Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a affirmé que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite en ce qui concerne la nomination d’une personne au poste d’adjointe à la directrice pour une période indéterminée, classifié au groupe et au niveau AS-01, au moyen d’un processus annoncé – la plaignante a allégué que la mauvaise foi, le favoritisme, la discrimination et l’intérêt personnel étaient entrés en jeu dans le processus – la Commission a déterminé qu’il n’y avait aucune preuve convaincante que la nomination avait été faite de mauvaise foi, puisque rien dans la preuve ne portait à croire qu’il y avait un aspect exceptionnel de la nomination qui était inexplicable ou incompréhensible au point de devoir conclure à de la mauvaise foi – la preuve a aussi établi que la personne nommée avait été sélectionnée en fonction d’une norme objective : la note totale de l’évaluation des critères visant à recruter la bonne personne pour le poste – la Commission a déterminé que la plaignante n’avait pas établi que la sélection avait été influencée par une relation personnelle ou faite à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un – enfin, la plaignante a affirmé que sa grossesse avait influencé la décision de ne pas la nommer – cependant, la plaignante n’a pas pu démontrer que cela avait constitué un facteur et elle n’a pas établi un cas prima facie de discrimination.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20210614

Dossier : EMP-2018-11646

 

Référence : 2021 CRTESPF 66

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la

fonction publique

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

Sophie Leang

plaignante

 

et

 

COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Leang c. Commissaire du Service correctionnel du Canada

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Joanne Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Frank Janz, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l’intimé : Patrick Turcot, avocat

Pour la Commission de la fonction publique : Louise Bard, analyste principale

Affaire entendue par vidéoconférence

les 25 et 26 février 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Sophie Leang (la « plaignante ») a déposé une plainte d’abus de pouvoir au sujet de la nomination d’une personne (la « personne nommée ») au poste d’adjointe à la directrice, classifié au groupe et au niveau AS-01 (le « poste »), à l’Établissement de Matsqui du Service correctionnel du Canada (SCC) situé à Abbotsford, en Colombie-Britannique.

[2] La plaignante est d’avis que le commissaire du SCC (l’« intimé ») a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite en faisant preuve de mauvaise foi, de favoritisme, de discrimination et d’intérêt personnel.

[3] Dans la plainte initiale, la plaignante avait également allégué qu’il y avait eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé. À l’audience, elle a reconnu que la nomination en question découlait d’un processus de nomination interne anticipé et annoncé, portant le numéro 2016-PEN-IA-PAC-114069 (le « processus de nomination »), pour le poste décrit dans l’affiche en tant que « AS-01 – Adjoint au directeur/directeur de district ». Elle a demandé à retirer sa plainte d’abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination. Le retrait de cette partie de la plainte a été accepté et cet aspect n’a pas été examiné.

[4] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans l’application de mérite. Il a déclaré que la personne nommée a été évaluée et qu’il a été conclu qu’elle possédait les qualifications pour occuper le poste. Elle a été nommée en fonction de critères visant à recruter la bonne personne pour le poste.

[5] Aucun représentant de la Commission de la fonction publique n’était présent à l’audience. Des arguments écrits dans lesquels il était question de ses politiques et lignes directrices pertinentes ont été présentés. La Commission de la fonction publique ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé de la plainte.

[6] Pour les motifs qui suivent, la plainte est rejetée. Il n’a pas été établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

II. Contexte

[7] La chronologie suivante fournit le contexte pertinent en l’espèce.

[8] La plaignante est une employée nommée pour une période déterminée de l’intimé depuis 2012.

[9] Le 15 juillet 2016, l’intimé a lancé le processus de nomination. Dans l’affiche du poste, il était indiqué que le processus visait à créer un répertoire de candidats qualifiés pour la Région du Pacifique du SCC, qui pourrait être utilisé afin de pourvoir des postes aux mandats variables, y compris des affectations intérimaires, des affectations, des détachements et des nominations pour une période indéterminée. La plaignante et la personne nommée ont posé leur candidature et ont été évaluées.

[10] La plaignante a été nommée au poste à titre intérimaire le 19 décembre 2016, et ce jusqu’au 14 février 2018.

[11] Le 2 février 2017, la plaignante a reçu une notification selon laquelle elle s’était qualifiée dans le cadre du processus de nomination.

