Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a pris un congé non payé de son poste pendant une période de six mois en vertu de l’alinéa 19.19b) de la convention collective – étant donné que la période de congé était supérieure à trois mois, l’employeur a modifié la date d’augmentation d’échelon de la fonctionnaire s’estimant lésée – elle a contesté sa date révisée d’augmentation d’échelon et elle a allégué que l’acte de l’employeur contrevenait à la clause 21.06 de la convention collective visant le groupe Praticien du droit (LP) – la Commission a conclu que l’alinéa 19.19b) ne comporte aucune référence aux augmentations d’échelon et que cette clause doit se distinguer de plusieurs dispositions relatives au congé non payé de la convention collective auxquelles les premiers mots de la clause 21.06, « Sauf disposition contraire », s’appliquent – la Commission n’a trouvé aucun libellé explicite dans la Note sur la rémunération 10 selon lequel les parties avaient l’intention qu’elle s’applique, malgré la clause 21.06 – la Commission n'a également trouvé aucun libellé explicite dans les notes sur la rémunération selon lequel la période de 12 mois qui comprend la période d’augmentation doit être consécutive ou que la date d’augmentation d’échelon d’un employé ne peut être modifiée – la Commission a interprété la Note sur la rémunération 10 dans le contexte intégral de la convention collective et conformément à son intention générale – la Note sur la rémunération 10 peut s’appliquer harmonieusement avec la clause 21.06 tout comme elle peut s’appliquer harmonieusement avec d’autres dispositions relatives à l’administration de la paye prévues dans la convention collective ou qui y ont été intégrées en vertu de la clause 15.01 – la Commission n’a pas accepté qu’il existe une tension nécessaire entre la Note sur la rémunération 10 (ou la Note sur la rémunération 13) et la clause 21.06 exigeant que la Commission en privilégie une sur l’autre – les deux dispositions jouissent d’un statut égal selon l’intention générale de la convention collective et l’on doit présumer qu’elles signifient ce qu’elles disent – elles doivent toutes les deux être lues dans leur sens grammatical et ordinaire; ce faisant, elles révéleront conjointement l’intention des parties – à la lecture de la clause 21.06 dans son sens ordinaire et grammatical, la Commission a conclu que l’intention des parties était que la période d’augmentation d’échelon d’un employé et la date d’augmentation d’échelon changent – la Commission n’a pas vu comment la règle contre la redondance s’appliquait à l’interaction entre la clause 21.06 et un alinéa comme l’alinéa 19.11e) – la Commission n’a constaté aucun conflit entre les deux dispositions et a conclu qu’elles peuvent toutes les deux être interprétées harmonieusement – la Commission a conclu que l’employeur n’a pas contrevenu à la convention collective lorsqu’il a prolongé la période d’augmentation d’échelon de la fonctionnaire s’estimant lésée en fonction de son congé non payé de six mois en vertu de l’alinéa 19.19b).

Grief rejeté.

Contenu de la décision


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Luiza Cruceru, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a pris un congé non payé de son poste d’avocate à Justice Canada (le « Ministère ») du 30 mars 2015 au 27 septembre 2015. Par conséquent, le Ministère a révisé sa date d’augmentation d’échelon du 10 mai 2015 au 9 novembre 2015, une fois qu’elle est retournée au travail.

[2] La fonctionnaire a contesté sa date d’augmentation d’échelon révisée dans un grief déposé le 3 décembre 2015. Elle a allégué que la mesure prise par le Ministère violait [traduction] « la clause 21.06 et tout autre article applicable » de la convention collective du groupe Praticien du droit (LP). Elle a soutenu que le Ministère n’a pas [traduction] « […] tenu compte de la partie pertinente de [ses] trois premiers mois de congé non payé aux fins de l’augmentation de salaire par rapport à la période d’évaluation 2014-2015, conformément à la clause 21.06 ».

[3] La convention collective en vigueur à l’époque pour le groupe LP entre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’Association des juristes de Justice (l’« agent négociateur » ou AJJ) a expiré le 9 mai 2014 (la « convention collective »).

[4] À titre de mesure corrective, la fonctionnaire a demandé les mesures suivantes :

[Traduction]

1. Que ma date d’augmentation d’échelon de rémunération soit corrigée afin de refléter le 10 mai aux fins de la période d’évaluation 2014-2015 et des périodes d’évaluation futures, sous réserve de toute nouvelle nomination à l’avenir;

2. Que la partie applicable de mes trois premiers mois de congé non payé (c.-à-d. 1 jour) soit considérée aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération pour la période d’évaluation 2014‑2015;

3. Que mon augmentation d’échelon de rémunération soit payée rétroactivement à la date de mon retour effectif, soit le 28 septembre 2015;

4. Tout autre redressement qu’un arbitre de grief estimera approprié dans les circonstances.

 

[5] N’ayant pas eu gain de cause dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs, la fonctionnaire a renvoyé l’affaire à l’arbitrage à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) de l’époque le 10 janvier 2017, avec le soutien requis de son agent négociateur.

[6] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[7] Pour les motifs énoncés dans la présente décision, le grief est rejeté.

II. Énoncé conjoint des faits

[8] Les parties ont présenté un énoncé conjoint des faits, dont les paragraphes substantiels se lisent comme suit (avec suppression des références d’onglets aux documents annexés) :

[Traduction]

[…]

4. La fonctionnaire s’estimant lésée, Luiza Cruceru, est une avocate employée par l’employeur au sein du ministère de la Justice. Mme Cruceru a été embauchée par l’employeur le 3 février 2009. Pendant la période visée par le présent grief, elle était employée au groupe et au niveau LP-2 (également appelé LA-02 dans certaines conventions collectives) à l’échelon 6 (sur 8). Mme Cruceru a commencé cette période d’augmentation d’échelon de rémunération le 10 mai 2014 et elle devait durer douze (12) mois. Mme Cruceru fait partie de l’unité de négociation représentée par l’Association des juristes de Justice.

5. Pour la période comprise entre le 30 mars 2015 et le 25 septembre 2015, Mme Cruceru a bénéficié d’un congé non payé approuvé alors qu’elle exerçait les fonctions de professionnelle invitée auprès de la présidence de la Cour pénale internationale à La Haye. Cette période de congé a été qualifiée de congé non payé pour d’autres motifs d’une durée inférieure à un an […] Mme Cruceru est retournée travailler pour l’employeur le lundi 28 septembre 2015.

6. Le 26 octobre 2015, Mme Cruceru a communiqué avec l’unité de rémunération du ministère de la Justice parce que son taux de rémunération n’avait pas été augmenté le 10 mai 2015. Cette démarche a donné lieu à une série de courriels entre Mme Cruceru et Deborah Pombert, conseillère en rémunération au ministère de la Justice […]

7. Comme il est expliqué dans ces courriels, Mme Cruceru a reçu comme date d’augmentation de son échelon de rémunération le 9 novembre 2015. Le dernier courriel de cette chaîne […] explique la justification comme suit :

Après avoir obtenu des précisions de la part de la Rémunération ministérielle, il a été confirmé qu’en vertu de la clause 21.06 de la convention collective, votre date d’augmentation révisée est le 9 novembre 2015. Votre congé payé a eu lieu du 30 mars au 9 mai 2015 (date d’augmentation du RREE pour l’exercice 2014-2015 en vigueur le 10 mai 2015). Comme vous étiez en congé non payé pendant cette période, ces six semaines sont ajoutées à la date de votre retour au travail, soit le 28 septembre 2015, ce qui fait passer la date de votre augmentation d’échelon de rémunération du 10 mai 2015 au 9 novembre 2015.

8. Mme Cruceru a déposé un grief concernant la décision relative à la date d’augmentation de son échelon de rémunération le 3 décembre 2015. L’employeur a rejeté son grief au dernier palier le 9 décembre 2016 […]

[…]

 

[9] L’énoncé conjoint des faits fait également état des dispositions pertinentes de la convention collective (pièce JT-1, onglet M) ainsi que de plusieurs dispositions d’un document interne de l’employeur. Je cite d’emblée les dispositions suivantes de la convention collective, étant donné que l’interprétation de leur interaction constitue le cœur du litige :

[…]

21.06 Sauf disposition contraire dans la présente convention, lorsqu’un congé non payé est accordé à un juriste pour une période de plus de trois (3) mois, la période totale du congé accordé est déduite de la période d’« emploi continu » servant à calculer l’indemnité de départ et de la période de « service » servant à calculer les congés annuels; le temps consacré à un tel congé d’une durée de plus de trois (3) mois ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

[…]

Appendice « A »

[…]

Remarques concernant la rémunération

[…]

Régime de rémunération par échelons fixes pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B

(10) À compter du 10 mai 2013, l’augmentation d’échelon de rémunération pour les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B sera au taux suivant dans l’échelle de rémunération par échelons fixes qui est en vigueur le 10 mai 2013.

