Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé deux griefs à l’arbitrage devant la Commission dans lesquels elle contestait ses rapports d’évaluation du rendement de mi-exercice et de fin d’exercice 2014-2015 – elle a allégué que le processus d’évaluation du rendement constituait une mesure disciplinaire déguisée, qu’il avait été effectué de mauvaise foi et qu’il était de nature discriminatoire, allant ainsi à l’encontre de la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective et de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) – même si l’employeur a soulevé la question du manque de compétence en raison du dépôt tardif du premier grief de la fonctionnaire s'estimant lésée, cette dernière n’a pas demandé une prorogation du délai avant l’audience – la Commission a rejeté la demande parce que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas fait preuve de diligence raisonnable et n’a pas justifié le retard du dépôt de son grief par des raisons claires, logiques et convaincantes – la Commission a conclu qu’elle avait compétence sur le deuxième grief uniquement en ce qui concerne la question de discrimination – la Commission a déterminé qu’un problème de santé transitoire peut être considéré comme une incapacité s’il a pour effet d’handicaper une personne dans le contexte de l’exécution des tâches liées à son emploi – la Commission a conclu que les maladies dont la fonctionnaire s'estimant lésée était atteinte l’ont handicapée, dans la mesure où elle était incapable d’exercer les fonctions de son poste et, à ce titre, une mesure d’adaptation aurait dû être prise en ce qui avait trait aux attentes exigées de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée, lesquelles avaient été établies à l’origine en avril 2014 – la Commission a conclu que l’employeur avait enfreint la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective et a conclu qu’une discrimination avait eu lieu parce que l’employeur n’avait pas tenu compte de l’incapacité de la fonctionnaire s'estimant lésée et avait exigé qu’elle maintienne un niveau de productivité fondé sur son état de santé avant d’être handicapée – la Commission a ordonné que les rapports d’évaluation du rendement de mi-exercice et de fin d’exercice soient retirés du dossier personnel de la fonctionnaire s'estimant lésée et qu’à leur place, on verse au dossier une déclaration indiquant que leur annulation et leur suppression du dossier ont été ordonnées – la Commission a accordé à la fonctionnaire s'estimant lésée une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral en vertu de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP et une indemnité spéciale de 10 000 $ en vertu du paragraphe 53(3) – compte tenu du risque sérieux pour la protection de la vie privée de la fonctionnaire s'estimant lésée, la Commission a ordonné la mise sous scellés de ses documents médicaux.

Griefs accueillis en partie.

Contenu de la décision

Date: 20210401

Dossiers: 566-02-11534 et 11701

 

Référence: 2021 CRTESPF 35

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

RENATA SLIVINSKI

 

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉsOR

(Statistique Canada)

 

employeur

Répertorié

Slivinski c. Conseil du Trésor (Statistique Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Peter Engelmann et Erin Moores, avocats

Pour l’employeur : Zorica Guzina, avocate

 

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

du 12 au 14 février, les 9 et 10 mai, et du 29 au 31 octobre 2018, et du 6 au 9 mai 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Au moment des griefs, Renata Slivinski, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), travaillait pour le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») chez Statistique Canada (« StatCan »), comme gestionnaire de données pour sa division de la géographie, un poste classifié au groupe et au niveau EC-06. Lors de la tenue de l’audience, la fonctionnaire s’était jointe à Santé Canada (SC), à un poste classifié au groupe et au niveau EC-07.

[2] À l’époque pertinente, les conditions d’emploi de la fonctionnaire étaient partiellement régies par une convention collective conclue entre le CT et l’Association canadienne des employés professionnels (l’« ACEP » ou l’« agent négociateur ») pour le groupe Économique et services de sciences sociales, qui a été signée le 15 octobre 2012 et qui a expiré le 21 juin 2014 (la « convention collective »).

[3] Le 7 novembre 2014, la fonctionnaire a contesté comme suit son évaluation du rendement de mi-exercice (l’« ER de mi-exercice ») pour 2014-2015 :

[Traduction]

Énoncé du grief :

[]

Par les présentes, je conteste mon Rapport d’évaluation du rendement de 2014-2015, à l’égard duquel ma superviseure a mentionné que mon incapacité de rester sur la bonne voie en vue d’atteindre mes objectifs était attribuable à un congé de maladie certifié. Les observations de mon employeur concernant mon Rapport d’évaluation du rendement sont fondées sur mon absence du travail, en raison d’une maladie liée à une incapacité, ce que j’estime être de nature discriminatoire et en violation de l’article 16.01 de ma convention collective et des articles correspondants de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Je considère aussi que mon Rapport d’évaluation du rendement de 2014-2015 est une mesure disciplinaire déguisée, un leurre, qu’il est de mauvaise foi, et qu’il va à l’encontre du devoir de l’employeur d’évaluer équitablement mon rendement.

Mesure corrective demandée :

Je demande que mon rapport d’ER pour 2014-2015 soit annulé, et qu’à l’avenir, mon employeur cesse de formuler des observations discriminatoires à mon égard. Que toutes les versions antérieures du document, indépendamment du format, soient retirées du dossier de l’employeur, et qu’elles ne soient pas utilisées dans le cadre d’un processus administratif ou disciplinaire à l’avenir.

Je demande aussi une indemnité de 20 000 $ pour préjudice moral, en vertu de l’alinéa 53(2)e), et une indemnité spéciale de 20 000 $ en vertu du paragraphe 53(4) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[4] Le 17 avril 2015, la fonctionnaire a contesté comme suit son évaluation du rendement de fin d’exercice (l’« ER de fin d’exercice ») pour 2014-2015 :

[Traduction]

Énoncé du grief :

[…]

Par les présentes, je conteste mon Rapport final d’évaluation du rendement de 2014-2015, car j’estime que le processus d’évaluation du rendement constitue une mesure disciplinaire déguisée, des représailles de la part de la direction, un leurre, qu’il a été effectué de mauvaise foi, qu’il est arbitraire et de nature discriminatoire, et qu’il va à l’encontre du devoir de l’employeur d’évaluer équitablement mon rendement.

Mesure corrective demandée :

Je demande que mon Rapport final d’ER pour 2014-2015 soit annulé, et que toute décision d’ordre administratif ou disciplinaire en découlant, y compris, mais non de façon limitative, le plan d’action subséquent, soit considérée comme nulle et non avenue.

Je me réserve le droit de présenter des mesures correctives supplémentaires tout au long de la procédure de règlement des griefs.

[…]

 

[5] Le grief concernant l’ER de mi-exercice allait devenir le dossier 566-02-11534 de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (« Commission »), et celui concernant l’ER de fin d’exercice allait devenir le dossier 566-02-11701 de la Commission.

[6] L’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre le grief présenté dans le dossier 566-02-11534, au motif qu’il a été déposé hors délai. L’employeur a rejeté ce grief aux premier, deuxième et troisième paliers de la procédure de règlement des griefs, en affirmant que le grief avait été présenté hors délai au premier palier. Au troisième palier, en plus d’être d’avis que le grief avait été présenté hors délai au premier palier, l’employeur a aussi été d’avis que le grief avait été présenté hors délai au troisième palier. L’employeur a aussi soulevé une objection sur ce fondement lorsque le grief a été renvoyé à l’arbitrage.

[7] La fonctionnaire n’a pas demandé de prorogation de délai en vertu de l’article 61 du Règlement avant le début de l’audience.

[8] Les deux griefs comprenaient une allégation de mesure disciplinaire déguisée, et au début de l’audience ainsi que dans son exposé introductif, l’avocat de la fonctionnaire a soutenu que les actes de l’employeur, en ce qui avait trait aux ER de mi‑exercice et de fin d’exercice, constituaient une mesure disciplinaire déguisée. À la fin de l’audience, lorsqu’il a présenté ses arguments, tout en soutenant que les actes de l’employeur constituaient une mesure disciplinaire déguisée, l’avocat a reconnu que cela ne relevait pas de la compétence de la Commission.

[9] Le 23 février 2015, la fonctionnaire a été affectée à Transport Canada (TC). Cette affectation devait durer moins d’un an et prendre fin le 19 février 2016. Cependant, après que l’affectation eut pris fin, la fonctionnaire n’est pas retournée à StatCan, mais elle est restée à TC jusqu’en juillet 2016, date à laquelle elle s’est jointe à SC. Depuis lors, la fonctionnaire a obtenu son poste EC-07 d’une durée indéterminée à SC.

II. Résumé de la preuve

A. La convention collective

[10] L’article 16 de la convention collective s’intitule « Élimination de la discrimination », et la clause 16.01 indique ce qui suit :

16.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire d’exercée ou d’appliquée à l’égard d’un fonctionnaire du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale et physique, son adhésion au syndicat ou son activité dans celui-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle le fonctionnaire a été gracié.

 

[11] L’article 40 de la convention collective s’intitule « Procédure de règlement des griefs », et ses clauses pertinentes à la présente affaire indiquent ce qui suit :

[…]

40.12 Au premier (1er) palier de la procédure, le fonctionnaire peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 40.07, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

40.13 Le fonctionnaire peut présenter un grief à chacun des paliers suivants de la procédure de règlement des griefs :

a) si le fonctionnaire est insatisfait de la décision ou de l’offre de règlement, dans les dix (10) jours suivant la communication par écrit de cette décision ou offre de règlement par l’Employeur au fonctionnaire

ou

b) si l’Employeur ne lui communique pas une décision dans le délai prescrit au paragraphe 40.14, dans les vingt (20) jours suivant celui où il a présenté le grief au palier précédent et dans les vingt‑cinq (25) jours suivant celui où le grief a été présenté au dernier palier.

40.14 L’Employeur répond normalement au grief d’un fonctionnaire, à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs sauf au dernier, dans les dix (10) jours qui suivent la date de présentation du grief audit palier, et dans les vingt (20) jours lorsque le grief est présenté au dernier palier.

40.15 Lorsque l’Association représente le fonctionnaire dans la présentation de son grief, l’Employeur, à chaque palier de la procédure de règlement des griefs, communique [sic] remet en même temps une copie de sa décision au représentant compétent de l’Association et au fonctionnaire.

40.16 La décision rendue par l’Employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs est définitive et exécutoire pour le fonctionnaire, à moins qu’il ne s’agisse d’un type de grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage.

[…]

40.20 Le fonctionnaire qui néglige de présenter son grief au palier suivant dans les délais prescrits est réputé avoir renoncé à son grief, à moins qu’il ne puisse invoquer des circonstances indépendantes de sa volonté qui l’ont empêché de respecter les délais prescrits.

[…]

40.22 Renvoi à l’arbitrage

(1) Le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage, conformément aux dispositions de la Loi et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique, un grief individuel qui a été présenté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, y compris le dernier, et qui n’a pas été réglé à sa satisfaction si le grief porte sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son égard, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) une mesure disciplinaire entraînant un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire […]

[…]

 

B. La procédure de règlement des griefs

[12] Le grief concernant l’ER de mi-exercice (dossier 566-02-11534) a été présenté au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 7 novembre 2014. La fonctionnaire l’a signé le même jour. La formule de transmission du grief renferme une espace où le représentant de l’agent négociateur peut apposer sa signature, afin de signifier l’approbation de l’agent négociateur à l’égard de la présentation d’un grief portant sur une violation alléguée de la convention collective. La signature du représentant de l’agent négociateur y apparaît en date du 6 octobre 2014.

[13] L’audience du grief au premier palier a été tenue le 9 décembre 2014, et la réponse de l’employeur a été présentée le 14 janvier 2015. Le grief a été renvoyé au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, et une audience y a été tenue le 24 avril 2015. La réponse au deuxième palier a été présentée le 8 mai 2015. Le grief a été renvoyé au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 10 juillet 2015, et une audience y a été tenue le 13 juillet 2015. La réponse au dernier palier a été présentée le 20 août 2015, et le 23 septembre 2015, la fonctionnaire a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (« CRTEFP »), telle que la Commission était nommée à l’époque, pour arbitrage.

[14] Le jeudi 2 octobre 2015, à 9 h 47, le greffe de la CRTEFP a écrit aux parties, afin d’accuser réception du renvoi du grief à l’arbitrage. Le jeudi 30 octobre 2015, l’employeur a écrit à la CRTEFP, afin de s’opposer à sa compétence d’entendre le grief, au motif qu’il était hors délai. L’objection de l’employeur qui est énoncée dans le grief n’a pas été déposée initialement, ni transmise du deuxième au troisième palier dans les délais prescrits selon la convention collective.

[15] Aucun représentant de l’agent négociateur n’a témoigné.

C. Le poste de la fonctionnaire s’estimant lésée, son milieu de travail et les ER

1. Contexte

[16] La période au cours de laquelle la fonctionnaire a fait l’objet d’une supervision et d’une évaluation aux fins des ER de mi-exercice et de fin d’exercice allait du 1er avril 2014 au 22 février 2015 (la « période en cause »). Au cours de cette période, sa superviseure immédiate était Shelley Zimmerman.

[17] La fonctionnaire travaillait de jour, du lundi au vendredi, selon un horaire de 37,5 heures par semaine et de 7,5 heures par jour, qu’elle pouvait effectuer entre 7 h et 18 h. La fonctionnaire a affirmé qu’elle travaillait suivant un horaire comprimé et flexible. Son horaire comprimé était de 8,5 heures par jour, ce qui lui permettait de prendre un jour de congé environ une fois toutes les deux semaines. Dans le secteur public, cela est familièrement connu sous le nom de semaine de travail comprimée, le jour de congé étant désigné sous le nom de jour d’horaire comprimé. La fonctionnaire a affirmé que son horaire flexible lui permettait d’ajuster ses heures en fonction de ses problèmes familiaux, et que souvent, elle travaillait le soir ou la fin de semaine afin de s’assurer de reprendre le temps perdu.

[18] Au cours de la période en cause, la division de la géographie était partagée en sections, dont l’une était la section de la collecte des données du recensement (SCDR), sous la direction d’une responsable, Mme Zimmerman, qui occupait un poste au groupe et au niveau EC-07. Mme Zimmerman a témoigné qu’elle était entrée en fonction comme responsable de la SCDR en 2009 ou 2010, ou autour de cela. Tout comme la fonctionnaire, Mme Zimmerman faisait partie de l’unité de négociation. Le travail effectué par la SCDR a été qualifié de travail préparatoire crucial pour le recensement de 2016, auquel s’appliquaient souvent des délais très stricts.

[19] Mme Zimmerman avait sous sa direction trois fonctionnaires occupant des postes EC-06, qui dirigeaient trois unités différentes. La fonctionnaire était responsable de l’unité des données. Les deux autres sections étaient celles de la cartographie et du géocodage. Au cours de cette période, trois fonctionnaires ont relevé de la fonctionnaire par intermittence, Patrick Jordon, Anthony Bremner et Dan Brown.

[20] Un résumé chromocodé des congés que la fonctionnaire avait pris chaque mois de l’exercice 2014-2015, y compris les vacances, les congés de maladie, les congés pour raisons familiales et d’autres congés, ainsi que ses jours d’horaire comprimé, a été déposé en preuve par l’employeur. Ce résumé indiquait, comme suit, les vacances et les congés de maladie que la fonctionnaire avait pris pendant la période en cause :

[Traduction]

 

Congés de maladie

 

Avril :

aucun

Mai :

1 heure le 27 mai;

Juin :

5,5 heures le 20 juin;

2 jours complets les 23 et 27 juin

Juillet :

3,5 heures le 8 juillet;

3 jours complets du 28 au 30 juillet;

Août :

aucun;

Septembre :

11 jours complets du 2 au 5, le 8, le 10 et du 15 au 19 septembre;

Octobre :

1 heure le 21 octobre et 5 jours complets le 14 et du 28 au 31 octobre;

Novembre :

aucun;

Décembre :

1 jour complet le 11 décembre;

Janvier :

aucun;

Février :

aucun;

 

*****************************

Vacances

 

Avril :

le 3 avril;

Mai :

aucune;

Juin :

aucune;

Juillet :

aucune;

Août :

9 jours, du 5 au 8 et du 25 au 29 août;

Septembre :

aucune;

Octobre :

2 jours, les 23 et 24 octobre;

Novembre :

aucune;

Décembre :

aucune;

Janvier :

12 jours, le 2, les 8 et 9, et du 19 au 29 janvier;

Février :

aucune

 

[21] Une copie du dossier électronique des congés de la fonctionnaire pendant la période en cause a aussi été versée en preuve. Bien que le dossier et le résumé chromocodé présentent des disparités, celles‑ci sont mineures et elles n’ont aucune incidence sur les conclusions ou la décision.

2. Avant avril 2014

[22] De mai 2012 à mai 2013, la fonctionnaire était en congé de maternité pour la deuxième fois. Elle a témoigné qu’avant de prendre ce congé, elle travaillait auprès du groupe de Mme Zimmerman (qu’elle a qualifié de cliente), mais qu’elle ne relevait pas de celle‑ci; elle relevait d’un autre superviseur, Glen Hohlmann. La fonctionnaire a dit que sa relation de travail avec lui était bonne. M. Hohlmann, à son tour, relevait de Joe Kresovic.

[23] Lorsque la fonctionnaire a été questionnée au sujet de sa relation de travail avec Mme Zimmerman au cours de cette période, elle a évoqué plusieurs problèmes indiquant que, selon elle, la relation était tendue et dysfonctionnelle. Elle a parlé d’un courriel que Mme Zimmerman avait envoyé, qui était, à son dire, inapproprié. Elle a déclaré que M. Kresovic avait été mis au courant de cette situation, et qu’il leur avait dit, à Mme Zimmerman et à elle, de s’attaquer à leurs problèmes de communication.

[24] La fonctionnaire a dit qu’en 2011, elle avait demandé de ne pas travailler avec Mme Zimmerman. Elle a affirmé qu’elle n’arrivait pas à dormir et que leur relation était difficile. Un courriel que la fonctionnaire avait envoyé à M. Hohlmann le samedi 8 janvier 2011, à 4 h 01, au sujet d’une rencontre qui avait eu lieu la veille et que la fonctionnaire a qualifiée d’échange déplaisant avec Mme Zimmerman, a été déposé en preuve. Les deux derniers paragraphes du courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

De plus, je suis au bout du rouleau. Je dois quitter le projet. Travailler dans un milieu aussi hostile m’a tenue réveillée depuis 1 h du matin. Cela m’affecte.

Je suis désolée d’insister. Je n’ai tout simplement jamais travaillé avec une personne comme elle, et je ne veux plus jamais avoir à le faire.

[…]

 

[25] En contre-interrogatoire, on a montré le courriel à Mme Zimmerman. Elle a déclaré qu’elle ne l’avait pas vu.

[26] La fonctionnaire a témoigné que pendant son congé de maternité, au printemps 2013, elle s’était entretenue avec M. Hohlmann, qui lui avait dit qu’elle relèverait de Mme Zimmerman à son retour au travail. La fonctionnaire a affirmé qu’elle avait été amenée à croire que Mme Zimmerman souhaitait qu’elle fasse partie de cette équipe, alors que la fonctionnaire avait dit à M. Hohlmann qu’elle souhaitait travailler pour lui. À son retour au travail, la fonctionnaire a commencé à relever de Mme Zimmerman, qui, à son tour, relevait de Elaine Castonguay.

[27] Une copie d’un échange de courriels en date des 16 et 17 septembre 2013 entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman, qui traitait des vacances excédentaires, a été déposée en preuve. À ce moment‑là, la fonctionnaire avait reporté 41 jours; sa limite était de 35. Celle‑ci a déclaré qu’elle souhaitait conserver les jours en question, parce que l’un de ses enfants avait un problème de santé chronique, et qu’elle voulait disposer de ces jours au cas où l’enfant tomberait malade. Elle a affirmé que cela ne posait aucun problème pour Mme Zimmerman. Elle n’a pas précisé la nature du problème de santé. Cependant, dans un document déposé en preuve, ce problème était précisé suffisamment pour me faire comprendre qu’il surgirait de temps à autre, inopinément.

[28] Un échange de courriels entre la fonctionnaire et quelques‑uns de ses collègues, du 20 au 22 novembre 2013, au sujet d’une rencontre lors de laquelle la fonctionnaire avait qualifié d’agressive la conduite de Mme Zimmerman envers une autre personne à ce moment‑là, a été déposé en preuve. Cet incident avait mis la fonctionnaire très mal à l’aise.

[29] Un échange de courriels entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman en date des 27 et 28 janvier 2014, qui semble être le catalyseur de la désintégration de ce que l’on ne peut qualifier que de calme avant la tempête qu’a été leur relation, a été déposé en preuve. Après avoir passé en revue l’échange de courriels, la fonctionnaire a déclaré qu’à ce moment‑là, elle avait demandé une affectation à l’extérieur de l’unité. À StatCan, les affectations étaient désignées sous le nom d’[traduction] « affectations à un ministère » (AM). Les parties pertinentes de l’échange de courriels sont les suivantes :

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire; le 27 janvier, à 15 h 20 :]

[Traduction]

[…]

Je vous prierais d’ajuster votre horaire de congé de façon à tenir compte des jours où vous étiez absente. Je pense que vous avez peut-être oublié un jour de congé. Dans la mesure du possible, je vous prierais d’indiquer à l’avance et le matin de votre retour vos congés de maladie ou pour des raisons familiales.

Par ailleurs, j’aimerais que la journée de travail de tout le monde devienne plus compatible avec les délais et m’assurer que l’horaire de gestion du temps le reflète. Comme nous entreprenons la période de grande affluence, il est très important que nous nous efforcions tous d’être réguliers, afin que les gens puissent communiquer avec nous au besoin. Votre horaire de travail actuel indique que vos heures de travail sont de 7 h à 15 h ou de 7 h à 16 h en fonction de votre horaire comprimé. Il y a une journée qui indique 7 h à 13 h 30. Chaque jour compte 30 minutes pour le dîner. Si vous n’êtes pas au travail pendant ces heures, je vous prierais de me le faire savoir afin que nous puissions planifier en conséquence. Je vous prierais d’afficher un horaire à votre porte afin que tout le monde connaisse vos heures de travail.

N’hésitez pas à venir me voir si vous avez des questions.

[…]

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman; le 28 janvier, à 8 h 30 :]

[Traduction]

[…]

Mes congés sont à jour. Mes vacances ont été consignées avant que je les prenne, du 8 au 10 janvier. Mon congé de maladie, je l’ai indiqué le 24 janvier, le jour de mon retour au travail. Vous l’avez approuvé hier, le 27 janvier. Et ce matin, j’ai soumis le congé d’hier. Je vais prendre congé vendredi.

Je vous ai mentionné oralement et par écrit que toutes les autres heures que j’ai manquées en janvier ont été travaillées la fin de semaine. Je serai plus qu’heureuse d’ajouter ces heures pour équilibrer le temps et d’indiquer le congé réel. Si vous n’étiez pas d’accord avec cela à ce moment‑là, il aurait été préférable de me le faire savoir avant de rattraper les heures.

J’afficherai mon horaire comme il est demandé. Si j’arrive en retard, je reste afin de m’assurer que les minutes sont prises en compte. Aujourd’hui, je suis entrée à 7 h 15 et je vais partir à 16 h 15.

Si je prends un dîner tardif, je reviens dans le délai prescrit. Presque tous les jours je ne prends pas de dîner.

Je n’ai pas de questions.

[…]

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire; le 28 janvier, à 11 h 03 :]

[Traduction]

[…]

 

Le 6 janvier, vous êtes restée à la maison auprès d’un membre de votre famille qui était malade. Cela doit être justifié dans le système.

[…]

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman; le 28 janvier, à 11 h 09 :]

[Traduction]

[…]

La période que j’ai travaillée en fin de semaine afin d’élaborer les arbres décisionnels, le pseudocode, l’enchaînement des opérations et la description de travail, vous aimeriez que je la saisisse aussi, je présume.

C’était afin de rattraper les heures pour cette journée-là, parce que je sais que nous avons des échéances qui ne changent pas.

Et à titre d’éclaircissement,

Notre dîner – nous avons 30 minutes pour dîner et nous avons la possibilité d’y ajouter nos deux pauses de 15 minutes, c’est bien cela?

[…]

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire; le 28 janvier, à 11 h 17 :]

[Traduction]

[…]

Nous devons avoir un compte rendu du temps précis. À mon avis, il n’y avait pas d’arrangement visant à échanger cette journée‑là contre une autre. S’il y en avait un, veuillez m’envoyer le courriel.

Je comprends qu’à l’automne vous faisiez du travail à la maison les fins de semaine, et que vous échangiez les jours de congé au besoin. À mesure que nous irons de l’avant, sauf sur autorisation, le travail doit être effectué sur place, pendant les heures de travail normales.

Comme toujours, je suis à votre disposition pour discuter.

[…]

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman; le 28 janvier, à 12 h 06 :]

[Traduction]

[…]

Comme le délai que vous aviez fixé pour achever le travail aux systèmes et la description de travail était fixé au lundi 20 janvier, je vous l’ai mentionné dans votre bureau, le vendredi 17 janvier. Je vous ai aussi transmis tout le travail le lundi 20 janvier, en indiquant que le travail avait été effectué pendant la fin de semaine.

