Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a présenté une plainte devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son agent négociateur et contre le président de la section locale – il a allégué une pratique déloyale au sens de l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art 2; la « Loi ») – le plaignant a fourni plusieurs informations qui dataient de 2017 et 2018 – le 30 décembre 2019, le plaignant a appris qu’une plainte de harcèlement avait été déposée contre lui auprès de l’employeur par une de ses collègues – selon lui, des officiers syndicaux locaux étaient des témoins dans la plainte – il a demandé au président régional d’être représenté par quelqu’un au niveau régional dans son dossier – le président régional lui a répondu qu’il n’avait pas que cela à faire que de s’occuper du dossier, mais qu’il s’en occuperait, affirmant que son travail était de représenter tous les membres dans toutes les situations et que le droit à la représentation du plaignant ne serait jamais remis en doute – le président régional aurait commenté sur le fait que plusieurs membres de la famille du plaignant occupaient des postes-clés auprès de l’employeur, ce qui était de la discrimination fondée sur le statut de famille selon le plaignant – puisqu’il se sentait injustement traité, il a décidé de porter plainte auprès de la Commission – la Commission a conclu que seuls les comportements ou actions des défendeurs en relation avec la plainte de harcèlement pouvaient être considérés, car ceux-ci s’étaient produits dans les 90 jours précédant le dépôt de la plainte – qui plus est, tout le reste n’avait rien à voir avec le devoir de représentation équitable prévu à la Loi, mais relevait plutôt de tensions internes intra syndicales sur lesquelles la Commission n’avait pas compétence – la Commission a conclu que les défendeurs n’avaient pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation du plaignant – le plaignant a plutôt convaincu la Commission qu’il existait un conflit entre lui et les officiers syndicaux ainsi que la personne ayant déposé une plainte de harcèlement – ce type de conflit n’est pas du ressort, ni des affaires de la Commission – la Commission a déterminé que les allégations du plaignant selon lesquelles les défendeurs avaient aussi contrevenu aux dispositions 66(1), 66(2), 93(2), 98a) et 98b) de la Loi étaient farfelues – trois demandes d’ordonnance de confidentialité ont été déposées – faute de raisons, la Commission a rejeté la demande du plaignant de mettre sous scellés deux déclarations assermentées de collègues pour éviter leur accès par le public – quant à l’agent négociateur, il avait déjà reçu une copie de ces déclarations et le principe de la transparence des débats judiciaires ne s’applique pas pour l’accès des parties aux documents au dossier, mais bien pour l’accès du public aux documents au dossier – les défendeurs ont demandé de protéger l’identité de la personne qui a déposé une plainte de harcèlement contre le plaignant ainsi que l’identité de son conjoint – la Commission ne voyait pas la pertinence de nommer les collègues du plaignant dans la décision, ni de nommer la personne qui a déposé une plainte de harcèlement contre le plaignant, ni son conjoint – elle a rejeté la demande des défendeurs visant une ordonnance de confidentialité – afin de prévenir des risques sérieux pour la sécurité, la Commission a conclu que toutes les informations personnelles, soit les numéros de téléphone, courriels et adresses résidentielles, de toutes les personnes nommées dans les documents au dossier qui travaillent au Service correctionnel du Canada seront caviardées.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20210618

Dossier: 561-02-41691

 

Référence: 2021 CRTESPF 71

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

jean-françois bergeron

plaignant

 

et

 

union of canadian correctional officers – syndicat des agents correctionnels du canada – CSN et Yan Garneau

 

défendeurs

 

Répertorié

Bergeron c. Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Jean-Yves Bergeron

Pour les défendeurs : Franco Fiori, avocat

Décision rendue en se fondant sur les arguments écrits

déposés le 15 avril et les 6, 21, 26 et 27 mai 2021.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Jean-François Bergeron (le « plaignant ») a présenté le 23 mars 2020 une plainte devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son agent négociateur, l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le « syndicat »), et contre Yan Garneau, président de la section locale à Donnacona. L’expression « les défendeurs » sera utilisée pour désigner à la fois le syndicat et M. Garneau.

