Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à l’employeur d’enquêter sur le comportement de ses collègues – l’employeur lui a conseillé de déposer une plainte de harcèlement, ce que le fonctionnaire s’estimant lésé a refusé de faire – par conséquent, l’employeur a amorcé une enquête sur la violence en milieu de travail – le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite déposé un grief et a allégué que son employeur avait enfreint la clause 20.01 (Sécurité et santé) de la convention collective – le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé que ses crédits de congé de maladie et de congé annuel lui soient remboursés et qu’il soit indemnisé à long terme pour souffrance morale continue – l’employeur a déposé deux objections à la compétence de la Commission, comme suit : (1) la clause 20.01 de la convention collective ne conférait pas au fonctionnaire s’estimant lésé un droit substantiel pouvant faire l’objet d’un grief; et (2) la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (L.R.C. (1985), ch. G-5) prévoyait un autre mécanisme de recours – en ce qui concerne la première objection, la question consistait à savoir si la référence au remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel ainsi qu’à l’indemnisation pour souffrance morale dans la demande de mesures correctives était suffisante pour intégrer dans le grief les violations présumées d’autres dispositions de la convention collective – la Commission a analysé la clause 20.01 à la lumière de la référence expresse à cette clause dans le grief et dans l’avis de renvoi à l’arbitrage – la Commission a conclu que l’objet essentiel du grief était l’expérience de la violence en milieu de travail vécue par le fonctionnaire s'estimant lésé – le lien entre les contraventions aux droits au congé de maladie et au congé annuel en litige et l’objet essentiel du grief n’était pas clair – en ce qui concerne l’indemnisation pour souffrance morale, ni le grief ni l’avis de renvoi à l’arbitrage ne comportaient une indication du fondement prévu dans la convention collective de la demande du fonctionnaire s’estimant lésé – la Commission a accueilli l’objection de l’employeur à l’égard de la compétence, à savoir que la clause 20.01 de la convention collective ne lui conférait pas un droit substantiel pouvant faire l’objet d’un grief – il n’était pas nécessaire que la Commission aborde la deuxième objection présentée par l’employeur.

Grief rejeté.

Contenu de la décision

Date: 20210614

Dossier: 566‑02‑38849

 

Référence: 2021 CRTESPF 67

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Code canadien du travail

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

raymond payne

fonctionnaire s’estimant lésé

 

et

 

Conseil du Trésor

(ministère de la Défense nationale)

 

employeur

Répertorié

Payne c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Dan Butler, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Ronald Pink, avocat

Pour l’employeur : Kieran Dyer, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 22 janvier et les 12 et 19 février 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] Le Conseil du Trésor (l’« employeur ») a déposé des objections à l’égard de la compétence de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission », qui dans la présente décision fait également référence à ses prédécesseurs) pour entendre un grief renvoyé à l’arbitrage par Raymond Payne, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »).

[2] Le fonctionnaire est un employé du ministère de la Défense nationale qui travaille en tant que grutier et conducteur de chariot élévateur à fourche à FMF Cape Scott, en Nouvelle‑Écosse, connu sous le nom de Halifax Dockyards. Son poste est classifié au groupe et au niveau MDO‑05 de l’unité de négociation Réparation des navires (Est) représentée par le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est) (l’« agent négociateur »).

[3] Dans un grief déposé le 18 janvier 2018, le fonctionnaire a allégué que son employeur avait violé la clause 20.01 (sécurité et santé) de la convention collective pour l’unité de négociation Réparation des navires (Est) qui est venue à échéance le 31 décembre 2018 (la « convention collective »). La clause se lit comme suit :

20.01 L’Employeur continue de prévoir toute mesure raisonnable concernant la sécurité et la santé au travail des employés. L’Employeur fera bon accueil aux suggestions faites par le Conseil sur ce sujet, et les parties s’engagent à se consulter en vue d’adopter et de mettre rapidement en œuvre toutes les procédures techniques raisonnables destinées à prévenir ou à réduire le risque d’accident du travail. Le Conseil accepte d’encourager ses adhérents à observer toutes les règles de sécurité et à utiliser tous les moyens de protection et de sécurité appropriés.

 

[4] Le fonctionnaire a demandé les mesures correctives suivantes : 1) le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel à leur niveau du 30 mars 2017, [traduction] « [a]vant le début de la présente plainte pour violence en milieu de travail »; 2) l’indemnisation pour angoisse mentale permanente à long terme [traduction] « […] causée par la réticence de la direction de répondre à ma plainte en temps opportun ».

[5] N’ayant pas obtenu gain de cause dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs, le fonctionnaire a renvoyé l’affaire à l’arbitrage, avec l’appui de son agent négociateur, le 16 juillet 2018, en vertu de l’al. 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »).

[6] À la suite de la nomination par la Commission d’un médiateur, puis du retrait du fonctionnaire de la médiation, l’employeur a déposé une objection à la compétence le 23 décembre 2019. Il a demandé que la Commission rejette le grief sans audience. L’employeur a fait valoir son objection au motif que le Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L‑2; le « Code ») et le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86‑304; le « Règlement sur la SST ») prévoient la réparation. Il a soutenu ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Le paragraphe 208(2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral énonce que :

208 (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le Parlement a créé une procédure distincte qui confère à un organisme administratif différent la compétence exclusive de trancher les questions de santé et de sécurité au travail, décrites dans la partie II du Code canadien du travail, et dans l’article 20.9 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86‑304).

[…]

 

[7] La Commission a prévu une audience le 21 février 2020. À la suite d’une conférence téléphonique préalable à l’audience, le 20 janvier 2020, la Commission a annulé l’audience en vue d’amorcer un processus de présentation d’arguments écrits concernant l’objection à la compétence de l’employeur, tel que cela est décrit dans une directive aux parties le 24 janvier 2020. La Commission a suspendu ce processus le 28 janvier 2020, après que les parties l’ont informée qu’elles avaient participé à des discussions sur le règlement.

[8] Le 19 novembre 2020, la Commission a été informée que les parties s’étaient retrouvées dans une impasse dans le cadre de leurs discussions. L’employeur a demandé à la Commission de procéder au processus de présentation d’arguments écrits dont il avait été question à la conférence préparatoire à l’audience. Le fonctionnaire a demandé à la Commission de fixer la date de l’audience.

[9] Lors de ma nomination en décembre 2020 en tant que formation de la Commission dans cette affaire, j’ai examiné l’historique du dossier et thèses des parties du 29 novembre 2020. J’ai demandé au greffe de la Commission d’informer les parties qu’un processus de présentation d’arguments écrits procéderait de la manière décrite le 24 janvier 2020. Le greffe a informé les parties comme suit :

[Traduction]

[…]

La formation de la Commission maintenant saisie de ce dossier a examiné la situation et a décidé que la Commission procédera au processus de présentation d’arguments écrits relatifs à l’objection de l’employeur quant à la compétence discutée lors de la conférence préparatoire à l’audience du 20 janvier 2020 et telle qu’elle est décrite dans le courriel de la Commission à l’intention des parties du 24 janvier 2020.

Par conséquent, le processus de présentation d’arguments écrits procédera comme suit :

Les parties ont jusqu’au 15 janvier 2021 pour fournir à la Commission tout énoncé conjoint des faits ou recueil de documents qu’elles pourraient souhaiter présenter conjointement.

L’employeur aura jusqu’au 22 janvier 2021 pour achever ses arguments.

Le représentant du fonctionnaire aura jusqu’au 12 février 2021 pour achever ses arguments, y compris toute réponse aux arguments de l’employeur.

L’employeur aura jusqu’au 19 février 2021 pour répondre.

On rappelle aux parties les autres directives figurant au courriel de la Commission du 24 janvier 2020, comme suit […]

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[10] Dans ses arguments écrits du 22 janvier 2021, l’employeur a retiré son objection à la compétence de la Commission en vertu du Code et du Règlement sur la SST. Il a reformulé son objection, faisant valoir ce qui suit : 1) que la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État (L.R.C. (1985), ch. G‑5; « LIAE »), prévoit un autre mécanisme de recours dans cette situation; 2) que le fonctionnaire s’appuie sur un article consultatif de la convention collective, qui ne lui accorde aucun droit substantif :

[Traduction]

[…]

1. La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») n’a pas compétence pour entendre le présent grief. M. Raymond Payne demande une réparation à la Commission même s’il a déjà obtenu une réparation à l’égard de la situation visée par la plainte en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État. De plus, la convention collective ne comporte aucun article sur lequel M. Payne peut fonder son grief. Le grief ne peut être renvoyé à l’arbitrage. Par conséquent, la Commission devrait rejeter le grief sans audience.

[…]

 

[11] Pour les motifs suivants, j’ai accueilli la deuxième objection de l’employeur à l’égard de la compétence de la Commission et j’ai rejeté le grief pour ce motif.

II. Historique

[12] L’employeur a résumé l’historique de l’affaire comme suit, qui n’a pas été contesté par l’agent négociateur :

[Traduction]

[…]

3. M. Payne a demandé à la direction d’enquêter sur le comportement de ses collègues en vertu du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail en mars 2017. La direction lui a conseillé de déposer une plainte de harcèlement. M. Payne a refusé. Par conséquent, la direction a lancé une enquête sur la violence en milieu de travail.

4. M. Payne a alors déposé le présent grief en janvier 2018. Il a allégué que la direction avait violé la clause 20.01 (sécurité et santé) de la convention collective – Réparation des navires (Est) [date d’expiration : le 31 décembre 2018]. Il a demandé le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel. Il a également demandé un « règlement à plus long terme (angoisse mentale permanente) » parce que la direction n’a pas répondu à sa plainte en temps opportun.

5. L’employeur a rejeté le grief au premier palier en février 2018. Il a conclu que l’allégation selon laquelle la direction ne protégeait pas sa santé et sa sécurité n’était pas fondée, étant donné qu’il n’a pas accepté de participer au processus relatif aux plaintes de harcèlement proposé par la direction. En ce qui a trait à sa première mesure corrective, la direction a informé M. Payne que la Commission d’indemnisation des accidentés du travail (CIAT) de la Nouvelle‑Écosse constitue le mécanisme approprié pour les demandes d’indemnisation pour accident du travail. En ce qui a trait à sa deuxième mesure corrective, la direction a fait remarquer que M. Payne n’était pas en mesure de décrire la mesure corrective qu’il demandait, et qu’il a seulement indiqué qu’[traduction] « un arbitre professionnel comprendra ».

6. Le commandant a accueilli en partie le grief au deuxième palier en mai 2018. Le commandant s’est engagé à enquêter sur sa plainte de manière rapide et transparente. Il a informé M. Payne qu’un tiers était sollicité pour enquêter sur sa plainte en vertu du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail. En ce qui a trait à sa première mesure corrective, le commandant a rappelé à M. Payne que la CIAT de la Nouvelle‑Écosse est disponible pour examiner et enquêter sur les blessures subies au travail. En ce qui concerne sa deuxième mesure corrective, le commandant a confirmé l’engagement de l’employeur de lui offrir un milieu de travail sain et des possibilités d’avancement, à l’égard duquel M. Payne a exprimé des préoccupations au cours de l’audition du grief. Il a également encouragé M. Payne à déposer une plainte de harcèlement s’il estimait avoir été victime de harcèlement.

7. M. Payne s’est opposé à la nomination d’un cabinet d’avocats tiers à titre de personne compétente. Il a communiqué avec le Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) au sujet de l’état de son enquête sur la violence en milieu de travail. Le Programme du travail a conseillé à la direction de chercher une nouvelle personne compétente, compte tenu de l’objection de M. Payne. M. Payne a par la suite accepté de nommer quelqu’un d’autre à titre de personne compétente.