[12] En août 2017, Bobbi Sandhu est devenue la directrice de l’Établissement de Matsqui (la « directrice ») et la superviseure de la plaignante. La plaignante a continué d’occuper le poste par intérim.

[13] Le 19 octobre 2017, la directrice a présenté une demande à l’Administration centrale du SCC afin de pourvoir le poste pour une durée indéterminée à partir du répertoire de candidats qualifiés pour le processus de nomination. En octobre ou en novembre 2017, elle a reçu une liste indiquant le nom des personnes se trouvant dans le répertoire de candidats qualifiés.

[14] Le 20 novembre 2017, la plaignante a informé la directrice qu’elle allait être en congé de maternité en 2018.

[15] Le 12 décembre 2017, la directrice a demandé à Marilyn Boonstra, conseillère en ressources humaines (la « conseillère en ressources humaines »), d’examiner le répertoire de candidats qualifiés provenant du processus de nomination afin de voir qui souhaiterait occuper le poste par intérim du 8 janvier 2018 au 14 décembre 2018. Un candidat a fait part de son intérêt à l’égard de cette possibilité.

[16] Le 15 décembre 2017, l’autorisation de pourvoir le poste pour une durée indéterminée a été donnée.

[17] Le 18 décembre 2017, la directrice ne se trouvait pas à l’Établissement de Matsqui et Theresa MacNeill, directrice adjointe (la « directrice adjointe »), la remplaçait. La directrice a demandé à la directrice adjointe de pourvoir le poste pour une durée indéterminée.

[18] Le 19 décembre 2017, la directrice adjointe a déterminé les trois critères de la bonne personne pour le poste suivants à mettre en application afin de sélectionner le candidat du répertoire ayant obtenu la cote la plus élevée :

[Traduction]

- Capacité de gérer des dossiers;

- Capacité d’établir des priorités;

- Capacité de contrôler la correspondance entrante et sortante.

(critères adoptés pour identifier la bonne personne)

 

[19] En outre, des critères liés à l’équité en matière d’emploi ont été mis en application et seules des femmes ont été prises en considération.

[20] Le 19 décembre 2017, la conseillère en ressources humaines a déterminé que la personne nommée était la candidate qui avait obtenu la note totale la plus élevée. La personne nommée avait obtenu 25 points sur 30 pour les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste. La plaignante avait obtenu une note de 18.

[21] Une « Notification de candidature retenue » (NCR) a été affichée pour la personne nommée le 28 décembre 2017.

[22] Une « Notification de nomination ou de proposition de nomination » (NNPN) a été affichée le 3 janvier 2018.

[23] Le 8 janvier 2018, la plaignante a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; la LEFP) dans laquelle elle alléguait un abus de pouvoir dans l’application du mérite et dans le choix du processus lié au processus de nomination.

[24] Le 9 janvier 2018, la plaignante a déposé un avis auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) selon lequel elle alléguait une discrimination en matière d’emploi fondée sur le sexe (grossesse) dans la plainte qu’elle avait déposée devant la Commission.

[25] La plaignante a commencé son congé le 18 janvier 2018.

[26] Le 1er septembre 2018, la plaignante a déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne devant la CCDP, dans laquelle elle alléguait avoir été victime de discrimination en ce qui concerne la nomination au poste.

III. Résumé de la preuve

[27] La plaignante a témoigné sur le temps qu’elle a passé à occuper le poste par intérim. Elle espérait y être nommée pour une période indéterminée.

[28] La plaignante s’est souvenue avoir annoncé à la directrice en novembre 2017 qu’elle était enceinte. Elle avait eu l’impression que la directrice avait répondu de manière robotique et que cela ne constituait pas une réception positive. Elle s’est souvenue avoir posé des questions sur la nomination au poste pour une période indéterminée et a indiqué que la directrice lui avait donné une réponse vague.

[29] Peu de temps après Noël, la plaignante a appris d’un collègue qu’une NCR avait été affichée pour la nomination de la personne nommée pour une période indéterminée. La plaignante a indiqué avoir été sous le choc et frustrée par cette nouvelle. Elle était d’avis que l’intimé n’avait pas discuté avec elle et qu’il n’avait aucune responsabilité à l’égard de la décision de dotation, qu’il n’avait pas communiquée. Elle estimait qu’elle aurait dû être privilégiée pour la nomination, étant donné son expérience dans le poste.

