Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont allégué un abus de pouvoir dans l’application du mérite et dans le choix d’un processus non annoncé pour deux nominations intérimaires – la Commission a conclu que la décision de choisir un processus non annoncé était bien expliquée, documentée et liée à des besoins opérationnels légitimes – les plaignants n’ont pas autrement établi que le fait de procéder au moyen d’un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir – pour ce qui est de l’application du mérite, les plaignants ont renvoyé à la preuve qui établissait que l’une des personnes nommées a rédigé son évaluation narrative et ils ont affirmé que certains des énoncés y figurant étaient faux – la Commission a conclu que le différend sur la présence d’une allégation exagérée dans l’évaluation narrative n’a pas été clairement établi et que, même s’il l’avait été, il ne constituerait pas nécessairement un élément préoccupant quant à la question de savoir si la personne nommée possédait les qualifications essentielles du poste – la Commission n’a pas été convaincue qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du mérite – en ce qui concerne la deuxième nomination intérimaire, les plaignants ont fait valoir que les titres de compétences linguistiques de la personne nommée étaient erronés – la personne nommée devait être nommée à un poste bilingue, mais avant que la nomination ne soit faite, ses titres de compétences avaient expiré – elle a été mutée à un poste unilingue, après quoi elle a recertifié ses titres de compétences linguistiques; elle a ensuite été mutée à un poste bilingue – la Commission a conclu que la preuve n’établissait pas qu’elle avait été nommée sans tenir compte du fait qu’elle possédait ou non les qualifications essentielles du poste ou que les qualifications avaient été adaptées à elle plutôt qu’aux exigences réelles du poste – le poste anglais existait déjà, mais il était vacant – l’avis de nomination comprenait l’exigence « anglais essentiel »; aucune des autres exigences essentielles n’a été modifiée, et il n’y avait aucune preuve qui laissait croire que la personne nommée ne possédait pas ces qualifications – bien que les plaignants aient affirmé qu’un avis distinct aurait dû être fourni une fois que la personne nommée a été mutée au poste bilingue, il n’y avait aucune preuve permettant d’établir que tout manquement à cet égard constituait plus qu’une erreur – la Commission a conclu que, bien que certaines erreurs aient pu être commises dans le cadre du processus de nomination, prises dans leur ensemble, elles n’étaient ni graves ni révélatrices d’une inconduite pouvant constituer un abus de pouvoir – les plaignants ont également affirmé que leur gestionnaire avait fait preuve de partialité à leur égard et qu’elle les avait spécifiquement écartés des nominations intérimaires sur la base de ragots du bureau – la Commission a conclu que la preuve relative à cette question était non corroborée et peu convaincante – elle a conclu qu’elle ne disposait pas d’éléments de preuve suffisants pour qu’un observateur relativement bien renseigné puisse raisonnablement percevoir de la partialité de la part de la défenderesse en général ou de la part de la gestionnaire en particulier.

Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Date : 20210519

Dossiers : EMP‑2017‑11000, 11005,

11011 et 11012

 

Référence : 2021 CRTESPF 53

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

entre

 

MARSEL MUKA et BART JUNIK

plaignants

 

et

 

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

 

intimé

et

autres parties

Répertorié

Muka c. Le président de l’Agence des services frontaliers du Canada

 

Affaire concernant des plaintes d’abus de pouvoir déposées en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les plaignants : Eux‑mêmes

Pour l’intimé : Adam Feldman, avocat

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard, représentante

Affaire entendue par vidéoconférence

le 21 avril 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] Marsel Muka et Bart Junik (les « plaignants ») étaient membres de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et occupaient des postes d’attache au groupe et au niveau FB‑05 pendant la période pertinente à la présente affaire. Ils avaient reçu des affectations de niveau supérieur par intérim et avaient été heureux de recevoir des évaluations du rendement exemplaires de leurs supérieurs. Ils étaient tous les deux affectés à l’aéroport Pearson de Toronto (YYZ), à Toronto, en Ontario, qui est l’un des postes frontaliers les plus achalandés du pays et est unique en raison du volume et de la complexité des activités.

[2] Les plaignants ont été déçus lorsque Nina Patel, leur directrice (la « directrice »), qui venait d’arriver pour assumer les activités de l’ASFC à YYZ, a entrepris une série de changements organisationnels et ne les a pas sélectionnés pour deux nominations de perfectionnement par intérim très recherchées au groupe et au niveau FB‑07 (chef des opérations).

[3] Ils ont allégué que la directrice avait fait preuve de partialité à leur égard et que des erreurs avaient été commises dans les processus de nomination qui, ensemble, constituent un abus de pouvoir dans l’application du mérite et dans le choix d’un processus non annoncé.

[4] Après un examen approfondi, je conclus que je ne dispose pas d’éléments de preuve suffisants sur lesquels un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part de l’intimé en général ou de la part de Mme Patel en particulier.

[5] Même si les éléments de preuve laissent entendre que deux vices sont survenus relativement à l’une des nominations, je n’estime pas qu’ils ont eu de véritables conséquences et je n’estime pas qu’ils constituent un abus de pouvoir.

[6] Par conséquent, je rejette toutes les plaintes.

II. Contexte

[7] Pendant son témoignage, que j’ai jugé crédible, Mme Patel s’est présentée comme étant professionnelle, déterminée et bien organisée.

[8] Elle a témoigné que l’administration centrale de l’ASFC l’a recrutée pour un poste de directrice à YYZ, avec un mandat clair et fort d’apporter des changements importants.

[9] Elle a expliqué que de nombreux changements organisationnels et opérationnels à YYZ étaient nécessaires de toute urgence, en partie en raison des commentaires négatifs répétés des intervenants, comme les compagnies aériennes qui opèrent à YYZ, ainsi que de l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA) elle‑même.

[10] La directrice a expliqué en détail en quoi les nombreux changements qu’elle avait été chargée de mettre en œuvre exigeaient un changement de culture pour le personnel et l’équipe de gestion. Elle a abordé les nominations du point de vue de la culture qu’elle s’efforçait d’instaurer et des changements urgents nécessaires. Elle a également décrit une situation tragique comme un [traduction] « incident critique au travail », qui est survenue juste avant son arrivée.

[11] Elle a témoigné des conséquences désastreuses de cet incident sur la santé et le bien‑être du personnel et des ressources qui ont dû être consacrées non seulement à YYZ, mais aussi tirées de l’ensemble du pays pour aider le personnel à surmonter l’incident et à former une équipe axée sur les nombreux changements organisationnels prescrits par l’Administration centrale nationale de l’ASFC.

III. Analyse

A. Le droit

[12] Selon l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la « Loi »), une personne qui est dans la zone de recours visée dans le cas d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir dans l’application des critères de mérite.

[13] Selon l’alinéa 77(1)b), la personne peut également présenter une plainte selon laquelle la Commission de la fonction publique a commis un abus de pouvoir du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas.

[14] Les plaignants ont invoqué les deux alinéas du par. 77(1) dans leurs allégations.

[15] Les plaignants avaient le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait abusé de son pouvoir (voir Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 49 et 55).

[16] Le paragraphe 30(1) de la Loi énonce que les nominations – internes ou externes – à la fonction publique doivent être fondées sur le mérite. L’alinéa 30(2)a) énonce qu’une nomination est fondée sur le mérite lorsque la personne à nommer possède les qualifications essentielles établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir, notamment la compétence dans les langues officielles.

[17] La Loi ne définit pas l’« abus de pouvoir ». Cependant, le paragraphe 2(4) prévoit ce qui suit, à titre d’orientation : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

[18] Comme la présidente Ebbs à l’époque l’a souligné dans Ross c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2017 CRTEFP 48, au paragraphe 14, le paragraphe 2(4) de la Loi doit être interprété de façon générale. Par conséquent, l’expression « abus de pouvoir » ne doit pas se limiter à la mauvaise foi et au favoritisme personnel.

[19] Dans Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, aux paragraphes 21 et 38, la Cour fédérale a confirmé que la définition d’« abus de pouvoir », au paragraphe 2(4) de la Loi, n’est pas exhaustive et peut comprendre d’autres formes de conduite inappropriée.

[20] Comme il est souligné dans Tibbs et confirmé dans Agnew c. Sous‑ministre des Pêches et des Océans, 2018 CRTESPF 2, au paragraphe 95, un abus de pouvoir peut comprendre un acte, une omission ou une erreur que le législateur n’aurait pas pu envisager dans le cadre de la discrétion accordée aux personnes possédant des pouvoirs délégués de dotation.

[21] L’abus de pouvoir est une question de degré. Pour qu’une telle conclusion puisse être tirée, l’erreur ou l’omission doit être si flagrante qu’elle n’aurait pas pu faire partie du pouvoir discrétionnaire accordé au gestionnaire délégué.

[22] La Commission de la fonction publique (CFP) était une partie à ces plaintes, en vertu de la Loi. Sa représentante a participé aux conférences de gestion de cas et a présenté des arguments sur le droit et la politique connexes. Toutefois, la CFP n’a adopté aucune position quant au fond de ces plaintes ni quant aux allégations qui y sont contenues.