8. Le dernier jour de travail de M. Payne a été le 14 novembre 2019. Il est en congé depuis cette date. L’employeur a accordé à M. Payne un congé d’accident du travail de 130 jours visant la période allant du 18 novembre 2019 au 25 mai 2020.

9. Un rapport de blessure a été soumis à la CIAT de la Nouvelle‑Écosse relativement à la blessure. La blessure dans ce rapport est la même blessure dont il est question dans le présent grief. Le 26 mars 2020, la CIAT de la Nouvelle‑Écosse a approuvé sa demande de remboursement des frais d’aide médicale et du temps perdu rétroactivement au 14 novembre 2019. La CIAT de la Nouvelle‑Écosse a par la suite augmenté les prestations de M. Payne au taux à long terme. M. Payne continue de toucher des prestations de la CIAT.

10. M. Payne a reçu le rapport de la personne compétente le 9 septembre 2020.

[…]

III. Arguments écrits

[13] Les résumés qui suivent abrègent les arguments écrits des parties tout en tenant compte en grande partie du libellé original de leurs arguments. Pour certaines sections, des citations directes sont fournies.

A. Pour l’employeur

[14] Selon les motifs reformulés par l’employeur pour s’opposer à la compétence de la Commission, la LIAE prévoit un autre mécanisme de recours dans la situation vécue par le fonctionnaire et la clause 20.01 de la convention collective, sur laquelle le fonctionnaire s’est fondé, ne lui accorde pas un droit substantiel qui peut faire l’objet d’un grief.

[15] L’employeur a cité le par. 208(2) de la Loi, qui dispose ce qui suit :

208 (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[16] Si un grief ne peut être présenté en vertu du par. 208(2) de la Loi, l’employeur a soutenu qu’il ne pouvait être renvoyé à l’arbitrage. Si un employé renvoie un tel grief à l’arbitrage, la Commission ne peut pas l’entendre; voir Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 CF 27 (C.A.), au par. 17.

[17] La décision Boutelier soutient que les faits reprochés dans la plainte doivent être essentiellement les mêmes que ceux dans l’autre processus de recours. Il énonce également que le par. 91(1) (l’équivalent au par. 208(2) des dispositions précurseurs) « […] n’exige pas qu[’]une autre loi […] prévoie le même recours » ou que le recours soit égal ou supérieur à celui demandé dans le grief : au par. 4, citant Byers Transport Ltd. c. Kosanovich, 1995 CanLII 3515 (CAF) (« Byers Transport »), au par. 378.

[18] En présentant davantage d’arguments fondés sur Boutilier et sur Chow c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 206, au par. 6, l’employeur a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Même une voie de recours inférieur écartera la compétence de la Commission. Tout ce qui est nécessaire, c’est que l’autre procédure de recours soit à la disposition de l’employé et qu’il doit lui permettre d’obtenir une véritable réparation. Tout manque de succès avant l’autre processus administratif n’est pas pertinent.

 

[19] La LIAE prévoit une procédure de recours au sens du par. 208(2) de la Loi.

[20] La Commission n’a pas compétence en matière de maladies et accidents liés au travail. La commission des accidents du travail (CAT) compétente de la province détermine l’indemnisation; voir Miller c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 164, au par. 82 à 90; et Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35, au par. 58.

[21] Dans le cas du fonctionnaire, il a déjà obtenu une indemnité pour sa blessure de la CIAT de la Nouvelle‑Écosse.

[22] La LIAE prévoit un [traduction] « […] plan d’indemnisation complet, exclusif et sans défaut pour les fonctionnaires fédéraux qui ont été blessés dans le cadre de leur emploi ». Le Parlement avait l’intention que les commissions provinciales spécialisées traitent les réclamations des fonctionnaires fédéraux découlant de blessures au travail, au lieu d’intenter une cause d’action contre leur employeur; voir Canada c. Prentice, 2005 CAF 395, aux paragraphes 35 et 70 à 72; Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), 2013 CSC 44, aux paragraphes 26, 29, 30, 33 à 35, et 39; Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board), 2014 CSC 25, aux paragraphes 28 et 63.

[23] En plus du par. 208(2) de la Loi, l’art. 12 de la LIAE écarte également la compétence de la Commission en interdisant toute réclamation, y compris un grief, contre l’employeur en cas d’accident de travail. L’employeur a soutenu en outre ce qui suit : [traduction] « Ni la LIAE ni la LRTSPF n’exigent que l’employé présente effectivement une demande d’indemnisation en vertu de la LIAE pour que son grief soit interdit; tout ce qu’il faut, c’est que le LIAE s’applique. »

[24] Le fonctionnaire a allégué avoir été victime de violence en milieu de travail et l’incapacité de l’employeur de réagir en temps opportun. L’objet de son grief relève directement de la LIAE. Conformément à ces dispositions législatives, la CIAT de la Nouvelle‑Écosse a approuvé sa demande d’indemnisation.

[25] Un employé ne peut pas [traduction] « cumuler les indemnités » en demandant une réparation à la Commission et à la CAT pour le même incident ou [traduction] « sélectionner le forum » afin d’obtenir une réparation privilégiée. Le fait que la CIAT de la Nouvelle‑Écosse ne peut pas ordonner à l’employeur de rétablir les crédits de congé de maladie du fonctionnaire n’a aucune conséquence; voir Boutilier, aux paragraphes 23 et 4, citant Byers Transport, au par. 378.

[26] La Cour suprême du Canada a conclu que l’immunité de l’employeur découlant des régimes d’indemnisation des accidents du travail est fondamentale. S’il n’y avait aucun obstacle à une action contre les employeurs, l’intégrité du système serait compromise. Comme l’a résumé l’employeur, la Cour suprême a conclu qu’« [i]l serait injuste de permettre que des actions soient intentées contre des employeurs lorsqu’il existe une chance que le travailleur blessé obtienne une indemnité plus élevée, et, en même temps, de forcer les employeurs à contribuer à un régime d’assurance sans égard à la responsabilité »; voir Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers’ Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890, au par. 26.

[27] L’employeur a fait référence à l’art. 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif (L.R.C. (1985), ch. C‑50; « LRCECA », qui se lit comme suit :

9 Ni l’État ni ses préposés ne sont susceptibles de poursuites pour toute perte – notamment décès, blessure ou dommage – ouvrant droit au paiement d’une pension ou indemnité sur le Trésor ou sur des fonds gérés par un organisme mandataire de l’État.

 

[28] L’indemnisation en vertu de la LIAE est versée à même le Trésor. Par conséquent, la LRCECA interdit également au fonctionnaire de présenter son grief à l’encontre de l’employeur.

[29] En résumé, la Commission n’a pas compétence pour instruire le grief, qui relève de la portée de la LIAE en vertu de l’art. 12 de la LIAE, de l’art. 9 de la LRCECA et du par. 208(2) de la Loi.

[30] Au‑delà des obstacles légaux à la compétence de la Commission, la réparation demandée par le fonctionnaire n’est fondée sur aucune disposition de la convention collective. Il a invoqué la clause 20.01, mais cette disposition ne confère aucun recours aux employés.

[31] La jurisprudence de la Commission est claire qu’il s’agit « […] d’une disposition prévoyant la tenue de consultations et non pas d’une voie de recours pour se prévaloir de la procédure de règlement des griefs » (citant Spacek c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 104, au par. 40). La clause 20.01 exige que l’employeur consulte l’agent négociateur au sujet des questions de santé et de sécurité. Elle ne crée pas une obligation envers les employés. La convention collective énonce clairement que « les parties s’engagent à se consulter », les parties étant l’employeur et l’agent négociateur, et non l’employé. Le grief ne satisfait pas à l’exigence prévue à l’al. 209(1)a) selon laquelle l’application de la disposition doit être à l’égard de l’employé.

[32] Comme il a été mentionné, Spacek, au par. 40, a soutenu qu’une disposition qui est pratiquement identique à la clause 20.01 est « […] une disposition prévoyant la tenue de consultations et non pas d’une voie de recours pour se prévaloir de la procédure de règlement des griefs ». La clause 20.01 exige une consultation auprès de l’agent négociateur sur les questions de santé et de sécurité; elle ne crée pas une obligation envers les employés; voir Ristivojevic c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTESPF 79, au par. 242; Parsons c. Conseil du trésor (Défense nationale), 2004 CRTFP 160, au par. 38.

[33] Les parties qui « s’engagent à se consulter » en vertu de la clause 20.01 sont l’employeur et l’agent négociateur, et non l’employé. Par conséquent, le grief ne satisfait pas à l’exigence énoncée à l’al. 209(1)a) de la Loi selon laquelle l’application d’une disposition de la convention collective doit être « à son [fonctionnaire] égard ».

[34] L’employeur a demandé à la Commission de rejeter le grief sans audience, pour défaut de compétence.

[35] Subsidiairement, l’employeur a fait valoir ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] si la Commission assume compétence, l’employeur demandera une ordonnance pour un examen médical indépendant. Les parties ont convenu que si la Commission assume compétence sur le grief, elles suspendront l’affaire jusqu’à ce que la Commission rende une décision sur la demande d’examen médical indépendant.

[…]

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

[36] Le fonctionnaire a répondu qu’il n’existe pas un autre mécanisme administratif comme prévu au par. 208(2) de la Loi et que le libellé du grief ne le rend pas une affaire qui ne peut être tranchée.

[37] Le fonctionnaire a résumé comme suit le fondement de son affirmation selon laquelle l’objection de l’employeur à la compétence fondée sur le paragraphe 208(2) de la Loi n’est pas fondée :

[Traduction]

[…]

2. Le paragraphe 208(2) n’empêchera l’employé de présenter un grief que si l’autre recours administratif de rechange peut traiter de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief de l’employé et de permettre au même plaignant d’obtenir une véritable réparation.

3. Le Syndicat fait valoir qu’il n’existe aucun autre mécanisme permettant de traiter de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief et de permettre une véritable réparation pour le fonctionnaire. Les prestations d’accident de travail ne satisfont pas à ce seuil, car elles 1) ne traitent pas de l’objet du grief, et 2) n’offrent pas une véritable réparation. Une décision quant à savoir s’il existe un accident de travail donnant droit à une indemnisation ne constitue pas une décision quant à savoir si l’employeur a violé les modalités expresses et implicites de la convention collective.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[38] Le droit de déposer un grief est limité par le par. 208(2) de la Loi. Il empêche les employés de déposer des griefs relativement à des questions pour lesquelles il existe un autre recours administratif de réparation prévu par la loi.

[39] L’employeur a soutenu que la LIAE est un autre recours administratif qui répond à la limite énoncée au par. 208(2) de la Loi.

[40] La LIAE donne aux employés l’accès aux régimes provinciaux d’indemnisation des accidents du travail. Cet arrangement représente un compromis historique en vertu duquel les fonctionnaires fédéraux ont renoncé à leur cause d’action contre les employeurs pour les blessures en milieu de travail en faveur d’un régime d’assurance sans égard à la responsabilité administré par les provinces. En Nouvelle‑Écosse, le régime est énoncé dans la Workers’ Compensation Act, SNS 1994‑95, c 10 (« WCA »). Le compromis est décrit au par. 28(1) de la WCA comme suit :

[Traduction]

28 (1) Les droits prévus par la présente partie remplacent tous les droits et les droits d’action auxquels un travailleur, sa personne à charge ou son employeur ont ou peuvent avoir droit contre

a) l’employeur du travailleur ou ses préposés ou mandataires;

b) tout autre employeur assujetti à la présente partie, ou tout préposé ou mandataire de cet employeur,

à la suite d’une blessure corporelle subie accidentellement

c) à l’égard de laquelle une indemnité est payable en application de la présente partie;

d) découlant de l’emploi ou dans le cadre de l’emploi du travailleur dans une industrie à laquelle s’applique la présente partie.