[30] La plaignante a estimé qu’elle occuperait toujours le poste par intérim si elle n’était pas tombée enceinte. Elle était également d’avis qu’on l’avait punie pour avoir insisté sur le professionnalisme et les limites auprès de la directrice, en août 2017, quand on lui avait demandé de laver la tasse à café de la directrice et qu’elle répondu ne pas être à l’aise de le faire.

[31] La plaignante était d’accord avec le fait que les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste étaient importants, mais estimait que son expérience aurait dû l’être aussi.

[32] Selon la plaignante, la nomination est le fruit de la manipulation des événements par la directrice. Elle a supposé que la directrice a pu avoir examiné le répertoire de candidats qualifiés, puis choisi les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste qui garantiraient la sélection de la personne nommée à partir du répertoire.

[33] Laura Belal est l’adjointe à la directrice adjointe. Elle s’est souvenue avoir vu une correspondance privée envoyée à la directrice adjointe le 15 décembre 2017, qui donnait l’autorisation de pourvoir le poste pour une durée indéterminée. Elle a également vu une correspondance dans laquelle la directrice avait par la suite indiqué à la conseillère en ressources humaines que la directrice adjointe avait eu la directive de procéder à la dotation du poste.

[34] La directrice a témoigné qu’elle occupe son poste à l’Établissement de Matsqui depuis le mois d’août 2017. C’est la directrice adjointe qui la remplace quand elle est absente.

[35] La directrice a déclaré qu’elle entretenait une relation de travail agréable avec la plaignante et qu’elles travaillaient bien ensemble. La directrice a reconnu qu’en août 2017, la plaignante avait indiqué que certaines tâches, comme apporter de l’eau ou du café à la directrice, la rendaient mal à l’aise. La directrice a témoigné qu’elle s’était excusée auprès de la plaignante et qu’elle ne lui avait plus jamais demandé de le faire.

[36] La directrice a expliqué qu’à son arrivée à l’Établissement de Matsqui, elle s’était concentrée en priorité à stabiliser l’effectif en effectuant des nominations pour une période indéterminée afin de remplacer les nominations par intérim. La plaignante occupait le poste par intérim, qui était occupé pour une période indéterminée par une personne qui travaillait ailleurs depuis 2015 et qui ne devait pas revenir au poste.

[37] C’est ce qui a mené la directrice à demander, le 19 octobre 2017, l’approbation de pourvoir le poste pour une période indéterminée.

[38] La demande présentée comprenait la justification suivante :

[Traduction]

Je demande l’approbation de pourvoir le poste en fonction du risque afin d’assurer une stabilité dans le bureau de la directrice. La titulaire du poste d’attache, Erika Holtzman, est en affectation intérimaire à l’administration régionale depuis 2015 et on ne s’attend pas à ce qu’elle retourne à son poste d’attache. La dotation de ce poste en fonction du risque est soutenue à l’échelle régionale. La dotation sera effectuée à partir du répertoire de candidats qualifiés pour le processus 2016-PEN-IA-PAC-114069, pour le poste AS-01 d’adjoint au directeur/directeur de district. Je souhaite embaucher à partir du répertoire de candidats qualifiés au groupe et au niveau AS-01 et j’aimerais que le candidat représente l’un des groupes visés par l’équité en matière d’emploi.

 

[39] La directrice s’est souvenue qu’en novembre 2017, avant d’avoir obtenu l’autorisation de pourvoir le poste pour une durée indéterminée, la plaignante lui avait annoncé qu’elle était enceinte et qu’elle allait partir prochainement en congé de maternité. La directrice a dit qu’elle était très heureuse pour la plaignante. Toute suggestion contraire était fausse. Elle a confirmé ne pas avoir serré la plaignante dans ses bras, et ajouté que les marques d’affection ouvertes, comme les étreintes à l’égard de personnes autres que les membres de sa famille, ne se font pas dans sa culture.

[40] La directrice a témoigné qu’au moment où elle a appris que la plaignante serait en congé, il est devenu prioritaire de lui trouver un remplaçant pendant cette période. Étant donné que la permission de pourvoir le poste pour une durée indéterminée n’avait pas encore été accordée, la directrice a décidé de demander des déclarations d’intérêt à l’égard d’une nomination par intérim.