B. Allégations

1. Nominations non annoncées

[23] Les plaignants ont soutenu que l’intimé avait injustement choisi d’utiliser le pouvoir qui lui a été conféré par la Loi pour effectuer des nominations non annoncées. Les plaignants n’ont cité aucun élément de preuve directement lié au choix du processus pour appuyer cette allégation.

[24] Toutefois, ils ont fait une allégation générale de partialité à l’encontre de l’intimé, que j’examinerai à l’appui de cette allégation. La partialité alléguée particulièrement contre Mme Patel sera analysée plus loin.

[25] Mme Patel a lancé un appel écrit de déclaration d’intérêt avant de procéder aux deux nominations en litige. Les deux plaignants ont répondu par l’affirmative, déclarant qu’ils étaient très intéressés.

[26] L’avocat de l’intimé a fait remarquer que la directrice avait demandé des déclarations d’intérêt de la part du personnel FB‑05 pour l’aider à examiner toutes les possibilités de nomination par intérim pertinentes.

[27] L’avocat a cité Jarvo c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6, jurisprudence très connue et citée régulièrement à ce sujet, qui a conclu ce qui suit :

[…]

32 Ni la LEFP, ni les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP ne garantissent à un employé le droit d’accès à toutes les possibilités d’emploi. La CFP encourage d’ailleurs expressément les gestionnaires à utiliser leur jugement et leur marge de manœuvre pour ce qui est de l’accessibilité et des décisions de nomination.

[…]

 

[28] L’avocat a également fait remarquer que la Commission l’avait récemment confirmé de nouveau dans Dhalla c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2018 CRTESPF 12, dans laquelle l’arbitre de grief Daigle a conclu ce qui suit :

[…]

44 L’article 33 de la LEFP indique clairement que la CFP ou son délégué, conformément au paragraphe 15(1), peut choisir un processus annoncé ou un processus non annoncé en vue d’une nomination. Son libellé est le suivant : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. »

45 Dans les circonstances de l’affaire, le plaignant ne peut alléguer qu’il y a eu abus de pouvoir pour le simple motif qu’on a choisi un processus non annoncé. Il doit prouver que la décision de choisir un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir.

[…]

48 Je conclus que la décision de choisir un processus non annoncé a bien été explicitée et documentée. M. German a clairement expliqué que l’intimé devait agir rapidement. Il a décidé de choisir un candidat du répertoire de candidats qualifiés découlant du récent processus national EX‑02 pour direction d’établissement et d’évaluer cette personne, Mme Turi, en fonction de « l’Énoncé des critères de mérite » du poste de SCASI. Mme Turi a été jugée qualifiée. M. German a aussi tenu compte du fait que sa nomination abordait la représentation des groupes de l’équité en matière d’emploi aux plus hauts niveaux de l’équipe de la direction de la région du Pacifique du SCC. L’intimé considérait ce choix comme étant le plus approprié et a préparé une documentation suffisante pour justifier cette décision.

49 Le plaignant n’a pas établi qu’il était déraisonnable de procéder de la sorte. Le choix de processus tombe dans les paramètres des exigences législatives et politiques.

50 De plus, l’article 30 de la LEFP prévoit qu’il n’est pas nécessaire de mener un processus de sélection et de passer plusieurs personnes en entrevue pour procéder à une nomination :

30(4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

[Je mets en évidence]

 

[29] Je souscris au raisonnement de la Commission énoncé dans Dhalla. Dans la présente affaire, je conclus également que la décision de choisir un processus non annoncé a été bien expliquée et relevait des paramètres des exigences législatives. Les plaignants n’ont pas par ailleurs établi que le fait de procéder par voie de processus non annoncé constituait un abus de pouvoir.

[30] Le témoignage de Mme Patel a permis d’établir que les activités de l’ASFC à YYZ étaient confrontées à plusieurs défis et qu’elle estimait avoir besoin d’un leadership stable pendant ces changements.

[31] Elle a témoigné que toute rotation éventuelle des nominations par intérim dans les postes FB‑07 en litige aurait pu avoir une incidence importante et néfaste sur ses efforts à maintenir une approche cohérente et ciblée pour obtenir des résultats favorables aux clients et pour appuyer le personnel à la suite de l’incident critique.

[32] Les plaignants ont présenté des éléments de preuve et ont soutenu que Mme Patel avait apporté de nombreux changements à l’organisation. Ils ont laissé entendre que cela contredisait sa déclaration selon laquelle elle cherchait la stabilité dans ses nominations.

[33] Mme Patel a répondu à cela en contre‑interrogatoire et a précisé que le changement organisationnel avait effectivement été mandaté par l’administration centrale nationale de l’ASFC, mais que ce changement exigeait un leadership stable, qu’elle a cherché à créer et à maintenir grâce aux deux nominations par intérim en litige à la présente audience.

[34] Mme Patel a fourni un témoignage clair et convaincant quant aux besoins opérationnels à l’appui d’un processus non annoncé pour les deux nominations. Son témoignage a été étayé par des courriels contenus dans les pièces qu’elle avait envoyées aux mêmes fins les 27 et 31 janvier 2017.

[35] Même si elle n’était pas tenue de le faire, elle a sollicité l’intérêt des membres du personnel concernés afin de leur permettre de déclarer leur intérêt pour les nominations par intérim.

[36] Mme Patel a témoigné qu’elle avait reçu environ 15 réponses à sa demande d’intérêt pour des nominations de niveau supérieur par intérim. Elle a déclaré que presque tous ceux qui avaient répondu se sont vu offrir une telle possibilité, sauf deux ou trois, et que c’est en raison d’exigences professionnelles justifiées que ces personnes ne se sont pas vu offrir une telle possibilité.

[37] Elle a justifié en partie les prolongations par intérim par le fait qu’il n’y avait pas de bassin de candidats actuel et que toutes les personnes qui ont exprimé leur intérêt pour la nomination par intérim se verraient offrir des possibilités.

[38] Les plaignants affirment que ce n’est pas vrai et qu’aucun d’entre eux n’a reçu une offre aussi significative pour un poste intérimaire. Cependant, Mme M. Patel a témoigné que certains des dossiers des ressources humaines de l’intimé indiquent que chaque plaignant avait reçu de telles offres.

[39] Elle a également déclaré qu’elle avait personnellement formulé des recommandations pour chaque plaignant afin que chacun puisse recevoir les affectations qu’il avait demandées.

[40] Les faits dont je suis saisi indiquent que le raisonnement de Mme Patel quant au choix du processus était éminemment raisonnable, car les nominations étaient liées aux besoins opérationnels légitimes de l’organisation.

[41] Par conséquent, je rejette cette allégation.

2. La personne nommée, soit M. Stergulc, n’était pas qualifiée pour sa nomination, ce qui signifie que sa nomination prolongée n’était pas fondée sur le mérite

[42] Les plaignants ont présenté des éléments de preuve établissant que M. Stergulc a rédigé la première ébauche de son évaluation narrative, sur laquelle l’intimé s’est appuyé pour justifier sa nomination non annoncée.

[43] Mme Patel a témoigné qu’il s’agissait d’une pratique courante, qu’elle avait examiné attentivement l’ébauche qu’il avait fournie et qu’après y avoir apporté quelques modifications, elle l’avait mise au point et signée, et qu’elle en a assumé la responsabilité.

[44] Les plaignants ont également contesté certains des énoncés contenus dans l’évaluation narrative et ont fait référence à leur propre témoignage qui, selon eux, démontrait de fausses déclarations dans l’évaluation narrative.

[45] M. Muka a témoigné qu’en fait, il avait dirigé une initiative de YYZ dont M. Stergulc s’est attribué le mérite d’avoir été le « fer de lance » dans son évaluation narrative.

[46] Lorsqu’elle a été interrogée à l’égard de ce fait en contre‑interrogatoire, Mme Patel a déclaré que même si M. Muka avait effectivement été chargé du projet en litige, l’évaluation narrative de M. Stergulc faisait peut‑être référence à un travail continu sur le projet après que M. Muka a été muté à un autre poste à YYZ.

[47] Les plaignants ont également interrogé Mme Patel au sujet d’une autre réalisation mentionnée dans l’évaluation narrative de M. Stergulc et ils ont laissé entendre qu’en fait, elle était liée à un travail effectué après la rédaction de l’évaluation narrative. Dans la même veine, les plaignants ont soutenu que l’évaluation du rendement de M. Stergulc comme étant [traduction] « excellent », comme l’a exprimé Mme Patel dans le cadre de sa décision de prolonger sa nomination par intérim, n’indiquait pas son rendement réel.

[48] Les plaignants ont établi que la personne nommée, M. Stergulc, avait reçu une évaluation du rendement de Mme Patel, qui lui a attribué la cote [traduction] « réussite – (moins) » à l’égard de ses fonctions dans le rôle de FB‑07 par intérim. Ils ont cité une définition tirée d’un dictionnaire qui laisse entendre que le [traduction] « mérite », tel qu’il est exigé aux fins d’une nomination en vertu de la Loi, était lié à une réussite.

[49] Il en découle que l’évaluation du rendement laissait entendre que M. Stergulc n’avait pas réussi et ne méritait donc pas la nomination, ce qui a causé un abus de pouvoir, car l’article 30 de la Loi exige que les nominations soient fondées sur le mérite.