 

[41] Une description semblable du compromis figure à l’art. 12 de la LIAE, comme suit :

12 L’agent de l’État ou les personnes à sa charge qui, par suite d’un accident du travail, ont droit à l’indemnité prévue par la présente loi ne peuvent exercer d’autre recours contre Sa Majesté ou un fonctionnaire, préposé ou mandataire de celle‑ci pour cet accident.

 

[42] Selon la WCA, les employés blessés ont le droit de demander des prestations de remplacement temporaires ou permanentes lorsque leur revenu est interrompu en raison d’un accident de travail. Les employés blessés peuvent également demander une indemnisation pour les frais engagés pour traiter ou se rétablir de la blessure et les frais qui facilitent le retour au travail ou la recherche d’un autre emploi. Les réclamations sont présentées à la CAT et tranchées par celle‑ci. Une demande de prestations est tranchée en première instance par un agent chargé de cas de la CAT, qui a un droit d’appel auprès d’un greffier d’audience de la CAT et ensuite au Tribunal d’appel des accidents du travail.

[43] La LIAE et la WCA créent ensemble un régime qui offre aux fonctionnaires des prestations d’accident de travail au lieu d’une cause d’action contre leur employeur. La WCA limite expressément l’indemnisation qui peut être accordée pour indemniser une perte de revenus et d’autres frais associés aux accidents du travail.

[44] Comme l’a souligné le fonctionnaire, le régime d’indemnisation des accidents du travail ne traite pas des autres droits conférés expressément ou implicitement par une convention collective, qu’ils soient de fond ou de procédure. Les agents de la CAT n’ont pas le pouvoir de traiter des dispositions de convention collective portant sur des sujets tels que les heures supplémentaires, les primes, l’horaire, les congés, les offres d’emploi, la discrimination ou la discipline. Ils ne peuvent pas non plus faire respecter des droits prévus par la loi, tels que des normes minimales d’emploi en vertu de la partie III du Code ou des interdictions énoncées dans la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6).

[45] L’article 19 de la convention collective énonce la procédure de règlement des griefs applicable. Le fonctionnaire a soutenu que la clause 19.02 vise un éventail extrêmement large de questions, y compris toute question portant sur « […] toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi […] », toute question ayant trait à « […] toute disposition d’une convention collective […] », et toute question soulevée « […] par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi ». La clause 19.02 se lit comme suit :

19.02 Sous réserve de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et conformément aux dispositions dudit article, l’employé peut présenter un grief contre l’employeur lorsqu’il ou elle s’estime lésé :

a. par l’interprétation ou l’application à son égard :

i. soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’Employeur concernant les conditions d’emploi;

ou

ii. soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

ou

b. par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

 

[46] La clause 19.10 de la convention collective se lit comme suit :

19.10 Sous réserve de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et conformément à ses dispositions, l’employé s’estimant lésé qui estime avoir été traité de façon injuste ou qui se considère lésé par une action quelconque ou une absence d’action de la part de l’employeur au sujet de questions autres que celles qui résultent du processus de classification, a le droit de présenter un grief de la façon prescrite au paragraphe 19.08, sauf que :

a. dans les cas où il existe une autre procédure administrative prévue par une loi du Parlement ou établie aux termes de cette loi pour traiter sa plainte, cette procédure doit être suivie,

et

b. dans les cas où le grief se rattache à l’interprétation ou à l’application de la présente convention collective ou d’une décision arbitrale, il n’a pas le droit de présenter un grief à moins d’avoir obtenu l’approbation du Conseil et de se faire représenter par lui.

[Je mets en évidence]

 

[47] La clause 19.10 reflète le par. 208(2) de la Loi, mais prévoit expressément que l’autre procédure administrative doit être en mesure « […] de traiter sa plainte […] ». Le fonctionnaire a soutenu que si la procédure administrative ne permet pas de traiter de l’objet du grief, ni l’exception énoncée par le par. 208(2) ni l’exception prévue par la convention collective ne peuvent être respectées.

[48] Le fonctionnaire a soutenu que la jurisprudence énonce des critères clairs lorsque la Commission n’a pas compétence pour entendre un grief étant donné l’application du par. 208(2) de la Loi. La Commission n’a pas compétence si une autre procédure administrative peut traiter de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief de l’employé et de permettre à la même partie plaignante d’obtenir une véritable réparation.

[49] Dans Byers Transport, un arbitre de grief en vertu de la partie III du Code a conclu qu’un employé a été injustement congédié. La Cour d’appel fédérale a annulé la décision, en concluant que l’affaire aurait dû faire l’objet d’une plainte de pratique déloyale en vertu de la partie I du Code plutôt que d’une décision rendue en vertu de la partie III. Les recours prévus aux parties I et III étaient presque identiques, mais la partie III contenait un libellé semblable au par. 208(2) de la Loi, tandis que la partie I ne comportait pas un tel libellé.

[50] Le fonctionnaire a fait remarquer que le paragraphe 39 des motifs majoritaires dans Byers Transport est souvent cité comme étant le cadre approprié pour déterminer si le paragraphe 208(2) de la Loi exclut une question de la procédure de règlement des griefs et de l’arbitrage, comme suit :

[…]

[…] Je crois que la plainte (c.‑à‑d. les faits reprochés) doit être essentiellement la même dans l’autre recours. Cependant, je doute que les réparations prévues dans l’autre disposition doivent être égales ou supérieures pour que l’arbitre perde la compétence dont il est investi en vertu de l’alinéa 242(3.1)b). Cette disposition n’exige pas que le Code canadien du travail ou une autre loi fédérale prévoit le même recours. Elle exige simplement qu’un autre recours existe à l’égard de la même plainte. Je ne crois pas que les réparations découlant des recours doivent être exactement les mêmes, bien que la procédure en question doive certainement permettre à la même partie plaignante d’obtenir une véritable réparation.

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[51] Selon la conclusion essentielle au paragraphe 39, le recours offert dans le cadre de l’autre procédure administrative ne doit pas être exactement le même que dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, mais que les faits reprochés doivent être « essentiellement les mêmes ».

[52] Dans Johal c. Agence du revenu du Canada, 2009 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a conclu que le par. 208(2) de la Loi ne s’appliquait pas si l’autre procédure administrative ne pouvait pas offrir de réparation. Le fonctionnaire a cité les paragraphes 35 à 37, comme suit :

[35] Par conséquent, le libellé du paragraphe 208(2) n’empêche pas les appelants de présenter leur grief sous le régime du paragraphe 208(1). Comme l’a exposé le juge Strayer dans l’arrêt Byers (au paragraphe 39), pour qu’un recours prévu dans une autre loi empêche une personne de présenter un grief fondé sur le paragraphe 208(1), « la procédure en question doi[t] certainement permettre à la même partie plaignante d’obtenir une véritable réparation » (non souligné dans l’original).

[36] Cette interprétation du texte du paragraphe 208(2) est corroborée par l’objet de la disposition, qui est de veiller à ce que les employés utilisent les recours qui leur sont spécialement ménagés pour régler leurs griefs liés à l’emploi, et non le recours général et résiduel prévu au paragraphe 208(1) : arrêt Boutilier, aux paragraphes 3 et 4. Cet objectif ne serait pas respecté si l’on interprétait le paragraphe 208(2) comme signifiant que l’existence d’un recours particulier, auquel un employé n’a pas accès, empêche cet employé de présenter un grief au titre du paragraphe 208(1).

[37] Le régime de la LRTFP favorise la résolution administrative interne, rapide et informelle des griefs relatifs au milieu de travail. Il serait incompatible avec cet objectif de la loi d’interpréter le paragraphe 208(2) comme disposant que la demande de contrôle judiciaire constitue le seul recours ouvert aux appelants pour faire valoir leur allégation selon laquelle Mme Mao n’aurait pas dû être nommée au poste de MG‑05 en raison d’un statut privilégié auquel elle n’avait pas droit.

 

[53] Comme il est indiqué dans Johal, le fonctionnaire a soutenu que la Loi a pour objet de faciliter le règlement rapide des conflits de travail. À cette fin, le par. 208(2) ne devrait pas être appliqué de manière à créer un obstacle insurmontable à l’exercice par l’employé de ses droits d’emploi substantiels.

[54] La décision Chickoski c. Canada (Procureur général), 2017 CF 772, portait sur la décision d’un sous‑ministre associé selon laquelle le par. 208(2) de la Loi et l’art. 20.9 du Règlement sur la SST visent à exclure de la procédure de règlement des griefs une affaire comportant une allégation de violence en milieu de travail. Dans ses motifs, la Cour fédérale n’a pas jugé bon de décider si le Règlement sur la SST accordait une véritable réparation à l’employé, déclarant comme suit au paragraphe 89 : « Bien que je doute sérieusement que les réparations ouvertes dans le cadre du Règlement SST soient capables de produire une véritable réparation à la même partie plaignante pour M. Chickoski, il n’est pas nécessaire que j’en arrive à cette conclusion. »

[55] Le fonctionnaire a soutenu que Chickoski précise clairement que les questions soulevées par un employé qui portent sur la violence en milieu de travail ou qui pourraient impliquer une violence en milieu de travail ne sont pas toutes exclues de la compétence de la Commission par le par. 208(2) de la Loi. Le fonctionnaire a également soutenu que la Cour fédérale avait exprimé de sérieux doutes quant à savoir si les dispositions du Règlement sur la SST portant sur la violence en milieu de travail offrent une « véritable réparation » aux fonctionnaires s’estimant lésés.

[56] La décision Chickoski a résumé la jurisprudence pertinente comme suit :

[…]

[81] […] Les facteurs désignés dans les décisions Byers Transport, Boutilier et Johal se combinent pour énoncer les principes suivants qui aident à déterminer si une autre procédure administrative relève du paragraphe 208(2) de la LRTSPF :

l’autre recours administratif de réparation n’a pas à fournir exactement les mêmes réparations;

les réparations n’ont pas à être égales ou supérieures à celles qu’elles supplantent;

les différences des réparations administratives, même si ces réparations sont moindres, ne les transforment pas en des non‑réparations;

L’autre recours doit :

(1) traiter la plainte de façon raisonnable et efficace

(2) quant au fond du grief de l’employé;

Le recours administratif doit :

(1) permettre à la même partie plaignante

(2) d’obtenir une véritable réparation.

[…]

 

[57] Dans Galarneau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 70, une décision de la Commission portant sur la question de savoir si le par. 208(2) de la Loi l’empêchait d’entendre les griefs relatifs aux plaintes d’exposition à la fumée secondaire, l’employeur a soutenu que plusieurs lois prévoyaient d’autres procédures administratives, dont la LIAE, la Loi sur la santé des non‑fumeurs (L.R.C. (1985), ch. 15 (4e suppl.)), et le Code.

[58] (Remarque de la formation : Galarneau était la deuxième de trois décisions connexes de la Commission. Dans Galarneau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 1, l’employeur s’est opposé sans succès à la compétence de la Commission pour des motifs fondés sur le respect des délais. Dans 2009 CRTFP 70, la Commission a rejeté les deux objections de l’employeur selon lesquelles d’autres recours administratifs de réparation étaient offerts pour régler le différend et que la clause de la convention collective ne créait aucun droit substantiel qui peut faire l’objet d’un grief. Dans Galarneau c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 12, l’employeur a eu gain de cause sur le fond lorsque la Commission a conclu que l’employeur avait pris des mesures raisonnables pour protéger la sécurité et la santé au travail des employés.)

