquête a révélé qu’il n’y avait pas de preuve directe permettant de conclure que le président de la section locale du syndicat avait demandé que des plaintes soient déposées contre Mme Boyer. Aucune mesure disciplinaire n’a été imposée et aucune autre mesure n’a été prise contre lui. Toutes les activités exécutées par le président d’une section locale ne constituent pas une activité protégée. Les employés ont le droit de soulever des préoccupations. Si, à la suite d’un examen préliminaire, les défendeurs jugent que les préoccupations sont fondées, ils doivent alors, par souci de diligence raisonnable et d’équité, enquêter sur ces plaintes, peu importe la position de l’employé au sein du syndicat. Il n’est pas nécessaire d’effectuer une recherche des faits avant de lancer une enquête. Il ne s’agit pas d’une pratique déloyale au sens de la Loi pour un employeur de retirer un dirigeant de la section locale du syndicat et de lancer une enquête. L’employeur peut faire ce qu’il veut.

[105] Les défendeurs ont fait valoir que le fait de soulever des préoccupations et d’ouvrir une enquête sur ces préoccupations ou de simplement participer au processus d’enquête ne constitue pas une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi. Rien ne prouve que la direction a empêché le plaignant ou le syndicat de faire quoi que ce soit qui est protégé par les paragraphes 186(1) ou 186(2) de la Loi. Il n’était pas interdit au président de la section locale du syndicat d’exercer une activité syndicale. Rien n’indiquait que les employés ne pouvaient pas être représentés par leur syndicat pendant que le président de la section locale du syndicat était réaffecté. Un plan était en place pour lui permettre d’exercer ses fonctions en communiquant avec l’employeur. Rien ne prouve non plus que les actions des défendeurs avant ou pendant l’enquête étaient motivées par des agissements antisyndicaux ou que, d’une manière ou d’une autre, elles empêchaient le plaignant ou le syndicat d’exercer leurs activités. Le plaignant n’a pas établi une cause défendable de violation de la Loi. À l’appui de leurs observations, les défendeurs se sont fondés sur le raisonnement exposé dans les décisions suivantes : Laplante c. Conseil du Trésor (Industrie Canada et le Centre de recherches sur les communications), 2007 CRTFP 95; Quadrini c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 37; Therrien c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CRTFP 118; Gignac c. Fradette, 2009 CRTFP 18.

[106] Le président de la section locale du syndicat a soutenu que le présent cas ne porte pas sur une situation où la direction a été confrontée à des allégations et a entrepris des démarches pour enquêter et pour valider ces allégations. Dans le présent cas, la direction a inventé les allégations, elle a déformé les propos des membres du syndicat, elle a enquêté sur les activités, les stratégies et les communications syndicales et elle a fait des commentaires faux ou non fondés pour justifier le retrait du président de la section locale du syndicat, en contravention des articles 185 et 186 de la Loi. Il n’existe ni preuves ni renseignements qui pourraient amener une personne raisonnable à croire que le président de la section locale du syndicat avait mené un effort concerté pour cibler et discréditer une gestionnaire correctionnelle intérimaire en sollicitant des renseignements négatifs contre elle. La seule raison de l’enquête était son rôle de dirigeant syndical. Il n’y avait aucune raison d’ordre opérationnel pour mener une enquête disciplinaire. Son retrait et l’enquête dont il a fait l’objet ont eu des répercussions sur le syndicat dans son ensemble. Le président de la section locale du syndicat s’est appuyé sur les décisions suivantes : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 46; Association des chefs d’équipe des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 139; Perka c. ministère des Transports et Conseil du Trésor, 2007 CRTFP 92; Shaw c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2006 CRTFP 125.

[107] Comme l’a déterminé un prédécesseur de la Commission, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), dans Laplante; dans Quadrini et dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2010 CRTFP 128, une plainte de pratiques déloyales de travail peut être rejetée si, à première vue, elle ne démontre pas un lien raisonnable avec les interdictions prévues par la Loi. L’existence d’une cause soutenable doit être établie préalablement à la compétence de la Commission d’instruire la plainte. Par ailleurs, pour ce qui est des plaintes fondées sur le paragraphe 186(2) de la Loi, il faut établir l’existence d’une cause soutenable avant que puisse s’appliquer l’inversion du fardeau de la preuve prévue au paragraphe 191(3) de la Loi. Le paragraphe 191(3) de la Loi prévoit en fait que la présentation d’une plainte écrite faisant état d’une contravention du paragraphe 186(2) constitue une preuve de la contravention et que le fardeau de prouver qu’elle n’a pas eu lieu incombe à la partie qui allègue qu’elle n’a pas eu lieu.