[50] Les documents pertinents relatifs aux ressources humaines indiquent que cette cotation signifie ce qui suit :

[Traduction]

Le rendement répond à une partie des attentes, mais pas à toutes.

L’employé démontre le potentiel et la motivation nécessaires pour atteindre ses objectifs de travail. Toutefois, certaines lacunes ont été observées à l’occasion pendant le cycle de gestion du rendement. Les résultats en matière de rendement indiquent que l’employé a besoin de s’améliorer ou de se perfectionner à certains égards.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[51] Lorsqu’elle a été interrogée à propos de cette évaluation du rendement lors de son contre‑interrogatoire, Mme Patel a répondu que la cote [traduction] « réussite – (moins) » n’indiquait en aucun cas un rendement médiocre, mais plutôt la réalité de la personne occupant un poste relativement nouveau et supérieur.

[52] Elle a expliqué qu’elle avait considéré qu’il était normal pour une personne confrontée à de tels défis et qui se perfectionnait et apprenait de nouvelles compétences et de nouvelles fonctions de recevoir une telle cote tout en continuant de bien exercer les fonctions du poste.

[53] Les plaignants ont renvoyé à leur propre cote de rendement exemplaire et leur avancement professionnel rapide (sous la haute direction précédente de YYZ), qui comprenait des affectations importantes et très médiatisées. Par conséquent, ils laissent entendre qu’ils méritaient plus la nomination au poste FB‑07 que M. Stergulc.

[54] M. Muka a témoigné qu’avant l’arrivée de Mme Patel, il avait assumé des fonctions de chef des opérations par intérim pendant de longues périodes et avait obtenu d’excellentes évaluations du rendement à l’égard de ces fonctions.

[55] Il y a des années, le gouvernement fédéral s’est éloigné de la notation des candidats et de l’attribution des nominations en fonction de la note la plus élevée. Rien dans les éléments de preuve n’indique que M. Stergulc n’a pas satisfait aux qualifications essentielles pour le travail à accomplir conformément à l’alinéa 30(2)a) de la Loi et telles qu’elles figurent à son Avis de nomination intérimaire.

[56] Le fait que Mme Patel a demandé aux personnes nommées de rédiger la première ébauche de leur évaluation narrative ne permet pas non plus de parvenir à cette conclusion. Elle occupait un poste exigeant et travaillait sans aucun doute de longues heures. Le recours à de telles techniques, comme la préparation par d’autres d’une première ébauche de leur évaluation narrative pour qu’elle la révise et l’approuve est éminemment logique.

[57] Les plaignants ont cité la décision du Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) rendue dans Patton c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 8, selon laquelle un abus de pouvoir s’est produit en raison d’un défaut d’évaluer la personne nommée par rapport à une qualification essentielle qui avait été énoncée dans l’énoncé des critères de mérite.

[58] Ils ont également cité Robert c. Sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 24, pour appuyer les situations où des erreurs et une imprudence ont mené à une conclusion d’abus de pouvoir.

[59] Le différend quant à la question de savoir si une déclaration exagérée figurait dans l’évaluation narrative de M. Stergulc n’a pas été clairement établi par les éléments de preuve. Je n’estime même pas que l’allégation en soi, même si elle était prouvée, constitue nécessairement une préoccupation quant à savoir si la personne nommée satisfait aux qualifications essentielles pour le travail à accomplir dans la présente affaire.

[60] Je ne suis pas convaincu que l’une de ces allégations et l’un de ces éléments de preuve, ou tous ceux‑ci pris ensemble sont convaincants quant à l’existence d’un abus de pouvoir.

[61] Même si les plaignants ont effectué des recherches approfondies dans la jurisprudence de la Commission pour l’invoquer dans leur argumentation, je conclus que les faits établis dans les éléments de preuve dont je suis saisi sont différents, ce qui rend les nombreuses décisions citées par les plaignants moins convaincantes.

[62] Pour ces motifs, je rejette les allégations d’abus de pouvoir dans l’application du mérite à la nomination de M. Stergulc.

3. Mme Szplitgeiber n’était pas qualifiée pour sa nomination à un poste bilingue, et des erreurs procédurales ont été commises quant à la façon dont l’intimé a traité cette question, ce qui a causé un abus de pouvoir

[63] Les éléments de preuve permettent d’établir que peu après la nomination par intérim de Mme Szplitgeiber en litige, l’intimé a pris connaissance du fait que sa certification linguistique bilingue, qui devait être renouvelée périodiquement, était expirée.

[64] Mme Patel a ensuite été informée des mesures à prendre pour muter Mme Szplitgeiber à un poste unilingue au même niveau ou pour lui faire renouveler ses compétences linguistiques aux fins d’une nouvelle nomination.

[65] Mme Szplitgeiber a renouvelé ses compétences linguistiques et a ensuite été nommée à nouveau à son poste bilingue. Un courriel provenant de Ressources humaines (RH) a été cité en preuve; il informait Mme Patel qu’il faudrait publier un autre avis de nomination, avec le recours concomitant à la disposition des membres du personnel qui souhaitent la contester.

[66] Mme Patel a reconnu tout cela et a témoigné qu’en tout temps, Mme Szplitgeiber était pleinement fonctionnelle dans les deux langues officielles. Lorsqu’elle a été interrogée en contre‑interrogatoire au sujet de la nouvelle nomination de Mme Szplitgeiber qui, une fois les compétences linguistiques de cette dernière rétablies, ne comportait pas l’avis et la possibilité de recours requis, elle a témoigné qu’elle croyait que les RH s’en seraient occupées.

[67] Les plaignants ont fait valoir que toutes les mesures liées aux titres de compétence linguistiques de Mme Szplitgeiber constituaient des erreurs contraires à la Loi et qu’il faudrait les considérer comme un abus de pouvoir.

[68] Ils ont souligné la décision du TDFP rendue dans Ayotte c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 21, à l’appui de la proposition selon laquelle le fait de modifier les qualifications essentielles et de faire en sorte qu’un processus de nomination corresponde essentiellement à un candidat désiré ne donne pas lieu à une nomination fondée sur le mérite et constitue un abus de processus.

[69] Les plaignants ont également cité la décision du TDFP rendue dans Beyak c. Sous‑ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 7, qui a conclu qu’un processus de nomination avait manqué de transparence, n’avait pas respecté correctement les règles du processus de nomination, et avait fait preuve de partialité car il avait été conçu pour favoriser une personne, ce qui démontre un favoritisme personnel.

[70] Les plaignants ont habilement fait remarquer la règle de droit administratif énoncée dans Tibbs, selon laquelle un délégué à qui un pouvoir légal a été octroyé doit exercer ce pouvoir dans les limites de ce que le législateur aurait pu prévoir comme faisant partie de sa délégation. J’ai gardé cela à l’esprit dans mon examen minutieux de toutes les allégations contenues dans la présente décision.

[71] Je ne souscris pas aux arguments des plaignants.

[72] Mme Szplitgeiber a été mutée à un poste anglais essentiel déjà existant et vacant. L’avis de nomination a été affiché à la suite de cette mutation, avec l’exigence « anglais essentiel ». Les qualifications essentielles pour le poste anglais n’ont pas été modifiées et, en fait, elles sont les mêmes que celles de M. Stergulc. Il n’y a aucune allégation ni aucun élément de preuve qui laissent entendre que Mme Szplitgeiber ne satisfait pas à ces qualifications essentielles.

[73] Contrairement aux situations dans Ayotte et Beyak, la preuve ne laisse pas entendre que l’intimé avait l’intention de nommer Mme Szplitgeiber, qu’elle satisfasse ou non aux qualifications essentielles du poste, ou que les qualifications essentielles ont été adaptées à elle sans tenir compte des exigences réelles du poste.

[74] La Commission a conclu par le passé qu’un défaut de fournir un avis opportun et approprié peut constituer une négligence et une insouciance graves et peut étayer une allégation de mauvaise foi et d’abus de pouvoir (voir par exemple Rajotte c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2009 TDFP 25; et Robert et Sabourin c. Sous‑ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 24).

[75] Toutefois, le fait de ne pas fournir cet avis ne constitue pas en soi un abus de pouvoir (voir Brown c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 5; et Rinn c. Sous‑ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 44).

[76] Dans la présente affaire, aucun élément de preuve ne permet d’établir que le défaut de fournir un avis distinct une fois que la personne nommée a été mutée de nouveau à un poste bilingue constituait plus qu’une erreur, comme l’a expliqué Mme Patel.

[77] Les éléments de preuve permettent d’établir clairement que Mme Szplitgeiber était qualifiée à tous les égards et qu’elle a exercé ses fonctions dans les deux langues officielles.

[78] En fin de compte, même si quelques erreurs ont été commises dans le processus de nomination, dans l’ensemble, les erreurs ne sont pas de nature grave et elles n’indiquent pas non plus un acte répréhensible qui pourrait constituer un abus de pouvoir.

[79] Les questions soulevées par les plaignants témoignent de leurs compétences en recherche, mais elles sont sans conséquence dans le contexte plus large de la Loi et des pouvoirs délégués de procéder à des nominations en vertu de celle‑ci.