[59] La décision Galarneau (2009 CRTFP 70) a résumé la loi sur l’applicabilité du par. 208(2) au paragraphe 42, comme suit :

[42] Pour déterminer s’il existe un autre recours administratif, l’arbitre de grief doit cerner l’objet du litige et déterminer si cet objet peut être raisonnablement et efficacement traité par le biais du recours administratif. Pour cerner l’objet du grief, l’arbitre de grief doit s’attarder à l’essence des allégations des fonctionnaires. L’interdiction de déposer un grief s’appliquera si le recours administratif porte sur les questions principales soulevées par le grief et non sur les questions secondaires ou accessoires. Le cas échéant, les recours et réparations auxquels donnent lieu le grief et le recours administratif n’ont pas à être identiques, mais le recours administratif doit offrir au fonctionnaire une réparation véritable et avantageuse.

[Je mets en évidence]

 

[60] Selon le fonctionnaire, l’arbitre de grief dans Galarneau (2009 CRTFP 70) a conclu que le mécanisme de plainte prévu au Code n’offrait pas une « réparation véritable et avantageuse » aux fonctionnaires s’estimant lésés parce qu’un aspect fondamental de leur grief était le dommage subi à la suite des violations de leurs droits prévus à la convention collective par l’employeur. Le fonctionnaire a cité les paragraphes 58 à 60, comme suit :

[58] Je dois par ailleurs déterminer si ce recours offre une réparation véritable et avantageuse pour les fonctionnaires. À mon avis, le recours pourrait, à terme, mener à une directive forçant l’employeur à éliminer la fumée secondaire du lieu de travail des fonctionnaires mais il ne pourrait mener à l’octroi de dommages. Or, dans leurs griefs, les fonctionnaires recherchent deux mesures correctives : l’ordonnance d’éliminer la fumée secondaire et l’octroi de dommages.

[59] Je ne crois pas que les réclamations en dommages des fonctionnaires puissent être considérées comme constituant des éléments accessoires ou secondaires des griefs. Les fonctionnaires recherchent deux mesures de réparation, l’une ayant une perspective prospective qui vise l’élimination de la fumée secondaire pour l’avenir alors que l’autre vise à compenser des préjudices allégués qui auraient déjà été subis. Je ne vois pas sur quelle base on pourrait accorder moins d’importance ou de valeur à la réclamation en dommages ou encore la qualifier de secondaire.

[60] Or, conclure en l’espèce que le mécanisme de plainte constitue un recours administratif de réparation au sens du paragraphe 208(2) de la Loi équivaudrait à priver les fonctionnaires du droit de réclamer des dommages s’il s’avérait que l’employeur a contrevenu à la convention collective. Je considère qu’une telle interprétation du paragraphe 208(2) de la Loi restreindrait indûment le droit des fonctionnaires de faire valoir leurs prétentions. Je considère donc que le mécanisme de plainte prévu au Code, bien qu’il permette de déterminer si l’employeur a contrevenu à son obligation de veiller à la protection de la santé et de la sécurité de ses employés suivant l’article 124 du Code, n’offre pas une mesure de réparation aussi complète et avantageuse que les griefs parce qu’il laisse en plan un volet important des mesures correctives recherchées par les fonctionnaires. En ce sens, j’estime que le mécanisme de plainte n’offre pas une réparation suffisamment complète pour être considérée comme étant véritable et avantageuse pour les fonctionnaires. Je conclus donc que les fonctionnaires pouvaient, en l’espèce, valablement déposer leurs griefs individuels en vertu du paragraphe 208(1) de la Loi.

[Je mets en évidence]

 

[61] Comme il a été constamment conclu dans la jurisprudence, la Commission n’a pas compétence pour entendre un grief s’il existe une autre procédure administrative pour traiter son sujet. Le recours disponible dans le cadre de cette procédure administrative ne doit pas être exactement le même. Le par. 208(2) de la Loi ne s’applique que si la procédure permet de traiter de façon raisonnable et efficace la substance quant au fond du grief de l’employé et de produire une véritable réparation pour le même fonctionnaire s’estimant lésé qui pourrait lui être d’un avantage personnel. Si le recours ne vise pas un élément clé de la mesure corrective demandée par le fonctionnaire s’estimant lésé, il ne s’agit pas d’une « véritable réparation ».

[62] Le fonctionnaire a soutenu ce qui suit au sujet de l’art. 9 de la LRCECA :

[Traduction]

[…]

37. […] L’objet de la LRCECA a été examiné par la Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick dans Smith c. Gendarmerie royale du Canada, 2007 NBCA 58. Dans cette affaire, la Cour a confirmé la décision du juge des requêtes de ne pas rejeter une poursuite civile intentée par deux agents de la GRC alléguant divers torts liés à une supposée campagne de harcèlement en milieu de travail. Au paragraphe 12, les motifs de la Cour comprennent ce qui suit :

Bien que la juge saisie de la motion ait estimé inutile de statuer sur la question de savoir si des empêchements prévus par la loi font obstacle à l’action des Smith, en toute déférence, je ne suis pas de cet avis pour des motifs qui deviendront évidents. Les appelants prétendent que l’art. 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C‑50 et l’art. 12 de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, L.R.C. (1985), ch. G‑5, font obstacle à l’action des Smith. L’article 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif dispose que l’État n’est pas susceptible de poursuite pour toute « perte » ouvrant droit au paiement d’une indemnité sur le Trésor. L’article 9 a pour objet évident d’empêcher la « double indemnisation » au titre de la même perte : Sarvanis c. Canada, [2002] 1 R.C.S. 921, [2002] A.C.S. no 27 (QL), 2002 CSC 28. Invoquant cette disposition, le procureur général prétend ensuite que la perte subie par les Smith ouvre droit au paiement d’une indemnité conformément à l’article 12 de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État et qu’il s’agit d’un empêchement qui fait obstacle à l’action des Smith. Cette disposition peut être ainsi paraphrasée : « L’agent de l’État qui, par suite d’un accident de travail, a droit à l’indemnité prévue par la présente loi [la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État] ne peut exercer d’autre recours contre Sa Majesté ». Si on lit la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État en entier, il devient manifeste que cette Loi avait pour but de faire en sorte que les indemnités pour accident du travail auxquelles ont droit les travailleurs d’une province en vertu des régimes provinciaux soient également versées aux employés fédéraux qui subissent des accidents du travail. En échange, le régime fédéral exige que les frais engagés pour administrer les demandes présentées par des employés fédéraux soient remboursés aux gouvernements provinciaux : voir les arrêts D.W. c. Workplace Health, Safety and Compensation Commission (N.B.) et al. (2005), 288 R.N.B. (2e) 26 (C.A.), [2005] A.N.B. no 282 (QL), 2005 NBCA 70; Canada Post Corp. c. Workers’ Compensation Appeals Tribunal (N.S.) et al. (2004), 224 N.S.R. (2 d) 276 (C.A.), [2004] N.S.J. No. 242 (QL), 2004 NSCA 83 et Rees c. Royal Canadian Mounted Police et al. (2005), 246 Nfld. & P.E.I.R. 79 (C.A.T.N.), [2005] N.J. No. 103 (QL), 2005 NLCA 15.

38. La Cour a conclu que la LIAE et la LRCECA ne pouvaient pas faire obstacle à une poursuite civile parce qu’aucun accident du travail n’avait été subi (par. 13); le fondement de la réclamation des employés contre la GRC était délictuel et, par conséquent, il n’existait aucun risque de double indemnisation.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

[63] Le régime d’indemnisation des accidents du travail énoncé dans la LIAE et la WCA n’est pas une autre procédure administrative au sens de l’art. 208(2) de la Loi dans les circonstances du cas du fonctionnaire. Le régime ne traite ni de façon raisonnable et efficace quant au fond de son grief ni ne lui accorde une véritable réparation à la même partie plaignante en ce qui concerne tout ce qui ne vise pas son accident de travail. De plus, il n’y a aucun risque de double indemnisation au sens de la LRCECA.

[64] Le fonctionnaire demande les deux réparations suivantes : 1) le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel aux niveaux de crédit du 30 mars 2017, avant que la plainte de violence en milieu de travail ne soit présentée; 2) l’indemnisation pour angoisse mentale supplémentaire à long terme et permanente causée par le défaut de l’employeur de répondre à cette plainte en temps opportun.

[65] Le régime d’indemnisation des accidents du travail n’est pas en mesure de traiter de façon raisonnable et efficace les droits conférés exclusivement par la convention collective. La question de savoir si le fonctionnaire s’est vu refuser un congé de maladie, un congé annuel et son droit à un milieu de travail exempt de harcèlement ne relève aucunement de la compétence de la CAT. Il n’existe aucun mécanisme dans le régime d’indemnisation des accidents du travail pour faire respecter une convention collective. La CAT ne peut pas rétablir les crédits de congé de maladie et de congé annuel du fonctionnaire ni conclure que l’employeur a manqué à son obligation d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement. Par conséquent, il n’offre pas une « véritable réparation ». Le régime a été établi uniquement pour compenser les pertes découlant directement d’un accident de travail, sans égard des autres droits contractuels ou légaux.

[66] Si la Commission maintient l’objection de l’employeur, sa décision créerait [traduction] « une échappatoire » permettant à l’employeur de se soustraire d’une ou de toutes ses obligations en vertu de la convention collective lorsqu’un employé subit un accident de travail ouvrant droit à indemnisation par la CAT. Dans le cas du fonctionnaire, l’employeur serait [traduction] « libéré » en ce qui concerne les droits de congé de maladie et de congé annuel perdus. Ces prestations se sont accumulées avant que l’accident de travail ouvrant droit à indemnisation n’a eu lieu ou ne se soit concrétisé. Refuser au fonctionnaire d’avoir accès à ces droits reviendrait à revenir dans le passé et à dissoudre les droits accumulés. Plus important encore, une décision de la Commission d’accepter l’objection de l’employeur signifierait également que l’employeur ne pourrait pas être tenu responsable de tout manquement futur à assurer un milieu de travail sûr et exempt de harcèlement tant qu’un fonctionnaire s’estimant lésé ait subi une blessure ouvrant droit à indemnisation. Selon les propres termes du fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[…] Le paragraphe 208(2) et la LIAE ne peuvent avoir pour but de priver le fonctionnaire de l’accès aux droits conférés par la convention collective simplement parce qu’il a subi une blessure ouvrant droit à indemnisation et, inversement, de lui permettre de présenter le grief si la blessure n’est pas si grave [pour] justifier des prestations de la CAT.

[…]

 

[67] Le fonctionnaire a résumé son argument comme suit :

[Traduction]

[…]

45. L’article 9 de la LRCECA ne s’applique pas parce qu’il n’y a aucun risque que le fonctionnaire bénéficie d’une double indemnisation. Dans l’ensemble, la source du recours demandé dans le grief n’est pas la même que la source du droit aux prestations d’indemnisation des accidents du travail. Les indemnités d’indemnisation des accidents du travail n’indemnisent le fonctionnaire que pour sa perte de revenus et d’autres frais directement attribuables à un accident de travail. Les congés de maladie et les congés annuels sont des droits conférés par la convention collective qui ont été accumulés et acquis avant l’accident du travail. Ils sont entièrement indépendants de la blessure et ne dépendent pas tous d’une blessure subie. De même, la conclusion selon laquelle l’employeur n’a pas assuré un milieu de travail exempt de harcèlement dépasse les limites de ce qui pourrait être réalisé par l’intermédiaire de la CAT. Le régime d’indemnisation des accidents du travail est sans égard à la responsabilité. En ce qui concerne la demande de dommages‑intérêts généraux ([traduction] « angoisse mentale permanente »), si l’affaire est portée à l’arbitrage, il incombera à l’arbitre de grief de décider [de] la réparation appropriée, y compris la question de savoir si une réparation éventuelle a été atténuée ou n’est pas offerte.

