Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de l’administrateur général d’invoquer l‘article 62 de la LEFP pour le renvoyer en cours de stage – l’administrateur général a opposé que l’article 211 de la LRTFP ne permet pas à la Commission d’entendre le grief – la Commission a appliqué l’approche développée dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, et elle a conclu que l’administrateur général avait établi que le fonctionnaire s’estimant lésé était assujetti à une période de stage, que son licenciement avait eu lieu pendant cette période et qu’une indemnité tenant lieu du préavis prévu par la LEFP lui avait été versée – par la suite, la Commission a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi que son licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l’égard de ses aptitudes à s’acquitter des fonctions de son poste – la Commission a donc conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi que son licenciement reposait sur une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage, ce qui aurait donné compétence à la Commission pour entendre le grief.


Objection accueillie.
Grief rejeté.

Contenu de la décision

 

Date: 20210601

Dossier: 566-02-5957

 

Référence: 2021 CRTESPF 59

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

Marc-André Rouet

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL

(Ministère de la Justice)

 

défendeur

Répertorié

Rouet c. Administrateur général (ministère de la Justice)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Steven B. Katkin, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Jean-François Rousseau, avocat

Pour le défendeur : Marc Séguin, avocat

 

Affaire entendue à Montréal (Québec),

du 13 au 16 décembre 2016 et les 24 et 25 mai 2017.

(Arguments écrits déposés les 4 et 28 juillet, et le 9 août 2017.)


MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Cette décision traite de la question à savoir si la décision de l’administrateur général du ministère de la Justice (le « ministère ») de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé, Me Marc‑André Rouet (le « fonctionnaire »), pendant la période de son stage reposait sur une invocation factice de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), un subterfuge ou un camouflage. En d’autres mots, est-il établi que le licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi par le ministère à l’égard des aptitudes du fonctionnaire à s’acquitter des fonctions de son poste? Si c’est le cas, la Commission a compétence pour entendre le grief portant sur le licenciement du fonctionnaire.

[2] Le 31 mars 2011, le ministère a informé le fonctionnaire qu’il le renvoyait en cours de stage. La lettre de renvoi en cours de stage (la « lettre de renvoi ») se lit comme suit :

[…]

La présente fait suite à l’évaluation de votre rendement au travail depuis que vous avez joint le Ministère de la justice du Canada. Nous avons déterminé que vous n’avez pas atteint le niveau de rendement attendu pour le poste que vous occupez dans notre organisation.

Vous avez été informé des objectifs reliés à votre poste ainsi que des attentes à votre endroit tout au long des derniers mois au sein de la direction des affaires fiscales. Me Nathalie Lessard, votre supérieur immédiat, vous a régulièrement fourni de la rétroaction et vous a régulièrement indiqué ce que vous deviez améliorer dans le cadre de votre travail notamment, les attentes relativement à la rédaction de vos documents juridiques et communications écrites en général, les attentes quant à vos prestations à la Cour et les attentes au niveau des relations interpersonnelles. Malgré les nombreuses rencontres, les principales ayant eu lieu le 16 juillet 2010 et le 2 novembre 2010, et le suivi constant dont vous avez pu bénéficier, il n’y a pas eu d’amélioration suffisante au niveau attendu par la gestion et vous n’avez pas atteint le degré d’autonomie attendu pour le poste occupé.

Tel qu’indiqué dans votre lettre d’offre datée du 30 mars 2010, vous avez été avisé que conformément aux termes de l’article 62(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) vous seriez assujetti à une période de stage d’un an de la date de votre nomination initiale, soit à compter du 12 avril 2010.

Considérant ce qui précède, nous avons décidé de mettre fin à votre emploi aux termes de l’article 62 de la LEFP, le tout conformément aux pouvoirs qui nous sont conférés aux termes de l’article 24 de cette même Loi. Votre emploi d’avocat de niveau LA-01 au [Bureau régional du Québec du ministère de la Justice] prendra donc fin en date d’aujourd’hui à la fermeture des bureaux à 17h00. Vous serez payé jusqu’au 30 avril en lieu de préavis, conformément à l’article 6 de l’Annexe du Règlement fixant la période de stage et le délai de préavis en cas de renvoi au cours de la période de stage.

[…]

Enfin, conformément à l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et aux dispositions de votre convention collective, vous pouvez déposer un grief à l’encontre de la présente décision et ce, dans les 25 jours suivant la réception de celle-ci.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[3] Le 6 mai 2011, le fonctionnaire a présenté un grief, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2), à l’encontre de son licenciement. Il y prétend que son licenciement ne respecte pas les Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage qui ont été adoptées par le Conseil du Trésor (les « Lignes directrices »), son employeur. Plus particulièrement, il prétend que la lettre de renvoi est trop vague pour lui permettre de connaître précisément le motif pour lequel le ministère a conclu qu’il n’avait « […] pas atteint le degré d’autonomie attendu pour le poste occupé ». Dans son grief, le fonctionnaire affirme en effet que, n’eût été des commentaires que Nathalie Lessard, sa superviseure immédiate à la Direction des affaires fiscales du Bureau régional du Québec du ministère de la Justice, lui a exprimés lorsqu’elle lui a remis la lettre de renvoi le 31 mars 2011, il n’aurait jamais su que ce sont les représentations qu’il avait faites devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 qui ont vraiment amené le ministère à décider de son licenciement. À cet égard, le fonctionnaire prétend que les représentations en question lui avaient été suggérées par une collègue expérimentée, que ces représentations étaient bien fondées et qu’elles protégeaient au mieux les intérêts de l’Agence du revenu du Canada (l’« Agence »), la partie qu’il représentait devant la Cour canadienne de l’impôt. Le fonctionnaire allègue que son licenciement est donc arbitraire et empreint de mauvaise foi. Enfin, le fonctionnaire prétend que le ministère ne l’avait pas informé à l’avance de ses attentes à l’égard des représentations en question, que ces attentes contreviennent aux obligations professionnelles que lui impose le Code de déontologie des avocats du Québec (R.R.Q., c. B‑1, r. 3) et qu’elles s’immiscent indûment dans la relation qui existe entre un avocat et son client.

[4] Le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage le 30 septembre 2011.

[5] Le 4 janvier 2012, le ministère a informé la Commission de relations de travail dans la fonction publique qu’il entendait soulever une objection fondée sur la compétence pour entendre le grief dans le cadre d’un renvoi à l’arbitrage.

[6] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

[7] L’audience dans le présent cas s’est déroulée sur six jours, entre le 13 décembre 2016 et le 25 mai 2017 inclusivement. À l’audience, le ministère s’est opposé à ma compétence pour trancher le grief. En tout état de cause, l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique prévoyait que l’article 209 n’a :

[…] pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

[…]

[8] Lors du licenciement du fonctionnaire, et depuis lors, l’article 62 de la LEFP a toujours prévu ce qui suit :

(1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

[9] Le ministère de la Justice est l’un des secteurs de l’administration publique fédérale figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F‑11).

[10] J’ai pris l’objection du ministère sous réserve.

[11] À la clôture de la preuve, les parties ont convenu de présenter leur argumentation par écrit.

[12] Dans l’éventualité où je concluais que le licenciement du fonctionnaire ne constitue pas un renvoi en cours de stage aux termes de l’article 62 de la LEFP et que j’ai compétence pour trancher le grief, les parties m’ont demandé de demeurer saisi de cette affaire pour leur permettre de s’entendre sur des mesures correctives.

[13] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans le fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF).

[14] L’analyse juridique applicable dans le présent cas a été clarifiée au paragraphe 111 de Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134, qui se lit comme suit :

[111] Selon moi, le changement entre l’ancienne LEFP et la nouvelle LEFP, considéré dans le contexte de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada sur l’approche adéquate à adopter en matière d’emploi dans le secteur public, ne modifie pas considérablement la substance de l’approche que les arbitres de grief devraient prendre à l’égard des griefs sur le renvoi d’un employé en cours de stage. Toutefois, l’omission des mots « pour un motif déterminé » dans l’article 62 de la nouvelle LEFP modifie les exigences du fardeau de la preuve. Le fardeau de la preuve qui incombe à l’administrateur général a été allégé. L’administrateur général n’a maintenant qu’à établir que l’employé était en stage, que la période de stage était encore en vigueur au moment du licenciement et qu’un préavis ou une indemnité en guise de préavis a été donné. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver « un motif déterminé » pour le renvoi en cours de stage. En d’autres termes, l’administrateur général n’a pas à établir, selon la prépondérance des probabilités, un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement. Toutefois, les Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor exigent que la lettre de licenciement d’un employé en stage énonce le motif de la décision de licenciement. L’administrateur général demeure tenu de produire la lettre de licenciement comme pièce (généralement par l’intermédiaire d’un témoin) pour prouver qu’il a rencontré les exigences législatives du préavis et du statut de stagiaire. Cette lettre énonce habituellement le motif de la décision de licencier l’employé qui est en cours de stage. Le fardeau de la preuve devient alors celui du fonctionnaire. Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve. Outre ce changement au niveau du fardeau de la preuve, la jurisprudence rendue sous l’ancienne LEFP demeure pertinente pour déterminer la compétence sur les griefs à l’encontre du licenciement d’un employé en stage.

[Je mets en évidence]

[15] Depuis lors, les arbitres de grief dans le secteur public fédéral et la Commission ont constamment appliqué cette analyse pour trancher les griefs portant sur un licenciement pendant une période de stage.

II. Résumé de la preuve

[16] Les parties se sont entendues pour que le fonctionnaire procède en premier.

[17] Le fonctionnaire a témoigné pour lui-même et a présenté Solange Marion, ancienne directrice aux Opérations en ressources humaines et Services aux clients au sein du ministère de la Justice, comme témoin en contre-preuve.

[18] Le ministère a présenté Me Lessard et Vlad Zolia, le mentor du fonctionnaire comme témoins.

[19] Le fonctionnaire occupait un poste d’avocat de groupe et niveau LA‑01 au ministère de la Justice depuis le 12 avril 2010. Il travaillait au Bureau régional du Québec du ministère de la Justice, où il faisait partie d’une équipe dirigée par Me Lessard au sein de la Direction des affaires fiscales. Ses fonctions consistaient essentiellement à représenter l’Agence dans des litiges devant la Cour canadienne de l’impôt. Le fonctionnaire était assujetti à une période de stage de 12 mois, se terminant le 11 avril 2011.

[20] Les parties ont soulignés certains évènements qui seront traités plus en détail dans cette décision, mais qui sont résumés dans les paragraphes suivants.

[21] Le 14 juin 2010, Me Lessard a discuté avec le fonctionnaire des objectifs de travail de ce dernier; les seuls objectifs personnalisés visent l’acquisition de connaissance des règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt et des règles de preuve en matière civile et le développement des habilités de plaidoirie (preuve et argumentation) afin de pouvoir conduire des dossiers de litige de complexité faible ou moyenne de façon autonome.

[22] Le 28 juin 2010, Marie-Claude Landry, une collègue du fonctionnaire, a accompagné celui-ci à la Cour canadienne de l’impôt et a rapporté à Me Lessard le manque de préparation du fonctionnaire.

[23] Le 16 juillet 2010, un plan d’intervention a été instauré jusqu’au 16 octobre 2010. Me Zolia était le mentor du fonctionnaire. Le plan visait à aider le fonctionnaire à développer ses aptitudes au titre de la comptabilisation du temps travaillé, du suivi des échéances, du respect des personnes-ressources et de la coopération avec celles-ci, de la souplesse d’adaptation, du respect des conseils reçus à l’égard des règles de bienséance judiciaire, et de la clarté et de l’efficacité des communications.

[24] Me Zolia est demeuré le mentor du fonctionnaire jusqu’au début décembre 2010.

[25] Lors d’une rencontre avec le fonctionnaire le 20 décembre 2010 portant sur l’évaluation de ses six premiers mois de travail, Me Lessard a reconnu que le fonctionnaire avait développé ses aptitudes au titre de tous les sujets identifiés dans le plan d’intervention (comptabilisation du temps travaillé, suivi des échéances, respect des personnes-ressources et coopération avec celles-ci, souplesse d’adaptation, respect des conseils reçus à l’égard des règles de bienséance judiciaire, et clarté et efficacité des communications). Me Lessard estimait cependant que le fonctionnaire devait continuer à développer ses aptitudes de plaidoirie. Me Lessard a énoncé les lacunes de trois avis juridiques et de réponses à des avis d’appel rédigées par le fonctionnaire. Me Lessard a noté le besoin que le fonctionnaire développe ses aptitudes au titre des communications écrites, des techniques de plaidoirie, de l’appréciation des faits d’une cause, de formulation de conclusions nuancées, et qu’il continue de développer ses aptitudes au titre de la clarté et de l’efficacité des communications. Me Lessard a évalué que le rendement du fonctionnaire pour la période du 1er avril au 30 septembre 2010 ne correspondait pas aux exigences de son poste.

[26] Le fonctionnaire a témoigné à propos de ses réponses à trois sujets contenus dans le rapport de rendement dans la partie que l’employé devait remplir en cochant les cases « oui » ou « non ». En répondant, il a indiqué que la qualité de son travail n’a pas fait l’objet d’une rétroaction régulière tout au long de la période d’évaluation; que Me Lessard ne l’a pas évalué en fonction des objectifs de travail fixés à l’avance; que Me Lessard n’a pas discuté avec lui d’un plan d’apprentissage individuel fondé sur ses besoins et aspirations.

[27] Dans la partie du rapport à être remplie par le supérieur, Me Lessard a coché « non » à certains points. Elle a indiqué qu’elle n’a pas informé régulièrement le fonctionnaire de son rendement au cours de la période en question. Par contre, elle a ajouté de façon manuscrite que le fonctionnaire « a aussi reçu rétroaction de la personne ressource désignée ». Me Lessard n’a pas indiqué dans les registres de l’employeur la formation convenue à l’égard du fonctionnaire et les frais qu’elle entraîne. Cependant, Me Lessard a rempli la partie du rapport intitulée « formation et perfectionnement ». Elle a indiqué qu’elle n’avait pas évalué le fonctionnaire en fonction des objectifs de travail fixés et, le cas échéant, elle n’a pas tenu compte des commentaires de gens qui ont reçu des services du fonctionnaire. La preuve montre toutefois que Me Lessard a discuté des objectifs avec le fonctionnaire le 14 juin 2010. De plus, dans la section intitulée « autres réalisations » du narratif du rapport de rendement, Me Lessard a indiqué qu’elle avait reçu trois commentaires positifs au sujet du fonctionnaire. Me Lessard a indiqué qu’elle n’avait pas joint au rapport une évaluation du rendement du fonctionnaire; par contre, le narratif est joint au rapport. Finalement, Me Lessard a indiqué qu’elle n’avait pas discuté du plan d’apprentissage individuel avec le fonctionnaire. La preuve démontre toutefois que Me Lessard a discuté du plan d’apprentissage avec le fonctionnaire en mai 2010, et que le plan a été approuvé le 21 mai 2010.

[28] Aucune explication n’a été fournie par les parties en ce qui a trait à la contradiction évidente entre les sujets que Me Lessard a indiqué ne pas avoir discutés avec le fonctionnaire, en cochant « non » dans le rapport de rendement, mais que, selon la preuve, elle avait effectivement discutés avec lui.

[29] Le 22 février 2011, le fonctionnaire a suivi une formation sur la rédaction d’opinion juridique.

[30] Entre le 21 et le 25 mars 2011, Valérie Tardif, la directrice de la Direction des affaires fiscales, et Me Lessard ont décidé du renvoi en cours de stage, après consultation avec d’autres gestionnaires.

[31] Le 31 mars 2011, Me Tardif a remis la lettre de renvoi au fonctionnaire, en présence de Me Lessard. Bien que Me Tardif mentionne dans cette lettre les insatisfactions du ministère à l’égard des aptitudes du fonctionnaire au titre de la rédaction de documents juridiques et de communications, de la représentation de l’Agence devant la Cour canadienne de l’impôt et des relations interpersonnelles, Me Lessard a mentionné au fonctionnaire que les représentations qu’il avait faites à la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 faisaient en sorte qu’elle ne pouvait le laisser représenter l’Agence devant cette cour.

A. Pour le fonctionnaire

[32] Le fonctionnaire a eu une entrevue à Ottawa au cours de l’été 2009 et, vers janvier ou février, il a été contacté par Me Lessard pour une discussion informelle. Elle lui a dit qu’elle cherchait à doter un poste pour un avocat junior pour faire du litige devant la Cour canadienne de l’impôt. Le fonctionnaire lui a dit qu’il sortait de l’école et n’avait pas d’expérience professionnelle en droit. Il avait été formé en génie électrique et avait travaillé dans ce domaine pendant 10 ans. Il détenait aussi une maîtrise en fiscalité.

[33] L’équipe de Me Lessard, dont le fonctionnaire, s’occupait de la cotisation, soit de défendre le bien-fondé de décisions de l’Agence devant la Cour canadienne de l’impôt. Une autre équipe à la Direction des affaires fiscales s’occupait de la perception, soit la perception de créances que l’Agence croyait en péril.

[34] L’équipe de cotisations était divisée en deux groupes, soit celui dirigé par Me Lessard et celui dirigé par Johanne M. Boudreau, surnommée ‘Johanne Boudreau (fiscal)’ « Me Boudreau (fiscal) » pour la distinguer d’une autre Johanne Boudreau, surnommée ‘Johanne Boudreau (civil)’ « Me Boudreau (civil) ». Me Boudreau (civil) était la directrice régionale adjointe pour la région du Québec et la supérieure de Mes Lessard et Boudreau (fiscal). Me Boudreau (fiscal) a signé la lettre d’embauche du fonctionnaire.

[35] Concernant les circonstances de son licenciement, le fonctionnaire a été convoqué le 31 mars 2011 à une réunion avec Mes Tardif et Lessard. Lorsque Me Tardif lui a remis la lettre de renvoi et lui a dit qu’il était renvoyé parce qu’il ne faisait pas l’affaire, il était sous le choc. Me Lessard lui a décrit le protocole de départ le jour-même. Le fonctionnaire n’a pas eu le temps de prendre connaissance de la lettre et il continuait de la lire en sortant de la salle. Il n’y voyait pas d’élément factuel et il a demandé de retourner dans la salle. Il a dit à Mes Tardif et Lessard que la lettre ne contenait aucun fait et il leur a demandé si elles allaient lui communiquer les faits ou s’il s’agissait seulement de ce qui était dans la lettre. Me Tardif a répondu que tout était dans la lettre. Le fonctionnaire a alors demandé quels faits avaient été considérés en s’adressant directement à Me Lessard. Elle l’a renvoyé à la lettre, mais il a insisté pour avoir les faits. Me Lessard a haussé le ton, mais le fonctionnaire est demeuré calme en posant ses questions. Me Lessard lui a alors dit de considérer qu’il ne faisait pas l’affaire parce qu’elle l’avait observé à la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 et qu’il n’avait pas demandé une « audition sur preuve commune » à l’égard de deux dossiers connexes. Elle lui a dit qu’il aurait dû le savoir car il faisait partie de l’équipe depuis longtemps. Selon le fonctionnaire, il s’agissait du seul élément factuel pour son licenciement.

[36] Le fonctionnaire a expliqué que l’audience en question concernaient deux dossiers connexes liés à des dépenses que deux contribuables copropriétaires d’un immeuble avaient engagées. Les contribuables prétendaient qu’il s’agissait de dépenses courantes alors que l’Agence prétendait que c’étaient des dépenses de capital. Le fonctionnaire a dit qu’il s’agissait des premiers dossiers connexes qu’il plaidait; son expérience antérieure avec de tels dossiers n’était qu’avec les étapes préliminaires à la plaidoirie. Personne ne lui avait parlé de preuve commune, et cela n’avait fait l’objet d’aucune de ses formations.

[37] Le fonctionnaire a dit que l’essentiel de la formation se faisait par transmission de savoir d’un avocat à un autre. La direction s’attend à ce que les avocats juniors parlent aux avocats d’expérience et que ceux-ci partagent leur savoir et délèguent certaines choses à faire dans un dossier. On lui a fait savoir cela dès son entrée lors de réunions d’équipe fréquentes. Les réunions d’équipe hebdomadaires alternaient entre celle de Me Lessard et celle de Me Boudreau (fiscal). La réunion suivante était pour les deux équipes.

[38] Le fonctionnaire a dit qu’il avait déjà vu l’expression « audition sur preuve commune » en lisant la jurisprudence, mais il ne savait pas en quoi cela constituait. Au cours de l’été 2010, il a été accompagné à la Cour canadienne de l’impôt par un avocat qui lui a rappelé qu’une partie à l’instance a le droit d’être dans la salle d’audience pendant toute l’audience. Il ne savait pas si les deux copropriétaires pouvaient rester dans la salle et s’entendre mutuellement témoigner, et il voulait essayer de les isoler.

[39] Le fonctionnaire a consulté une avocate d’expérience dans son équipe (Sophie-Lynne Lefebvre) qui lui a suggéré de demander à la Cour canadienne de l’impôt qu’un dossier soit entendu et, qu’une fois décidé, la preuve du premier dossier soit versée dans le deuxième dossier. Elle lui a expliqué que les deux contribuables ne pouvaient pas invoquer simultanément le statut de partie à l’instance. Pendant que le premier dossier procédait, l’autre contribuable pouvait demeurer à l’extérieur.

[40] Le fonctionnaire a dit que, quand il a expliqué au juge le moyen qu’il allait prendre pour exclure un des contribuables, soit d’entendre un dossier et verser la preuve dans l’autre dossier, le juge a dit : « oui, audition sur preuve commune ». La Cour canadienne de l’impôt a ordonné l’exclusion des témoins et un des contribuables a quitté la salle. Le jugement indique que l’affaire a été entendue sur preuve commune alors que le fonctionnaire ne l’avait pas demandé.