[2] Le plaignant allègue dans sa plainte que les défendeurs ont commis une pratique déloyale au sens de l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art 2; la « Loi »), qui interdit à une organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui est membre d’une unité de négociation dont elle est l’agent négociateur. Plus spécifiquement, le plaignant soutient qu’il a été victime de pratiques déloyales sur une période de deux ans.

[3] Le plaignant demande dans sa plainte que les défendeurs cessent immédiatement les pratiques déloyales à son endroit et qu’ils agisse de façon juste et équitable en représentant tous les syndiqués.

[4] Lors de leur réponse initiale à la plainte, les défendeurs ont nié tout manquement à la Loi. Qui plus est, les défendeurs ont fait part de leur intention de soulever une objection fondée sur la prescription de 90 jours pour soumettre une plainte de pratique déloyale.

II. Résumé des faits soumis par les parties

[5] Le plaignant a fourni plusieurs informations qu’il dit contextuelles et qui datent de 2017 et 2018. Le plaignant a affirmé, qu’à l’automne 2017, il s’est impliqué pour aider des collègues de travail dans des dossiers que M. Garneau ne considérait pas comme important. Selon le plaignant, l’exécutif de la section locale n’a pas apprécié son implication dans ces dossiers. Quelque temps après, le plaignant s’est présenté comme vice-président du syndicat local et il a été élu avec une forte majorité contre Marie‑Ève Lessard qui s’était elle aussi présentée à ce poste.

[6] Le plaignant a dit qu’en juin 2018, à son retour d’une session de formation à Laval, il a été mis au fait de rumeurs qui circulaient au travail voulant qu’il ait alors eu une aventure avec une personne de l’établissement de Donnacona. Selon lui, M. Garneau lui aurait alors dit qu’il lui faudrait « aligner son histoire » avec l’autre personne sans quoi les gens allaient découvrir la vérité. Le plaignant aurait alors répondu que leurs histoires n’avaient pas être pareilles puisque ce qu’il faisait en dehors de ses heures de travail ne concernait personne et il valait mieux dire la vérité que d’inventer des histoires. Le plaignant a dit que, peu de temps après, alors qu’il était en congé, il a reçu un appel de M. Garneau qui lui avait dit avoir reçu un courriel à savoir que le plaignant devrait démissionner de son poste syndical, car il ne respectait pas le code de conduite du syndicat. Le plaignant aurait alors répondu qu’un tel code n’existait pas. Le plaignant a dit qu’un peu plus tard, le même jour, il a reçu un appel de M. Garneau, cette fois accompagné de deux autres personnes, lui expliquant que sa démission de son poste syndical avait été demandée et que ce serait une bonne chose qu’il démissionne. Selon les défendeurs, une pétition circulait pour que le plaignant soit destitué de son poste syndical. Exaspéré par l’attitude de ses interlocuteurs et ne se sentant pas écouté, le plaignant leur a remis sa démission du poste syndical qu’il occupait.

[7] Quelques jours plus tard, selon le plaignant, le poste de vice-président a été « donné » à Mme Lessard. Selon les défendeurs, Mme Lessard a été nommée temporairement pour remplacer le plaignant avant la tenue d’une prochaine élection conformément aux procédures internes en place.

[8] Le 30 décembre 2019, le plaignant a appris qu’une plainte de harcèlement avait été déposée contre lui auprès de l’employeur par une de ses collègues, que je nommerai, pour les besoins de la cause, Mme X (mon analyse pour en venir à cette conclusion suit plus loin). Il soutient aussi avoir alors appris que M. Garneau et Mme Lessard seraient des témoins dans la plainte de Mme X.