[80] Je rejette les allégations selon lesquelles les questions susmentionnées et liées à cette nomination constituent un abus de pouvoir.

4. Partialité

[81] Les plaignants ont formulé deux allégations distinctes de partialité. Une allégation, surtout lorsqu’elle vise directement son gestionnaire, est grave, car elle implique nécessairement un manque de professionnalisme de la part de cette personne.

[82] Je les évaluerai ensemble pour faciliter la consultation.

[83] Les plaignants ont allégué, dans l’ensemble, qu’ils ont été victimes de partialité de la part de l’intimé en vertu de la suggestion très maigre selon laquelle ils étaient des membres très performants du personnel de l’ASFC comparativement aux personnes nommées; par conséquent, il doit y avoir eu partialité. Cela impliquait qu’aucune autre raison valable ne pouvait expliquer qu’ils n’aient pas été retenus pour les nominations en litige.

[84] Les plaignants ont également cherché à établir que Mme Patel les a ignorés aux fins d’une nomination de niveau supérieur par intérim.

[85] L’énoncé écrit des faits de M. Muka déposé avant l’audience contient plusieurs rapports de discussions avec Mme Patel qui sont préoccupants et qui sont cités comme suit dans leur intégralité :

[Traduction]

[…]

Même si elle et moi nous sommes rencontrés une fois pour discuter d’un dossier en octobre, je n’avais pas rencontré Mme Patel pour discuter de mon rendement ou de ma carrière avant le 1er novembre 2016. Au cours de cette réunion, Mme Patel, qui ne me connaissait pas et ne m’avait rencontré qu’une seule fois auparavant, a exprimé des préoccupations au sujet de mes relations avec le personnel et de certaines des rumeurs qu’elle avait entendues à mon sujet. Sans me fournir de preuves ni d’exemples précis, elle m’a dit qu’elle croyait que j’étais responsable du mauvais moral dans le district. Lorsque j’ai tenté de lui faire part de ma version de l’histoire, à savoir comment j’ai été vilipendé et blâmé pour des choses pour lesquelles je n’étais pas responsable, Mme Patel n’en a pas pris note, mais a fait remarquer qu’« il y avait encore de l’espoir » pour moi. À ce moment‑là, Mme Patel m’a offert une affectation en tant que surintendant d’une nouvelle unité qui serait responsable de « projets ». Mme Patel ne voulait plus que je travaille « la ligne » et estimait qu’il s’agirait de l’occasion pour moi de me racheter. Je ne voyais pas très bien de quoi je devais me racheter. Certes, je n’avais pas l’impression d’avoir beaucoup de choix en la matière. Mme Patel m’a donné l’impression que je ne serais pas autorisé à retourner aux activités régulières. À la suite de cela, Mme Patel a dit qu’elle « m’autoriserait toujours à voyager à Amsterdam », ce qui me fait croire que cette possibilité particulière avait, à un moment donné, été également compromise.

Une fois que je suis revenu d’Amsterdam, j’ai commencé à travailler avec ma nouvelle équipe en tant que seul membre de l’équipe relevant de Mme Jennifer Nicholson, chef des opérations. Un autre surintendant m’a ensuite rejoint, M. Darryl Dalton.

Le 21 novembre 2016, Mme Patel a envoyé une « lettre d’appel » à l’intention des surintendants qui souhaitaient être considérés aux fins d’opportunités intérimaires dans le district. Mme Patel a indiqué que l’équipe de gestion s’était « engagée à aider les employés à réaliser leurs aspirations en matière de mobilité professionnelle en leur donnant accès à des possibilités d’emploi, y compris des nominations intérimaires, au moyen d’une communication transparente ». Il s’agissait d’un processus de candidature ouvert et sans date limite. Satisfaisant à toutes les exigences énumérées dans l’affiche, j’ai soumis ma candidature en suivant les directives le 23 novembre 2016. Aucune possibilité ne m’a été offerte à la suite de cette lettre d’appel.

J’ai continué mon affection aux Projets, travaillant d’abord pour Mme Nicholson et, lorsqu’elle est partie en congé, pour Mme Maria Pacheco. Ma relation avec Mme Nicholson était productive, même si j’avais l’impression que Mme Patel avait une influence considérable sur le point de vue général de Mme Nicholson à mon égard. J’ai continué à faire de mon mieux au travail, en réalisant plusieurs objectifs régionaux et nationaux pendant mon mandat.

Même si nous avons coexisté sur le plan professionnel, ma relation avec Mme Patel ne s’est pas améliorée à compter de la réunion du 1er novembre. La nouvelle de la réunion du 1er novembre a été diffusée par Mme Patel à mes collègues et même aux subordonnés. Elle a dit aux membres du Syndicat des douanes et de l’immigration (SDI) qu’elle m’avait mis à ma place et qu’elle « [m]’avait banni au sous‑sol », que je n’avais pas le droit d’être sur le plancher avec le personnel. Elle a créé la perception que mon affection était ma punition.

Une fois que j’ai déposé la présente plainte auprès de la Commission, Mme Patel a commencé à écouter mes conversations avec M. Bart Junik, mon coplaignant, ainsi que celles que j’avais avec d’autres personnes n’ayant aucun lien avec les plaintes. À plus d’une occasion, après que j’ai rencontré l’un des chefs des opérations pour prendre un café, Mme Patel a approché ce chef et lui a demandé de lui dire ce que j’avais dit au sujet de Mme Patel et si j’avais dit quelque chose de négatif à son sujet. Cela s’est produit au moins deux fois en 2017. En outre, alors que je partageais mon bureau avec mon collègue, M. Darryl Dalton, Mme Patel, à au moins une occasion, lui a demandé de quitter la pièce pendant que j’étais encore à l’intérieur et lui a demandé de quoi je parlais avec Mme Pacheco. Mme Patel ne m’a jamais posé directement ces questions. Je suis au courant des rumeurs qu’elle a répandues à mon sujet et qu’elle a participé aux commérages avec des agents au sujet de ma vie personnelle et professionnelle. Elle a commencé à donner de la crédibilité à l’étiquette que le SDI a collée à mon groupe d'amis en les qualifiant de « Fab 5 » et a souvent fait référence à ce groupe devant moi, contribuant ainsi au comportement d’intimidation du SDI envers moi.

Les « Fab 5 » est une expression que le SDI avait inventée de manière dénigrante pour faire référence à moi et à quatre (4) autres surintendants dans le district. En raison de notre excellence en matière de rendement, un petit groupe de surintendants, dont moi‑même, s’est vu offrir par le passé des occasions de perfectionnement. Toutefois, cela s’est également traduit par des travaux accrus en matière de relations de travail, ce qui a entraîné, bien sûr, plus de frictions avec le syndicat. Étant donné la position du syndicat, celui-ci commencé à qualifier les surintendants à haut rendement de manière dénigrante, avec des expressions comme les « Fab 5 », destinées à nous distinguer et à nous traiter de manière différente par rapport aux autres. Je n’étais pas seul dans ce groupe. Aucun des autres membres de ce groupe n’a eu d’opportunités non plus pendant le mandat de Mme Patel.

De plus, Mme Patel a exprimé son mécontentement de mon évaluation précédente pour 2015‑2016, dans laquelle j’ai obtenu la cote « supérieure » pour mon rendement exceptionnel. Pourtant, elle n’a jamais eu ces discussions directement avec moi. Elle n’a pas non plus cherché à obtenir des renseignements sur mon rendement ou mon comportement auprès de mes directrices précédentes, Mme Doxey et Mme Durocher. Elle s’est fait une idée à propos de moi seulement en fonction des rumeurs et des commérages qu’elle a entendus à mon sujet et au sujet des « Fab 5 » et n’a jamais cherché à corroborer ou à infirmer les rumeurs. Au contraire, elle les a alimentés.

En 2016‑2017, Mme Patel a offert des possibilités intérimaires même aux personnes qui n’avaient pas manifesté d’intérêt pour des affectations intérimaires, comme M. David Berndt. M. Berndt s’est vu offrir une possibilité et a ensuite été invité à présenter son intérêt par écrit. Pourtant, aucune telle possibilité ne m’a été offerte. En fait, du 9 au 13 janvier 2017, lorsque ma gestionnaire Mme Nicholson a pris un congé, on ne m’a même pas offert une possibilité intérimaire au sein de ma propre équipe – au lieu de cela, M. Marko Stergulc [sic] a été parachuté pendant plusieurs jours pour être le chef des projets. J’ai eu l’impression d’avoir fait quelque chose de mal – malgré mes évaluations élogieuses et mon expérience antérieure, je n’ai pas été considéré même pour quelques jours aux fins d’un poste par intérim simplement parce que Mme Patel avait décidé que je ne devrais avoir aucune possibilité.

Même si elle ne m’a jamais demandé de fournir ma version des événements qui l’ont amenée à créer une opinion erronée à mon égard, je lui ai fourni quelques renseignements personnels le 31 mars 2017 qui ont donné un aperçu important de ce qui a fait ma réputation dans le district. Mme Patel m’a demandé ce qu’elle devait faire avec les renseignements et je lui ai dit que je ne voulais rien – je voulais simplement qu’elle en soit au courant afin qu’elle ait une meilleure compréhension des choses de mon point de vue. À mon avis, c’était quelque chose qu’elle aurait dû faire sans que j’aie à lui demander. Mais elle ne l’a pas fait. Et à ce jour, je ne sais pas ce qu’elle a fait de ces renseignements. Elle ne les a plus jamais mentionnés.