(11) Un juriste dont le rendement a été évalué « insatisfaisant » n’est pas éligible à une augmentation d’échelon.

[…]

Administration de l’Augmentation d’échelon de rémunération pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B

(13) La période d’augmentation de rémunération pour tous les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-2A et LA-2B est de 12 mois et de six (6) mois pour les juristes aux niveaux LA-1.

[…]

 

III. Résumé de la preuve

[10] L’agent négociateur a choisi de ne pas présenter de preuve testimoniale.

[11] Le seul témoin de l’employeur était Annick Bigras, qu’il emploie depuis octobre 2020 comme gestionnaire ministérielle dans son unité de rémunération. Mme Bigras a souligné qu’elle a travaillé dans l’administration de la rémunération au sein de la fonction publique pendant 13 ans, dans plusieurs ministères. Au cours de cette période, elle a interprété les dispositions de nombreuses conventions collectives différentes [traduction] « presque tous les jours ».

[12] Se référant spécifiquement à la clause 26.01 de la convention collective, Mme Bigras a témoigné qu’à sa connaissance, la même disposition est présente dans toutes les conventions collectives. Elle entre en jeu afin d’exclure du calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération le temps passé en congé non payé lorsque ce congé dépasse trois mois. La clause permet des exceptions. Elle a cité le congé de maternité non payé et le congé parental non payé comme des situations dans lesquelles le temps passé en congé non payé au-delà de trois mois n’est pas exclu du calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération.

[13] Le témoin a identifié la remarque concernant la rémunération 13 de la convention collective comme étant la disposition qui établit une période normale d’augmentation d’échelon de 12 mois pour les employés au niveau de classification LP‑2 de la fonctionnaire. (La remarque concernant la rémunération fait référence au niveau de classification LA-2A, qui équivaut à LP-2.)

[14] Mme Bigras a souligné que lorsqu’un employé prend un congé non payé, elle vérifie si le congé dépasse trois mois et, si c’est le cas, si le type de congé est une exception. Lorsque la période de congé non payé est une exception, elle procède à un nouveau calcul de la date d’entrée en vigueur d’une augmentation d’échelon de rémunération. Mme Bigras a déclaré que le même calcul est effectué dans toutes les conventions collectives et que l’interprétation qui sous-tend ce calcul a été appliquée de manière constante au cours des 13 années pendant lesquelles elle a travaillé dans le domaine de la rémunération au sein de la fonction publique.

[15] Mme Bigras a fait référence à une lettre du 20 mars 2015, envoyée à la fonctionnaire par Deborah Pombert, une conseillère en rémunération et avantages sociaux au Ministère (pièce JT-1, onglet A). La lettre décrit à la fonctionnaire « les choix qui s’offrent à [elle] et les responsabilités qui lui incombent relativement aux avantages sociaux et aux retenues » pendant le congé non payé qu’elle devait prendre à partir du 30 mars 2015. Le témoin a confirmé que la lettre était typique et qu’elle était envoyée par les ministères dans tous les cas de congé non payé de moins d’un an. La méthode de calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération pendant un congé non payé est décrite comme suit : « Les périodes de congé non payé de plus de trois mois sont déduites aux fins de la détermination de votre prochaine date d’augmentation d’échelon de rémunération » [le passage en évidence l’est dans l’original].

[16] Mme Bigras a témoigné que l’approche décrite dans la déclaration est en harmonie avec la clause 21.06 de la convention collective.

[17] Lorsqu’on lui a demandé si les employés répondaient à ces lettres, Mme Bigras a indiqué qu’ils pouvaient soulever des questions ou des préoccupations auprès d’un conseiller en rémunération. Dans certaines situations, un employé pourrait trouver l’impact de certaines dispositions, comme l’obligation de doubler les cotisations à certains régimes d’avantages sociaux, trop onéreux et décider de ne pas prendre de congé non payé. Cela dit, Mme Bigras ne se souvient d’aucune situation dans laquelle un employé aurait refusé de partir en congé en raison du traitement des augmentations d’échelon de rémunération.

[18] L’avocat de l’employeur a renvoyé le témoin à l’exemple suivant, présenté dans un document interne du Conseil du Trésor (le « Guide de l’administration de la paye »), tel que présenté dans l’énoncé conjoint des faits :

Exemple 2 : Congé non payé pour prendre soin d’un membre de la proche famille

Un employé occupant à temps plein un poste CS-02 représenté pour une période indéterminée reçoit une augmentation d’échelon le mardi 13 août 2002.

Comme la période d’augmentation du CS-02 est de douze (12) mois et que la date d’augmentation d’échelon est la date d’anniversaire, l’employé est censé toucher sa prochaine augmentation le mercredi 13 août 2003.

L’employé s’absente du lundi 14 juillet 2003 au jeudi 15 juillet 2004 pour prendre soin d’un membre de sa propre famille, la durée de ce congé non payé étant d’un (1) an et deux (2) jours civils. Selon l’alinéa 17.09e) de la convention collective du groupe CS, signée le 3 juin 2003, peu importe la durée du congé non payé, le temps consacré à un tel congé ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

L’employé ne touchera sa prochaine augmentation d’échelon que lorsqu’il aura été rémunéré pour une période totale de douze (12) mois.

 

[19] Mme Bigras a confirmé que l’exemple s’applique à d’autres situations de congé non payé et que le traitement aux fins de l’augmentation de la rémunération décrit dans l’exemple ne diffère pas de ce qui s’est produit dans le cas de la fonctionnaire.

[20] Mme Bigras a également été renvoyée à des extraits du Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique (RCEFP; pièce JT-1, onglet O). Elle a indiqué que les conseillers en rémunération pourraient se référer au RCEFP lorsqu’une convention collective n’est pas claire ou lorsqu’une explication est nécessaire. Ils pourraient également se référer à la Directive sur les conditions d’emploi de l’employeur (la « Directive ») (pièce JT-1, onglet N) dans le même but.

[21] Revenant à la convention collective dans le présent cas, le témoin a indiqué que la remarque concernant la rémunération 10 s’appliquait en premier lieu dans le cas de la fonctionnaire afin d’établir la date de l’augmentation d’échelon de rémunération du 14 mai 2014, la prochaine augmentation d’échelon étant prévue pour le 10 mai 2015. Une date d’augmentation fixe n’est pas prévue dans d’autres conventions collectives.

[22] Étant donné que la fonctionnaire a été en congé non payé pendant plus de trois mois, la clause 21.06 de la convention collective exigeait un nouveau calcul de la date d’augmentation d’échelon de rémunération. Mme Bigras a déclaré que dans le cas de la fonctionnaire, elle ajouterait six mois au 10 mai 2015, ce qui donnerait la nouvelle date d’augmentation d’échelon du 9 novembre 2015.

[23] Lors du contre-interrogatoire, Mme Bigras a confirmé qu’elle n’était pas intervenue dans le dossier de la fonctionnaire et qu’elle travaillait à Transports Canada pendant la période pertinente. Elle a également confirmé qu’elle n’a pas participé aux négociations de la convention collective dans ce cas ni de toute autre convention collective.

[24] Le témoin a confirmé que le RCEFP a été remplacé par la Directive le 1er avril 2014 et que les deux documents ne sont pas identiques.

[25] Mme Bigras n’a pas été en mesure de vérifier si les extraits du RCEFP (pièce JT-1, onglet O) faisaient partie du Guide de l’administration de la paye. Néanmoins, elle a pu confirmer que le contenu cité est toujours utilisé, même si les dispositions datent de 2004. Selon le témoin, les règles n’ont jamais changé, et elles ne changent pas lorsqu’une nouvelle convention collective est négociée. L’employeur ne négocie pas les règles avec les agents négociateurs.

[26] Faisant référence à l’exemple fondé sur la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) (voir le paragraphe 18 de la présente décision), la fonctionnaire a demandé si Mme Bigras s’était référée à la clause 17.09 de cette convention lorsqu’elle a préparé son témoignage. Le témoin a répondu par la négative. Faisant remarquer que la clause 17.09 ne fait référence qu’au congé non payé pour les soins de la famille immédiate, la fonctionnaire a demandé au témoin si l’exemple pouvait encore être utilisé dans le cas de la fonctionnaire. Après plusieurs déclarations suggérant qu’il y avait des points communs en ce qui concerne le traitement des périodes de congé non payé de plus de trois mois, Mme Bigras a nuancé sa réponse en acceptant de ne pas se référer à la convention collective du groupe CS comme point de comparaison.