Il s’agit des courriels concernant le travail après qu’une partie en a été effectuée la fin de semaine.

[…]

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire; le 28 janvier, à 12 h 09 :]

[Traduction]

[…]

Renata, si vous souhaitez discuter de votre compte rendu du temps avec moi‑même, Elaine ou Joe, je suis entièrement disposée à répondre à vos besoins.

[…]

 

[30] La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait trouvé une AM, que le poste lui avait été offert, qu’elle l’avait accepté, et que cela avait été approuvé. Cela se reflète dans un échange de courriels en date du 17 février 2014, avec Judy Lee, dont la fonctionnaire relevait pendant l’AM. Le courriel faisait allusion à une date de début fixée au 3 mars 2014; cependant, cette date n’a pas fonctionné. Lorsque la fonctionnaire a été questionnée à ce sujet et qu’on lui a montré un échange de courriels avec Mme Zimmerman en date du 27 février 2014, elle a répondu que [traduction] « le bavardage de couloir » n’apparaissait pas dans les documents. Elle a déclaré qu’il fallait que Mme Zimmerman et M. Kresovic acceptent l’AM. Elle a ajouté qu’on lui avait dit que la nouvelle date était fixée au 7 avril, ce qu’elle avait appris le 27 février dans un couloir, après quoi le courriel était arrivé. Elle a affirmé que selon l’explication qu’elle avait reçue, il y avait un volume de travail important à effectuer et elle ne pouvait pas partir avant que certaines tâches aient été achevées. Cependant, les courriels ne révèlent pas en quoi ces tâches consistaient exactement. Ils indiquent ce qui suit :

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman, à 10 h 24 :]

[Traduction]

J’ai décidé de poursuivre l’AM à la Direction des services exécutifs (DES). J’ai eu une bonne rencontre avec Judy et nous en sommes venues à une entente. Je pense que Judy communiquera avec vous pour fixer une date.

Je suis maintenant en congé, à mon examen de formation en français.

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire, à 12 h 06 :]

[Traduction]

Je suis heureuse que cela ait fonctionné.

Je vais suggérer le 7 avril comme date de début, mais Joe doit d’abord l’approuver.

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman, à 12 h 11 :]

[Traduction]

D’accord. Merci de me le faire savoir. Je vais laisser les autorités décider quand. Cela me va d’une façon ou d’une autre.

[…]

 

[31] En contre-interrogatoire, Mme Zimmerman a déclaré qu’elle avait consenti à la date du 3 mars 2014; cependant, M. Kresovic n’avait pas accepté et il n’a pas témoigné.

[32] L’AM auprès de l’unité de Mme Lee ne s’est jamais concrétisée. Il est ressorti de la preuve qu’à ce stade, le travail effectué par l’unité de Mme Zimmerman et, par conséquent, par la fonctionnaire et son équipe, était crucial. La fonctionnaire a témoigné que Mme Zimmerman et M. Kresovic lui avaient tous deux demandé de rester, et qu’elle était restée.

3. Du 1er avril au 30 septembre 2014

[33] Le 2 avril 2014, la fonctionnaire a reçu son ER pour l’exercice 2013-2014, qui visait la période du 20 mai 2013 au 31 mars 2014. Il s’agissait d’une formule standard qui avait été remplie. L’évaluation du rendement de la fonctionnaire était présentée à deux endroits, d’abord sur la première page de la formule, sous la rubrique [traduction] « Réalisations en 2013-2014, y compris les activités d’apprentissage », puis sur la troisième page, sous la rubrique [traduction] « Évaluation narrative du rendement de la fonctionnaire pour l’exercice 2013-2014 ».

[34] Pour l’exercice 2014-2015, la formule standard de l’ER avait été modifiée. Lorsque les fonctionnaires et leurs gestionnaires s’étaient rencontrés aux fins de l’ER de 2013-2014, en plus d’examiner le rendement de chaque fonctionnaire au cours de l’exercice précédent, le gestionnaire avait établi les objectifs de travail du fonctionnaire pour l’exercice 2014-2015. Dans le cas de la fonctionnaire, cela a été fait le 2 avril 2014 ou vers cette date. Les objectifs ont été énoncés sur la nouvelle formule standard, qui comptait cinq colonnes portant les titres suivants :

[Traduction]

  • « Priorités ministérielles ou Activités courantes de prestation de programmes ou opérationnelles »;
  • « Objectifs de travail du fonctionnaire »;
  • « Indicateur de rendement ou Norme »;
  • « Examen de mi‑exercice »;
  • « Résultats d’évaluation obtenus en fin d’exercice ».

 

[35] Les trois premières colonnes étaient remplies au début de l’exercice, tandis que la quatrième l’était au milieu de l’exercice, et la cinquième, à la fin de l’exercice. Selon Mme Zimmerman, chaque fonctionnaire recevait entre quatre et six objectifs. La formule indique qu’il devrait y en avoir six au maximum, mais il est recommandé d’en avoir trois; la formule de la fonctionnaire en contenait quatre. Mme Zimmerman et la fonctionnaire ont inscrit les objectifs de cette dernière et y ont apposé leur signature le 2 avril 2014.

[36] La partie réservée à l’évaluation de la nouvelle formule d’ER, qui devait être remplie à la mi‑exercice et en fin d’exercice, était également différente. Elle comprenait diverses cases correspondant aux objectifs qui avaient été établis au début de l’exercice. Il s’y ajoutait une autre case intitulée [traduction] « Examen de mi‑exercice », dans laquelle le gestionnaire devait cocher les quatre options suivantes pour indiquer la réalisation des objectifs de rendement du ou de la fonctionnaire :

[Traduction]

  • « En voie de répondre aux attentes »;
  • « Le rendement à ce jour montre la nécessité d’une amélioration »;
  • « L’objectif de travail n’est plus nécessaire »;
  • « S/O ».

 

[37] En résumé, la formule d’ER avait pour but de saisir très brièvement les objectifs et d’indiquer si le ou la fonctionnaire était sur la bonne voie, si des améliorations devaient être apportées, ou si l’objectif n’était plus nécessaire. De plus, il était possible d’ajouter un bref exposé dans des cases présentées à cet effet.

[38] Par voie de témoignages oraux et dans divers documents, j’ai reçu de nombreux éléments de preuve exposant en détail les tâches exécutées par la fonctionnaire et les personnes qui relevaient d’elle. Pour les motifs énoncés plus bas dans la présente décision, je n’ai pas à énumérer ces tâches en détail.

[39] Un courriel et une invitation à une réunion prévue par Mme Zimmerman le 10 juillet 2014, entre 15 h et 16 h, ont été déposés en preuve. La fonctionnaire, Christine Roy et deux autres personnes étaient invitées à cette réunion. Mme Castonguay était participante à titre facultatif. L’invitation indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Il y a deux semaines, il était signalé que le plan de développement de la GCCT était en jaune. J’ai été priée de définir un retour à un plan vert pour la semaine prochaine. Cette semaine, j’aimerais que nous nous réunissions en groupe et que nous examinions le calendrier de cette épopée. Vous êtes priés de présenter à la réunion toutes les dates et tous les renseignements pertinents.

 

[40] La fonctionnaire a témoigné que « GCCT » est l’acronyme de [traduction] « gestion des cas et de la charge de travail », et qu’il s’agit d’une application de mappage que Mme Roy a créée. Celle‑ci relevait de Jimmy Ruel, qui, à son tour, relevait de Mme Zimmerman. Le « jaune » est le code chromatique en fonction duquel un comité de surveillance effectuait le suivi de l’avancement des travaux; le vert indiquait un bon déroulement, le jaune indiquait un dérapage et une préoccupation, et le rouge signalait un problème.

[41] La fonctionnaire a témoigné qu’une partie du travail n’était pas seulement à l’état jaune et en dérapage, mais qu’en réalité, elle se trouvait à l’état rouge, et que Mme Zimmerman avait convoqué la réunion afin de remettre cette partie du travail sur la bonne voie. La fonctionnaire a témoigné qu’à compter de cette date, en juillet, elle et son équipe aidaient à achever le travail parce qu’il devait être produit pour la deuxième semaine d’août. Elle a affirmé que ce travail ne faisait pas partie de ses tâches habituelles, ni de ses objectifs; cependant, le retard dans ce travail aurait eu un effet sur le travail que son équipe exécutait et qu’il l’aurait éventuellement repoussé.

[42] La fonctionnaire a déclaré que vers cette période, elle avait le sentiment de s’épuiser.

[43] Au moment de l’audience, Stephen Budge était spécialisé en médecine familiale et exerçait sa pratique à Ottawa, en Ontario. Au cours des périodes pertinentes aux griefs, il était le médecin traitant de la fonctionnaire.

[44] Le Dr Budge a témoigné que, de façon générale, la fonctionnaire l’avait parfois consulté pour cause de stress. Cependant, il n’a pas donné de précisions à ce sujet pour la période qui avait précédé la période en cause. Il a témoigné que la fonctionnaire avait un taux faible de fer (une carence en fer) de façon chronique et qu’elle souffre d’asthme, pour lequel elle a une pompe.

[45] Les notes cliniques du Dr Budge pour la période du 2 mars 2014 au 5 février 2015 (les « notes cliniques ») ont été déposées en preuve. Il y a des saisies aux dates suivantes :

  • les 2 et 4 mars 2014;
  • le 5 avril 2014;
  • les 8 et 15 mai 2014;
  • les 24 et 29 juillet 2014;
  • le 27 août 2014;
  • le 16 septembre 2014;
  • les 2 et 10 octobre 2014;
  • le 2 décembre 2014;
  • le 27 janvier 2015;
  • le 5 février 2015.

 

[46] Une lettre du 8 février 2018, que le Dr Budge a adressée au conseiller juridique de la fonctionnaire (la « lettre du 8 février ») et qui résume les problèmes de santé de la fonctionnaire de mars 2014 à février 2015, a aussi été déposée en preuve. Cette lettre reflète ce qui est indiqué dans les notes cliniques.

[47] Le Dr Budge a témoigné qu’il avait vu la fonctionnaire en mars 2014, pour des problèmes abdominaux inquiétants et une toux persistante qui pouvait signaler une pneumonie. Des analyses ont été demandées à l’égard des problèmes abdominaux. Le Dr Budge n’a pas affirmé que la fonctionnaire était atteinte d’une pneumonie à ce moment‑là. Il l’a revue en avril pour la toux persistante, pour laquelle il a prescrit des antibiotiques. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait recommandé à la fonctionnaire de prendre un congé, il a répondu qu’il ne le croyait pas. Aucune note de lui ne recommandait que la fonctionnaire s’absente d’aller au travail.

[48] Le Dr Budge a déclaré qu’en mai 2014, la fonctionnaire était venue à son bureau afin d’examiner les résultats des analyses qui avaient été demandées en mars. Les résultats révélaient l’existence d’une lésion qui laissait soupçonner un cancer. Cette découverte a entraîné un appel afin d’obtenir une chirurgie ou un examen par IRM immédiat. On a procédé à cet examen le 27 mai 2014, et il a montré que la lésion était bénigne.

[49] Ultérieurement, le Dr Budge a vu la fonctionnaire à deux reprises en juillet 2014, d’abord le 24 juillet, lorsque celle‑ci lui a signalé qu’elle se sentait fatiguée depuis deux semaines. Le Dr Budge a affirmé que les analyses en laboratoire avaient révélé une réactivation d’une mononucléose et une carence en fer. Il n’a donné aucune précision au sujet de la période au cours de laquelle la fonctionnaire avait déjà été atteinte de mononucléose.

[50] Le Dr Budge a déclaré que la mononucléose occasionne de la fatigue et qu’elle dure habituellement deux ou trois mois, mais qu’elle pouvait faire perdre des années de travail à une personne. Il a affirmé que la carence en fer occasionne aussi de la fatigue. Il estimait aussi qu’à l’époque, la fonctionnaire était atteinte d’une pneumonie. Les effets de la pneumonie, de la mononucléose et de la carence en fer sont cumulatifs en ce qui concerne la fatigue. Le Dr Budge a affirmé que le traitement de la pneumonie consistait en un congé, et qu’il avait donc rédigé une note à cet effet, qui indiquait que la fonctionnaire devait prendre un congé de deux semaines, du 28 juillet au 8 août 2014.

[51] En contre-interrogatoire, on a montré au Dr Budge deux notes qu’il avait rédigées afin que la fonctionnaire puisse obtenir un congé. La première indiquait qu’elle devait prendre congé du 28 juillet au 1er août 2014 (la « première note du 28 juillet »), et la deuxième indiquait qu’elle devait prendre congé du 28 juillet au 8 août 2014 (la « deuxième note du 28 juillet »). Lorsque les notes lui ont été présentées, le Dr Budge a déclaré qu’il se pouvait que la fonctionnaire ne se fût pas bien rétablie et qu’il avait prolongé le congé prescrit dans la première note. Il a présumé qu’il avait remis la première note à la fonctionnaire et que, ultérieurement, il lui avait remis la deuxième. Il a affirmé que le congé avait pour but de permettre à la fonctionnaire de se rétablir. Lorsqu’on lui a demandé s’il s’attendait à ce que les patients suivent ses conseils, il a répondu qu’il l’espérait. Lorsqu’on lui a fait remarquer que leur rétablissement pouvait s’en trouver altéré s’ils ne les suivaient pas, il a rétorqué que cela était possible, et lorsqu’on lui a laissé entendre que le fait de ne pas suivre ses conseils risquait d’aggraver un rétablissement, le Dr Budge en a convenu aussi.

[52] Le Dr Budge a déclaré qu’il avait également prescrit des antibiotiques à la fonctionnaire pour traiter la pneumonie. Lorsqu’on lui a demandé si l’état était resté le même, s’il s’était amélioré ou s’il avait empiré, le Dr Budge a répondu que l’état était différent. Il a dit qu’il existe différentes souches de pneumonie, et qu’en raison du fait que la fonctionnaire était épuisée et que son système immunitaire était défaillant, il avait estimé que les deux semaines de congé lui permettraient de se remettre en forme. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait pris congé, il a répondu qu’il n’en était pas certain, mais qu’il le croyait. Il a aussi été demandé au Dr Budge si la fonctionnaire avait fait mention de son milieu de travail à ce moment‑là, ce à quoi il a répondu : [traduction] « Pas selon mes notes. »

[53] Le dimanche 27 juillet 2014, à 21 h 35, la fonctionnaire a envoyé des courriels à diverses personnes, y compris Mme Zimmerman. Elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Je suis très malade. Je ne peux même pas soulever ma tête de l’oreiller. Je ne me présenterai pas demain, ni mardi assurément. Merci. » Mme Zimmerman a répondu le lundi 28 juillet 2014, à 8 h 20, en disant ce qui suit : [traduction] « J’espère que vous vous porterez bientôt mieux. »

[54] Lorsqu’on a présenté à la fonctionnaire la première note du 28 juillet, elle a témoigné qu’elle était censée partir en vacances la fin de semaine suivante. Elle a affirmé qu’elle était alitée au cours de la semaine suivante. La question de savoir si elle avait demandé d’échanger ses crédits de vacances contre des crédits de congé de maladie lui a été posée. Elle a déclaré qu’elle était allée travailler le 31 juillet (et le 1er août) et qu’elle avait remis la note à Mme Zimmerman. Elle a affirmé que Mme Zimmerman la lui avait relancée, et qu’elle lui avait demandé ce qu’elle voulait qu’elle en fasse. La fonctionnaire a affirmé qu’à son retour au travail, le 11 août 2014, après sa semaine de vacances prévue, elle avait dit à Mme Zimmerman qu’elle voulait échanger ses vacances contre des congés de maladie, et que Mme Zimmerman avait répondu ceci : [traduction] « Vous voulez plus de congés! »

[55] Mme Zimmerman a confirmé qu’elle avait reçu la première note du 28 juillet. Lorsqu’on lui a demandé si la fonctionnaire avait demandé de prendre un congé de maladie plutôt que des vacances pendant la semaine du 5 au 8 août 2014, elle a répondu par la négative. Elle a déclaré qu’il existait pour ce faire un processus électronique qui n’avait pas été suivi. Elle a affirmé que si la fonctionnaire le lui avait demandé et si elle avait eu les crédits de congé de maladie nécessaires, elle aurait procédé ainsi, selon la pratique à StatCan. Elle aurait échangé les congés.

[56] Aucun élément de preuve n’indique que la fonctionnaire ait déposé un grief pour ne pas avoir été autorisée à échanger ses vacances contre un congé de maladie pour la semaine du 5 août 2014.

[57] Le courriel de la fonctionnaire à Mme Zimmerman du mardi 5 août 2014 a été déposé en preuve. Ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’ai passé presque toute la fin de semaine au lit. Ce n’était probablement pas une bonne idée d’arriver tôt la semaine dernière (à l’encontre des directives du médecin).

Je ne me sens pas bien aujourd’hui.

Je ne viens pas aujourd’hui et je devrai voir pour le reste de la semaine. Il se peut donc que je prenne mes vacances comme prévu.

[…]

 

[58] On a demandé à la fonctionnaire si elle présentait encore des symptômes. Elle a répondu qu’elle était visiblement malade; elle se sentait nauséeuse et elle pouvait difficilement faire une journée complète. Elle a témoigné que pendant tout le mois d’août 2014, elle était restée malade; elle avait quand même pris ses vacances pendant la semaine du 25 août 2014.

[59] En contre-interrogatoire, on a mentionné à Mme Zimmerman que la fonctionnaire était en congé de maladie pendant ses vacances au cours de la semaine du 5 août, et qu’elle était visiblement malade pendant la semaine du 11 août. Mme Zimmerman a déclaré qu’elle ne se souvenait pas que la fonctionnaire ait été malade pendant ses vacances au cours de la semaine du 5 août. Elle a déclaré se souvenir que la fonctionnaire toussait pendant la semaine du 11 août.

[60] Toujours en contre-interrogatoire, on a mentionné à Mme Zimmerman que la fonctionnaire lui avait parlé de son problème de thyroïde (faible taux de fer), de la biopsie, de la mononucléose et de la pneumonie. Mme Zimmerman a confirmé qu’elle avait eu connaissance d’une toux, d’un problème de peau et d’examens, bien qu’elle n’ait pas été informée de la raison des examens. Elle a nié catégoriquement avoir été avisée de la mononucléose.

[61] Le Dr Budge a déclaré qu’il avait revu la fonctionnaire le 27 août 2014, aux fins d’un suivi des analyses de sang, qui, a‑t‑il dit, révélaient une réactivation de la mononucléose. Il a affirmé que même si la fonctionnaire s’était rétablie de la pneumonie, elle était encore fatiguée, en raison de la mononucléose et de la carence en fer. Le Dr Budge a dit qu’il lui avait suggéré de prendre congé, parce qu’une personne qui travaille alors qu’elle est atteinte d’une mononucléose commet davantage d’erreurs; il a affirmé qu’il ne pourrait pas faire son travail s’il en était atteint. Lorsqu’on lui a demandé si la fonctionnaire avait indiqué qu’elle hésitait à prendre congé à ce moment‑là, il a dit qu’il ne se souvenait pas d’avoir discuté de cela avec elle.

[62] Pendant son interrogatoire principal, la fonctionnaire a identifié une note du 27 août 2014, signée par le Dr Budge (la « note du 27 août »), qui indiquait qu’elle ne pouvait pas travailler au cours de la période du 27 août au 20 septembre 2014. Lorsqu’elle a identifié la note, la fonctionnaire a dit qu’à ce moment‑là, elle avait dit au Dr Budge qu’elle était allée travailler en cachette. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait remis la note du 27 août à Mme Zimmerman, elle a répondu qu’elle l’avait fait, puis elle a ajouté que Mme Zimmerman lui avait dit de prendre tout le temps qu’il lui fallait. Le courriel de la fonctionnaire à Mme Zimmerman du 23 septembre 2014 a été déposé en preuve. La fonctionnaire y transmettait un balayage de la note du 27 août. À ce moment‑là, en raison de sa fatigue, le Dr Budge avait dirigé la fonctionnaire vers Isabelle Desjardins, qui pratiquait la médecine interne à l’hôpital d’Ottawa.

[63] À ce moment‑là, par ailleurs, un grain de beauté avait été découvert sur le pied de la fonctionnaire, et celle‑ci avait été dirigée vers un dermatologue afin d’être examinée. Des examens ont été effectués dans un délai d’un mois, et le résultat obtenu en septembre a révélé que c’était bénin. Lorsqu’il a été questionné au sujet de la procédure d’examen du grain de beauté, le Dr Budge a déclaré que la zone est gelée et que le grain de beauté est prélevé; le résultat de l’opération s’apparente à celui d’une mauvaise ampoule au pied, qui met environ une semaine à guérir.

[64] On a demandé au Dr Budge s’il avait vu des signes de stress chez la fonctionnaire à l’époque (août 2014), ce à quoi il a répondu ce qui suit : [traduction] « ce n’est pas vraiment un problème de santé mentale », mais il a déclaré qu’il s’agissait d’une fatigue épuisante. Il a aussi témoigné que la fonctionnaire avait subi une échographie en raison d’un problème de thyroïde, et, ultérieurement, une biopsie.

[65] Un échange de courriels entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman le lundi 8 septembre 2014 a été déposé en preuve. Ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman, à 9 h 16 :]

Je n’allais pas bien hier. Je vais voir si je peux venir demain.

Je serai assurément absente mercredi. J’ai trois séries d’examens, et un autre examen jeudi matin. Mon médecin m’a mise en congé jusqu’au 20, mais je vais essayer de retourner cette semaine. Je m’ennuie un peu. Toutefois, il se peut que je travaille à temps partiel seulement.

La semaine d’après, j’ai mes rendez-vous chez un spécialiste les 16 et 17. J’attends ces rendez-vous depuis des mois.

Je suis désolée. Je n’ai tout simplement pas d’énergie. Je ne peux pas encore rester debout toute la journée.

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire, à 13 h 33 :]

[Traduction]

Restez en bonne santé et revenez seulement quand vous estimerez être prête.

Tout va bien ici.

J’espère que vous allez mieux.

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman, à 14 h 09 :]

[Traduction]

Merci. Je déteste cela […] Je m’ennuie un peu à la maison, je me sens lasse, et certains jours, tout simplement si fatiguée que j’ai envie de pleurer.

Je suis stressée parce que je ne veux pas que ça déraille trop au travail et subir beaucoup de stress en revenant. Je pense que ce serait plus facile si je venais au moins certains jours cette semaine.

Je suis inquiète. Le médecin me fait passer beaucoup d’examens.

À demain.

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire, à 14 h 29 :]

[Traduction]

Nous allons bien ici. Prenez le temps qu’il vous faut pour vous rétablir.

 

[66] La fonctionnaire a vu la Dre Desjardins le 29 septembre 2014. La Dre Desjardins n’a pas témoigné. Cependant, elle a rédigé le jour même une note de consultation, qui a été envoyée au Dr Budge et a été déposée en preuve. Les notations pertinentes de cette note indiquent ce qui suit :

[Traduction]

HISTORIQUE DE LA PRÉSENTE MALADIE :

Mme Slivinski décrit une fatigue qui remonte à 2013. À l’époque, elle avait un nouveau‑né qui demeurait éveillé toute la nuit et elle pensait que sa fatigue était attribuable au manque de sommeil la nuit. Cependant, à partir de janvier, le bébé a fait ses nuits. Malgré cela, Mme Slivinski était fatiguée en permanence. À l’été, elle se réveillait fraîche et dispose, sans l’aide d’un réveil-matin, mais sa fatigue réapparaissait quelques heures plus tard. Ses symptômes se sont aggravés en juillet. À ce moment‑là, elle avait aussi mal à la gorge, elle toussait et elle avait probablement de la fièvre, ce que l’on soupçonnait correspondre à une infection des voies respiratoires supérieures, et il y avait tout lieu de croire à une pneumonie. Mme Slivinski a dû prendre congé parce qu’elle ne pouvait pas accomplir ses tâches quotidiennes. Au fil du temps, ses symptômes se sont un peu atténués (en comparaison de ce qu’ils étaient plus tôt cet été), mais Mme Slivinski n’est pas revenue à son niveau de fonctionnement de base.

[…]

IMPRESSION ET PLAN

Mme Slivinski est une femme [âge omis] qui a des antécédents de fatigue échelonnés sur une période de quelques mois. Elle a constaté une atténuation de ses symptômes au cours des dernières semaines, mais elle n’est pas encore revenue à son niveau de base. Je soupçonne que cela puisse être attribuable à de multiples facteurs. Assurément, Mme Slivinski manque de fer, ce qui est secondaire à sa ménorragie permanente, et elle doit rencontrer le Dr Tinmouth afin de voir si elle peut bénéficier d’une reprise du traitement à base de fer par voie intraveineuse […] Je vais l’orienter vers une étude du sommeil afin de régler une apnée du sommeil sous‑jacente.