[41] En ce qui a trait à la rétroaction de Me Lessard, qui avait assisté à l’audience, elle a fait venir le fonctionnaire dans son bureau le jour-même ou le lendemain. Elle a commencé en lui disant que le témoin de l’Agence avait bien témoigné et que les faits semblaient frais dans sa mémoire. Lorsqu’il a répondu qu’il l’avait rencontré la veille (le dimanche), Me Lessard n’était pas contente et elle lui a dit qu’on ne faisait pas cela. Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait communiqué avec le témoin la semaine précédente, et il lui avait proposé de le rencontrer le vendredi. Le témoin lui a fait part que les règles de l’Agence ne lui permettaient pas de rester à l’hôtel toute la fin de semaine. Le témoin lui a dit qu’il avait le droit de passer une nuit à l’hôtel et d’être disponible pour l’audience le lundi. C’est le témoin qui a alors proposé qu’ils se rencontrent le dimanche, ce que le fonctionnaire a accepté. Selon le fonctionnaire, Me Lessard paraissait encore mécontente après son explication.

[42] Ensuite Me Lessard lui a fait une remarque concernant l’ordre dans lequel il avait abordé certains sujets, pour lequel il avait été conseillé par Me Lefebvre. Il n’a pas répondu, parce que, selon lui, la réaction physique de Me Lessard l’en a empêché. Ensuite, Me Lessard lui a reproché de ne pas avoir demandé une audition sur preuve commune. Le fonctionnaire ne lui a pas parlé des conseils de Me Lefebvre, en raison de sa réaction au sujet de la préparation du témoin.

[43] Selon le fonctionnaire, à plusieurs reprises, Me Lessard avait commencé des conversations en lui faisant des reproches sans poser de question. Après qu’il fournissait une réponse, elle était encore plus fâchée. Il a fait référence à un événement en particulier dans des dossiers connexes concernant une entreprise de pêche.

[44] Dans ces dossiers, l’Agence reprochait à l’entreprise de ne pas avoir déclaré certains revenus et menait le dossier selon la méthode d’avoir net. Le rôle du fonctionnaire était de préparer une réponse à l’avis d’appel, soit de traduire le travail fait par le vérificateur en forme juridique. Dans un des paragraphes de la réponse à l’avis d’appel, le fonctionnaire avait rédigé la phrase suivante : « […] ces surplus d’actifs proviennent possiblement des activités de la société […] ». Après la transmission de la réponse à l’avis d’appel le 29 novembre 2010, Me Lessard lui a reproché d’avoir utilisé le mot « possiblement » et elle lui a dit que cela était une rétroaction sur son travail.

[45] Le fonctionnaire a dit qu’il avait préparé la réponse à l’avis d’appel sous la direction de Me Zolia. L’ébauche précédente du fonctionnaire ne contenait pas le mot « possiblement », qui était donc une prise de position ferme. Me Zolia lui a d’abord dit qu’il avait le choix de garder ce qu’il avait écrit ou de faire la nuance avec « possiblement ». Par la suite, Me Zolia lui a dit qu’après réflexion, il valait mieux de faire la nuance avec « possiblement ». Il s’est basé sur son expérience dans un litige de dossiers connexes dans lequel il avait pris une position ferme et avait perdu devant la Cour canadienne de l’impôt parce que le contribuable avait une explication que l’Agence n’avait pas eue. Me Zolia lui a dit qu’il n’est pas nécessaire de prendre une position ferme et que cela peut même être dangereux. Le fonctionnaire a pu trouver le jugement auquel Me Zolia faisait référence.

[46] Quand Me Lessard a regardé l’acte de procédure, elle lui a dit que « possiblement » n’avait pas sa place dans une réponse à l’avis d’appel; il faut prendre une position ferme. Le fonctionnaire lui a fourni l’explication que Me Zolia lui avait donnée et elle a réagi de manière très hostile. Me Lessard n’a pas appelé Me Zolia et le fonctionnaire ne lui a pas demandé de l’appeler. Le fonctionnaire n’a pas réentendu parler du sujet.

[47] Le fonctionnaire a dit qu’à la fin juin 2010, Me Lessard lui avait reproché d’avoir fait du magasinage d’opinion. Il s’agissait d’un dossier dans lequel le contribuable s’était présenté à la Cour canadienne de l’impôt pour demander d’être relevé du défaut de respecter un délai pour contester une cotisation. Le fonctionnaire avait un document à déposer et il a identifié une disposition législative qui, selon lui, permettait de produire le document sans témoin. Me Landry, une collègue, l’a accompagné à la Cour canadienne de l’impôt. Comme le juge avait, à l’égard du document, des questions auxquelles seulement une personne de l’Agence pouvait répondre, l’audience a été suspendue.

[48] De retour au bureau, Me Landry lui a dit de toujours produire des documents avec témoin. Le fonctionnaire lui a expliqué comment il avait fait sa préparation selon la disposition législative en question, et il lui a demandé à quoi servait cette disposition législative. Elle ne le savait pas, mais il ne pouvait pas s’en servir pour produire lui-même des documents en preuve. Me Lessard s’est jointe à la discussion et elle lui a dit qu’il fallait produire les documents avec témoin. Elle n’a pas répondu à sa question à savoir quel était le rôle de la disposition législative en question.

[49] Après l’audience, il a discuté d’une question de comptabilité avec une collègue, Marielle Thériault, qui était comptable et avocate. Il a soulevé le rôle de la disposition législative en question, et Me Thériault lui a dit qu’elle ne le savait pas. Peu de temps après, le fonctionnaire a croisé Me Lessard qui lui a dit qu’il avait fait du magasinage d’opinion pour parler à Me Thériault. Elle lui a dit que cela semait de la discorde dans le département et de ne pas chercher à contredire un avocat en demandant à un autre avocat. Il a dit qu’il ne cherchait qu’à connaître la fonction de la disposition législative; Me Lessard n’a pas répondu. Le fonctionnaire n’a jamais eu d’explication concernant la disposition législative. Il n’en a pas parlé à Me Zolia pour qu’il ne soit pas accusé encore de magasinage d’opinion. Dans une formation qu’il a reçue après l’audience sur l’administration et procédure et certains moyens de preuve en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.); LIR), la disposition législative n’a pas été traitée.

[50] Le fonctionnaire a dit que, vers le début de son stage en 2010, il avait été affecté à travailler sur deux dossiers de procédure générale avec Mélanie Bélec et il avait échangé un courriel avec elle. Me Lessard a dit au fonctionnaire qu’elle avait parlé avec Me Bélec et qu’elle avait senti que son courriel l’avait brusquée. Me Lessard l’a invité à faire attention avec ses communications par courriel et elle lui a suggéré d’en parler avec Me Bélec.

[51] Le fonctionnaire a parlé avec Me Bélec concernant le dossier et il lui a demandé si son courriel l’avait brusquée et, si oui, qu’est-ce qu’il pouvait faire pour que cela ne se reproduise pas. Me Bélec lui a répondu qu’elle ne s’était pas sentie brusquée et qu’elle était surprise de l’effort d’analyse qu’il avait fait si tôt dans le processus alors qu’il n’était pas certain que le dossier aille à audience. Elle lui a dit qu’elle faisait ce genre d’analyse beaucoup plus tard. Le fonctionnaire n’en a pas parlé à Me Lessard, mais il trouvait son comportement étrange. Me Zolia lui a dit qu’il y avait deux méthodes: ceux qui font l’analyse plus tôt et ceux qui la font plus tard. Chaque méthode a ses inconvénients et ses avantages.

[52] Le fonctionnaire a alors parlé d’un autre incident avec Me Lessard. Vers mai-juin 2010, la Cour canadienne de l’impôt a rendu une décision défavorable à l’Agence, qui a décidé d’en appeler. Janie Payette, chargée de préparer le mémoire d’appel avec une autre avocate, a demandé au fonctionnaire une recherche sur une question très précise. Le fonctionnaire n’avait aucun résultat pour répondre à la question. Il a alors proposé à Me Payette de mettre de côté la recherche qu’elle lui avait demandée et qu’il ferait une analyse du jugement de première instance, ce qu’elle a accepté. Après qu’il lui eût remis son analyse, Me Payette lui a dit qu’il avait trouvé une partie à laquelle elle n’avait pas pensé et qu’elle s’en était servie pour le mémoire d’appel. Elle a dit qu’elle avait fait la recherche qu’elle lui avait demandée initialement et qu’elle n’avait rien trouvé.

[53] Quelques semaines plus tard, Me Lessard a demandé au fonctionnaire s’il était vrai que, dans ce dossier, il avait remis à Me Payette autre chose que ce qu’elle lui avait demandé. Le fonctionnaire a répondu que oui, il avait livré une analyse plutôt que la recherche. Me Lessard lui a dit d’un ton réprobateur qu’il devait se contenter de faire ce qu’on lui demandait. Le fonctionnaire a répondu ce qui s’était passé et que Me Payette avait accepté qu’il fasse son analyse. Me Lessard a alors mis fin à la discussion.

[54] En mars 2011, Me Payette a informé le fonctionnaire que l’Agence avait gagné en appel et elle lui a dit que, dans ses motifs, la Cour d’appel fédérale avait retenu la partie de l’argument qu’elle avait prise dans l’analyse qu’il avait préparée. À la réunion suivante, soit le 31 mars 2011, Me Payette en a fait part à tout le monde.

[55] Concernant ses interactions avec Me Lessard, le fonctionnaire a dit que lorsqu’elle lui donnait une rétroaction, elle commençait avec un reproche. Quand il expliquait les circonstances, il notait qu’elle était de mauvaise humeur; alors il ne servait à rien de forcer la discussion. En 2010 (et ne précisant pas la date), le fonctionnaire a dit qu’il est allé dans le bureau de Me Lessard et lui a expliqué la dynamique de leurs discussions. Elle a répondu que, quand elle lui donne de la rétroaction, tout ce qu’elle veut entendre c’est qu’il se corrigera et ne veut pas l’entendre expliquer pourquoi il pense avoir raison d’agir comme il l’a fait. Le fonctionnaire a dit que ce qu’il comprenait était que Me Lessard ne voyait pas la différence entre expliquer ce qui est arrivé et prétendre avoir raison. Selon le fonctionnaire, quand il fournissait une explication, Me Lessard considérait cela comme de l’insubordination, de la prétention ou de l’arrogance.

[56] Le fonctionnaire a fait référence à un autre dossier sur lequel il a travaillé. Il a préparé un projet de réponse à un avis d’appel et, le jour en question, Me Lessard était absente et Me Zolia n’était pas disponible. Me Lessard avait demandé qu’en son absence, le fonctionnaire s’adresse à Bruno Levasseur, qui dirige l’équipe de perception. Le fonctionnaire lui a soumis le projet pour vérification et approbation. Me Levasseur a remarqué l’utilisation de tableaux, et il a dit qu’il n’avait jamais vu de tableaux utilisés de cette façon dans une réponse à un avis d’appel. Le fonctionnaire lui a répondu qu’il avait fait des réponses à des avis d’appel sous la direction de Me Zolia, et que Me Zolia lui avait fait utiliser des tableaux.

[57] Me Zolia avait expliqué au fonctionnaire qu’en rédigeant de tels documents, l’objectif était d’être limpide pour que le juge puisse comprendre en regardant l’acte de procédure sans regarder certaines pièces particulières, nommées « Option C ». Le 28 octobre 2010, le fonctionnaire a suivi une formation sur la rédaction d’acte de procédure, incluant l’Option C, soit après la rédaction de la réponse à l’avis d’appel en question.

[58] Le fonctionnaire a expliqué à Me Levasseur qu’il voulait simplifier l’historique des cotisations en utilisant des tableaux et ce dernier a trouvé que c’était une très bonne idée.

[59] Le fonctionnaire a reçu la rétroaction de Me Lessard après qu’il ait répondu à l’avis d’appel le 26 janvier 2011. Elle lui a dit qu’il ne fallait pas utiliser de tableau. Le fonctionnaire lui a expliqué que c’était pour faciliter la compréhension de l’Option C, et que Me Zolia lui avait enseigné qu’avec l’utilisation de tableaux, il y aurait peut-être moins de débat à la Cour canadienne de l’impôt et, s’il y avait débat, cela serait facilité s’il y avait des tableaux. Me Lessard a dit au fonctionnaire qu’il ne devait pas tenter d’éviter les débats et que, s’il y avait un débat sur une Option C, il devait la faire expliquer par un témoin.

[60] Le fonctionnaire a ensuite abordé une autre interaction avec Me Lessard concernant un dossier qui avait été discuté lors d’une rencontre qu’il avait eue avec elle le 20 décembre 2010 et qui portait sur l’évaluation de ses six premiers mois de travail.

[61] Me Zolia a expliqué que la direction et les juges étaient soucieux que les avocats aient un bon comportement, et particulièrement à l’égard de contribuables non représentés. Face à un tel contribuable, par courtoisie, l’avocat devait encourager le contribuable à consulter un avocat, lui rappeler qu’il était important d’amener tous ses documents à la Cour canadienne de l’impôt et expliquer en langage clair ce que l’avocat ferait devant cette cour.

[62] Le dossier en question concernait un contribuable non représenté qui était enseignant. Son employeur ne lui avait pas accordé la priorité d’emploi et il ne lui avait pas donné un poste qui était disponible car il avait rempli lui-même des formulaires fiscaux que, normalement, l’employeur devait remplir. Dans le cadre de sa préparation, le fonctionnaire avait la copie de la sentence arbitrale du tribunal d’arbitrage accueillant les griefs du contribuable, le jugement de la Cour supérieure du Québec en révision judiciaire cassant la sentence arbitrale et le jugement de la Cour d’appel du Québec accordant la permission de faire appel.

[63] Le fonctionnaire a vu dans la sentence arbitrale que l’arbitre de travail avait conclu que le contribuable avait signé les formulaires par erreur et il a compris que, devant la Cour canadienne de l’impôt, il devait aborder les circonstances dans lesquelles le contribuable avait signé les formulaires. Le fonctionnaire pensait qu’il était possible que le contribuable se retrouve à nouveau devant un arbitre de travail et craignait que les discussions devant la Cour canadienne de l’impôt au sujet des signatures soient utilisées plus tard par l’employeur devant un tel arbitre. Le fonctionnaire s’est demandé si, dans le cadre des mesures de courtoisie, il devait ou non communiquer avec le contribuable et l’inviter à prendre un avocat ou parler avec son avocat de droit du travail concernant son dossier d’impôt. Il a posé la question à Me Zolia qui, après longue réflexion, lui a dit qu’il ne savait pas la réponse et il lui a dit de poser la question à Pierre Cossette ou à Me Lessard.

[64] Vers le 4 ou 5 octobre 2010, en raison de l’absence de Me Cossette, le fonctionnaire a posé la question à Me Lessard. Elle lui a dit de ne pas appeler le contribuable, que les faits étaient ce qu’ils étaient et que le juge en déciderait en conséquence. Le fonctionnaire n’a donc pas communiqué avec le contribuable.

[65] Cet événement a fait l’objet d’une discussion lors de la rencontre du fonctionnaire avec Me Lessard le 20 décembre 2010. Me Lessard lui a dit qu’il avait démontré un manque d’éthique, qu’on ne devait pas donner de conseil aux contribuables. Le fonctionnaire a répondu qu’il n’envisageait pas donner de conseil, mais faire réfléchir le contribuable à sa situation. Me Lessard lui a dit que le rôle d’un avocat au ministère de la Justice n’était pas de gagner à tout prix et qu’il devait intégrer cette attitude.

[66] Le fonctionnaire croyait que peut-être le contribuable se désisterait, mais ce n’était pas le but de sa demande. Il a dit à Me Lessard qu’il n’avait pas appelé le contribuable et qu’il s’était juste posé la question. Elle lui a répondu que le fait qu’il s’était posé la question était déjà de trop. Il a répliqué que la question n’était pas de trop, que Me Zolia y avait réfléchi longtemps et qu’il lui avait suggéré de la poser à Me Lessard. Elle a répondu que ce n’était pas vrai et que Me Zolia n’aurait jamais fait cela. Selon le fonctionnaire, elle était très fâchée. Le fonctionnaire a suivi une formation obligatoire en ligne sur l’éthique au début décembre 2010.

[67] Le fonctionnaire a voulu introduire ses notes manuscrites personnelles de deux réunions des avocats, ce à quoi le ministère s’est opposé en raison de leur manque de pertinence aux questions en litige. J’ai admis les documents sous réserve de l’objection. Le fonctionnaire voulait souligner qu’il y avait des discussions concernant l’inclusion de clauses de non-divulgation dans des ententes de règlement hors cour. Certains avocats du ministère de la Justice la favorisaient et l’utilisaient et d’autres non. Le fonctionnaire a reconnu qu’il y avait erreur quant à la date qu’il avait inscrite sur les notes de la deuxième réunion et il ne pouvait pas préciser quand elle avait eu lieu. Les notes du fonctionnaire contiennent aussi des références à d’autres sujets qui ont fait l’objet de discussions pendant les réunions. Je suis d’avis que les notes personnelles du fonctionnaire ne sont pas pertinentes au litige devant moi et, par conséquent, j’accueille l’objection du ministère et je ne tiendrai pas compte de ces notes pour les fins de cette décision.

[68] Le fonctionnaire a ensuite abordé la formation qu’il a reçue pendant son emploi. Il a reçu de la formation à l’interne par les avocats, soit en réunions de groupe ou par téléconférence. Me Zolia a commencé à agir comme son coach à la mi-juillet 2010. En décembre 2010, Me Zolia lui a dit qu’en raison d’un surcroit de travail, il ne pouvait pas le coacher sur un dossier en particulier et l’accompagner à la Cour canadienne de l’impôt. Il lui a dit de poser ses questions à un autre avocat de son choix.

[69] Me Zolia a recommencé à coacher le fonctionnaire en février 2011. Ils avaient moins d’interaction parce que le fonctionnaire ne préparait pas de dossier pour la Cour canadienne de l’impôt; Me Zolia était cependant à sa disposition pour consultation.

[70] Le fonctionnaire a reconnu avoir reçu de Me Lessard le document intitulé « Objectifs généraux des employé(e)s » pour le Bureau régional du Québec.

[71] Vers la fin novembre 2010, Me Lessard a remis au fonctionnaire un document d’évaluation et elle lui a dit que l’évaluation portait sur ses six premiers mois de travail. Le résultat était une note d’échec. Le fonctionnaire avait suivi une formation sur la Politique de gestion du rendement et il a remarqué que Me Lessard lui avait remis un formulaire abrégé, alors que la politique exigeait un formulaire détaillé. Il en a fait part à Me Lessard.

[72] Le fonctionnaire a fait référence à une section de la Politique en matière d’examen du rendement et d’appréciation de l’employé (M-1, onglet 39) (« Politique de gestion du rendement ») intitulée « Rétroaction constructive », qui comportait les éléments suivants :

[…]

Décrire immédiatement l’événement et expliquer les incidences

Demander ce qui est arrivé

Aider l’employé à reconnaître ses lacunes

Élaborer un plan pour régler le(s) problème(s)

Témoigner de la confiance à l’endroit des aptitudes de l’employé

[73] Selon le fonctionnaire, Me Lessard demandait rarement ce qui était arrivé et lorsqu’il répondait, elle était en colère.

[74] Le fonctionnaire a fait référence à une section de la Politique de gestion du rendement intitulée « Les différentes étapes de l’évaluation du rendement », dont l’étape 4, « Rencontre du gestionnaire et de l’employé », qui prévoit ce qui suit :

Le gestionnaire est chargé de prévoir une entrevue avec l’employé à un moment qui convient aux deux parties. Le but de cette entrevue est de donner aux deux parties l’occasion de discuter du rendement de l’employé au cours de l’année, de planifier les mesures correctives en cas de rendement insatisfaisant, de féliciter à nouveau l’employé qui a donné un bon rendement, d’élaborer un plan de rendement pour l’année à venir et de cerner les besoins en matière de formation et de perfectionnement.

[75] Le fonctionnaire a dit qu’il n’avait pas eu une discussion préalable avec Me Lessard avant qu’elle lui donne le formulaire abrégé.

[76] Me Lessard est revenue voir le fonctionnaire et elle lui a remis la même évaluation sur le formulaire détaillé. Elle lui a dit de prendre son temps pour l’examiner, le signer, et de l’appeler pour une rencontre pour qu’elle lui donne ses commentaires. Il ne l’a pas fait immédiatement, car il avait beaucoup d’inquiétude concernant le contenu de l’évaluation et la manière dont cela avait été fait. Il a ensuite demandé de rencontrer Me Lessard sans avoir signé le formulaire. Le fonctionnaire avait vu que, selon l’étape 8 de la Politique de gestion du rendement, en signant, il confirmait avoir eu l’occasion de discuter de l’évaluation.

[77] La rencontre avec Me Lessard a eu lieu le 20 décembre 2010. Le fonctionnaire a écouté ce qu’elle avait à dire et voulait discuter de son désaccord avec la manière dont elle avait rapporté l’incident de l’enseignant non représenté. En voyant que la situation empirait, il n’a donc pas poursuivi.

[78] Me Lessard lui a dit que l’évaluation portait sur ses six premiers mois de travail d’avril à septembre 2010. Elle a dit qu’elle considérait qu’il avait échoué pour cette période, mais que s’il était encore là, c’est parce qu’elle considérait qu’il avait réglé ce qu’elle trouvait de problématique dans l’évaluation. Le fonctionnaire a témoigné qu’elle ne lui avait pas dit quels étaient les problèmes. En regardant l’évaluation, il n’avait aucune idée de ce qui avait été une source d’échec.

[79] Me Lessard a dit qu’afin de savoir si elle était pour recommander ou non sa permanence, elle allait évaluer le fonctionnaire de nouveau sur la base de sa réponse à une demande d’avis juridique dans un dossier. Elle lui a dit que l’avis juridique était l’élément central et que cela ne le dispensait pas de maintenir le progrès qu’elle avait noté.