Ne voyant pas un avenir positif dans mon district, le 31 octobre 2017, j’ai présenté ma candidature à l’égard d’une possibilité intérimaire au groupe et au niveau FB‑06 auprès de l’Administration centrale. J’ai ensuite pris un congé annuel de cinq semaines et, à mon retour, Mme Patel m’a dit qu’on m’avait offert le poste et a laissé entendre qu’elle avait accepté en mon nom. Et donc, le 10 décembre 2017, j’ai commencé mon affectation à l’Administration centrale, ce qui a donné lieu au poste que j’occupe maintenant.

J’ai eu une carrière remarquable de 15 ans au sein de l’ASFC, avec plusieurs réalisations importantes. Aux dires de tous, je suis un employé et un gestionnaire exemplaire. Mes évaluations du rendement de 2014 à 2018 figurent ci‑dessous. Depuis 2018, j’ai dépassé les attentes pour 2019‑2020 et 2020‑2021. Je ne suis pas un employé moyen.

Année

Objectifs de travail

Compétences essentielles

Note globale

2014‑2015

Réussite+

Réussite

Réussite

2015‑2016

Dépassé

Dépassé

Dépassé

2016‑2017

Réussite+

Réussite

Réussite

2017‑2018

Réussite+

Réussite+

Réussite+

Mes évaluations comprennent des éléments comme : « membre hautement précieux de l’équipe de gestion », « excellentes compétences en gestion », « extrêmement efficace », « excellent rendement », « rôle de leadership important », « travaille avec les nouveaux surintendants pour leur fournir un mentorat et une orientation », « a excellé », « bon communicateur […] très axé sur les détails », « penseur stratégique », etc. En 2016, j’ai été récompensé pour mon travail sur un projet par un Prix du directeur général régional pour l’innovation. En 2018, j’ai reçu le Prix du directeur de district pour le partenariat. J’ai reçu deux (2) Prix au‑delà du devoir du président de l’ASFC (2016 et 2020). J’imagine qu’il s’agit du type de personne que la fonction publique fédérale souhaiterait promouvoir. Si les nominations sont fondées sur le mérite, cela semble être un bon candidat pour une nomination promotionnelle. Pourtant, je n’ai jamais été pris en compte à cette fin.

Lors d’une réunion qui a eu lieu entre elle et moi le 20 décembre 2017, j’ai demandé à Mme Patel si elle estimait que je ferais un bon chef. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas répondre parce qu’elle n’avait pas eu l’occasion de me voir dans ce rôle« en raison des événements survenus ». Les événements survenus ne m’ont jamais été évident, mais il m’a semblé que Mme Patel avait pris une décision de ne pas me promouvoir, sans tenir compte de mes qualifications, de mes évaluations, de mes références ou de mon expérience. J’étais manifestement intéressé par le poste – j’ai exprimé mon intérêt par écrit au moins deux fois. J’étais manifestement qualifié compte tenu de mes évaluations, de mon expérience et de mes compétences. Ce que je ne peux pas expliquer, c’est la raison pour laquelle je n’ai pas eu cette possibilité ou ce qu’étaient les « événements survenus ». Je ne peux que conclure que cela fait référence au fait que Mme Patel a entendu des rumeurs à mon sujet et s’est fait une idée à propos de moi en fonction ce ceux‑ci, plutôt qu’en fonction de mon mérite. Et sans n’avoir jamais eu l’occasion d’expliquer correctement ma version des rumeurs, je n’ai jamais eu la chance d’avancer dans ma carrière pendant que Mme Patel était ma directrice.

[Je mets en évidence]

 

[86] M. Junik a abordé la même allégation de partialité à l’égard de Mme Patel. Il a écrit ce qui suit dans son énoncé des faits :

[Traduction]

[…]

À compter de juillet 2013, j’ai travaillé en tant que surintendant pour divers quarts de travail au DOP, dans de nombreux cas lors de quarts de soir ou de nuit, pendant lesquels j’étais chargé d’une grande partie des opérations de l’ASFC au DOP. Pendant mon mandat à titre de surintendant, on m’a progressivement confié des tâches qui m'ont permis d'approfondir mes connaissances et d'élargir mes horizons en matière de gestion. On a fait appel dans de nombreux cas à mon souci du détail, à mes connaissances et à ma discrétion, car on m’a souvent confié des dossiers de relations de travail qui exigeaient des enquêtes minutieuses et des déterminations de culpabilité. Avant l’arrivée de la directrice Patel, j’ai été sélectionné pour de nombreuses possibilités de perfectionnement, souvent supérieures à celles offertes à mes collègues, en fonction de mon rendement et de mes capacités. J'ai été affecté à la coordination de l'établissement des horaires du district, à la planification des congés du district pour les multiples périodes de pointe, à la couverture par intérim du poste de chef des opérations, au rôle de surintendant des opérations des terminaux et à l’élaboration et à la mise en œuvre réussie du programme international de transfert des bagages intérieurs dans le district, ce qui m’a valu un Prix du directeur général régional pour l’innovation.

Pendant le mandat de la directrice Patel au DOP, le 29 novembre, j’ai présenté une initiative visant à mieux aborder l’intégration des nouveaux employés dans le district, qui n’a pas été mise en œuvre. La directrice Patel a fait remarquer qu’elle était préoccupée du fait que, lors de ma présentation de la proposition, j’ai mentionné que je ne me sentais pas engagé. La directrice Patel a déclaré qu’elle aimerait avoir l’occasion d’en discuter, mais en fin de compte, on ne m’a offert aucune nouvelle tâche ou possibilité de perfectionnement, malgré mon enthousiasme à me perfectionner et à faire progresser ma carrière.

À maintes reprises, j’ai relevé le défi, pendant le mandat de la directrice Patel, en m’assurant que, même en période de crise ou de grand défi, les activités de l’ASFC au plus grand port d’entrée du pays se poursuivaient sans interruption. J’ai reçu des louanges de la part de mes supérieurs et de mes collègues pour ma capacité à coordonner les opérations, à voir la situation dans son ensemble et à faire preuve d’un rendement supérieur à ce qui est attendu.

Le 21 novembre 2016, Mme Patel a envoyé une « lettre d’appel » à l’intention des surintendants qui souhaitaient être considérés aux fins d’opportunités intérimaires dans le district. Mme Patel a indiqué que l’équipe de gestion s’était « engagée à aider les employés à réaliser leurs aspirations en matière de mobilité professionnelle en leur donnant accès à des possibilités d’emploi, y compris des nominations intérimaires, au moyen d’une communication transparente ». Il s’agissait d’un processus de candidature ouvert et sans date limite. Satisfaisant à toutes les exigences énumérées dans l’affiche, j’ai soumis ma candidature en suivant les directives le 24 novembre 2016. Aucune possibilité ne m’a été offerte à la suite de cette lettre d’appel. En 2016‑2017, Mme Patel a offert des possibilités intérimaires même aux personnes qui n’avaient pas manifesté d’intérêt pour des affectations intérimaires, comme M. David Berndt. M. Berndt s’est vu offrir une possibilité et a ensuite été invité à présenter son intérêt par écrit.

Je crois que la directrice Patel s’est fait une idée à propos de moi en fonction de ouï‑dire et de rumeurs, qui découlaient de discussions avec des membres du syndicat local. Pendant mon mandat en tant que surintendant, mes supérieurs m’ont confié de nombreux dossiers complexes et difficiles en matière de relations de travail, qui concernaient des cadres de l’exécutif syndical local. Je n’ai pas cherché à obtenir ces dossiers, mais une fois affecté, j’ai agi au mieux de mes capacités et évalué la culpabilité dans les situations d’inconduite. C’est pendant cette période que l’expression « Fab 5 » a commencé à être utilisée dans le district. Les « Fab 5 » est une expression que le SDI avait inventée de manière dénigrante pour faire référence à moi et à quatre (4) autres surintendants dans le district. En raison de notre excellence en matière de rendement, un petit groupe de surintendants, dont moi‑même, s’est vu par le passé des occasions de perfectionnement. Toutefois, cela s’est également traduit par des travaux accrus en matière de relations de travail, tel qu’indiqué ci‑dessus. Étant donné la position du syndicat, celui-ci a commencé à qualifier les surintendants à haut rendement de manière dénigrante, avec des expressions comme les « Fab 5 », destinées à nous distinguer et à nous traiter de manière différente par rapport aux autres. Je n’étais pas seul dans ce groupe. Aucun des autres membres de ce groupe n’a eu d’opportunités non plus pendant le mandat de Mme Patel.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[87] À ce stade, je fais remarquer que les propositions des plaignants selon lesquelles Mme Patel ne leur a pas offert de possibilités d’occuper des postes de niveau supérieur par intérim, malgré leurs déclarations d’intérêt écrites, leurs excellentes qualifications et leurs plans de perfectionnement professionnel qui étaient compatibles avec ces possibilités, ont été jugées ne pas être tout à fait exactes.