46. […] le régime d’indemnisation des accidents du travail ne constitue pas une autre procédure administrative, de sorte que le paragraphe 208(2) s’applique. Il ne traite pas de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief : Droits découlant de la convention collective accumulés avant l’accident de travail ouvrant droit à indemnisation. Le régime d’indemnisation des accidents du travail n’offre pas une véritable réparation pour les droits réclamés dans le grief.

[…]

 

[68] En ce qui a trait à l’objection de l’employeur selon laquelle la clause 20.01 de la convention collective n’accorde pas au fonctionnaire un droit substantiel qui peut faire l’objet d’un arbitrage, le fonctionnaire a soutenu que, selon la jurisprudence, les griefs devraient être interprétés de façon libérale et dans le but de régler les conflits de travail rapidement, avec le moins de détails techniques possibles. Selon le fonctionnaire, les principes pertinents ont été examinés de manière utile par la Commission dans Hurley c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2018 CRTESPF 35, (« Hurley »), comme suit :

[…]

193 Blouin Drywall appuie le principe selon lequel les causes ne doivent pas être gagnées ou perdues pour une question de forme, mais en fonction de leur bien‑fondé, afin d’assurer la résolution exhaustive, équitable et rapide des différends. Les griefs doivent être interprétés de manière large afin que la plainte véritable soit traitée.

194 Le principe énoncé dans Blouin Drywall a été invoqué de manière favorable et adopté par la Cour suprême du Canada dans Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42 (« Parry Sound »). La Cour a déclaré que les exigences procédurales, comme celle voulant que les détails d’un grief soient présentés par écrit, ne devraient pas être rigoureusement appliquées à moins que l’employeur ne subisse un préjudice. Autrement, il est plus important de régler le conflit factuel qui a donné lieu au grief.

195 Selon l’un des principes fondamentaux du droit du travail, les différends en milieu de travail doivent être réglés de façon expéditive et avec le moins de détails techniques possible. En plus des considérations de coûts, il s’agit de la justification globale de l’arbitrage prévu par la loi. Autrement, les employeurs et les syndicats pourraient fort bien aller en cour à chaque différend.

196 Dominion Citrus Ltd. v. Teamsters, Local 419, [2001] O.L.A.A., no 419 (QL) confirme encore une fois le principe voulant que les arbitres de griefs résolvent le véritable différend, à moins qu’il n’y ait une preuve d’un préjudice réel découlant d’une surprise véritable, ce qui en soi ne suffit pas.

197 Electrohome Ltd. v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2345 (1984), 16 L.A.C. (3rd) 78, résume bien la question. Il y a deux lignes directrices de base : 1) les griefs doivent être interprétés de manière large afin que le véritable différend soit réglé, tout en 2) veillant à ce qu’il n’y ait aucun préjudice. Une partie peut subir un préjudice si elle perd la capacité de traiter la question pendant la procédure de règlement des griefs.

198 Dans McMullen c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 64, au paragraphe 102, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a adopté les mêmes principes. Elle a affirmé que Burchill était conforme aux principes des relations de travail. Les griefs et la procédure de règlement de griefs existent dans le but de permettre aux parties d’exprimer leurs griefs et d’exposer tous leurs arguments sur le sujet, afin d’éliminer toute surprise. Conformément au principe établi dans Burchill, aucune des parties n’est privée de son droit d’aborder les questions pendant la procédure de règlement de griefs.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[69] Le fonctionnaire a fait remarquer que les griefs sont souvent rédigés par des personnes qui n’ont ni formation ni expérience en droit. Les principes énoncés dans Hurley sont encore plus importants lorsqu’ils s’appliquent à la Loi parce qu’ils permettent aux employés de déposer leurs propres griefs. Le libellé utilisé par les employés pour décrire leurs griefs devrait être interprété de façon libérale afin de déterminer la nature réelle du différend. Ce libellé ne devrait donner lieu au rejet d’un grief que si le vice dans le libellé du grief porte préjudice à une partie.

[70] Le fonctionnaire a demandé à la Commission de rejeter les objections préliminaires de l’employeur, concluant comme suit :

[Traduction]

[…]

49. Le grief ne devrait pas être rejeté au motif que la clause 20.01 ne prévoit pas de droit à l’égard du fonctionnaire. Le grief ne doit pas être interprété de façon aussi étroite. La mesure corrective demandée invoque les droits découlant de la convention collective au‑delà de ceux prévus à la clause 20.01 : congé de maladie et congé annuel et droit à un lieu de travail exempt de violence. Toute personne raisonnable qui lit la réparation demandée dans le grief comprendrait qu’il y avait d’autres articles pertinents, exprès ou implicites, qui auraient pu être violés : l’article 12 pour les congés de maladie, l’article 10 pour les congés annuels et le droit à un milieu de travail sûr et exempt de violence conféré par le Code. Les droits aux congés de maladie et aux congés annuels ainsi qu’à un milieu de travail exempt de violence sont dérivés des termes exprès ou implicites de la convention collective. Une demande de congé de maladie exige une violation de l’article 12; une demande de congé annuel exige une violation de l’article 10. Le grief ne devrait pas être rejeté pour ce motif, car il s’agirait d’une lecture indûment étroite du grief incompatible avec le consensus arbitral.

[…]

50. […] Le régime d’indemnisation des accidents du travail énoncé dans la LIAE et la Workers’ Compensation Act ne permettent pas de traiter de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief. Les violations présumées de la convention collective ne déclenchent pas l’application du régime d’indemnisation des accidents du travail. Les droits réclamés ont été accumulés et acquis avant la blessure ouvrant droit à indemnisation et ne peuvent être réalisés par l’intermédiaire de la CAT. La CAT n’a pas compétence pour statuer sur les violations de la convention collective. En outre, la CAT ne peut pas produire une véritable réparation parce que la réparation disponible ne vise pas un élément clé de la réparation demandée par le fonctionnaire : perte de congés de maladie et de congés annuels et incapacité d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement. La seule indemnisation disponible par l’intermédiaire de la CAT est une indemnisation pour la perte de revenus et d’autres pertes attribuables à un accident de travail. Il n’y a aucun risque de double indemnisation comme le prévoit la LRCECA. L’objet du grief ne le rend pas non admissible à l’arbitrage. L’objet du grief est suffisamment clair pour que l’Employeur n’ait subi aucun préjudice par surprise.

[…]

 

C. Réfutation de l’employeur

[71] L’employeur a répété quatre raisons pour lesquelles la Commission n’a pas compétence :

1) le par. 208(2) de la Loi ne permet pas la présentation ou l’arbitrage du grief;

2) le par. 12 de la LIAE interdit toute réclamation contre la Couronne lorsqu’un employé a reçu une indemnité;

3) le par. 9 de la LIAE interdit toute poursuite contre la Couronne si une indemnité est payable par ailleurs à un employé;

4) le fonctionnaire a invoqué la clause 20.01 de la convention collective, qui ne lui donne pas accès à la procédure de règlement des griefs.

 

[72] Si la Commission conclut que l’une ou l’autre de ces interdictions s’applique, elle doit rejeter le grief pour défaut de compétence.

[73] Le fonctionnaire a soutenu par erreur que la clause 19.10 permet de renvoyer à la Commission un éventail plus large de griefs que le permet le par. 208(2) de la Loi. La clause commence par les mots « Sous réserve de la [Loi] […] », qui établissent clairement l’intention qu’elle soit interprétée de la même façon que le par. 208(2). Même si la portée de la clause 19.10 pouvait être interprétée de façon plus large, le par. 208(2) sert de filet de sécurité pour empêcher le renvoi du grief à l’arbitrage. Les parties ne peuvent ni conclure de contrat en vertu de la Loi ni donner à la Commission compétence si elle n’en a pas; voir Green c. Administrateur général (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2017 CRTEFP 17, au par. 340.

[74] En invoquant Byers Transport, le fonctionnaire a admis à la fois que la Commission n’avait pas compétence si une autre procédure administrative traitait des mêmes faits reprochés dans la plainte et que la procédure n’a pas à être le même recours. Comme il l’a déclaré, il suffit que la procédure [traduction] « […] permettre à la même partie plaignante d’obtenir une véritable réparation ». L’indemnisation accordée par la CIAT de la Nouvelle‑Écosse était d’un intérêt personnel pour le fonctionnaire.

[75] La décision Galarneau (2009 CRTFP 70), invoquée par le fonctionnaire, est incompatible avec les décisions de la Cour d’appel fédérale dans Johal et Byers Transport. La décision Galarneau a été tranchée avant Johal et n’a pas fait référence à Byers Transport. L’employeur ne pouvait pas demander un contrôle judiciaire de Galarneau parce qu’il s’agissait d’une décision préliminaire et parce que l’employeur a finalement obtenu gain de cause sur le fond.

[76] La Commission est liée par l’interprétation de la Cour d’appel fédérale du par. 208(2) de la Loi. La LIAE traite des mêmes faits reprochés dans la plainte et permet d’offrir une véritable réparation à la même partie plaignante. La décision de la Cour suprême du Canada dans Sarvanis c. Canada, 2002 CSC 28, confirme que la question à poser consiste à savoir si les faits sur lesquels est fondée l’indemnisation du fonctionnaire par la CAT sont les mêmes faits sur lesquels est fondé le grief – dans l’affirmative, le grief ne peut continuer; voir également Begg c. Canada (ministre de l’Agriculture), 2005 CAF 362.

[77] Il n’est pas contesté que le fonctionnaire a touché des prestations de la CAT à la suite des faits reprochés (son accident de travail, soit le stress) qui a donné lieu à son grief. Ce fait devient encore plus clair étant donné qu’il a soutenu que la mesure corrective qu’il avait demandée dans son grief initial comprend des [traduction] « dommages généraux » pour [traduction] « […] angoisse mentale subie à la suite de l’incident ».

[78] Même si le par. 208(2) de la Loi et la LIAE n’interdisent pas le grief, l’art. 9 de la LRCECA l’interdit. La décision Sarvanis appuie une interprétation large de l’art. 9, de sorte que la Couronne n’est pas responsable des chefs de dommages accessoires d’un incident qui ont déjà été indemnisés. Tous les dommages découlant de l’incident subi par le fonctionnaire sont intégrés en vertu de l’art. 9 de la LRCECA. Le fait que le fonctionnaire demande le remboursement des congés de maladie et des congés annuels en vertu de chefs de dommages supplémentaires ne confère pas à la Commission compétence. Il a déjà touché une indemnisation de la CIAT de la Nouvelle‑Écosse.

[79] L’argument du fonctionnaire selon lequel ses congés annuels et ses congés de maladie ne sont pas liés à sa blessure n’est pas fondé. Tout au long de la procédure de règlement des griefs, il a demandé le remboursement du temps perdu en raison du stress; c’est‑à‑dire à la suite de sa blessure.

[80] Le fonctionnaire a invoqué Le Procureur général du Canada c. Smith, 2007 NBCA 58, mais cette décision appuie la position de l’employeur. La décision Smith, aux paragraphes 12 et 13, a conclu que la LRCECA n’interdisait pas une réclamation civile dans ce cas parce que les demandeurs, contrairement au fonctionnaire, n’avaient pas subi un accident de travail. Étant donné que le fonctionnaire a subi un accident du travail, la LRCECA interdit son grief.