[…]

Mme Slivinski fera un suivi auprès de son dermatologue en ce qui concerne les résultats de la biopsie de sa lésion cutanée, ainsi qu’avec vous pour ce qui est de la biopsie de la thyroïde.

[…]

En ce qui concerne la sérologie EBV IgG positive, il est difficile de dire si cela reflète ou non une infection récente. Comme Mme Slivinski se souvient d’avoir été atteinte d’une mononucléose à deux reprises au cours de sa vie, cela reflète probablement ses antécédents.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[67] Le Dr Budge a témoigné que la Dre Desjardins n’avait rien diagnostiqué d’autre que la carence en fer et la mononucléose. Lorsqu’on lui a demandé s’il savait si la fonctionnaire avait pris congé cette fois‑là, il a déclaré qu’il le croyait. Lorsque l’avocat de la fonctionnaire lui a demandé si elle avait mentionné quoi que ce soit au sujet du travail à ce moment‑là, il a déclaré que non selon son souvenir et selon la documentation.

[68] Il est ressorti de la preuve que la fonctionnaire et Mme Zimmerman se sont rencontrées le 30 septembre 2014, afin de discuter de l’ER de mi‑exercice de la fonctionnaire. Mme Zimmerman a affirmé qu’on procède à l’ER de mi-exercice seulement pour surveiller les progrès des fonctionnaires et les remettre sur la bonne voie, le cas échéant. Elle a déclaré que la fonctionnaire n’était pas en voie d’atteindre deux de ses objectifs. À deux endroits, Mme Zimmerman avait coché la case placée à côté de l’observation [traduction] « Le rendement à ce jour montre la nécessité d’une amélioration ». Dans la case apparaissant à la dernière page de l’ER de mi-exercice, où le gestionnaire peut formuler des observations, il est écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

De multiples raisons expliquent pourquoi Renata n’a pas pu demeurer en voie d’atteindre ses objectifs. En raison d’un congé de maladie certifié, Renata s’est absentée du bureau pendant une période prolongée au cours du présent exercice. En raison de cela, elle n’a pas pu atteindre pleinement ses objectifs. Les priorités en évolution du projet, notamment l’élaboration de la gestion des cas et de la charge de travail, ont détourné Renata des tâches qui lui sont assignées. Ce travail avait priorité sur les tâches assignées à Renata. Cela a influé sur la capacité de Renata à réaliser ses propres objectifs.

[…]

 

[69] Mme Zimmerman a déclaré qu’à la réunion du 30 septembre, elle avait demandé à la fonctionnaire si elle souhaitait que ses objectifs soient modifiés, ce que la fonctionnaire avait refusé, au dire de Mme Zimmerman. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait mentionné le congé de maladie de la fonctionnaire à la réunion, Mme Zimmerman a déclaré que non. Elle a déclaré qu’elle n’avait formulé aucune observation sur le cancer de la thyroïde, et qu’elles n’en avaient pas discuté non plus. La réunion concernait les objectifs de la fonctionnaire, quoique Mme Zimmerman ait reconnu qu’elles avaient peut‑être parlé de la santé de la fonctionnaire.

[70] En contre-interrogatoire, Mme Zimmerman a affirmé qu’en date de l’ER de mi‑exercice, la fonctionnaire s’était légèrement éloignée de ses objectifs, et qu’aucun obstacle ne l’empêchait de revenir en voie de les atteindre. Mme Zimmerman a déclaré qu’elle n’avait pas été avisée du fait que la fonctionnaire requérait un traitement par voies intraveineuses de temps à autre. Lorsqu’on lui a mentionné qu’elle savait que la fonctionnaire avait reçu un diagnostic de pneumonie, elle ne l’a pas nié, mais elle a déclaré qu’elle n’était pas sûre que ce fût la fonctionnaire ou une autre personne qui avait reçu un tel diagnostic. Mme Zimmerman ne pouvait pas non plus évoquer une chronologie.

[71] Pendant son interrogatoire principal et son contre‑interrogatoire, la fonctionnaire a déclaré qu’à la réunion du 30 septembre, Mme Zimmerman avait passé entre 8 et 10 minutes à parler de sa santé.

[72] Le 30 septembre 2014, à 13 h 26, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Zimmerman au sujet de son ER de mi‑exercice. Les parties pertinentes de ce courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme il en a été discuté, je ne me suis pas rendu compte que la gestion des cas et de la charge de travail, la révision de l’épopée, la création des spécifications du système, les scénarios d’essais et les tests n’étaient pas visés dans mon ER. De plus, les tests appliqués au géocodage de la GCCT ne sont pas visés dans mon ER et ils devraient l’être. Il s’agissait d’une tâche importante. Cela m’a occupé de mai à la mi‑août.

La demande de données ad hoc aux fins des essais, de la création de données d’essai et du contrôle de la qualité des données d’essai destinées au Système de contrôle principal (SCP) constituait une autre priorité qui a été lancée à plusieurs reprises au cours de cette période de six mois.

Je me suis absentée 17 jours en tout depuis mars. Je ne suis pas sûre que ce soit important, mais c’est tout ce que j’ai pris comme congé de maladie.

Je crains que l’incapacité des systèmes à fournir une sortie de données pour les divers systèmes qui nous permettrait d’achever l’analyse, l’incapacité des autres équipes du recensement à intégrer les améliorations et l’effort continu de l’équipe de données pour mettre à l’essai les composantes des services non spatiaux, ne soient pas détaillés adéquatement dans les observations.

Je conviens qu’il est possible qu’une partie du travail ait dérapé au cours des trois dernières semaines, mais le gros du travail effectué de mai à août portait sur la gestion des cas et de la charge de travail afin de les débloquer.

Nous pouvons discuter plus amplement si vous le souhaitez.

[…]

 

[73] Il est ressorti de la preuve que jusqu’à la réunion du 30 septembre, la fonctionnaire avait utilisé 17 jours de congé de maladie, et qu’elle avait été en congé de maladie en dépit du fait qu’elle avait utilisé des jours de vacances du 5 au 8 août et du 27 au 29 août.

[74] Il est aussi ressorti de la preuve que jusqu’à la réunion du 30 septembre, la fonctionnaire communiquait régulièrement par courriel avec Mme Zimmerman lorsqu’elle était malade, qu’elle ne pouvait pas se présenter au travail ou qu’elle allait passer des examens, ce qu’elle exprimait dans les courriels. Ces courriels contenaient aussi souvent de plus amples renseignements. Leur ton, leur contenu et leur contexte donnent à penser que des discussions antérieures avaient eu lieu et que des renseignements plus précis avaient déjà été divulgués.

4. Du 30 septembre 2014 au 19 février 2015

[75] Après l’ER de mi-exercice, la fonctionnaire, Mme Zimmerman et Mme Castonguay ont échangé une série de courriels et ont tenu diverses réunions afin de discuter de l’ER de mi-exercice et des objectifs de la fonctionnaire. Dans un courriel du 9 octobre 2014, la fonctionnaire a écrit à Mme Zimmerman, avec copie à Mme Castonguay. Les parties pertinentes de ce courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

Il s’est écoulé seulement un peu plus d’une semaine depuis que j’ai reçu mon évaluation du rendement. Je crois que nous devons nous réunir de nouveau à ce sujet. À mon avis, les 20 minutes qui ont été allouées n’ont pas été suffisantes pour me permettre de comprendre en quoi je n’ai pas atteint mes objectifs de rendement. Je dois dire que je suis passablement choquée à la vue de l’évaluation, et comme je l’ai déclaré dans les courriels qui ont suivi l’examen du rendement, je n’ai pas le sentiment que les objectifs énumérés précisaient adéquatement ma liste de responsabilités pour cette période donnée. Au cours de la période précédant l’évaluation, rien ne m’indiquait que je ne satisfaisais pas aux attentes.

Je crains fort que cette omission de renseignements pertinents ait un effet néfaste sur ma capacité à obtenir une AM et à progresser à la fonction publique.

[…]

Je suis déconcertée et dévastée face à la perception de mon travail. Je n’ai pas le sentiment que ma contribution à l’équipe, au projet et à la division est reconnue ou appréciée. Cela m’a causé beaucoup de stress, et c’est la raison pour laquelle je demande que la Division de la géographie revoie ma demande d’AM qui a été approuvée en mars dernier.

[…]

[76] Le 3 novembre 2014, à 15 h 11, Mme Castonguay a envoyé à la fonctionnaire et à Mme Zimmerman un courriel qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

À la suite de notre réunion de discussion qui a eu lieu le 27 octobre, à 14 h 30, quatre (4) points de suivi ont été retenus :

1. Elaine et Shelly [sic] soutiendront et guideront Renata afin de s’assurer que tous ses objectifs peuvent être atteints pour la fin de l’exercice.

2. Shelley examinera l’un des objectifs de Renata afin de s’assurer que la rédaction de ses indicateurs de rendement est exacte.

3. Renata a officiellement confirmé qu’elle cherche une AM.

4. Elaine vérifiera auprès de Duncan Wright afin de voir si la version finale de l’examen de mi‑exercice de Renata peut être rouvert, afin que celle‑ci puisse ajouter ses observations. (J’enverrai un courriel au Rendement afin de leur demander de rouvrir l’évaluation de mi‑exercice de Renata. J’enverrai une c.c. à Renata et à Shelley.)

[…]

 

[77] L’un des problèmes signalés dans l’ER de mi-exercice était que les gens qui traitaient avec la fonctionnaire éprouvaient des problèmes au niveau de son professionnalisme, de sa communication et de son intégrité. L’une de ces personnes a été identifiée comme étant Christopher Cotton, dont le travail pendant la période en cause recoupait régulièrement celui de la fonctionnaire.

[78] M. Cotton a témoigné qu’il avait travaillé avec la fonctionnaire à partir de l’année 2013. Il a qualifié leur relation de bonne et professionnelle. Un courriel qu’il a envoyé à Mmes Zimmerman et Castonguay le 17 octobre 2014, au sujet des problèmes que la fonctionnaire aurait éprouvés au niveau des relations de travail, a été déposé en preuve. M. Cotton a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Il m’a été mentionné officieusement que j’avais signalé (ou dit au nom des membres de mon équipe) avoir éprouvé des problèmes liés au professionnalisme et à la communication dans le cadre des interactions régulières au travail avec Renata Slivinski.

J’aimerais dissiper toute confusion possible.

Tel n’est pas le cas. À vrai dire, ni moi ni l’un des membres de mon équipe qui me sont subordonnés n’avons signalé un tel problème. Je tiens à affirmer que le professionnalisme et le style de communication de Renata ne me posent aucun problème. J’ai constaté régulièrement qu’elle interagit avec moi et les membres de mon équipe de manière respectueuse. Même si son style de communication est différent du mien (à mon avis, beaucoup plus direct), ni moi ni l’un des membres de mon équipe n’avons relevé un problème au niveau de son comportement lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes ordinaires en milieu de travail, comme l’exigent son rôle et le travail qui lui est assigné en tant qu’analyste de données et de processus pour le projet de services d’adresses géographiques.

J’aimerais ajouter que les livrables produits par Renata sont de grande qualité, et que j’estime personnellement avoir de bons rapports avec elle et apprécier le processus qui consiste à vérifier et à peaufiner mutuellement les spécifications de la TI nécessaires pour répondre aux besoins fonctionnels très détaillés.

[…]

 

[79] Le 17 octobre 2014, Mme Castonguay a répondu à M. Cotton, avec copie à Mme Zimmerman. M. Cotton a répondu le 20 octobre 2014. L’échange indique ce qui suit :

[Mme Castonguay à M. Cotton :]

[Traduction]

Nous devrons parler sérieusement de votre courriel. Je me souviens d’une discussion que nous avons eue qui ne corrobore pas ce courriel. Alors je ne suis pas certaine de ce que vous affirmez, ni de la nature de votre intention.

[…]

[M. Cotton à Mme Castonguay :]

[Traduction]

Oui, j’apprécierais d’avoir la possibilité de discuter.

 

[80] Dans son témoignage devant moi, M. Cotton a affirmé que Mme Castonguay ne lui avait jamais parlé de l’échange de courriels et qu’il n’avait jamais parlé de la fonctionnaire avec elle auparavant. Lorsqu’on lui a montré son échange de courriels avec M. Cotton, Mme Castonguay a affirmé qu’elle ne lui avait jamais parlé de la fonctionnaire. Cependant, elle a affirmé qu’elle avait parlé à son supérieur, Patrice Lajoie, et que selon son souvenir, celui‑ci lui avait communiqué les opinions de M. Cotton. Mme Castonguay a affirmé que c’était la raison pour laquelle elle avait écrit, cela [traduction] « ne corrobore pas ».

[81] M. Lajoie a été cité à témoigner en contre‑preuve. Il a déclaré que son cubicule de travail était proche de celui de M. Cotton, et qu’il avait souvent vu M. Cotton et la fonctionnaire y interagir. Il a déclaré qu’il n’avait jamais vu la fonctionnaire afficher un comportement inapproprié envers M. Cotton, et que ni ce dernier ni d’autres fonctionnaires ne s’étaient plaints à lui au sujet de la fonctionnaire. Lorsqu’on a montré à M. Lajoie l’échange de courriels entre M. Cotton et Mme Castonguay, il a dit qu’il s’en souvenait, même si c’était un peu flou. Il a affirmé que son équipe avait eu des conflits avec Mme Zimmerman.

[82] M. Lajoie a déclaré en outre qu’il y avait une tension entre Mme Zimmerman et son équipe, parce que celle‑ci était responsable de la prestation de certains projets dont les dates étaient fermes. Parfois, les demandes avaient du retard, et parfois, les délais étaient réduits, ce qui occasionnait des tensions et du stress. M. Lajoie a déclaré que Mme Zimmerman était agressive aux réunions et qu’elle faisait preuve d’un manque de respect. Il a affirmé qu’il devait faire office de tampon entre elle et son équipe. M. Lajoie a déclaré qu’à plusieurs reprises et régulièrement, il avait fait part à Mme Castonguay de ses préoccupations concernant le comportement de Mme Zimmerman. En contre‑interrogatoire, il a déclaré qu’il avait soulevé la question de son comportement directement auprès d’elle. Il a déclaré qu’elle était visiblement stressée par la charge de travail. Il a déclaré que le travail dont Mme Zimmerman était responsable était de haut niveau et qu’il comportait des délais serrés.

[83] Le Dr Budge a témoigné que son premier document concernant le stress ou la santé mentale avait été rédigé le 10 octobre 2014. Ses notes indiquent que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle se sentait injustement remise en question au travail. Il a déclaré qu’à ce moment‑là, la fonctionnaire n’avait reçu aucun diagnostic d’anxiété ou de dépression.

[84] Un rapport intitulé [traduction] « Note clinique de médecine générale », qui a été rédigé par la Dre Justine Siu-Bun Chan à l’hôpital d’Ottawa, le 27 octobre 2014, a été déposé en preuve. La Dre Justine Siu-Bun Chan n’a pas témoigné. Cependant, sa note a été transmise aux Drs Budge et Desjardins. L’impression que la Dre Chan a consignée au sujet de la fonctionnaire, à l’époque, concernait sa fatigue chronique. Elle a déclaré qu’à son avis, le problème était lié à la carence en fer de la fonctionnaire.

[85] Il est ressorti de la preuve que la biopsie relative au problème thyroïdien devait être pratiquée le 28 octobre 2014. À ce titre, même si le Dr Budge n’y a pas procédé, il a recommandé que la fonctionnaire prenne quatre jours de congé ensuite (du 28 au 31 octobre 2014), puisque cela devait être une période appropriée pour s’en rétablir. Il a déclaré qu’il s’agit d’une procédure stressante, qui se déroule à l’hôpital et qui est douloureuse pour le patient. Le résultat de la biopsie a été négatif.

[86] Il est ressorti de la preuve qu’à la suite de l’ER de mi-exercice, la relation de travail fragile entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman s’est dégradée. Le 5 décembre 2014, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Castonguay. Les parties pertinentes se lisent comme suit :

[Traduction]

Au cours des dernières semaines, des travaux et des gens qui relèvent de moi ont été redirigés. J’ai formulé des observations à ce propos dans le passé, et je porterai cela à l’attention de la direction de nouveau.

Shelley gère du personnel pour moi, m’exclut des réunions et ne me communique pas les précisions importantes dont j’ai besoin pour faire mon travail. À ce stade, la nature de mes objectifs n’est pas claire, puisque Shelley m’a sciemment retiré des tâches qu’elle a assignées à d’autres personnes. Et dans tous les cas à l’exception d’un, elle ne m’a pas avisée du fait qu’elle me retirait du travail. Elle n’a pas communiqué avec moi non plus afin de me dire ce qu’elle souhaiterait que je fasse. Étant donné qu’elle est incapable de travailler avec moi, et qu’elle est en conflit d’intérêts en raison du grief officiel, je demande une réaffectation au sein de la division de la géographie jusqu’à ce que je trouve une AM. Je donne ci‑dessous des précisions sur les actes que Shelley a posés.

À partir du mois de novembre, j’étais responsable du contrôle de la qualité dans le SCP. Shelley a confirmé dans un courriel que je procéderais au contrôle de la qualité et que je serais en contact avec le SCP s’il y avait des problèmes. Veuillez consulter le courriel ci‑joint. Cette tâche m’a été confiée plus tard, le vendredi après‑midi, et j’ai commencé à y travailler le lundi.

En raison d’un manque d’accès aux données, nous avons eu de la difficulté à vérifier les données. J’ai écrit à Shelley le 10 novembre, afin de l’informer de ce que nous allions faire. Le 12 novembre, en après‑midi, j’ai souligné à Shelley qu’il pourrait être difficile de procéder au contrôle de la qualité, en raison de nombreux problèmes, notamment la circulation et la dépendance à Jamie pour fournir les données. Dix minutes après que j’eus envoyé ce courriel, Shelley a envoyé un courriel à Jimmy afin de l’informer qu’il devait effectuer un suivi auprès de Jamie et Diego. Je n’en ai pas été informée par Shelley.

[…]

Shelly [sic] m’a dit que je pouvais venir la voir. C’était le suivi. J’ai indiqué dans le courriel envoyé que je n’insisterais pas, mais que je tenais à souligner que le travail avait été entrepris et que je n’avais même pas été avisée. J’ai dû ensuite aider Jimmy à effectuer la tâche (ce que j’ai fait avec grand plaisir).

Ensuite, le 27 novembre, Shelley m’a priée d’approuver les deux environnements. Comme cette tâche avait été réattribuée et que Jimmy considérait manifestement qu’il s’agissait de son travail, il a répondu et a approuvé le travail.

Le travail au format MXD est maintenant confié directement à Diego par Christine et Kim. J’ai été avisée, mais sans explication quant aux raisons pour lesquelles le travail passait maintenant par elles, et sans explication quant à mon rôle. Si Christine et Kim donnent des directives à Diego directement, je ne peux que présumer qu’elles seront responsables de ce qui sera mis en œuvre.

[…]

Le géocodage de l’application de mappage est maintenant sous la responsabilité de Tony Bremner. J’étais responsable du géocodage de la GCCT, et en novembre (le 7 novembre, avant le grief), j’ai été priée d’achever le travail au mappage du géocode. Et, comme vous pouvez le constater, je n’apparais pas dans la liste de distribution des courriels. J’ai découvert à la réunion du Recensement de l’agriculture (REAG), hier, que Tony allait y travailler.

[…]

J’effectuais l’analyse des résultats par lot du REAG. Shelley sait très bien que j’étudie notre capacité à géocoder en région rurale. Je lui ai transmis plusieurs documents d’analyse qui expliquent les raisons pour lesquelles nous n’obtenons pas de correspondance, ainsi que les options permettant d’augmenter les taux de correspondance. Shelly [sic] a eu une rencontre avec les responsables du REAG, afin de discuter du géocodage. Un document d’analyse lui a été transmis par ceux-ci le 27 novembre. Lorsqu’elle a communiqué les renseignements à l’équipe, elle ne m’a pas incluse dans la liste de distribution, afin que je puisse comparer et aborder leurs préoccupations. J’ai reçu ces renseignements le 2 décembre, après notre réunion avec les responsables du REAG. À cette réunion, ces derniers se sont enquis des données qui avaient été transmises à la Direction de la géographie, mais qui ne m’ont pas été émises avant le 4 décembre. Par conséquent, je ne pouvais pas répondre à leurs questions et nous avons alloué beaucoup de temps à des questions afin de comprendre à quel dossier les responsables du REAG faisaient renvoi.

[…]

L’autre jour, une réunion devait se tenir à la salle C. Le lieu de la réunion a changé. Aucun courriel, aucune note, aucune indication dans la salle de conférence n’ont été remis pour indiquer le changement de lieu. J’ai envoyé un courriel pour demander si le lieu avait changé, afin qu’on m’envoie une note. Comme nous revenions de la réception de Noël, l’heure exacte du début de la réunion n’était pas claire. J’étais allée aux toilettes, j’avais imprimé mes renseignements et je m’étais assisse dans la salle. J’ai finalement rédigé le cas d’utilisation qui faisait l’objet d’une discussion à la réunion. Il m’aurait été utile d’assister à la réunion. Je ne sais pas exactement pourquoi nous ne nous sommes pas réunis dans la salle qui était indiquée.

[…]

Par ailleurs, il y a eu une réunion consacrée aux besoins opérationnels avec l’Assistance téléphonique du recensement, qui était organisée par Shelley le 2 décembre, afin d’esquisser les modifications apportées aux services de recherche d’adresses, réunion à laquelle je n’ai pas été invitée. Initialement, j’étais responsable des cas d’utilisation de ce service.

Séparément, vous pourriez assimiler ces cas à des omissions, mais considérés dans leur ensemble, ils posent manifestement un problème qui nuit à ma capacité d’effectuer mon travail. Manifestement, le stress lié à la collaboration est trop important, à la fois pour Shelley et pour moi. Cela affecte maintenant ma santé, parce que je ne dors pas. J’ai conservé une attitude professionnelle, mais je suis exclue et je suis épuisée.

Veuillez me faire savoir si vous souhaitez discuter de certains ou de tous les incidents mentionnés ci-dessus.

[…]

 

[87] La fonctionnaire a incorporé des courriels dans son courriel du 5 décembre 2014, afin d’illustrer les points qu’elle soulevait.

[88] Le jeudi 11 décembre 2014, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Castonguay, avec copie au représentant de son agent négociateur. Elle affirmait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je ne viens pas travailler aujourd’hui. Je ne dors plus la nuit. Le stress émanant de toute cette situation m’empêche de dormir.

Je demande de nouveau que des solutions de rechange soient envisagées, même à court terme. Il s’est écoulé deux mois et demi depuis que cette situation a éclaté, et à ce moment‑là, j’avais demandé qu’un autre rapport hiérarchique me soit attribué en raison du conflit.

Cela me touche à la maison, au travail, et cela affecte ma santé.

[…]

 

[89] Mme Castonguay a répondu à la fonctionnaire dans deux courriels, plus tard au cours de la journée, en indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[À 9 h 35 :]

Merci pour votre courriel. Je suis désolée d’apprendre que vous avez de la difficulté à dormir. En ce qui concerne votre demande d’être réaffectée à d’autres activités ou à un autre rapport hiérarchique, je dois rencontrer Claude Graziadei et mener à bonne fin la discussion avec lui.

[À 9 h 37 :]

Désolée, je n’avais pas terminé mon courriel avant de vous l’envoyer. Donc, dès que j’aurai obtenu une réponse pour vous, je vous la transmettrai, comme je l’ai déjà mentionné.

 

[90] À la première ligne d’un courriel du 19 décembre 2014, la fonctionnaire a écrit ce qui suit à Mme Castonguay :

[Traduction]

[…]

Je sais que nous avons discuté de cela mardi, après la réunion des gestionnaires des tâches que j’ai tenue avec Shelley. Mais je souhaite réitérer qu’à mon avis, les arrangements de travail actuels nuisent à mon travail, à mon foyer et à ma santé.

[…]

 

[91] Malgré la tenue de réunions et de discussions, la fonctionnaire et Mmes Zimmerman et Castonguay ne sont pas parvenues à s’entendre sur la teneur de l’ER de mi‑exercice de la fonctionnaire, ni sur ses objectifs. La fonctionnaire a exprimé ses préoccupations dans un courriel adressé à Mmes Zimmerman et Castonguay le 7 janvier 2015. Ce courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En quittant la réunion, hier, j’ai réalisé que je ne savais toujours pas ce qu’on attendait de moi pendant la première moitié de l’année. À chacune des réunions que nous tenons, je découvre de nouvelles responsabilités dont nous n’avions pas parlé lors des réunions précédentes. À l’avenir, j’aimerais avoir une liste détaillée des réalisations attendues à compter d’aujourd’hui (7 janvier) et jusqu’à la fin de l’exercice (31 mars). J’aimerais avoir la liste des tâches dont je devrai assumer la responsabilité. Je pense qu’il s’agirait du seul moyen d’éviter toute confusion quant à mes responsabilités. J’attends avec impatience de voir cette liste détaillée d’ici mardi, afin qu’à la réunion de mardi, nous puissions discuter de la façon dont je procéderai pour atteindre ces buts.