[80] Le fonctionnaire a reçu le mandat de rédiger l’opinion juridique en décembre 2010. Il a suivi une formation sur la rédaction d’avis juridique le 22 février 2011.

[81] À la question s’il avait une date de tombée fixée pour soumettre l’avis juridique, le fonctionnaire a répondu que selon lui, il devait la remettre avant le premier anniversaire de sa date d’embauche puisque Me Lessard voulait prendre une décision sur sa permanence. Le fonctionnaire a dit qu’il avait terminé l’avis le 28 ou le 29 mars 2011, et que l’avis était soumis à un comité de lecture. Il ne savait pas si l’avis avait été évalué avant son licenciement.

[82] Le fonctionnaire a dit qu’environ une semaine avant de remettre l’avis, il a expliqué à Me Lessard qu’il était sur le point de terminer et qu’il allait lui remettre l’avis très prochainement. Elle lui a dit de ne pas s’inquiéter.

[83] Le fonctionnaire a ensuite abordé d’autres aspects de son évaluation qui, selon lui, ne respectaient pas la Politique de gestion du rendement. Il a dit qu’il n’avait pas eu le genre de discussion selon la politique qui prévoit que l’employé doit recevoir une rétroaction continue et que « […] le supérieur immédiat informe régulièrement l’employé sur son rendement […] ». Il a aussi fait référence à un des principes directeurs de la politique qui prévoit ce qui suit : « L’employé devrait avoir régulièrement l’occasion d’engager un dialogue constructif avec son supérieur afin de discuter de son travail et de son rendement. » Le fonctionnaire croit, qu’en général, son sens de l’initiative n’a pas été apprécié.

[84] Le fonctionnaire a dit que Me Zolia lui avait dit que, pendant son absence, il devrait poser ses questions à l’avocat de son choix et qu’il n’a pas eu de coaching pendant cette période.

[85] Pendant le coaching de Me Zolia, avant de se présenter à la Cour canadienne de l’impôt, il avait beaucoup de préparation concernant les représentations. Le fonctionnaire n’a pas reçu de coaching de Me Lessard avant le dossier concernant l’audition sur preuve commune. Me Zolia a dit au fonctionnaire qu’il le croyait prêt à aller seul à la Cour canadienne de l’impôt, et qu’il le dirait à Me Lessard.

[86] Le fonctionnaire a dit qu’entre son évaluation le 20 décembre 2010 et son licenciement, ses seules rencontres avec Me Lessard étaient « ce qu’elle appelait la rétroaction » dans le dossier d’audition sur preuve commune et celui dans lequel il avait utilisé des tableaux dans la réponse à l’avis d’appel.

[87] Le jour de son licenciement, le fonctionnaire a demandé à Me Lessard une copie de son dossier d’employé et elle lui a dit de demander aux Ressources humaines. Me Lessard l’a accompagné vers la sortie et, en passant devant le bureau de Me Zolia, le fonctionnaire lui a dit qu’il avait été renvoyé en cours de stage. Me Zolia était très surpris et lorsqu’il a demandé pourquoi, le fonctionnaire lui a répondu de le demander à Me Lessard.

[88] Lorsque le fonctionnaire s’est rendu aux Ressources humaines, il a pu examiner le contenu de deux dossiers en présence d’un employé. Il n’a rien vu dans les dossiers en lien avec la décision de le licencier et il a demandé une copie des deux dossiers dans des enveloppes scellées, car il voulait être sûr d’avoir une copie conforme de son dossier à une date précise.

[89] Selon le fonctionnaire, les décisions du ministère aux paliers de la procédure de règlement des griefs ne lui fournissaient pas d’explication pour son licenciement. Lors de la discussion avec Mes Tardif et Lessard lorsqu’on lui a mentionné l’audition sur preuve commune. Le fonctionnaire a dit que lors des audiences aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs, le ministère n’a offert aucune explication fondée sur des faits.

[90] Selon le fonctionnaire, pendant sa période de stage, il était dans un environnement où les attentes en matière d’évaluation n’étaient pas claires. Il était exposé à des influences contradictoires entre sa superviseure, Me Lessard, et les avocats qui pouvaient le coacher. Il a été pris en grippe par une supérieure qui ne l’aimait pas et l’environnement, tel que conçu par la direction à l’égard de la gestion des ressources humaines, n’a été d’aucun secours. Il a été licencié alors qu’il a bien travaillé avec un grand souci pour les intérêts qu’il avait à représenter. Il a dit que ses explications n’avaient jamais été les bienvenues et qu’elles étaient souvent accueillies avec hostilité dans des moments importants.

[91] En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a dit qu’il considérait que Me Lessard l’avait offert un compliment lorsqu’elle lui avait dit que le témoin qu’il avait préparé un dimanche semblait avoir les faits frais en mémoire lors de son témoignage. Selon lui, cela montrait qu’il l’avait bien préparé.

[92] Le fonctionnaire a dit qu’il s’est invité au bureau de Me Lessard à quelques occasions, dont la conversation concernant la dynamique de leurs discussions de rétroaction. Il remarquait que lui fournir une explication semblait lui déplaire quand elle lui faisait des reproches. Il a dit qu’il était capable de confronter Me Lessard et l’a fait à plusieurs reprises pour faire valoir son point de vue sur les circonstances qui entouraient les reproches qu’elle lui faisait même si, parfois, il savait qu’elle allait se fâcher.

[93] Le fonctionnaire a été renvoyé au document qui lui avait été remis intitulé « Plan d’intervention au tiers de la période de stage » (pièce E‑1, onglet 18), qui devait s’échelonner du 16 juillet au 16 octobre 2010 et désignait Me Zolia comme coach. Le fonctionnaire a dit qu’à l’époque il a compris ce qui était demandé dans le plan d’intervention.

[94] En ce qui a trait à l’incident concernant Me Bélec, le fonctionnaire a réitéré qu’elle lui avait dit que son courriel ne l’avait pas brusquée et qu’elle était surprise par l’ampleur de son travail. À la question si Me Bélec avait répondu de telle façon pour éviter de discuter de nouveau du sujet, le fonctionnaire a répondu que cela lui semblait improbable. Me Bélec avait une très forte personnalité et si quelqu’un lui marchait sur les pieds, il se ferait remettre à sa place. À l’époque, le fonctionnaire avait eu quelques interactions verbales avec Me Bélec et la communication était aisée.

[95] Le fonctionnaire a dit que Me Zolia l’avait accompagné à la Cour canadienne de l’impôt au moins quatre fois et lui fournissait de la rétroaction sur ses prestations. Il prenait des notes pendant ses représentations. En revenant de la Cour canadienne de l’impôt, Me Zolia commençait à lui donner de la rétroaction pendant le trajet. Au bureau, peu après ou le lendemain, il reprenait ses notes avec le fonctionnaire dans une rencontre et donnait de la rétroaction, ce qui pouvait prendre beaucoup de temps. Il faisait part au fonctionnaire de ce qu’il aurait pu faire autrement et faisait un bilan de sa prestation à la Cour canadienne de l’impôt.

[96] Le fonctionnaire a dit qu’il avait remis l’avis juridique à Me Lessard à la fin mars 2011. À la question pourquoi il ne l’avait pas remis plus tôt, le fonctionnaire a répondu ‘je l’ai remis quand je l’ai remis’. Il a dit qu’il pensait qu’il avait dû demander des précisions ou de l’information supplémentaire au représentant de l’Agence qui avait demandé l’avis.

[97] En ré-interrogatoire, à la question s’il était d’accord avec tout le contenu du plan d’intervention, le fonctionnaire a dit qu’il en a été préoccupé. Quand elle lui a présenté le plan, Me Lessard a insisté qu’il devait bien appliquer le contenu. Elle a fait référence à l’épisode de la disposition législative, dont le fonctionnaire cherchait à connaître l’application. Le fonctionnaire a dit que cela avait tendu sa relation avec Me Lessard et qu’il n’avait pas osé discuter de ses points de désaccord.

[98] Le fonctionnaire a ensuite commenté certains points faisant partie du plan d’intervention, dont celui de s’assurer de porter veston et cravate à la Cour canadienne de l’impôt. Le fonctionnaire a dit qu’à une occasion devant cette cour, il était retourné au bureau à l’heure du dîner pour préparer certains documents et il est retourné à la Cour en oubliant son veston. Le fonctionnaire a dit que c’était la seule occasion où il n’avait pas porté de veston en cour.

[99] En ce qui a trait au point qu’il devait se lever en s’adressant à la Cour canadienne de l’impôt, le fonctionnaire a dit qu’il avait pu ne pas le faire, mais qu’il n’en avait pas de souvenir.

[100] Concernant le point qu’il devait transporter les dossiers dans des valises avec serrure et conserver les dossiers en bon état, le fonctionnaire a dit qu’à son arrivée, il ne savait pas qu’il y avait des valises à sa disposition. À un certain moment, on lui a mentionné l’existence des valises et il les a utilisées plus tard quand Me Lessard lui a dit qu’elle tenait à ce qu’il les utilise.

[101] Le fonctionnaire a dit qu’il était capable de confronter Me Lessard et voyait qu’elle était indisposée à entendre ses explications dû à son caractère rigide.

B. Pour le ministère

1. Me Lessard

[102] Admise au Barreau en 1993, Me Lessard travaille à la Direction des affaires fiscales depuis 1992 et, depuis 2007, elle est gestionnaire régionale et avocate-conseil/chef d’équipe. Ses tâches comme chef d’équipe comprennent la participation au comité de gestion et la gestion d’une équipe de 12 à 20 avocats. Elle distribue le travail, évalue les avocats et s’occupe du développement des nouveaux avocats. Tous les postes sont pour des avocats plaideurs.

[103] Pour ce qui est de l’organisation, il y a un directeur régional principal pour la région du Québec et une directrice régionale adjointe, soit Me Boudreau (civil), la supérieure de Me Lessard. Ensuite, sa directrice est Me Tardif. Ses collègues chefs d’équipe sont Me Boudreau (fiscal) et Me Levasseur.

[104] Me Lessard a de l’expérience en encadrement d’avocat. Depuis 2000, elle est maître de stage en droit auprès du Barreau du Québec pour plusieurs avocats et elle supervise plusieurs étudiants en droit. Comme chef d’équipe, elle a encadré plusieurs avocats qui ont été engagés. Me Lessard a dit que le document intitulé « Objectifs généraux 2009-2010 [sic] » du 14 juin 2010 et signé par elle et le fonctionnaire (pièce E-1, onglet 11) comprend les mêmes objectifs donnés à tous dans la direction régionale.

[105] En ce qui a trait à son échange de courriels avec le fonctionnaire le 16 avril 2010 (pièce E-1, onglet 2) concernant la révision d’un projet de réponse à un avis d’appel préparé par le fonctionnaire, Me Lessard a dit qu’elle révise tous les actes de procédure des nouveaux avocats pendant un certain temps jusqu’à ce qu’elle pense que cela n’est plus nécessaire. Elle a passé une bonne heure avec le fonctionnaire et écrivait ses commentaires à la main sur le projet.

[106] Dans un courriel au fonctionnaire du 21 avril 2010 (pièce E-1, onglet 4) concernant un dossier qu’il devait plaider au mois de juin, Me Lessard l’a informé qu’une collègue avait un dossier à plaider le même jour et qu’elle pourrait le coacher. Me Lessard lui a suggéré de prendre connaissance du litige et d’assister à l’audience de sa collègue. Me Lessard a dit que pour les nouveaux avocats, on leur assignait des dossiers de procédure informelle.

[107] Me Lessard a fait référence à un échange de courriels du 28 et du 29 avril 2010 (pièce E-1, onglets 6 et 7) concernant le refus du fonctionnaire de s’occuper d’un dossier que Me Levasseur lui avait donné pour le motif qu’il considérait que le dossier nécessitait une trop longue analyse factuelle et qu’il n’avait pas le temps de s’en occuper. Me Lessard a dit que comme chef d’équipe, elle assigne des dossiers avec ses collègues chefs d’équipe, Mes Levasseur et Boudreau (fiscal). Me Lessard a dit que, dans le contexte, elle savait que le fonctionnaire était débordé.

[108] Me Lessard a dit que tous les nouveaux avocats et stagiaires, dont le fonctionnaire, reçoivent un cartable qui inclut les directives de rédaction. En faisant référence à un échange de courriels avec le fonctionnaire le 7 mai 2010 (pièce E‑1, onglet 8), dans lequel Me Lessard lui a dit que le fonctionnaire était venu dans son bureau pour discuter de son interprétation de l’utilisation d’un certain paragraphe dans un cas de cotisation prescrite, Me Lessard lui a dit que son interprétation était peut-être possible, mais que l’interprétation utilisée dans le bureau selon le modèle dans les directives de rédaction était celle retenue par leurs experts et qu’il devait s’en servir. Le fonctionnaire a suivi la consigne dans le dossier en question, mais en révisant d’autres actes de procédure, Me Lessard a observé que le fonctionnaire avait repris le modèle qu’il avait adopté dans le cas de cotisation prescrite.

[109] Dans un échange de courriels avec le fonctionnaire le 20 mai 2010 (pièce E-1, onglet 9), Me Lessard lui a rappelé de comptabiliser son temps dans le système informatique. Le cartable d’orientation remis aux nouveaux employés indique comment comptabiliser leur temps. Le fonctionnaire avait des retards dans sa comptabilisation. Ayant rencontré le fonctionnaire à quelques reprises, Me Lessard savait qu’il comptabilisait son temps sur papier au lieu de le faire dans le système informatique.

[110] Me Lessard a informé le 4 juin 2010 par courriel le fonctionnaire (pièce E-1, onglet 10) des délais à respecter pour fournir sa recommandation écrite à l’Agence à la suite d’un jugement défavorable et elle lui a indiqué où les éléments à inclure se trouvaient dans le cartable d’orientation. Elle a fait cela parce qu’il s’agissait du premier dossier à la Cour canadienne de l’impôt du fonctionnaire.

[111] Lorsqu’un jugement défavorable à l’Agence est reçu, les avocats doivent préparer une recommandation à l’Agence d’aller en appel ou non qui doit être révisée par le chef d’équipe avant de l’envoyer à l’Agence. La recommandation doit être envoyée 10 jours après la date du jugement de la Cour canadienne de l’impôt. Dans le dossier en question, le jugement avait été rendu le 3 juin 2010 et il avait été reçu au bureau le 4 juin 2010. Le fonctionnaire a envoyé son projet de recommandation à Me Lessard le 15 juin 2010 (pièce E-1, onglet 13).

[112] Me Lessard a apporté des modifications à la recommandation car elle n’était pas suffisante. Elle manquait de clarté et le style était lourd, par exemple, il y avait un paragraphe de 14 lignes. Elle manquait également de logique.

[113] Me Lessard a fait référence à un événement ayant trait à un dossier assigné au fonctionnaire concernant la demande d’un contribuable de proroger les délais pour déposer un avis d’opposition. Me Landry a accompagné le fonctionnaire à la Cour canadienne de l’impôt le 28 juin 2010 et elle en a fait rapport à Me Lessard le jour même.

[114] Un des éléments était que le fonctionnaire était arrivé à la Cour canadienne de l’impôt avec un dossier fripé parce qu’il l’avait transporté dans son sac à dos. Me Lessard l’avait averti au préalable de ne pas le faire alors qu’il voulait amener le dossier pour y travailler à la maison. Il lui a dit qu’il ne pensait pas que c’était la même règle lorsqu’il se rendait à la cour en taxi. Elle lui a expliqué que la même règle s’applique, que l’information du contribuable était vulnérable et que, par distraction, il pouvait oublier son sac à dos dans le taxi.

[115] L’élément majeur est que le fonctionnaire n’avait pas amené un témoin de l’Agence à la Cour canadienne de l’impôt. Le seul argument du contribuable était qu’il n’avait pas reçu l’avis de cotisation de l’Agence. Il aurait fallu amener la preuve de l’Agence que la cotisation avait été établie, et que les délais pour déposer un avis d’opposition avait commencé à courir. Me Landry a demandé un ajournement et elle a dit au fonctionnaire qu’il lui fallait un témoin de l’Agence. Il croyait qu’il n’avait pas besoin de témoin en s’appuyant sur un article de la LIR. Après l’ajournement, le fonctionnaire a tenté de faire accepter la reconstitution d’avis de cotisation par le contribuable, mais ce n’était pas le document que le contribuable avait reçu, et il ne l’a pas reconnu.

[116] De retour au bureau pendant l’ajournement du midi, le fonctionnaire est intervenu dans la discussion que Me Lessard avait avec Me Landry et leur a fait part de sa théorie de l’article de la LIR qui le dispensait d’amener un témoin. Me Lessard lui a confirmé qu’elle partageait l’interprétation de Me Landry, à savoir qu’il fallait un témoin de l’Agence, mais pas nécessairement la personne qui avait établi la cotisation. Elle voyait qu’il n’était pas d’accord et il a quitté abruptement. Pendant l’heure du midi, le fonctionnaire a communiqué avec un témoin pour déposer le document en preuve.

[117] Le lendemain, le fonctionnaire est revenu voir Me Lessard. Il n’avait pas aimé la rétroaction de Me Landry. Selon Me Lessard, les commentaires de Me Landry étaient peut-être un peu durs, mais le fonctionnaire n’avait pas suffisamment préparé son dossier et n’avait pas bien réagi à leur rétroaction. Me Lessard a réitéré son interprétation qu’il fallait déposer les documents avec témoin, et elle lui a dit que les autres avocats faisaient la preuve avec témoin. Le fonctionnaire a répondu que d’autres avocats pensaient comme lui, et il a fait référence à Me Thériault; Me Lessard lui a dit que Me Thériault n’avait pas autant d’expérience à la Cour canadienne de l’impôt qu’elle et Me Landry. Elle lui a dit qu’il devait suivre les conseils de ceux qui l’accompagnent à la cour. La discussion a alors pris fin.

[118] En ce qui a trait au plan d’intervention du 16 juillet au 16 octobre 2010 (pièce E‑1, onglet 18), Me Lessard a dit que Me Tardif lui avait demandé de consulter les Ressources humaines, puisqu’il y avait un début de problématique avec le fonctionnaire. On lui a conseillé d’établir un plan d’intervention et de trouver une personne pour accompagner le fonctionnaire plutôt que plusieurs personnes. Elle croyait que Me Zolia était la bonne personne; il était rigoureux, il avait fait du litige au privé avant de se joindre au ministère de la Justice, et elle connaissait la qualité de son travail car elle l’avait supervisé comme chef d’équipe pendant un certain temps.

[119] Me Lessard a remis le plan d’intervention au fonctionnaire le 16 juillet 2010. Elle a fait référence à certains points indiqués dans le document. La gestion de la charge de travail qui demandait que le fonctionnaire développe avec son adjointe des tableaux de ses dossiers et les dates limites des délais qui devaient être mis à jour régulièrement. Après la rencontre, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Me Lessard avec un calendrier Outlook fait par l’adjointe que Me Lessard avait trouvé convenable, et il avait suivi ses commentaires.

[120] Concernant le dossier d’appel de Me Payette, Me Lessard a confié la recherche au fonctionnaire. La rétroaction de Me Payette était que le fonctionnaire n’avait pas fait la recherche parce qu’il favorisait plutôt un point de droit qui n’avait pas été plaidé en première instance. Me Lessard en a discuté avec le fonctionnaire et elle lui a dit que le point ne pouvait pas être soulevé en appel puisqu’il n’avait pas été soulevé en première instance. Me Payette a dit à Me Lessard que toutefois, le fonctionnaire avait trouvé quelque chose qui avait été retenu par la Cour d’appel fédérale et elle en avait fait part lors d’une réunion de groupe.

[121] Concernant la demande de demeurer souple lorsqu’il s’agit d’appliquer le droit aux faits dans un dossier de litige, Me Lessard a dit que cela avait rapport avec les commentaires qu’elle avait écrits dans le plan d’intervention, soit « Les faits sont souvent nuancés et appelés à évoluer ».

[122] Concernant le port du veston, cela était facile à corriger, mais Me Lessard l’a indiqué pour ne pas l’oublier.

[123] Me Lessard s’est fiée aux commentaires de Me Landry pour inclure le correctif d’arriver à la Cour canadienne de l’impôt à l’avance afin d’avoir ses documents bien en ordre pour une gestion efficace de la preuve et des autorités.

[124] Me Lessard a aussi fait référence au correctif que le fonctionnaire devait faire preuve d’une bonne écoute envers tous les intervenants, manifester ses opinions avec tact et maintenir de bonnes relations de travail avec tous. À son arrivée, le fonctionnaire n’avait pas d’interaction avec les gens, par exemple dans les couloirs. À l’été, il est allé à une fête chez un collègue et Me Lessard a vu qu’il commençait à s’impliquer.

[125] Me Lessard a demandé au fonctionnaire s’il était d’accord avec le choix de Me Zolia comme coach, et il a répondu affirmativement en disant qu’il avait l’air bon. Elle a remis le plan d’intervention à Me Zolia et il lui a dit qu’il ne voulait pas être responsable de la décision dans le cas du fonctionnaire. Elle lui a dit qu’il n’était pas le superviseur du fonctionnaire et que c’est elle qui prendrait la décision. Me Zolia était donc d’accord pour être le coach du fonctionnaire.

[126] Me Lessard a été renvoyée à l’évaluation de mi-exercice du fonctionnaire (pièce E-1, onglet 23). Elle évalue tous les avocats de son groupe. La dernière page, soit le Plan d’apprentissage individuel comportant quatre objectifs, a été remplie par le fonctionnaire. Pour l’objectif no 1, soit « formation indispensable », et l’objectif no 3, soit « initiative de formation sur la sensibilisation à la diversité », Me Lessard a dit que le fonctionnaire en était au courant puisque l’inscription se fait automatiquement. Les commentaires sur les deux autres objectifs sont ceux du fonctionnaire.

