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Dossier : 2013-0082

 

Rendue à : Ottawa, le 8 août 2014

 

TOBY-LEE SAUNDERS

 

Plaignante

 

ET

 

LE SOUS‑MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

 

Intimé

 

ET

 

AUTRES PARTIES

Affaire : Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 65(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

 

 

Décision : La plainte est rejetée

 

 

Décision rendue par : John Mooney, vice-président

 

 

Langue de la décision : Anglais

 

 

Répertoriée : Saunders c. Sous‑ministre de la Défense nationale

 

 

Référence neutre : 2014 TDFP 1


MOTIFS DE DÉCISION

Introduction

[1] La plaignante, Toby-Lee Saunders, occupait un poste de commis du Programme de soins dentaires (commis du PSD) des groupe et niveau CR‑04 au ministère de la Défense nationale (le MDN). Elle affirme que l’intimé, le sousministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir de plusieurs façons au moment de la sélectionner aux fins de mise en disponibilité. Elle soutient principalement qu’elle et l’autre personne évaluée dans le cadre du processus de sélection aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité (SMPMD) occupaient des postes qui n’étaient pas semblables, que des membres du comité d’évaluation et une répondante à la vérification des références ont fait preuve de partialité à son endroit, et que l’intimé a agi de façon discriminatoire à son égard en raison de sa déficience.

[2] L’intimé nie ces allégations et affirme qu’il n’a eu aucun abus de pouvoir dans la sélection de la plaignante aux fins de mise en disponibilité. Il soutient que les deux fonctionnaires évalués dans le cadre du processus de SMPMD occupaient des postes semblables et exerçaient des fonctions semblables. Il affirme également que les membres du comité d’évaluation et la répondante n’étaient pas partiaux à l’égard de la plaignante et que la déficience de celleci n’a pas influé sur la décision de la mettre en disponibilité.

[3] La Commission de la fonction publique (la CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais elle a soumis des observations écrites dans lesquelles elle explique son interprétation de l’abus de pouvoir et présente les lignes directrices et guides pertinents en ce qui a trait aux processus de SMPMD. La CFP n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

[4] La Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) n’a formulé aucun commentaire sur la plainte.

[5] Pour les motifs énoncés ciaprès, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) juge que la plaignante n’a pas réussi à établir que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans sa décision de la sélectionner aux fins de mise en disponibilité.

Contexte

[6] En 2012, à la suite d’initiatives de réduction budgétaire, l’intimé a examiné ses activités dans la 1re Unité dentaire, située à Edmonton, en Alberta. Il a par la suite décidé qu’un des deux postes de commis du PSD de l’unité serait éliminé, en raison d’une éventuelle réduction de la charge de travail.

[7] Le 22 novembre 2012, la lieutenantcolonel (Lcol) Glenda Ross, commandant du détachement d’Edmonton, a informé la plaignante qu’elle était une fonctionnaire « touchée », c’estàdire que ses services pourraient ne plus être nécessaires faute de travail ou par suite de la suppression d’une fonction.

[8] Le 23 janvier 2013, Rita Williams, agente des ressources humaines (RH), a avisé la plaignante qu’un processus de SMPMD serait tenu en vue de déterminer lequel des deux fonctionnaires touchés serait mis en disponibilité.

[9] Le processus de SMPMD, réalisé par Mme Williams, qui présidait le comité d’évaluation, ainsi que par la Lcol Ross et la capitaine Emily Girard, gestionnaire de soutien, 1re Ambulance de campagne, comportait quatre étapes : un examen de la lettre de présentation et du curriculum vitæ des candidats, une entrevue, une vérification des références auprès du gestionnaire de chaque candidat et une autre auprès d’un répondant choisi par les candidats.

[10] Pour le processus de SMPMD, le comité d’évaluation a établi un énoncé des critères de mérite (ECM), et il a conclu que les deux fonctionnaires possédaient toutes les qualifications essentielles qui y figuraient. L’ECM ne comportait aucune qualification constituant un atout.

[11] Au début du processus de SMPMD, l’intimé a informé les deux fonctionnaires concernés que la qualification « bonnes relations interpersonnelles » [traduction] constituerait un critère de sélection en vue de déterminer le candidat qualifié qui serait maintenu en poste. Même si la plaignante répondait à cette exigence, l’autre commis du PSD évaluée dans le processus de SMPMD, Karen Skinner, a obtenu un meilleur résultat pour cette qualification, et c’est pourquoi elle a été choisie aux fins de maintien en poste.

[12] Le 15 février 2013, l’intimé a avisé la plaignante qu’elle avait été sélectionnée aux fins de mise en disponibilité par suite du processus de SMPMD.