[…]

 

[92] Le 14 janvier 2015, Mme Castonguay a répondu au grief au premier palier concernant l’ER de mi‑exercice de la fonctionnaire, en laissant une copie de la réponse sur la chaise de celle‑ci. La réponse portait la date du jour même, et ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Il est important de noter que votre grief a été présenté après le délai prescrit, et que, par conséquent, il est hors délai […] En conséquence, votre grief est réputé être hors délai et il ne peut pas être accepté. Les mesures correctives demandées ne seront donc pas mises à votre disposition. J’ai cependant accepté d’examiner vos préoccupations à titre de plainte.

Avant de répondre, j’ai examiné les faits de l’affaire et les renseignements que vous et votre représentant syndical avez fournis. À la suite d’un examen minutieux, j’ai décidé de demander la modification de l’examen de mi‑exercice de votre entente de rendement de la fonction publique (ERFP), afin qu’il reflète mieux l’atteinte de vos objectifs pour la période visée et qu’il précise les attentes de la direction en ce qui a trait à votre rendement. La direction vous a rencontré le 6 janvier afin de vous donner plus de précisions sur vos objectifs et vos indicateurs de rendement. Une autre réunion est prévue le 16 janvier 2015 afin de poursuivre ces discussions. À la suite de ces réunions, votre superviseure vous remettra une ERFP révisée.

[…|

 

[93] Le Dr Budge a déclaré qu’il avait vu la fonctionnaire ultérieurement, le 27 janvier 2015. Il a affirmé qu’à ce moment‑là, elle s’était plainte de dépression et de nombreux agents de stress au travail. Elle avait fait allusion à la gestion de son rendement à laquelle elle était soumise. Le Dr Budge a affirmé que la fonctionnaire ne s’était pas plainte beaucoup et qu’elle avait banalisé ses problèmes médicaux et ses symptômes. Il a déclaré qu’ultérieurement, elle s’était confiée à lui en disant ce qu’elle ressentait, et qu’il croyait qu’elle ne lui avait pas dit cela auparavant parce qu’elle ne voulait pas être mise en congé. Il a déclaré qu’à ce moment‑là, il s’était fait du souci, et qu’il l’avait vue deux semaines plus tard.

[94] Les notes cliniques font renvoi à la visite suivante de la fonctionnaire, le 5 février 2015. À ce moment‑là, le Dr Budge avait diagnostiqué une dépression dans le cadre d’un examen de routine, qui avait révélé que la fonctionnaire se situait dans la moyenne. Le Dr Budge a affirmé que la fonctionnaire s’était effondrée et qu’elle avait beaucoup pleuré. Il a affirmé que même si cela avait été la première fois qu’il l’avait soumise à l’examen, elle avait probablement été atteinte de dépression auparavant. Il a ajouté que les personnes qui obtiennent le même résultat à l’examen souhaitent habituellement s’absenter du travail. La fonctionnaire ne voulait pas prendre congé, et elle lui avait dit qu’elle souhaitait rester au travail. Le Dr Budge a affirmé que la fonctionnaire n’avait cherché ni à prendre congé, ni à s’opposer à un retour au travail.

[95] Le Dr Budge a affirmé que la fonctionnaire lui avait confié qu’elle avait de la difficulté à dormir et qu’il en avait été ainsi depuis octobre. Il a déclaré qu’à ce moment‑là, il lui avait prescrit un somnifère. Lorsqu’on lui a demandé si elle en avait déjà pris, il a dit que ce n’avait pas été le cas en 2014. Il n’a pas révélé si la fonctionnaire avait déjà pris des somnifères auparavant ou par la suite, ni, dans l’affirmative, pour quel motif.

[96] Le 9 février 2015, Mme Zimmerman a adressé à la fonctionnaire une lettre de [traduction] « modalités et conditions » (la « lettre du 9 février »), que la fonctionnaire a reconnu avoir reçue ce jour‑là, et dont les parties pertinentes indiquent ce qui suit :

[Traduction]

Dans le passé, je vous ai parlé d’une préoccupation que j’avais au sujet de votre assiduité et de votre comportement au travail. Comme certains de ces problèmes perdurent, je sens le besoin d’exprimer mes attentes par écrit, dans une lettre de modalités et conditions. Cette lettre précise mes attentes, afin de m’assurer que nous ayons la même compréhension de ce qui est attendu de vous lorsque vous êtes au travail ou que vous vous absentez. Ces lignes directrices prennent effet immédiatement. Le défaut de les observer peut entraîner une mesure disciplinaire telle qu’une réprimande écrite, une suspension, une rétrogradation ou un licenciement. Ces lignes directrices, qui sont en vigueur jusqu’à nouvel ordre, sont les suivantes :

1. Vous devez conserver une attitude professionnelle et respectueuse envers autrui en tout temps au travail. Cela englobe vos interactions et vos communications avec les clients, les collègues ou la direction.

2. Pendant les heures de travail, vous devez demeurer concentrée sur les tâches assignées. Vous devez mener toutes vos activités personnelles (comme les appels personnels ou la socialisation) pendant vos pauses ou la période du dîner.

3. Vous devez travailler en collaboration et en concertation avec vos collègues, respecter leur apport, partager votre expertise et apporter votre aide en temps utile.

4. Vous devez assister à toutes les réunions exigées pour votre travail, sauf si votre superviseure vous avise que vous n’êtes pas tenue d’y assister.

5. Vos heures de travail vont de 7 h à 15 h (horaire actuel), du lundi au vendredi, ce qui comprend une pause de trente minutes pour le dîner et deux pauses de quinze minutes que vous devez prendre à un moment convenu avec votre superviseure. Vous devez respecter ces heures de travail. Toute modification à ces heures de travail doit être approuvée à l’avance par votre superviseure.

6. À l’arrivée au travail et avant de quitter, vous devez envoyer un courriel à Elaine Castonguay et moi. Ce courriel sera utilisé pour déterminer les heures de travail réelles que vous aurez travaillées ce jour‑là.

7. Si vous devez vous absenter de votre bureau pendant la journée pour une période de plus de 15 minutes (à l’exception du dîner), vous devez aviser votre superviseure du motif de votre absence et demander l’autorisation avant de quitter votre bureau.

8. Vous devez vous présenter au travail tous les jours à moins d’être atteinte d’une maladie ou d’une blessure suffisamment grave pour vous empêcher de travailler, ou si vous êtes en congé approuvé.

9. Si vous êtes dans l’impossibilité de vous présenter au travail pour quelque raison que ce soit (retard, maladie, etc.) vous devez téléphoner et vous adresser à Shelly [sic] Zimmerman au [numéro de téléphone omis] chaque jour, à 8 h au plus tard, afin d’expliquer votre absence. Si votre superviseure n’est pas disponible, vous devez appeler votre directrice adjointe (DA) (Elaine Castonguay) au [numéro de téléphone omis]. Si votre superviseure et la DA ne sont pas disponibles ni l’une ni l’autre, vous devez laisser un message à Shelley Zimmerman et un numéro de téléphone où nous pouvons vous joindre.

10. Dans les cas de retard, si la direction estime que l’explication est raisonnable (ni extrême ni excessive), la période de congé peut être soumise sous le code 980 – congé non payé pour retard. En d’autres circonstances, le retard sera considéré comme un congé non autorisé (congé sans autorisation – code 985) et il pourra entraîner une mesure disciplinaire.

11. Si vous fixez un rendez‑vous chez le médecin, vous devez vous efforcer raisonnablement de le prendre après vos heures de travail. Au cas où cela ne serait pas possible, votre rendez‑vous chez le médecin doit être prévu vers la fin de votre journée de travail.

12. Pour toute autre absence attribuable à une maladie ou à une blessure, le jour de votre retour au travail vous devez présenter un certificat médical acceptable pour la direction. Un certificat médical acceptable doit indiquer ce qui suit :

• Que vous avez été vue ou traitée par le médecin praticien au cours de la période pour laquelle vous demandez congé;

• Que de l’avis du médecin praticien, vous ne pouviez pas vous présenter au travail à la date précise ou aux dates précises pour lesquelles vous demandez congé par suite d’une maladie ou d’une blessure.

J’ai confiance que les présentes lignes directrices permettront de régler la situation actuelle, et je tiens à vous assurer que je reste à votre disposition pour discuter de vos préoccupations, le cas échéant.

[…]

Les présentes modalités et conditions demeureront en vigueur pendant trois mois. La situation fera l’objet d’une étroite surveillance, et nous nous rencontrerons de nouveau le 4 mai 2015 pour examiner la situation.

[…]

 

[97] La fonctionnaire a reconnu avoir reçu la lettre du 9 février ce jour‑là.

[98] Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que la fonctionnaire ait contesté la lettre du 9 février.

[99] Des courriels que la fonctionnaire a envoyés à Mme Zimmerman à divers moments entre avril 2014 et son départ de StatCan, afin de l’aviser du moment et du motif pour lequel elle serait absente, ont été déposés en preuve.

[100] Au moment de l’audience, Dan Brown travaillait au CT auprès de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Services aux Autochtones Canada, à SC. De juillet 2014 à mars 2015, il occupait un poste classifié EC-03 à la Division de la géographie de StatCan, dans l’équipe des données, et il relevait de la fonctionnaire. Il a affirmé qu’avant de se joindre à cette équipe, il ne connaissait ni la fonctionnaire ni Mme Zimmerman. Il a qualifié sa relation de travail avec la fonctionnaire de bonne, et il a déclaré que celle‑ci était prévenante et bienveillante, qu’ils avaient une bonne communication, qu’elle se montrait toujours respectueuse, qu’elle ne manquait jamais de professionnalisme, qu’elle faisait toujours preuve de collaboration et de concertation. Il a affirmé qu’ils s’étaient entretenus de manière sociable, et qu’ils étaient allés dîner ensemble à l’occasion. Il a déclaré qu’il avait observé les interactions de la fonctionnaire avec les autres membres de l’équipe et qu’elles étaient les mêmes que les siennes.

[101] M. Brown a déclaré qu’il avait interagi avec Mme Zimmerman. Cependant, au cours des trois ou quatre premiers mois où il avait été là, cette interaction n’avait eu lieu qu’environ une fois par semaine. Un courriel qu’il avait envoyé à la fonctionnaire le 10 février 2015 a été déposé en preuve. Il a affirmé que le courriel reposait sur des observations qu’il avait faites en décembre (et peut‑être en novembre) 2014, ainsi qu’en janvier et février 2015. Les parties pertinentes de ce courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

Je travaille à Statistique Canada depuis un peu plus de sept mois seulement. Au cours de cette période, j’ai été témoin de mesures et de comportements adoptés par la direction de la géographie (plus particulièrement par Shelley Zimmerman) qui m’incitent à croire qu’il serait avisé de ma part de chercher du travail à l’extérieur de la Division. Je tenais à exprimer par écrit mes observations et mes préoccupations. Même si chacun de ces comportements ou chacune de ces mesures n’est peut‑être pas extrêmement grave en soi, la réitération perpétuelle qui les accompagne crée un milieu de travail très stressant et très négatif. J’ai le sentiment que si je restais ici, cela risquerait d’entraîner des problèmes de santé mentale ou physique graves pour moi au cas où le milieu de travail ne s’améliorerait pas.

Observations :

1. Des mesures sont prises continuellement afin d’exclure Renata Slivinski du travail, des réunions et des discussions.

Je reçois souvent des courriels dont la liste de destinataires inclut d’autres gestionnaires sous la direction de Shelley mais dont Renata est exclue.

Exemples :

- Shelley a envoyé un courriel pour dire qu’elle était malade. Elle a inclus Kimberley Easter, Christine Roy et Jimmy Ruel dans la liste de destinataires, mais pas Renata.

- Renata est souvent écartée des rencontres avec les clients, mais je suis convoqué.

- Une ressource supplémentaire était à notre disposition (stagiaire non payé), mais le courriel n’a pas été envoyé à Renata. (Il a plutôt été envoyé à moi, parallèlement à d’autres gestionnaires de la Série d’enquêtes sur les perspectives canadiennes (SEPC).)

2. Il y a un manque de directives, de planification et de gestion dans notre section de façon générale.

J’ai remarqué qu’il y a très peu de directives (voire aucune) de la part de la direction, notamment de Shelley, en ce qui concerne le travail que nous effectuons, le plan pour l’avenir et notre façon de le mettre en œuvre.

Exemples :

- Lorsque j’ai interrogé Shelley au sujet du rôle du gestionnaire des publications, elle n’a pas été en mesure de donner des précisions concrètes. Les préoccupations que j’ai soulevées ont rapidement été écartées par Shelley et n’ont jamais été abordées adéquatement.

- Les différends entre les fonctionnaires ne sont pas résolus adéquatement.

- Les priorités changent constamment, ce qui rend difficile l’exécution des tâches.

3. Le manque de professionnalisme de la part de notre chef.

Il n’est pas professionnel d’exclure des personnes des courriels et des réunions qui se rapportent directement à leur travail. Cela se produit régulièrement dans le cas de Renata, et pour moi, cela constitue un manque de respect et de professionnalisme de la part de Shelley. Lorsque Renata est invitée aux réunions, souvent, Shelley l’ignore, n’en tient pas compte et lui manque de respect devant les autres. À plusieurs occasions, j’ai été témoin du fait que Shelley ne s’adressait pas à Renata par son nom, mais en faisant allusion à l’« équipe des données ». Je trouve ce comportement perturbant et je ne me sens pas à l’aise pour travailler dans un milieu comme celui‑là.

4. Shelley a retiré des ressources de travail à Renata, tout en haussant les exigences attendues d’elle.

À mon entrée en service ici, j’avais l’impression que Tony, Diego, Pat et moi travaillions tous aux données auprès de Renata. Au cours des sept derniers mois, cela s’est réduit à Diego et moi. Shelley m’a prié d’assumer un nouveau rôle qui aura pour effet de me retirer de l’équipe de Renata. Il est déraisonnable d’escompter que Renata accomplisse davantage de tâches avec moins de la moitié du personnel. C’est cependant ce qui est en train d’arriver.

5. Réponse insuffisante à des questions et/ou préoccupations légitimes

Lorsque Shelley m’a prié d’accepter le rôle de gestionnaire des publications, j’avais des préoccupations légitimes. Je les ai soulevées auprès de Shelley, et elle les a dissipées essentiellement en les rejetant. Je n’ai pas encore reçu de correspondance électronique concernant ce rôle.

Je sais que cela représente beaucoup de renseignements, et qu’il n’est pas possible de tout régler en une nuit, mais je souhaitais faire connaître mes préoccupations. Je tiens à ce que les choses soient bien claires : j’aime beaucoup travailler avec Renata. Elle est une excellente gestionnaire et un bourreau de travail. Ma crainte est que plus je resterai ici longtemps, plus je risque de tenir pour normal le milieu de travail malsain que Shelley a créé. Il n’est pas normal et il faudrait y remédier en conséquence. Les actes posés par Shelley ont un effet néfaste sur ma perception de la direction à la Division de la géographie et, jusqu’à un certain point, sur la direction de Statistique Canada.

Je serais heureux de discuter plus amplement de ces problèmes.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[102] M. Brown a affirmé qu’il avait envoyé ce courriel parce que la fonctionnaire l’avait mis au courant de la lettre du 9 février, et qu’il souhaitait consigner par écrit ce qu’il avait observé, au cas où quelque chose se produirait. Il a évoqué plus particulièrement deux incidents, le premier étant survenu à l’occasion d’une grande réunion de la section, lors de laquelle Mme Zimmerman s’était adressée à chaque personne par son nom à l’exception de la fonctionnaire, qu’elle avait désignée sous le nom d’équipe des données, le deuxième ayant été une rencontre au bureau de la fonctionnaire incluant Mme Zimmerman, dont le langage corporel et le ton avaient été méchants et agressifs.

[103] En ce qui concerne l’allusion selon laquelle la fonctionnaire était exclue des réunions, M. Brown a affirmé que cela s’était produit plus d’une fois au cours de la période de novembre à février. On lui a montré une invitation à une réunion tenue le 22 janvier 2015, que Mme Zimmerman avait envoyée afin d’inviter l’équipe de la fonctionnaire à une réunion cette journée‑là, mais qui excluait la fonctionnaire. En contre-interrogatoire, on a mentionné à M. Brown que la fonctionnaire était en vacances cette journée‑là, et on lui a demandé s’il avait une raison d’en douter; il a répondu que non.

[104] Mme Zimmerman a déclaré que le nom de la fonctionnaire n’apparaissait pas dans l’invitation à la réunion du 22 janvier 2015 parce que celle‑ci était en vacances cette journée‑là. Mme Zimmerman a aussi témoigné que lorsque la réunion avait été convoquée de nouveau, le nom de la fonctionnaire n’avait pas été ajouté par inadvertance, parce que son adjointe avait simplement utilisé les noms qui figuraient dans la convocation antérieure.

[105] M. Brown a aussi témoigné que les priorités de l’unité avaient évolué au cours de son mandat, bien qu’il n’ait pas pu donner de précisions.

[106] Lorsqu’on a demandé à M. Brown s’il avait communiqué son courriel du 10 février à un membre de la direction, il a répondu que non, d’abord parce qu’il ne pensait pas que cela changerait quoi que ce soit, puis, en second lieu, parce qu’il craignait d’être mis dans le même bateau que la fonctionnaire et que cela nuise à sa carrière.

[107] La fonctionnaire a demandé et obtenu une AM à TC. Je n’ai pas reçu de précisions sur le moment où elle l’avait négociée. Cependant, il est ressorti de la preuve que son dernier jour de travail complet à StatCan avait été le mercredi 18 février 2015, qu’elle avait travaillé deux heures et demie le jeudi 19 février, puis qu’elle avait pris congé pour des raisons familiales le vendredi 20 février. Elle est entrée en fonction à TC le lundi 23 février.

[108] Lorsqu’on a demandé au Dr Budge s’il savait qu’un changement avait été apporté au milieu de travail de la fonctionnaire après le 15 février 2015, il a déclaré qu’il le savait, qu’à ses yeux celle‑ci semblait aller mieux, et qu’elle lui avait dit qu’elle se sentait mieux. Il a déclaré que sa santé mentale s’était améliorée. Cela dit, les notes cliniques ont pris fin avant que la fonctionnaire n’ait entamé une AM. Par ailleurs, la lettre du 8 février ne précisait pas le moment où le Dr Budge avait vu la fonctionnaire après le 5 février 2015, ni, le cas échéant, si elle lui avait parlé de sa santé et de son bien‑être après avoir quitté StatCan.

[109] En contre-interrogatoire, en réponse à la question de savoir s’il avait examiné la fonctionnaire aux fins d’une demande d’indemnisation des accidents du travail, le Dr Budge a déclaré que l’indemnisation des accidents du travail lui posait des difficultés. Il a déclaré que si un médecin évoque la santé mentale à titre d’accident du travail, comme la commission des accidents du travail ne peut pas le prouver, celle‑ci et la compagnie d’assurance concernée refusent toutes deux la demande d’indemnisation.

[110] En contre-interrogatoire, l’avocat a questionné le Dr Budge au sujet des problèmes de fer de la fonctionnaire, plus particulièrement sur les rapports hématologiques et sur la question de savoir s’il avait recommandé une mesure d’adaptation au travail pour elle. Le Dr Budge a répondu que non. Lorsqu’on lui a demandé si l’ajustement des cibles de rendement aurait aidé la fonctionnaire, il a répondu ceci : [traduction] « Nous ne sommes pas entrés dans les détails », puis il a déclaré ce qui suit : [traduction] « J’ignore si les attentes de l’employeur étaient appropriées; j’ignore si l’employeur connaissait son état. »

[111] Lorsque le Dr Budge a commenté l’état de la fonctionnaire en février 2015 et le fait qu’elle était en congé, il a affirmé qu’elle lui avait confié se sentir piégée au travail et y déployer des efforts importants. Il a ajouté que pour cette raison, il était deux fois plus difficile pour elle d’être en congé. L’idée était d’aller travailler; la fonctionnaire insistait pour continuer à travailler.

[112] En contre-interrogatoire, le Dr Budge a confirmé que la fonctionnaire était allée à un laboratoire de sommeil parce qu’elle était soupçonnée de souffrir d’apnée du sommeil. Un rapport présenté le 16 février 2015 par le Dr Douglas McKim, du laboratoire de sommeil de l’hôpital d’Ottawa, a été déposé en preuve. Ce rapport indique que la fonctionnaire est allée au laboratoire le 13 décembre 2014, et qu’elle s’est plainte de somnolence diurne. Il est consigné dans le rapport que sa note sur l’Échelle de somnolence d’Epworth se situe dans les limites normales. On laisse entendre que la fonctionnaire ne montre aucune tendance importante à somnoler durant le jour, que son efficacité du sommeil est parfaitement normale, et qu’aucun trouble respiratoire lié au sommeil n’a été observé. La section portant le titre [traduction] « Interprétation et recommandation » indique ce qui suit :

[Traduction]

Le présent polysomnogramme est essentiellement normal, et il ne démontre aucun signe important de trouble respiratoire du sommeil ni d’autres anomalies. Les résultats attestent principalement un ronflement primaire, et la patiente devrait être rassurée à cet égard. Il peut persister un risque à vie d’apnée obstructive du sommeil et la gestion du poids est fortement recommandée.

[…]

 

[113] La note sur l’Échelle de somnolence d’Epworth ne m’a pas été expliquée.

5. L’ER de fin d’exercice

[114] Lorsque la fonctionnaire a entamé son AM à TC, il restait un peu plus de cinq semaines avant la fin de l’exercice. À ce titre, Mme Zimmerman a rédigé l’ER de fin d’exercice de la fonctionnaire.

[115] Avant le processus d’ER de fin d’exercice, le grief déposé contre l’ER de mi‑exercice n’avait pas encore été réglé à la satisfaction de la fonctionnaire.

[116] Plusieurs versions de l’ER de fin d’exercice de la fonctionnaire ont été déposées en preuve.

[117] Les objectifs énoncés dans l’ER de fin d’exercice différaient de ceux énoncés initialement le 2 avril 2014, pour l’exercice 2014-2015, par suite des discussions entre la fonctionnaire et Mmes Zimmerman et Castonguay après le dépôt du grief porté contre l’ER de mi-exercice. Même s’il n’avait pas été réglé, une partie importante de la formulation des objectifs de la fonctionnaire a été modifiée, mais sans son accord.

[118] Une grande partie de la preuve concernant les objectifs était hautement technique. Mme Zimmerman a maintenu que les objectifs de la fonctionnaire n’avaient jamais changé, et que ceux énoncés au début de l’exercice 2014-2015 étaient les mêmes que ceux qui ont été rédigés pour l’ER de fin d’exercice, qu’ils étaient seulement énoncés différemment et de façon plus détaillée. Selon le témoignage de Mme Zimmerman, compte tenu de son niveau (EC-06), la fonctionnaire devait être parfaitement au courant des précisions relatives à ses objectifs au début de l’exercice, et qu’il n’était pas nécessaire de les rédiger comme la fonctionnaire l’a laissé entendre.

[119] La fonctionnaire a maintenu que les objectifs qui avaient été rédigés initialement, au début d’avril 2014, étaient de nature générale, et qu’ils n’étaient pas suffisamment précis pour englober ce qui était énoncé dans les versions ultérieures des objectifs qui avaient été utilisées aux fins de l’ER de fin d’exercice. De plus, selon son témoignage, elle avait dû renoncer à des tâches qui auraient autrement relevé de sa responsabilité pour aider à remettre sur la bonne voie un autre volet de la sphère de responsabilité de (SR) de Mme Zimmerman. La fonctionnaire a maintenu que si elle n’était pas sur la bonne voie quant à ses propres responsabilités, ce qu’elle n’a pas reconnu, cela échappait à son contrôle, puisque Mme Zimmerman exigeait qu’elle s’attaque aux problèmes relevant de son autre SR. Les parties pertinentes d’une chaîne de courriels échangés entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman au cours de la période du 16 janvier au 2 février 2015 ont été déposées en preuve. Initialement, l’objet de ces courriels était le fait que la fonctionnaire prenait huit jours de vacances avant la fin de l’exercice :

[Traduction]

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman; le 16 janvier, à 10 h 23 :]

J’aimerais prendre huit jours avant la fin de l’exercice. Je suis flexible quant au moment, mais j’aimerais rendre visite à mes parents et prendre ces jours consécutivement.

[…]

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire; le 16 janvier, à 14 h 02 :]

Je ne vois aucun problème à ce que vous preniez vos vacances comme vous le souhaitez. Ce que j’aimerais voir, c’est un plan de toutes vos réalisations attendues et une stratégie quant à la façon et au moment qui s’y appliquent. Avec ces renseignements, nous pourrons déterminer le moment qui convient le mieux pour prendre le congé.