[108] Je dois évaluer si, en tenant tous les faits allégués par le plaignant comme exacts, il est possible de soutenir que les défendeurs ont contrevenu aux dispositions en cause prévues au paragraphe 186(2) de la Loi.

[109] Considérant les faits allégués comme exacts, je conclus que le président de la section locale du syndicat a présenté une cause soutenable. Il ne fait aucun doute que le président de la section locale du syndicat a été retiré de l’établissement et qu’une enquête a été lancée à son égard. Il affirme que ces mesures ont été prises pour l’intimider et le menacer parce qu’il a présenté à la direction les plaintes de membres du syndicat, pour intervenir dans la représentation des membres du syndicat et pour le dissuader de trouver une solution aux problèmes de harcèlement de la part de Mme Boyer signalés par ses membres. Tenant les faits allégués comme exacts, j’accepte que les faits puissent être soutenus au regard des sous-alinéas 186(2)a)(i) et 186(2)a)(iv) et des alinéas 186(2)b) et 186(2)c) de la Loi. Il reste à déterminer s’il y a eu manquement à ces dispositions. Or, comme il est mentionné précédemment, le paragraphe 191(3) prévoit que le fardeau de prouver qu’il n’y a pas eu manquement incombe aux défendeurs.

[110] Les éléments de preuve ont démontré que Mme Marshall avait fourni des renseignements trompeurs le 12 janvier 2012, lorsqu’elle avait présenté le rapport d’observation selon lequel le président de la section locale du syndicat avait téléphoné à l’établissement et avait parlé aux agents Palmer et Ott pour solliciter des plaintes contre Mme Boyer. Mme Marshall et Mme Boyer étaient toutes les deux des gestionnaires correctionnelles intérimaires à ce moment-là. Elles avaient déduit que le président de la section locale du syndicat lançait un processus pour faire révoquer la nomination de Mme Boyer à titre de gestionnaire correctionnelle. M. Ott et M. Palmer ont tous deux témoigné de façon convaincante qu’ils n’avaient pas eu aucune interaction de la sorte avec le président de la section locale du syndicat, ce qui est également conforme au témoignage de ce dernier.

[111] Mme Boyer a faussement signalé à Mme Justason que le président de la section locale du syndicat encourageait les employés à porter plainte contre elle. Mme Justason n’a pas fait enquête. Elle n’a pas communiqué avec les agents Palmer et Ott pour obtenir des précisions sur le contact présumé avec le président de la section locale du syndicat. Elle n’a pas vérifié le système téléphonique ni les registres d’appels.

[112] De plus, Mme Boyer a sollicité des renseignements auprès d’employés sous ses ordres et leur a demandé de les envoyer à Mme Justason. Mme Robinson, Mme Koch-Chey et Mme Scorey ont témoigné qu’elles ne savaient pas que leurs lettres et leurs courriels seraient utilisés comme justification pour retirer le président de la section locale du syndicat et lancer une enquête à son égard. Mme Justason n’a pas fait de suivi auprès d’elles pour déterminer pourquoi elles lui avaient envoyé les lettres et les courriels. Rien dans ces textes ne mentionne de conduite inappropriée de la part du président de la section locale du syndicat. Mme Justason avait déduit qu’il menait une chasse aux sorcières contre Mme Boyer, sans vérifier la raison pour laquelle les agents lui avaient envoyé les renseignements.

[113] Cependant, lorsque le président de la section locale du syndicat a présenté à Mme Justason des plaintes d’employés contre Mme Boyer, elle a fait preuve de « diligence raisonnable » et a parlé directement aux employés pour confirmer les allégations contre Mme Boyer. Elle n’a fait preuve d’aucune diligence raisonnable à l’égard des allégations de Mme Marshall contre le président de la section locale du syndicat. Mme Justason avait recommandé que le directeur d’établissement lance une enquête sur la conduite du président de la section locale du syndicat sans vérifier d’abord les allégations. Même si je ne crois pas que les motifs de Mme Justason étaient mal intentionnés, je crois qu’ils étaient arbitraires et qu’ils visaient à intimider le président de la section locale du syndicat. Elle n’a fourni aucune explication valable quant à la raison pour laquelle elle a choisi de ne pas faire preuve de diligence raisonnable (recherche des faits) à l’égard de ces allégations avant de recommander une enquête. Je conclus que c’était en raison de la représentation des employés par le président de la section locale du syndicat dans leurs plaintes contre Mme Boyer.