[9] Le plaignant a affirmé que, le 6 janvier 2020, il a communiqué avec Frédérick Lebeau, le président régional du syndicat pour tout le Québec, afin de lui demander d’être accompagné de quelqu’un du niveau régional du syndicat dans le cadre de l’audition de la plainte de harcèlement de Mme X. Selon le plaignant, M. Lebeau lui aurait répondu qu’il n’avait pas rien que cela à faire de s’occuper des problèmes du plaignant. Le plaignant a dit avoir mis fin à la conversation « sans formule de politesse » après avoir conclu que M. Lebeau n’était pas intéressé à le soutenir. Selon les défendeurs, M. Lebeau aurait effectivement utilisé de tels propos, mais il aurait aussi pris soin de préciser que, malgré son horaire chargé, il s’occuperait du dossier du plaignant. Les défendeurs ont d’ailleurs soumis une copie d’un message texte envoyé au plaignant par M. Lebeau le 6 janvier 2020 à la suite de la conversation tenue le même jour. Dans ce message, M. Lebeau a écrit qu’il trouvait dommage que le plaignant ait raccroché avant que la discussion soit terminée. M. Lebeau a ajouté dans le même message que son travail est de représenter tous les membres du syndicat dans toutes les situations, et que le droit à la représentation du plaignant ne sera jamais remis en doute.

[10] Le 20 janvier 2020, le plaignant, accompagné de son représentant, a rappelé M. Lebeau. Ce dernier était alors accompagné de François Ouellette, conseiller syndical. Le plaignant a alors demandé qu’on exige la démission de M. Garneau, ce qui lui a été refusé au motif que le syndicat ne pouvait exiger la démission d’un officier syndical dûment élu. Selon le plaignant, les parties à la conversation ont quand même convenu qu’elles se rencontreraient le 17 février 2020 aux bureaux du syndicat à Montréal. Après réflexion, et en se fondant sur les commentaires que M. Lebeau lui aurait dits précédemment sur le fait que plusieurs membres de la famille du plaignant occupaient des postes-clés au Service correctionnel du Canada, le plaignant a affirmé avoir décidé d’annuler la rencontre du 17 février 2020. Il a dit avoir plutôt choisi de déposer la présente plainte afin que cesse le traitement injuste à son endroit de la part de M. Garneau.

[11] Le plaignant a affirmé que les allégations formulées contre lui par Mme X dans sa plainte ont changé à deux reprises. Le plaignant a dit qu’il voulait rompre le lien de mentorat et le lien d’amitié qu’il avait avec Mme X, car il avait perdu confiance en elle. Le plaignant a aussi affirmé qu’il lui était arrivé des dizaines de fois de prendre la défense de Mme X en rappelant aux gens qu’on ne devait pas se fier au commérage. Il a cru bon couper les ponts avec Mme X, car cette dernière, selon les termes employés par le plaignant, « est partie » avec le conjoint d’une proche du plaignant pour qui Mme X avait auparavant déclaré au plaignant n’avoir aucune attirance.

[12] Selon le plaignant, M. Garneau était bien au courant du conflit entre le plaignant et Mme X. Il aurait pu intervenir et régler le conflit entre deux membres de son unité syndicale assurant ainsi une représentation équitable à chacun.

[13] Le plaignant a soumis des déclarations assermentées de deux collègues de travail en appui à sa plainte. Dans une de ces déclarations, la personne explique comment elle apprécie le plaignant et comment ce dernier l’a aidée dans le passé. Après quelques commentaires assez désobligeants contre Mme X, elle affirme que Mme X a obtenu l’aide du syndicat, alors que le plaignant a dû se débrouiller seul. Selon cette personne, l’enquête de harcèlement était malintentionnée et visait à causer du tort au plaignant. Dans l’autre déclaration, la personne déclare qu’elle travaillait très souvent avec le plaignant et qu’il n’a jamais répandu de rumeurs ou de mauvaises informations sur Mme X en sa présence. Elle y déclare aussi qu’un délégué syndical lui aurait fait remarquer que le plaignant était « dans le trouble » peu de temps après le dépôt de la plainte de Mme X. Aussi, selon cette même personne, Mme Lessard aurait demandé au plaignant, avec insistance à six reprises dans la cuisinette, comment il allait, causant alors l’impatience du plaignant.