[81] Le fonctionnaire n’a pas contesté le fait que la clause 20.01 de la convention collective n’est qu’une disposition prévoyant la tenue de consultations qui ne lui donne pas accès à la procédure de règlement des griefs. Au lieu de cela, il a soutenu que son grief portait sur les dispositions relatives aux congés de la convention collective, mais n’a pas expliqué sur quelle base ces dispositions avaient été violées. Il a soulevé les dispositions relatives aux congés pour la première fois dans son argumentation écrite, deux ans et demi après le renvoi à l’arbitrage.

[82] L’essence du grief demeure que l’employeur aurait omis d’assurer un milieu de travail sûr, ce qui, selon le fonctionnaire, a causé sa blessure. Il soutient que la CIAT de la Nouvelle‑Écosse ne peut pas conclure que l’employeur n’a pas assuré un milieu de travail sûr, reconnaissant effectivement que le cœur du grief est la sécurité en milieu de travail.

[83] L’employeur a fait remarquer que le fonctionnaire avait demandé une interprétation large de son grief parce que la Loi permet aux fonctionnaires s’estimant lésés de formuler et déposer leurs propres griefs. La position du fonctionnaire ne tient pas compte du fait que son agent négociateur a autorisé la présentation du grief. À l’article 14 du formulaire de renvoi du grief à la Commission pour arbitrage, l’agent négociateur ne s’est fondé que sur la clause 20.01 de la convention collective.

[84] L’employeur a conclu en soutenant que les arguments du fonctionnaire constituent [traduction] « […] une tentative évidente de modifier l’essentiel du grief afin que la Commission soit compétente ». Il demande à la Commission de rejeter le grief pour défaut de compétence.

IV. Analyse et motifs

[85] L’employeur a présenté plusieurs arguments à l’appui de son affirmation selon laquelle la Commission n’a pas compétence pour recevoir et entendre le grief. Si la Commission accepte l’un ou l’autre des arguments, elle doit refuser d’exercer sa compétence et rejeter le grief.

[86] J’ai choisi d’examiner comme question de premier ordre l’objection de l’employeur à la compétence, telle qu’elle a été formulée à l’origine, selon laquelle la clause 20.01 de la convention collective, sur laquelle se fonde le fonctionnaire, ne lui accorde pas un droit substantiel qui peut faire l’objet d’un grief. La détermination principale consiste à s’assurer que le renvoi d’un grief individuel à l’arbitrage est fondé comme il se doit sur une ou plusieurs dispositions d’une convention collective. Une fois que le fondement d’un grief par la convention collective est confirmé, l’attention peut se tourner vers d’autres questions de compétence, en l’occurrence l’interaction des pouvoirs législatifs.

[87] En réplique, l’employeur a réitéré l’objection et l’a divisée en deux parties : 1) le fonctionnaire s’appuie sur la clause 20.01 de la convention collective, qui ne lui donne pas accès à la procédure de règlement des griefs; 2) que le paragraphe 208(2) de la Loi ne permet pas que le grief soit présenté ou jugé.

[88] Je préfère la formulation initiale de l’employeur à la fois pour sa simplicité et pour son accent mis sur la question au centre de la jurisprudence de la Commission.

[89] L’analyse du fondement du grief dans la convention collective commence par son libellé explicite. Le dossier indique que le fonctionnaire a déposé son grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 18 janvier 2018, en le formulant comme suit : [traduction] « J’estime que mon employeur a violé la clause 20.01, sécurité et santé. »

[90] Le fonctionnaire a précisé les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

1‑ le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel aux niveaux antérieurs du 30 mars 2017. Avant la présentation de la plainte visant cette violence en milieu de travail.

2‑ Règlement visant une période supplémentaire à long terme (angoisse mentale permanente), qui a été causée par la réticence de la direction de répondre à ma plainte de manière plus opportune.

 

[91] Dans le formulaire 20 « Avis de renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel », le fonctionnaire a indiqué [traduction] « clause 20.01, sécurité et santé » comme la disposition de la convention collective visée par son grief. Le premier vice‑président de l’agent négociateur a signé le formulaire 20, indiquant l’appui de l’agent négociateur au renvoi à l’arbitrage.

[92] Le libellé du grief initial et la description figurant dans le formulaire 20 des [traduction] « dispositions de la convention collective […] qui fait l’objet du grief individuel » cadrent l’enquête de la Commission. Dans le présent cas, le grief initial et le formulaire 20 indiquaient clairement la clause 20.01 de la convention collective comme la disposition dont l’interprétation ou l’application était contestée. La question de savoir si la référence aux crédits de congé de maladie et de congé annuel ou de l’indemnisation pour angoisse mentale dans l’énoncé des mesures correctives demandées a élargi l’objet du grief est une question importante de deuxième ordre qui doit également être tranchée.

[93] La clause 20.01 de la convention collective se lit comme suit :

20.01 L’Employeur continue de prévoir toute mesure raisonnable concernant la sécurité et la santé au travail des employés. L’Employeur fera bon accueil aux suggestions faites par le Conseil sur ce sujet, et les parties s’engagent à se consulter en vue d’adopter et de mettre rapidement en œuvre toutes les procédures techniques raisonnables destinées à prévenir ou à réduire le risque d’accident du travail. Le Conseil accepte d’encourager ses adhérents à observer toutes les règles de sécurité et à utiliser tous les moyens de protection et de sécurité appropriés.

 

[94] L’employeur a fait référence à trois décisions de la Commission qui ont examiné la nature des dispositions de la convention collective comme la clause 20.01 : Spacek, Ristivojevic et Parsons.

[95] Dans Spacek, au par. 13, la Commission a examiné la disposition suivante, qui est presque identique aux deux premières phrases de la clause 20.02 :

[…]

24.01 L’Employeur continue de prévoir toute mesure raisonnable concernant la sécurité et l’hygiène professionnelles des employés. L’Employeur fera bon accueil aux suggestions faites par l’Institut à ce sujet, et les parties s’engagent à se consulter en vue d’adopter et de mettre rapidement en œuvre la procédure et les techniques raisonnables destinées à prévenir ou à réduire le risque d’accident et de maladie professionnels.

 

[96] Dans son analyse, Spacek cite à son tour quatre décisions antérieures : Breault c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166‑02‑24186 (19940428), [1994] C.R.T.F.P.C. no 61 (QL); Kolski c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166‑02‑25899, 25900 et 26020 (19941206), [1994] C.R.T.F.P.C. no 149 (QL); Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148‑02‑11 (19730709), [1973] C.R.T.F.P.C. no 9 (LQ); Albus c. Conseil du Trésor (Solliciteur général), dossiers de la CRTFP 166‑02‑16887 et 16888 (19871125), [1987] C.R.T.F.P.C. no 343 (QL).

[97] La décision Spacek a tiré les conclusions suivantes de la jurisprudence antérieure et une évaluation de la clause 24.01 :

[…]

[36] La jurisprudence est limpide et me semble constante depuis 1973 je dirais, à en juger par les décisions qui ont été déposées. Le paragraphe 24.01 de la convention collective est une disposition prévoyant la tenue de consultations qui accorde des droits à l’agent négociateur. Mme Spacek n’a attiré mon attention sur aucune décision à l’effet du contraire ayant été rendue sur cette question sous le régime de l’ancienne Loi […]

[…]

[40] À mon sens, le libellé du paragraphe 24.01 de la convention collective est on ne peut plus limpide. Il s’agit d’une disposition prévoyant la tenue de consultations et non pas d’une voie de recours pour se prévaloir de la procédure de règlement des griefs. Il ne m’est donc pas nécessaire de poursuivre l’examen de la portée du paragraphe 24.01. Je rejette le grief parce qu’il déborde le cadre de la compétence d’un arbitre de grief en vertu de l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi.

[…]

 

[98] La disposition de la convention collective examinée dans Ristivojevic est identique à la clause 20.01, à l’exception du nom de l’agent négociateur. Dans sa décision rendue en 2020, 14 ans après Spacek, la Commission a confirmé de nouveau la décision rendue dans Spacek, affirmant ce qui suit :

[…]

[242] Je souscris aux observations de l’employeur et au raisonnement de Spacek selon lesquels l’article 22 est consultatif et qu’il exige que l’employeur consulte l’agent négociateur au sujet des questions de santé et de sécurité. Comme l’indique Spacek, l’employeur a une obligation envers l’agent négociateur et non envers un fonctionnaire s’estimant lésé individuel.

[…]

 

[99] La disposition de la convention collective examinée dans Parsons était également pratiquement identique aux deux premières phrases de la clause 20.01. La Commission a résumé sa décision comme suit :

[…]

[38] Un des principes d’interprétation du libellé des conventions collectives veut qu’elles doivent être considérées comme un tout. Dans Canadian Labour Arbitration (3e édition), les auteurs Brown et Beatty ont déclaré ce qui suit au paragraphe 4:2150 :

[Traduction]

Le contexte dans lequel les mots se situent est critique pour leur interprétation. On peut donc dire que les termes invoqués devraient être interprétés dans le contexte de la phrase, de l’article et de la convention dans leur ensemble.

Quand je lis la clause 22.01 en son entier, je n’ai aucune difficulté à conclure que l’obligation qu’elle impose à l’employeur vise l’agent négociateur et non les employé‑e‑s. Par conséquent, c’est l’agent négociateur qui pourrait se plaindre d’un prétendu manquement à cette clause.

[…]

 

[100] Il n’est pas controversé que je ne sois pas lié par des décisions antérieures de la Commission. Toutefois, il n’est pas non plus controversé qu’il doit y avoir une raison ou des raisons convaincantes de s’écarter de la jurisprudence, surtout lorsque la jurisprudence a été cohérente en grande partie.

[101] Qu’a soutenu le fonctionnaire pour établir qu’il jouit d’un droit substantiel en vertu de la clause 20.01 qui peut faire l’objet d’un grief?

[102] J’estime qu’il est notable que le fonctionnaire n’a pas tenté de distinguer les décisions de la Commission citées par l’employeur ni, en fait, de formuler des commentaires à leur sujet. Au contraire, il dépendait en grande partie d’une décision de la Commission de 2018 – Hurley – et il m’a demandé que je me fie à la jurisprudence citée dans l’argumentation du fonctionnaire dans cette décision pour justifier l’acceptation de la compétence.

[103] Il faut d’abord dire que Hurley ne porte pas sur la question de savoir si une disposition de la convention collective, comme la clause 20.01, concernant la santé et la sécurité constitue un fondement légitime pour un grief individuel. La décision Hurley porte sur quelque chose d’assez différent.

[104] Dans Hurley, la Commission a examiné un grief déposé par un professeur d’université à la retraite qui a soutenu qu’il avait droit, en vertu d’un protocole d’entente et en vertu de la pratique antérieure, à certaines prestations (double augmentation de salaire, allègement de la charge d’enseignement, congés sabbatiques). Dans son analyse, la Commission a examiné la preuve afin de déterminer si deux des questions – l’allègement de la charge d’enseignement et les congés sabbatiques – ont été soulevées lors d’une réunion avec la direction qui a mené au dépôt du grief ou ont été discutées au cours de la procédure de règlement des griefs subséquente. La Commission a décrit sa tâche comme suit au paragraphe 40 : « Les questions à trancher sont les suivantes. Les congés sabbatiques et l’allègement de la charge d’enseignement ont‑ils été soulevés à la réunion d’avril 2015? Est‑ce qu’elles ont été soulevées dans le grief? Est‑ce qu’elles ont été soulevées et débattues pendant la procédure de règlement des griefs? »

[105] Selon le principe bien établi et énoncé dans Burchill v. Canada (Attorney General), [1981] 1 F.C. 109 (C.A.), un fonctionnaire s’estimant lésé ne peut modifier le fondement de son grief à l’arbitrage.