[…]

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire; le 30 janvier, à 14 h 14 :]

J’ai reçu votre demande de congé visant une autre période de 10 jours, du 16 au 25 mars (les 26 et 27 mars ont déjà été approuvés). Comme nous en avons discuté dans le courriel ci‑dessous avant votre congé (du 19 au 29 janvier), j’aimerais voir un plan de toutes vos réalisations attendues et une stratégie quant à la façon et au moment qui s’y appliquent, afin d’adapter le mieux possible votre demande de congé au plan du projet et de s’assurer que toutes les réalisations attendues sont atteintes.

Veuillez me faire parvenir ces renseignements, après quoi j’examinerai les échéanciers et je demanderai le congé.

[…]

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman; le 30 janvier, à 14 h 37 :]

J’ai demandé aux gestionnaires de projet quelles sont les réalisations liées aux données qu’ils souhaitent avoir accomplies d’ici le 31 mars. J’ai envoyé ce courriel à chacun d’eux avant mes vacances. Je n’ai rien reçu.

[…]

Je vous ai aussi demandé la liste des objectifs à atteindre d’ici le 31 mars. Je l’ai demandée au début de janvier. Je n’ai rien reçu.

Je me ferai un grand plaisir de créer un échéancier une fois que j’aurai obtenu la liste des réalisations attendues de vous et du projet.

Entre‑temps, je souhaite réserver un vol et je ne veux pas que le temps me soit payé. S’il y a un moment qui est particulièrement opportun, je serais heureuse de le prendre.

[…]

[Mme Zimmerman à la fonctionnaire; le 30 janvier, à 16 h 26 :]

Les objectifs que vous devez atteindre d’ici la fin de l’exercice se trouvent dans votre entente de rendement de la fonction publique. J’ai alloué deux réunions à l’examen des objectifs avec vous (le 16 janvier et le 3 février), que vous avez refusées toutes les deux. De plus, vous avez décliné de nombreuses réunions de section et de projet. Ces réunions sont organisées afin que le groupe puisse discuter des travaux à venir, des réalisations attendues, des processus et des préoccupations. La participation à ces réunions vous aiderait à comprendre les exigences relatives à votre travail.

Un bon nombre des réalisations attendues dans le projet se trouvent aussi dans les plans de niveaux de recensement. L’ensemble de la SEPC a accès à ces renseignements. Comme nous entreprenons une année de recensement très chargée, je m’attends à ce que nous ayons des dates très fermes, des processus et des descriptions détaillées des données nécessaires pour appuyer les tâches.

Je crois aussi comprendre (quoique vous devriez confirmer) que vous ne reportez pas suffisamment de jours de vacances pour que le temps vous soit payé. Je crois que vous pouvez reporter 35 jours. J’ai vérifié cela auprès de notre conseiller financier, mais comme ces renseignements se trouvent aussi dans la convention collective, vous voudrez peut‑être le confirmer.

[La fonctionnaire à Mme Zimmerman; le 2 février, à 8 h 31 :]

[…]

J’ai mentionné à maintes reprises que mes objectifs ne sont pas clairs. Il existe de nombreuses interprétations des travaux, et j’ai demandé des tâches et des objectifs très précis à l’égard desquels je n’ai pas reçu de réponse.

Si vous souhaitez passer en revue avec moi tous les plans de niveaux de recensement, je serais heureuse de m’asseoir avec vous, ou bien nous pouvons le faire à la réunion de suivi de mon ER. Par ailleurs, si je ne me trompe pas, ces réalisations attendues sont de haut niveau et elles ne sont pas assignées directement à une équipe de travail. Je ne voudrais pas assumer la responsabilité de quelque chose ni manquer quelque chose. C’est pour cette raison que je vous ai demandé, à vous et aux gestionnaires de projet, de préciser exactement ce que ceux‑ci attendent de moi. J’ai demandé aux gestionnaires de projet avant mon départ, et j’ai effectué un suivi auprès de l’un d’eux au moins à mon retour vendredi. Christine a commencé à déterminer toutes les dates et les réalisations attendues. Je dois tenir Jimmy au courant. Mais selon la brève conversation que nous avons eue avant mon départ, il attend avec impatience d’avoir un échéancier de projet.

J’ai décliné la réunion du 16 janvier. Comme je voyais que je m’en allais, je tenais à m’assurer que mon équipe avait suffisamment de travail et qu’elle comprenait ce dont elle était responsable en mon absence.

Si vous me demandez d’annuler mon cours (le premier que je suis depuis de nombreuses années), je le ferai. S’il vous plaît, dites‑le-moi. Nous pouvons conserver le temps.

J’ai dépassé de presque deux jours mon nombre de jours de vacances et j’ai des jours compensatoires (six jours – pour lesquels j’ai effectué des heures supplémentaires) à utiliser avant la fin de l’exercice. Je ne veux pas être rémunérée pour ces jours‑là. Je suis flexible à l’égard du moment du congé, mais je tiens à le prendre. Je reporterai encore plus de cinq jours compensatoires au prochain exercice.

En ce qui concerne votre préoccupation au sujet d’une réunion manquée, j’ai manqué une réunion à laquelle je devais assister pendant que j’étais ici. J’ai avisé Elaine à ce moment‑là. Il y a eu de nombreuses annulations à la réunion de notre section de votre part ces dernières semaines. Si je suis absente, je ne peux pas assister à la réunion. Mais en dehors de mon congé, je ne suis au courant d’aucune réunion à laquelle j’avais été invitée que j’aurais manquée, lorsque j’étais au travail.

[]

 

[120] La fonctionnaire a déclaré qu’elle n’avait jamais été informée des réalisations attendues d’elle au cours de la période allant de janvier au 31 mars 2015.

[121] Le 17 avril 2015, la fonctionnaire a déposé un grief à l’encontre de l’ER de fin d’exercice.

[122] Le 8 mai 2015, Claude Graziadei, qui était directeur général de la Direction de l’infrastructure statistique, qui comprenait la Division de la géographie, a présenté la réponse au deuxième palier au grief présenté à l’encontre de l’ER de mi-exercice. Les parties pertinentes de la réponse indiquent ce qui suit :

[Traduction]

À l’audience, votre représentant a soutenu que le grief qui était réputé être hors délai au premier palier avait en réalité été déposé dans le délai prescrit. Votre représentant a présenté une lettre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) qui donnait un aperçu des modifications qu’il est prévu d’apporter au Règlement de la CRTFP. Cependant, il est important de noter que ces modifications sont à venir, mais qu’elles ne sont pas en vigueur à l’heure actuelle. Par conséquent, la clause 40.12 existante de la convention collective qui indique le délai prévu pour déposer un grief prévaut.

Par conséquent, votre grief demeure réputé être hors délai et il ne peut pas être accepté. J’ai toutefois accepté d’examiner vos préoccupations à titre de plainte.

[…]

En dernier lieu, j’ai examiné votre évaluation initiale de mi‑exercice et je conviens que l’énoncé concernant vos absences était inapproprié. Cependant, après l’audience de votre grief au premier palier, des modifications ont été apportées. Par conséquent, la version originale n’est plus valide, et j’ai concentré mon attention sur la version révisée que vous avez reçue. Cela étant dit, j’ai constaté que les remarques originales apparaissent encore à la partie réservée à l’employée de l’ERFP. Afin de vous assurer que ces remarques seront entièrement supprimées, vous devez les supprimer dans la case de commentaires de l’employée. Je prendrai les dispositions nécessaires afin que votre évaluation de mi‑exercice soit rouverte, de façon à ce que vous puissiez le faire.

[…]

 

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

1. Demande de prorogation du délai applicable au grief présenté dans le dossier 566-02-11534

[123] La fonctionnaire a demandé la prorogation du délai applicable à la procédure de règlement des griefs pour les deux délais suivants, qui n’ont pas été respectés :

1) le délai dans lequel présenter un grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs;

2) le délai dans lequel présenter un grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

 

[124] La fonctionnaire et l’ACEP ont reconnu le retard afférent à la présentation du grief aux deux paliers de la procédure de règlement des griefs. Au premier palier, le retard était de deux jours, tandis qu’au troisième palier, il était de cinq ou six semaines.

[125] La fonctionnaire m’a renvoyé à l’alinéa 61b) du Règlement.

[126] La fonctionnaire m’a renvoyé à Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, qui établit les cinq critères suivants pour déterminer si la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai en vertu du Règlement :

[…]

• le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;

• la durée du retard;

• la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;

• l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;

• les chances de succès du grief.

[…]

 

[127] La fonctionnaire m’a aussi renvoyé à Apenteng c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2014 CRTFP 19, à savoir que les critères énoncés dans Schenkman ne se voient pas tous accorder la même importance et que les circonstances de chaque cas déterminent quel poids accorder à chacun. Il n’y a pas, dans les critères énoncés dans Schenkman, de formules forfaitaires ou de seuils qui empêchent un décideur de déterminer s’il y a lieu, par souci d’équité, d’accorder une prorogation de délai.

[128] La fonctionnaire a fait valoir que le retard de deux jours à présenter le grief au premier palier était minime, et que l’employeur ne subit aucun préjudice; à ce titre, la prorogation devrait être accordée. La fonctionnaire a fait valoir en outre que le retard de cinq ou six semaines à transmettre le grief au troisième palier satisfait aussi au critère énoncé dans la jurisprudence, parce qu’il n’était pas excessif, et que l’employeur ne subit aucun préjudice.

[129] Les deux griefs ont trait à des questions graves, et il serait difficile de déterminer leurs chances de succès sans entendre la preuve.

[130] La fonctionnaire m’a aussi renvoyé à Duncan c. Conseil national de recherches du Canada, 2016 CRTEFP 75, et à Chow c. Conseil du Trésor (Agence de la santé publique du Canada), 2015 CRTEFP 81.

2. Le bien-fondé des griefs

[131] La fonctionnaire a examiné la preuve en détail.

[132] La fonctionnaire m’a renvoyé à Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27; Nadeau c. Sous‑ministre de l’Emploi et du Développement social Canada, 2019 CRTESPF 9; Renfrew Victoria Hospital v. Ontario Nurses’ Association, [2016] O.L.A.A. no 412 (QL); Ko-Csonka v. TDL Group Corporation, 2014 HRTO 1247; Mou v. MHPM Project Leaders, [2016] O.H.R.T.D. no 320 (QL); Mississauga (City) v. Amalgamated Transit Union, Local 1572, [2005] O.L.A.A. no 328 (QL); Belleville General Hospital v. S.E.I.U., Local 183, 1993 CarswellOnt 1289; Canadian Waste Services Inc. v. C.L.A.C., 2000 CarswellOnt 5852; Mains Ouvertes-Open Hands Inc. v. O.P.S.E.U., Local 458, 2000 CarswellOnt 6143; Lethbridge Industries Ltd. v. Alberta (Human Rights Commission), 2014 ABQB 496; Cominco Ltd. v. United Steelworkers of America, Local 9705, [2000] B.C.C.A.A.A. no 62 (QL); Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15; Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35; Stringer c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2011 CRTFP 110; Hotte c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2016 CRTEFP 122; Santawirya c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2018 CRTESPF 58.

[133] Il convient de souligner que la Cour d’appel fédérale a annulé la décision rendue dans Santawirya après que l’audience eut pris fin.

[134] La fonctionnaire a fait valoir qu’au moment de l’ER de mi-exercice, elle atteignait ses objectifs de rendement; cependant, rien n’y prescrivait des délais.

[135] La fonctionnaire a fait valoir que les objectifs énoncés initialement en avril 2014 n’étaient pas ceux par rapport auxquels elle a fait l’objet de l’évaluation. À ce titre, elle n’aurait pas pu les atteindre si elle ignorait en quoi ils consistaient.

[136] Si la fonctionnaire n’a pas atteint ses objectifs, c’est en raison du fait qu’elle a régulièrement éprouvé des problèmes de santé. Elle a communiqué ses renseignements médicaux à Mme Zimmerman; par conséquent, son employeur était au courant de ses problèmes de santé.

[137] La fonctionnaire n’a reçu aucune rétroaction pendant la première moitié de l’exercice en cause. En plus d’être aux prises avec des problèmes de santé, elle a dû aussi modifier ses priorités de travail et aider une équipe qui avait pris du retard.

[138] Bien que l’employeur ait retiré le libellé offensant de l’ER de mi-exercice, l’effet du libellé discriminatoire n’est pas disparu, il s’est aggravé.

[139] La fonctionnaire a fait valoir que la définition de l’« incapacité » a évolué, et que pour l’application des droits de la personne, elle est nuancée. Divers états répondent à la définition; il s’agit d’un spectre, qui, à l’une des extrémités, couvre des états tels que le rhume et la grippe. À l’autre extrémité, on retrouve des états tels que les déficiences visuelles et les troubles chroniques, comme la dystrophie musculaire. Entre les deux extrémités, il y a de nombreux états de santé, dont un bon nombre peuvent constituer une incapacité. La difficulté consiste à déterminer ce qui constitue ou non une incapacité.

[140] Les problèmes médicaux peuvent être complexes, et les états peuvent différer. Chaque cas est différent. À un moment donné, la question consistait à déterminer ce qui était transitoire plutôt que chronique, ou courant par opposition à inhabituel, mais maintenant, la question est celle de savoir si un état nuit à la capacité d’une personne. Est‑ce qu’une personne éprouve un problème, et ce problème entrave‑t‑il la capacité de la personne à effectuer son travail? Voilà en quoi consiste l’analyse effectuée aujourd’hui. Une affection comme la bronchite peut constituer une incapacité, en fonction des circonstances (voir Renfrew Victoria Hospital).

[141] Pour la fonctionnaire, le lien entre l’incapacité et le milieu de travail a été établi. Ses absences étaient nécessaires sur le plan médical. L’employeur était au courant des problèmes de santé, à tout le moins au moment de la réunion du 30 septembre, lorsque l’ER de mi-exercice a été menée, parce que Mme Zimmerman a laissé entendre que les absences attribuables à ses problèmes de santé avaient entraîné un retard dans le travail de la fonctionnaire; c’est là que réside le traitement préjudiciable. L’employeur était au courant de l’incapacité, et pourtant, il a maintenu ses attentes à l’égard de la fonctionnaire comme si elle avait été physiquement apte au travail. Elle aurait dû bénéficier d’une mesure d’adaptation consistant à modifier ses objectifs; tel n’a pas été le cas.

[142] Une fois que l’employeur reconnaît l’effet de l’incapacité sur le fonctionnaire au travail, il ne peut pas lui appliquer les mêmes normes qu’à un fonctionnaire physiquement apte au travail. Cela vaut aussi bien pour l’ER de mi‑exercice que pour celle de fin d’exercice dans le présent cas.

[143] Comme un lien a été établi entre l’incapacité et le traitement préjudiciable, la discrimination a été établie, et le fardeau incombe à l’employeur.

[144] Les actes de l’employeur ont été délibérés et inconsidérés. Il n’est pas nécessaire de démontrer que l’employeur avait l’intention de commettre un acte discriminatoire. Le terme « inconsidéré » s’entend au sens de négligent et d’irréfléchi. L’employeur savait que la fonctionnaire s’absentait du travail en raison de sa maladie, et il lui en a tenu rigueur. Il savait qu’elle ne pouvait pas s’améliorer à l’avenir.

[145] En ce qui concerne l’ER de fin d’exercice, la fonctionnaire a posé des questions sur la façon d’améliorer son rendement. Il y a eu des discussions soutenues au sujet des attentes à l’égard de la fonctionnaire, mais elles n’ont abouti à rien.

[146] Aucun élément de preuve n’indique que les discussions sur les attentes à l’égard de la fonctionnaire en matière de rendement aient traité de sa santé et son bien‑être. L’employeur n’a jamais fourni l’aide requise. Soumettre une personne à une évaluation en se fondant sur des objectifs dont elle ne peut pas se servir pour améliorer son rendement n’aide pas cette personne.

[147] L’ER de fin d’exercice s’inscrivait dans les représailles de l’employeur. Si la fonctionnaire ignorait ce qu’on attendait d’elle pendant la deuxième moitié de l’année, il était donc difficile pour elle de faire son travail. Elle a reçu ses nouveaux objectifs le 5 février 2015. Son nouvel emploi a débuté le 23 février 2015.

[148] L’employeur a rédigé l’ER de fin d’exercice en ayant connaissance des problèmes de santé de la fonctionnaire au cours de l’été 2014. Il a agi ainsi de façon délibérée et inconsidérée, tout en sachant que la fonctionnaire avait été malade et en ne faisant rien pour atténuer les préoccupations qu’elle avait soulevées. Cela s’inscrivait dans le cadre des actes discriminatoires.

[149] À titre de redressement, la fonctionnaire a demandé ce qui suit :

· que la Commission déclare que l’employeur a violé la convention collective et qu’il a fait preuve de discrimination envers la fonctionnaire de manière délibérée et inconsidérée;

· que la Commission retire les ER de mi‑exercice et de fin d’exercice de son dossier;

· des dommages de 15 000 $ en vertu de l’alinéa 52(2)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP);

· des dommages de 10 000 $ en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

 

B. Pour l’employeur

1. Demande de prorogation du délai applicable au grief présenté dans le dossier 566-02-11534

[150] L’employeur m’a aussi renvoyé à Schenkman, et il a convenu qu’il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids aux critères. Il m’a renvoyé à Grouchy c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 92, qui appuie la proposition selon laquelle la prorogation d’un délai devrait être l’exception et non la règle. Le respect des délais est obligatoire, et toutes les parties doivent les respecter. Il incombe aux fonctionnaires de connaître les délais.

[151] Popov c. Agence spatiale canadienne, 2018 CRTESPF 49, visait les situations où un fonctionnaire s’estimant lésé participait à une procédure informelle de règlement des différends. On a maintenu que même si un fonctionnaire s’estimant lésé ne devrait pas être critiqué pour avoir adopté cette approche, cela ne le dégage pas de ses obligations de se soumettre à la procédure de règlement des griefs.

[152] L’employeur a fait valoir qu’aucun élément de preuve n’explique pourquoi le grief de la fonctionnaire était hors délai, à part le fait qu’elle avait pris des mesures informelles. La fonctionnaire a été représentée tout au long de la procédure. Rien n’explique non plus pour quelles raisons le grief n’a pas été présenté au troisième palier dans le délai prescrit, ni pourquoi il a fallu cinq ou six semaines pour l’y présenter.

[153] Dans son argumentation, la fonctionnaire a fait référence à sa santé et à son nouvel emploi, qui, comme elle l’a laissé entendre, aurait eu un effet sur le traitement du grief. Cependant, l’employeur a fait valoir qu’elle allait bien, qu’elle avait un nouvel emploi, et qu’elle se prévalait du grief qu’elle avait déposé à l’encontre de son ER de fin d’exercice, alors qu’elle n’avait pas respecté le délai applicable au renvoi au troisième palier du grief concernant l’ER de mi-exercice. Aucun élément de preuve n’explique pourquoi la fonctionnaire n’a pas respecté ce délai, ni s’il y avait une raison d’ordre médical derrière cela.

[154] Schenkman traite de la diligence raisonnable. Il incombait à la fonctionnaire d’agir. Ni elle ni l’ACEP n’ont fait preuve de diligence raisonnable. La fonctionnaire aurait dû expliquer pourquoi elle n’avait pas respecté les délais; elle ne l’a pas fait. Un défendeur est en droit de s’attendre à ce qu’une affaire prenne fin. La prorogation des délais n’est pas justifiée par des raisons claires, logiques et convaincantes.

[155] Alors que le premier retard n’était pas important, le deuxième, d’environ deux mois, l’était. Même si le retard n’était pas important, la fonctionnaire ne l’a pas justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes; elle n’a pas fait preuve de diligence raisonnable non plus.

[156] En ce qui concerne l’équilibre entre la justice et l’injustice, l’employeur a fait valoir qu’il avait subi un préjudice; il a le droit de tourner la page de la présente affaire.

[157] Les chances de succès du grief sont difficiles à évaluer.

[158] La clause 40.04 prévoit que les délais établis dans la convention collective peuvent être mutuellement prorogés, mais cela n’a pas été fait.

2. Le bien-fondé des griefs

[159] Dans les cas alléguant la discrimination, il est affirmé que pour démontrer qu’un employeur s’est livré à une pratique discriminatoire, un fonctionnaire s’estimant lésé doit en établir une preuve prima facie. Le critère comprend trois volets et il est énoncé dans Dorais c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2018 CRTESPF 39, Diks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 3, Moore c. ColombieBritannique, [2012] 3 RCS 360, et Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30. La fonctionnaire devait établir les faits suivants :

1) elle bénéficie d’une caractéristique protégée (en ce cas, une incapacité);

2) elle a subi un effet préjudiciable;

3) il existe un lien entre la caractéristique protégée et l’effet préjudiciable.

 

[160] Conformément à Cann v. Rona Incorporated, 2012 HRTO 754, il incombe à la fonctionnaire de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’une preuve prima facie a été produite. Une preuve logique et convaincante doit être présentée pour répondre au critère de la prépondérance des probabilités. L’employeur était d’avis que la fonctionnaire n’avait pas établi la preuve prima facie.

[161] En ce qui concerne la caractéristique protégée, l’incapacité, la preuve produite se composait des trois certificats médicaux suivants :

• un pour la période du 28 juillet au 1er août 2014;

• un pour la période du 27 août au 20 septembre 2014;

• un pour la période du 28 au 31 octobre 2014.

 

[162] Il s’agissait des seules notes médicales que la fonctionnaire avait fournies à l’employeur, et elles ne sont pas suffisamment détaillées. Les deux premières notes indiquaient seulement que la fonctionnaire ne pouvait pas travailler en raison d’une maladie, tandis que la troisième indiquait qu’elle ne pouvait pas travailler en raison d’une procédure médicale. À aucun moment la fonctionnaire n’a demandé une mesure d’adaptation quelconque en raison d’une incapacité ou d’une maladie. Avant l’ER de mi-exercice, elle s’est absentée du travail 17 jours. Après l’ER de mi-exercice et avant son départ, elle s’est absentée du travail quatre jours en octobre et un jour en décembre 2014, pour cause de maladie ou pour des raisons médicales. La fonctionnaire n’a perdu aucune journée de travail pour cause de maladie en janvier et février 2015.

[163] En ce qui concerne les problèmes de santé dont la fonctionnaire a fait mention, Mme Zimmerman a reconnu que la fonctionnaire avait eu une mauvaise toux, et qu’elle croyait que celle-ci avait un ou des problèmes de verrues, qu’elle souffrait d’une pneumonie et qu’elle passait des examens. Mme Castonguay a reconnu avoir eu connaissance de la mononucléose. L’employeur a admis qu’il était au courant du fait que la fonctionnaire était parfois malade. Lorsqu’elle a demandé des congés de maladie, ils lui ont été accordés et ils n’ont pas été contestés. Il est également ressorti de la preuve que malgré les avis médicaux contraires, la fonctionnaire s’était présentée au travail.

[164] La fonctionnaire a obtenu des congés pour se rendre à des rendez‑vous chez le médecin et subir des examens. Au cours de l’année, ces examens se sont appliqués non pas à un, mais à plusieurs problèmes de santé. Les examens, même s’ils peuvent occasionner du stress, ne constituent pas une incapacité ou une maladie.

[165] Au cours des périodes où la fonctionnaire a souffert d’une pneumonie et d’une mononucléose, elle a obtenu des congés de maladie lorsqu’elle en a demandé. Rien n’indiquait dans quelle mesure les maladies avaient nui à son rendement. L’employeur a reconnu qu’elle pouvait avoir subi du stress, mais qu’elle n’avait pas révélé qu’elle ne pouvait pas s’acquitter de ses fonctions. Aucune attestation médicale n’a été présentée pour indiquer que le stress nuisait à sa capacité d’exercer ses fonctions ou d’atteindre ses objectifs, et qu’il s’agissait d’une incapacité.

[166] Le fait d’être affecté par différentes maladies et d’utiliser des congés de maladie à court terme pour rattraper le temps perdu en raison de cela ne constitue pas nécessairement une incapacité. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Procureur général du Canada c. Gatien, 2016 CAF 3; Riche c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2013 CRTFP 35; Halfacree c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2012 CRTFP 130 (confirmé dans 2014 CF 360 et dans 2015 CAF 98).

[167] L’attestation médicale présentée à l’audience et le témoignage du médecin de famille de la fonctionnaire n’ont pas révélé que celle‑ci avait été atteinte d’une incapacité ou d’une maladie qui avait nui à sa capacité de mener à bien son travail. Son anémie ne l’obligeait pas à prendre congé, et son médecin de famille n’a pas laissé entendre non plus que cela nuisait à son travail. Rien n’indiquait à l’employeur que les malaises de la fonctionnaire l’empêchaient de travailler ou d’atteindre ses objectifs. Rien n’indiquait à l’employeur, et il n’existait aucune preuve, que ses malaises entravaient sa capacité de participer au travail. Il n’existe aucune preuve que les malaises de la fonctionnaire ont nui à sa capacité de fonctionner normalement; par conséquent, ces malaises ne pouvaient pas atteindre le niveau d’une incapacité.