[41] Le 15 décembre 2017, la conseillère en ressources humaines a dit à la directrice et à la directrice adjointe que l’autorisation de pourvoir le poste pour une durée indéterminée avait été obtenue. À ce moment-là, la directrice était absente de l’Établissement de Matsqui et la directrice adjointe la remplaçait. La directrice a témoigné qu’elle avait probablement travaillé à partir de son téléphone mobile et qu’elle n’avait pas eu accès à l’énoncé des critères de mérite (ECM) pour déterminer les critères de la bonne personne pour le poste à utiliser pour trouver un candidat adéquat.

[42] La conseillère en ressources humaines s’est souvenue que la directrice avait initialement prévu en novembre de pourvoir le poste de façon intérimaire si elle n’obtenait pas l’autorisation de le pouvoir pour une période indéterminée avant que la plaignante parte en congé. Quand l’autorisation a été obtenue, la directrice a annulé la demande de nomination par intérim et le poste a été pourvu pour une période indéterminée. La conseillère en ressources humaines a confirmé cette décision avec la directrice le 18 décembre 2017.

[43] La directrice adjointe a confirmé que la directrice lui avait demandé, le 18 décembre 2017, de pourvoir le poste pour une durée indéterminée. La directrice adjointe a ensuite rédigé et présenté une demande par l’intermédiaire du portail des ressources humaines de l’intimé. Elle a déterminé les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste et les critères liés à l’équité en matière d’emploi à utiliser pour évaluer les candidats du répertoire de candidats qualifiés.

[44] Dans leurs témoignages, la plaignante, la directrice et la directrice adjointe ont toutes indiqué que les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste représentaient la majeure partie du travail effectué quotidiennement dans le poste.

[45] Toutes les personnes qui se trouvaient dans le répertoire de candidats qualifiés pouvaient être prises en considération. Il a été déterminé que la personne nommée était la candidate qui avait obtenu la note la plus élevée pour les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste, et qu’elle répondait au critère de l’équité en matière d’emploi. La directrice, la directrice adjointe et la conseillère en ressources humaines ont toutes indiqué dans leur témoignage ne pas avoir appris d’elles-mêmes ou d’une autre personne le nom des candidats avant la mise en application des critères visant à recruter la bonne personne pour le poste. Aucune d’elles n’était membre du comité d’évaluation.

[46] La directrice a nié entretenir une relation personnelle avec la personne nommée. Elle l’a connu en tant qu’employée lorsqu’elle avait été directrice à l’Établissement de Kent, car la personne nommée était l’adjointe de la directrice adjointe. Elle a indiqué dans son témoignage que la personne nommée avait aussi fourni un soutien administratif à l’Établissement de Ferndale quand la directrice y travaillait en 2012.

[47] La directrice a témoigné que si la plaignante avait été la personne retenue aux fins de la nomination, quelqu’un d’autre aurait été nommé pour exécuter les tâches pendant le congé de la plaignante. Cette situation n’aurait eu aucune incidence sur la nomination de la plaignante au poste pour une durée indéterminée. La conseillère en ressources humaines a corroboré le témoignage de la directrice.

IV. Analyse

[48] L’article 77 de la LEFP énonce qu’un candidat non retenu d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter une plainte à la Commission selon laquelle il n’a pas été nommé ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir.

[49] L’« abus de pouvoir » n’est pas défini dans la LEFP. Toutefois, le paragraphe 2(4) énonce ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel. » Comme il a été conclu dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, l’abus de pouvoir peut aussi comprendre une conduite irrégulière, des erreurs graves ou des omissions importantes. Comme il est indiqué dans Tibbs, au paragraphe 50, il incombe à la plaignante de prouver l’allégation d’abus de pouvoir.

[50] La plaignante a allégué que l’intimé avait fait preuve de mauvaise foi, de favoritisme, de discrimination et d’intérêt personnel.

A. Mauvaise foi

[51] Aucune preuve convaincante ne me porte à conclure que la nomination a été faite de mauvaise foi pour les motifs qui suivent.