[106] Dans Hurley, la Commission a conclu que la question du droit du fonctionnaire s’estimant lésé à l’allègement de la charge d’enseignement et aux congés sabbatiques n’avait pas été soulevée à la réunion ni à aucun moment pendant la procédure de règlement des griefs. Elle a statué comme suit :

[…]

42 Pour les motifs ci‑dessous, j’ai conclu que je n’ai pas compétence pour me pencher sur les questions de l’allègement de la charge de travail et des congés sabbatiques. Je ne suis pas convaincu que ces questions ont été soulevées à la réunion d’avril 2015 et envisagées dans le grief, ou qu’elles ont été soulevées et débattues à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. Il m’est donc interdit d’instruire ces questions, conformément au principe énoncé dans Burchill.

[…]

 

[107] Dans la mesure où l’employeur n’a pas présenté son objection à la compétence dans le cas dont je suis saisi en vertu de Burchill, l’analyse primaire dans Hurley n’offre pas grand‑chose pour orienter ma décision. Plus important encore, comme je l’ai mentionné, Hurley ne porte pas sur la question de savoir si le type de disposition de la convention collective en cause permet à un employé individuel, par opposition à un agent négociateur, d’avoir accès à l’arbitrage si une violation de la convention collective est alléguée.

[108] Le fonctionnaire, pour sa part, n’a pas non plus invoqué Burchill en tant que tel, mais, en fait, il a présenté un contre‑argument comme si le principe Burchill était en litige en soutenant que la façon dont il a formulé son grief de manière à soulever, tout au long, des droits conférés par la convention collective qui peuvent faire l’objet d’un grief. Plus particulièrement, il a indiqué que le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel et l’indemnisation pour la violation de son droit à un milieu de travail exempt de violence constituaient des mesures correctives. Ce faisant, le fonctionnaire a soutenu qu’il avait, expressément ou par déduction, allégué des violations d’autres dispositions de la convention collective, rendant clairement son cas admissible à l’arbitrage de griefs individuels.

[109] Selon le cœur des décisions citées dans l’argumentation dans Hurley, aux paragraphes 193 à 198, les griefs doivent être interprétés de manière libérale et dans le but de régler rapidement les différends en milieu de travail, avec le moins de détails techniques que possibles, « […] afin que la plainte véritable soit traitée ». Les exigences procédurales ne devraient pas être rigoureusement appliquées [traduction] « […] à moins que l’employeur ne subisse un préjudice »; voir Blouin Drywall Contractors Ltd. v. United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, Local 2486 (1975), 8 O.R. (2e) 103; Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42; Dominion Citrus Ltd. v. Teamsters, Local 419, [2001] O.L.A.A. No. 419 (QL); Electrohome Ltd. v. I.B.E.W., Local 2345 (1984), 16 L.A.C. (3e) 78.

[110] Le fonctionnaire a également cité la décision de la Commission dans McMullen c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 64, pour sa conclusion selon laquelle la plainte du fonctionnaire s’estimant lésé énonce clairement son contexte disciplinaire, réfutant ainsi l’objection fondée sur Burchill de l’employeur selon laquelle le grief n’indiquait pas, à première vue, la discipline comme objet.

[111] En vertu de l’argument du fonctionnaire, je suis saisi d’une question clé. En mentionnant le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel ainsi que l’indemnisation pour angoisse mentale dans sa demande de mesures correctives, le fonctionnaire a‑t‑il intégré dans le grief des violations présumées d’autres dispositions de la convention collective?

[112] Si je devais répondre à cette question par l’affirmative, il s’ensuivrait que le fonctionnaire avait le droit, en vertu de la Loi, de demander l’arbitrage des violations alléguées. Cette conclusion est impérative dans son cas, car il ne semble à aucun moment contester la description prépondérante dans la jurisprudence d’une clause telle que la clause 20.01 de la convention collective en tant que disposition prévoyant la tenue de consultations qui ne donne pas en soi accès à la procédure de règlement des griefs ou à l’arbitrage aux employés individuels.

[113] Je fais remarquer ici que, même si l’argumentation écrite du fonctionnaire a cité des commentaires tirés de Galarneau au sujet des autres procédures administratives, il n’a pas fait remarquer que l’arbitre de grief, aux paragraphes 66 et 67, a accepté que la première phrase de dispositions comme la clause 20.01 crée une obligation de fond pour les employés individuels. Toutefois, j’estime que la conclusion, incohérente avec d’autres décisions de la Commission, devrait être écartée étant donné qu’elle n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire parce que l’employeur a finalement obtenu gain de cause sur le fond dans 2010 CRTFP 12. Je fais également remarquer que Ristivojevic, une décision beaucoup plus récente de la Commission (2020) portant sur la question, a renforcé Spacek et d’autres décisions antérieures en concluant que des dispositions comme la clause 20.01 créent une obligation envers l’agent négociateur et non envers les employés individuels. La décision Ristivojevic n’a pas fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.

[114] La réfutation de l’employeur de la position du fonctionnaire a soutenu que les arguments du fonctionnaire constituaient [traduction] « […] une tentative évidente de modifier l’essentiel du grief afin que la Commission soit compétente ».

[115] Comme toujours, il est important d’examiner les dispositions de délimitation de la loi habilitante et de la convention collective.

[116] Dans le contexte du présent cas, la Loi définit le droit d’un employé individuel de présenter un grief comme suit :

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

[…]

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale […]

 

[117] Le droit de renvoyer un grief à l’arbitrage est énoncé à l’art. 209 de la Loi comme suit :

209 (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale […]

 

[118] En ce qui concerne l’application du sous‑al. 208(1)a)(ii) et de l’al. 209(1)a) de la Loi, un fonctionnaire s’estimant lésé doit avoir obtenu l’appui de l’agent négociateur et être représenté par ce dernier en vertu du par. 209(2) de la Loi.

[119] La procédure de règlement des griefs en vertu de la convention collective du fonctionnaire tient nécessairement compte des exigences énoncées dans la Loi.

[120] La clause 19.02 de la convention collective se lit en partie comme suit :

19.02 Sous réserve de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément aux dispositions dudit article, l’employé peut présenter un grief contre l’Employeur lorsqu’il ou elle s’estime lésé :

a. par l’interprétation ou l’application à son égard :

[…]

ii. soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale […]

 

[121] La clause 19.27 de la convention collective se lit en partie comme suit :

19.27 Lorsqu’un grief a été présenté jusqu’au dernier palier inclusivement de la procédure de règlement des griefs au sujet :

a. de l’interprétation ou l’application d’une disposition de la présente convention ou d’une décision arbitrale s’y rattachant,

[…]

et que le grief n’a pas été réglé à sa satisfaction, ce dernier peut être référé à l’arbitrage aux termes des dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de ses règlements d’application.

 

[122] L’employeur a fait valoir que l’al. 209(1)a) de la Loi énonce expressément qu’aux fins de l’arbitrage, la question d’interprétation de la convention collective doit être « à son égard ». La même stipulation est intégrée dans la convention collective en vertu du renvoi prévu à la clause 19.27, qui énonce : « aux termes des dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de ses règlements d’application ». Étant donné que les engagements énoncés à la clause 20.01 de la convention collective concernent l’employeur et l’agent négociateur, un grief qui contient une allégation de violation de la clause 20.01 n’est pas « à son égard ». Par conséquent, il ne peut être renvoyé à la Commission pour arbitrage.

[123] Le même argument s’applique au dépôt d’un grief en premier lieu. La clause 19.02 de la convention collective comprend également les adjectifs « à son égard », ainsi que l’avant‑propos, « Sous réserve de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique […] », d’où provient l’expression « à son égard ».

[124] Compte tenu de la jurisprudence de la Commission déjà examinée, je dois souscrire à l’argument de l’employeur. Si je devais me fonder uniquement à la détermination de la clause 20.01 de la convention collective en ce qui concerne le dépôt du grief et dans le formulaire 20 de renvoi à l’arbitrage, l’analyse prendrait fin, parce que la clause 20.01 ne fournit pas le fondement d’un grief « à son égard » dans le présent cas. L’objection de l’employeur à la compétence serait accueillie.

[125] Je fais remarquer en passant que j’accorde peu d’importance à l’argument présenté brièvement selon lequel l’inexpérience du fonctionnaire en rédaction de griefs devrait être prise en considération. Il a obtenu l’appui et la représentation de son agent négociateur, comme il se doit, tant pour la présentation de son grief à l’employeur que pour son renvoi à la Commission. Le représentant autorisé de l’agent négociateur a signé à la fois le formulaire de grief et le formulaire 20 de renvoi à l’arbitrage dans lequel la seule disposition de la convention collective citée en tant qu’objet était la clause 20.01. Si l’agent négociateur avait l’intention d’appuyer un grief et un renvoi à l’arbitrage qui aurait allégué la violation d’autres dispositions de la convention collective, il était en mesure d’informer le fonctionnaire que ces dispositions devaient être incluses dans l’objet déclaré. La présomption doit être qu’un agent négociateur dispose de l’expérience et de l’expertise nécessaires pour comprendre les exigences de la Loi et pour s’assurer qu’un formulaire de grief et un formulaire 20 de renvoi à l’arbitrage indiquent de manière adéquate les violations précises de la convention collective qui peuvent être renvoyées à la Commission en vertu de la Loi.

[126] Cela dit, je dois revenir pour déterminer si le fait de mentionner le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel ainsi que l’indemnisation pour angoisse mentale dans la demande de mesures correctives suffit pour intégrer dans le grief des violations présumées d’autres dispositions de la convention collective.

[127] Au point 4 de son résumé de l’historique du cas, l’employeur a admis ce qui suit : le fonctionnaire a mentionné les congés de maladie, les congés annuels et [traduction] « l’angoisse mentale permanente » en raison de son expérience présumée en matière de violence en milieu de travail dans son grief à l’aide de son énoncé de mesures correctives demandées :

[Traduction]

4. M. Payne a alors déposé le présent grief en janvier 2018. Il a allégué que la direction avait violé la clause 20.01 (sécurité et santé) de la convention collective – Réparation des navires (Est) [date d’expiration : le 31 décembre 2018]. Il a demandé le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel. Il a également demandé un « règlement à plus long terme (angoisse mentale permanente) » parce que la direction n’a pas répondu à sa plainte en temps opportun.

 

[128] Aux points 5 et 6 du résumé, l’employeur a également mentionné la mesure corrective demandée par le fonctionnaire :

[Traduction]

5. […] En ce qui a trait à sa première mesure corrective, la direction a informé M. Payne que la Commission d’indemnisation des accidentés du travail (CIAT) de la Nouvelle‑Écosse constitue le mécanisme approprié pour les demandes d’indemnisation pour accident du travail. En ce qui a trait à sa deuxième mesure corrective, la direction a fait remarquer que M. Payne n’était pas en mesure de décrire la mesure corrective qu’il demandait, et qu’il a seulement indiqué qu’[traduction] « un arbitre de grief professionnel comprendra ».

6. […] En ce qui a trait à sa première mesure corrective, le commandant a rappelé à M. Payne que la CIAT de la Nouvelle‑Écosse est disponible pour examiner et enquêter sur les blessures subies au travail. En ce qui concerne sa deuxième mesure corrective, le commandant a confirmé l’engagement de l’employeur de lui offrir un milieu de travail sain et des possibilités d’avancement, à l’égard duquel M. Payne a exprimé des préoccupations au cours de l’audition du grief. Il a également encouragé M. Payne à déposer une plainte de harcèlement s’il estimait avoir été victime de harcèlement.

