Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le 29 avril 2019, la plaignante a déposé une plainte contre son employeur en vertu de l’art. 133 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; le « Code ») – le défendeur a nié avoir contrevenu à l’art. 147 du Code – il a formulé deux objections préliminaires comme suit : 1) la plainte devrait être rejetée, car elle a été présentée en dehors des 90 jours prescrits par le Code; et 2) la plaignante n’a pas présenté une cause défendable – la plaignante a indiqué qu’elle n’avait pas reçu la réponse du défendeur au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs avant la première semaine de mars 2019 – selon elle, la date à laquelle le délai a commencé pour déposer une plainte était la date à laquelle le défendeur a communiqué son refus de traiter ses plaintes dans le cadre de la procédure de règlement des griefs – la preuve a démontré que la plaignante était au courant de l’acte ou des circonstances qui ont donné lieu à la plainte depuis février, avril et mai 2018 – la Commission a conclu que l’acte ou les circonstances mentionnés par la plaignante étaient survenus bien en dehors du délai de 90 jours; par conséquent, la plainte devrait être rejetée pour ce motif – étant donné que la Commission a conclu que la plainte était hors délai, elle a décidé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la deuxième objection du défendeur au sujet de l’établissement d’une cause défendable.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20210521

Dossier : 560‑02‑40329

 

Référence : 2021 CRTESPF 56

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et le

Code canadien du travail

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

ANGELA JOSHI

plaignante

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de l’Emploi et du Développement social)

 

défendeur

répertorié

Joshi c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social)

Affaire concernant une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail

Devant : Nancy Rosenberg, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle‑même

Pour le défendeur : Valerie Taitt, analyste

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés le 21 juin et le 28 novembre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Angela Joshi (la « plaignante ») a présenté une plainte contre son employeur, Emploi et Développement social Canada (EDSC ou le « défendeur »), en vertu de l’art. 133 du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L‑2; le « Code »).

[2] L’article 133 du Code prévoit que les employés peuvent présenter une plainte à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») au motif que leur employeur a pris, à leur endroit, des mesures de représailles pour avoir exercé leurs droits en vertu de la partie II du Code, qui leur confère le droit à un milieu de travail sécuritaire et sain. Une telle conduite constituerait une contravention de l’art. 147 du Code.

[3] Le défendeur nie avoir contrevenu à l’art. 147 du Code. Il a déposé une requête préliminaire visant à rejeter la plainte sans audience parce que 1) elle est hors délai et 2) la plaignante n’a pas établi une preuve prima facie.

[4] La plaignante n’a pas répondu initialement à la demande de la Commission de déposer sa réponse à la requête. Étant donné qu’elle se représente elle‑même, la Commission lui a donné une deuxième occasion de répondre, ce qu’elle a fait.

[5] Je conclus que la plainte doit être rejetée, car elle a été présentée bien en dehors du délai.

II. Respect des délais

A. Arguments du défendeur

[6] Le défendeur soutient que la plainte devrait être rejetée, car elle a été présentée en dehors des 90 jours prescrits par le par. 133(2) du Code. Le défendeur souligne que le par. 133(2) énonce qu’une plainte présentée en vertu de cet article « […] est adressée au Conseil dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance – de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu. »

[7] La Commission a reçu la plainte le 24 avril 2019; par conséquent, la période de 90 jours aurait commencé à compter du 24 janvier 2019. Le 3 avril 2018, la plaignante a quitté le lieu de travail en congé de maladie non payé pour une période indéterminée et est absente du lieu de travail depuis lors. Toutefois, même si elle n’était pas physiquement au travail, elle a continué de participer activement à des discussions avec le défendeur au sujet de plusieurs processus en cours, y compris son grief, une plainte de harcèlement et des discussions liées à son absence en congé de maladie.

[8] Le défendeur soutient que les renseignements limités contenus dans les allégations écrites de la plaignante rendent difficile l’identification des prétendues représailles ou mesures. Même si elle a présenté des annexes à son formulaire de plainte, le défendeur a dû deviner comment les circonstances décrites constituent des mesures de représailles de sa part qui ont donné lieu à la plainte.

[9] Le défendeur fait remarquer que seulement deux des documents annexés à la plainte se rapportent à des événements survenus dans le délai de 90 jours, soit la réponse au grief au troisième palier du 1er mars 2019, et le courriel sur les [traduction] « discussions bimensuelles » du 25 mars 2019 provenant du directeur régional d’EDSC au Québec. Selon la position du défendeur, aucun des documents n’indique des mesures prises contre la plaignante qui seraient liées à l’exercice de ses droits en vertu de la partie II du Code.

[10] La plaignante fait référence aux [traduction] « événements qui se sont déroulés au cours des 18 derniers mois ». Le formulaire de grief présenté à titre d’annexe à la plainte énumère les allégations. Toutefois, il est daté du 8 mai 2018. Par conséquent, si la présente plainte est fondée sur l’une de ces allégations, la plaignante avait connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de l’acte ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte à ce moment‑là.

[11] Le défendeur fait valoir qu’en l’absence d’allégations claires faisant référence à des mesures ou à des circonstances qui auraient pu survenir entre le 24 janvier 2019 et le 24 avril 2019, la plainte est hors délai.