[27] Dans un courriel adressé à la fonctionnaire le 28 octobre 2015 (pièce JT-1, onglet D), Mme Pombert a décrit l’approche utilisée pour calculer la nouvelle date d’augmentation d’échelon de rémunération de la fonctionnaire comme suit :

[Traduction]

[…]

Votre congé non payé du 30 mars 2015 au 27 septembre 2015 était de plus de trois mois pour les obligations personnelles. Ce congé a une incidence sur la date de votre augmentation d’échelon. La date d’effet de votre augmentation d’échelon est normalement le 10 mai. Votre congé non payé du 30 mars au 9 mai 2015 est de 6 semaines. Ces 6 semaines sont ajoutées à votre date de retour au travail du 28 septembre 2015. Votre nouvelle date d’augmentation d’échelon est le 9 novembre 2015.

 

[28] Le témoin a défini l’approche de Mme Pombert comme étant une autre façon de calculer la nouvelle date d’augmentation d’échelon de la fonctionnaire avec le même résultat que celui qui découle de sa propre approche (voir le paragraphe 22 de la présente décision). Mme Pombert a calculé le nombre de jours entre le 30 mars 2015, date à laquelle la fonctionnaire a commencé son congé, et le 10 mai 2015, date de son augmentation d’échelon, et a ajouté ce nombre de jours à la date de retour au travail de la fonctionnaire, soit le 28 septembre 2015. Mme Bigras a calculé le total des jours consacrés au congé non payé et a ajouté ce total au 19 mai 2015. Elle a précisé que la référence dans le courriel au congé non payé pour les obligations personnelles était incorrecte. La fonctionnaire a pris un congé non payé pour des raisons de nature personnelle (voir la clause 19.19c) de la convention collective).

IV. Résumé de l’argumentation

[29] Les deux parties ont présenté des recueils de jurisprudence à l’appui de leurs arguments. À l’audience, l’avocat de la fonctionnaire a fait référence aux huit cas cités par celle-ci, faisant valoir pour chaque décision les éléments que la Commission devrait prendre en compte pour rendre sa décision. Bien que j’aie examiné tous les cas, je ne ferai référence qu’à des aspects limités de ces décisions que je considère comme étant plus pertinents dans le résumé suivant de son argumentation.

[30] Le recueil de jurisprudence de l’employeur offre quatre références, dont l’une fait également partie du recueil de la fonctionnaire. Durant la plaidoirie, l’employeur n’a pas fait référence spécifiquement à deux des décisions, Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 777 c. Imperial Oil Strathcona Refinery, 2004 CarswellAlta 1855; et Ontario (Commission d’énergie hydro-électrique) c. S.C.F.P., section locale 1000, 1973 CarswellOnt 1532. Je les ai lues et examinées, mais il n’y a pas d’observations directes de l’employeur sur ce que je dois en tirer, elles ne figurent pas dans le résumé de l’argumentation de l’employeur.

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[31] Le cœur de l’affaire dont la Commission est saisie est l’interaction entre les remarques concernant rémunération de la convention collective et la clause 21.06. Quelles dispositions s’appliquent? Quelles dispositions ont préséance?

[32] La fonctionnaire a fait valoir que les remarques concernant la rémunération s’appliquent et que leur application exige que les six mois qu’elle a consacrés au congé non payé comptent aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération. Subsidiairement, elle a soutenu que sa date d’augmentation d’échelon n’aurait dû être prolongée que de trois mois au lieu de six.

[33] L’évaluation requise dans le présent cas porte principalement sur le texte de la convention collective, conformément à la jurisprudence de la Commission. Bien que le contexte ait parfois joué un rôle dans les analyses de la Commission, celle-ci a toujours accordé plus d’importance au texte que d’autres arbitres de différends; voir Association des juristes de Justice c. Conseil du Trésor, 2015 CRTEFP 78 (« AJJ 2015 ») au paragraphe 21; et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2019 CRTESPF 7 (« IPFPC 2019 ») au paragraphe 109.

[34] Dans ce cas, le texte est sans ambiguïté.

[35] Les décisions de la Commission ont constamment conclu que les augmentations d’échelon de rémunération sont automatiques, à moins qu’une disposition de la convention collective n’exclue expressément le temps du calcul de la période d’augmentation d’échelon.

[36] Dans Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor, 2012 CRTFP 32 (« AJJ 2012 »), au par. 37, la Commission a décrit une augmentation d’échelon de rémunération comme une « progression quasi-automatique » et a reconfirmé cette description dans AJJ 2015, au paragraphe 100. Cette dernière décision, au paragraphe 108, a également conclu que les dispositions relatives à l’augmentation d’échelon de rémunération de l’appendice A de la convention collective du groupe LP étaient claires et non ambiguës, comme le soutenait le fonctionnaire.

[37] Au paragraphe 110 de la décision AJJ 2015, citée ultérieurement dans la décision IPFPC 2019, au paragraphe 114, la Commission a fait référence à la seule restriction à l’augmentation de la rémunération (qui se trouve dans la remarque concernant la rémunération 11) comme suit : « En termes simples […] tous les juristes ont eu droit à leur augmentation de la rémunération, sauf si leur rendement a été évalué « insatisfaisant ». »

[38] Dans Ottawa-Carleton (Regional Municipality) v. Ottawa-Carleton Public Employees’ Union, Local 503 (1992), 30 L.A.C. (4e) 257 (« Ottawa-Carleton ») aux paragraphes 14 et 15, le comité d’arbitrage privé a confirmé le droit présumé à une augmentation d’échelon de rémunération, sous réserve uniquement du pouvoir discrétionnaire de l’employeur de la refuser dans certaines circonstances.

[39] La Commission s’est penchée sur la question des exclusions de la progression automatique des augmentations d’échelons de rémunération dans IPFPC 2019, au paragraphe 115. Elle a cité un exemple tiré d’une convention collective de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), dans laquelle les parties ont restreint les augmentations d’échelon de rémunération, puis a conclu que, dans d’autres conventions collectives, l’employeur ne pouvait pas imposer de restrictions supplémentaires par voie de directive. La Commission a écrit ce qui suit :

[…] L’employeur aurait pu négocier d’autres restrictions sur les augmentations salariales liées au rendement dans toutes les conventions collectives qu’il a conclues avec l’IPFPC […] Ainsi, l’employeur n’a pas conservé le droit de le faire et ne peut le mettre en œuvre par le biais de la Directive.

 

[40] Dans Armstrong c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-18289 (19890613), 1989 CarswellNat 2027, au paragraphe 70, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (à l’époque) a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à une augmentation d’échelon pendant un congé autorisé.

[41] La règle selon laquelle les augmentations d’échelon de rémunération sont quasi-automatiques, sous réserve uniquement d’exclusions expresses dans la convention collective, est une application du principe plus général selon lequel un libellé clair est nécessaire pour écarter un avantage de la convention collective; voir Calgary Regional Health Authority v. U.N.A., Local 121-R (2000), 93 L.A.C. (4e) 427 (« United Nurses »), au paragraphe 23.

[42] La fonctionnaire a examiné le libellé de la convention collective dans un contexte historique. Avant le 1er avril 2002, les avocats de Justice Canada n’étaient pas syndiqués, mais un plus petit groupe d’avocats dans d’autres ministères faisaient partie d’une unité de négociation représentée par l’IPFPC. Une fois que les avocats de Justice ont obtenu le droit de se syndiquer, l’AJJ a présenté une demande d’accréditation. L’ordonnance d’accréditation qui a suivi en 2006 a fusionné les avocats précédemment représentés et les avocats de Justice non représentés en une seule unité de négociation, accréditée auprès de l’AJJ. Ces deux composantes avaient des régimes de rémunération différents. La convention collective des avocats de l’IPFPC prévoyait un système d’augmentation de la rémunération par échelons fixes. Les avocats de Justice progressaient par les échelles salariales, en fonction de leur rendement.

[43] La première convention collective négociée par l’AJJ après l’accréditation, signée le 27 juillet 2010, a permis aux avocats de l’IPFPC de sortir du système d’augmentation de la rémunération par échelons fixes à compter du 1er novembre 2009; voir AJJ 2012, au par. 36. Pour la période allant de 2006 à cette date, le système de rémunération par échelons fixes a été maintenu, ce qui a nécessité des remarques concernant la rémunération transitoires spécifiques; voir AJJ 2012, aux paragraphes 11 et 12. La première convention collective de l’AJJ comprenait la clause 21.06.

[44] Le 12 mars 2013, les parties ont signé une nouvelle convention collective, leur deuxième, dont l’interprétation est en cause dans la présente décision. En vertu des dispositions de cette convention, les employés des niveaux de classification LA-1, LA‑2A et LA-2B (c.-à-d. LP-1, LP-2 et LP-3) sont revenus à un système de rémunération par échelons fixes. Aux niveaux de classification supérieurs, les augmentations d’échelon en fonction du rendement se poursuivent.