[127] Alors que la rencontre d’évaluation a eu lieu le 2 novembre 2010, le formulaire a été signé le 20 décembre 2010. Me Lessard a expliqué qu’elle avait déjà préparé le narratif annexé au formulaire et l’avait communiqué au fonctionnaire. Toutefois, elle avait utilisé le formulaire abrégé d’évaluation pour tous les avocats. Comme le fonctionnaire a demandé le formulaire détaillé auquel il avait droit selon la politique, elle a dû le refaire.

[128] Les observations notées dans la section du narratif concernant les vacations à la Cour canadienne de l’impôt, sont basées sur des commentaires écrits de Me Zolia qu’il a donnés à Me Lessard et au fonctionnaire, dont la nécessité d’avoir un plan logique et une structure d’interrogatoire ou de contre-interrogatoire. Pour ce qui est de l’observation que le fonctionnaire devait noter les motifs du jugement lorsqu’ils sont prononcés sur le banc, le fonctionnaire a dit à Me Lessard que ce n’était pas nécessaire compte tenu que le jugement était favorable à l’Agence. Elle lui a dit que cela était important pour l’avoir au dossier et aviser le client.

[129] Dans la section du narratif ayant trait à trois avis juridiques qui avaient été confiés au fonctionnaire, Me Lessard s’est basée sur les commentaires des réviseurs des avis. Chaque avis a été révisé par un comité de révision formé de deux avocats. La composition du comité était différente pour chacun des avis. Les deux premiers avis ont été jugés inadéquats par les réviseurs. Ils ont constaté que le style de rédaction était laborieux. Dans le premier avis, la conclusion était erronée, l’ordre de présentation était inadéquat et il y avait beaucoup d’énoncés non pertinents. Un des réviseurs a refait l’avis.

[130] Dans le deuxième avis, les phrases étaient encore longues et laborieuses. Entre autres, le fonctionnaire présumait des faits sans en avoir la preuve et, dans son analyse, il a fait un exposé de droit plutôt que de se limiter à un raisonnement appuyé de références. Il a abordé une question qui n’a pas été soulevée par l’Agence, pour conclure qu’elle ne causait pas de problème. Les réviseurs on refait eux-mêmes l’avis juridique. Me Lessard a noté qu’il était vrai que l’Agence avait mentionné au fonctionnaire ne pas vouloir pousser la vérification plus loin dans cette affaire, mais il y avait moyen de pousser plus loin ou d’indiquer les limites de l’avis plutôt que de présumer de faits non vérifiés.

[131] Concernant le troisième avis juridique, Me Lessard a noté que le fonctionnaire avait bien identifié les enjeux juridiques en cause. Toutefois, il y avait un point juridique qui était traité de manière erronée, soit l’aspect de la cotisation arbitraire du débiteur fiscal. Le fonctionnaire a traité cet aspect comme s’il était fatal à la position de l’Agence alors que l’information au dossier n’était pas suffisante pour le faire. Il s’agit d’une difficulté à appliquer des notions de droit à une situation factuelle, parfois incomplète. L’ordre de présentation était semblable aux deux premiers avis et beaucoup trop complexe. Les réviseurs ont refait des parties de l’avis pour illustrer comment parvenir à un ordre plus compréhensible et à une meilleure conclusion.

[132] La section du narratif concernant les dossiers de procédure générale indique que le fonctionnaire a surtout eu à rédiger des réponses à des avis d’appel. La première a dû être refaite en grande partie. Bien que les subséquentes étaient mieux rédigées, il y avait des éléments à améliorer, dont rédiger les faits tenus pour acquis de manière claire, concise et suivant un ordre logique, et énoncer tous les articles de loi applicables. Il est noté que, dans un dossier, le fonctionnaire a tardé à envoyer une réponse à l’avis d’appel avec une lettre-projet à l’Agence pour révision. Il a indiqué qu’il n’était pas au courant qu’il devait envoyer une telle lettre-projet 10 jours avant la date limite pour dépôt à la Cour canadienne de l’impôt. Me Lessard a noté que le fonctionnaire avait eu à faire une telle lettre pour l’Agence dans ses premiers dossiers sous sa supervision et celle de Me Bélec.

[133] Le narratif comprend une section d’éthique et valeurs dans laquelle une référence est faite à la question du fonctionnaire à savoir s’il pouvait recommander à un contribuable appelant non représenté de se désister de son appel en lui faisant voir que le jugement de la Cour canadienne de l’impôt pouvait lui nuire dans un litige qu’il avait en droit du travail. Me Lessard lui a dit qu’on ne pouvait pas conseiller des personnes non représentées ou quelqu’un contre qui on plaide. Le fonctionnaire lui a alors demandé s’il pouvait recommander au contribuable de se désister de tout le dossier. Me Lessard lui a expliqué que le mandat du procureur de la Couronne n’est pas de gagner, mais d’assurer la bonne application de la LIR.

[134] Le narratif mentionne d’autres réalisations du fonctionnaire, entre autres qu’il a vu activement à son développement professionnel en suivant plusieurs formations. En ce qui a trait aux relations interpersonnelles, il est noté qu’il avait eu un manque d’ouverture à des conseils juridiques reçus d’une collègue plus expérimentée et de Me Lessard. Il est aussi indiqué que depuis, il a eu une meilleure ouverture aux conseils juridiques qui lui ont été formulés. Me Lessard a noté qu’elle avait reçu de l’Agence trois commentaires positifs au sujet du fonctionnaire.

[135] La conclusion du narratif de l’évaluation du fonctionnaire se lit comme suit :

[…]

Me Rouet doit encore faire l’objet de révision dans son travail, compte tenu des points à améliorer constatés ci-haut. Plus particulièrement, il devra développer ses aptitudes en communication écrite […] en matière de techniques de plaidoirie et devra développer son appréciation des faits pour bien y appliquer le droit, cette difficulté étant ressortie dans plusieurs mandats. Notamment, ses conclusions devraient être plus nuancées. Quant aux relations interpersonnelles, Me Rouet devra porter plus d’attention à sa manière d’interagir avec autrui (ton et explications) en raison des impacts possibles sur les autres.

[136] Me Lessard a dit au fonctionnaire qu’il était en période de stage et que son emploi était en jeu. Il lui fallait une nette amélioration au niveau attendu et il devait devenir autonome. Elle lui a dit qu’ils referaient le point en février 2011. Me Lessard voulait voir un avis juridique si elle avait l’occasion de lui en assigner, elle voulait le voir avant de réévaluer le fonctionnaire en février. Après la rencontre, Me Lessard a eu l’occasion d’assigner un nouvel avis juridique au fonctionnaire en décembre 2010 ou en janvier 2011.

[137] En février 2011, Me Lessard a rencontré Me Tardif au sujet du fonctionnaire, car elles avaient toutes deux de sérieuses inquiétudes. Me Lessard voulait voir d’autres écrits juridiques du fonctionnaire avant de prendre une décision.

[138] Me Lessard a eu une discussion avec le fonctionnaire au début de mars 2011. Le fonctionnaire lui a demandé si une décision avait été prise concernant sa permanence. Elle lui a souligné qu’elle avait toujours des inquiétudes, notamment sa vacation à la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 à laquelle elle a assisté pour voir où il en était dans son développement. Elle lui a rappelé la rétroaction qu’elle lui avait donnée, soit que si la cause avait été plus complexe ou l’adversaire plus aguerri, il n’aurait probablement pas obtenu le même résultat.

[139] Me Lessard a aussi renvoyé le fonctionnaire à son avis juridique concernant un consentement à jugement dans lequel il ne faisait pas référence aux articles de la LIR, mais à des lignes dans la déclaration de revenus, ce qui ne veut rien dire en termes juridiques. Elle lui a dit qu’à ce stade de son développement, les résultats l’inquiétaient.

[140] Quant à l’avis juridique que Me Lessard lui avait assigné, le fonctionnaire lui a dit qu’il n’était pas prêt à le rendre parce qu’il avait demandé davantage d’information à l’Agence. Ils ont discuté de l’opinion et Me Lessard n’était pas d’accord avec son approche et l’a réorienté. Le fonctionnaire lui a remis l’avis le 28 mars 2011. Elle n’a pas pu lui donner sa rétroaction. Elle a donné l’avis à une avocate d’expérience et cherchait un autre avocat pour former le comité de révision. Avant qu’elle puisse le faite, l’avocate lui a dit de réassigner le dossier, car il y avait trop de changements à apporter. Me Lessard a assigné le dossier à un autre avocat du même niveau que le fonctionnaire.

[141] Me Lessard avait d’autres inquiétudes à l’égard du fonctionnaire concernant ses relations interpersonnelles. Dans un incident concernant son adjointe, le fonctionnaire devait accompagner un autre avocat pour un dossier à l’extérieur. Le fonctionnaire n’avait pas de carte de crédit pour réserver une chambre d’hôtel. Il aurait informé son adjointe de cela, et elle lui aurait dit qu’elle pouvait quand même faire la réservation. Quand elle a reçu la facture, Me Lessard a constaté que le prix de la chambre était supérieur à la norme puisque la réservation de la chambre n’avait pas été garantie par carte de crédit. Le fonctionnaire avait écrit sur la facture que c’était la faute de son adjointe. Me Lessard a su du chef d’équipe des adjointes que l’adjointe était peinée de voir cela. Me Lessard a dit que lorsqu’elle a rencontré le fonctionnaire, il était sur la défensive et lui a donné le contexte sur un ton fâché. Elle lui a dit que l’adjointe était peinée et que ce n’était pas de bonnes relations interpersonnelles. Le fonctionnaire lui a dit qu’il ferait un beau cadeau de Noël à l’adjointe, ce à quoi Me Lessard a dit que néanmoins, il faut de bonnes relations interpersonnelles.

[142] Entre novembre 2010 et mars 2011, le fonctionnaire était impliqué dans deux autres problèmes de relations interpersonnelles avec des parajuristes. Le premier incident avait trait à un contrat d’hypothèque légale préparé par un parajuriste selon un modèle et signé par l’avocat. Le modèle du contrat avait été préparé par un notaire au bureau régional du Québec. Le fonctionnaire a demandé à deux reprises en mars 2011 des modifications au modèle du contrat et le chef d’équipe de parajuristes, Steve Massenat, en a fait part à Me Lessard et il lui a demandé quoi faire. Elle a rencontré le fonctionnaire pour en discuter.

[143] Concernant le deuxième incident, Me Zolia a informé Me Lessard qu’une parajuriste était en pleurs parce que le fonctionnaire lui avait demandé du travail qu’elle croyait dépasser ses tâches. Le fonctionnaire voulait que la parajuriste trouve des documents à l’appui de montants d’avoir net. Il a demandé que la parajuriste participe à la rencontre avec l’avocat de la partie adverse et appuie les montants d’avoir net. Me Lessard en a discuté avec Stéphanie Côté, qui était en charge des étudiants. Me Côté a fait part à Me Lessard qu’elle avait dit au fonctionnaire qu’il s’agissait d’un travail du vérificateur de l’Agence et elle a refusé de le confier à ses étudiants.

[144] Me Lessard a rencontré le fonctionnaire vers la mi-mars 2011 et elle lui a dit comment la parajuriste se sentait et que cette dernière n’assisterait pas à la rencontre. Lui ou le vérificateur devait justifier les montants. Elle lui a dit qu’elle ne comprenait pas qu’il n’avait pas suivi l’avis d’une avocate d’expérience qui lui avait dit de confier le travail au vérificateur. Le fonctionnaire lui a donné différentes explications pour ne pas avoir suivi les conseils.

[145] Concernant le renvoi en cours de stage du fonctionnaire, c’est Me Tardif qui a mis fin à l’emploi du fonctionnaire, mais sur la recommandation du comité de gestion. Le rôle de Me Lessard dans la réunion était celui de la superviseure du fonctionnaire et elle a dû identifier les lacunes qu’elle avait discutées avec Me Tardif.

[146] Me Lessard a dit que la réunion avait été convoquée par Me Levasseur; le comité de gestion s’était entendu sur une recommandation. Cependant, Me Lessard a dit qu’elle croyait que la situation pouvait être corrigée. Le comité de gestion a recommandé à Me Tardif de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire. Les personnes présentes à la réunion étaient Me Tardif, Me Boudreau (fiscal), Me Levasseur, les chefs d’équipe et M. Massenat. Toutes ces personnes ont pris la décision de licencier le fonctionnaire pendant la période de son stage par consensus.

[147] Me Lessard a témoigné de certains éléments qui faisaient partie de ses considérations pour le renvoi en cours de stage du fonctionnaire.

[148] Elle a observé le fonctionnaire à la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 concernant les dossiers connexes de conjoints copropriétaires d’un immeuble. Me Lessard a dit qu’elle lui avait fait des commentaires sur place et par écrit par la suite. Il s’agissait d’une question de dépenses liées à l’immeuble et l’avocat des contribuables a dit que, selon le fonctionnaire, il n’y avait qu’un point en litige, mais les contribuables contestaient toutes les dépenses liées à l’immeuble.

[149] En début d’audience le 31 janvier 2011, le fonctionnaire a demandé à la Cour canadienne de l’impôt d’exclure les témoins. Me Lessard trouvait que cela était une façon maladroite de faire une preuve commune. Sa rétroaction était qu’il aurait dû demander une preuve commune. Le fonctionnaire a fait verser le témoignage du premier contribuable dans le dossier de son conjoint, mais de la façon dont il a formulé sa demande, il n’était pas clair si le témoignage de la vérificatrice devait aussi être versé dans le dossier du conjoint. Le conjoint du premier contribuable n’a pas témoigné et ses documents n’ont pas été déposés en preuve. Me Lessard a dit au fonctionnaire que c’était judicieux de ne pas faire témoigner le conjoint du premier contribuable, mais qu’il y avait un moyen de déposer en preuve les documents essentiels, car s’il y avait appel, il fallait un dossier complet. Me Lessard a dit au fonctionnaire qu’il était chanceux que les parties adverses n’aient pas présenté beaucoup de preuve. Bien que la décision ait été favorable à l’Agence, elle aurait pu être différente, tout dépendant du contexte.

[150] Le fonctionnaire a bien préparé son interrogatoire en chef de la vérificatrice. Cependant, ses questions étaient trop longues mais comme elle avait été bien préparée par le fonctionnaire, elle a pu répondre. Malgré qu’il n’en fût pas à sa première cause, le fonctionnaire avait des problèmes liés au dépôt de document, tel que présenter un document au témoin avant de le présenter à l’avocat adverse pour qu’il en prenne connaissance. Il n’y avait pas d’ordre logique à la plaidoirie et le fonctionnaire a oublié de remettre au juge une décision de la Cour d’appel du Québec.

[151] Me Lessard a aussi fait référence à des problèmes relevés par Me Zolia.

[152] Lorsque Me Lessard a donné sa rétroaction au fonctionnaire concernant les dossiers sur preuve commune, il n’a qu’écouté et n’a pas répondu. Après son renvoi en cours de stage, le fonctionnaire a envoyé un courriel à différentes personnes au ministère de la Justice et à l’Agence dans lequel il attaquait la compétence de Me Lessard. Ce n’est qu’après le renvoi du fonctionnaire que Me Lessard a appris qu’il avait consulté quelqu’un du ministère de la Justice qui lui avait conseillé autre chose concernant les dossiers connexes du 31 janvier 2011.

[153] En contre-interrogatoire, Me Lessard a dit qu’elle et Me Boudreau (fiscal) avaient rencontré le fonctionnaire lors d’une entrevue informelle dont le but était d’avoir un premier contact et de connaître son intérêt avant de l’embaucher. Le fonctionnaire a dit qu’il avait de l’expérience en fiscalité avec le juge Tardif de la Cour canadienne de l’impôt dans le cadre de sa maîtrise en fiscalité. Selon Me Lessard, il est plausible que le fonctionnaire lui a dit qu’il n’avait pas d’expérience en litige.

[154] Me Lessard recherche deux volets majeurs chez les candidats, soit la fiscalité et le litige. Elle s’est dit que, comme le fonctionnaire avait de l’expérience en fiscalité, elle n’avait qu’à le former sur le volet du litige. Elle s’attendait qu’il soit autonome après une année de travail.

[155] Concernant son évaluation de mi-exercice du fonctionnaire du 2 novembre 2010, Me Lessard a dit que ses observations se font tout au long de la période d’évaluation du 1er avril au 30 septembre 2010. Elle a reçu la rétroaction de ses collègues et elle a préparé le narratif avant novembre.

[156] En ce qui a trait au plan d’intervention du 16 juillet au 16 octobre 2010, le fonctionnaire n’avait pas atteint certains objectifs et il y avait eu des incidents majeurs. Le but du plan est que la personne sache quels sont les points que la direction, Me Lessard et les autres chefs d’équipe trouvent préoccupants et que les manquements étaient très clairs.

[157] Les objectifs du fonctionnaire se trouvent dans le document intitulé « Objectifs généraux 2009-2010 [sic] » signé par le fonctionnaire et Me Lessard le 14 juin 2010. En plus des objectifs généraux, le document contient deux objectifs personnalisés qui s’appliquent à tous les nouveaux avocats, comme suit :

Avoir acquis une bonne connaissance des Règles de la Cour canadienne de l’impôt et des règles en matière de preuve civile, de façon à pouvoir traiter des dossiers de litige de complexité faible ou moyenne de manière autonome.

Avoir développé les habilités en matière de plaidoirie (preuve et argumentation) de façon à pouvoir conduire des dossiers de litige de complexité faible ou moyenne de manière autonome.

[158] Me Lessard a dit qu’il est fort probable qu’elle n’avait pas montré les objectifs au fonctionnaire avant le 14 juin 2010. Ils avaient parlé de son plan d’apprentissage individuel en mai 2010 et il se peut qu’ils aient discuté de son rendement par rapport aux objectifs dans le plan d’apprentissage individuel. Je note que le plan d’apprentissage individuel indique qu’il a été approuvé le 21 mai 2010.

[159] La partie de l’objectif no 2 (règles de procédure) concernant l’objectif d’apprentissage faisait référence aux objectifs personnalisés du document intitulé « Objectifs généraux 2009-2010 [sic] ». En ce qui a trait à l’élément d’apprentissage par les pairs dans l’objectif no 4 (atteinte d’autonomie), Me Lessard a dit que cela pouvait varier; cela pouvait être fait par le coaching ou la consultation des chefs d’équipe ou des collègues. En mai 2010, lorsque le fonctionnaire a entré ses objectifs dans le système, Me Lessard lui avait désigné 4 ou 5 avocats différents comme personnes-ressources. À partir de la mi-juillet 2010, la grande majorité de son apprentissage par les pairs se faisait par Me Zolia et Me Lessard avait des discussions régulièrement avec ce dernier. Me Zolia avait des inquiétudes concernant l’évaluation du rendement et elle lui a dit qu’il n’avait pas à faire d’évaluation.

[160] Me Zolia n’a pas participé à l’évaluation de mi-exercice du fonctionnaire. Me Lessard l’a rédigée et ne l’a jamais montrée à Me Zolia. Il n’a pas participé à la rencontre avec le fonctionnaire du 2 novembre 2010 et Me Lessard ne croit pas qu’il était présent le 20 décembre 2010. Me Lessard n’a eu que sa rétroaction de ce qu’il a observé et elle a observé d’autres aspects elle-même.

[161] Me Lessard a été renvoyée à des notes de Me Zolia (pièce E-1, onglet 20) et elle a dit que c’était le genre de document qu’il lui remettait. Elle s’est basée entre autres sur les documents de ce genre pour l’évaluation du fonctionnaire. Elle n’a pas discuté de l’évaluation avec Me Zolia après l’avoir présentée au fonctionnaire. Au début de l’emploi du fonctionnaire, Me Lessard a dit au fonctionnaire qu’il pouvait observer des audiences. Le cours d’une semaine en techniques de plaidoirie auquel le fonctionnaire a assisté était considéré comme la formation la plus complète au Québec. À son retour, Me Lessard lui a demandé ses commentaires et il a répondu qu’il était bon de se faire rappeler les principes qu’on connaissait. Ce n’était pas la réponse donnée par les autres avocats qui avaient assisté au cours. Me Lessard n’a pas demandé à Me Zolia de se prononcer sur l’autonomie du fonctionnaire à la Cour canadienne de l’impôt car elle voulait former sa propre opinion. Le rôle de Me Zolia était de lui faire part des manquements qu’il avait observés.

[162] À un certain moment, Me Zolia a dit à Me Lessard qu’il avait confié une recherche au fonctionnaire et il lui avait suggéré que le travail du fonctionnaire se limite à faire de la recherche pour les autres avocats. Elle lui a répondu qu’il n’y avait pas de poste de recherche. Me Lessard avait exprimé au fonctionnaire qu’il comprenait la fiscalité, ce qui était une de ses forces. Elle voyait aussi qu’il était à l’aise avec l’informatique. Toutefois, elle a pu constater qu’une de ses lacunes était d’appliquer ses connaissances aux faits. Il présentait les faits sous un éclairage discutable pour appuyer sa plaidoirie. Ce n’est pas le but des procureurs du ministère de la Justice de se rendre à la cour pour gagner à tout prix.

[163] Le fonctionnaire avait de la difficulté à accepter la rétroaction, telle la rétroaction des réviseurs des avis juridiques. La faiblesse du fonctionnaire dans la rédaction des avis juridiques était une des raisons de son renvoi en cours de stage. Le fonctionnaire n’était pas capable d’appliquer ses connaissances aux faits. À la question s’il était possible de ne pas confier d’avis juridique au fonctionnaire, Me Lessard a répondu que tous les avocats doivent en faire.