[114] Mme Robinson a témoigné clairement et de façon convaincante qu’il régnait à l’établissement une atmosphère de peur, où les employés ne pouvaient pas directement porter les problèmes à l’attention de la direction. Elle a déclaré que Mme Boyer l’avait forcée à écrire une lettre pour soutenir Mme Boyer. Mme Robinson n’avait rien à gagner à témoigner à l’audience. J’ai trouvé son témoignage crédible et conforme à la preuve.

[115] Les éléments de preuve ont démontré que le directeur d’établissement a réaffecté le président de la section locale du syndicat à un autre établissement le 23 janvier 2012. Dans le cadre des discussions de suivi, il a déclaré que le président de la section locale du syndicat ne pouvait pas entrer dans les unités résidentielles ou d’autres postes où des agents correctionnels étaient affectés pendant la période de l’enquête disciplinaire. Le directeur d’établissement n’a pas témoigné et les défendeurs n’ont pas contredit cet élément de preuve. Mme Justason et M. Robertson l’ont corroboré.

[116] De plus, le président de la section locale du syndicat ne pouvait pas accéder au babillard du syndicat à l’établissement. Je suis d’accord avec lui que cela l’empêchait de communiquer des renseignements syndicaux aux membres. Il n’avait plus accès au bureau du syndicat et ne pouvait pas discuter de la représentation des membres, ni l’assurer, ni utiliser les installations de l’employeur. Le directeur lui avait permis d’entrer dans l’établissement uniquement pour les réunions du CCPS et pour accéder à son équipement de l’EIU. Mme Justason l’a confirmé en contre-interrogatoire. Elle a déclaré qu’au départ, le président de la section locale du syndicat n’avait aucun accès à l’établissement. Plus tard, il a eu le droit d’y accéder pour la réunion du CCPS et son équipement de l’EIU. Dans le courriel qu’elle lui avait envoyé, elle l’avait informé qu’il devrait communiquer avec elle s’il avait besoin d’avoir accès à l’établissement pour effectuer ses activités syndicales. M. Robertson a corroboré cela dans son témoignage. Ce n’est que par l’intervention de l’Administration centrale du SCC que le président de la section locale du syndicat a été autorisé à retourner dans l’établissement.

[117] Le directeur d’établissement n’a pas témoigné. En outre, Mme Justason n’a fourni aucune raison valable pour justifier ses recommandations, à savoir de retirer de l’établissement le président de la section locale du syndicat et d’enquêter sur sa conduite dans la représentation de ses membres. Mme Boyer et Mme Marshall n’ont pas pu fournir d’explication raisonnable pour leur conduite et pour avoir inventé les allégations qui ont mené au retrait du président de la section locale du syndicat et à l’enquête. Quant à M. Bussey, bien qu’il ait agi à titre de témoin lors de la rencontre entre Mme Justason et le président de la section locale du syndicat, il n’a rien fait pour assurer l’intégrité des protections prévues par la Loi. Il a participé à la discussion avec Mme Justason et M. Leblanc afin de déterminer les mesures à prendre à l’égard du président de la section locale du syndicat, et ce, même s’il a reçu une copie du rapport d’observation et qu’il a reconnu les anomalies qui y sont associées. Je conclus que les défendeurs n’ont pas prouvé, conformément au paragraphe 191(3) de la Loi, qu’il n’y a eu aucun manquement au paragraphe 186(2).

[118] À la lumière des éléments de preuve présentés à l’audience, je conclus que Mme Justason et le directeur d’établissement ont décidé de tenir l’enquête disciplinaire en raison du fait que le plaignant était représentant syndical. Mme Boyer et Mme Marshall ont inventé des éléments de preuve à l’appui des allégations selon lesquelles le président de la section locale du syndicat menait une chasse aux sorcières contre Mme Boyer alors qu’il remplissait simplement ses fonctions de président de la section locale du syndicat. Compte tenu de son retrait de l’établissement et de l’enquête menée à son égard, le président de la section locale du syndicat n’a pas pu représenter ses membres de la même manière qu’il l’avait toujours fait, sans permission ni ingérence de la direction. Même si Mme Boyer et le président de la section locale du syndicat étaient tous deux en cause, seul le président de la section locale du syndicat a été réaffecté. Elle a été autorisée à continuer ses fonctions de gestionnaire correctionnelle intérimaire. J’estime également que ces mesures ont eu une incidence négative sur le syndicat dans son ensemble et que la preuve non contestée a démontré que les actions des défendeurs ont refroidi les ardeurs des agents de la section locale du syndicat et des employés.