[45] De 2009 à 2013, la clause 21.06 ne s’appliquait pas, car aucun employé n’était rémunéré selon un système de rémunération par échelons fixes. Avec le rétablissement du régime de rémunération par échelons fixes dans la nouvelle convention collective entrée en vigueur en 2013, la clause 21.06 s’appliquait de nouveau.

[46] La fonctionnaire a noté que les clauses 15.02 et 15.03 contiennent les mots impératifs « a droit » et « sera payé », comme suit :

15.02 Tout juriste a droit pour services rendus à :

a) la rémunération qui est indiquée à l’appendice « A » pour la classification du poste auquel il est nommé si la classification coïncide avec celle qui est précisée dans son certificat de nomination, ou

b) à la rémunération qui est indiquée à l’appendice « A », pour la classification du poste précisée dans son certificat de nomination si cette classification et celle du poste auquel il est nommé ne coïncident pas.

15.03 Rémunération

a) Les taux de rémunération indiqués à l’appendice « A » entrent en vigueur aux dates précisées.

[…]

 

[47] Les mots impératifs confirment le caractère quasi-automatique des augmentations d’échelons de rémunération.

[48] La remarque concernant la rémunération 10 (voir le paragraphe 9 de la présente décision) comprend également les mots impératifs « sera au taux suivant dans l’échelle de rémunération ».

[49] Dans la remarque concernant la rémunération 11 (voir le paragraphe 9 de la présente décision), les parties se sont penchées attentivement sur les circonstances dans lesquelles un avocat devrait être privé d’une augmentation d’échelon — lorsque « le rendement a été évalué “insatisfaisant” ».

[50] La clause 21.06 (voir le paragraphe 9 de la présente décision) déduit les périodes de congé non payé supérieures à trois mois « [s]auf disposition contraire ». La remarque concernant la rémunération 10, qui ne prévoit pas d’exceptions, doit avoir préséance sur la clause 21.06. Elle précise la progression quasi-automatique au moyen d’augmentations d’échelles de traitement par échelon fixes, mettant ainsi fin à l’enquête.

[51] La fonctionnaire a cité l’exemple de la clause 19.11e) de la convention collective (« Congé non payé pour les obligations personnelles ») en vertu de laquelle les périodes de congé supérieures à trois mois ne comptent pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération. Le libellé de l’exclusion reprend celui de la clause 21.06.

[52] Il existe une règle contre la redondance dans les dispositions des conventions collectives. L’employeur interprète la clause 21.06 comme s’appliquant à toutes les formes de congé non payé, mais cette interprétation rend la clause 19.11e) redondante. Selon l’interprétation de la convention collective par la fonctionnaire, qui donne préséance à la remarque concernant la rémunération 10, la clause 19.11e) n’est pas redondante. Le même point s’applique à la clause 19.12b) (« Congé non payé en cas de réinstallation du conjoint »).

[53] La fonctionnaire a soutenu que le Guide de l’administration de la paye ne peut être utilisé pour aider à interpréter la convention collective. En revanche, la Directive est un outil d’interprétation valide parce qu’elle est incorporée à la convention collective par la clause 15.01; voir le paragraphe 11 de Broekaert c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 90, qui conclut qu’une clause identique à la clause 15.01 incorpore par renvoi les dispositions du RCEFP (à l’époque), que la Directive a remplacé.

[54] La décision Klock c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 99, au paragraphe 23, confirme que d’autres types de documents internes de l’employeur, comme les bulletins de paye ne sont « […] rien de plus que l’interprétation qu’avance une partie à la convention collective […] et [n’ont] pas plus de poids que l’interprétation donnée par l’autre partie ».

[55] La fonctionnaire fait référence à l’article 2.5.9 de la Directive, qui se lit comme suit :

2.5.9 Augmentations d’échelon pendant une période de congé non payé

a. Les articles 5.1 à 5.7 s’appliquent à toute personne qui s’est vu accorder un congé non payé, sauf lorsque la convention collective pertinente ou les conditions d’emploi applicables prévoient que le temps consacré à un type particulier de congé non payé ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon.

b. Lorsqu’une personne s’est vue accorder un congé non payé qui ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon, une augmentation d’échelon lui deviendra payable à la nouvelle date d’augmentation d’échelon calculée à compter de la dernière date à laquelle une augmentation lui est devenue payable moins la période de congé non payé.

 

[56] La fonctionnaire a soutenu que l’article 2.5.9 n’est pas utile aux deux parties.

[57] La fonctionnaire a conclu son argumentation en soutenant, à titre subsidiaire, que la clause 21.06 comporte deux parties, séparées par un point-virgule (« ; »), qui doivent être appliquées séparément. La deuxième partie, après le point-virgule, limite l’exclusion du calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération aux périodes de plus de trois mois. Par conséquent, si la Commission n’accepte pas son argument principal, elle devrait néanmoins ordonner que les trois premiers mois de son congé non payé soient comptés aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération et que la date de cette augmentation d’échelon soit recalculée en conséquence.

B. Pour l’employeur

[58] L’employeur a soutenu que la règle énoncée à la clause 21.06 de la convention collective s’applique aux congés non payés pris en vertu de la clause 19.19, qui se lit comme suit :

19.19 Autres congés payés ou non payés

L’employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a) un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables au juriste l’empêchent de se rendre au travail;

b) un congé payé ou non payé à des fins autres que celles indiquées dans la présente convention […]

 

[59] Nul ne conteste qu’une clause spécifique l’emporte sur une clause générale. La clause 19.19 n’est pas spécifique aux augmentations d’échelon de rémunération. Par conséquent, la clause 21.06 a préséance. Le témoignage de Mme Bigras a confirmé la préséance de la clause 21.06 et son application au congé non payé de la fonctionnaire en vertu de la clause 19.19.

[60] La clause 21.06 doit être interprétée en harmonie avec l’économie de la convention collective; voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e édition, (« Brown et Beatty »), à 4:2120. Les mots « [s]auf disposition contraire » dans la clause 21.06 attirent l’attention sur d’autres dispositions de la convention collective qui traitent, par exemple, du congé de maternité non payé (clause 19.03g)), du congé parental non payé (clause 19.06g)), et du congé non payé pour les obligations personnelles (clause 19.11e)), dans lesquelles l’exception est expressément énoncée. Ces dispositions s’appliquent en harmonie avec la clause 21.06.

[61] L’argument de la fonctionnaire n’appuie pas une interprétation harmonieuse de la convention collective. Son observation selon laquelle les remarques concernant la rémunération de l’appendice A ont préséance sur la clause 21.06 aurait pour effet absurde de rendre la clause 21.06 superflue. La clause 21.06 comprend une règle générale qui s’applique à toutes les périodes de congé non payé de plus de trois mois, sauf exception spécifique expresse. La forme de congé non payé pris par la fonctionnaire ne fait pas partie des exceptions.

[62] Les cas AJJ cités par la fonctionnaire à l’appui de la proposition selon laquelle les augmentations d’échelon de rémunération sont quasi-automatiques ont été pris hors contexte. Ils traitent des circonstances dans lesquelles les périodes de congé comptent aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération. En revanche, la clause 21.06, telle qu’elle a été appliquée dans le présent cas, concerne une période de congé de plus de trois mois, qui ne compte pas.

[63] Il n’y a rien d’automatique dans le traitement des congés non payés pris en vertu de la clause 19.19. Le contraire est peut-être vrai, car des ajustements manuels sont nécessaires pour calculer l’impact des congés sur les augmentations d’échelons de rémunération.

[64] L’employeur a noté qu’à l’époque, la fonctionnaire n’a pas contesté l’interprétation de l’application des augmentations d’échelons de rémunération dans la lettre de Mme Pombert du 20 mars 2015.

[65] L’employeur a soutenu que les décisions invoquées par la fonctionnaire ne permettent pas de conclure que les employés ont droit à des augmentations d’échelons de rémunération même s’ils manquent du temps. Dans les circonstances abordées dans ces décisions, il n’était pas contesté que les congés pris comptaient aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération. En ce qui concerne United Nurses et Ottawa-Carleton, aucune des deux décisions ne porte sur le congé.

[66] L’employeur a soutenu que l’application de la clause 21.06 exige que la date d’augmentation d’échelon de la fonctionnaire soit prolongée de la totalité des six mois de congé non payé, et non seulement de trois mois, comme elle l’a fait valoir à titre subsidiaire. La clause 21.06 doit être lue dans le contexte de la convention collective dans son ensemble. Les mots « un tel congé » à la clause 21.06 apparaissent ailleurs dans la convention collective et renvoient aux périodes de congé dans leur intégralité.