[164] À la question où sont mentionnés les avis juridiques dans le document des objectifs généraux, Me Lessard a indiqué les objectifs « communiquer » et « compétence reliée à la prestation de services de qualité », et a mentionné que les objectifs s’appliquent à tous les avocats. Elle a dit que le fonctionnaire aurait dû prendre connaissance de la description de travail de son poste (pièce E-1, onglet 1) ou venir la voir pour discuter des attentes concernant la rédaction d’avis juridique. Me Lessard a dit que le plan d’intervention ne mentionne pas la rédaction d’avis juridique, probablement parce qu’elle n’avait pas encore reçu un avis du fonctionnaire.

[165] Le fonctionnaire a suivi un cours sur la rédaction d’avis juridique environ un mois avant son renvoi en cours de stage. Cependant, Me Lessard s’est fiée sur des exemples où il ne pouvait pas appliquer le droit aux faits. Bien que le plan d’apprentissage individuel ne mentionne pas la rédaction d’avis juridique, Me Lessard a dit que cela faisait partie des communications claires et était aussi inclus dans le narratif de l’évaluation.

[166] Lors de la rencontre du 2 novembre 2010, MLessard a dit au fonctionnaire que son emploi était en jeu. À la question où cela est mentionné dans l’évaluation, elle a répondu que cela n’était pas prévu dans le formulaire et que c’est pour cela qu’elle lui en avait fait part verbalement.

[167] Me Lessard a dit qu’après le renvoi en cours de stage du fonctionnaire, elle a fait un autre narratif. Il lui a été suggéré que, pour chaque employé, on devait faire deux évaluations par année et avoir des discussions et donner de la rétroaction concernant le rendement entre les évaluations. Le fonctionnaire a reçu de la rétroaction continue et elle comprenait que cela était suffisant.

[168] Concernant le dossier de l’enseignant non représenté mentionné dans la section du narratif sur l’éthique et les valeurs, Me Lessard a dit que lorsque le fonctionnaire voulait conseiller le contribuable de se désister de la question de la pénalité, elle lui a dit ne pas le faire. Ensuite, il lui a demandé s’il pouvait recommander au contribuable de se désister de tout le dossier. À la question qu’outre cet incident, est-ce que le fonctionnaire était soucieux d’observer le code de conduite, Me Lessard a répondu qu’elle le présumait.

[169] Dans le cas du contrat d’hypothèque légale, Me Lessard a dit que le fonctionnaire était soucieux de ne pas signer de document pour lequel il avait une incertitude.

[170] Me Lessard a été renvoyée au jugement partiellement défavorable à l’Agence pour lequel le fonctionnaire devait préparer une recommandation. Dans le dossier en question, le fonctionnaire n’a pas suivi les conseils d’une avocate d’expérience qui lui avait suggéré de régler l’affaire. Me Lessard a pris pour acquis que le conseil de l’avocate était bien fondé.

[171] Me Lessard a été renvoyée à l’événement du dossier dans lequel le fonctionnaire voulait se servir d’une disposition législative pour déposer un document en preuve sans témoin pendant l’audience. Me Lessard a dit que c’était un événement marquant pour elle parce que deux avocates lui avaient dit qu’il fallait déposer le document avec témoin et qu’il n’avait pas suivi leur conseil. Le fonctionnaire n’a pas aimé la rétroaction de Me Landry pendant la pause du midi et il a quitté abruptement. La discussion état intense et Me Landry lui a dit qu’il lui fallait un témoin. Il n’a pas indiqué qu’il avait un appel à faire. Le lendemain de la discussion, le fonctionnaire a dit à Me Lessard qu’il n’avait pas aimé la rétroaction de Me Landry.

[172] À la question si, selon le mode d’apprentissage par les pairs, elle prenait pour acquis que toutes les instructions venant d’avocats mentors étaient bonnes, Me Lessard a répondu dans l’affirmatif s’ils avaient les bonnes informations. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle était intervenue dans le travail du fonctionnaire pour Me Payette dans le dossier d’appel, Me Lessard a répondu que Me Payette lui avait dit que la recherche confiée au fonctionnaire n’était pas amorcée parce qu’il insistait sur un point de droit qui n’avait pas été soulevé en première instance. Le fonctionnaire n’a pas nié avoir privilégié cet argument auprès de Me Payette.

[173] Lorsqu’on lui a suggéré que le fonctionnaire avait proposé un autre point parce que sa recherche n’avait donné aucun résultat, Me Lessard a répondu que Me Payette ne lui avait pas dit cela. Le fonctionnaire lui avait dit que, même s’il n’y avait pas de preuve en première instance, l’argument pouvait être fait en appel. Il n’était pas ouvert à la rétroaction. C’était une des fois où Me Lessard avait l’impression que ses commentaires ne passaient pas. Si le fonctionnaire ne pouvait la convaincre de son point, il fallait qu’il accepte sa rétroaction.

[174] À la question s’il pouvait arriver que le ton monte, Me Lessard a répondu que le fonctionnaire parlait d’un ton calme mais que cela était possible.

[175] La décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage a été prise avant le 31 mars 2011. Le fonctionnaire a remis l’avis juridique le 28 mars 2011, mais la décision avait été prise.

[176] À la question quels faits avaient milités en faveur du renvoi en cours de stage, Me Lessard a dit qu’elle avait revu les avis juridiques, le consentement à jugement, les incidents avec la parajuriste et l’adjointe du fonctionnaire, ses vacations à la Cour canadienne de l’impôt avec Me Zolia et elle-même ainsi que ce qu’elle avait relaté dans son témoignage en chef. À la question pourquoi cela n’avait pas été mentionné dans la lettre de renvoi, Me Lessard a dit que les Ressources humaines l’avaient conseillée pour la rédaction de la lettre.

[177] Me Lessard a lu le grief du fonctionnaire parce qu’après son renvoi en cours de stage, il a envoyé un courriel à plusieurs personnes qui incluait une partie du grief.

[178] Concernant l’audition sur preuve commune, le fonctionnaire n’a pas expliqué à Me Lessard qu’un avocat du bureau lui avait conseillé de verser la preuve d’un dossier dans l’autre afin d’exclure un des témoins. S’il lui en avait fait part, elle lui aurait dit que l’avocat de l’autre partie aurait pu s’opposer à la demande d’exclusion. De plus, il n’était pas clair que le témoignage de la vérificatrice avait été versé dans le deuxième dossier. À la question si la décision de licencier le fonctionnaire pendant la période de son stage aurait été différente si le fonctionnaire lui avait dit qu’il avait agi sur les conseils d’un avocat du bureau, Me Lessard a répondu qu’elle aurait été la même. Elle était présente à l’audience et il y avait d’autres manquements.

[179] L’incident avec l’adjointe du fonctionnaire concernant la réservation d’hôtel a eu lieu entre novembre 2010 et le renvoi en cours de stage du fonctionnaire, donc après l’évaluation pour la période du 1er avril au 30 septembre 2010. Cela a fait partie de la rétroaction verbale comme pour tous les avocats.

[180] En ré-interrogatoire, Me Lessard a dit que le narratif annexé à l’évaluation de mi-exercice du rendement du fonctionnaire détaillait les lacunes du fonctionnaire.

2. Me Zolia

[181] Admis au Barreau en 1998, Me Zolia travaille à la Direction des affaires fiscales depuis 2000. Pendant deux ans, il a fait une maîtrise. Son travail consiste à 95 % de litige devant la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale. En ce qui a trait à son expérience en coaching, il a dit qu’au moment des faits, il y avait des tandems d’avocats d’expérience avec des avocats juniors et il y a souvent participé. Il a aussi coaché des étudiants de cégep en débats oratoires.

[182] Me Zolia a tenu à faire deux mises en garde : premièrement, quand il a été appelé à témoigner, il ne se souvenait que de peu de choses. Il n’avait pas gardé de document, donc il ne pouvait faire référence qu’aux documents déposés en preuve. Deuxièmement, il se trouve dans une position délicate car il avait une bonne entente avec le fonctionnaire.

[183] En 2010, Me Lessard, son chef d’équipe, l’a approché pour faire le coaching du fonctionnaire pour des audiences à venir ainsi que pour des actes de procédure qu’il devait rédiger, telles des réponses à des avis d’appel. Me Zolia a dit que son coaching avait commencé en juillet 2010 et il croyait, sans certitude, qu’il avait duré trois mois. Il n’y avait pas eu de rencontre formelle avec le fonctionnaire et Me Lessard. Cela s’est passé comme les autres cas de coaching qu’il avait fait avec un peu plus de détails reçus de Me Lessard.

[184] Me Zolia a expliqué le processus d’appel comme suit. L’Agence établit une nouvelle cotisation qui corrige la cotisation initiale et qui n’est pas toujours favorable au contribuable. Le contribuable peut faire un appel administratif à l’intérieur de l’Agence et, s’il n’est pas satisfait, peut déposer un avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt. Le dossier est alors transféré au ministère de la Justice par l’Agence. Le délai pour répondre à un avis d’appel est de 60 jours et peut être prolongé.

[185] Le rôle de Me Zolia était de répondre aux questions du fonctionnaire, revoir les écrits destinés à la Cour canadienne de l’impôt et assurer le respect des délais. Me Lessard a dit que le fonctionnaire avait de la difficulté avec le respect des délais et les normes de l’Agence. Le projet de réponse à un avis d’appel doit être envoyé au Bureau des litiges de l’Agence 10 jours ouvrables avant la date de dépôt au greffe de la Cour canadienne de l’impôt.

[186] Me Zolia a été informé que le fonctionnaire avait rencontré certaines difficultés de procédure pendant une audience. Me Lessard a demandé à Me Zolia d’assister aux audiences, de prendre des notes et de fournir de la rétroaction au fonctionnaire.

[187] Me Zolia crois qu’il a été choisi parce qu’il a une bonne entente avec tout le monde au bureau et avec les plus jeunes. De plus, son bureau était près de celui du fonctionnaire, ce qui facilitait l’interaction.

[188] Me Zolia a assisté à deux audiences du fonctionnaire. Ses notes manuscrites de six pages du 22 septembre 2010 (pièce E-1, onglet 20) portaient sur la première audience. Le dossier concernait l’assurabilité d’un employé en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (L.C. (1996), ch. 23), qui est de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt. Le jugement a été rendu sur le banc.

[189] Dans ses notes, Me Zolia a inclus les faits de la preuve pour lui permettre de conseiller le fonctionnaire pendant une pause de l’audience. Les trois premières pages des notes sont des critiques du travail du fonctionnaire. Cela faisait partie du coaching pour corriger les problèmes du fonctionnaire pendant l’audience. Pour compenser l’effet négatif des critiques, Me Zolia avait noté « bien présenté au début ». Il a dit qu’une des forces du fonctionnaire était son bon rythme de plaidoirie. Il a remis une copie de ses notes au fonctionnaire après discussion et une copie à Me Lessard.

[190] Une des choses qui a le plus marqué et surpris Me Zolia était que le fonctionnaire avait remis au témoin de l’Agence un cahier incluant les pièces et les autorités. Ils n’en ont pas parlé avant l’audience parce que Me Zolia n’entrevoyait pas un tel problème. Les règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt indiquent que les pièces doivent être déposées une à une séparément de la jurisprudence. Me Zolia a dit qu’il coachait un professionnel, avocat et ingénieur et il ne croyait pas que son rôle allait jusqu’à vérifier la connaissance des règles de preuve. Il en a longuement discuté avec le fonctionnaire et cela ne s’est pas reproduit.

[191] Selon Me Zolia, en fonction des deux audiences auxquelles il avait assisté, il est juste de dire qu’en matière de présentation à la Cour canadienne de l’impôt, le fonctionnaire avait beaucoup de réelles lacunes. Me Zolia a discuté de toutes ces lacunes avec le fonctionnaire. Il a noté que les questions posées par le fonctionnaire étaient anormalement longues – près d’une minute. De plus, en posant des questions au témoin, il utilisait des mots que le témoin n’avait jamais dits. Me Zolia a dit que, pour chaque élément qui lui semblait très grave, par exemple la mise en preuve des pièces, des règles élémentaires que tout avocat est censé connaître étaient en jeu. Me Zolia tentait cependant de rétablir l’équilibre de sa rétroaction en soulignant aussi ce qui était bon dans la prestation du fonctionnaire.

[192] À la Cour canadienne de l’impôt, il faut toujours se lever en s’adressant au juge. Le fonctionnaire ne l’a pas fait, ce que Me Zolia a attribué à la nervosité. Toutefois, il a encore oublié de se lever pendant la deuxième audience à laquelle Me Zolia a assisté.

[193] Parmi ses notes dignes de mention, Me Zolia a dit que le fonctionnaire avait une difficulté avec la plaidoirie. Selon Me Zolia, la plaidoirie, ou à tout le moins la théorie de la cause, doit être préparée par écrit avant l’audience. Il a noté que l’application du droit aux faits était déficiente; le fonctionnaire avait du mal à faire le lien entre le droit et les faits. Ce n’est pas le droit qui posait le problème au niveau du litige. Lorsqu’il a discuté de l’application du droit aux faits avec le fonctionnaire dans son rôle de coach, Me Zolia a mentionné les bons points. Il lui a dit que le droit était une de ses forces, mais qu’il devait mieux préparer et interpréter les faits. À une occasion, Me Zolia a discuté avec Me Lessard de la possibilité que le fonctionnaire, qui détenait une maîtrise en fiscalité, fasse plus de droit sur les questions techniques et moins de litige.

[194] La deuxième audience à laquelle Me Zolia a assisté a eu lieu vers la fin octobre 2010. Il s’agissait d’un dossier de revenus non déclarés qui relevait d’une de deux possibilités : soit que les revenus n’étaient pas déclarés, soit qu’il y avait trop de dépenses. Le cas en était un de procédure informelle. Les notes manuscrites de Me Zolia (pièce E-1, onglet 22) indiquent que la préparation était approximative, ce qui avait déjà été discuté. Avant l’audience, Me Zolia a posé des questions au fonctionnaire, entre autres concernant la théorie de la cause, et le fonctionnaire ne s’est pas bien tiré d’affaire.

[195] Le fonctionnaire a demandé une remise de l’audience en raison de l’absence d’un témoin, soit l’ex-amie du contribuable. Me Zolia a dit qu’avant de demander une remise, il devait considérer les enjeux, dont les témoins qui ont été appelés et le coût de préparation du dossier. Il lui semblait que le témoin absent était assez détaché de la situation. Les notes indiquent qu’il faut tenir compte du fardeau de la preuve pour considérer la remise. Me Zolia a expliqué que, lorsque l’Agence se penche de nouveau sur une cotisation et sur une déclaration de revenus à l’intérieur de trois ans et qu’elle cotise de nouveau le contribuable, l’ensemble des faits sur lesquels se base l’Agence sont tenus pour acquis pour les appels subséquents.

[196] Lorsqu’on considère une remise, une des questions est si l’appelant peut renverser les présomptions de fait de l’Agence sans la présence du témoin. L’absence du témoin a fait l’objet d’une discussion à la Cour canadienne de l’impôt, mais pas clairement. L’appelant était arrivé à l’audience avec des lettres du témoin absent et elles ont été déposées en preuve sans objection qu’il s’agissait de ouï-dire.

[197] Me Zolia a aussi noté que le fonctionnaire avait fait une objection sans en formuler les motifs. De plus, il y avait un manque de clarté entre les pièces pour la preuve et la plaidoirie; le fonctionnaire a déposé des pièces qu’il avait lui-même préparées alors qu’elles auraient dû être préparées par son témoin de l’Agence.

[198] Me Zolia croyait que pour cette audience, il avait fortement suggéré au fonctionnaire que ses questions soient écrites.

[199] Me Zolia a noté que, dans sa plaidoirie, le fonctionnaire était confus sur le traitement des montants en jeu. Aussi, il utilisait des expressions qui laissaient entendre que l’appelant mentait dans sa déclaration de revenus. Me Zolia a dit qu’il ne fallait pas aller dans cette direction après avoir entendu le témoignage sympathique de l’appelant. Il devait faire preuve de jugement et ne pas s’attaquer à l’appelant alors que son témoignage était crédible. Il faut utiliser d’autres techniques, par exemple le fardeau de la preuve, qui est de base, car les faits sont tenus pour acquis. Le fonctionnaire n’avait pas rappelé à l’appelant son fardeau de la preuve. De plus, le fonctionnaire n’a pas mentionné le droit dans sa plaidoirie.

[200] Me Zolia a témoigné que la prestation du fonctionnaire l’avait déçu, car un mois s’était écoulé depuis la première audience à laquelle il avait assisté et il en avait discuté à fond avec le fonctionnaire. Après la deuxième audience, Me Zolia a revu ses notes avec le fonctionnaire. Il était dans un rôle constructif et il ne savait pas s’il avait fait paraître sa déception.

[201] Les relations entre le fonctionnaire et Me Zolia sont demeurées cordiales après le coaching.

[202] Me Zolia a dit qu’après le renvoi en cours de stage du fonctionnaire le 31 mars 2011, qui l’avait surpris, le fonctionnaire l’a appelé et il voulait le rencontrer, ce que Me Zolia a accepté. Ils se sont rencontrés dans un café. Le fonctionnaire était déçu de la décision et Me Zolia a essayé d’être positif et il lui a dit qu’il avait des forces sur le plan technique.

[203] Ce qui a dérangé Me Zolia par la suite c’est que le fonctionnaire avait envoyé un courriel au directeur et au directeur adjoint du Bureau des litiges de l’Agence dans lequel il a critiqué le ministère de la Justice. Le fonctionnaire a été très gentil à l’égard de Me Zolia, mais plus dur à l’égard d’autres collègues, dont Me Lessard. Me Zolia a dit qu’encore une fois, il a constaté ce que le fonctionnaire faisait à la Cour canadienne de l’impôt, soit de mettre des mots dans la bouche de Me Zolia, notamment qu’il avait été choqué par son départ. Me Zolia a dit que si, par le mot « choqué », le fonctionnaire voulait dire « surpris », cela est correct; mais s’il voulait dire que Me Zolia était fâché, la réponse est non.

[204] L’autre chose qui a dérangé Me Zolia est que le fonctionnaire a utilisé des commentaires positifs qu’il lui avait faits pendant leurs discussions. Le fonctionnaire avait des côtés qui étaient bons mais il était injuste envers d’autres avocats du bureau qui sont très forts sur le plan technique. Me Zolia a dû se justifier et il a transféré le courriel à Me Lessard. Cela lui a laissé un goût amer. N’eût été de cela, il aurait été intéressé à avoir des nouvelles sur la carrière du fonctionnaire et peut-être à le revoir.

[205] En contre-interrogatoire, Me Zolia a dit qu’il n’avait pas participé à l’élaboration du plan d’intervention du fonctionnaire. À la question si son coaching était seulement avec ceux qui ont des problèmes, Me Zolia a répondu « non », et qu’il coache des avocats qui commencent selon une méthode similaire à celle qu’il a utilisée avec le fonctionnaire. Son style de coaching est fondé sur l’observation, ses 12 ans d’expérience comme avocat en litige ainsi que son expérience en concours oratoires.

[206] Avant le coaching, les relations de Me Zolia avec le fonctionnaire étaient toujours très bonnes. Le seul élément qui l’a refroidi était le courriel du fonctionnaire après son renvoi en cours de stage.

[207] Me Zolia ne se souvenait pas s’il avait eu une rencontre avec le fonctionnaire et Me Lessard concernant l’application du plan d’intervention ni après la signature du plan. Toutefois, dans le cadre du plan, il a rencontré le fonctionnaire le lundi 19 juillet 2010 pour préparer la réponse à un avis d’appel et parler. Le projet de réponse à l’avis d’appel devait être remis à l’Agence 10 jours ouvrables avant le dépôt à la Cour canadienne de l’impôt. Ce délai n’avait pas été respecté, mais la réponse à l’avis d’appel n’a pas été déposée en retard à la Cour.

[208] Le rôle de Me Zolia comme coach était d’aider le fonctionnaire à s’améliorer, et de tenter de lui transmettre son expérience et de corriger les problèmes. Il n’a pas participé aux évaluations du rendement du fonctionnaire et il ne savait pas si ses notes avaient été utilisées à cette fin.

[209] Lorsqu’on lui a suggéré qu’il prenait beaucoup de notes pendant qu’il observait les audiences du fonctionnaire, Me Zolia a répondu qu’il observait comme quelqu’un qui en a l’expérience. Il relevait les problèmes et aussi les bons coups et les passait en revue avec le fonctionnaire. Certaines choses ont été discutées pendant l’audience, d’autres après l’audience ou au bureau. Me Zolia abordait les questions très importantes, par exemple le fait de poser une question qui dure une minute est une mauvaise pratique. Me Zolia ne se souvenait pas s’il avait eu des commentaires du fonctionnaire lorsqu’il soulevait un point.

[210] À la question pourquoi, à la lumière de ses observations, il était surpris que le fonctionnaire n’ait pas été retenu à la fin de son stage, Me Zolia a répondu que c’était parce que personne ne lui en avait parlé. Selon lui, il s’agissait de la première fois que quelqu’un avait été renvoyé en cours de stage à la Direction des affaires fiscales.

[211] À la suggestion qu’il avait observé une amélioration chez le fonctionnaire, Me Zolia a répondu « oui et non ». Au cours de la deuxième audience à laquelle Me Zolia a assisté, le fonctionnaire n’a pas mélangé les pièces avec la jurisprudence, mais Me Zolia était déçu qu’il avait répété plusieurs choses dont il avait discuté avec le fonctionnaire après la première audience. Une des choses importantes était que la préparation du fonctionnaire lui semblait approximative.

[212] À la question de savoir si, sans ses notes, il se serait souvenu de la préparation approximative du fonctionnaire, Me Zolia a répondu que, de manière générale, il aurait pu répondre que le fonctionnaire devait beaucoup s’améliorer.

