Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’art. 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral à l’encontre de la défenderesse pour s’être prétendument livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’art. 185 en manquant à son devoir de représentation équitable – il s’est plaint que la défenderesse a refusé de le représenter dans son appel de la demande auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) – la défenderesse a soulevé une objection à la compétence de la Commission d’entendre et de trancher la plainte, étant donné que la CSPAAT ne fait pas partie de la procédure de règlement des griefs – à la suite des décisions dans Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada, 2008 CRTFP 3, et Abeysuriya c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 26, la Commission a conclu que les agents négociateurs n’avaient aucune obligation explicite ou implicite de représenter les employés devant les tribunaux des accidents du travail et qu’elle n’avait pas compétence pour entendre cette plainte portant sur le devoir de représentation équitable.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20210616

Dossier: 561‑32‑41982

 

Référence: 2021 CRTESPF 68

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

WILLIAM STEWART MILLAR

plaignant

 

et

 

Alliance de la Fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Millar c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : David Olsen, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui‑même

Pour la défenderesse : Christopher Schulz, représentant

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 5 août et le 1er septembre 2020.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 5 août 2020, William Stewart Millar (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2, la « Loi ») selon laquelle l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) s’était livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’art. 185 de la Loi (un manquement au devoir de représentation équitable de l’agent négociateur).

[2] Le plaignant affirme qu’il est un travailleur handicapé qui a été blessé au travail. Il a subi une blessure à la cheville. Il déclare que sa demande auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) a été approuvée.

[3] Le 19 janvier 2015, la CSPAAT a écrit au plaignant, l’informant qu’il avait été déterminé qu’un poste préalable à sa blessure avait été jugé convenable par un spécialiste en retour au travail. Le plaignant n’était pas d’accord. Il affirme que son employeur et la CSPAAT ont déclaré que le poste était convenable et répondait à ses restrictions. Il affirme que ce n’était pas le cas. Il affirme qu’il n’a pas été en mesure de retourner au travail et qu’il a touché des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) et une pension d’invalidité du gouvernement fédéral pour les mêmes blessures que celles figurant dans son dossier de la CSPAAT.

[4] Le plaignant a interjeté appel de la décision.

[5] Il soutient qu’il a écrit à l’AFPC pour obtenir de l’aide à titre de membre handicapé de celle‑ci. Il fait valoir que la représentante de l’AFPC n’a pas lu ni compris les renseignements contenus dans son dossier. En particulier, il estime que, devant la CSPAAT, sa représentante de l’AFPC n’a pas représenté ni tenu compte de ses blessures et de ses restrictions.

[6] Le 30 décembre 2019, la CSPAAT a écrit au plaignant et l’a informé qu’il n’y avait aucun motif d’annuler sa décision du 19 janvier 2015. Il a cherché de nouveau à interjeter appel.

[7] Il affirme que l’AFPC n’a trouvé aucune preuve à l’appui de l’appel et qu’elle a refusé de le représenter devant le « Tribunal », vraisemblablement le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail.

[8] Par voie de mesures correctives, il demande à être représenté à la CSPAAT pour tous les appels et le paiement de toutes ses dépenses à l’égard de ses dossiers particuliers de la CSPAAT.

II. Position de la défenderesse

[9] La défenderesse affirme qu’il ressort de la plainte que le plaignant allègue ce qui suit :

1) La défenderesse n’a ni lu ni compris les renseignements contenus dans son dossier.

2) La défenderesse n’a pas reconnu le fait qu’un poste de préalable à la blessure ne convenait pas.

3) Le représentant régional en matière de santé et de sécurité de l’Ontario de la défenderesse n’a pas représenté le plaignant et n’a pas tenu compte de sa blessure et de ses restrictions lorsqu’il le représentait à la CSPAAT.

[10] Le plaignant a demandé que la représentante de l’AFPC examine la décision de la CSPAAT et qu’elle lui fournisse une représentation dans son rôle de représentante en matière de santé et de sécurité. La représentante de l’AFPC l’a rencontré, a communiqué avec lui à maintes reprises par téléphone et par courriel, a examiné la jurisprudence pertinente et a examiné attentivement tous les éléments de preuve relatifs au présent cas, et elle a déterminé qu’il ne comportait pas le bien‑fondé nécessaire pour procéder devant la CSPAAT. Par conséquent, elle a refusé de le représenter.