[52] Le processus d’évaluation était terminé en février 2017, date à laquelle on a informé la plaignante qu’il avait été déterminé qu’elle était qualifiée. Le résultat de ce processus n’a pas été contesté.

[53] La directrice a nié avoir préalablement sélectionné la personne nommée. La directrice adjointe et la conseillère en ressources humaines ont confirmé que la directrice n’avait proposé aucun nom. Ni la directrice ni la directrice adjointe n’ont évalué les candidats pour la nomination au poste pour une durée indéterminée. La plaignante a affirmé que des critères précis visant à recruter la bonne personne pour le poste avaient été choisis afin de garantir que la personne nommée obtienne la note la plus élevée. La preuve indique toutefois que c’est la directrice adjointe qui a sélectionné les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste, et non la directrice, et rien ne porte à croire que cette sélection était inappropriée. En fait, la plaignante, la directrice et la directrice adjointe ont confirmé dans leurs témoignages que les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste représentaient les tâches quotidiennes de l’adjointe à la directrice.

[54] La nomination qui en a découlé se fondait sur l’évaluation des candidats qualifiés dans le processus. Le fait que la personne nommée soit la candidate qualifiée ayant obtenu la note la plus élevée pour les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste n’a pas été contesté.

[55] Rien dans la preuve ne porte à croire qu’il y avait un aspect exceptionnel de la nomination qui était inexplicable ou incompréhensible au point de devoir conclure à de la mauvaise foi. Voir Cameron c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 16, au paragraphe 56. La preuve indique plutôt qu’un processus ordonné a été suivi afin de faire la nomination, en se fondant sur les résultats de l’évaluation des candidats d’un répertoire de candidats qualifiés.

[56] La plaignante a soutenu qu’il aurait fallu prendre en considération son expérience dans le poste. Je mentionne que l’ECM pour le processus de nomination exigeait que les candidats montrent deux critères d’expérience : l’expérience du soutien aux gestionnaires et l’expérience de la prestation de services de soutien administratif et financier. Nul n’a contesté le fait que la plaignante et la personne nommée ont présenté cette expérience au comité d’évaluation.

[57] Si, comme il a été suggéré, l’intimé avait ajouté l’expérience de l’exécution des tâches liées au poste, il aurait greffé un critère additionnel au processus de nomination mené. En agissant ainsi, il pourrait teinter les résultats du processus de nomination en accordant un avantage indu à la plaignante ou à d’autres candidats qui avaient occupé le poste. Un tel acte pourrait aussi constituer un abus de pouvoir.

[58] L’allégation de mauvaise foi est rejetée.

B. Favoritisme personnel

[59] La LEFP renvoie explicitement au favoritisme personnel, qui diffère du favoritisme. Dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, au paragraphe 39, on met l’accent sur cette différence, comme suit :

[39] […] Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l’adjectif « personnel », ce qui met en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[60] Au paragraphe 41 de Glasgow, le Tribunal de la dotation de la fonction publique a aussi présenté l’explication suivante :

[41] Lorsqu’il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l’alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

 

[61] En l’espèce, la preuve a établi que la personne nommée a été sélectionnée en fonction d’une norme objective : la note totale de l’évaluation des critères visant à recruter la bonne personne pour le poste. La plaignante n’a pas établi que la sélection avait été influencée par une relation personnelle ou à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un.

[62] Il est tout aussi important de déterminer si la plaignante a été victime de préjugés. Elle a parlé de son inconfort à exécuter des tâches qu’elle ne voulait pas effectuer. La directrice a reconnu l’inconfort de la plaignante et rien ne prouve qu’on lui a de nouveau demandé de les exécuter. Cette situation s’est produite en août 2017. En novembre 2017, la plaignante a été déçue de la réponse de la directrice après qu’elle lui a annoncé qu’elle était enceinte. La directrice a parlé de ses normes culturelles dans son témoignage.

[63] Je ne vois aucune preuve selon laquelle l’un ou l’autre de ces incidents ont donné lieu à un parti pris contre la plaignante qui a influencé le résultat. Il demeure vrai que la personne nommée a été sélectionnée en fonction de son rendement dans un processus de nomination qui avait pris fin des mois plus tôt.