[213] À la question si, compte tenu des améliorations, il croyait que le fonctionnaire était devenu autonome, Me Zolia a dit qu’il ne pensait pas qu’il était entièrement autonome pour faire du litige. S’il avait son propre cabinet, il n’aurait pas laissé le fonctionnaire plaider pour un client. Me Zolia a reconnu que son opinion valait pour octobre 2010 alors qu’il a terminé son rôle de coach. De plus, Me Zolia a reconnu ne pas avoir partagé cette opinion avec le fonctionnaire.

[214] Quant à la demande de remise, il fallait exposer au juge les difficultés causées par l’absence du témoin car on pouvait en déduire qu’il manquerait un élément essentiel touchant le fardeau de preuve en appel. Il est possible que le fonctionnaire ait demandé la remise parce que Me Zolia avait noté que les arguments n’étaient pas faits clairement, ce qui laisse entendre que la demande avait peut-être été faite mais pas clairement.

[215] Me Zolia a été renvoyé à son témoignage qu’il avait fortement recommandé au fonctionnaire d’avoir des questions écrites et qu’il l’avait rencontré avant la deuxième audience à laquelle Me Zolia a assisté pour voir si la préparation avait été faite. Il a répondu qu’il s’agissait plus d’une discussion que d’une vérification, par exemple pour les questions en litige et les témoins. Après la première audience, Me Zolia avait dit au fonctionnaire de passer à son bureau pour n’importe quelle question. À la fin de la rencontre préparatoire à la deuxième audience, il a constaté que la préparation était approximative. Il croyait que des questions écrites avaient été préparées. Selon Me Zolia, ils ont eu une discussion et il y avait beaucoup de choses à revoir. Il ne se souvient pas s’il a rencontré le fonctionnaire le vendredi précédant l’audience du lundi, mais tout a été soulevé avant l’audience.

[216] À la question si son impression que la préparation du fonctionnaire était approximative était due au fait que la préparation avait été faite en français alors que l’audience s’était déroulée en anglais, Me Zolia a répondu qu’il ne savait pas dans quelle langue le fonctionnaire préparait ses dossiers. Me Zolia n’a pas participé à la préparation car on n’affecte pas deux avocats à un dossier. Ce n’était pas son mandat de préparer le dossier pour le fonctionnaire du début à la fin.

[217] Me Zolia a été renvoyé à ses notes de la deuxième audience à laquelle il a assisté concernant l’Option C, et on lui a demandé pourquoi il avait indiqué « arrogant un peu ». Il a expliqué que, dans les causes d’impôt les plus fréquentes, on dépose en preuve la déclaration de revenus du contribuable. Il arrive que l’Agence ne dispose pas de l’original de la déclaration ou que le contribuable ait soumis la déclaration électroniquement. Les montants dans la déclaration de revenus sont disponibles dans un formulaire intitulé « Option C », qui est un résumé de la déclaration de revenus.

[218] Pendant la deuxième audience à laquelle Me Zolia a assisté, le fonctionnaire a déposé en preuve l’Option C de l’appelante ou de son conjoint et il a utilisé le terme « mystérieux »; selon Me Zolia, cela lui semblait arrogant. Me Zolia a dit que la remarque du fonctionnaire était inappropriée, car il s’agit d’un document déposé dans tous les litiges de cotisation fiscale et la Cour canadienne de l’impôt est familière avec ce document, mais peut-être pas l’appelant. Lorsqu’on lui a suggéré que c’était son interprétation, Me Zolia a répondu que ce l’était, c’est ce qu’il avait vu et peut-être ce qu’il avait aussi vu sur le visage du juge.

C. Contre-preuve

1. Mme Marion

[219] À l’époque, Mme Marion occupait le poste de directrice aux Opérations en ressources humaines et Services aux clients au sein du ministère de la Justice. Elle a été assignée à comparaître à l’audience devant moi par le fonctionnaire afin de produire des documents relatifs à Me Tardif, dont les suivants : la lettre de nomination de Me Tardif au poste qu’elle occupait du 1er décembre 2010 au 30 mai 2011 et la classification du poste; le relevé de ses formations et les documents constatant la formation indispensable nécessaire avant que des pouvoirs ne lui soient délégués; et l’acte de délégation de pouvoir.

[220] Le fonctionnaire n’a pas contesté les pouvoirs délégués à Me Tardif, qu’elle avait le droit d’exercer conformément à la LEFP. Par conséquent, j’estime qu’il n’y a pas lieu à résumer le témoignage de Mme Marion pour les fins de cette décision.

2. Le fonctionnaire

[221] Le fonctionnaire n’a jamais vu la description de travail de son poste (pièce E-1, onglet 1) pendant son emploi. Il l’a obtenu par demande d’accès à l’information après son licenciement.

[222] Concernant son échange de courriels avec Me Lessard le 7 mai 2010 (pièce E-1, onglet 8) ayant trait aux directives de rédaction pour la réponse à un avis d’appel, le fonctionnaire a dit qu’il pensait qu’il s’agissait d’un dossier de Me Bélec et qu’il avait signé la réponse à l’avis d’appel pour elle. Selon le fonctionnaire, la réponse à l’avis d’appel était conforme aux directives, sauf que Me Bélec avait combiné en un paragraphe ce qui était normalement en deux paragraphes.

[223] En ce qui a trait à son travail avec Me Payette, le fonctionnaire était dans son bureau alors que Me Lessard est passée dans le couloir et lui a demandé sur quoi il travaillait. Elle se tenait dans le cadre de la porte du bureau pendant la discussion. Il lui a dit qu’il travaillait sur un appel et qu’il lui semblait qu’il y avait une question d’intérêt qui n’avait pas été soulevée en première instance, mais qui lui semblait utile d’utiliser dans le cadre de l’appel. Quand Me Lessard lui a dit qu’on ne pouvait faire cela, il a répondu que selon ses recherches, cela était possible si la preuve nécessaire était déjà dans le dossier de première instance. Me Lessard est partie et le fonctionnaire n’en a plus entendu parler.

[224] Le fonctionnaire a abordé le sujet du jugement partiellement défavorable à l’Agence pour lequel il devait préparer une recommandation. Dans le dossier en question, le fonctionnaire n’a pas suivi les conseils d’une avocate d’expérience qui l’avait accompagné à l’audience et qui lui avait conseillé de régler le dossier. Le fonctionnaire a dit qu’il avait tenté de régler le dossier mais le contribuable ne voulait pas. Le fonctionnaire avait communiqué avec le contribuable par lettre le 3 mai 2010, soit deux jours avant l’audience qui a eu lieu le 5 mai 2010. La lettre demandait au contribuable des pièces justificatives attestant que le montant qu’il avait emprunté avait servi à faire un investissement. Selon le fonctionnaire, si le contribuable lui montrait que sa prétention était justifiée, il était prêt à régler sur le montant en question. Le fonctionnaire a dit que le juge avait fait part au contribuable que ce qui était dans la lettre était raisonnable. L’audience a été suspendue pendant que le contribuable est allé chercher ses pièces justificatives.

[225] Concernant le dossier pour lequel il avait été accompagné à la Cour canadienne de l’impôt par Me Landry le 28 juin 2010 et le fait qu’il avait tenté de déposer un document sans témoin, le fonctionnaire a dit que Me Landry était intervenue pendant l’audience pour le tirer d’embarras et elle avait demandé une suspension de l’audience. En sortant de l’audience, elle lui a dit d’appeler immédiatement au Bureau des litiges pour réserver la présence du témoin requis. Quand le fonctionnaire lui a demandé d’emprunter son téléphone de fonction, elle s’est fâchée et elle lui a dit qu’il était irresponsable de se présenter à l’audience sans téléphone de fonction. Il a répondu que le bureau ne fournissait pas de téléphone aux nouveaux avocats. Elle lui a passé son téléphone et il a fait l’appel pour assurer la présence du témoin.

[226] De retour au bureau, il a eu une discussion avec Mes Lessard et Landry. Il leur a expliqué qu’il avait un suivi téléphonique à faire pour assurer la présence du témoin et qu’il ne pouvait pas s’éloigner de son téléphone trop longtemps. Elles ont compris et il a quitté la réunion. Il n’aurait jamais quitté abruptement. La première fois qu’il a entendu Me Lessard s’en plaindre était pendant son témoignage.

[227] Le fonctionnaire a abordé sa remarque à Me Lessard au retour du cours d’une semaine en techniques de plaidoirie à savoir qu’il était bon de se faire rappeler les principes qu’on connaissait. Le fonctionnaire a dit qu’à son retour, Me Lessard lui avait demandé comment s’était passé le cours et la rencontre a duré environ 20 minutes. Il lui a parlé d’une anecdote concernant la formation qui provenait d’un discours d’accueil d’un juge qui avait dit que l’exercice était basé sur des notions simples que tous les avocats connaissent mais qui sont mal intégrées même par des avocats d’expérience. Le fonctionnaire a dit à Me Lessard qu’il avait trouvé l’exercice très bon et, qu’effectivement, cela avait fait du bien de se faire rappeler les notions que tout le monde connaît. Dans son témoignage, Me Lessard a mentionné un extrait hors contexte alors qu’il s’agissait des propos qu’il rapportait à la lumière d’une anecdote.

[228] Le fonctionnaire a abordé le dossier de l’enseignant non représenté pour lequel Me Lessard lui avait reproché d’avoir soulevé la question s’il pouvait lui recommander de se désister de son appel. Le fonctionnaire a témoigné que Me Lessard lui avait dit qu’il aurait à répondre à une demande de remise par l’enseignant mais que de mémoire, elle n’a pas référé au dossier par le nom de l’enseignant. Il a dit qu’à l’époque, Me Lessard ne lui avait pas fait les reproches qu’elle a fait en témoignant. Cependant, je note qu’en ce qui a trait au témoignage de Me Lessard concernant l’enseignant non représenté, elle n’a pas fait référence à une demande de remise de sa part, mais seulement à la question soulevée par le fonctionnaire, à savoir recommander au contribuable qu’il se désiste de son appel.

[229] Me Lessard avait reproché au fonctionnaire d’avoir causé de la peine à son adjointe en la blâmant pour le coût de la chambre d’hôtel plus cher que prévu. Le fonctionnaire a dit que sur l’itinéraire pour le voyage en question (pièce M-1, onglet 53), il n’était pas indiqué et son adjointe ne lui a pas dit qu’il fallait arriver à l’hôtel avant 17 h, puisqu’il n’avait pas de carte de crédit pour garantir la réservation. Comme il est arrivé après 17 h et que la chambre avait été offerte à une autre personne, il a dû payer pour une chambre à taux plus élevé.

[230] Au retour du voyage, le fonctionnaire a communiqué avec le service des finances pour savoir comment remplir une demande de remboursement et on lui a dit de joindre une justification pour le taux plus élevé. Il a préparé la justification lui-même sur laquelle il avait indiqué « Réservation faite sans carte de crédit […] » suivi de sa note manuscrite et paraphée et il a ajouté « par mon adjointe ». Sa demande de remboursement pour l’excédent du prix autorisé de la chambre a été refusée. Le fonctionnaire a rencontré Me Lessard dans son bureau avec porte fermée et il lui a expliqué le contexte. Cela a permis le remboursement de l’excédent.

[231] Concernant le cadeau de Noël pour son adjointe, le fonctionnaire a dit que Me Lessard lui avait mentionné lors de discussions que son adjointe se sentait gênée face à lui et qu’elle ne savait pas comment l’aborder et briser la glace. Son bureau était loin de celui de son adjointe et il avait peu de contacts avec elle. Ce que Me Lessard lui disait lui semblait plausible. Le fonctionnaire a dit à Me Lessard que les gens font des cadeaux de Noël et qu’il allait en donner un beau à son adjointe pour casser la glace.

[232] Concernant l’audition des dossiers sur preuve commune le 31 janvier 2011, le fonctionnaire a dit que dans son témoignage, Me Lessard avait dit que les témoignages dans le premier dossier n’avaient pas été versés dans le deuxième dossier. Le fonctionnaire a renvoyé aux procès-verbaux de l’audience (pièce M-1, onglet 54) et il a noté qu’ils étaient les mêmes pour les deux dossiers. Il a souligné que les procès-verbaux indiquent que la « […] procureure des appelants […] demande que la preuve dans le [dossier no 1] soit versé dans le [dossier no 2] ». Le fonctionnaire a dit qu’il avait parlé à l’avocate des appelants avant l’audience et qu’ils s’étaient entendus sur cette façon de procéder. Cela est indiqué dans la transcription partielle de l’audience (pièce M-7). Il y a donc eu une seule preuve pour les deux dossiers sans faire jonction de causes.

[233] Le fonctionnaire a fait référence au témoignage de Me Lessard concernant un consentement à jugement dans lequel il ne renvoyait pas aux articles de la LIR, mais seulement à des lignes dans la déclaration de revenus, ce qui ne veut rien dire en termes juridiques. Le fonctionnaire a dit que Me Lessard n’avait pas nommé le dossier et qu’il n’avait pas fait beaucoup de dossiers de consentement à jugement. Il a trouvé un dossier de consentement à jugement dans lequel il avait travaillé et qui incluait les articles de la LIR (pièce M-1, onglet 55). Le fonctionnaire a dit qu’à l’époque, Me Lessard ne lui avait pas mentionné sa déception avec l’approche qu’il avait suivie.

[234] Concernant le dossier du contrat d’hypothèque légale, selon le fonctionnaire, Me Lessard aurait dit que tous les avocats sont appelés à travailler sur ce genre de dossier. Le fonctionnaire a dit qu’il s’agissait de travail du groupe de perception dans l’équipe de Me Levasseur, et qu’il avait été appelé à travailler sur ce dossier parce qu’ils étaient débordés.

[235] Le fonctionnaire a dit qu’il devait faire une attestation sur le contenu du document dont l’auteur était un représentant de l’Agence et contresigner comme juriste. Il n’était pas à l’aise parce qu’il travaillait en cotisation et qu’il n’avait pas eu de formation en lien avec ce genre de travail. Il s’agissait d’un dossier avec des conséquences énormes pour l’Agence s’il faisait erreur. Le fonctionnaire a dit que Me Lessard avait dit qu’il n’avait pas accepté la position de M. Massenat, le chef d’équipe des parajuristes. Le fonctionnaire a dit que cela n’était pas exact puisque M. Massenat aurait discuté avec la notaire et qu’elle aurait approuvé le contrat, tel qu’il était indiqué dans un courriel de M. Massenat.

[236] Le fonctionnaire a ensuite traité de l’événement pour lequel Me Lessard avait dit au fonctionnaire qu’une parajuriste était en pleurs parce que le fonctionnaire lui avait demandé du travail qu’elle croyait dépasser ses tâches. Dans le dossier en question, soit une entreprise de pêche, il avait reçu du vérificateur de l’Agence une boîte de pièces justificatives dans laquelle il fallait mettre de l’ordre. Le fonctionnaire pensait qu’un étudiant pouvait faire ce travail et il s’est adressé à Me Côté, qui coordonne le travail des étudiants. Elle lui a dit que le travail qu’il proposait n’avait pas de contenu juridique et qu’il ne pouvait pas être donné aux étudiants.

[237] Le fonctionnaire a rencontré M. Massenat pour lui expliquer la tâche et voir si cela convenait à un parajuriste. M. Massenat a désigné une parajuriste et le fonctionnaire lui a expliqué la tâche, qui consistait à aligner les postes avec les années de dépenses pour qu’on puisse s’y retrouver rapidement. Il lui a mentionné qu’il aurait peut-être une rencontre avec l’avocat de la partie adverse et que, dans ce cas, il voulait qu’elle soit présente pour trouver les pièces. Comme il ne savait pas à l’avance quelle pièce il pourrait demander, il fallait un bon classement. La parajuriste a commencé à faire le travail pour quelques jours.

[238] Le fonctionnaire a appris la problématique quand Me Lessard est venue dans son bureau et lui a reproché de s’être déchargé de ses responsabilités professionnelles en disant à la parajuriste qu’elle aurait à être présente lors d’une rencontre avec l’avocat de la partie adverse et qu’elle aurait à répondre à l’avocat. Il a expliqué les circonstances à Me Lessard et ce qu’il avait expliqué à la parajuriste, soit que sa présence était seulement pour trouver les documents, et non pas de répondre aux questions juridiques de la partie adverse. Selon le fonctionnaire, Me Lessard n’a pas répondu.

[239] Ensuite, Me Lessard a reproché au fonctionnaire que le travail était beaucoup trop compliqué pour une parajuriste avec si peu d’expérience. Elle était en période de stage et elle avait peur d’échouer et ne pas avoir sa permanence. Le fonctionnaire a répondu que M. Massenat avait désigné la parajuriste, après quoi Me Lessard a quitté son bureau.

[240] Le fonctionnaire a formulé certains commentaires sur le coaching de Me Zolia. Il a dit qu’il était déçu de l’entendre dire qu’à l’époque, il ne croyait pas que le fonctionnaire puisse aller seul à la Cour canadienne de l’impôt et que, s’il lui avait dit une telle chose, c’était dans le but du coaching pour l’améliorer. Selon le fonctionnaire, Me Zolia lui a dit vers décembre 2010 qu’il avait des choses à apprendre mais qu’il était prêt pour faire du litige et qu’il n’avait pas d’inquiétude. Il était aussi déçu de sa description de leur rencontre après son licenciement.

[241] Concernant la façon dont Me Zolia lui a fourni sa rétroaction, Me Zolia lui a dit qu’il notait beaucoup de choses, de ne pas faire d’insomnie sur chaque item et qu’il voulait observer la direction de son progrès et ne pas avoir à lui répéter les mêmes choses. Quand Me Zolia lui a dit qu’il était prêt à aller seul à la Cour canadienne de l’impôt, dans un sens général, il sentait qu’il progressait à sa satisfaction.

[242] Le fonctionnaire a ensuite formulé des commentaires plus spécifiques concernant le coaching. Il a fait référence aux notes prises par Me Zolia pendant la deuxième audience à laquelle il avait assisté vers la fin octobre 2010 (pièce E-1, onglet 22) concernant sa préparation approximative. Le fonctionnaire a dit que c’était une des premières fois où il avait plaidé avec beaucoup d’affichage de factures. Il a dit qu’il avait préparé le dossier comme un autre avocat pour lequel il avait déjà travaillé dans le passé qui ne vérifiait pas toutes les pièces comme le faisait Me Zolia. Le fonctionnaire a dit qu’il ne discutait pas par la suite avec Me Lessard des mêmes points que ceux de Me Zolia, puisque Me Zolia s’occupait du travail à la Cour canadienne de l’impôt. Selon le fonctionnaire, Me Lessard lui a dit que, s’il rendait Me Zolia content, elle était contente.

[243] Le fonctionnaire a fait des commentaires sur le contenu du narratif annexé à l’évaluation de son rendement de mi-exercice pour la période du 1er avril au 30 septembre 2010. Un des avis juridiques dont il est fait mention concernait une transaction de 150 M$ pour une personne très en vue et le dossier lui avait été confié par Yanick Houle. Le fonctionnaire lui a demandé s’il voulait donner le dossier à quelqu’un comme lui qui venait d’arriver. Me Houle lui a répondu que les principes juridiques sont les mêmes qu’il s’agisse d’un dossier de 100 000 $ ou de 100 M$ et qu’il n’était pas inhabituel qu’on demande à un nouvel avocat un avis juridique dans un tel dossier.

[244] Selon le fonctionnaire, après avoir donné l’avis, Me Lessard lui a dit qu’il y avait eu une erreur et que le dossier n’aurait pas dû lui être confié. Elle pensait qu’on lui avait demandé de ne faire qu’une recherche pour le dossier. Me Lessard lui a suggéré de lire l’avis qui serait rendu par un avocat d’expérience à qui on avait confié ce travail. Le fonctionnaire ne comprenait pas bien pourquoi cela faisait partie de l’évaluation, dans ce qu’il a qualifié d’« éléments à charge ». Selon le fonctionnaire, Me Lessard en a parlé dans son témoignage pour alimenter sa critique contre lui. Il a commencé à parler à Me Lessard d’un autre dossier, celui de l’enseignant non représenté, mais voyant que la situation empirait, il a signé l’évaluation et a quitté.

[245] Cette discussion a eu lieu en décembre 2010 et Me Lessard lui a dit que, s’il était encore là, c’est qu’elle estimait qu’il avait corrigé ce qu’elle trouvait de problématique. Elle l’a encouragé à maintenir son progrès. Me Lessard lui aurait dit que sa recommandation dépendrait de son prochain avis juridique. S’il ne maintenait pas son progrès, elle pourrait considérer plus de facteurs pour rendre une décision favorable ou non dans la prochaine évaluation concernant sa permanence. Le fonctionnaire a dit qu’il n’y avait pas eu d’autre évaluation ni d’autre rencontre et qu’il n’a jamais été traité selon les règles d’évaluation.

[246] En contre-interrogatoire, concernant son échange de courriels avec Me Lessard le 7 mai 2010 (pièce E-1, onglet 8) ayant trait aux directives de rédaction dans la réponse à un avis d’appel, on a demandé au fonctionnaire d’expliquer l’écart du temps entre ce courriel et la date de signature de la réponse à l’avis d’appel le 16 juin 2010. Il a répondu que, de mémoire, il y avait eu une prorogation des délais dans le dossier.

[247] Concernant le dossier d’appel sur lequel il avait travaillé avec Me Payette, le fonctionnaire a été renvoyé à un jugement de la Cour d’appel fédérale (pièce M-1, onglet 49) qui considérait un argument qui n’avait pas été soulevé en première instance. La Cour d’appel fédérale a dit que l’argument pouvait être examiné si toute la preuve pertinente faisait partie du dossier et que la partie opposée n’en subissait aucun préjudice. Le fonctionnaire a dit qu’il avait utilisé le jugement comme principe mais il ne se souvenait pas s’il avait mentionné ce jugement en particulier. À la question s’il avait mentionné à Me Lessard le principe que la partie opposée ne devait pas subir de préjudice, le fonctionnaire a répondu que non; Me Lessard lui a dit que, si l’argument n’avait pas été soulevé en première instance, on ne pouvait le soulever en appel.