[67] Brown et Beatty indique que lorsque les mêmes mots sont utilisés plus d’une fois, ils sont présumés avoir le même sens (voir le paragraphe 4:2120).

[68] L’employeur a cité la clause 19.11b) (Congé non payé pour les obligations personnelles) comme une autre disposition qui traite des périodes de congé de plus de trois mois. La clause 19.11e) fait référence au congé pris en vertu de la clause 19.11b) et exige qu’il ne soit pas compté aux fins de l’augmentation de la rémunération.

C. Réfutation de la fonctionnaire s’estimant lésée

[69] L’employeur a fait valoir que la phrase d’introduction de la clause 21.06, « [s]auf disposition contraire dans la présente convention », signifie seulement qu’elle s’applique à certaines parties de la convention collective, mais pas à toutes. La fonctionnaire a soutenu que les remarques concernant la rémunération font partie de la « présente convention » et qu’elles peuvent donc être incluses dans l’introduction d’exclusion de la clause 21.06. Les parties auraient pu prévoir le traitement exceptionnel du congé non payé dans les remarques concernant la rémunération, mais elles ne l’ont pas fait.

[70] La signification donnée à la clause 21.06, qui est restée statique, dépend du libellé des remarques concernant la rémunération, qui a changé au fil du temps et pourrait changer encore. Si tel est le cas, la clause 21.06 pourrait s’appliquer différemment. Par exemple, les parties pourraient convenir d’un libellé facultatif plutôt qu’obligatoire dans les remarques concernant la rémunération, ce qui entraînerait une application différente de la clause 21.06.

[71] La fonctionnaire a contesté l’argument de l’employeur selon lequel les décisions qu’elle a invoquées à l’appui de la nature « quasi-automatique » des augmentations d’échelon de rémunération ne concernent pas des différends relatifs au congé comptant pour les augmentations d’échelon de rémunération. Certes, AJJ 2012 porte sur le droit à la rémunération au rendement pendant le congé de maternité et le congé parental, mais il traite, dans une remarque incidente, de la nature quasi-automatique des augmentations d’échelon. Le but du cas est de déterminer si une employée ou un employé a droit à une augmentation d’échelon de rémunération pendant son congé de maternité et son congé parental malgré le fait que son rendement n’a pas pu être évalué pendant la période de congé. Dans l’un des griefs de principe examinés dans IPFPC 2019, la question est de savoir si les augmentations d’échelons de rémunération prévues par la convention collective peuvent être retenues par les dispositions d’une directive sur la gestion du rendement. Pour répondre à cette question, la Commission a dû évaluer le caractère quasi-automatique des augmentations d’échelons de rémunération.

[72] L’observation de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire n’a pas contesté l’interprétation de l’application des augmentations d’échelons de rémunération dans la lettre de Mme Pombert du 20 mars 2015 n’est pas pertinente. Tant que son grief était opportun, rien ne peut être déduit de son absence de réaction à la lettre. De plus, s’agissant d’un grief portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective, c’est la position de l’agent négociateur, plutôt que le point de vue de la fonctionnaire, qui est pertinente.

[73] Quant au fait que le libellé de la clause 21.06 est commun à l’ensemble de la fonction publique, la fonctionnaire a noté que Mme Bigras a admis que les remarques concernant la rémunération de la convention collective diffèrent de celles des autres conventions collectives.

[74] Après la réponse de la fonctionnaire, l’employeur a demandé une brève occasion de présenter d’autres arguments sur les dispositions d’autres conventions collectives particulières, comme celle du groupe Services des programmes et de l’administration (PA). J’ai fait remarquer que j’avais compris que le témoignage de Mme Bigras indiquait que le libellé de la clause 21.06 figurait dans toutes les conventions collectives et qu’il avait toujours été appliqué de la manière décrite par Mme Bigras. À mon avis, des exemples précis tirés d’autres conventions collectives ou le texte intégral d’une convention telle que celle citée dans le Guide de l’administration de la paye (voir le paragraphe 18 de la présente décision) n’apporteraient pas d’aide supplémentaire. Sur cette base, j’ai clôturé l’étape de l’argumentation de l’audience.

V. Motifs

[75] Il incombait à la fonctionnaire de prouver une violation de la convention collective, selon la prépondérance des probabilités.

[76] Dans son grief déposé le 3 décembre 2015, la fonctionnaire allègue que le ministère a omis [traduction] « […] de tenir compte de la partie pertinente de [ses] trois premiers mois de congé non payé aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération par rapport à la période d’évaluation 2014-2015, conformément à la clause21.06 ». Elle donne suite à cette allégation en demandant, à titre de mesure corrective, que [traduction] « […] la partie applicable de [ses] trois premiers mois de congé non payé (c.-à-d. un jour) soit considérée aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération […] ». Ces deux éléments du grief semblent en contradiction avec l’argument principal qu’elle a avancé lors de l’audience selon lequel les six mois de son congé devraient être pris en compte aux fins de l’augmentation de salaire, mais ils sont conformes à la position qu’elle a défendue à titre subsidiaire. Toutefois, elle demande également que la date d’augmentation de son échelon de rémunération soit corrigée au 10 mai 2015 et que la date d’augmentation du 10 mai continue d’être reconnue à l’avenir. Cette demande semblerait plus conforme à son principal argument selon lequel la période complète de congé doit être prise en compte aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

[77] Devrais-je faire quelque chose de cette possible contradiction? Dans l’ensemble, j’ai décidé de ne pas tirer de conclusions défavorables. Le principal argument de la fonctionnaire, à savoir que les six mois de congé comptent aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération, peut au moins être lié au libellé du grief exigeant le maintien de la date d’augmentation d’échelon du 10 mai. Peut-être plus précisément, à l’audience, l’employeur n’a pas fait valoir qu’un élément quelconque du libellé du grief, ou de la façon dont il a été présenté dans la procédure interne de règlement des griefs, empêchait la fonctionnaire d’adopter, à l’arbitrage, la position selon laquelle les six mois de congé devaient compter aux fins de l’augmentation de la rémunération.

[78] La preuve devant la Commission est relativement succincte. Elle comprend l’énoncé conjoint des faits, un certain nombre de documents soumis conjointement par les parties (pièce JT-1, onglets A, D, M, N, O et P) et le témoignage oral de Mme Bigras.

[79] Les faits fondamentaux du cas révélés par la preuve sont incontestés. La fonctionnaire a pris un congé non payé en vertu de la clause 19.19 de la convention collective (« Autres congés payés ou non payés ») pour la période du 30 mars 2015 au 25 septembre 2015. Étant donné que la période de congé était supérieure à trois mois, l’employeur a modifié la date d’augmentation d’échelon de la fonctionnaire du 10 mai 2015 au 9 novembre 2015, en invoquant le pouvoir de la clause 21.06.

[80] Le témoignage de Mme Bigras fournit le contexte de l’action de l’employeur. Elle a souligné que l’application de la clause 21.06 au cas de la fonctionnaire était conforme à l’interprétation cohérente donnée aux dispositions analogues dans les conventions collectives de la fonction publique. Elle a expliqué comment elle aurait calculé la nouvelle date d’augmentation d’échelon ainsi que la méthode effectivement utilisée par Mme Pombert, administratrice de la rémunération au Ministère. Les deux méthodes ont donné le même résultat.

[81] Le témoignage de Mme Bigras apporte des éclaircissements utiles sur l’approche de l’employeur, mais, à mon avis, il ne permet pas de trancher l’affaire. Certes, le cas devant la Commission ne concerne pas les preuves testimoniales.

[82] Néanmoins, à la lumière du témoignage de Mme Bigras, je garde à l’esprit qu’une décision de la Commission approuvant l’interprétation des dispositions pertinentes de la convention collective par la fonctionnaire pourrait bien avoir des ramifications plus larges si la règle énoncée par la clause 21.06 est, en fait, une disposition typique de la convention collective, comme elle l’a soutenu. Cependant, je n’ai pas besoin de me prononcer sur le caractère typique de la clause 21.06. Même si je le faisais, rien ne permet de dire, en l’absence de jurisprudence à l’appui, qu’une approche cohérente adoptée dans le passé pour interpréter des clauses analogues dans d’autres conventions collectives prouve le bien-fondé de cette application. Il est toujours possible, même si c’est peu probable, qu’une approche cohérente ait été constamment erronée.

[83] La fonctionnaire m’a exhorté à imiter ce qu’elle a décrit comme étant l’accent principal mis par la jurisprudence de la Commission sur le texte d’une convention collective, par opposition à l’importance plus grande que d’autres arbitres externes auraient accordée au contexte. Comme elle l’a reconnu, le contexte influence néanmoins les décisions de la Commission. Mais je suis d’accord, dans les circonstances du présent cas, de me concentrer presque exclusivement sur le libellé explicite de la convention collective afin de déterminer si elle a été correctement interprétée et appliquée.