[64] Je n’ai pas oublié de me pencher sur l’allégation de favoritisme personnelle de la plaignante. Au sens strict de l’article 77 de la LEFP, la plaignante a un intérêt personnel à titre de candidate dans le processus de nomination. Elle avait le droit de déposer une plainte, ce qu’elle a fait. Je suis d’avis qu’en alléguant le favoritisme personnel, la plaignante voulait indiquer que la personne nommée avait été favorisée. Comme il est indiqué ci-dessus, je conclus que la preuve n’étaye pas l’allégation de favoritisme personnel.

[65] L’allégation de favoritisme personnel est rejetée.

C. Discrimination fondée sur les droits de la personne

[66] L’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP)) prévoit que le refus d’employer ou de continuer d’employer un individu selon un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire. L’article 3 de la LCDP indique que le sexe est l’un des motifs de distinction illicites.

[67] Afin d’établir que l’intimé a commis un acte discriminatoire, la plaignante doit présenter une preuve prima facie (à première vue) de discrimination, notamment une preuve qui « […] porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé » (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536).

[68] Afin d’établir une preuve prima facie de discrimination, la plaignante devait démontrer (1) qu’elle possède une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination, (2) qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi et (3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61).

[69] La chronologie des événements présentée dans le contexte constitue un indicateur important pour déterminer si cette nomination était teintée de discrimination, comme il est allégué.

[70] L’évaluation des critères essentiels et constituant un atout s’est terminée en février 2017. Huit mois plus tard, en octobre 2017, on a demandé l’autorisation de pourvoir le poste. En novembre 2017, la plaignante a annoncé qu’elle était enceinte. En décembre 2017, l’autorisation de pourvoir le poste a été reçue et les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste ont été mis en application peu de temps après pour évaluer les candidats du répertoire de candidats qualifiés.

[71] La plaignante n’a pas été sélectionnée aux fins de la nomination. La candidate qui a obtenu la note la plus élevée pour les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste et qui respectait le critère lié à l’équité en matière d’emploi a été sélectionnée à partir du répertoire de candidats qualifiés.

[72] En ce qui concerne le critère pour déterminer s’il s’agit d’un cas prima facie de discrimination, premièrement, il est évident qu’au moment de la nomination, la plaignante possédait une caractéristique protégée contre la discrimination, soit le sexe (grossesse).

[73] Deuxièmement, la plaignante a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi lorsqu’elle n’a pas été sélectionnée aux fins de la nomination au poste pour une période indéterminée.

[74] Troisièmement, des critères objectifs évalués plus tôt constituaient le fondement du choix de la personne nommée. La personne nommée a obtenu une meilleure note que la plaignante et répondait au critère de l’équité en matière d’emploi. La plaignante a allégué que sa grossesse avait influencé la décision prise par la directrice de ne pas la nommer et elle a invoqué la réponse apparemment négative de la directrice à l’annonce de sa grossesse. La preuve indique toutefois que la directrice a lancé le processus en demandant l’autorisation de pourvoir le poste pour une durée indéterminée des semaines avant l’annonce de la grossesse. Même si les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste ont été choisis après l’annonce de la grossesse, c’est la directrice adjointe qui les a choisis et rien ne porte à croire que la directrice a joué un rôle à cet égard. De plus, comme il a été mentionné plus tôt, la plaignante a reconnu que les critères visant à recruter la bonne personne pour le poste représentaient les tâches quotidiennes de l’adjointe à la directrice.

[75] Ainsi, la preuve n’étaye pas l’affirmation selon laquelle la discrimination a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable et, par conséquent, le troisième volet du critère pour établir un cas prima facie de discrimination n’a pas été établi.

[76] Je conclus donc que la preuve ne permet pas de conclure à un cas prima facie de discrimination. Il ne suffisait pas à la plaignante d’alléguer qu’elle avait été traitée injustement. Cette allégation devait être soutenue par une preuve qui portait à croire que la discrimination au motif du sexe (grossesse) avait constitué un facteur de l’inégalité alléguée survenue.

[77] Étant donné que la plaignante n’a pas établi un cas prima facie de discrimination, l’intimé n’était pas tenu de répondre à l’allégation de discrimination.

[78] L’allégation de discrimination n’a pas été prouvée.

[79] Pour tous ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[80] La plainte est rejetée.

Le 14 juin 2021.

Traduction de la CRTESPF

 

Joanne Archibald,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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