[11] Le plaignant a présenté une plainte en vertu de l’art. 190 de la Loi contre la défenderesse pour ne pas lui avoir fourni une représentation devant la CSPAAT. Il n’a pas présenté une plainte en vertu de l’art. 190 concernant le fait que l’AFPC ne l’a pas représenté lors d’une audition de grief ou d’une audience d’arbitrage. Par conséquent, la défenderesse soulève une objection préliminaire selon laquelle la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence, étant donné que la CSPAAT ne fait pas partie de la procédure de règlement des griefs. Par conséquent, la présente plainte devrait être rejetée.

[12] Subsidiairement, la défenderesse soutient qu’elle n’a pas manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’elle a refusé de représenter le plaignant devant la CSPAAT. Sa représentante a pris le temps nécessaire pour le rencontrer, examiner la jurisprudence pertinente et examiner tous les éléments de preuve concernant la question relative à sa blessure; ensuite, elle a décidé de ne pas le représenter.

[13] La défenderesse fait référence à Cousineau c. Walker, 2013 CRTFP 68, comme ayant énoncé un principe bien établi selon lequel, en ce qui concerne une telle allégation de devoir de représentation, le fardeau de preuve incombe au plaignant, ainsi que la citation suivante tirée de Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39 : « […] le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle‑ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant […] ».

[14] Selon la position de la défenderesse, c’est exactement ce qu’a fait la représentante de l’AFPC et qu’elle n’a pas agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[15] La réponse de la défenderesse a été déposée le 1er septembre 2020. Le même jour, la Commission a envoyé un courriel au plaignant pour lui demander de fournir sa réponse à l’objection de la défenderesse au plus tard le 16 septembre 2020. Le plaignant n’a jamais répondu.

III. Analyse

[16] L’AFPC soulève une objection préliminaire selon laquelle la Commission n’a pas compétence pour entendre et trancher la présente plainte, étant donné que la CSPAAT ne fait pas partie de la procédure de règlement des griefs.

[17] Ce n’est pas la première fois qu’un agent négociateur a soulevé une objection préliminaire concernant la compétence de la Commission relativement à une allégation selon laquelle il avait manqué à son devoir de représentation équitable dans la représentation de ses membres devant un tribunal des accidents du travail.

[18] L’analyse la plus complète de cette question se trouve peut‑être dans Elliott c. Guilde de la marine marchande du Canada, 2008 CRTFP 3, une décision d’un prédécesseur de la Commission, soit la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Dans ce cas, le plaignant a allégué que l’agent négociateur avait agi arbitrairement en traitant négligemment son dossier devant la commission des accidents du travail (CAT) et qu’il ne s’était pas acquitté de son devoir de représentation équitable.

[19] Comme dans le présent cas, les défendeurs ont soutenu que la CRTFP n’avait pas compétence pour entendre cette question, puisqu’elle n’avait pas compétence pour traiter une plainte relative à la représentation devant d’autres tribunaux, comme la CAT. En outre, ni la convention collective ni la Loi n’exigeaient que les membres de l’agent négociateur soient représentés aux audiences de la CAT. Le fait que l’agent négociateur ait aidé ses membres à présenter des demandes d’indemnisation des travailleurs n’a pas transformé le service en une affaire visée par la Loi. La prestation d’un tel service était une affaire interne de l’agent négociateur.

[20] La CRTFP a confirmé l’objection de compétence dans une longue décision, dont le résumé se trouve aux paragraphes 188 à 195, comme suit :

[188] Pour résumer ce qui précède, je considère que le devoir de représentation juste qui est prévu à l’article 187 de la LRTFP concerne les droits, obligations et questions énoncés dans la LRTFP, qui se rapportent à la relation entre les fonctionnaires et leur employeur. En d’autres termes, la « représentation » que mentionne cet article est la représentation du fonctionnaire dans des affaires ayant trait à la relation prévue dans la convention collective ou à la LRTFP, par exemple la représentation dans la négociation collective et la présentation de griefs en vertu de la Loi.