[88] Au cours de l’audience, les deux plaignants ont clarifié ces allégations en déclarant qu’en fait, on leur avait offert de telles affectations par intérim, comme l’ont établi les documents fournis par l’intimé.

[89] Cependant, ils ont expliqué au cours de leur témoignage de vive voix que les possibilités qui leur ont été offertes n’étaient pas significatives ni dans leur substance ni dans leur brève durée.

[90] Mme Patel a témoigné qu’en fait, elle avait recommandé les deux plaignants pour les postes qu’ils avaient demandés après son arrivée à YYZ et après qu’ils n’aient pas obtenu les deux postes en litige dans la présente affaire. Dans son contre‑interrogatoire, elle a nié que ces recommandations ou tout autre de ses actes visaient à [traduction] « faire sortir les plaignants de Pearson ».

[91] L’allégation la plus grave visant personnellement Mme Patel concernait également le témoignage d’un collègue, Kris Chartrand. Il a connu une longue et fructueuse carrière à l’ASFC et a été promu à de nombreux postes de haute direction à YYZ.

[92] Il s’est présenté comme un professionnel chevronné de l’ASFC et a fourni un témoignage crédible et incontesté portant uniquement sur cette allégation. Son énoncé des faits écrit et son témoignage de vive voix à l’audience ont permis de confirmer qu’au cours des premiers mois suivant l’arrivée de Mme Patel à YYZ, et avant les nominations en litige dans la présente affaire, elle l’a invité à une réunion.

[93] À ce moment‑là, il occupait un poste d’attache de surintendant et était souvent nommé à des postes de chef par intérim. Il a dit que les quelques conversations ou rencontres qu’il a eues avec elle depuis son arrivée avaient toutes été positives.

[94] Il a témoigné qu’il avait trouvé étrange que, même s’il travaillait de l’autre côté du couloir, on lui ait dit de se présenter à une salle de réunion située très loin sur un autre étage de l’immeuble. Il a dit qu’il trouvait cette formalité hors de l’ordinaire.

[95] Lorsqu’il est arrivé à la réunion, il a constaté qu’aucun autre membre du personnel n’était présent et que Mme Patel a orienté la discussion en lui demandant s’il l’appuyait dans ses efforts visant à [traduction] « restructurer » l’organisation.

[96] Il a ensuite témoigné qu’elle a exprimé son opinion selon laquelle l’ASFC dans la région de Toronto était un [traduction] « club de vieux garçons ». Il a dit avoir répondu qu’en fait, cinq des six directeurs actuels de la région étaient des femmes. Il a ensuite indiqué qu’elle a formulé des commentaires au sujet des femmes appartenant à des minorités dans des postes de pouvoir.

[97] M. Chartrand a ensuite témoigné que Mme Patel a alors commencé à lui poser des questions sur certains membres de l’équipe de gestion. Il a expliqué qu’elle lui a demandé des renseignements sur les personnes en les nommant, mais qu’au lieu de mentionner les deux plaignants par leur nom, elle lui a demandé des renseignements sur les « Fab 5 ».

[98] M. Muka a témoigné que, à son avis, les « Fab 5 » était une épithète péjorative qui a commencé avec des représentants syndicaux qui en voulait à un groupe de cinq gestionnaires (dont les plaignants) qui étaient considérés comme ayant beaucoup de succès et une mobilité à la hausse à l’ASFC.

[99] Dans le cadre de ce succès, les plaignants se sont vu confier la supervision de certains dossiers difficiles en matière de relations de travail et, semble‑t‑il, ont suscité la colère du syndicat.

[100] M. Chartrand a poursuivi son témoignage sur ce point en déclarant que la discussion l’avait mis mal à l’aise. Il a évoqué le conseil qu’il avait reçu d’un cadre supérieur chevronné de la direction qui lui avait dit qu’il était imprudent de discuter du rendement de collègues.

[101] Il a expliqué qu’il a dit à Mme Patel qu’il ne voulait pas parler de ses collègues de manière négative et qu’il estimait que l’expression « Fab 5 » pouvait être insensible.

[102] Il a ajouté que [traduction] « sans formuler d’hypothèse, il semblait que Mme Patel cherchait des renseignements qui pourraient nuire au perfectionnement de ce groupe. »

[103] Aucune des parties n’a vraiment approfondi cette conversation dans leur interrogatoire de vive voix de M. Chartrand. Étant donné l’importance de cette allégation dans les plaintes dont je suis saisi, j’ai posé moi‑même plusieurs questions au témoin afin d’obtenir des éclaircissements sur tout contexte important dont il aurait pu se souvenir au sujet des commentaires de Mme Patel. Il a répondu, de façon tout à fait compréhensible, que cet événement avait eu lieu il y a plusieurs années et a déclaré qu’il n’avait pas un souvenir clair de plus amples détails de la discussion.

[104] Les plaignants ont choisi de ne pas poursuivre cette question de partialité de Mme Patel et des commentaires qui lui ont été attribués dans leur contre‑interrogatoire par ailleurs long et bien préparé.

[105] Cela aurait été une grave erreur si les plaignants avaient été représentés par un avocat.

[106] Lorsqu’une telle allégation porte nécessairement atteinte à l’intégrité d’un témoin, l’équité exige que la partie qui invoque les commentaires attribués permette au témoin d’y répondre.

[107] Ce faisant, l’audience reçoit une version plus éclairée des événements, surtout en ce qui concerne les commentaires attribués au témoin.

[108] Toutefois, en tant que parties qui se représentent elles‑mêmes, je n’exige pas qu’elles respectent les mêmes normes de conduite que celles que doit respecter un avocat en ce qui concerne l’interrogatoire des témoins.

[109] J’ai examiné attentivement les énoncés des faits des plaignants et j’ai mis l’accent sur les aspects les plus déconcertants de ces déclarations concernant l’allégation de partialité.

[110] Je fais remarquer en particulier que le témoignage qui laissait entendre que Mme Patel s’est appuyée, d’une façon ou d’une autre, sur des commérages de bureau et sur des renseignements non définis de nature personnelle (au sujet de M. Muka) est particulièrement inquiétant.

[111] Je fais également remarquer les éléments de preuve détaillés des plaignants selon lesquels, apparemment, Mme Patel estimait qu’ils étaient responsables des problèmes à YYZ. Je reconnais également que dans leur argumentation, ils ont soutenu vigoureusement que ces préoccupations ont été complètement contredites par les nombreuses évaluations du rendement très réussies qui ont été présentées en tant que pièces, qui attestent qu’ils étaient considérés comme d’excellents employés par les gestionnaires respectifs qui ont signé les évaluations.

[112] Mme Patel a témoigné qu’en fait, la directrice précédente avait nommé Mme Szplitgeiber et que Mme Patel n’avait fait que prolonger sa nomination.

[113] Elle a expliqué qu’étant donné le fait qu’elle était si nouvelle au YYZ, elle ne connaissait pas grand‑chose au sujet du groupe FB‑05, qui compte environ 60 personnes et un total de 80 postes (y compris les postes vacants). Elle a dit qu’elle ne supervisait pas directement ces postes et qu’elle s’appuyait fortement sur les recommandations de ses gestionnaires FB‑06 pour faire les nominations intérimaires de ce groupe.

[114] Elle a témoigné qu’elle n’avait aucune relation avec l’une ou l’autre des personnes nommées. En fait, elle n’avait entendu parler de l’une d’entre elles que lorsqu’elle avait interagi brièvement avec elle pendant sa formation plusieurs années auparavant et qu’elle n’avait eu aucun contact avec elle depuis.

[115] Elle a en outre expliqué sa justification de chaque nomination et a témoigné en détail des nombreuses qualités professionnelles et personnelles positives de chaque personne nommée, qui l’ont amenée à conclure qu’elles étaient les bonnes personnes pour les deux nominations en litige.

[116] Les plaignants ont présenté une jurisprudence pertinente et minutieusement recherchée et ils ont cité le critère applicable à la crainte de partialité. Ils ont cité la décision du TDFP rendue dans Gignac c. Sous‑ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, comme suit :

[…]

72 Un critère a été établi par les tribunaux pour établir s’il y a crainte raisonnable de partialité. Il consiste à déterminer si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez le décideur. Il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y a eu partialité, celle‑ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente. Voir Jones, « Administrative Law », aux pages 237 à 238, 395 et suivants; Newfoundland Telephone Co. c. Terre‑Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, à la page 636.

73 Le Tribunal estime que ce critère est applicable aux plaintes d’abus de pouvoir en matière de dotation. Il est particulièrement utile dans l’analyse d’une plainte car il est souple, raisonnable et permet de tenir compte du contexte d’une décision en matière de dotation. L’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la p. 394, l’explique ainsi :

[…] [L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

[…]

[117] Je fais également remarquer la décision de la Commission rendue dans Johnston c. Directeur des poursuites pénales, 2018 CRTESPF 65, dans laquelle j’ai abordé les questions de partialité dans un processus de nomination comme suit :

[…]

[33] Le plaignant a indiqué dans son argumentation de cette allégation que la Commission avait conclu qu’il n’était pas nécessaire qu’une partialité réelle soit constatée, puisqu’une crainte raisonnable de partialité peut constituer un abus de pouvoir (voir Ryan c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2014 TDFP 9, au paragraphe 25, qui cite Denny c. Le sous‑ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, au paragraphe 125, qui renvoie à Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369, à la page 394).