[13] Le 4 mars 2013, la plaignante a présenté une plainte d’abus de pouvoir au Tribunal en vertu de l’article 65(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

[14] La plaignante a avisé la CCDP qu’elle entendait soulever une question liée à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la LCDP). La CCDP a informé le Tribunal qu’elle avait l’intention de présenter des observations relativement à cette plainte, mais elle est par la suite revenue sur sa décision.

Questions en litige

[15] Le Tribunal doit trancher les questions ciaprès pour déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir dans la sélection de la plaignante aux fins de mise en disponibilité :

(i) La plaignante et Mme Skinner occupaient‑elles des postes semblables ou exerçaient‑elles des fonctions semblables aux mêmes groupe et niveau professionnels?

(ii) La plaignante atelle fait l’objet de partialité?

(iii) La plaignante atelle été victime de discrimination de la part de l’intimé?

(iv) Le processus de SMPMD comportaitil d’autres irrégularités?

Analyse

[16] La plaignante affirme que l’intimé a abusé de son pouvoir en la sélectionnant aux fins de mise en disponibilité. Les dispositions relatives aux mises en disponibilité se trouvent aux articles 64 et 65 de la LEFP. Voici les dispositions pertinentes de ces articles :

64. (1) L’administrateur général peut, conformément aux règlements de la Commission, mettre en disponibilité le fonctionnaire dont les services ne sont plus nécessaires faute de travail, par suite de la suppression d’une fonction ou à cause de la cession du travail ou de la fonction à l’extérieur des secteurs de l’administration publique fédérale figurant aux annexes I, IV ou V de la Loi sur la gestion des finances publiques; le cas échéant, il en informe le fonctionnaire.

(2) Dans les cas où il décide dans le cadre du paragraphe (1) que seulement certains des fonctionnaires d’une partie de l’administration seront mis en disponibilité, la façon de choisir les fonctionnaires qui seront mis en disponibilité est déterminée par les règlements de la Commission.

[…]

65. (1) Dans les cas où seulement certains des fonctionnaires d’une partie de l’administration sont informés par l’administrateur général qu’ils seront mis en disponibilité, l’un ou l’autre de ces fonctionnaires peut présenter au Tribunal, dans le délai et selon les modalités fixés par règlement de celuici, une plainte selon laquelle la décision de le mettre en disponibilité constitue un abus de pouvoir.

 

[17] L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP; cependant, l’article 2(4) précise qu’« [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

[18] Comme l’a établi la jurisprudence du Tribunal, ce libellé indique que l’abus de pouvoir doit être interprété de façon large et ne se limite pas à la mauvaise foi et au favoritisme personnel. L’abus de pouvoir peut aussi comprendre les erreurs, les omissions et la conduite irrégulière. C’est la nature et la gravité de l’erreur, de l’omission ou de la conduite irrégulière qui déterminent s’il s’agit ou non d’un abus de pouvoir. Voir, par exemple, la décision Tibbs c. Sous­ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008.

[19] Bien que la jurisprudence susmentionnée se rapporte à des plaintes concernant des nominations effectuées en vertu de l’article 77(1) de la LEFP, les plaintes d’abus de pouvoir présentées en vertu de l’article 65(1) de la LEFP doivent être interprétées de la même manière. Voir les décisions Maclean c. Secrétaire du Conseil du Trésor du Canada, 2012 TDFP 21, para. 93, et Raymond c. Statisticien en chef du Canada, 2013 TDFP 25, para. 13.

[20] C’est au plaignant qu’il incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans la sélection aux fins de mise en disponibilité. Voir la décision Raymond au para. 16.

Question I : La plaignante et Mme Skinner occupaientelles des postes semblables ou exerçaientelles des fonctions semblables aux mêmes groupe et niveau professionnels?

La plaignante affirme qu’elle n’aurait pas dû être visée par le processus de SMPMD aux côtés de Mme Skinner, étant donné qu’elles n’occupent pas des postes semblables ou n’exercent pas des fonctions semblables, alors que c’est ce qu’exige l’article 21(1) du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334, libellé ainsi :

 

[22] La plaignante a indiqué dans son témoignage qu’elle travaillait au MDN depuis 1993 ou 1994 et qu’elle était commis du PSD depuis 2008. Elle participait à la coordination du Programme de soins dentaires, présentant aux gestionnaires des rapports statistiques hebdomadaires sur la santé dentaire des membres des Forces canadiennes (FC). Par exemple, en une occasion où l’intimé devait envoyer 72 soldats en Afghanistan, la plaignante a passé en revue la fiche dentaire des militaires pour déterminer ceux dont la santé dentaire était bonne et fixer le moment du traitement pour ceux qui en avaient besoin.