 

[129] Il ne fait aucun doute que l’employeur connaît l’intérêt du fonctionnaire à obtenir le remboursement des crédits de congé de maladie et de congé annuel et un règlement concernant l’angoisse mentale depuis le dépôt initial du grief. Je n’estime pas que la référence continue par le fonctionnaire à ces questions dans ses arguments à l’arbitrage puisse surprendre ou faire en sorte que l’employeur subisse un préjudice.

[130] Suit‑il ensuite que, en l’absence de préjudice évident à l’employeur, je devrais accorder au grief l’interprétation large que le fonctionnaire a préconisée, en se fondant sur la jurisprudence plus générale qu’il a citée, et accepter que je sois dûment saisi des violations des dispositions de convention collective autres que la clause 20.01 qui peuvent faire l’objet d’un grief?

[131] En empruntant un terme clé de la décision principale Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, quel est l’« essence » de l’objet du grief? Il ne semble faire aucun doute que l’expérience du fonctionnaire en matière de violence en milieu de travail, reconnue par la suite comme une blessure par l’autorité de la Nouvelle‑Écosse en matière d’indemnisation des accidents du travail, constitue l’objet essentiel de son grief. Il semble probable qu’il a mentionné la clause 20.01 de la convention collective dans son grief et dans le formulaire 20, sur sa conviction selon laquelle l’employeur, dans les circonstances de son cas, n’a pas prévu « […] toute mesure raisonnable concernant [s]a sécurité et [s]a santé au travail […] », comme l’exige la clause.

[132] L’argument du fonctionnaire exige que j’entreprenne une autre étape pour conclure que les congés de maladie et les congés annuels constituent également l’objet essentiel du grief. (Je traite de manière distincte de l’indemnisation pour d’angoisse mentale.)

[133] De toute évidence, le fonctionnaire n’a pas précisé dans le formulaire de grief ni dans le formulaire 20 quels aspects des clauses de la convention collective ayant trait aux congés de maladie et aux congés annuels ont été violées ou la façon dont cette convention l’a autorisé à recevoir un remboursement des crédits. Afin que les violations de la convention collective liées aux congés de maladie et aux congés annuels puissent être considérées comme constituant des éléments essentiels de l’objet du grief, il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que soit précisée la nature de l’interprétation contestée ou l’application au‑delà de la simple mention du remboursement des crédits de congés dans le cadre d’une mesure corrective. Il n’y en a aucune. L’argumentation écrite du fonctionnaire tente d’expliquer l’absence de précision dans le formulaire de grief et dans le formulaire 20 en faisant valoir que [traduction] « [t]oute personne raisonnable qui lit la réparation demandée dans le grief comprendrait qu’il y avait d’autres articles pertinents, exprès ou implicites, qui auraient pu être violés : l’article 12 pour les congés de maladie. L’article 10 pour les congés annuels […] ».

[134] Certes, une personne raisonnable serait en mesure de déterminer les articles 10 et 12 comme, respectivement, les sources des droits aux congés annuels et aux congés de maladie dans la convention collective du fonctionnaire. Toutefois, à mon avis, la même personne raisonnable ne connaîtrait pas, avec confiance, la nature des violations présumées des deux articles. Elle pourrait spéculer, mais la spéculation n’est pas un fondement solide pour comprendre ou caractériser les paramètres d’un différend.

[135] En ce qui concerne les mesures correctives sous forme d’indemnisation pour angoisse mentale, encore une fois, il n’y a aucune indication dans le grief ou dans le formulaire 20 du fondement en vertu de la convention collective pour la réclamation du fonctionnaire. Je fais remarquer la référence suivante, au point 5 de l’historique du cas par l’employeur en ce qui concerne l’indemnisation pour angoisse mentale : [traduction] « En ce qui a trait à sa deuxième mesure corrective, la direction a fait remarquer que M. Payne n’était pas en mesure de décrire la mesure corrective qu’il demandait, et qu’il a seulement indiqué qu’un arbitre de grief professionnel comprendra. »

[136] Il ne revient pas à un arbitre de grief, pas plus qu’il ne revient à une personne raisonnable, de spéculer quant à la façon dont un fonctionnaire s’estimant lésé pourrait soutenir que le fondement en vertu de la convention collective constitue le bien‑fondé d’une demande d’indemnisation. Il appartient à un fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer ce fondement. Si j’acceptais la compétence dans le présent cas, l’absence de toute précision dans le grief ou dans le formulaire 20 me rendrait incapable de connaître avec confiance la nature de la violation distincte présumée de la convention collective qui justifie l’octroi de dommages. En ce qui concerne notre personne raisonnable, j’estime qu’elle comprendrait facilement une demande d’indemnisation comme un aspect de la réparation à prendre en considération uniquement si une violation d’un autre droit est tout d’abord établie.

[137] Dans l’argumentation du fonctionnaire, il cite le Code comme source de son
[traduction] « […] droit à un milieu de travail sûr et exempt de violence », ce dont une personne raisonnable aurait connaissance. L’argumentation du fonctionnaire à cet égard mine directement sa position. Les procédures de règlement des griefs et d’arbitrage prévues par la Loi ne peuvent pas permettre de répondre à une allégation selon laquelle une disposition du Code a été violée. La Commission est compétente sur certains différends concernant le Code, mais ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

[138] Dans son argumentation, le fonctionnaire a également demandé que j’accepte la compétence au motif que le régime d’indemnisation des accidents du travail [traduction] « […] ne vise pas un élément clé de la réparation demandée par le fonctionnaire : perte de congés de maladie et de congés annuels et incapacité d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement ». Il a également affirmé que [traduction] « […] les droits réclamés ont été accumulés et acquis avant la blessure ouvrant droit à indemnisation […] ».

[139] En ce qui concerne ce dernier point, l’employeur a rejeté l’argument, en soutenant que tout temps perdu découlait de sa blessure. J’ai conclu que l’objet essentiel du grief était son expérience en matière de violence en milieu de travail, reconnu par la suite comme une blessure par l’autorité de la Nouvelle‑Écosse en matière d’indemnisation des accidents du travail. Si, comme l’a soutenu le fonctionnaire, les droits contestés aux congés de maladie et aux congés annuels accumulés et acquis avant la blessure, il n’est pas clair comment les violations de ces droits étaient liées à l’objet essentiel du grief. Encore une fois, j’estime qu’une personne raisonnable estimerait plus plausibles les éléments de congé de maladie et de congé annuel comme des aspects de la réparation plutôt que comme des sujets distincts pour arbitrage.

[140] L’argument du fonctionnaire selon lequel l’indemnisation des accidents du travail ne traite pas de la mesure corrective demandée dans son grief porte sur la question de savoir si la LIAE offre un autre mécanisme de recours dans cette situation. Je ne crois pas que je doive entreprendre un examen de la LIAE ou rendre une décision sur les limites alléguées des recours en matière d’indemnisation des accidents du travail pour déterminer si la clause 20.01 de la convention collective accorde au fonctionnaire un droit substantiel qui peut faire l’objet d’un grief.

[141] En fin de compte, il me semble problématique, dans les circonstances du présent cas, d’appuyer la proposition selon laquelle, en mentionnant simplement les congés de maladie, les congés annuels et l’indemnité pour angoisse mentale dans son bref énoncé de mesures correctives, le fonctionnaire a nécessairement fait valoir d’autres droits conférés par la convention collective devant la Commission qui peuvent faire l’objet d’un grief. Dans l’abstrait, j’accepte que les détails d’une demande de réparation puissent indiquer clairement qu’un différend porte sur l’interprétation ou l’application d’autres dispositions de convention collective en plus de la ou des dispositions expressément mentionnées comme objet des questions dans un formulaire de grief ou un formulaire 20 de renvoi à l’arbitrage. Je crois qu’une telle décision dépend de la mesure dans laquelle l’énoncé des mesures correctives est précis, ainsi que du contexte.

[142] Si une mention, dans un grief, d’un élément de recours qui peut être raisonnablement associé à une disposition de convention collective est suffisante pour obtenir l’accès à l’arbitrage, je suis préoccupé par le risque d’une approche concernant l’art. 209 de la Loi et ses exigences en matière de dépôt qui seraient trop libérales. Il ne fait aucun doute que la Commission devrait toujours se préoccuper principalement de veiller à ce que [traduction] « […] la plainte véritable soit traitée
[…] », comme préconisée par la jurisprudence d’autres ressorts cités par le fonctionnaire. Néanmoins, la compétence de la Commission est établie expressément par la loi. La détermination de la « véritable plainte » doit être suffisamment claire pour permettre à la Commission de se prononcer sur sa compétence en toute confiance et sans spéculation.

[143] Dans les circonstances du présent cas, le fonctionnaire a mentionné expressément une seule disposition unique de la convention collective, soit la clause 20.01, comme objet de son grief, tant dans le formulaire de grief que dans le formulaire 20. L’agent négociateur a indiqué son appui au grief, tout en sachant clairement que la clause 20.01 constituait le seul objet précisé. Je ne peux pas aller plus loin pour ajouter d’autres dispositions de la convention collective. La « plainte véritable » découle de l’expérience du fonctionnaire en matière de violence en milieu de travail et de l’accident de travail qui en résulte. Il a indiqué que la clause 20.01 était l’objet de sa croyance apparente qu’elle traitait de cette « plainte véritable ».

[144] Tel que cela a été discuté, il n’y a aucun fondement juridique pour accepter que la référence dans l’énoncé des mesures correctives à l’indemnisation pour angoisse mentale, décrite par le fonctionnaire comme une question relevant du Code, établit un deuxième fondement dans la convention collective pour un grief individuel pouvant faire l’objet d’un arbitrage. En ce qui a trait aux références aux congés de maladie et aux congés annuels dans l’énoncé des mesures correctives, je conclus que l’absence de quelque chose de plus, même si elle est relativement minime, pour déterminer la nature des violations présumées de la convention collective et leur relation avec l’expérience du fonctionnaire en matière de violence en milieu de travail m’empêche d’accepter que les dispositions relatives aux congés de maladie et aux congés annuels constituaient également des objets valides du grief en soi.

[145] Par conséquent, j’accueille l’objection de l’employeur à la compétence selon laquelle la clause 20.01 de la convention collective, sur laquelle se fonde le fonctionnaire, ne lui accorde pas un droit substantiel qui peut faire l’objet d’un grief.

[146] Pour ce motif, je rejette le grief comme une affaire qui ne relève pas de la compétence de la Commission en vertu de l’al. 209(1)a) de la Loi.

[147] Ma décision signifie que je n’ai pas à examiner les autres arguments de compétence présentés par l’employeur ou les contre‑arguments proposés par le fonctionnaire. Les commentaires que je pourrais formuler constitueraient des commentaires incidents et, à mon avis, ne seraient pas appropriés dans le présent cas.

[148] Néanmoins, j’ai choisi de faire rapport dans la présente décision du débat important dans les arguments des parties concernant la LIAE et la LRCECA, sur lequel je n’ai pas statué. Je l’ai fait par respect pour l’attention et les efforts que les parties ont déployés pour me présenter leurs points de vue. À mon avis, les arguments présentés par les parties peuvent fort bien mériter d’être examinés dans un forum approprié et dans les circonstances appropriées.

[149] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[150] Le grief est rejeté.

Le 14 juin 2021.

Traduction de la CRTESPF

Dan Butler,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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