B. Arguments de la plaignante

[12] La plaignante soutient qu’elle n’a pas reçu la réponse du défendeur au grief au dernier palier avant la première semaine de mars 2019. Elle a d’abord tenté de traiter les questions visées par la présente plainte au moyen d’un grief détaillé exposant plus de 30 allégations. Par conséquent, à son avis, la date à laquelle le délai a commencé pour présenter cette plainte est la date à laquelle le défendeur a communiqué un [traduction] « […] refus catégorique définitif » de traiter ses plaintes dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[13] Elle affirme qu’avant le 16 février 2018, le défendeur lui avait imposé des mesures administratives et avait menacé de prendre des mesures disciplinaires contre elle, sans aucun motif ni aucune justification, et en réponse à ses tentatives explicites de protéger sa santé et sa sécurité dans le lieu de travail, ainsi que celles des membres de sa famille, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du lieu de travail.

[14] Elle soutient en outre qu’après avoir présenté sa plainte en vertu de la partie II le 16 février 2018, le défendeur l’a punie davantage en avril 2018 en ajoutant d’autres infractions présumées à l’appui des menaces de mesures disciplinaires. Malgré sa plainte non résolue en suspens et l’absence de plaintes officielles contre elle, le défendeur a appliqué et encouragé un climat continu de silence, d’oppression et de harcèlement psychologique, tout en sachant directement et indirectement que ses mesures ont entraîné la victimisation continue de la plaignante en milieu de travail. En juin 2018, elle a reçu une deuxième lettre d’attente.

[15] La plaignante soutient que le défendeur ne l’a pas protégée et qu’il continue de comploter avec ses collègues et sa Direction générale des ressources humaines, l’empêchant surtout de prendre des mesures raisonnables pour protéger sa santé et sa sécurité physique et psychologique en milieu de travail. Elle soutient en outre que ces mesures ont contribué directement à la fabrication d’éléments de preuve à l’appui de fausses accusations criminelles et d’autres préjugés qui en ont découlé.

C. Analyse

[16] Comme il a été indiqué dans Babb c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 47, ma compétence pour entendre la présente plainte se limite à l’examen des circonstances ou des actes du défendeur qui auraient contrevenu à l’art. 147 du Code et qui ont eu lieu dans les 90 jours précédant le dépôt de sa plainte le 24 avril 2019 ou dont la plaignante a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance dans les 90 jours précédant le 24 avril 2019.

[17] L’article 133 du Code énonce ce qui suit :

133 (1) L’employé – ou la personne qu’il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

Délai relatif à la plainte

(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance – de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

[Je mets en évidence]

 

[18] Il ressort clairement des arguments de la plaignante qu’elle avait connaissance « […] de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu » bien avant le 24 avril 2019.

[19] Elle allègue que, même avant qu’elle ait présenté sa plainte en matière de santé et de sécurité le 16 février 2018, le défendeur avait déjà imposé des mesures administratives et menacé de prendre des mesures disciplinaires contre elle sans motif ni justification et en réponse à ses tentatives explicites de protéger sa santé et sa sécurité en milieu de travail, ainsi que celles des membres de sa famille, à l’intérieur et à l’extérieur du milieu de travail.

[20] Elle a fait remarquer en outre qu’en avril 2018, après avoir présenté sa plainte en vertu de la partie II le 16 février 2018, le défendeur l’a punie davantage en ajoutant encore plus d’infractions présumées à l’appui des menaces de mesures disciplinaires.

[21] De plus, la plaignante a déposé son grief le 8 mai 2018. Il est joint en annexe à sa plainte. Il semble que la présente plainte est fondée sur les mêmes circonstances que celles décrites dans son grief.

[22] Aucun de ces événements n’aurait eu lieu dans les 90 jours qui ont précédé la présentation de sa plainte le 24 avril 2019.

[23] Je suis d’accord avec le défendeur qu’aucun des documents annexés à la plainte qui font référence à des événements survenus dans le délai de 90 jours (la réponse au grief au troisième palier du 1er mars 2019 et le courriel du 25 mars 2019 sur les [traduction] « discussions bimensuelles » provenant du directeur régional du Québec) n’indique une mesure contre la plaignante qui est liée à l’exercice de ses droits en vertu de la partie II du Code.

[24] La plaignante a également fait valoir qu’elle avait d’abord tenté de régler ces questions dans le cadre de la procédure de règlement des griefs et que, par conséquent, le délai pour déposer la présente plainte n’a commencé que lorsque le défendeur a communiqué sa réponse au grief au troisième palier en mars 2019. Cet argument n’est pas fondé. Le paragraphe 133(2) est clair. Une plainte ne peut être déposée au‑delà d’un délai de 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu. Il n’indique pas qu’une plainte peut être présentée une fois qu’une tentative de contester le même acte ou les mêmes circonstances a été infructueuse.

[25] Par conséquent, l’acte ou les circonstances mentionnés par la plaignante sont bien en dehors du délai de 90 jours. Je conclus que la plainte est hors délai et qu’elle devrait être rejetée pour ce motif. Étant donné que j’ai rejeté la plainte en raison du fait qu’elle est hors délai, il n’est pas nécessaire de répondre à la deuxième objection du défendeur concernant l’établissement d’une cause défendable.

[26] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


 

III. Ordonnance

[27] La requête du défendeur est accueillie et la plainte est rejetée.

Le 21 mai 2021.

Traduction de la CRTESPF

Nancy Rosenberg,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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