[248] Concernant le dossier qu’on lui avait conseillé de régler, le fonctionnaire a été renvoyé à sa lettre au contribuable du 3 mai 2010; on lui a demandé pourquoi elle ne contenait pas d’offre de règlement. Le fonctionnaire a répondu que probablement il avait demandé au contribuable de produire les documents primaires lors d’une discussion téléphonique la veille de l’audience du 5 mai 2010. Ses efforts pour régler consistaient en l’appel téléphonique pour demander des documents.

[249] En ce qui a trait à l’incident du téléphone avec Me Landry, à la question s’il avait pensé à en emprunter un avant de se rendre à la Cour canadienne de l’impôt, le fonctionnaire a répondu qu’il ignorait à l’époque qu’il y avait des téléphones de disponibles pour les avocats.

[250] Concernant l’incident de la chambre d’hôtel, le fonctionnaire a dit qu’il est arrivé à sa destination en fin d’après-midi et qu’avec le voyage en taxi, il est arrivé à l’hôtel après 17 h. Il avait dit à son adjointe que, comme il n’avait pas de carte de crédit pour réserver la chambre d’hôtel, elle devait s’adresser à la personne qui avait réservé le billet d’avion afin de voir si la même procédure pouvait s’appliquer pour la réservation d’hôtel. Elle lui a dit par la suite que cela avait été réglé.

[251] Concernant l’incident avec la parajuriste, le fonctionnaire a demandé à la parajuriste d’assister à la rencontre avec l’avocat de la partie adverse parce qu’il croyait que cela serait plus efficace. À la question s’il avait vu le classement des pièces par la parajuriste, le fonctionnaire a dit qu’il était allé au bureau de la parajuriste et il lui avait dit de venir le voir si elle avait des questions.

III. Résumé de l’argumentation

[252] À la clôture de la preuve, les parties ont convenu de présenter leur argumentation par écrit.

A. Pour le fonctionnaire

[253] Le fonctionnaire a présenté 102 pages d’argumentation écrite. Je n’entends pas rapporter ici toutes ses représentations, mais seulement celles qui sont les plus pertinentes aux questions que j’ai à trancher.

[254] Aux paragraphes 10 et 11 de son argumentation écrite, le fonctionnaire a soumis ce qui suit :

10. L’échec ou le succès de la mise en œuvre du pouvoir prévu au paragraphe 62(1) LEFP repose sur le fait que mauvaise foi, au sens large, aura présidé, ou non, à l’usage que prétend avoir fait la direction de cette disposition, lorsqu’elle l’a invoquée en vue de mettre fin à l’emploi du Fonctionnaire. Nous employons l’expression mauvaise foi, au sens “large”, afin de désigner l’ensemble des expressions utilisées pour conclure qu’une décision de renvoi ne découle pas de l’usage du paragraphe 62(1) LEFP. Elle renvoi a une décision de renvoi en cours de stage qui dénoterait l’existence d’un subterfuge, d’un camouflage, invoquant un motif factice, qui serait entachée par un comportement arbitraire ou irrationnel, qui est autre que ce qu’elle prétend être, etc. Peu importe l’expression employée, les décisions de ce type sont toutes frappées du même vice empêchant le paragraphe de 211a) LRTFP de faire barrage à la compétence arbitrale.

11. Si la mauvaise foi, au sens large, a régné, l’usage de 62(1) LEFP est Invalide, donc sans effet juridique, et l’emploi du Fonctionnaire n’a donc pas pris fin.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[255] Le fonctionnaire prétend que la Commission n’a pas compétence pour trancher si son licenciement constitue bien un renvoi en cours de stage prévu à l’article 62 de la LEFP. Cependant, la Commission a compétence si son licenciement est invalide, c’est-à-dire si le ministère s’appuie plutôt sur une invocation factice de l’article 62 de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage, ou si sa décision est arbitraire.

[256] Le fonctionnaire prétend aussi que le ministère n’a pas respecté plusieurs des règles énoncées dans les Lignes directrices, qui fournissent des garanties d’équité procédurale entourant l’évaluation d’un fonctionnaire en période de stage, ainsi que celles énoncées dans d’autres politiques, guides, règles et documents de l’employeur en matière d’évaluation du rendement. Il allègue que ces omissions étaient si sérieuses qu’elles auraient pu l’empêcher de contester efficacement son licenciement.

[257] Le fonctionnaire souligne que, lors de son témoignage sur les raisons qui ont poussé le ministère à décider du licenciement, Me Lessard a fait référence à plusieurs incidents qui ne sont pas liés à l’insatisfaction que le ministère a mentionnée dans la lettre de renvoi.

[258] Le fonctionnaire rappelle aussi que Me Lessard l’avait informé, trois mois avant son licenciement, qu’elle considérait qu’il avait corrigé les lacunes qu’elle avait identifiées dans son évaluation du rendement de mi-année, qu’elle ferait une évaluation de son rendement en fin d’année, pour évaluer son stage uniquement sur la base d’un avis juridique qu’il devait préparer, et que les objectifs qu’elle lui avait fixés à l’égard du développement de ses aptitudes de plaidoirie étaient reportés à plus tard.

[259] Le fonctionnaire affirme que le ministère a manqué de transparence dans la gestion de son licenciement, en lui laissant croire qu’il évaluerait son stage uniquement sur la base d’un avis juridique qu’il devait préparer.

[260] Le fonctionnaire soutient que le ministère ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait. Il prétend que le ministère devait établir le bien-fondé du vrai motif de son licenciement, soit son insatisfaction des représentations que le fonctionnaire avait faites devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011.

[261] Le fonctionnaire met en question la crédibilité du témoignage de Me Lessard, présenté par le ministère. Il demande aussi que la Commission tire une conclusion défavorable au ministère du fait que ce dernier n’a pas produit l’explication écrite de son insatisfaction de ses aptitudes, alors que Me Lessard a fait des références spécifiques à cette explication écrite lors de son témoignage.

[262] Le fonctionnaire avance que son licenciement repose sur une invocation factice de l’article 62 de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage, ou sur une évaluation arbitraire de ses aptitudes. Il prétend aussi que l’omission du ministère de respecter plusieurs des règles énoncées dans les Lignes directrices et autres politiques, guides, règles et documents de l’employeur en matière d’évaluation du rendement ont fait en sorte que le ministère a évalué ses aptitudes sans s’assurer de tenir compte de tous les faits pertinents.

[263] Le fonctionnaire souligne que le ministère ne lui a donné aucune instruction ou formation à l’égard des représentations qu’il avait faites devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011, et que ces représentations respectaient les conseils que l’un de ses collègues expérimentés lui avait donnés. Il prétend que les attentes à la lumière desquelles le ministère a évalué ces représentations ne lui avaient pas été clairement communiquées à l’avance et que, dès lors, il lui était impossible de les atteindre. Le fonctionnaire allègue que les attentes à la lumière desquelles le ministère a évalué ces représentations contreviennent aux obligations professionnelles que lui impose le Code de déontologie des avocats du Québec.

[264] Au paragraphe 231b) de son argumentation écrite, le fonctionnaire a écrit que, dans des situations où il existait une différence d’opinion entre Me Lessard et les autres avocats, ce « […] type de situation le place en porte à faux par rapport à ses obligations déontologiques […] ». Le fonctionnaire a étoffé son argument sur le Code de déontologie des avocats du Québec au paragraphe 313a) de sa plaidoirie en écrivant ce qui suit :

313a) Le souci d’éviter les risques juridiques inutiles afin de défendre le mieux possible les intérêts de l’Agence du revenu, en tenant compte des données juridiques disponibles, animait visiblement Me Zolia lorsqu’il dispensait l’enseignement ci-dessus au Fonctionnaire. Il animait visiblement Me Lefebvre lorsqu’elle a dispensé ses conseils au Fonctionnaire dans les dossiers F&M. Un tel souci, qui est également une obligation déontologique pour un avocat, est visiblement absent chez Me Lessard, car même après les explications fournies par le Fonctionnaire, son mot d’ordre au Fonctionnaire était de prendre position fermement sur l’origine des revenus non déclarés dans la rédaction des réponses à l’avis d’appel, et non de prendre le temps de vérifier le principe juridique que le Fonctionnaire lui disait avoir appris par [sic] Me Zolia. Me Lessard demandait donc au Fonctionnaire de subordonner son jugement professionnel au sien, et donc d’adopter un comportement incompatible avec ses obligations professionnelles.

[265] Le fonctionnaire a passé la preuve en revue pour suggérer à la Commission le poids à lui accorder et les conclusions à en tirer. Il a souligné à plusieurs reprises que Me Lessard, le témoin principal du ministère, ne mentionnait ni ne connaissait tous les faits entourant les événements sur lesquels elle a témoigné.

B. Pour le ministère

[266] Le ministère a présenté sa réplique écrite, qui compte neuf pages.

[267] Le ministère réitère qu’il a renvoyé le fonctionnaire parce qu’il était insatisfait des aptitudes de ce dernier à l’égard de la rédaction de documents, de la représentation de l’Agence devant la Cour canadienne de l’impôt et des relations interpersonnelles, et que la Commission n’a compétence pour entendre le grief que si elle estime que le renvoi en cours de stage était fondé sur une supercherie, un camouflage ou de la mauvaise foi.

[268] Le ministère allègue s’être acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, soit celui d’établir un motif légitime d’insatisfaction à l’égard des aptitudes du fonctionnaire.

[269] Le ministère prétend qu’il n’avait aucune obligation d’aviser le fonctionnaire des attentes à l’égard de son travail ou de son insatisfaction des aptitudes de ce dernier, puisque le seul fait d’être en stage est suffisant comme avertissement selon lequel des préoccupations en matière de rendement pourraient entraîner un renvoi en cours de stage.

[270] Le ministère soutient que le témoignage de Me Lessard est crédible et qu’il est confirmé par celui de M. Zolia.

[271] Le ministère affirme avoir établi son insatisfaction à l’égard des aptitudes du fonctionnaire et qu’il incombe au fonctionnaire d’établir la mauvaise foi du ministère. Le ministère soutient cependant que son omission de respecter plusieurs des règles énoncées dans les Lignes directrices ainsi que dans d’autres politiques, guides, règles et documents de l’employeur en matière d’évaluation du rendement ne saurait créer une présomption de sa mauvaise foi.

[272] Le ministère prétend qu’il « […] peut commettre des erreurs dans son interprétation des faits, dans la mesure où ces faits soient réellement liés à l’emploi […] » Le ministère n’a cependant pas expliqué ce qu’il entend par l’expression « faits liés à l’emploi ».

C. Réfutation du fonctionnaire

[273] Le 9 août 2017, le fonctionnaire a présenté une réfutation écrite de 21 pages. Je n’entends pas rapporter ici toutes ses représentations, mais seulement les arguments nouveaux qu’il a présentés pour réfuter ceux que le ministère a avancés dans sa réplique écrite.

[274] Le fonctionnaire rappelle à la Commission que l’insatisfaction du ministère à l’égard de ses aptitudes à s’acquitter des fonctions de son poste doit en être une éprouvée de bonne foi.

[275] Le fonctionnaire reproche au ministère de n’avoir indiqué dans la lettre de renvoi ni le nom de la personne qui a évalué son rendement ni la date à laquelle cette évaluation a eu lieu.

[276] Le fonctionnaire souligne que le ministère n’a présenté aucune preuve des critères d’évaluation appuyant l’insatisfaction alléguée à l’égard de ses aptitudes. Il avance que le rôle de la Commission n’est pas d’évaluer elle-même ses aptitudes.

[277] Le fonctionnaire prétend que l’insatisfaction alléguée par le ministère à l’égard de ses aptitudes de rédaction ne vise pas des documents dont il avait la responsabilité. Il prétend aussi que la preuve n’appuie pas l’insatisfaction alléguée par le ministère à l’égard de ses aptitudes de relations interpersonnelles.

[278] Le fonctionnaire réitère que les seuls objectifs que le ministère lui avait donnés pour appuyer l’évaluation de son stage était la préparation d’un avis juridique et le maintien des progrès qu’il avait réalisés.

[279] Le fonctionnaire souligne que le plan d’intervention auquel le ministère l’a assujetti a pris fin le 16 octobre 2010, sans que le ministère le renouvelle.

[280] Le fonctionnaire allègue que Me Lessard avait un parti pris à son encontre et qu’elle a laissé ses émotions dicter son évaluation de ses aptitudes.

[281] Le fonctionnaire prétend que le ministère a fait preuve d’un comportement trompeur entourant son licenciement.

IV. Motifs

[282] Le fait que les parties se soient entendues pour que le fonctionnaire procède en premier ne change pas le fardeau de persuasion qui incombe respectivement à chacune d’elles.

[283] La Commission n’a pas compétence pour entendre un licenciement qui est un renvoi en cours de stage aux termes de la LEFP. La jurisprudence reconnaît cependant depuis longtemps que la Commission a compétence à l’égard d’un licenciement qui est fondé sur une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Le cadre législatif et jurisprudentiel applicable aux affaires de licenciement pendant une période de stage exige que le ministère démontre que le licenciement est réellement survenu pendant la période de stage, après quoi le fonctionnaire doit prouver que le licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi par le ministère à l’égard des aptitudes du fonctionnaire à s’acquitter des fonctions de son poste. La Commission a confirmé cette approche dans Tello, comme je l’ai indiqué plus haut dans la présente décision.

[284] Le ministère a établi clairement que le fonctionnaire était assujetti à une période de stage de 12 mois à compter de son embauche le 12 avril 2010, qu’il était toujours en période de stage le 31 mars 2011 lorsque le ministère l’a informé qu’il mettait fin à son emploi, et que le ministère lui a donné, conformément au paragraphe 62(2) de la LEFP, l’indemnité tenant lieu de préavis. Le fonctionnaire ne conteste pas ces faits.

[285] Je conclus donc que le ministère s’est acquitté de son fardeau de la preuve. De plus, je note que lettre de renvoi fait référence à une insatisfaction du ministère à l’égard des aptitudes du fonctionnaire à s’acquitter des fonctions de son poste.

[286] Puisque le ministère s’est acquitté de son fardeau, il revient alors au fonctionnaire d’établir que le licenciement reposait plutôt sur une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Comme je l’ai souligné au premier paragraphe de la présente décision, il revient donc maintenant au fonctionnaire d’établir que le licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi par le ministère à l’égard des aptitudes du fonctionnaire à s’acquitter des fonctions de son poste

[287] J’examinerai donc les allégations formulées dans le grief lui-même. En l’espèce, le grief comporte les allégations suivantes :

  • · la lettre de renvoi est vague et n’énonce pas les motifs du licenciement;

  • · la véritable raison du licenciement était la comparution devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011;

  • · un collègue a proposé l’approche suivie lors de l’audience du 31 janvier 2011, rendant le licenciement arbitraire et de mauvaise foi;

  • · le fonctionnaire n’a pas été informé à l’avance des attentes concernant sa comparution à la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011;

  • · le ministère a violé le Code de déontologie des avocats du Québec;

  • · le ministère s’est indûment immiscé dans la relation avocat-client.

[288] La première allégation porte sur la lettre de renvoi, tandis que les trois suivantes portent sur la comparution du fonctionnaire devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011. Toutes les allégations, sauf les deux dernières, concernent les aptitudes du fonctionnaire et l’évaluation de celles-ci par le ministère. Le fonctionnaire a avancé l’argument selon lequel l’évaluation de sa comparution à la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 par le ministère était arbitraire, et que la Commission a compétence pour statuer sur des décisions arbitraires concernant un licenciement pendant une période de stage. J’aborderai cette question plus tard dans la présente décision.

[289] Tant le fonctionnaire que le ministère ont exposé leurs points de vue sur un éventail de questions indéniablement liées aux aptitudes du fonctionnaire, mais aucune preuve n’a été présentée pour prouver que le licenciement reposait en fait sur une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Les seuls arguments avancés par le fonctionnaire qui portaient sur la question d’une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage étaient que l’incident du 31 janvier 2011 constituait la « véritable » raison de son licenciement et que le ministère a donc fait preuve de mauvaise foi, faisant du renvoi en cours de stage un subterfuge. Le premier de ces deux arguments a été avancé par le fonctionnaire dès le début, car il s’agit de la deuxième allégation du grief lui-même. Dans ses arguments écrits, il a fait valoir que la mauvaise foi constituait un subterfuge ou un camouflage. Je souligne toutefois que la Cour fédérale nous a enseigné dans Canada c. Rinaldi, dossier de la Cour fédérale T-761-96 (19970225), à la note de bas de page no 15, que la seule mauvaise foi du ministère est insuffisante pour invalider un licenciement prévu sous le régime de la LEFP et que le fonctionnaire doit plutôt prouver que « […] les conditions requises pour sa mise en oeuvre [c’est-à-dire, dans la présente instance, la mise en œuvre du renvoi en cours de stage] n'existaient pas au moment pertinent […] ».

[290] Je conclus que son argument concernant la « véritable » raison de son licenciement n’est pas fondé. Premièrement, sur le plan factuel, les éléments de preuve révèlent que le ministère avait des préoccupations sérieuses et légitimes quant à ses aptitudes touchant un éventail de questions, qui lui avaient été clairement exposées soit au fur et à mesure des évènements, soit dans le cadre plus structuré de l’évaluation du rendement de mi-année. Je conclus que le fonctionnaire n’a pas établi que les conditions requises pour le renvoyer en cours de stage n’existaient pas à l’époque. La preuve ne confirme pas l’allégation selon laquelle sa comparution devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 était « la véritable » raison de son licenciement; la preuve établit plutôt qu’il y avait plusieurs raisons en jeu. À la fin de son témoignage, Me Lessard a exposé les motifs du licenciement du fonctionnaire; ils sont nombreux et ne se concentrent pas sur l’incident du 31 janvier 2011, mais ils ont une portée beaucoup plus large. Elle a exprimé ses préoccupations au sujet des dossiers qui exigeaient plus de travail, d’un style de rédaction laborieux et inadéquat, de la réticence du fonctionnaire à accepter les conseils et à les suivre, des habiletés d’analyse logique, des valeurs et de l’éthique et des aptitudes interpersonnelles, entre autres questions. Les préoccupations soulevées avaient été exprimées non seulement par Me Lessard, mais aussi par Me Zolia et certains collègues du fonctionnaire. La question de sa comparution à la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 n’était qu’une des raisons avancées par le ministère. Je conclus que le fonctionnaire n’a pas établi que Mes Lessard ou Zolia ont fait preuve de partialité, d’exagération, de dissimulation à l’égard de ces questions. Le fonctionnaire n’a pas réussi à établir, sur une balance des probabilités, une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage.

[291] Dans son témoignage, le fonctionnaire a mentionné un commentaire de Me Lessard lors de la réunion du 31 mars 2011 au cours de laquelle il a été informé de son renvoi en cours de stage. Le fonctionnaire allègue que, en réponse à ses questions précises sur les motifs de la décision de le licencier, Me Lessard a mentionné que sa comparution devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 était telle qu’elle ne pouvait le laisser représenter l’Agence. Je ne considère pas que cela prouve d’une façon quelconque que son commentaire signifiait que sa comparution ce jour-là était la seule raison de son licenciement pendant la période de son stage, et son témoignage concernant la myriade de préoccupations qu’elle avait appuie ma conclusion.

[292] Tout au long de son emploi, le fonctionnaire a été informé qu’il devait améliorer ses aptitudes sur plusieurs aspects et que les comparutions devant la Cour canadienne de l’impôt constituaient un domaine précis sur lequel il devait s’améliorer. Je conclus que la comparution du 31 janvier 2011 n’était pas en fait la seule raison de la décision du ministère de licencier le fonctionnaire pendant la période de son stage.

[293] Le fonctionnaire a également tenté de mettre en doute la prise en compte par le ministère de la comparution devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 dans sa décision de le licencier pendant la période de son stage, mais Me Lessard a admis que sa principale préoccupation à l’égard de cette journée était fondée sur un manque d’information de sa part. Toutefois, elle a également déclaré que, même si elle avait été au courant de tous les faits entourant cette journée, sa conclusion générale à l’égard des aptitudes du fonctionnaire serait demeurée la même et en faveur d’un renvoi en cours de stage. Je n’ai aucune raison de douter de la bonne foi de ses convictions à ce sujet.

[294] Je conclus que le fonctionnaire n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministère de le renvoyer en cours de stage ne reposait en réalité que sur l’incident du 31 janvier 2011 et qu’elle constituait, par conséquent, un subterfuge ou un camouflage, compte tenu des motifs énoncés dans la lettre de renvoi.

[295] Une bonne partie de la preuve du fonctionnaire a été consacrée à réfuter les insatisfactions que le ministère a invoquées à l’égard de ses aptitudes, à expliquer son incapacité alléguée de se défendre devant sa superviseure, à minimiser ou à expliquer ses choix en matière de litige, entre autres. En d’autres termes, une grande partie de sa preuve a été conçue pour établir que le ministère n’avait pas raison d’être insatisfait de ses aptitudes. Comme le ministère l’a soutenu, il ne lui est pas fatal de faire certaines erreurs factuelles dans son évaluation des faits, tant que ces faits sont liés aux aptitudes du fonctionnaire à s’acquitter des fonctions de son poste, ce qui est le cas en l’espèce. Je suis d’accord avec cette affirmation, en principe. Que l’insatisfaction du ministère puisse découler, en partie, de conclusions erronées n’établit pas nécessairement que cette insatisfaction n’ait pas été éprouvée de bonne foi. Puisque, tel que rapporté auparavant, le fonctionnaire reconnaît que le rôle de la Commission n’est pas d’évaluer elle-même ses aptitudes à s’acquitter des fonctions de son poste, c’est donc à lui qu’incombait, comme Tello nous l’indique, le fardeau d’établir que le licenciement pendant la période de son stage ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi par le ministère à l’égard de ses aptitudes.