[84] Comme le soulignent des sources faisant autorité telles que Brown et Beatty, au paragraphe 4:2100, et comme le reconnaît la jurisprudence de la Commission, des canons d’interprétation tels que les suivants guident cette analyse : 1) les parties sont réputées vouloir dire ce qu’elles ont dit; 2) le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions expresses; 3) libellé de la convention collective doit être interprété selon son sens grammatical et ordinaire; 4) le libellé doit être interprété dans son contexte intégral, en conformité avec l’économie de la convention collective; 5) lorsque les mêmes mots réapparaissent, il faut leur donner la même interprétation.

[85] L’origine du différend devant la Commission est une différence fondamentale entre les parties quant à l’interprétation de l’interaction des dispositions suivantes :

[…]

21.06 Sauf disposition contraire dans la présente convention, lorsqu’un congé non payé est accordé à un juriste pour une période de plus de trois (3) mois, la période totale du congé accordé est déduite de la période d’« emploi continu » servant à calculer l’indemnité de départ et de la période de « service » servant à calculer les congés annuels; le temps consacré à un tel congé d’une durée de plus de trois (3) mois ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

[…]

Appendice « A »

[…]

Remarques concernant la rémunération

[…]

Régime de rémunération par échelons fixes pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B

(10) À compter du 10 mai 2013, l’augmentation d’échelon de rémunération pour les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B sera au taux suivant dans l’échelle de rémunération par échelons fixes qui est en vigueur le 10 mai 2013.

[…]

(13) La période d’augmentation de rémunération pour tous les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-2A et LA-2B est de 12 mois et de six (6) mois pour les juristes aux niveaux LA-1.

[…]

 

[86] Aucune des parties n’a prétendu que le libellé de l’une de ces dispositions était imprécis ou ambigu.

[87] Il n’y a aucun argument selon lequel un facteur de rendement pertinent à la remarque concernant la rémunération 11 (rapporté dans l’énoncé conjoint des faits) entre dans l’analyse requise dans le présent cas.

[88] La fonctionnaire a fait valoir que le libellé de la remarque concernant la rémunération 10 l’emporte effectivement sur la clause 21.06. En l’absence de tout libellé dans la remarque concernant la rémunération 10 qui exclut expressément les situations où un employé prend un congé non payé (quelle qu’en soit la durée), le passage à l’échelon supérieur de l’échelle de rémunération par échelons fixes est automatique. Aux termes de la remarque concernant la rémunération 13, une période d’augmentation d’échelon de rémunération de 12 mois est obligatoire pour un employé classé au groupe et au niveau LA-2A (c.-à-d. LP-2) de la fonctionnaire. Le caractère impératif du libellé des deux remarques concernant la rémunération, conjugué à l’absence de clauses d’exclusion dans la remarque concernant la rémunération 10, permet d’écarter l’application de la clause 21.06.

[89] L’employeur a soutenu que les remarques concernant la rémunération ne peuvent avoir préséance sur la clause 21.06 et que toutes les dispositions doivent plutôt être lues en conformité avec l’économie de la convention collective. Cette économie comprend, à la clause 21.06, une règle générale qui s’applique à toutes les périodes de congé non payé de plus de trois mois, sauf exception spécifique expresse. La forme de congé non payé pris par la fonctionnaire ne fait pas partie des exceptions.

[90] Les décisions citées dans la plaidoirie aident-elles à résoudre le différend interprétatif des parties?

[91] La décision AJJ 2012 ne le fait pas. Bien qu’elle contienne une remarque incidente selon laquelle une augmentation d’échelon est « quasi-automatique », cette observation se retrouve dans une discussion sur la différence entre un système de rémunération à échelons fixes et un système de rémunération comportant une progression dans l’échelle basée sur le rendement. L’objet de AJJ 2012 est l’application de la Politique sur l’administration de la rémunération au rendement prévue à l’appendice « B » de la convention collective du groupe LP pour les employés en congé de maternité ou en congé parental. Le grief alléguait que l’administration par l’employeur de la Politique sur l’administration de la rémunération au rendement dans certains ministères et organismes à l’égard de ces employés constituait une discrimination interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6).

[92] L’argument essentiel avancé par l’agent négociateur dans AJJ 2015 était que le fait de refuser une augmentation de la rémunération par échelon fixe à un employé ou à une employée après lui avoir attribué une cote « impossible à déterminer » en raison d’un congé de maternité ou d’un congé parental était une violation de la convention collective. La fonctionnaire a fait valoir que la seule restriction de la convention collective à l’admissibilité à une augmentation d’échelon fixe est lorsqu’un employé reçoit une évaluation de rendement « insatisfaisant » (remarque concernant la rémunération 11). Étant donné que AJJ 2015 évalue le traitement des employés dans le cadre du système de rémunération par échelons, elle a une pertinence générale, principalement en ce qu’elle confirme la nature « quasi-automatique » des augmentations d’échelons de rémunération. Toutefois, la tension spécifique résolue dans AJJ 2015 par la décision de la Commission en faveur de l’agent négociateur n’est pas pertinente. L’analyse oppose un régime d’évaluation du rendement en quatre catégories : (« supérieur », « entièrement satisfaisant », « insatisfaisant » et « impossible à déterminer ») et la remarque concernant la rémunération 11, qui ne porte que sur l’une des notes (« insatisfaisant »). La résolution de cette tension n’est pas utile dans le présent cas devant la Commission. Notamment, les motifs de la Commission dans AJJ 2015 ne traitent pas de l’interprétation de la clause 21.06 ou de son interaction avec les remarques concernant la rémunération.

[93] Le premier des deux griefs de principe examinés dans IPFPC 2019 contestait une disposition d’une directive qui retenait les augmentations d’échelon de rémunération en cas de mauvais rendement, car elle violait un certain nombre de conventions collectives entre l’agent négociateur et l’employeur. Dans sa décision accueillant le premier grief de principe, la Commission a conclu que l’employeur aurait pu négocier des restrictions sur les augmentations d’échelons de rémunération liées au rendement dans toutes les conventions collectives de l’IPFPC, mais qu’il ne l’a pas fait. Par conséquent, l’employeur ne pouvait pas imposer de restrictions par le biais d’une directive. Une fois de plus, rien dans IPFPC 2019 ne dépend de l’interprétation d’une clause analogue à la clause 21.06 de la convention collective; la décision ne porte pas non plus sur l’interaction entre ce type de disposition et l’application des remarques concernant la rémunération.

[94] La fonctionnaire a cité trois autres décisions d’anciennes commissions : Armstrong (de 1989), Broekaert (de 2005), et Klock (de 2009). Avec égards, j’estime qu’aucune d’entre elles n’a plus qu’une pertinence très passagère. En toute équité, elle n’a fait référence à chacune d’elles qu’à l’appui de points accessoires de l’argumentation, et non pour interpréter le libellé explicite de la clause 21.06 ou des remarques concernant la rémunération. La décision Armstrong concernait principalement la validité d’une démission et, accessoirement, le droit à une augmentation d’échelon de rémunération une fois que cette démission a été jugée non valable. La décision Broekaert a déterminé que l’octroi de rajustements salariaux pour des périodes pendant lesquelles les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des employés occasionnels ne relevait pas de la compétence de la Commission. La Commission a accepté la compétence pour examiner le calcul des augmentations d’échelons de rémunération une fois qu’ils sont devenus des employés en vertu de la convention collective, établissant qu’une période d’augmentation de 12 mois s’appliquait aux employés à temps partiel. Le point de départ de Klock était la décision de l’employeur de ne pas accéder à une demande de congé de retraite de cinq jours. Comme l’a fait remarquer la fonctionnaire, le paragraphe 23 de la décision écarte l’application de certains documents et décisions de l’employeur en tranchant l’affaire.

[95] La décision Ottawa-Carleton confirme le droit présumé à une augmentation d’échelon de rémunération, sous réserve seulement du pouvoir discrétionnaire de l’employeur de la refuser dans certaines circonstances. La décision United Nurses énonce le principe général selon lequel il faut un langage clair pour supprimer un avantage prévu par une convention collective. Les deux conclusions sont, à mon avis, incontestables.

[96] Je reviens au libellé explicite de la convention collective.