[14] Le plaignant a soumis le rapport préliminaire de l’enquêteur nommé pour enquêter sur la plainte de Mme X contre lui. Selon ce rapport du 15 juillet 2020, M. Garneau n’a pas été interrogé par l’enquêteur. Son nom ne fait d’ailleurs pas partie de la liste des 11 témoins incluse au rapport. Selon ce qui m’a été soumis, l’enquêteur a déposé les conclusions de son enquête le 25 septembre 2020. Il rejette complètement une des quatre allégations de Mme X et une partie d’une autre. Par contre, il retient les deux autres allégations formulées par Mme X contre le plaignant.

[15] Selon ce qui m’a été soumis, l’employeur du plaignant lui a imposé une mesure disciplinaire sur la base des conclusions de l’enquête. Le plaignant a contesté cette mesure dans un grief. Le syndicat a offert des services de représentation au plaignant dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Selon les documents soumis, Hugues Demers, un délégué syndical, a d’ailleurs fait parvenir au plaignant le 12 janvier 2021 le formulaire de grief rempli. Le syndicat a représenté le plaignant lors du dépôt du grief. Plus tard, Me Ouellet a renvoyé à l’arbitrage le grief du plaignant.

III. Résumé des arguments du plaignant

[16] Le plaignant demande que la plainte soit accueillie. Il demande que cesse toute forme de discrimination contre lui, et que ce genre de situation ne se reproduise pas pour aucun autre employé. Il demande aussi que les cotisations qu’il a versées à la section locale de Donnacona de l’agent négociateur depuis le 25 octobre 2017 lui soient remboursées. Enfin, le plaignant demande de mettre sous scellés les déclarations assermentées de ses deux collègues afin d’éviter des représailles du syndicat. Il demande aussi que les informations personnelles qui le concernent contenues dans les messages textes échangés avec M. Lebeau soient caviardées.

[17] Le plaignant soutient qu’il a essayé de régler les situations problématiques avec M. Lebeau au fur et à mesure qu’elles se sont posées même si c’est l’absence de représentation à la suite de la plainte de Mme X qui a mené au dépôt de la plainte. Selon ces faits, les gestes de M. Garneau s’inscrivent dans une suite continue et ne peuvent être considérés comme des événements séparés. La Commission a donc le devoir de considérer tous les éléments soumis par le plaignant qui démontrent la façon arbitraire et discriminatoire selon laquelle il a été traité.

[18] M. Lebeau a référé au fait que des membres de la famille du plaignant occupaient des postes-clés au Service correctionnel du Canada. Selon le plaignant, cela contrevient à plusieurs dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; la « LCDP ») quant à la situation de famille. C’est à la suite de ces commentaires de M. Lebeau que le plaignant allègue avoir décidé de cesser ses demandes de représentation auprès du syndicat.

[19] Un autre élément de la plainte découle de la plainte de harcèlement déposée par Mme X contre le plaignant. M. Garneau et Mme Lessard, respectivement président et vice-présidente du syndicat local, ont été clairement identifiés comme témoins en appui à Mme X. Cela démontre la représentation inéquitable, arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi de M. Garneau.

[20] Selon les faits soumis, le plaignant allègue que les défendeurs ont contrevenu aux dispositions 66(1), 66(2), 93(2), 98a), 98b) et 187 de la Loi, et au paragraphe 3(1) de la LCDP.

IV. Résumé des arguments des défendeurs

[21] Selon les défendeurs, plusieurs des faits soulevés par le plaignant se sont produits bien avant le délai de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) de la Loi. Le respect de ce délai est obligatoire et la jurisprudence de la Commission le confirme éloquemment.

[22] En soulevant les dispositions 66(1), 66(2), 93(2), 98a) et 98b) de la Loi, le plaignant tente d’élargir la portée de sa plainte et en dénature l’essence. En aucun cas n’est-il question, dans le récit des événements soumis par le plaignant, de ces dispositions et de leur contenu. Les dispositions en question sont citées de façon frivole.

[23] Les faits soulevés par le plaignant ne satisfont d’aucune façon aux critères de l’article 190 de la Loi, et la plainte doit être rejetée. Aucun des faits soumis ne justifie l’acceptation de la plainte, d’autant plus que les défendeurs se sont bien occupés du dossier du plaignant. Ils lui ont offert des services de représentation. Puis, ils l’ont aidé à déposer un grief et ils ont renvoyé ce grief à l’arbitrage.