[296] La preuve présentée par le fonctionnaire l’a été en général afin de mettre en doute l’évaluation de ses aptitudes par le ministère et de justifier ses positions ou ses actions.

[297] Pour en revenir au grief lui-même, la première allégation du fonctionnaire dans son grief indique que la lettre de renvoi est vague et ne donne pas de motifs de son licenciement. En fait, cette affirmation est incorrecte. La lettre indique qu’il avait des lacunes liées à la rédaction, aux comparutions devant la Cour et aux questions interpersonnelles. Le fonctionnaire ne m’a fourni aucune raison d’exiger davantage d’une telle lettre. Bien que la lettre souligne ses lacunes de façon générale, il n’est pas nécessaire d’envoyer une lettre de renvoi qui décrive minutieusement chaque lacune. De plus, le ministère n’a aucune obligation de prouver que les raisons qu’il a énumérées pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage sont bien fondées; il n’a qu’à prouver que le fonctionnaire était assujetti à une période de stage, qu’il était toujours en période de stage lorsque le ministère l’a informé de son renvoi, et que le ministère lui a donné le préavis requis ou une indemnité en guise de préavis. Je ne vois pas de subterfuge ou de camouflage dans la façon dont la lettre de renvoi est rédigée.

[298] Je note ici que, lors de son témoignage, le fonctionnaire a également semblé soutenir que les décisions que le ministère a rendues sur son grief étaient floues en ce qu’elles ne divulguaient pas la raison de son licenciement pendant la période de son stage. Je conclus que cet argument, qui est postérieur au présent grief et n’a pas été étayé par des renvois à la jurisprudence, n’est pas pertinent à la question dont je suis saisi, soit celle de savoir si le licenciement pendant la période de son stage reposait sur une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage.

[299] Je m’arrête ici pour souligner que les autres arguments écrits du fonctionnaire, relativement à la question de l’imprécision de l’insatisfaction du ministère et selon lesquels il ignorait à la fois la raison pour laquelle il a échoué à son évaluation du rendement de mi-année et a été licencié pendant la période de son stage, ne s’appuient pas sur une représentation fidèle des faits. Il avait été assujetti à un plan d’intervention jusqu’en octobre 2010, Me Zolia étant son coach, et le fonctionnaire lui-même a déclaré que l’objectif était de l’aider à améliorer la comptabilisation de son temps, à respecter les délais, à respecter les personnes-ressources et à collaborer avec ces dernières, à clarifier les communications, à faire preuve de souplesse et à respecter les conseils donnés. Il a déclaré qu’il avait compris le plan. La preuve révèle également que Me Zolia a accompagné le fonctionnaire devant la Cour canadienne de l’impôt à deux reprises, en prenant des notes minutieuses et en partageant ses observations, positives et négatives, avec le fonctionnaire après l’audience ainsi que le lendemain. En décembre 2010, sa superviseure a évalué son rendement et a reconnu qu’il avait atteint les objectifs énoncés dans le plan, mais qu’il devait continuer à perfectionner ses aptitudes en matière de litige, citant trois avis juridiques qui n’étaient pas à la hauteur. Dans son témoignage, il a convenu que Me Lessard avait expressément déclaré qu’il fallait améliorer les techniques de communication écrite et de plaidoirie, l’appréciation des faits et la formulation de conclusions nuancées. Bien que l’évaluation du rendement de mi-année contienne des commentaires positifs, je conclus qu’il est fallacieux de la part du fonctionnaire d’alléguer qu’il ignorait la raison pour laquelle il avait échoué à son évaluation de mi-année et a été licencié pendant la période de son stage. La preuve révèle plutôt que le fonctionnaire a été mis au courant de ses lacunes et qu’il savait qu’il devait y remédier.

[300] Pour revenir au grief et comme je l’ai mentionné ci-dessus, les deuxième, troisième et quatrième allégations du fonctionnaire dans son grief concernent sa comparution devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011. Pour les motifs exposés ci-dessus, j’ai rejeté sa prétention selon laquelle c’était la seule raison de son licenciement.

[301] Dans la troisième allégation de son grief, le fonctionnaire soutient également qu’étant donné qu’il avait consulté un collègue sur son approche devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011, le licenciement est arbitraire et de mauvaise foi. Là encore, les faits n’appuient pas le fonctionnaire. Cette allégation repose sur l’allégation antérieure selon laquelle la comparution devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 était la seule raison de son licenciement pendant sa période de stage, ce qui, selon ce que j’ai conclu, n’était pas le cas. De plus, le témoignage non contredit de Me Lessard indiquait que, même si elle avait su que l’approche du fonctionnaire avait été suggérée par un collègue, sa décision de le renvoyer aurait été la même. Quoi qu’il en soit, le fonctionnaire n’a pas établi que le licencier pendant sa période de stage était arbitraire ou de mauvaise foi. La preuve a plutôt révélé que le ministère a pris la décision avec sérieux et considération et que les deux témoins du ministère ont témoigné de telle sorte que leur crédibilité et leur bonne foi n’étaient pas ébranlées. Me Lessard était claire et son témoignage direct; elle a admis son erreur dans un cas et elle a reconnu le mérite dû au fonctionnaire. Que le ministère ait pu faire certaines erreurs factuelles dans son évaluation des faits à l’égard des aptitudes du fonctionnaire n’équivaut pas nécessairement à ce qu’il n’ait pas été éprouvé, de bonne foi, une insatisfaction à l’égard de ses aptitudes à s’acquitter des fonctions de son poste.

[302] La dernière allégation du fonctionnaire concernant la comparution devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011 était qu’il n’avait pas été informé à l’avance des attentes concernant cette comparution. Encore une fois, cette allégation semble reposer sur sa première allégation selon laquelle cette audience était la seule raison de son licenciement, ce qui, selon ce que j’ai conclu, n’était pas le cas. Bien que le ministère n’était pas tenu de l’informer de ses attentes spécifiques concernant chaque tâche qui lui est assignée, il a quand même avisé le fonctionnaire de ses attentes générales à l’égard de l’amélioration de ses aptitudes. Selon le témoignage du fonctionnaire, on lui avait donné des objectifs en matière de procédure judiciaire, de preuve et de perfectionnement des aptitudes en matière de litige et il a admis qu’on lui avait fourni un document intitulé « Objectifs généraux des employé(e)s » à l’intention de tous les employés de la région du Québec. Le fonctionnaire a été embauché comme avocat fiscaliste et, dans ce contexte, on s’attendait à ce qu’il démontre des aptitudes à un certain niveau sans que cela soit précisé chaque fois qu’il avait une comparution devant la Cour canadienne de l’impôt.

[303] Les deux dernières allégations contenues dans le grief allèguent que le ministère a enfreint le Code de déontologie des avocats du Québec et s’est immiscé à tort dans la relation avocat-client. Si j’ai bien compris son argumentation à ce sujet, le fonctionnaire soutient que, dans les cas de divergence d’opinions entre lui et sa superviseure, l’ordre de respecter les préférences de sa superviseure faisait en sorte qu’il violait ses obligations professionnelles. Je conviens que l’indépendance professionnelle d’un avocat salarié subordonné à une structure de gestion puisse être problématique. Cependant, le fonctionnaire ne m’a fourni aucun précédent jurisprudentiel pour appuyer sa prétention. En outre, je ne crois pas qu’il soit approprié de me prononcer sur l’interprétation et la portée de normes déontologiques adoptées par une corporation professionnelle de juridiction provinciale. À tout évènement, cette question n’est pas déterminante dans l’affaire devant moi.

[304] J’en viens maintenant à l’argumentation écrite présentée par le fonctionnaire. Bien que ses arguments aient été plus larges que les questions soulevées dans son grief, l’essentiel de ses observations portait sur des questions de rendement et d’évaluation.

[305] Au début de son argumentation écrite, il a exposé le fardeau de la preuve dont il doit s’acquitter et il a reconnu qu’il doit prouver que son licenciement est une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage, mais il a ensuite, comme je l’ai mentionné plus haut, inséré le mot « arbitraire », alléguant qu’il ne s’agit pas d’un licenciement approprié s’il est de nature arbitraire. Comme je l’ai conclu ci-dessus, et en laissant de côté la question de savoir si le licenciement du fonctionnaire était bel et bien un renvoi en cours de stage aux termes de la LEFP, le présent licenciement n’était pas arbitraire au niveau factuel. J’ai constaté que le ministère s’est conduit avec sérieux par rapport à son but et qu’il a examiné les problèmes auxquels il était confronté. Je n’ai trouvé rien d’arbitraire dans l’évaluation globale des aptitudes du fonctionnaire ni dans l’approche adoptée par le ministère. Même si Me Lessard a fait erreur au sujet de l’approche que le fonctionnaire avait suivie devant la Cour canadienne de l’impôt le 31 janvier 2011, car elle ne savait pas que cette approche avait été suggérée par un collègue, ce fait, même s’il était combiné à ce que le fonctionnaire qualifie de manquements de la part de le ministère à suivre ses politiques d’évaluation du rendement à la lettre, ne signifie pas que le ministère a eu une attitude arbitraire.

[306] Au paragraphe 54 de son argumentation écrite, le fonctionnaire contredit son acceptation initiale du fardeau de la preuve et allègue, à tort, que « [l]a direction devait prouver le motif de la décision de renvoi […] ».Tel que mentionné au tout début de cette décision, il est bien établi, depuis Tello, que c’est au fonctionnaire qu’incombe de fardeau de prouver que son licenciement pendant la période de son stage repose sur une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage. En d’autres mots, le fonctionnaire doit établir que le licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi par le ministère à l’égard de ses aptitudes à s’acquitter des fonctions de son poste. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a témoigné en premier.

[307] Le fonctionnaire a également soutenu, comme je viens de le mentionner, que le ministère avait enfreint plusieurs dispositions relatives à l’équité procédurale dans les Lignes directrices et d’autres politiques et guides, etc. Il a fait valoir que ces violations étaient si graves qu’elles auraient pu l’empêcher de contester efficacement son licenciement.

[308] Dans son témoignage, le fonctionnaire a allégué que le ministère avait violé la Politique de gestion du rendement à deux égards : premièrement, Me Lessard n’a pas suivi les instructions de donner des conseils constructifs et continus, car elle lui a rarement demandé son point de vue et se mettait en colère lorsqu’il le faisait; deuxièmement, il a dit que la procédure exige une réunion préalable avec Me Lessard avant de lui donner son évaluation du rendement.

[309] Pour ce qui est de la première question de la rétroaction et des conseils constructifs et continus, le fonctionnaire a raison en ce sens que, personnellement, Me Lessard ne lui a pas fourni de conseils continus. Toutefois, la preuve n’a pas révélé qu’elle ne lui avait donné aucun conseil. De plus, Me Lessard a désigné Me Zolia pour être son coach et il a reçu des critiques constructives et des conseils de Me Zolia, ainsi que d’autres avocats expérimentés qu’il a consultés pendant sa période de stage. En fait, le fonctionnaire n’a pas contesté l’appui que Me Zolia et d’autres collègues lui ont accordé. Le fonctionnaire ne semble pas avoir sérieusement contesté le fait que, collectivement, l’équipe dirigée par Me Lessard lui ait fourni, à la demande de Me Lessard, une rétroaction régulière. La majeure partie de son témoignage visait plutôt à contester la qualité de la rétroaction qu’il avait reçue de la part de Me Lessard, personnellement, pour tenter de prouver que c’est lui qui avait raison.

[310] En ce qui a trait au deuxième aspect de l’exigence d’une réunion préalable à son évaluation de rendement de mi-exercice, le fonctionnaire a cité un passage d’une politique qui, selon lui, confirme son argument, mais je ne suis pas convaincu par cet argument et je n’interprète pas le passage de la même manière que le fonctionnaire.

[311] Le simple fait que le ministère n’ait pas suivi ses politiques et procédures à la lettre ne transforme pas automatiquement le licenciement du fonctionnaire pendant la période de son stage en un subterfuge ou un camouflage. Cela ne veut cependant pas dire que je suggère que le ministère puisse les écarter totalement et traiter cavalièrement les employés.

[312] Ensuite, le fonctionnaire a soutenu que Me Lessard avait témoigné sur plusieurs questions qui ne faisaient pas partie des motifs énoncés dans sa lettre de renvoi. Encore une fois, les faits ne corroborent pas l’allégation du fonctionnaire. Me Lessard a témoigné au sujet du fait que le fonctionnaire ne suivait pas les directives, qu’il était réfractaire à la critique, qu’il avait des problèmes de comptabilisation de son temps travaillé, qu’il avait des lacunes en matière de communication écrite, de souplesse et de relations interpersonnelles et qu’il tentait de déposer des documents en preuve sans l’entremise d’un témoin. Je conviens qu’une partie de son témoignage a fait état d’incidents qui n’étaient pas expressément détaillés dans la lettre de renvoi, mais ces incidents étaient tout de même des exemples de son insatisfaction à l’égard de ses aptitudes et, comme je l’ai dit précédemment, la lettre de renvoi peut souligner les lacunes de façon générale et n’a pas à être une liste décrivant minutieusement chaque de ces lacunes.

[313] Quoi qu’il en soit, les éléments d’insatisfaction sur lesquels Me Lessard a témoigné qui n’étaient pas énoncés dans la lettre de renvoi selon le fonctionnaire étaient néanmoins des éléments d’insatisfactions liés à ses aptitudes. L’ensemble du témoignage de Me Lessard portait bien sur l’insatisfaction des aptitudes du fonctionnaire à s’acquitter des fonctions de son poste. La lettre de renvoi mentionne des questions comme la rédaction, les comparutions devant la Cour canadienne de l’impôt et les aptitudes interpersonnelles, et le témoignage de Me Lessard en a traité pour illustrer davantage les problèmes soulevés dans la lettre.

[314] L’argumentation écrite du fonctionnaire a ensuite porté sur son évaluation de décembre 2010 et son allégation selon laquelle Me Lessard l’a informé qu’il avait corrigé toutes ses lacunes et qu’elle l’évaluerait à l’avenir en fonction d’un avis juridique qui lui serait assigné. Je dois d’abord dire que cet argument rapporte incorrectement la preuve. Son témoignage, exposé plus tôt dans la présente décision, était clair sur cette question. Elle a déclaré qu’elle l’avait informé que, bien qu’il ait corrigé les lacunes décrites dans son plan, il devait encore travailler sur ses aptitudes en matière de litige, tant oralement que par écrit, qu’il devait devenir autonome et que son emploi était en jeu. Cela lui a été clairement indiqué lors de la réunion. Bien qu’elle ait déclaré qu’elle souhaitait le réévaluer une fois qu’il ait soumis un avis juridique qui lui serait assigné, elle n’a pas déclaré que cet avis juridique était le seul fondement sur lequel elle l’évaluerait.

[315] Je note en outre que le fonctionnaire a soumis cet avis juridique le 28 mars 2011, seulement quelques jours avant la fin de sa période de stage, et que la preuve a révélé qu’il y avait là aussi des lacunes et qu’il a dû être abondamment révisé par ses collègues, malgré le fait qu’il avait suivi une formation en rédaction d’avis juridique en février 2011. L’allégation du fonctionnaire contredit également son propre témoignage, dans lequel il a admis que Me Lessard l’avait informé qu’il devait encore s’améliorer dans plusieurs domaines, et que les domaines qu’elle lui avait présentés étaient la plaidoirie, les avis juridiques, l’appréciation des faits et les conclusions juridiques. Encore une fois, les faits n’appuient pas la position du fonctionnaire et, de plus, ce dernier n’a pas établi, sur une prépondérance de probabilités, que ces éléments font de son licenciement une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage.

[316] Je note également que la preuve sur l’évaluation de ses aptitudes en rédaction d’avis juridique ne découlait pas seulement du jugement de Me Lessard. Dans son témoignage, elle a expliqué que les trois avis juridiques qui ont été évalués lors de son évaluation de mi-année avaient été examinés par des comités de réviseurs et que la composition de chaque comité était différente, ce qui éliminait toute question de partialité. Dans un cas, un réviseur a réécrit l’avis tandis que dans le deuxième, le comité avait remanié des parties de l’avis pour offrir une meilleure structure et une meilleure conclusion. Dans le troisième cas, l’avis contenait une conclusion erronée, ce qui appuyait l’affirmation du ministère selon laquelle il avait de la difficulté à appliquer le droit aux faits. Je conclus que la preuve présentée par le ministère concernant son insatisfaction au sujet des aptitudes du fonctionnaire en rédaction contredit de façon prépondérante l’allégation du fonctionnaire selon laquelle son licenciement était le résultat d’une invocation factice de la LEFP, d’un subterfuge ou d’un camouflage.

[317] Dans son argumentation écrite, le fonctionnaire a allégué que le ministère manquait de transparence lorsqu’il a dit qu’il serait évalué sur une base précise puis l’a évalué sur une autre. Comme je l’ai conclu ci-dessus, cette allégation n’est pas appuyée par la prépondérance de la preuve.

[318] Ensuite, le fonctionnaire a plaidé, à tort, que le ministère ne s’était pas acquitté de son fardeau de prouver la véritable raison de son licenciement, à savoir son rendement le 31 janvier 2011. La LEFP n’impose au ministère aucune obligation de motiver un renvoi en cours de stage. Le fardeau de la preuve, tel que l’indique Tello, incombe plutôt au fonctionnaire et ce dernier doit prouver que son licenciement était une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage, ce qu’il n’a pas réussi à faire.

[319] Le fonctionnaire a ensuite affirmé que sa superviseure avait des problèmes de crédibilité et, dans son argumentation, il a déclaré que c’était en partie parce que son témoignage n’était pas confirmé par des documents écrits. Je conclus que Me Lessard a témoigné de façon ouverte et franche et que je n’ai décelé aucun parti pris ou artifice dans son témoignage. Son témoignage était cohérent et crédible et elle n’a pas hésité à faire des admissions en faveur du fonctionnaire lorsque c’était justifié. De plus, le ministère, comme toute partie qui comparaît devant la Commission, n’a aucune obligation de présenter des éléments de preuve documentaire pour asseoir la crédibilité d’un de ses témoins et l’« omission » alléguée d’une telle documentation ne saurait miner automatiquement la crédibilité d’un témoin. Si le fonctionnaire avait voulu contester son témoignage en recourant à une preuve documentaire, il lui incombait de demander la divulgation des documents qu’il estimait nécessaires.

[320] La crédibilité de Me Lessard quant aux aptitudes du fonctionnaire a été appuyée par celle de Me Zolia, qui, à mon avis, était un témoin neutre et quelque peu réticent. Il a confirmé que le fonctionnaire avait des problèmes « graves », qu’il avait de la difficulté à appliquer le droit aux faits et qu’il avait de la difficulté à préparer ses comparutions devant le Cour canadienne de l’impôt.

[321] Je me pencherai enfin sur la réfutation écrite du fonctionnaire. Il voyait d’un mauvais œil le fait que la lettre de renvoi ne contienne ni le nom de la personne qui l’avait évalué, ni la date de cette évaluation. La preuve devant moi n’établit aucune telle exigence pour une lettre de renvoi en cours de stage et je conclus que le fait qu’elle ne contienne pas cette information ne transforme pas nécessairement le licenciement pendant la période de stage en une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage.

[322] Dans sa réfutation écrite, le fonctionnaire a également reproché au ministère de ne pas avoir fourni la preuve des critères d’évaluation qui ont étayé son licenciement. Encore une fois, La LEFP n’impose au ministère aucune obligation de motiver un renvoi en cours de stage. C’est plutôt au fonctionnaire qu’incombe le fardeau d’établir que son licenciement constitue une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage. En d’autres mots, le fonctionnaire doit prouver que le licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l’égard de ses aptitudes à s’acquitter des fonctions de son poste.

[323] Enfin, le fonctionnaire a de nouveau allégué que les seuls objectifs qu’il devait respecter pour réussir son stage étaient l’avis juridique et le maintien des progrès atteints. Comme je l’ai dit, même si c’est le cas, la preuve a révélé qu’il avait des lacunes.

[324] Le fonctionnaire a renvoyé aux décisions Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109, et Dyson c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2015 CRTEFP 58, mais je conclus que ces deux décisions se distinguent clairement du présent cas. Dans ces deux décisions, des arbitres de grief ont conclu que les licenciements pendant la période de stage étaient un subterfuge ou un camouflage, en ce sens que la véritable raison ayant mené aux licenciements reposait sur l’utilisation légitime de crédits de congé de maladie. En l’espèce, le contexte factuel est tout à fait différent, ne concerne pas l’utilisation de crédits de congé et je conclus que le fonctionnaire dans le présent cas n’a pas, contrairement à MM. Dhaliwal et Dyson, prouvé les allégations factuelles sur lesquelles il a fondé sa théorie de la cause.

[325] J’estime que la preuve présentée par le fonctionnaire n’établit pas, sur une prépondérance des probabilités, que son licenciement pendant sa période de stage reposait sur autre chose qu’une insatisfaction éprouvée de bonne foi par le ministère à l’égard des aptitudes du fonctionnaire à s’acquitter des fonctions de son poste. En d’autres mots, le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que son licenciement constitue une invocation factice de la LEFP, un subterfuge ou un camouflage, et je dois donc accueillir l’objection du ministère voulant que la Commission n’a pas compétence pour entendre un licenciement prévu sous le régime de la LEFP.

[326] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[327] J’accueille l’objection de l’administrateur général à l’égard de l’admission en preuve des notes manuscrites du fonctionnaire à l’égard de deux réunions des avocats.

[328] J’accueille l’objection de l’administrateur général voulant que la Commission n’a pas compétence pour entendre un licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

[329] Le grief est rejeté.

Le 1er juin 2021.

Steven B. Katkin,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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