[97] La fonctionnaire a demandé et obtenu un congé de six mois en vertu de la clause 19.19b) de la convention collective, qui se lit comme suit :

19.19 Autres congés payés ou non payés

L’employeur peut, à sa discrétion, accorder :

[…]

b) un congé payé ou non payé à des fins autres que celles indiquées dans la présente convention […]

 

[98] Il n’est pas contesté que la clause 19.19b) était la disposition de congé appropriée dans les circonstances. Pour cette analyse, le point important est qu’il n’y a aucune référence dans la clause 19.19b) aux augmentations d’échelons de rémunération. Il n’est pas précisé que tout ou partie du congé est compté aux fins de l’augmentation de la rémunération ni, bien sûr, qu’il existe une distinction entre les périodes de congé de différentes durées, comme le prévoit la clause 21.06. Dans cette mesure, la clause 19.19b) doit être distinguée de plusieurs dispositions de la convention collective relatives aux congés non payés, auxquelles les premiers mots de la clause 21.06. — « Sauf disposition contraire » — s’appliquent. La clause 19.06 (« Congé parental non payé ») en est un exemple, et se lit en partie comme suit :

19.06 Congé parental non payé

a) Le juriste qui est ou sera effectivement chargé des soins et de la garde d’un nouveau-né (y compris le nouveau-né du conjoint de fait) a droit, sur demande, à un congé parental non payé pour une seule période ne dépassant pas trente-sept (37) semaines consécutives au cours des cinquante-deux (52) semaines qui commencent le jour de la naissance de l’enfant ou le jour où l’enfant lui est confié.

[…]

g) Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l’« emploi continu » aux fins de l’indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

 

[99] Le principal argument de la fonctionnaire repose en fait sur la proposition selon laquelle la remarque concernant la rémunération 10 aurait pu inclure un libellé explicite prévoyant un traitement exceptionnel du temps passé en congé non payé. Le fait qu’elle ne contienne pas un tel libellé, selon la fonctionnaire, indique que les parties voulaient qu’elle ait préséance sur la clause 21.06. (La fonctionnaire n’a pas fait valoir explicitement le même point en ce qui concerne la remarque concernant la rémunération 13, bien qu’il semble que la même logique pourrait s’appliquer.)

[100] La remarque concernant la rémunération 10, une fois de plus, se lit comme suit :

Régime de rémunération par échelons fixes pour les LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B

(10) À compter du 10 mai 2013, l’augmentation d’échelon de rémunération pour les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B sera au taux suivant dans l’échelle de rémunération par échelons fixes qui est en vigueur le 10 mai 2013.

 

[101] Le principal objectif de la remarque concernant la rémunération 10 est de faciliter l’application des nouvelles échelles salariales à échelon fixe pour les niveaux de classification LA-DEV, LA-1, LA-2A et LA-2B qui sont entrées en vigueur le 10 mai 2013, lors de la mise en œuvre de la deuxième convention collective négociée par les parties. La remarque concernant la rémunération 10 marque la rupture avec la règle précédente décrite dans la remarque concernant la rémunération 8 comme suit :

Mouvement salarial à l’intérieur de l’échelle

(8) Avant le 10 mai 2013, les mouvements salariaux à l’intérieur de l’échelle pour tous les juristes sauf LA-DEV seront régies [sic] par les régimes de rémunération au rendement applicables.

 

[102] La remarque concernant la rémunération 10 précise qu’à compter du 10 mai 2013, le droit à une augmentation d’échelon de rémunération pour le poste de la fonctionnaire au niveau de classification LA-2A (c.-à-d. LP-2) est « […] au taux suivant dans l’échelle de rémunération par échelons fixes […] », remplaçant la progression à l’intérieur de l’échelle par l’effet de la rémunération au rendement. (Comme il a été indiqué plus haut dans la présente décision, la remarque concernant la rémunération 11 exempte de ce droit l’employé dont le rendement est « insatisfaisant »). La remarque concernant la rémunération 10 ne dit rien au sujet des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération.

[103] La remarque concernant la rémunération 13 ajoute un libellé explicite définissant les cas où le droit à une augmentation d’échelon survient après le 10 mai 2013, comme suit : « (13) La période d’augmentation de rémunération pour tous les juristes aux niveaux LA-DEV, LA-2A et LA-2B est de 12 mois et de six (6) mois pour les juristes aux niveaux LA-1. »

[104] L’application de la remarque concernant la rémunération 13, conjointement avec la remarque concernant la rémunération 10, a permis de fixer au 10 mai 2014 la première augmentation d’échelon de rémunération de la fonctionnaire en vertu du nouveau système d’échelons fixes. Si elle n’était pas partie en congé non payé le 30 mars 2015, il est clair que sa prochaine augmentation d’échelon aurait été due le 10 mai 2015.

[105] À mon avis, ce que les remarques concernant la rémunération 10 et 13 ne disent pas peut être instructif. La remarque concernant la rémunération 10 ne comprend pas de phrase qualificative comme, « Malgré toute disposition contraire de la présente convention », qui indiquerait clairement l’intention des parties de faire échec à l’application de la clause 21.06. La remarque concernant la rémunération 13 n’utilise pas un descripteur tel que « consécutif » dans l’établissement d’une période d’augmentation d’échelon de rémunération de 12 mois. De plus, l’application conjointe du libellé des remarques concernant la rémunération 10 et 13 n’exclut pas la possibilité que la date d’augmentation d’échelon de rémunération d’un employé puisse changer, compte tenu, par exemple, de l’application d’autres règles d’administration de la rémunération importées dans la convention collective en vertu de la clause 15.01, qui se lit comme suit : « 15.01 Sous réserve des paragraphes 15.02 à 15.08 inclusivement, les conditions régissant l’application de la rémunération aux juristes ne sont pas modifiées par la présente convention. »

[106] La Directive (pièce JT-1, onglet N), que la fonctionnaire a qualifiée d’outil d’interprétation valide parce qu’elle est incorporée à la convention collective par la clause 15.01, contient un certain nombre de règles qui ont pour effet de modifier les dates d’augmentation d’échelon de rémunération lors, par exemple, d’une promotion ou d’une rétrogradation. La Directive comprend également la disposition suivante :

2.5.9 Augmentations d’échelon pendant une période de congé non payé

[…]

b. Lorsqu’une personne s’est vue accorder un congé non payé qui ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon, une augmentation d’échelon lui deviendra payable à la nouvelle date d’augmentation d’échelon calculée à compter de la dernière date à laquelle une augmentation lui est devenue payable moins la période de congé non payé.

 

[107] Je note que l’énoncé conjoint des faits des parties cite ce que je crois être des dispositions du Guide de l’administration de la paye qui renvoient à des articles du RCEFP dont le libellé est quelque peu différent, mais dont l’effet est le même. Cependant, la Directive (pièce JT-1, onglet N) indique explicitement qu’elle a remplacé le RCEFP à compter du 1er avril 2014. Ainsi, le libellé du RCEFP n’a aucune incidence sur cette analyse.

[108] Je trouve que la formulation « moins la période de congé non payé » à l’alinéa 2.5.9b) de la Directive est quelque peu maladroite. Néanmoins, il est clair, en vertu de cet article, qu’une période de congé non payé qui ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon modifie la date d’augmentation d’échelon de rémunération de l’employé.

[109] La fonctionnaire a soutenu que la Directive n’aide aucune des parties. Quant à l’alinéa 2.5.9b) de la Directive, je pourrais accepter ce point si la remarque concernant la rémunération 10 ou toute autre disposition de la convention collective indiquait explicitement que les dates d’augmentation d’échelon de rémunération ne changent pas lorsqu’un employé prend un congé non payé, mais ce n’est pas le cas. La remarque concernant la rémunération 10 ne dit pas que le 10 mai est immuable, mais seulement que les nouvelles échelles d’augmentation par échelons fixes sont entrées en vigueur le 10 mai 2013. La clause 21.06 n’utilise pas l’expression « nouvelle date d’augmentation d’échelon », mais la règle qu’elle établit a pour effet d’exiger une nouvelle date d’augmentation d’échelon de rémunération. En prévoyant que certaines périodes de congé non payé « […] ne comptent pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération », la clause 21.06 prévoit qu’une nouvelle date d’augmentation d’échelon sera déterminée conformément à l’article 2.5.9b) de la Directive.

[110] Tout cela me ramène une fois de plus à la proposition centrale de la fonctionnaire, à savoir que la remarque concernant la rémunération 10 a préséance sur la clause 21.06 et que, par conséquent, la période d’augmentation de 12 mois précisée dans la remarque concernant la rémunération 13 est « quasi-automatique » et s’applique sans exception, sauf dans le cas d’une cote de rendement « insatisfaisant » visée par la remarque concernant la rémunération 11.