[34] Dans sa forme initiale, dans Committee for Justice and Liberty, à la p. 394, la Cour suprême du Canada a énoncé le critère relatif à l’existence d’une crainte de partialité comme suit :

[…] « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[35] Dans Ryan, en invoquant Gignac c. Le sous‑ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, qui à son tour a invoqué Committee for Justice and Liberty, le TDFP a adapté le critère comme suit :

[…]

Lorsqu’il y a allégation de partialité, le critère suivant pourra être appliqué à son analyse en tenant compte des circonstances l’entourant : Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a abus de pouvoir.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[118] Je souligne aussi Bain c. Sous-ministre des Ressources naturelles Canada, 2011 TDFP 28, qui a porté ainsi sur la conclusion d’une crainte raisonnable de partialité :

[…]

134 En examinant les questions de parti pris et de crainte raisonnable de partialité, les tribunaux ont reconnu qu’il est difficile d’établir une preuve directe de parti pris […]

[…]

139 Les candidats qui participent à un processus d’évaluation doivent pouvoir avoir confiance en la nature équitable du processus. Une crainte raisonnable de partialité entache le processus et soulève des doutes quant à son intégrité. Conformément au principe d’équité, les membres du comité d’évaluation doivent éviter les situations qui pourraient susciter une crainte raisonnable de partialité de la part d’un décideur.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[119] Même si j’accepte que le témoignage de M. Chartrand fût sincère et entièrement fiable, je ne peux fonder une conclusion de partialité et d’abus de pouvoir uniquement sur l’inférence découlant de l’utilisation par Mme Patel de l’expression les « Fab 5 » et de sa mention de « club de vieux garçons ».

[120] Même si les nombreux commentaires attribués à Mme Patel dans les éléments de preuve des plaignants sont également préoccupants, selon les éléments de preuve dont je suis saisi, je ne peux conclure qu’ils sont inexacts ou injustes ou qu’ils ont été formulés en fonction d’une partialité à l’égard des plaignants.

[121] Bien que les éléments de preuve indiquant que Mme Patel s’est appuyée sur des commérages et certains renseignements personnels non définis soient troublants, ils ne sont pas corroborés et sont inférieurs à la norme claire et convaincante requise pour tirer une conclusion, surtout une conclusion de nature aussi grave que celle de partialité.

[122] Les autres aspects du témoignage des plaignants au sujet des déclarations et des actes de Mme Patel peuvent être considérés dans la perspective générale selon laquelle elle a été affectée par l’Administration centrale nationale de l’ASFC pour effectuer des changements de culture de grande envergure et améliorer considérablement les services à YYZ.

[123] De tels changements profonds au sein d’une organisation peuvent inclure des changements dans les affectations de gestion. Ils peuvent avoir une incidence considérable sur les personnes qui ont travaillé très fort et qui se sont engagées profondément envers l’organisation.

[124] Je ne peux conclure qu’un observateur relativement bien renseigné et ayant connaissance de tous les éléments de preuve présentée au cours de la présente audience peut raisonnablement percevoir de la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables des deux nominations en litige.

[125] Les deux parties ont fait remarquer la décision fondamentale rendue dans Tibbs quant à l’orientation qu’elle donne à la souplesse accordée par le législateur aux administrateurs généraux qui exercent leur pouvoir discrétionnaire en vertu de la Loi, ainsi qu’aux limites connexes.

[126] Tibbs constitue également la décision fondamentale pour les plaintes déposées en vertu de la Loi afin d’établir que la Commission exige plus que de simples erreurs pour confirmer une allégation d’abus de pouvoir.

[127] Les paragraphes pertinents suivants de Tibbs portent directement sur l’essentiel des plaintes dont je suis saisi, ainsi que sur la réponse de l’intimé :

[…]

[62] Un examen du préambule de la LEFP permet de révéler l’intention du législateur. Le préambule de la LEFP est clair et est d’une aide importante dans l’interprétation du concept d’abus de pouvoir. La section suivante mérite d’être soulignée : « le pouvoir de dotation devrait être délégué (…) pour que les gestionnaires disposent de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens ».

[63] Cette section du préambule renforce l’un des objectifs législatifs clés de la LEFP, soit que les gestionnaires détiennent un pouvoir discrétionnaire considérable en ce qui a trait aux questions de dotation. Pour s’assurer de la souplesse nécessaire, le législateur a choisi de s’éloigner du régime de dotation de l’ancienne LEFP qui était axé sur un système à base de règles. L’ancien système fondé sur le mérite relatif n’existe plus. La définition du mérite prévue au paragraphe 30(2) de la LEFP accorde aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire considérable pour choisir la personne qui non seulement répond aux qualifications essentielles mais qui est également la bonne personne pour faire le travail, car elle possède des atouts supplémentaires, ou elle répond à des besoins actuels ou futurs ou à des exigences opérationnelles.

[64] Cependant, cela ne signifie pas que la LEFP prévoit un pouvoir discrétionnaire absolu. Le préambule clarifie les valeurs et les règles d’éthique qui devraient caractériser l’exercice du pouvoir discrétionnaire au chapitre de la dotation. Il appuie également un autre objectif législatif clé de la LEFP, soit d’établir de nouveaux mécanismes de recours sur des questions de nomination auprès d’un organisme neutre et indépendant, le Tribunal. La section pertinente du préambule se lit comme suit : « le gouvernement du Canada souscrit au principe d’une fonction publique (…) qui se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes, le respect de ses employés, sa volonté réelle de dialogue et ses mécanismes de recours destinés à résoudre les questions touchant les nominations ».

[65] Il ressort clairement du préambule et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir. Par exemple, en vertu de l’article 67 de la LEFP, les motifs de révocation d’une nomination par un administrateur général après une enquête sont l’erreur, l’omission et une conduite irrégulière. Ces motifs de révocation sont clairement moins élevés que ceux requis en vue de constater un abus de pouvoir. Le choix de différents mots par le législateur est important : Sullivan et Driedger, supra, à la p. 164. L’abus de pouvoir constitue plus qu’une simple erreur ou omission.

[66] Comme la plaignante l’a reconnu, l’abus de pouvoir exige un acte répréhensible. Par conséquent, l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non.

[67] Le législateur a énoncé dans la LEFP les recours dont disposent ceux qui sont visés par l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans les processus de dotation. Par exemple, une personne dans la zone de recours peut se plaindre auprès du Tribunal en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP qu’elle n’a pas été nommée ou proposée en vue d’une nomination en raison d’un abus de pouvoir. L’abus de pouvoir allégué portera sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire lorsque le comité de sélection en vertu du paragraphe 30(2) a fait un choix parmi les candidats qui ont posé leur candidature pour un poste en particulier.

[68] Le pouvoir discrétionnaire dans les processus de dotation doit être exercé conformément à la nature et à l’objet de la LEFP. Comme le juge Rand l’a écrit dans l’arrêt‑clé Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121, à la p. 140; [1959] A.C.S. No 1 (QL) :

(…) il n’y a rien de tel qu’une « discrétion » absolue et sans entraves, c’est‑à‑dire celle où l’administrateur pourrait agir pour n’importe quel motif ou pour toute raison qui se présenterait à son esprit; une loi ne peut, si elle ne l’exprime expressément, s’interpréter comme ayant voulu conférer un pouvoir arbitraire illimité pouvant être exercé dans n’importe quel but, si fantaisiste et étranger soit‑il, sans avoir égard à la nature ou au but de cette loi (…)

[69] Plus récemment, dans l’affaire Baker c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, à la p. 853; [1999] A.C.S. No 39 (QL), la Cour suprême du Canada a réaffirmé que l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans les décisions administratives « doit quand même rester dans les limites d’une interprétation raisonnable de la marge de manœuvre » envisagée par le législateur, ainsi qu’il est fait mention dans Roncarelli, supra. La Cour a également indiqué, à la p. 854, que les décisions discrétionnaires ne devraient faire l’objet d’un contrôle judiciaire que pour des motifs limités, suivant « les principes généraux de droit administratif régissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire, et de façon conciliable avec la Charte canadienne des droits et libertés ».

[70] Comme l’a soulevé la plaignante dans ses arguments, Jones et de Villars, supra, ont dégagé cinq catégories d’abus énoncés dans la jurisprudence. Comme le font remarquer ces savants auteurs à la page 171, ces mêmes principes généraux de droit administratif s’appliquent à toutes les formes de décisions discrétionnaires administratives. Les cinq catégories d’abus sont les suivantes :

1. Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime (incluant dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes).

2. Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve ou qu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents).

3. Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises).

4. Lorsque le délégué commet une erreur de droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

5. Lorsqu’un délégué refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d’examiner des cas individuels avec un esprit ouvert.