[168] La jurisprudence invoquée par la fonctionnaire peut être distingué du fait des faits.

[169] En ce qui concerne le critère de l’effet préjudiciable, l’employeur m’a renvoyé à Dorais et à Chênevert c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2015 CRTEFP 52. Il n’y a pas eu d’effet préjudiciable sur les finances de la fonctionnaire, ni sur sa mutation. Celle-ci a été mutée et, éventuellement, elle a été promue. Aucun élément de preuve n’indique que ses problèmes de santé ont nui à son rendement. Le fait d’avoir été mécontente de ses ER ne satisfait pas au critère.

[170] Le troisième critère, l’établissement de la preuve prima facie de discrimination, constitue un lien entre la caractéristique protégée (dans le présent cas, l’incapacité) et l’effet préjudiciable. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Bassett c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 60, et à Gibson c. Conseil du Trésor (Ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68.

[171] Mme Zimmerman a témoigné que l’évaluation de la fonctionnaire aux fins de l’ER de mi-exercice reposait sur le travail que celle-ci avait effectué pendant qu’elle était au travail. Mme Zimmerman a expliqué la justification de la remarque qui apparaît dans l’ER de mi-exercice au sujet du congé de maladie certifié; cette remarque a été insérée là afin d’atténuer le coup d’une mauvaise ER. Il se peut que cela constituait un manque de jugement ou que c’était inapproprié, mais ce n’était pas discriminatoire. Mme Zimmerman a évalué la fonctionnaire d’après les tâches qu’elle avait effectuées pendant qu’elle était au travail. Rien n’indiquait l’existence d’une limitation fonctionnelle.

[172] Si une preuve prima facie de discrimination est établie, l’employeur peut la réfuter en établissant ce qui suit :

  • la fonctionnaire n’a pas fourni les renseignements médicaux appropriés à l’employeur afin qu’il puisse prendre une mesure d’adaptation pour elle; ou
  • l’incapacité n’a pas été un facteur dans les ER.

 

[173] Les principes sous‑jacents à l’obligation de prendre une mesure d’adaptation sont énoncés dans Procureur général du Canada c. Cruden, 2013 CF 520, qui confirme les principes énoncés dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3. Ces principes sont aussi énoncés dans Cann. Un fonctionnaire doit présenter suffisamment de renseignements pour permettre de déterminer si une mesure d’adaptation est requise, et il doit collaborer au processus d’adaptation. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970, et à Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43.

[174] L’employeur m’a renvoyé à Boivin c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2017 CRTEFP 8, à savoir qu’un fonctionnaire s’estimant lésé doit présenter suffisamment de renseignements à l’employeur. La fonctionnaire dans le présent cas ne l’a pas fait. Ahmad c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 60, Leclair c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 97, Yellowhead Road and Bridge (Fort George) Ltd. v. British Columbia Government and Service Employees’ Union, [2015] B.C.C.A.A.A. no 158 (QL) et Gatien étayent toutes la thèse selon laquelle l’employeur n’est pas responsable de ce qu’il ignore, et il incombe à un fonctionnaire de fournir des renseignements et de collaborer au processus d’adaptation. Dans son témoignage, la fonctionnaire a admis qu’elle n’avait ni souhaité obtenir une mesure d’adaptation ni éprouvé ce besoin.

[175] L’incapacité n’a pas été un facteur dans la décision de l’employeur. Mme Zimmerman a évalué la fonctionnaire en fonction du travail qu’elle avait effectué. Rien ne laissait croire à une incapacité, et aucune demande d’adaptation n’a été présentée. Même si Mme Zimmerman a formulé une remarque malheureuse, cela ne correspondait pas à de la discrimination, et l’explication de Mme Zimmerman était raisonnable.

[176] La question en litige était celle des ER. Selon l’évaluation, la fonctionnaire éprouvait des difficultés liées aux compétences de base et elle travaillait dans une bulle. Entre autres difficultés liées aux compétences de base, elle parlait de ses griefs de façon impromptue et affichait un comportement antagoniste. Cela étant dit, il n’existe aucun lien entre les compétences de base, son comportement et une incapacité.

[177] Même si le style de gestion de Mme Zimmerman a pu être direct et peut‑être indélicat, il n’est pas discriminatoire pour autant. Il a pu en être ainsi parce qu’elle était soumise à la pression de produire des résultats. Cette situation n’a pas été créée en raison du style de gestion de Mme Zimmerman.

[178] En ce qui concerne les représailles, la fonctionnaire a fait valoir qu’elle était exclue des réunions. Elle a été invitée et elle a assisté à certaines réunions. Il est vrai qu’à une occasion, son nom ne figurait pas dans une invitation à une réunion transmise par courriel. Cependant, la réunion à laquelle elle n’a pas été invitée devait initialement se tenir en son absence, et par inadvertance, la réunion reportée l’excluait. Il n’y a aucun élément de preuve clair du fait que la fonctionnaire n’était pas invitée aux réunions.

[179] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle Mme Zimmerman avait usurpé les pouvoirs de la fonctionnaire en assignant des tâches à ses subordonnés directs, Mme Zimmerman a témoigné que cela avait été fait parce qu’en l’absence de la fonctionnaire, il fallait néanmoins assigner et exécuter les tâches. Il s’agit d’une explication raisonnable pour justifier que les choses aient pu se passer ainsi.

[180] En ce qui concerne les objectifs révisés qui ont été présentés à la fonctionnaire en février 2015, le fait est qu’elle possédait de l’expérience à un poste EC-06 et qu’elle travaillait dans ce domaine depuis un certain temps. Même si l’employeur avait instauré un nouveau processus d’ER et un formulaire connexe, et qu’il a pu survenir des incidents pendant leur mise en œuvre, cela ne signifiait pas que la fonctionnaire ne connaissait pas ses objectifs. Même si ceux‑ci n’avaient pas été élaborés clairement, y compris l’établissement des dates, cela ne correspondait pas à de la discrimination. Cela étant dit, il est très peu probable que la fonctionnaire ait ignoré les délais qu’elle devait respecter, puisqu’elle assistait aux réunions au cours desquelles les échéanciers et les réalisations attendues étaient débattus, parallèlement à l’assignation de tâches aux subordonnés relativement aux échéanciers et aux réalisations attendues et à la coordination des échéanciers et des réalisations attendues avec les autres groupes et divisions. À son tour, elle devait attribuer des objectifs et des réalisations attendues à ses subordonnés directs et évaluer ceux‑ci. Aucun élément de preuve ne laissait penser que cela n’avait pas été fait, ni que les subordonnés n’étaient pas en mesure de comprendre leurs objectifs, leurs échéanciers et leurs réalisations attendues.

[181] Il a aussi été insinué que la mutation d’un fonctionnaire qui avait déjà relevé de la fonctionnaire avait été une mesure de représailles à l’égard de celle‑ci. Le fonctionnaire avait pris part à un processus de dotation et il avait été retenu. Il est passé à une autre section, et son rapport hiérarchique a changé. Il n’y avait aucun lien avec de la discrimination.

[182] La fonctionnaire a aussi évoqué que M. Graziadei avait parlé de son grief à leur réunion du 17 novembre 2014. Il n’était pas inapproprié de le faire, et cela n’était pas discriminatoire non plus.

[183] La fonctionnaire a déclaré que la lettre du 9 février constituait des représailles. Elle aurait pu porter un grief contre cette lettre, mais elle ne l’a pas fait. Même si elle ne pouvait peut‑être pas renvoyer un pareil grief à la Commission pour arbitrage, cela ne veut pas dire qu’elle ne pouvait pas présenter un grief alléguant que la lettre constituait une mesure disciplinaire et des représailles. Même s’il s’agissait d’une mesure disciplinaire qui pouvait être assimilée à une réprimande écrite, en vertu de l’article 209 de la Loi, la Commission n’aurait pas compétence pour l’instruire. De plus, aucun élément de preuve ne démontre l’existence d’un lien avec les problèmes de santé de la fonctionnaire ou avec l’allégation de discrimination.

[184] La fonctionnaire a aussi parlé de sa demande de relever d’une autre personne que Mme Zimmerman. Il s’agissait d’un problème interpersonnel, et non d’un problème d’ordre médical ou de santé, et aucun élément de preuve ne démontre que pour des raisons de santé, la fonctionnaire devait relever d’une autre personne que Mme Zimmerman, ni qu’un pareil changement était nécessaire à des fins d’adaptation.

[185] L’employeur a fait valoir que s’il est conclu qu’il y a eu discrimination, en ce cas il convient de souligner que la jurisprudence présentée par la fonctionnaire ne s’apparente pas aux faits du présent cas. Par ailleurs, compte tenu du fait que la fonctionnaire n’a ni perdu son emploi ni subi un préjudice à cet égard, et qu’elle a été promue, il ne faudrait accorder que des dommages minimes.

[186] L’employeur a fait valoir qu’au vu des faits, il n’y a pas eu discrimination, et que les griefs devraient être rejetés.

C. La réponse de la fonctionnaire s’estimant lésée

1. Demande de prorogation du délai applicable au grief présenté dans le dossier 566-02-11534

[187] Grouchy ne s’applique pas. L’alinéa 61b) du Règlement ne devrait pas être lu de façon trop stricte.

2. Le bien-fondé du grief

[188] La première étape est l’élément crucial du critère consistant à déterminer si une preuve prima facie a été établie. Y a-t-il suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer une incapacité ou une incapacité perçue?

[189] L’employeur a minimisé une bonne partie de la preuve.

[190] Beaucoup d’éléments de preuve attestent que la fonctionnaire a travaillé pendant sa maladie, qu’elle a expliqué sa maladie, et qu’elle a demandé d’échanger son congé annuel contre des congés de maladie. Elle était malade pendant ses vacances.

[191] La fonctionnaire a travaillé alors qu’elle était atteinte d’une pneumonie et d’une mononucléose. Elle ne travaillait pas au mieux de ses capacités. Elle avait des limitations fonctionnelles.

[192] Il ne s’agit pas d’un cas d’adaptation. Manifestement, les actes de l’employeur ont eu un effet préjudiciable sur la fonctionnaire.

[193] Le critère permettant de démontrer une incapacité a évolué. Plusieurs affections peuvent être prises en compte. Le présent cas révèle la coïncidence parfaite de diverses affections.

[194] Les rationalisations de l’employeur après le fait ne satisfont pas au volet secondaire du critère.

IV. Motifs

[195] Pour les motifs qui seront énoncés à la présente section, la demande de prorogation du délai est rejetée, et le grief présenté dans le dossier 566-02-11534 est rejeté. Il est fait droit au grief présenté dans le dossier 566-02-11701 dans la mesure établie à la présente section.

A. Dossier 566-02-11534

[196] Tel qu’il est énoncé dans Pannu c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTESPF 4, la procédure de règlement des griefs de la fonction publique fédérale est régie par la Loi, le Règlement et les conventions collectives propres à divers groupes qu’un agent négociateur autorisé et l’employeur peuvent conclure pour les fonctionnaires d’une unité de négociation donnée.

[197] À l’article 40 de la convention collective, les parties ont accepté certaines conditions qui régissent la procédure de règlement des griefs. Comme il est indiqué dans cette convention, la procédure comprend trois paliers. Si un fonctionnaire s’estimant lésé est insatisfait de la réponse de l’employeur au dernier palier, il peut renvoyer le grief à l’arbitrage (si la Commission a compétence pour l’instruire). Les clauses 40.12 à 40.14 indiquent le délai prescrit pour présenter un grief dans le cadre de cette procédure.

[198] La clause 40.12 prévoit qu’un grief peut être présenté au premier palier au plus tard le vingt‑cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle le fonctionnaire est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief. Si le grief est présenté après le vingt‑cinquième (25e) jour, il est considéré comme étant hors délai.

[199] Les clauses 40.13 et 40.14 prévoient comment un grief, une fois présenté, chemine à travers la procédure de règlement des griefs, et elles établissent les délais précis que le fonctionnaire et l’employeur doivent respecter aux étapes requises. En ce qui concerne le délai dans lequel l’employeur doit répondre à un grief, à n’importe quelle étape de la procédure, s’il ne répond pas, il incombe au fonctionnaire s’estimant lésé, dans un autre délai précis, de porter son grief à l’étape suivante. Une fois que le grief a été porté à tous les paliers, si le fonctionnaire s’estimant lésé est insatisfait de la décision rendue au dernier palier, il peut renvoyer le grief à la Commission pour arbitrage, si le grief peut être renvoyé et que le délai requis n’est pas écoulé.

[200] La clause 40.20 prévoit que le fonctionnaire qui néglige de présenter son grief au palier suivant dans les délais prescrits est réputé avoir renoncé à son grief, à moins que des circonstances indépendantes de sa volonté ne l’aient empêché de respecter les délais prescrits.

[201] L’article 63 du Règlement apparaît sous le titre « Griefs », le sous-titre « Dispositions générales », et la note marginale « Rejet pour non-respect d’un délai », et il indique ce qui suit :

Griefs

Dispositions générales

[…]

Rejet pour non-respect d’un délai

63 Le grief ne peut être rejeté pour non-respect du délai de présentation à un palier inférieur que s’il a été rejeté au palier inférieur pour cette raison.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[202] L’article 95 du Règlement apparaît sous le titre « Griefs », le sous-titre « Arbitrage de griefs », et les notes marginales « Délai pour soulever une objection » et « Circonstance où une objection ne peut être soulevée ». Il indique en partie ce qui suit :

Griefs

Arbitrage de griefs

[…]

Délai pour soulever une objection

95 (1) Toute partie peut, au plus tard trente jours après avoir reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage :

a) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable au grief n’a pas été respecté;

b) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour le renvoi du grief à l’arbitrage n’a pas été respecté.

Circonstance où une objection ne peut être soulevée

(2) L’objection visée à l’alinéa (1)a) ne peut être soulevée que si le grief a été rejeté au palier pour lequel le délai n’a pas été respecté et à tout palier subséquent de la procédure applicable au grief en raison de ce non-respect.

[…]

 

[203] L’article 61 du Règlement apparaît sous les mêmes titre et sous-titre que l’article 63, mais sous la note marginale « Prorogation de délai », et il indique ce qui suit :

Prorogation de délai

61 Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration :

a) soit par une entente entre les parties;

b) soit par la Commission ou l’arbitre de grief, selon le cas, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[204] L’article 90 du Règlement énonce la procédure de renvoi d’un grief à la Commission pour arbitrage, et il indique ce qui suit :

Délai pour le renvoi d’un grief à l’arbitrage

90 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le renvoi d’un grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief.

Exception

(2) Si la personne dont la décision constitue le dernier palier de la procédure applicable au grief n’a pas remis de décision à l’expiration du délai dans lequel elle était tenue de le faire selon la présente partie ou, le cas échéant, selon la convention collective, le renvoi du grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après l’expiration de ce délai.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[205] La fonctionnaire a présenté son premier grief en retard à la première étape de la procédure de règlement des griefs. Elle a aussi tardé à le porter au palier suivant. Le premier retard était de deux jours seulement, tandis que le second représentait près de deux mois. Il n’est pas contesté que l’employeur n’a pas consenti à proroger le délai prévu pour le dépôt du grief ou pour sa transmission à un palier ultérieur de la procédure de règlement des griefs.

[206] L’employeur a soulevé la question du non-respect du délai à l’occasion de la présentation initiale du grief à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs, ainsi qu’après son renvoi à la CRTEFP pour arbitrage. Lorsque la fonctionnaire a négligé de présenter son grief au troisième palier de la procédure de règlement des griefs dans les délais prévus selon la convention collective, l’employeur a soulevé le non-respect du délai à la fois au troisième palier et lors de son renvoi à l’arbitrage.

[207] Même s’il n’est pas courant qu’un grief soit déposé en retard ou acheminé en retard à travers la procédure de règlement des griefs, cela arrive. Une jurisprudence fondée sur l’article 61 du Règlement a été établie pour faire face à ces situations, ce qui permet à un fonctionnaire s’estimant lésé qui n’a pas respecté un délai de s’adresser à la Commission en présentant une demande en vertu de l’alinéa 61b).

[208] Le cas type en ce domaine est Schenkman, qui énonce les cinq critères auxquels il a été fait allusion et qui ont été utilisés au fil des ans pour répondre aux demandes de prorogation de délai :

[…]

• le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;

• la durée du retard;

• la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;

• l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;

• les chances de succès du grief.

[…]

 

[209] Lorsqu’un commissaire entend une demande de prorogation de délai, il doit évaluer les faits de chaque situation particulière. Aucun processus fixe ou système de cotation ne s’applique lorsqu’il s’agit d’évaluer les critères.

[210] Le premier critère traite de la justification du retard par des raisons claires, logiques et convaincantes. Dans le cas de la fonctionnaire, aucun élément de preuve n’a été présenté pour expliquer les premier et deuxième retards, ni, a fortiori, des raisons claires, logiques et convaincantes afin de les justifier. Même si j’ai entendu que la fonctionnaire avait rencontré Mmes Zimmerman et Castonguay, il ressort clairement de la jurisprudence que des discussions informelles concernant le règlement d’un grief n’ont en aucun cas pour effet de maintenir ou de proroger les délais (voir Popov).

[211] De plus, la clause 40.20 prévoit qu’un fonctionnaire qui néglige de présenter son grief au palier suivant dans les délais prescrits est réputé avoir renoncé à son grief, à moins que des circonstances indépendantes de sa volonté ne l’aient empêché de respecter les délais prescrits. Aucun élément de preuve n’indiquait que des circonstances indépendantes de sa volonté avaient empêché la fonctionnaire de respecter les délais prescrits. Le délai prévu pour présenter son grief au premier palier expirait le mercredi 5 novembre 2014. Le grief a été présenté le vendredi 7 novembre 2014. Il est également ressorti de la preuve que la fonctionnaire avait été en congé de maladie du 28 au 31 octobre, qu’elle n’avait pas été en congé du tout pendant la semaine du 3 novembre 2014, et qu’en octobre, elle avait travaillé 14 jours.

[212] De plus, en ce qui concerne le grief initial, bien que la fonctionnaire l’ait signé le 7 novembre 2014, le représentant de l’agent négociateur l’a signé le 6 octobre 2014. Cette anomalie n’a pas été expliquée. Je n’ai entendu aucun témoignage expliquant pourquoi le représentant de l’agent négociateur avait signé le grief à cette date, mais que la fonctionnaire avait attendu un mois avant de le signer et de le présenter à l’employeur.

[213] Il ressort aussi clairement de la jurisprudence que le respect des délais est obligatoire, que toutes les parties doivent les respecter, et qu’il incombe aux fonctionnaires de les connaître. La fonctionnaire a été représentée par son agent négociateur tout au long de la procédure, et à ce titre, même si elle n’était pas au courant des délais, l’agent négociateur en était parfaitement au courant, puisque cela constitue une part importante de la représentation de ses membres.

[214] Le deuxième critère est la durée du retard. Comme l’a soutenu la fonctionnaire, le retard initial était minime; cependant, le retard subséquent à porter le grief du deuxième au troisième palier n’était pas minime, il est troublant, et il mène directement au troisième critère, celui de la diligence raisonnable de la fonctionnaire.

[215] Aucun élément de preuve n’indique que la fonctionnaire ait fait preuve de diligence raisonnable en prenant les mesures nécessaires pour abréger le retard, et en réalité, l’inverse s’est produit.

[216] Il est clair que la fonctionnaire et le ou les représentants de l’agent négociateur savaient que l’employeur n’avait ni renoncé aux délais ni consenti à les proroger, puisque dans ses réponses aux premier et deuxième paliers, il a rejeté le grief au motif qu’il était hors délai. Cela aurait dû attirer l’attention de la fonctionnaire et de son agent négociateur sur le fait que l’employeur prenait les délais au sérieux. Cependant, face à la position de l’employeur qui a été clairement formulée, non seulement une mais deux fois, pour des motifs non présentés à l’audience, le grief n’a pas été renvoyé dans les délais auxquels l’agent négociateur avait souscrit dans la convention collective.

[217] La réponse de l’employeur au troisième palier indiquait que celui-ci estimait que le grief avait été déposé hors délai, non seulement initialement, mais aussi au troisième palier. La fonctionnaire a renvoyé le grief à la CRTEFP pour arbitrage, dans les délais prévus à l’article 95 du Règlement, et l’employeur a soulevé de nouveau ses objections fondées sur les délais.

[218] Malgré que l’employeur ait clairement indiqué à quatre reprises à la fonctionnaire et à l’agent négociateur que le grief était hors délai et qu’il ait affirmé à deux reprises que le renvoi au troisième palier était également hors délai, la fonctionnaire ne s’est pas prévalue de la demande de prorogation de délai en vertu de l’article 61 du Règlement avant le début de l’audience, qui a eu lieu plus de trois ans après le non‑respect des délais. Cela n’était pas faire preuve de diligence raisonnable.

[219] Les quatrième et cinquième critères visent, respectivement, l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée, et les chances de succès du grief.

[220] Dans le contexte des relations de travail au sein du secteur public contemporain, il est difficile d’envisager si une injustice éventuelle envers l’employé peut être contrebalancée par le préjudice que subit l’employeur.

[221] Il y a ensuite le cinquième critère. Il peut être difficile à évaluer, en grande partie parce que, dans certains cas, comme celui qui nous occupe, à moins qu’une grande partie, voire l’ensemble de la preuve ne soit entendue et appréciée, il est impossible de parvenir à une pareille conclusion. Par conséquent, le commissaire doit entendre l’ensemble de la preuve et l’argumentation sur le bien‑fondé.

[222] Le grief a été présenté à deux égards. La fonctionnaire a allégué ce qui suit au sujet de l’ER de mi-exercice :

[Traduction]

 

  • elle violait la convention collective, puisque l’employeur a passé des commentaires sur son incapacité à rester en voie d’atteindre ses objectifs, ce qui était attribuable à son absence du travail en raison d’une maladie liée à une incapacité; les commentaires étaient de nature discriminatoire et ils constituaient une violation de la clause 16.01 de la convention collective et de la LCDP;
  • il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée, effectuée de mauvaise foi, d’un leurre et d’un manquement au devoir de l’employeur d’évaluer équitablement son rendement.

 

[223] L’article 208 de la Loi autorise un fonctionnaire à contester presque tous les aspects de sa relation de travail. Cependant, l’article 209 encadre la compétence de la Commission à l’égard des griefs déposés en vertu de l’article 208, qui peuvent être présentés devant elle pour arbitrage. L’alinéa 209(1)a) donne compétence à la Commission sur les inobservations d’une convention collective, tandis que l’alinéa 209(1)b) lui donne compétence sur les affaires disciplinaires, si elles découlent d’un licenciement, d’une rétrogradation, d’une suspension ou d’une sanction pécuniaire.

[224] La jurisprudence relative à l’alinéa 209(1)b) a confirmé de manière constante qu’une mesure disciplinaire qui ne constituait pas un licenciement, une suspension, une rétrogradation ou une sanction pécuniaire ne relève pas de la compétence de la Commission.

[225] Au début de sa plaidoirie, la fonctionnaire a déclaré que même si elle croyait que la mesure de l’employeur constituait une mesure disciplinaire déguisée, elle reconnaissait que cette mesure ne relevait pas de la compétence de la Commission. Cela étant le cas, les chances de succès que le grief soit accueilli parce qu’il serait conclu à une mesure disciplinaire déguisée sont nulles, puisqu’il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire relevant de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

[226] Il ne reste donc que l’allégation selon laquelle l’ER de mi-exercice constituait une violation de la convention collective. Puisque cette allégation donne à penser qu’il y aurait eu violation d’un article de la convention collective, la Commission a compétence. Cependant, la compétence ne constitue pas une garantie, ni même une mesure de succès; elle indique seulement que la question relève de la compétence de la Commission.

[227] Cependant, sur le fondement exclusif de la formulation du grief et des aveux de la fonctionnaire, dans leur forme la plus simple, les chances de succès du présent grief étaient réduites de moitié, puisque la fonctionnaire a reconnu que la partie du grief qui se rapportait à la mesure disciplinaire déguisée ne relevait pas de la compétence de la Commission.

[228] La décision Schenkman a été rendue par le prédécesseur de la Commission, la Commission des relations de travail dans la fonction publique, à l’époque où l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35) était la loi applicable. Celle-ci a été abrogée le 31 mars 2005, puis remplacée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP).