[24] Les défendeurs ne sont pas d’accord avec la demande de mettre sous scellés les déclarations assermentées soumises par le plaignant en appui de sa plainte. Le principe de transparence des débats judiciaires est bien établi, et la demande du plaignant ne satisfait pas aux critères établis par la Cour suprême du Canada pour déroger à ce principe. Par contre, les défendeurs demandent de protéger la confidentialité du nom de la personne qui a déposé une plainte de harcèlement contre le plaignant.

[25] En appui à leurs arguments, les défendeurs m’ont renvoyé aux décisions suivantes : Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78; Martel c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2008 CRTFP 19; Cuming c. Butcher, 2008 CRTFP 76; Shutiak c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 29; Psyllias c. Meunier-McKay, 2009 CRTFP 67; Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109; Myles c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2017 CRTESPF 30; Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39; Presseault, 2001 CCRI 138; McRaeJackson, 2004 CCRI 290; Renaud c. Association canadienne des employés professionnels, 2010 CRTFP 118; Jean-Pierre c. Arcand, 2012 CRTFP 23; Ewart-Wilson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 32; Fonctionnaire s’estimant lésé X c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 74; Olynik c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 80; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 RCS 835; Carignan c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 86; N. J. c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 129.

V. Analyse et motifs

[26] La plainte invoque l’alinéa 190(1)g) de la Loi, qui renvoie à l’article 185. Parmi les pratiques déloyales dont fait mention cet article, l’article 187 est celui qui est d’intérêt dans la présente plainte. Ces dispositions se lisent comme suit :

(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185 Dans la présente section, pratiques déloyales s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[27] Les défendeurs allèguent que plusieurs des faits soumis par le plaignant se sont produits bien avant le délai prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi. Pour sa part, le plaignant allègue que les gestes de M. Garneau s’inscrivent dans une suite continue. Le paragraphe 190(2) se lit comme suit :

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

 

[28] J’ai revu attentivement ce qui a été soumis par le plaignant, et j’en conclus que seuls les comportements ou actions des défendeurs en relation avec la plainte de Mme X peuvent être considérés, car ceux-ci se sont produits dans les 90 jours précédant le dépôt de la plainte. Qui plus est, tout le reste n’a rien à voir avec le devoir de représentation équitable prévu à la Loi, mais relève plutôt de tensions internes intra‑syndicales sur lesquelles la Commission n’a pas compétence. Maintes fois dans ses décisions (voir Leach c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2020 CRTESPF 101 comme exemple récent), la Commission a déterminé qu’il n’est pas de son ressort d’intervenir dans de telles situations.

[29] Le plaignant blâme M. Garneau et Mme Lessard, deux officiers de la section locale du syndicat, d’être des témoins dans la plainte de Mme X. J’ai lu le rapport d’enquête déposé en preuve, et le nom de M. Garneau n’apparaît pas dans la liste des témoins. Quoiqu’il en soit, cela ne constituerait pas en soi un manquement au devoir de représentation équitable et une infraction à la Loi.

[30] Le plaignant a communiqué avec M. Lebeau, le président régional du syndicat, afin de lui demander de l’aide à la suite de la plainte de harcèlement de Mme X. Selon le plaignant, M. Lebeau lui aurait répondu qu’il n’avait pas qu’à s’occuper des problèmes du plaignant. M. Lebeau aurait effectivement tenu de tels propos, mais il aurait aussi précisé qu’il s’occuperait du dossier du plaignant. Il lui a d’ailleurs envoyé un message texte affirmant que son travail était de représenter tous les membres dans toutes les situations et que le droit à la représentation du plaignant ne serait jamais remis en doute. M. Lebeau n’a alors certainement pas manqué à son devoir de représentation équitable en réaffirmant au plaignant ses droits à la représentation.