[71] Ce que ces cinq catégories d’abus ont toutes en commun est que le législateur n’aurait pu avoir l’intention de déléguer le pouvoir d’agir d’une façon si outrageuse, déraisonnable ou inacceptable : Jones et de Villars, supra, à la p. 169; Macauley et Sprague, supra, à la page no 5B.3(a). Comme l’a expliqué la Cour suprême dans l’arrêt Roncarelli, supra, à moins d’un libellé explicite dans la loi à l’effet contraire, on peut présumer que ce n’était pas l’intention du législateur que le délégué exerce un pouvoir discrétionnaire de cette façon.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[128] Les plaignants ont présenté des arguments minutieusement étudiés et bien préparés à l’égard de cet aspect du droit administratif. Il est important que la présente décision reconnaisse ces arguments et affirme que chaque allégation et l’ensemble de celles‑ci ont été soigneusement examinées en fonction de la jurisprudence bien établie que je viens de citer de Tibbs.

[129] Aucune des allégations ni l’ensemble des allégations ne sont considérées comme comportant des actes qui n’auraient pas pu être envisagés dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par le législateur (selon David Philip Jones et Anne S. de Villars dans Principles of Administrative Law, tel qu’il est indiqué dans Tibbs).

IV. Demande de modification des allégations

[130] Comme les parties en ont discuté en détail lors d’une vidéoconférence de gestion de cas (VGC) que j’ai présidée le 29 mars 2021, les plaignants ont déposé une formule 8, conformément au paragraphe 23(2) du Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006‑6; le « Règlement »), demandant que la Commission autorise une modification de ses allégations.

[131] L’article 23 indique ce qui suit :

Nouvelle allégation ou modification

a) la modification ou la nouvelle allégation résulte d’une information qui n’aurait pas pu être raisonnablement obtenue avant que le plaignant ne présente ses allégations initiales;

b) elle juge par ailleurs qu’elle doit le faire par souci d’équité.

[Je mets en évidence]

[132] Au cours de la VGC, le fait que les plaignants souhaitaient alléguer que Mme Patel avait une animosité personnelle envers eux a été abordé. Ils souhaitaient présenter des éléments de preuve selon lesquels elle leur avait fait des déclarations ainsi que d’autres commentaires à une troisième personne (nommée) et qu’elle cherchait des renseignements qui dévaloriseraient les plaignants. Ils insinuaient qu’elle voulait utiliser ces renseignements peu flatteurs contre eux.

[133] Le représentant de l’intimé a ensuite demandé aux plaignants de fournir des détails sur cette allégation, qui ont été fournis. J’ai ensuite engagé les parties dans une discussion sur l’allégation. J’ai demandé qui seraient les témoins qui en avaient personnellement connaissance, et nous avons discuté de la façon dont ils pourraient fournir leur témoignage s’ils étaient autorisés à modifier les allégations.

[134] J’ai informé les plaignants qu’ils avaient le droit de demander une telle approbation et qu’ils devaient le faire par écrit à l’aide du mécanisme fourni dans le site Web de la Commission.

[135] Le représentant de l’intimé a exprimé une préoccupation quant à la possibilité de s’opposer à une telle demande. J’ai informé l’intimé que sa réponse à une telle demande serait sollicitée et qu’il était maintenant informé de se préparer à présenter des éléments de preuve et à répondre à l’allégation si la demande était présentée et approuvée.

[136] Le 13 avril, des arguments écrits ont été déposés et des plaidoyers sur la question ont été de nouveau sollicités lors d’une deuxième VGC.

[137] Les plaignants ont demandé l’ajout de l’allégation selon laquelle leur gestionnaire, Mme Patel, était partiale à leur égard, ce qui a eu un effet préjudiciable sur leurs candidatures aux fins des nominations en litige et a entraîné un abus de pouvoir.

[138] La deuxième VGC a été tenue pour discuter des détails de cette nouvelle allégation proposée et pour recevoir des arguments oraux de toutes les parties à ce sujet.

[139] Les plaignants ont fait valoir qu’il était dans l’intérêt de l’équité et de la justice que la Commission accepte leur demande puisqu’ils ont dit que cette nouvelle allégation était un élément clé de leur dossier.

[140] Ils ont fait remarquer que l’intimé avait reçu un préavis d’environ 3,5 semaines avant l’audience pour préparer ses arguments en réponse à l’allégation de partialité, puisque cette dernière avait été divulguée et discutée en détail au cours de la première VGC.

[141] Le représentant de l’intimé a répondu que l’intimé s’était opposé à la demande au motif qu’il subirait un préjudice. Il a également soutenu que les plaignants connaissaient les faits sous‑jacents à la nouvelle allégation de partialité proposée au moment de la présentation de la plainte et qu’aucune explication n’avait été donnée quant à la raison pour laquelle elle n’avait pas été incluse dans les allégations à ce moment‑là.

[142] L’intimé n’a pas abordé la question de l’équité contenue dans la demande; il n’a pas non plus fourni de détails sur le préjudice qu’il subirait si la demande était accueillie.

[143] Grâce à la deuxième VGC, j’ai pu demander à ce moment-là au représentant de l’intimé de donner des détails concernant son allégation de préjudice découlant des nouvelles allégations.

[144] Elle a déclaré qu’étant donné qu’il ne restait plus qu’une semaine avant l’audience, il serait difficile pour l’avocat de l’intimé de se préparer à répondre à la nouvelle allégation. Elle a ajouté que l’avocat de l’intimé était également occupé à une autre audience, ce qui limiterait son temps de préparation pour cette affaire.

[145] L’intimé a invoqué la jurisprudence de la Commission dans son opposition à la demande, citant notamment Cyr c. Président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, 2007 TDFP 37, Desaulniers c. Sous‑ministre d’Environnement Canada, 2011 TDFP 18, et De Santis c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2016 CRTEFP 34.

[146] Desaulniers n’est pas pertinente aux faits dont je suis saisi, car il était question d’un plaignant qui approchait de la fin de son témoignage et cherchait à déposer une nouvelle allégation de violation des droits de la personne qui n’avait pas encore été signifiée comme il se doit à la Commission canadienne des droits de la personne.

[147] La décision Cyr est maintenant désuète, car elle a été fondée sur une version antérieure et sensiblement différente du Règlement, tel qu’il a été modifié en mai 2011, qui à l’époque n’incluait pas les critères d’« équité » comme il le fait maintenant.

[148] La décision De Santis a été rendue après la modification susmentionnée au Règlement, mais elle porte sur une demande présentée en vue d’ajouter une nouvelle allégation au cours de l’audience. Ce n’est pas le cas dans l’affaire dont je suis saisi.

[149] Le but de la convocation d’audiences de la Commission est d’examiner et de trancher les plaintes déposées en vertu de la Loi. Un aspect important de ce règlement des différends est que chaque partie a la satisfaction de présenter pleinement sa preuve.

[150] Dans les limites générales de l’équité, de façon à ne pas porter préjudice à une partie, une modification est une fonction essentielle qui donne aux plaignants la possibilité d’être pleinement entendus et, grâce à cette possibilité, d’obtenir une conclusion dans la présentation et l’audition de leurs plaintes.

[151] La question des parties qui se représentent elles‑mêmes constitue également un facteur essentiel dans l’examen d’une demande de modifier des allégations.

[152] Sous le titre « Favoriser l’égalité de la justice », le Conseil canadien de la magistrature (CCM) a ordonné dans son Énoncé de principes concernant les personnes non représentées par un avocat (2006) ce qui suit :

- Les juges, les tribunaux et les autres participants au système judiciaire ont la responsabilité de s’assurer que toutes les personnes, qu’elles soient représentées ou non, aient égalité d’accès au système judiciaire.

- Les juges et les administrateurs judiciaires devraient faire tout le possible pour s’assurer que le processus judiciaire soit équitable et impartial et que les personnes non représentées ne soient pas injustement défavorisées.

[153] Ce point de vue plus général souligné par le CCM est pris en compte dans le libellé obligatoire du paragraphe 23(1) qui énonce que j’« autorise » le plaignant à modifier une allégation si je juge que je dois le faire « par souci d’équité ».

[154] Le fait que l’intimé soit représenté par un avocat constitue également un élément essentiel de cette analyse. À l’exception du fait que cet avocat est occupé, ce qui constitue un aspect normal de la pratique du droit, l’intimé n’a indiqué aucun préjudice réel.

[155] Certaines nouvelles allégations pourraient bien mal placer un intimé, de sorte qu’il ne soit pas en mesure de répondre pleinement parce que les éléments de preuve liés à la nouvelle allégation ne sont pas disponibles ou qu’il lui faut du temps pour faire des recherches sur la question.

[156] Une telle circonstance peut être réglée par une suspension ou un report de la procédure.

[157] Les cas extrêmes qui font plus que présenter une simple crainte de préjudice et risquent de compromettre la capacité de l’intimé de tenir une audience équitable peuvent ne pas satisfaire au critère obligatoire d’équité à l’égard du plaignant.

[158] Pour ces motifs, la demande de modification et d’ajout aux allégations, dont les détails ont été fournis par écrit, a été approuvée avant l’audience. Il est dans l’intérêt de l’équité à l’audience de le faire.

[159] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)

V. Ordonnance

[160] J’ordonne le rejet des plaintes.

Le 19 mai 2021.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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