[119] Dans l’ensemble, je conclus que la prépondérance de la preuve appuie les allégations selon lesquelles les actions des défendeurs ont été prises pour intimider et menacer le président de la section locale du syndicat en raison de son rôle dans l’administration du syndicat et pour avoir exercé des droits prévus par la Loi (sous-alinéas 186(2)a)(i) et (iv)), que la restriction de l’accès à l’établissement imposée au président de la section locale du syndicat pendant l’enquête visait à limiter la possibilité pour lui-même et d’autres membres du syndicat d’exercer leurs droits prévus par la Loi (alinéa 186(2)b)) et que la menace de discipline avait pour but de dissuader le président de la section locale du syndicat de régler les problèmes de harcèlement concernant Mme Boyer soulevés par ses membres (alinéa 186(2)c)). Je ne suis pas d’accord avec les défendeurs qui affirment que leurs actions constituaient un exercice raisonnable des droits de la direction.

[120] Le fait d’être un dirigeant syndical élu comporte un ensemble d’obligations et de responsabilités accrues. C’est pourquoi il existe une loi qui protège les activités syndicales licites. Entre autres, la Commission doit veiller à ce que les libertés syndicales énoncées dans la Loi puissent être exercées en toute impunité. Comme l’a déterminé la CRTFP dans Quadrini, il est essentiel, pour assurer l’intégrité du régime de relations de travail, que les personnes aient la possibilité d’exercer les droits qui leur ont été accordés par ces lois, sans avoir à craindre de représailles. S’il en était autrement, étant donné la possibilité qu’il y ait abus de pouvoir dans le cadre de la relation employeur-employé, « […] l’effet dissuasif qu’aurait la menace de représailles pour qui exerce ses droits acquis découlant de la loi pourrait faire en sorte d’atténuer la force réelle de ces droits » (Quadrini, au paragraphe 45). Les représentants syndicaux doivent être en mesure d’exercer leurs activités légales sans crainte de réprimande, d’ingérence ou d’intimidation de la part de l’employeur.

[121] Étant donné que la négociation collective est de nature conflictuelle, les arbitres de différends et les arbitres de grief accordent généralement aux représentants syndicaux une certaine latitude dans la façon dont ils exercent leurs fonctions et dans la façon dont ils remettent la direction en question, sans craindre de faire l’objet de mesures disciplinaires. Même si un représentant syndical exerce ses fonctions de manière malhonnête et manipulatrice, une telle conduite ne peut justifier une mesure disciplinaire à moins que cela ne soit fait de façon malveillante ou mensongère, que ce soit sciemment ou par insouciance, ou d’une manière qui menace, intimide ou attaque publiquement l’employeur ou un membre de la direction. Pour cette raison, je conclus qu’il a été négligent pour le directeur d’établissement, Mme Justason et M. Bussey de ne pas avoir fait preuve de diligence raisonnable et de ne pas avoir effectué une enquête avant de retirer le président de la section locale du syndicat et de lancer une enquête.

[122] Toutefois, la protection ne s’étendrait pas aux actes extérieurs au domaine normal des attributions syndicales, comme répandre, sciemment ou de façon malveillante, des mensonges sur un membre de la direction ou d’autres employés. Cette protection ne s’appliquerait pas non plus à la personne qui a instigué une chasse aux sorcières contre un membre de la direction à la suite de plaintes, que ce soit sciemment ou par insouciance, ou par vengeance personnelle. En fin de compte, quel que soit leur rôle en tant qu’agents syndicaux, ces personnes demeurent des employés et doivent être traitées avec la même équité et transparence que tous les autres employés, y compris les cadres intermédiaires, dans l’administration d’un processus disciplinaire. Dans le présent cas, un exercice de recherche des faits avant d’ouvrir une enquête aurait révélé qu’il n’avait pas été à l’origine d’une chasse aux sorcières contre Mme Boyer, mais qu’il s’était contenté d’exercer ses fonctions de président de la section locale du syndicat. Lorsqu’il administre un processus disciplinaire qui met en cause un représentant syndical, l’employeur doit tenir compte du fait qu’il traite avec un représentant syndical qui assume des responsabilités accrues et doit veiller à ce que le représentant soit en mesure de poursuivre ses activités syndicales pendant que sa conduite fait l’objet d’une enquête. Dans les circonstances entourant les présentes plaintes, je conclus que ce n’est pas ce qui s’est passé. Pour toutes les raisons susmentionnées, je conclus que les défendeurs se sont livrés à des pratiques de travail déloyales interdites par le paragraphe 186(2) de la Loi.