[111] Contrairement à l’idée maîtresse de l’argument de la fonctionnaire, je n’ai pas trouvé dans la remarque concernant la rémunération 10 un libellé explicite qui me convaincrait que les parties avaient l’intention de l’appliquer malgré la clause 21.06. Je n’ai pas non plus trouvé de formulation explicite dans les remarques concernant la rémunération selon laquelle les 12 mois qui constituent la période d’augmentation doivent être consécutifs ou selon laquelle la date d’augmentation d’échelon de rémunération d’un employé ne peut pas changer. Tout compte fait, je crois donc que je dois interpréter la remarque concernant la rémunération 10 dans le contexte global de la convention collective et en harmonie avec son plan d’ensemble. Ce faisant, je crois que la remarque concernant la rémunération 10 peut être appliquée harmonieusement avec la clause 21.06, tout comme elle peut fonctionner harmonieusement avec d’autres dispositions relatives à l’administration de la rémunération dans la convention collective ou importées dans celle-ci par la clause 15.01. En termes simples, je n’accepte pas qu’il y ait une tension nécessaire entre la remarque concernant la rémunération 10 (ou la remarque concernant la rémunération 13) et la clause 21.06 exigeant que je préfère l’une à l’autre. Les deux dispositions jouissent d’un statut égal dans le cadre de la convention collective et doivent être considérées comme signifiant ce qu’elles disent. Les deux doivent être lues dans leur sens grammatical et ordinaire. Ce faisant, elles révèlent conjointement l’intention des parties.

[112] Les parties conviennent qu’une formulation expresse est nécessaire pour supprimer un avantage prévu par une convention collective, comme le montre clairement la jurisprudence de la Commission et des arbitres externes. Je suis d’accord avec l’employeur pour dire que la clause 21.06 a cet effet. En lisant la clause 21.06 dans son sens ordinaire et grammatical, je conclus que l’intention des parties est que la période d’augmentation d’échelon de rémunération et la date d’augmentation d’échelon de rémunération d’un employé changent, en appliquant la règle énoncée à la clause 21.06, c’est-à-dire que les périodes de congé non payé de plus de trois mois ne comptent pas.

[113] La fonctionnaire a soutenu qu’il existe une règle contre la redondance dans les dispositions des conventions collectives. Elle a allégué que l’interprétation par l’employeur de la clause 21.06 comme s’appliquant à toutes les formes de congé non payé rendait redondante, par exemple, la clause 19.11e) (Congé non payé pour les obligations personnelles), qui se lit comme suit :

19.11 Congé non payé pour les obligations

Un congé non payé est accordé pour les obligations personnelles selon les modalités suivantes :

[…]

e) Le congé non payé accordé en vertu de l’alinéa b) ci-dessus du présent paragraphe, est déduit du calcul de la durée de l’« emploi continu » aux fins de l’indemnité de départ et du « service » aux fins du congé annuel auxquels le juriste a droit. Le temps consacré à ce congé ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

 

[114] J’ai trouvé deux décisions récentes de la Commission qui mentionnent la règle contre la redondance. Dans Gresley-Jones c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2020 CRTESPF 65, au paragraphe 49, la Commission retient la proposition selon laquelle « on doit conférer à chaque mot un certain sens » comme la règle contre la redondance. Dans Fields c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2016 CRTEFP 78, au paragraphe 122, la Commission mentionne la règle contre la redondance dans le contexte suivant :

122. Comme il est indiqué dans Collective Agreement Arbitration in Canada, au chapitre 2, [traduction] « Interprétation de la convention collective », à la partie 2 [traduction] « Règles d’élaboration utilisées à titre d’aide à l’interprétation », à la section A, [traduction] « Termes auxquels il faut accorder leur sens ordinaire », et à la section D, [traduction] « Chaque terme doit avoir un sens : la règle pour éviter la redondance », l’expression « en quittant la fonction publique », qui suit le mot « sauf » à la clause 38.02h) de la convention collective du groupe TS, doivent non seulement se voir accorder un sens, puisqu’ils ne sont pas redondants, mais doivent aussi se voir accorder leur sens ordinaire […]

 

[115] En toute déférence, je ne vois pas comment l’argument de la fonctionnaire selon lequel la règle contre la redondance s’applique à l’interaction de la clause 21.06 et d’une clause telle que la clause 19.11e). Je ne trouve pas de conflit entre les deux dispositions et estime qu’elles peuvent toutes deux être interprétées harmonieusement, en donnant à tous les mots « un certain sens ». De même, elles traitent de l’exclusion du temps aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération, mais dans le cas de la clause 19.11e), la distinction permettant de compter les périodes de moins de trois mois n’est pas présente. Même si leur formulation était identique, je ne serais pas nécessairement convaincu que la répétition pose un problème de redondance.

[116] L’analyse qui précède m’amène à conclure que l’employeur n’a pas enfreint la convention collective lorsqu’il a modifié la date de l’augmentation d’échelon de rémunération de la fonctionnaire après son retour d’un congé non payé en vertu de la clause 21.06. La Commission reste donc saisie de l’argument subsidiaire de la fonctionnaire selon lequel l’employeur a néanmoins mal interprété la clause 21.06 en omettant de compter les trois premiers mois de son congé pour déterminer le moment où son augmentation d’échelon de rémunération était due.

[117] La fonctionnaire a fait valoir que la clause 21.06 comporte deux parties, séparées par un point-virgule (« ; »), qui doivent être appliquées séparément. La deuxième partie, après le point-virgule, limite l’exclusion du calcul des périodes d’augmentation d’échelon de rémunération aux périodes de plus de trois mois.

[118] La fonctionnaire n’a pas présenté de sources d’interprétation ou de grammaire à l’appui de la proposition selon laquelle le point-virgule a pour effet de séparer ce qui précède et ce qui suit en deux dispositions, chacune ayant une application indépendante. Ma recherche dans la jurisprudence fédérale à l’aide de la base de données CanLII a révélé plus de 30 cas dans lesquels l’utilisation du point-virgule a été discutée, dont beaucoup dans le domaine de la législation douanière. L’opinion la plus répandue est reflétée, par exemple, dans Wolseley Engineered Pipe Group c. Agence des services frontaliers du Canada, 2010 CanLII 15685 (CA TCCE) au paragraphe 32, qui semble appuyer le point de vue de la fonctionnaire en concluant que : « […] selon un principe reconnu […] un point-virgule indique un arrêt complet et que la disposition le précédant et la disposition le suivant ne sont pas liées ».

[119] La phrase qui suit le point-virgule à la clause 21.06 se lit comme suit : « […] le temps consacré à un tel congé d’une durée de plus de trois (3) mois ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération. »

[120] Si je considère la phrase indépendamment, je dois interpréter les mots « un tel congé d’une durée de plus de trois (3) mois » dans leur sens ordinaire et grammatical. Hormis l’obligation immédiate de comprendre qu’« un tel congé » doit être compris comme un « congé non payé » d’après le libellé qui précède le point-virgule — ce qui suggère que les deux articles ne sont pas, en fait, totalement indépendants — le sens ordinaire d’« une durée de plus de trois (3) mois » ne me semble pas controversé. Les parties n’utilisent pas, par exemple, des termes tels que [traduction] « temps consacré en sus de trois (3) mois », qui indiqueraient clairement leur intention d’exclure du calcul d’une période d’augmentation d’échelon de rémunération uniquement le temps au-delà de trois mois. C’est le calcul de la « période » de congé non payé qui détermine l’interprétation de la phrase. Si la période de congé non payé dépasse trois mois, cette période, quelle que soit sa durée, « n’est pas comptée aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération ».

[121] Je crois que le texte français confirme l’interprétation qui précède. Il est ainsi rédigé :

21.06 Sauf disposition contraire dans la présente convention, lorsqu’un congé non payé est accordé́ à un juriste pour une période de plus de trois (3) mois, la période totale du congé accordé est déduite de la période d’« emploi continu » servant à calculer l’indemnité de départ et de la période de « service » servant à calculer les congés annuels; le temps consacré à un tel congé d’une durée de plus de trois (3) mois ne compte pas aux fins de l’augmentation d’échelon de rémunération.

 

[122] Le mot clé, durée, désigne la durée totale de la période de congé. Si cette durée dépasse trois mois, l’exclusion de la période prend effet.

[123] Par conséquent, je ne vois aucun fondement permettant d’admettre l’argument subsidiaire de la fonctionnaire.

[124] Je souligne entre parenthèses que la version française de la clause 21.06 utilise à la fois le mot « période » et le mot « durée » pour le terme « period » utilisé dans la version anglaise. La version française contient donc une distinction que l’on ne retrouve pas dans le texte anglais. Cependant, je ne crois pas que cette différence a une incidence sur ma conclusion.

[125] En résumé, je conclus que l’employeur n’a pas enfreint la convention collective en prolongeant la période d’augmentation d’échelon de rémunération de la fonctionnaire de la période de six mois de son congé non payé en vertu de la clause 19.19b), de sorte que sa prochaine augmentation d’échelon était due le 9 novembre 2015.

[126] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[127] Le grief est rejeté.

Le 22 mars 2021.

Traduction de la CRTESPF.

Dan Butler,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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