[229] Avant l’entrée en vigueur de la LRTFP, un employeur pouvait soulever une objection à l’égard du respect des délais d’un grief à n’importe quel moment de la procédure de règlement des griefs, jusqu’au début d’une audience d’arbitrage. L’entrée en vigueur de la LRTFP a apporté des changements instituant des règles qui ont passablement limité la capacité de l’employeur à contester le non‑respect d’un délai et qui ont exigé que ces objections soient soulevées à chaque palier de la procédure de règlement des griefs et au moment du renvoi à l’arbitrage, à défaut de quoi, malgré le non‑respect d’un délai, l’employeur ne peut se prévaloir d’une objection. En résumé, les fonctionnaires s’estimant lésés ont obtenu un niveau supplémentaire de protection lorsqu’il s’agit des retards à présenter un grief et du traitement d’un grief dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[230] Les parties aux conventions collectives du secteur public fédéral sont, pour la partie patronale, le gouvernement fédéral sous la forme du CT ou d’un certain nombre d’organismes distincts, et pour la partie syndicale, divers agents négociateurs professionnels nationaux. Il s’agit là d’organismes sophistiqués, qui utilisent les services de négociateurs professionnels et d’avocats qui agissent en leur nom dans le cadre du régime de relations de travail. Ceux‑ci négocient les conventions collectives qui établissent les conditions d’emploi. Ainsi, on ne peut affirmer qu’ils ne sont pas pleinement conscients non seulement des règles, mais aussi des risques inhérents à la présentation et au traitement des griefs.

[231] Comme il est énoncé dans Grouchy, l’octroi d’une prorogation de délai devrait être l’exception et non la règle. À tout le moins, si un grief n’a pas été présenté dans le délai prescrit dans la convention collective et convenu par les parties, il est impératif que le fonctionnaire s’estimant lésé et l’agent négociateur fassent preuve de diligence en demandant rapidement la prorogation de délai, et, ce faisant, qu’ils expliquent le retard.

[232] Les quatrième et cinquième critères énoncés dans Schenkman ne doivent être pris en considération que si le fonctionnaire s’estimant lésé a fait preuve de diligence, qu’il a demandé la prorogation de délai dès que possible après avoir pris connaissance du non‑respect du délai, et qu’il explique de façon claire et logique pourquoi il ne l’a pas respecté. Autrement, les délais prévus dans la convention collective que les parties ont librement négociés et acceptés n’auraient aucune pertinence.

[233] En application de la convention collective, sur le fondement de la clause 40.20, le grief aurait été réputé avoir été abandonné.

[234] De plus, comme la fonctionnaire n’a pas fait preuve de diligence raisonnable, et comme elle n’a pas justifié le retard à porter son grief au palier suivant par des raisons claires, logiques et convaincantes, la demande de prorogation de délai est rejetée, et le grief est rejeté.

B. Dossier 566-02-11701

[235] La Commission (et ses prédécesseurs) a conclu depuis longtemps qu’elle n’a pas compétence pour entendre les griefs concernant les évaluations du rendement des fonctionnaires (voir, par exemple, Bratrud c. Canada (Bureau du surintendant des institutions financières), 2004 CRTFP 10, aux paragraphes 90 à 92). Le seul mécanisme qui puisse donner compétence à la Commission est de pouvoir établir que le grief relèverait autrement de sa compétence en vertu de l’article 209 de la Loi.

[236] Comme je l’ai déjà mentionné dans les présents motifs, la fonctionnaire a maintenu que les actes posés par l’employeur à l’égard de ses ER constituaient une mesure disciplinaire déguisée. Cependant, dans sa présentation, elle a reconnu que dans les circonstances, cette allégation ne relevait pas de la compétence de la Commission. Il restait donc à la fonctionnaire à établir, selon la prépondérance des probabilités, que dans l’évaluation de son rendement que l’employeur a effectuée aux fins de son ER de fin d’exercice, celui‑ci a violé la clause 16.01 de la convention collective d’une façon ou d’une autre.

[237] Dans le grief qui constituait le fondement du dossier 566-02-11534, la fonctionnaire a allégué ce qui suit : [traduction] « les remarques [de l’employeur] sur mon Rapport d’évaluation du rendement sont fondées sur mon absence du travail en raison d’une maladie liée à une incapacité, ce que j’estime être de nature discriminatoire […] ». Le grief qui constituait le fondement du dossier 566-02-11701 indique ce qui suit :

[Traduction]

Énoncé du grief :

Par les présentes, je conteste mon Rapport final d’évaluation du rendement de 2014-2015, car j’estime que le processus d’évaluation du rendement constitue une mesure disciplinaire déguisée, des représailles de la part de la direction, un leurre, qu’il a été effectué de mauvaise foi, qu’il est arbitraire et de nature discriminatoire, et qu’il va à l’encontre du devoir de l’employeur d’évaluer équitablement mon rendement.

 

[238] La clause 16.01 de la convention collective indique ce qui suit :

16.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire d’exercée ou d’appliquée à l’égard d’un fonctionnaire du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale et physique, son adhésion au syndicat ou son activité dans celui-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle le fonctionnaire a été gracié.

 

[239] Je demeure saisi de l’argumentation de la fonctionnaire selon laquelle, cumulativement, la série de problèmes de santé qu’elle a éprouvés au cours de la période en cause doit être considérée comme une incapacité, et que lorsqu’il a évalué son rendement, l’employeur a commis un acte discriminatoire à son endroit sur le fondement de cette incapacité.

[240] Selon l’argumentation de la fonctionnaire, le critère applicable à l’incapacité en matière de droits de la personne est nuancé; il s’agit d’un spectre, à l’extrémité duquel on retrouve, d’un côté, des affections telles que le rhume et la grippe, et de l’autre, des déficiences chroniques telles que la sclérose en plaques et le diabète. Entre ces extrémités, il y a de nombreux états de santé différents, et beaucoup de choses peuvent constituer une incapacité. La fonctionnaire a fait valoir que la question est celle de savoir si un état ou une affection nuit aux capacités d’une personne, ce qui, par ricochet, signifie qu’une affection constitue une incapacité. Si une affection constitue une incapacité, la question devient alors celle de savoir s’il y a eu traitement préjudiciable.

[241] La fonctionnaire a souligné que le point de référence approprié consiste à déterminer ce qui est transitoire par opposition à ce qui est permanent. Bien qu’il puisse s’agir d’un point de départ approprié, ce n’est pas aussi simple. Je suis persuadé que tous les jours, des millions de Canadiens et Canadiennes vont travailler sans être parfaitement en santé. Il peut s’agir d’un trouble permanent, tel qu’une vision imparfaite, ou de quelque chose d’aussi fugace que le rhume.

[242] Les milieux de travail sont devenus complexes, et de grands progrès ont été accomplis au niveau de la compréhension et de la résolution des problèmes liés à la santé, à la discrimination, et, par ricochet, des mesures d’adaptation. À titre d’exemple, dans un bon nombre d’emplois, voire tous, il est important d’être en mesure de voir clairement, et beaucoup de gens ont une vision imparfaite. Historiquement, ce problème a été résolu en grande partie par le port de lunettes, de verres de contact, et, plus récemment, par la chirurgie au laser. Les difficultés liées à la santé qui pouvaient poser un problème il y a quelques décennies ont presque disparu dans le contexte des milieux de travail, compte tenu des avancées dans les sciences, les technologies, ainsi qu’en droit. À une certaine époque, les personnes aux prises avec des problèmes de mobilité ne pouvaient pas avoir accès aux immeubles en raison des marches et des escaliers; ces problèmes ont été résolus par l’installation de rampes et de portes qui s’ouvrent en appuyant sur un bouton.

[243] J’admets que la nature d’une incapacité a évolué et qu’elle est nuancée. À titre de simple exemple, prenons le cas d’une personne mobile et en parfaite santé qui subit une blessure par suite de laquelle l’utilisation de l’un de ses membres devient très limitée. Selon les fonctions et les tâches liées à l’emploi de cette personne, cela pourrait compromettre sérieusement la façon d’exécuter son travail de cette personne, ou même l’empêcher de faire le travail en question. Même si, éventuellement, l’employé blessé se rétablit tout à fait après quelques mois, en fonction de l’emploi, la blessure pourrait certainement rendre la personne handicapée, comme on l’entend dans le contexte du travail et des droits de la personne, pendant une période qui pourrait nécessiter une mesure d’adaptation. Et en fonction des circonstances entourant le poste et le lieu de travail, la personne blessée pourrait être victime de discrimination, au vu de ce qui constitue véritablement un problème de santé transitoire et impermanent.

[244] Au début de l’exercice, l’employeur et la fonctionnaire semblaient s’entendre sur les objectifs à atteindre au cours de cet exercice. Même si je n’ai entendu aucun témoignage sur les critères précis qui ont été pris en compte pour établir les attentes, il semblait que les deux parties se soient entendues sur le fait que, quelles qu’elles furent, ces attentes étaient réalisables au cours de l’exercice. Il serait illogique qu’un employeur impose des attentes qu’il serait impossible de réaliser pendant les heures normales de travail allouées au cours de l’exercice, et qu’un fonctionnaire y consente. J’ai entendu Mme Zimmerman dire que, lorsque l’employeur établit des attentes et ce qui est réalisable, il est entendu pour lui que, de façon générale, les fonctionnaires ne seront pas au travail chaque jour ouvrable possible, puisque la plupart d’entre eux, sinon tous, décideront de prendre des congés. Ils peuvent aussi être dans l’obligation de prendre congé en raison d’une maladie personnelle ou de celle d’un proche à charge, comme un enfant. La façon dont cela s’effectue ne m’a pas été communiquée, ni la question de savoir quelle période est allouée à chaque fonctionnaire dans l’équation.

[245] Selon la preuve dont je dispose, entre le 1er avril et le 31 juillet 2014, ce qui représentait quatre mois entiers ou les deux tiers de la première moitié de l’exercice 2014‑2015, la fonctionnaire avait pris environ six jours de congé de maladie payés, un jour de vacances (le 3 avril 2014), un congé de bénévolat (ou congé personnel), et l’équivalent d’un jour de congé pour des raisons familiales. Cela ne semble en rien anormal.

[246] Il est ressorti de la preuve que, pendant ces quatre premiers mois, et jusqu’au 28 juillet 2014, le Dr Budge a vu la fonctionnaire à trois reprises, le 5 avril et les 8 et 15 mai. Selon son témoignage, la visite effectuée en avril avait trait à la toux persistante de la fonctionnaire, et il lui a prescrit des antibiotiques. Il l’avait vue plus tôt au cours de l’année, en mars, pour une toux persistante et une pneumonie soupçonnée. Il est ressorti de la preuve qu’en avril, la fonctionnaire n’a manqué aucun jour de travail pour cause de maladie.

[247] En mai, le Dr Budge a vu la fonctionnaire à deux reprises, ce qui a permis de découvrir une lésion qui laissait soupçonner un cancer et qui a donné lieu à un examen IRM. Plus tard au cours de ce mois, il a été déterminé que la lésion n’était pas cancéreuse. Selon le dossier des congés de la fonctionnaire, le 27 mai celle‑ci a pris un congé de maladie d’une heure, ce qui coïncidait avec l’élément de preuve indiquant que l’examen IRM avait été effectué à cette date.

[248] Devoir subir des examens visant à déceler une affection possible ne constitue pas, en soi, une incapacité; il ne s’agit pas non plus d’une maladie.

[249] Comme je l’ai déjà mentionné, la fonctionnaire travaillait selon un horaire comprimé. Autrement, ses heures normales de travail auraient été de 7,5 heures par jour, du lundi au vendredi. Pour prendre un jour de l’horaire comprimé, la fonctionnaire devait travailler des heures supplémentaires tous les jours, de façon à achever la semaine de travail requise de 37,5 heures. En avril et mai, la fonctionnaire a pris en tout quatre jours de congé de l’horaire comprimé. Cela me révèle que celle-ci travaillait le nombre d’heures approprié pour accumuler des jours de congé de l’horaire comprimé.

[250] Il est ressorti de la preuve que la fonctionnaire n’avait pris aucun rendez‑vous chez le médecin en juin 2014. Il est aussi ressorti de la preuve que le premier congé de maladie qu’elle a pris ce mois‑là a été le vendredi 20 juin, lorsqu’elle a pris un congé de 5,5 heures. Il est en outre ressorti de la preuve que la fonctionnaire était en congé de maladie le lundi 23 juin suivant, puis le vendredi 27 juin. Elle était au travail pendant les quatre premières semaines de juillet, sauf le 8, jour où elle a pris 3,5 heures de congé de maladie, ainsi que les 17 et 22 juillet, qui étaient ses jours de congé de l’horaire comprimé. Encore là, comme elle a pris ses jours de congé de l’horaire comprimé, on présume qu’elle avait travaillé le nombre d’heures requis pour achever sa semaine de travail normale de 37,5 heures.

[251] Le 24 juillet, la fonctionnaire a vu le Dr Budge, dont les dossiers indiquent qu’elle s’est plainte d’une fatigue remontant à deux semaines. Bien que la preuve n’indique pas exactement à quel moment la fonctionnaire a reçu un diagnostic précis, il est clair qu’à un moment donné, entre le 24 et le 29 juillet, le Dr Budge a déterminé qu’elle était atteinte d’une mononucléose, d’une carence en fer et d’une pneumonie.

[252] D’après la preuve, il semble que la carence en fer ait été un problème chronique avec lequel la fonctionnaire était aux prises depuis un certain temps. Le Dr Budge a indiqué que cela aurait pu être la cause de sa fatigue; cependant, il est aussi ressorti de la preuve que la fonctionnaire recevait un traitement pour cette carence.

[253] En tant qu’affection chronique causant de la fatigue, en soi, la carence en fer de la fonctionnaire aurait pu avoir un effet néfaste sur son travail, et elle peut certainement être considérée comme une incapacité, selon la compréhension de ce terme dans le contexte des relations de travail et des droits de la personne. Aucun élément de preuve ne m’a été présenté au sujet de la carence en fer, que ce soit avant ou après la période en cause, ni quant à savoir si cela nuisait au travail de la fonctionnaire.

[254] Cependant, le Dr Budge a indiqué aussi qu’à son avis, la fonctionnaire avait contracté une mononucléose, et qu’elle souffrait d’une pneumonie. Bien entendu, ces affections sont transitoires, et tout comme un rhume ou une grippe, il est possible de s’en rétablir, quoique la période de rétablissement puisse varier et faire jouer divers facteurs. Je ne suis pas surpris, compte tenu des effets combinés de la carence en fer, de la mononucléose et de la pneumonie, que la fonctionnaire ait été fatiguée.

[255] À ce moment‑là, le Dr Budge a enjoint la fonctionnaire à prendre congé. Il a signé deux notes, qui ont toutes deux étés déposées en preuve. Les deux semblaient avoir été signées le même jour. La différence est que l’une visait la période du 28 juillet au 1er août, et l’autre, la période du 28 juillet au 8 août. Bien qu’on ne sache pas exactement pourquoi deux notes ont été émises, ni quand elles l’ont été, il n’est pas contesté que le Dr Budge les a fournies à la fonctionnaire et qu’il incombait à cette dernière de les fournir à son employeur. On ne sait pas exactement en quoi consistait ce que la fonctionnaire a fourni à l’employeur, ni quand elle l’a fourni.

[256] Mme Zimmerman a confirmé qu’elle avait reçu la première note du 28 juillet. La fonctionnaire a affirmé qu’elle avait remis la deuxième note du 28 juillet à Mme Zimmerman le 31 juillet ou le 1er août, lorsqu’elle s’est présentée au travail. Cela constitue une divergence notable dans la preuve. La fonctionnaire a déclaré que lorsqu’elle avait remis la première note du 28 juillet à Mme Zimmerman, celle‑ci la lui avait relancée et lui avait demandé ce qu’elle voulait qu’elle en fasse. La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait déjà réservé la semaine du 5 au 8 août pour ses vacances. Elle a affirmé que lorsqu’elle était retournée au travail, le 11 août, elle avait dit à Mme Zimmerman qu’elle souhaitait échanger ses vacances contre un congé de maladie payé. Elle a ajouté que Mme Zimmerman s’était exclamée : [traduction] « Tu veux plus de congés! »

[257] Mme Zimmerman a déclaré qu’en réalité, elle n’avait pas reçu la deuxième note du 28 juillet, et que si la fonctionnaire avait souhaité convertir ses vacances en congé de maladie, elle aurait pu le faire à l’aide du système électronique de congés, ce qu’elle n’a pas fait. Je suis disposé à accepter la version de Mme Zimmerman à cet égard, puisque, bien franchement, le changement est futile pour l’employeur. Que la fonctionnaire ait pris la semaine du 5 au 8 août 2014 à titre de congé de maladie certifié payé ou comme vacances, l’employeur lui payait le même salaire pour ces jours‑là, et elle s’absentait ces jours‑là de toute façon. La seule différence serait que sa banque de congés de maladie compterait quatre jours de moins, et que ces quatre jours seraient portés au crédit de sa banque de congés annuels. La remarque que la fonctionnaire a attribuée à Mme Zimmerman n’a aucun sens; il n’y avait pas [traduction] « plus de congés ». La fonctionnaire était en congé et elle était rémunérée; elle n’a pas pris plus de congés. Il se serait s’agit simplement d’un changement du type de congé pris. On pourrait soutenir que cela ait pu poser un problème; cependant, rien ne donnait à penser que la fonctionnaire n’était pas malade, et Mme Zimmerman n’a pas remis en question la légitimité des notes requérant un congé de maladie.

[258] Il est ressorti de la preuve que la fonctionnaire avait pris une deuxième semaine complète de vacances en août, du 25 au 29. Aucun élément de preuve n’indique qu’elle ait vu le Dr Budge avant le 27 août, date à laquelle il lui a remis la note du 27 août. Le Dr Budge a déclaré qu’elle devait prendre congé du 27 août au 20 septembre 2014. Il est problématique que malgré les recommandations de son médecin l’enjoignant à rester en congé, et malgré qu’il lui ait remis la note du 27 août, la fonctionnaire soit allée au travail alors qu’elle n’était pas censée le faire. Il est ressorti de la preuve que même si la fonctionnaire a remis la note du 27 août à Mme Zimmerman, il semble qu’elle la lui ait remise le 23 septembre 2014, après son retour au travail. Malgré qu’on lui eût dit de prendre congé au cours de cette période, la fonctionnaire s’est présentée au travail les 9, 11 et 12 septembre.

[259] D’après la preuve dont je dispose, je ne doute pas qu’au cours du mois d’août, malgré qu’elle ait pris des vacances plutôt qu’un congé de maladie, malgré qu’elle soit allée travailler 10 jours au cours de cette période, la fonctionnaire était malade et était atteinte de ce qui semblait être une multitude d’affections qui lui causaient de la fatigue. L’examen auquel le Dr Budge a soumis la fonctionnaire indiquait que celle-ci éprouvait de graves problèmes de santé à la fin de juillet, et qu’elle devait être en congé. Il lui a remis deux notes médicales visant la période de deux semaines allant du 28 juillet au 11 août. Même si la fonctionnaire a pris congé, elle n’a pas pris toute la période recommandée, ce qu’elle aurait dû faire, et elle est allée travailler quelques jours.

[260] L’ER de mi‑exercice a eu lieu exactement au milieu de l’exercice (le 30 septembre 2014). Entre le 28 juillet et le 30 septembre 2014, il y a 45 jours ouvrables. D’après la preuve, la fonctionnaire a été au travail 20 jours, ou 44 % du temps. Il est également clair que pendant trois jours au cours de cette période, elle aurait dû être en congé de maladie comme son médecin le lui avait conseillé. De plus, pendant qu’elle était en congé les 25 et 26 août, et il a été démontré qu’un congé annuel avait été utilisé pour toute cette semaine‑là, il est évident à la lecture de la note du 27 août que la fonctionnaire était atteinte des affections que le Dr Budge avait diagnostiquées plus tôt au cours de cet été-là, affections pour lesquelles il l’avait mise en congé pour deux semaines à la fin de juillet et au début d’août. La note du 27 août remettait la fonctionnaire en congé, et celle-ci ne devait pas retourner au travail avant le 22 septembre. Encore une fois, même si elle était malade, la fonctionnaire a ignoré les conseils du Dr Budge et elle est retournée travailler trois jours en septembre. Elle a été en congé pour cause de maladie pendant 23 jours en tout. Un mois habituel compte entre 19 et 22 jours ouvrables.

[261] Compte tenu des maladies dont la fonctionnaire était atteinte, je ne doute pas que malgré son assiduité au travail en août, et vraisemblablement en septembre, sa productivité ait probablement été sérieusement réduite. Cependant, malgré le fait qu’elle était visiblement malade, et qu’elle avait reçu un diagnostic indiquant l’existence de divers problèmes de santé à l’origine de ses difficultés, la fonctionnaire a ignoré les conseils de son médecin et elle est allée travailler alors qu’elle n’aurait pas dû le faire. Cela ne l’aide pas. Alors que dans son témoignage la fonctionnaire a laissé entendre que Mme Zimmerman était au courant de tous les problèmes avec lesquels elle était aux prises pendant la période en cause, l’étendue de ce que savait Mme Zimmerman exactement et le moment où elle l’a appris ne sont pas parfaitement clairs.

[262] La fonctionnaire a été en congé pendant quatre jours par suite de la biopsie qui a été pratiquée à la fin d’octobre 2014, et il est ressorti de la preuve qu’elle a été en congé de maladie pendant un petit peu plus d’un jour encore. De façon générale, en novembre et en décembre 2014, la fonctionnaire était au travail, mais elle a été absente pendant la plus grande partie du mois de janvier 2015. Il est ressorti de la preuve qu’elle n’a été au travail que 8 jours sur les 21 jours ouvrables, les autres jours ayant été consignés à titre de vacances. Il est ressorti de la preuve que la fonctionnaire avait travaillé 10 jours seulement en février 2015, avant de commencer à travailler à TC.

[263] En l’absence d’éléments de preuve spécifiant comment, exactement, l’employeur fixait les attentes relatives à la fonctionnaire en fonction des délais disponibles au cours de l’exercice, il est très difficile d’évaluer ce que celle‑ci aurait dû accomplir, étant donné qu’un bloc d’heures de travail important a été retiré de l’équation. Même si certaines périodes d’absence ont dû être prises en compte au moment de fixer les attentes, compte tenu du fait qu’on ne s’attend pas à ce qu’une fonctionnaire soit au travail chaque jour ouvrable possible, en dernier ressort, les problèmes de santé de la fonctionnaire semblent avoir eu pour effet de supprimer une autre période importante de la fin juillet à la fin septembre.

[264] Disons que la productivité d’un fonctionnaire fictif est évaluée d’après l’exécution d’un certain nombre de tâches assignées dans un délai fixe (heures, jours, semaines et mois), et que cette productivité tient compte du fait que le fonctionnaire s’absentera du travail un certain temps au cours de cette période donnée, en raison des vacances et des congés de maladie. Et disons que le fonctionnaire n’arrive pas à travailler le nombre requis d’heures, de jours, de semaines ou de mois en raison d’une blessure ou d’une maladie qui le handicape et l’empêche de travailler pendant une période importante, sur laquelle se fondent les attentes relatives à la productivité. En pareil cas, ne faudrait‑il pas réduire la productivité escomptée pour tenir compte du temps perdu? Ne s’agirait‑il pas d’une forme d’adaptation? Dans le cas contraire, si le fonctionnaire handicapé devait maintenir un niveau de productivité fondé sur son état de santé avant d’être handicapé, cela constituerait un acte discriminatoire sur le fondement de l’incapacité.

[265] Je ne doute pas qu’à partir du début de l’exercice 2014-2015, la relation de travail entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman était au mieux précaire et fragile, et qu’au cours de la période en cause, elle s’est rapidement gâtée pour devenir toxique, dysfonctionnelle et inapplicable.

[266] À vrai dire, il semblait que la relation entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman ait probablement été vouée à l’échec au départ, puisqu’il est ressorti de la preuve qu’avant son départ en congé de maternité, la fonctionnaire avait écrit un courriel dans lequel elle qualifiait sa relation avec Mme Zimmerman de difficile, en déclarant que cela avait créé un milieu hostile, et en ajoutant que cela l’empêchait de dormir. Les deux derniers paragraphes du courriel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

De plus, je suis au bout du rouleau. Je dois quitter le projet. Travailler dans un milieu aussi hostile m’a tenue réveillée depuis 1 h du matin. Cela m’affecte.

Je suis désolée d’insister. Je n’ai tout simplement jamais travaillé avec une personne comme elle, et je ne veux plus jamais avoir à le faire.

[…]

 

[267] Cette description laisse difficilement croire qu’il pouvait se créer une base saine sur laquelle établir une relation de travail positive et solide, et à plus forte raison une relation qui fonctionnerait sous une pression très intense et dans des délais fermes. Bref, cela présageait de ce qui allait devenir rien de moins qu’une relation de travail désastreuse, qui a mené à la présente audience.

[268] La majeure partie de la preuve présentée à l’audience devant moi a été livrée par la fonctionnaire et sa superviseure, Mme Zimmerman. Même si la preuve contextuelle obtenue de celles-ci a rarement été en litige, la preuve que les parties jugeaient essentielle était souvent contradictoire. Pour cette raison, il est difficile de tirer au clair les faits suivants :

  • ce que Mme Zimmerman savait et ignorait au sujet de la santé de la fonctionnaire;
  • les facteurs qui ont servi à déterminer l’ER de fin d’exercice;
  • l’état des travaux qui étaient censés être exécutés et en fonction desquels la fonctionnaire devait être évaluée.