[…]

[191] Pour ce qui est de la présente espèce, je ne vois rien d’explicite ou d’implicite dans la convention collective qui oblige l’agent négociateur à représenter les employés devant la CAT. Ce n’est pas étonnant, puisque les conventions collectives traitent habituellement de questions ayant trait à la relation des employés ou de leur syndicat avec l’employeur et non de la relation entre les syndicats et leurs membres. Comme l’ont signalé les défendeurs, le service en cause a été volontairement fourni au plaignant.

[192] Je ne vois pas non plus dans la LRTFP une disposition ou indication que le Parlement entendait que le devoir de représentation juste s’étende aux demandes d’indemnité soumises aux commissions provinciales des accidents du travail. Chaque province a une législation sur les accidents du travail, et il n’y a aucun lien entre ces régimes législatifs et celui de la LRTFP.

[193] Accepter l’argument avancé par le plaignant signifierait que le devoir de représentation juste s’appliquerait à tous les services qu’un syndicat décide d’offrir à ses membres, que le syndicat soit ou non obligé d’offrir ce service et que le service soit ou non lié à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective. Cela signifierait également que le Parlement entendait conférer à notre Commission le vaste mandat de superviser la prestation de services de représentation volontairement offerts par un syndicat concernant les demandes devant les tribunaux des accidents du travail, les questions disciplinaires devant les organisations professionnelles, les demandes relatives au Régime de pensions du Canada, les questions ayant trait à l’assurance‑chômage, les questions devant les tribunaux des transports, les actions devant les tribunaux judiciaires, etc., c’est‑à‑dire toutes les questions à l’égard desquelles notre Commission n’a pas d’expertise spéciale. À mon avis, si le Parlement avait voulu accorder à notre Commission une aussi vaste compétence à l’égard de questions non liées à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective, il aurait donné une indication à cet égard. Dans le cas qui nous occupe, il y a absence d’une telle indication.

[…]

[195] Les services qu’un syndicat décide d’offrir à ses membres et qui ne se rapportent pas à la LRTFP ou à la relation régie par la convention collective concernent le syndicat et ses membres. Si le syndicat ne représente pas correctement ses membres à l’égard de ces questions, il peut y avoir un certain recours devant un autre tribunal (peut‑être sur un fondement contractuel prévu dans les statuts du syndicat), mais cette question ne relève pas de la compétence de notre Commission.

 

[21] La Commission a adopté cette décision récemment, dans Abeysuriya c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 26. Ce cas portait sur une plainte selon laquelle un agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’il n’a pas fourni une aide au plaignant dans le cadre d’une plainte de dotation. La Commission a conclu comme suit aux paragraphes 43 et 44 :

[43] La jurisprudence de l’ancienne Commission est uniforme (Lai, Ouellet, Elliott, Brown et Tran) en ce sens que les plaintes présentées à la nouvelle Commission qu’une organisation syndicale ou un agent négociateur a manqué à son obligation de représentation équitable présentée à l’article 187 de la LRTFP s’appliquent seulement aux affaires ou aux litiges visés par la LRTFP ou la convention collective applicable. Le cas en l’espèce porte sur des questions de dotation.

[44] Comme cela a été expliqué dans l’analyse, puisque les questions de dotation posées par cette plainte ne sont pas visées par la LRTFP ou la convention collective applicable, je conclus que la nouvelle Commission n’a pas compétence pour examiner la plainte sur le fonds. […]

 

[22] De même, dans le présent cas, je conclus qu’il n’existe aucune obligation explicite ou implicite pour les agents négociateurs de représenter les employés devant les tribunaux des accidents du travail et que la Commission n’a pas compétence pour entendre cette plainte portant sur le devoir de représentation équitable.

[23] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

[24] La plainte est rejetée.

Le 16 juin 2021.

Traduction de la CRTESPF

David Olsen,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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