[31] M. Lebeau aurait précédemment commenté sur le fait que plusieurs membres de la famille du plaignant occupaient des postes-clés au Service correctionnel du Canada. Le plaignant a dit avoir décidé d’annuler la rencontre avec M. Lebeau à cause de ces commentaires. C’est son choix, mais il ne peut en blâmer le syndicat. Puis, le plaignant a argumenté qu’il s’agissait là de discrimination sur la base du statut de famille. Il n’y a absolument rien dans ce qui m’a été soumis qui soutient une telle allégation ou qui pourrait me laisser croire que les défendeurs ont refusé de représenter le plaignant ou qu’ils lui ont offert des services moindres sur ce motif.

[32] En me fondant sur ce qui m’a été soumis, je suis d’avis que les défendeurs n’ont pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation du plaignant.

[33] L’article 187 de la Loi n’impose pas à une organisation syndicale une obligation de représentation dans tous les cas; il interdit plutôt à l’organisation syndicale d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. L’organisation syndicale doit exercer son pouvoir discrétionnaire en respectant ces balises. Dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada précise à la page 527 ce qui suit :

[…]

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

 

[34] Le plaignant ne m’a pas démontré que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable. Il m’a plutôt convaincu qu’il existe un conflit entre lui et M. Garneau ou Mme Lessard ou Mme X. Ce type de conflit n’est pas du ressort, ni des affaires de la Commission.

[35] Le plaignant m’a demandé de mettre sous scellés les deux déclarations assermentées de collègues. Il a aussi demandé que ses informations personnelles contenues dans les messages de M. Lebeau soient caviardées. Les défendeurs m’ont demandé de protéger l’identité de la personne qui a déposé une plainte de harcèlement contre le plaignant ainsi que l’identité de son conjoint.

[36] J’ai examiné ces demandes en tenant compte du principe de transparence des débats judiciaires entourant les ordonnances de confidentialité et en me référant aux critères établis par la Cour suprême du Canada dans Dagenais c. Société Radio-Canada [1994] 3 R.C.S. 835 et dans R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442.

[37] En me fondant sur ces critères, il n’y a pas de raison de mettre sous scellés les deux déclarations assermentées des collègues du plaignant pour éviter leur accès par le public. Selon le plaignant, ces personnes pourraient subir des représailles du syndicat. Or, dans le cadre de la présente affaire, l’agent négociateur a déjà reçu une copie de ces déclarations et de toute manière, le principe de la transparence des débats judiciaires ne s’applique pas pour l’accès des parties aux documents au dossier, mais bien pour l’accès du public aux documents dossier. Par ailleurs, je ne vois pas la pertinence de nommer les collègues du plaignant dans cette décision, ni de nommer la personne qui a déposé une plainte de harcèlement contre le plaignant, ni son conjoint. En somme, à part le plaignant, je n’ai nommé que M. Garneau, Mme Lessard, Me Ouellet, M. Demers et M. Lebeau. Ces derniers étaient tous au moment des faits en cause des officiers syndicaux. Je rejette donc la demande des défendeurs visant une ordonnance de confidentialité.

[38] Cependant, afin de prévenir des risques sérieux pour la sécurité, toutes les informations personnelles, soit les numéros de téléphone, courriels et adresses résidentielles, de toutes les personnes nommées dans les documents au dossier qui travaillent au Service correctionnel du Canada seront caviardées.

[39] Enfin, le plaignant allègue que les défendeurs ont aussi contrevenu aux dispositions 66(1), 66(2), 93(2), 98a) et 98b) de la Loi. Je suis d’accord avec les défendeurs qu’il s’agit là d’allégations farfelues. Il ne me semble pas utile de reproduire ici ces dispositions de la Loi. Elles traitent de l’accréditation syndicale, de conditions d’accréditation ou de la révocation de l’accréditation. Le plaignant n’a d’ailleurs présenté aucun détail justifiant ces allégations.

[40] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[41] La plainte est rejetée.

[42] J’ordonne au personnel du Secrétariat de la Commission de caviarder toutes les informations personnelles, soit les numéros de téléphone, courriels et adresses résidentielles, de toutes les personnes nommées dans les documents au dossier qui travaillent au Service correctionnel du Canada.

Le 18 juin 2021.

Renaud Paquet,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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