 

[269] Le critère permettant d’établir la crédibilité est énoncé dans Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, dans laquelle la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a déclaré ce qui suit :

[…]

Si l’acceptation de la crédibilité d’un témoin par un juge de première instance dépendait uniquement de son opinion quant à l’apparence de sincérité de chaque personne qui se présente à la barre des témoins, on se retrouverait avec un résultat purement arbitraire, et l’administration de la justice dépendrait des talents d’acteur des témoins. Réflexion faite, il devient presque évident que l’apparence de sincérité n’est qu’un des éléments qui entrent en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité d’un témoin. Les possibilités de connaissance, la capacité d’observation, le jugement, la mémoire, l’aptitude à décrire avec précision ce qui a été vu et entendu contribuent, de concert avec d’autres facteurs, à créer ce qu’on appelle la crédibilité […] Par son attitude, un témoin peut créer une impression très défavorable quant à sa sincérité, alors que les circonstances permettent de conclure de façon indubitable qu’il dit la vérité. Je ne songe pas ici aux cas assez peu fréquents où l’on surprend le témoin en train de dire un mensonge maladroit.

La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de preuve contradictoire, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Le critère applicable consiste plutôt à examiner si son récit est compatible avec les probabilités qui caractérisent les faits de l’espèce. En somme, le véritable critère de la véracité de ce que raconte un témoin dans un tel cas doit être la compatibilité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne éclairée et douée de sens pratique peut d’emblée reconnaître comme raisonnable dans une telle situation et de telles circonstances. […]

[…]

 

[270] Bien que je n’aie pas compétence pour trancher la question de la mesure disciplinaire déguisée qui a été alléguée, j’ai entendu la preuve concernant les actes que Mme Zimmerman a posés relativement à la lettre du 9 février, ce qui a une incidence directe sur la crédibilité de la preuve. Cette lettre a été qualifiée de lettre d’attentes à l’égard du comportement de la fonctionnaire. Même si 12 lignes directrices numérotées y sont énoncées, celles‑ci peuvent s’articuler autour des deux questions suivantes :

1. l’assiduité de la fonctionnaire et le signalement de sa présence;

2. sa façon de traiter ses collègues et ses subordonnés.

 

[271] En ce qui a trait à l’assiduité et au signalement de la présence, selon les allégations faites par Mme Zimmerman dans la lettre du 9 février, la fonctionnaire n’était pas au travail à des moments où elle aurait dû l’être, et lorsqu’elle était au travail, elle ne travaillait pas. Il n’a pas semblé y avoir des éléments de preuve à l’appui de ces allégations.

[272] En ce qui a trait à la façon dont la fonctionnaire traitait ses collègues, d’après ce que les témoins de l’employeur m’ont dit, et plus particulièrement Mme Zimmerman, la fonctionnaire traitait certains collègues, notamment M. Cotton et M. Brown, de façon à la fois non collégiale et non professionnelle. La fonctionnaire a livré un témoignage différent, en déclarant qu’elle avait d’excellentes relations avec les deux hommes et qu’elle ne traitait pas ceux‑ci ou d’autres collègues comme Mme Zimmerman l’avait insinué.

[273] MM. Cotton et Brown ont tous deux témoigné. Leurs témoignages semblaient corroborer fortement le tableau que la fonctionnaire avait brossé de la bonne relation de travail, collégiale et professionnelle, qu’ils avaient avec elle. Le 17 octobre 2014, M. Cotton a envoyé un courriel à Mmes Zimmerman et Castonguay au sujet des présumés problèmes de relations de travail de la fonctionnaire. Il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Il m’a été mentionné officieusement que j’avais signalé (ou dit au nom des membres de mon équipe) avoir éprouvé des problèmes liés au professionnalisme et à la communication dans le cadre des interactions régulières au travail avec Renata Slivinski.

J’aimerais dissiper toute confusion possible.

Tel n’est pas le cas. À vrai dire, ni moi ni l’un des membres de mon équipe qui me sont subordonnés n’avons signalé un tel problème. Je tiens à affirmer que le professionnalisme et le style de communication de Renata ne me posent aucun problème. J’ai constaté régulièrement qu’elle interagit avec moi et les membres de mon équipe de manière respectueuse. Même si son style de communication est différent du mien (à mon avis, beaucoup plus direct), ni moi ni l’un des membres de mon équipe n’avons relevé un problème au niveau de son comportement lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes ordinaires en milieu de travail, comme l’exigent son rôle et le travail qui lui est assigné en tant qu’analyste de données et de processus pour le projet de services d’adresses géographiques.

J’aimerais ajouter que les livrables produits par Renata sont de grande qualité, et que j’estime personnellement avoir de bons rapports avec elle et apprécier le processus qui consiste à vérifier et à peaufiner mutuellement les spécifications de la TI nécessaires pour répondre aux besoins fonctionnels très détaillés.

[…]

 

[274] M. Brown a non seulement témoigné, mais il a aussi produit un courriel rédigé le 10 février 2015, qu’il a déclaré avoir écrit parce qu’il était au courant de la lettre du 9 février, et qu’il avait vu des choses qui avaient suscité pour lui une préoccupation, non seulement pour la fonctionnaire, mais aussi pour sa propre carrière. M. Brown a témoigné que la fonctionnaire et lui avaient une excellente relation de travail et qu’ils s’entendaient bien. Il n’avait ni reçu ni présenté de plaintes à son sujet. En réalité, son courriel du 10 février 2015 laisse entendre que le comportement que Mme Zimmerman attribuait à la fonctionnaire était précisément le comportement que Mme Zimmerman affichait envers la fonctionnaire.

[275] Mme Castonguay, pour sa part, a soutenu Mme Zimmerman. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle avait répondu au courriel de M. Cotton de façon à laisser entendre qu’ils devaient s’entretenir. M. Cotton lui a répondu, en disant : [traduction] « j’apprécierais d’avoir la possibilité de discuter ». Dans son témoignage devant moi, M. Cotton a affirmé que Mme Castonguay ne lui avait jamais parlé de l’échange de courriels et qu’il n’avait jamais parlé de la fonctionnaire avec elle auparavant.

[276] Lorsqu’on lui a montré son échange de courriels avec M. Cotton, Mme Castonguay a affirmé qu’elle ne lui avait pas parlé de la fonctionnaire. Cependant, elle a affirmé qu’elle s’était adressée à son supérieur, M. Lajoie, et que selon son souvenir, celui‑ci lui avait transmis les points de vue de M. Cotton. M. Lajoie a été cité à témoigner en contre‑preuve. Il a déclaré que son cubicule de travail était proche de celui de M. Cotton, et qu’il avait souvent vu M. Cotton et la fonctionnaire y interagir. Il a déclaré qu’il n’avait jamais vu la fonctionnaire afficher un comportement inapproprié à l’endroit de M. Cotton, et que ni M. Cotton ni d’autres fonctionnaires ne s’étaient plaints à lui au sujet de la fonctionnaire. Lorsqu’on a montré à M. Lajoie l’échange de courriels entre M. Cotton et Mme Castonguay, il a dit qu’il s’en souvenait, même si c’était un peu flou. Il a affirmé que son équipe avait eu des différends avec Mme Zimmerman.

[277] M. Lajoie a déclaré en outre qu’il y avait une tension entre Mme Zimmerman et son équipe, parce que celle‑ci était responsable de la prestation de certains projets dont les dates étaient fermes. Parfois, les demandes avaient du retard, et parfois, les délais étaient réduits, ce qui occasionnait des tensions et du stress. M. Lajoie a déclaré que Mme Zimmerman était agressive aux réunions et qu’elle faisait preuve d’un manque de respect. Il a affirmé qu’il devait faire office de tampon entre elle et son équipe. M. Lajoie a déclaré qu’à plusieurs reprises et régulièrement, il avait fait part à Mme Castonguay de ses préoccupations concernant le comportement de Mme Zimmerman. En contre‑interrogatoire, il a déclaré qu’il avait soulevé la question de son comportement directement auprès d’elle. Il a déclaré qu’elle était visiblement stressée par la charge de travail. Il a déclaré que le travail dont Mme Zimmerman était responsable était de haut niveau et qu’il comportait des délais serrés.

[278] La seule conclusion que je puisse tirer à l’égard du témoignage de Mmes Zimmerman et Castonguay au sujet du mauvais comportement présumé de la fonctionnaire envers ses collègues et d’autres personnes, c’est qu’il a été inventé de toutes pièces par Mme Zimmerman et accepté aveuglément par Mme Castonguay, compte tenu des éléments de preuve flagrants non seulement du contraire, mais aussi du fait que le véritable problème était peut‑être Mme Zimmerman.

[279] Au vu de la preuve accablante qui a été présentée non seulement par la fonctionnaire, mais aussi par MM. Cotton, Brown et Lajoie, je ne peux que présumer que la lettre du 9 février n’était rien d’autre qu’un leurre concocté par Mme Zimmerman ayant pour but d’ébranler, de discréditer, de sanctionner et de contrarier la fonctionnaire pour des motifs qui me laissent perplexe. Cela me ramène aux remarques que j’ai déjà formulées, dans lesquelles je faisais renvoi à des remarques de la fonctionnaire dans un courriel antérieur à son départ en congé de maternité pour la deuxième fois. Pour quelque motif que ce soit, la relation entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman était toxique et vouée à l’échec. Cela a entraîné pour la fonctionnaire la réception des deux ER insatisfaisantes, qu’elle a contestées.

[280] Compte tenu de mes conclusions au sujet de la preuve relative au comportement de Mme Zimmerman, et, dans une moindre mesure, de celui de Mme Castonguay, il me reste à examiner leur témoignage concernant les deux ER, la procédure de règlement des griefs et la question de la discrimination. Cela m’amène à me demander précisément ce qui est exact dans le témoignage qu’elles ont livré, le cas échéant. À ce titre, dans les cas où leur témoignage diffère de celui de la fonctionnaire, je suis disposé à accepter celui de la fonctionnaire.

[281] Cela étant dit, comme je ne peux pas me prononcer sur la mesure disciplinaire déguisée, les contradictions sont en bonne partie inconséquentes, puisque les questions auxquelles je dois répondre reposent sur des éléments de preuve qui sont largement non contradictoires et qui ont été présentés surtout par la fonctionnaire ou son médecin. Cela a à voir, du moins dans une certaine mesure, avec ce que Mme Zimmerman savait exactement au sujet de la santé de la fonctionnaire et de son incapacité de travailler. Je suis disposé à accepter que la fonctionnaire ait tenu Mme Zimmerman au courant de ses problèmes de santé, quoique ce ne fût pas toujours de façon très directe. Mme Zimmerman savait que ces problèmes réduisaient la capacité de la fonctionnaire à effectuer les tâches requises d’elle, et que cela pouvait influer sur la mesure dans laquelle elle pourrait réaliser ou dépasser les attentes formulées à son égard dans l’ER de 2014-2015.

[282] Comme je l’ai déjà mentionné, en fonction des précisions, ce qui peut constituer un problème de santé transitoire peut être considéré comme une incapacité, si cela a pour effet de handicaper une personne dans le contexte de l’exécution des tâches liées à son emploi. La fonctionnaire était atteinte d’une maladie chronique, sa carence en fer, et de deux maladies plus transitoires, la mononucléose et la pneumonie. Je ne doute pas que, par leur effet combiné, ces trois affections aient handicapé la fonctionnaire, dans la mesure où elle était incapable d’exercer les fonctions de son poste. À ce titre, une mesure d’adaptation aurait dû être prise en ce qui avait trait aux attentes exigées de la part de la fonctionnaire qui avaient été établies en avril 2014.

[283] Ce qui brouille les cartes, jusqu’à un certain point, c’est qu’en fonction de la preuve dont je dispose, et du manque de crédibilité que j’attribue à Mmes Zimmerman et Castonguay, j’en viens à m’interroger sur l’état réel des affaires par rapport aux attentes escomptées de la fonctionnaire, et à me poser la question de savoir si celle‑ci répondait à ces attentes ou les dépassait. La fonctionnaire a maintenu qu’elle répondait aux attentes, et qu’autrement, cela s’expliquait par le fait qu’on ne les lui avait pas exposées clairement, ou parce qu’elle avait été absente pour diverses raisons et qu’elle avait dû exécuter d’autres tâches, liées à la GCCT.

[284] Bien que je doive me limiter à l’examen d’une violation précise de la convention collective, je ne perds pas de vue qu’en plus des heures qu’elle avait perdues pendant ses maladies, la fonctionnaire n’a jamais achevé l’exercice à StatCan. Elle a quitté alors qu’il restait au moins cinq semaines et demie avant la fin de l’année. Ce temps perdu aurait aussi servi à déterminer si elle avait satisfait aux attentes escomptées d’elle.

[285] Je ne perds pas de vue non plus que l’ER de mi-exercice faisait renvoi au fait que les congés de maladie utilisés par la fonctionnaire avaient vraisemblablement contribué à l’empêcher de répondre aux attentes. Bien que j’aie rejeté ce grief, l’ER de fin d’exercice de la fonctionnaire couvrait un continuum qui avait débuté le 1er avril 2014, et qui avait pris fin le 31 mars 2015. L’ER de mi‑exercice était un point sur ce continuum. À la fin de l’exercice, le rendement d’un fonctionnaire est mesuré pour toute l’année. Il va sans dire que les fonctionnaires qui prennent du retard pendant la première moitié peuvent devoir en faire plus pendant la deuxième moitié, toutes choses étant égales. Assurément, la fonctionnaire n’a pas été entièrement présente pendant la dernière partie de l’exercice, et elle a décidé de prendre des vacances. Il m’est impossible de conclure que l’employeur a pris des mesures au cours de l’exercice afin d’adapter les attentes de façon à tenir compte de l’incapacité et des heures perdues au travail.

[286] Bien que Mmes Zimmerman et Castonguay aient fourni des éléments de preuve de la modification des attentes, et que Mme Zimmerman ait laissé entendre qu’elle avait offert de modifier les objectifs de la fonctionnaire, je suis sceptique quant à la nature de l’offre et à son contenu. En bonne partie, la preuve produite par la fonctionnaire et celle produite par Mmes Zimmerman et Castonguay, au sujet des attentes et des objectifs établis après l’ER de mi-exercice, s’opposaient. De plus, à mesure que la preuve a été présentée, il est devenu évident que Mme Zimmerman et la fonctionnaire avaient des opinions fondamentalement différentes en ce qui avait trait au sens des attentes initiales. D’après les éléments de preuve incompatibles dont je dispose, il est impossible de démêler les vérités au sujet de ce qui était escompté, au vu de la relation de travail toxique et des problèmes de crédibilité que j’ai imputés à Mmes Zimmerman et Castonguay. Les attentes n’ont pas été réglées, et en dernier ressort, selon l’ER de fin d’exercice la fonctionnaire a reçu une cotation insuffisante, que je ne peux que présumer être, au moins en partie, attribuable à ses maladies et à son incapacité. À ce titre, ses maladies et son incapacité ont été des facteurs dans le traitement préjudiciable dont la fonctionnaire a fait l’objet, lequel, par conséquent, a été discriminatoire.

[287] L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire n’avait pas demandé de mesure d’adaptation, tandis que celle‑ci a fait valoir que le présent cas n’est pas une affaire d’adaptation, mais de discrimination. Selon les arguments présentés, la fonctionnaire a fait l’objet de discrimination parce que l’employeur n’a pas tenu compte de son incapacité lorsqu’il a évalué son rendement. L’acte reproché était l’évaluation du rendement de la fonctionnaire. L’incapacité était la fatigue découlant de la carence en fer, de la mononucléose et de la pneumonie.

[288] Après le 30 septembre 2014, même si des éléments de preuve indiquent que la fonctionnaire a perdu des heures de travail, la période la plus longue a été de quatre jours en octobre, par suite de la biopsie. Comme je l’ai déjà mentionné, il s’agissait d’un examen; il n’y avait ni maladie ni incapacité. La fonctionnaire a perdu d’autres heures de travail, mais la majorité de ces heures se situait en janvier 2015 et il s’agissait de vacances.

[289] Bien que le Dr Budge ait diagnostiqué que la fonctionnaire souffrait d’une dépression, ce diagnostic a été rendu en janvier 2015. De plus, le Dr Budge a déclaré que la fonctionnaire ne lui avait pas entièrement exprimé ses difficultés. Aucun élément de preuve n’indique que la fonctionnaire ait communiqué ces renseignements à Mme Zimmerman, ou que Mme Zimmerman en était au courant. Bien que la fonctionnaire ait assurément exprimé ses difficultés à Mme Castonguay et à M. Graziadei, de façon générale, la preuve concernant la dépression, son intensité et son lien avec l’exécution des tâches au travail et avec la discrimination, ne suffit pas pour me permettre de conclure que l’ER de fin d’exercice a été effectuée de façon discriminatoire par rapport à ce problème de santé en particulier. Cependant, il est évident que la discrimination antérieure et le milieu de travail toxique qui existait ont contribué dès le début à cette maladie que le Dr Budge a diagnostiquée en janvier 2015, et à ce titre, ils ont un poids dans le quantum du redressement.

V. Redressement

[290] À titre de redressement, la fonctionnaire a demandé ce qui suit :

• Une ordonnance déclarant que l’employeur a violé la convention collective en posant un acte discriminatoire à son endroit de manière délibérée et inconsidérée, violant ainsi la clause 16.01 de la convention collective et l’article 7 de la LCDP.

• Une ordonnance de retirer l’ER de fin d’exercice de son dossier.

• Une indemnité de 15 000 $ en vertu de l’alinéa 52(2)e) de la LCDP et une indemnité de 10 000 $ en vertu du paragraphe 53(3).

 

[291] Compte tenu de mes conclusions, je rendrai une ordonnance selon laquelle l’employeur a violé la clause 16.01 de la convention collective.

[292] Il est ressorti de la preuve que la fonctionnaire, d’un côté, et de l’autre côté sa superviseure, Mme Zimmerman, ainsi que la superviseure de Mme Zimmerman, Mme Castonguay, avaient des points de vue passablement différents quant aux attentes escomptées de la fonctionnaire, ou de ce en quoi elles devaient consister, pour la période en cause. Il est aussi ressorti de la preuve que la relation toxique entre la fonctionnaire et sa superviseure était irréparable. D’après tout ce qui m’a été présenté, il est évident qu’il serait maintenant impossible pour quiconque de procéder à une évaluation adéquate et équitable du rendement de la fonctionnaire pour la période en question.

[293] Compte tenu de ces circonstances, la seule chose qu’il convient de faire est d’ordonner que les ER de mi‑exercice et de fin d’exercice soient retirées du dossier personnel de la fonctionnaire, et qu’à leur place, on verse au dossier une déclaration indiquant que la présente Commission a ordonné leur annulation et leur suppression du dossier.

[294] La fonctionnaire a aussi demandé une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral et une indemnité spéciale de 10 000 $. Selon son libellé au moment pertinent, l’alinéa 226(1)h) de la Loi conférait aux arbitres de grief le pouvoir d’accorder un redressement conformément à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe (3) de la LCDP, qui indiquaient ce qui suit :

53 (2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[…]

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

 

[295] Au moment où elle a effectué l’ER de fin d’exercice, Mme Zimmerman était parfaitement au courant des maladies de la fonctionnaire au cours de l’été 2014 et de l’ampleur de leur effet sur elle et sur sa capacité à répondre aux attentes, au moins du point de vue de l’employeur, puisque Mme Zimmerman avait fait remarquer dans l’ER de mi-exercice, qu’à son avis les congés que la fonctionnaire avait pris en raison de sa maladie avaient nui à son rendement. Le comportement de Mme Zimmerman dans ses échanges avec la fonctionnaire à partir de ce moment‑là démontre clairement sa volonté et le manque de considération.

[296] Malheureusement, la relation rompue entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman a vraisemblablement été le principal facteur contributif quant aux raisons pour lesquelles il n’a pas été possible de parvenir à un règlement à l’égard des attentes en matière de rendement. D’après la preuve dont je dispose, leur relation tenait probablement par un fil lorsque l’ER de mi-exercice a été menée, et la cotation présentée par Mme Zimmerman a aggravé les choses. Même si j’ai conclu à la discrimination, il est extrêmement difficile de distinguer les problèmes rencontrés dans le cadre de la relation de travail qui étaient directement liés à la discrimination fondée sur l’incapacité de la fonctionnaire, de ceux qui étaient enracinés dans la relation rompue et toxique entre la fonctionnaire et Mme Zimmerman. À ce titre, il est impossible de cataloguer l’ampleur du préjudice moral qui est attribuable aux uns plutôt qu’aux autres.

[297] De plus, le comportement de Mme Castonguay et son appui à un bon nombre des actes posés par Mme Zimmerman étaient également délibérés et inconsidérés. Au moment où elle a commencé à s’entretenir avec M. Cotton (octobre 2014), elle aurait dû réaliser que quelque chose clochait sérieusement. Alors qu’elle a tenté de rejeter l’interaction avec lui et qu’elle a affirmé s’être adressée à son supérieur, M. Lajoie, le témoignage de ce dernier a corroboré non seulement les préoccupations de M. Cotton au sujet de Mme Zimmerman, mais aussi les siennes, qu’il avait communiquées à Mme Castonguay, selon son témoignage. En qualité de gestionnaire responsable, Mme Castonguay avait le devoir d’agir; elle a délibérément omis de le faire. De plus, en laissant la situation mettant aux prises la fonctionnaire et Mme Zimmerman perdurer et empirer ainsi, ses actes ont aussi été rien de moins que des actes inconsidérés.

[298] Il est évident que la mauvaise cote de rendement accordée, qui était directement liée à la discrimination selon mes conclusions, a profondément affecté la fonctionnaire, à un point tel qu’au début de février 2015, le Dr Budge a diagnostiqué que la fonctionnaire souffrait d’une dépression. Il est clairement ressorti du témoignage de la fonctionnaire et de celui du Dr Budge que le différend en cours au sujet de la cote de rendement a affecté la santé de la fonctionnaire. En dernier ressort, le seul répit de la situation que la fonctionnaire a pu avoir a été de demander et d’obtenir une affectation dans un autre ministère, qui, une fois réalisée, a apporté une amélioration à son état de santé, selon le Dr Budge. Compte tenu de l’ensemble des faits et de mes conclusions, notamment à l’égard du comportement délibéré et inconsidéré de la part non pas d’une, mais de deux superviseures, j’accorde une indemnité de 15 000 $ à la fonctionnaire en vertu de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP, et une indemnité de 10 000 $ en vertu du paragraphe 53(3).

A. Demande de mise sous scellés des documents

[299] La fonctionnaire a présenté des copies de ses dossiers médicaux et un rapport rédigé par ses professionnels de la santé au sujet des problèmes de santé qu’elle a éprouvés pendant la période en cause. Les parties ont convenu que ces documents devaient être mis sous scellés.

[300] Dans Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, aux paragraphes 9 à 11, la CRTFP a déclaré ce qui suit :

[9] La mise sous scellés de documents ou de dossiers déposés en vue d’une audience judiciaire ou quasi judiciaire va à l’encontre du principe fondamental consacré dans notre système de justice selon lequel les audiences sont publiques et accessibles. La Cour suprême du Canada a statué que l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire était un droit protégé par la Constitution en vertu des dispositions sur la « liberté d’expression » de la Charte canadienne des droits et libertés; voir Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; Dagenais c. Société Radio‑Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).

[10] Cependant, la liberté d’expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de non‑publication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par l’exigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

[11] Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non‑publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

1. elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque;

2. ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

 

[301] Même si en bonne partie les problèmes de santé étaient pertinents à l’audience et au règlement des griefs, les dossiers médicaux de la fonctionnaire ne devraient pas être du domaine public. Il existe un risque sérieux pour la protection de sa vie privée. Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés des documents qui ont été déposés et marqués en tant que pièces G-4, G-5 et G-7 à G-12.

[302] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[303] La demande de prorogation du délai applicable au dépôt du grief présenté dans le dossier 566-02-11534 est rejetée.

[304] Le grief présenté dans le dossier 566-02-11534 est rejeté.

[305] Le grief présenté dans le dossier 566-02-11701 est accueilli.

[306] L’employeur a violé l’article 16 de la convention collective.

[307] Les ER de mi‑exercice et de fin d’exercice de la fonctionnaire pour l’exercice 2014-2015 et toutes leurs versions doivent être retirées de son dossier personnel.

[308] L’employeur doit verser à la fonctionnaire une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral en vertu de l’alinéa 53(2)e) de la LCDP.

[309] L’employeur doit verser à la fonctionnaire une indemnité spéciale de 10 000 $ en vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP.

[310] J’ordonne la mise sous scellés des pièces G-4, G-5, et G-7 à G-12.

Le 1er avril 2021.

Traduction de la CRTESPF

 

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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