IV. Mesures de redressement

[123] Dans ses plaintes écrites adressées à la Commission, le président de la section locale du syndicat a indiqué qu’il avait demandé à la Commission de rendre toute ordonnance qu’elle juge nécessaire dans les circonstances à l’encontre des défendeurs, notamment une déclaration selon laquelle ils avaient enfreint la Loi, l’affichage public de la décision de la Commission à l’établissement, l’ordonnance que chacun des défendeurs et l’employeur cessent d’intervenir dans la représentation syndicale, une ordonnance de rembourser le congé de maladie qu’il a pris à la suite de l’enquête et de son retrait de l’établissement et des excuses écrites de chacun des défendeurs et de l’employeur destinées à lui-même, à la section locale de Matsqui de l’UCCO-SACC-CSN et à l’UCCO-SACC-CSN à proprement dit.

[124] À la fin de l’audience, le président de la section locale du syndicat a demandé que lui soit remboursée la différence entre son salaire pendant son congé avec étalement du revenu et son salaire s’il était resté au travail et des dommages de 2 500 $ pour la douleur et la souffrance qui lui ont été infligées. Il a fait valoir qu’il a dû prendre un congé et prendre un congé avec étalement du revenu en raison de la relation tumultueuse avec le directeur d’établissement. Comme il a dû prendre un congé avec étalement du revenu, il n’a pas pu gagner la prime de poste ou la prime de fin de semaine et il a perdu l’admissibilité aux heures supplémentaires pendant les jours fériés. À l’appui de sa demande de dommages, il s’est fondé sur les décisions suivantes : Alliance de la Fonction publique du Canada; Association des chefs d’équipe des chantiers maritimes du gouvernement fédéral et Perka.

[125] En ce qui concerne la mesure de redressement, les défendeurs ont soutenu que la demande du plaignant d’obtenir la différence entre son salaire et son congé avec étalement du revenu ne correspondait pas aux faits de l’affaire. Les défendeurs ont présenté le même argument à l’égard de sa demande de dommages de 2 500 $ et du remboursement du congé de maladie qu’il avait utilisé. Les défendeurs ont déclaré qu’il n’y avait aucun lien entre son retrait, l’enquête et le congé de maladie. Il n’y avait aucune preuve démontrant qu’il était en congé de maladie à cause de l’enquête et de son retrait. La situation n’a entraîné aucune conséquence sur lui directement ou sur le syndicat.

[126] Pour les raisons mentionnées plus haut, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il n’y a pas eu de conséquence sur le président de la section locale du syndicat et le syndicat. Je conclus que les deux ont été touchés. J’ai trouvé particulièrement convaincants le témoignage du plaignant et celui de M. Robertson sur ce point. Pour cette raison, je conclus que 2 500 $ est le montant des dommages qui convient dans les circonstances. De plus, je conclus que la raison pour laquelle le président de la section locale du syndicat a pris un congé de maladie était son retrait de l’établissement et l’enquête menée à son égard en raison de l’exercice de ses fonctions syndicales, à savoir de représenter les membres dans leurs plaintes contre Mme Boyer. Cependant, je ne vois pas de lien entre son congé avec étalement du revenu et les circonstances de la plainte. Pour cette raison, je n’autoriserai aucun remboursement de salaire. Comme il l’a demandé, j’accorde la mesure de redressement déclaratoire qu’il a demandé ainsi qu’une ordonnance pour que les défendeurs s’abstiennent de s’immiscer dans les activités du syndicat et que la décision de la Commission soit affichée publiquement à l’établissement.

[127] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[128] Les plaintes sont accueillies. Les défendeurs ont contrevenu aux interdictions prévues au paragraphe 186(2) de la Loi.

[129] J’ordonne que les trois (3) jours de congé de maladie pris par le président de la section locale du syndicat à cause de l’enquête et de son retrait de l’établissement lui soient remis.

[130] J’ordonne à l’employeur de verser au plaignant des dommages d’un montant de 2 500 $.

[131] J’ordonne à l’employeur d’afficher immédiatement une copie complète de cette décision à l’établissement dans les endroits les plus visibles où il est le plus probable qu’elle soit portée à l’attention des employés de l’unité de négociation et pour une période d’au moins 60 jours.

[132] Je demeurerai saisie de l’affaire pour une période de 60 jours si les parties éprouvent des difficultés à mettre la présente ordonnance en œuvre.

Le 15 mars 2021.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des relations de travail

et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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