[23] La plaignante a affirmé qu’elle n’avait jamais été informée du fait qu’il existait un autre poste de commis du PSD au sein de l’Unité dentaire. Les membres du personnel de l’unité faisaient référence à Mme Skinner comme la commis de la Croix‑Bleue. Ce n’est qu’au moment où elle a été invitée à participer au processus de SMPMD que la plaignante a appris qu’il existait une autre commis du PSD.

[24] La plaignante a passé en revue les six activités principales énoncées dans la description de travail associée au poste de commis du PSD. La première de ces activités consiste à fournir à la direction du PSD du soutien et des conseils administratifs ainsi qu’à coordonner les activités du PSD et à rendre compte des résultats. Selon la plaignante, Mme Skinner n’a jamais exercé de telles fonctions.

[25] La plaignante a ajouté qu’elle ne savait pas si Mme Skinner exerçait les fonctions correspondant à la cinquième activité principale de la description de travail, à savoir la compilation de données dentaires sous forme de rapports statistiques.

[26] Les quatre autres activités principales concernent la prestation de soutien logistique pour les dossiers et les procédures de soins dentaires, la mise à jour de bases de données sur les soins dentaires, la collecte, l’entreposage, la saisie et la récupération de données et, finalement, la participation à des réunions sur la prestation de services. La plaignante a affirmé que tous les adjoints et commis de soins dentaires s’acquittent de ces tâches générales.

[27] Mme Williams a expliqué qu’il existe une seule description de travail collective applicable à tous les postes CR04 de commis du PSD du MDN, et ce, à l’échelle du pays. La description de travail utilisée au bureau d’Edmonton contient le numéro des deux postes CR‑04 de commis du PSD d’Edmonton. Le numéro du poste de la plaignante est le 331750, et celui du poste de Mme Skinner est le 804666. Les mêmes postes apparaissent dans l’organigramme du détachement de la 1re Unité dentaire d’Edmonton (2069). Mme Williams a également présenté en preuve deux rapports sur les données d’emploi, dans lesquels les deux postes de commis du PSD d’Edmonton portent les mêmes numéros de poste que ceux qui sont indiqués dans la description de travail de commis du PSD susmentionnée.

[28] La Lcol Ross était le commandant de détachement de la 1re Unité dentaire d’Edmonton d’août 2011 à août 2013. Elle a déclaré que la plaignante et Mme Skinner occupaient toutes deux des postes de commis du PSD des groupe et niveau CR04. Lors des réunions du personnel, Mme Skinner se faisait appeler la commis de la CroixBleue parce qu’elle s’occupait de dossiers concernant cette organisation, mais il ne s’agissait pas du titre officiel de son poste. Le titre officiel de son poste CR04 était celui de commis du PSD, comme en font foi la description de travail et l’organigramme susmentionnés.

[29] La Lcol Ross a indiqué que le Programme de soins dentaires englobait toutes les tâches liées au traitement dentaire, y compris le suivi de la santé dentaire des membres des FC et la vérification de leur aptitude au déploiement. La plaignante gère les dossiers internes en ce sens qu’elle détermine notamment quels sont les militaires qui sont aptes au déploiement, tandis que Mme Skinner s’occupe davantage des dossiers externes, c’est‑à‑dire qu’elle dirige les employés vers des dentistes de l’extérieur de l’organisation et assure le suivi de leur état. Elle s’occupe également du paiement lié aux services fournis par la CroixBleue.

[30] Le Tribunal est convaincu que la plaignante et Mme Skinner occupent des postes semblables et exercent des fonctions semblables aux mêmes groupe et niveau professionnels. La preuve permet en effet d’établir que la même description de travail générique s’applique aux deux postes et qu’ils portent tous deux le même titre. La plaignante a ellemême affirmé qu’elle et Mme Skinner accomplissaient la plupart des activités principales énoncées dans la description de travail. Bien que les fonctions liées aux deux postes diffèrent quelque peu (Mme Skinner traite les demandes relatives à la CroixBleue, ce que ne fait pas la plaignante), elles consistent essentiellement à examiner la santé dentaire des membres des FC et à prévoir un traitement au besoin.

Question II: La plaignante atelle fait l’objet de partialité?

[31] La plaignante affirme que deux des membres du comité d’évaluation et une répondante à la vérification des références ont fait preuve de partialité à son endroit.

[32] Pour établir s’il y a eu partialité, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y a réellement eu partialité. La crainte raisonnable de partialité peut constituer un abus de pouvoir. Voir la décision Denny c. Sous­ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029, au paragraphe 125, qui renvoie à l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

[33] Dans la décision Gignac c. Sous‑ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 0010, le Tribunal a établi que les personnes chargées de l’évaluation des candidats dans un processus de nomination ont le devoir de procéder à une évaluation impartiale ne donnant pas lieu à une crainte raisonnable de partialité. Au paragraphe 74 de la décision Gignac, le Tribunal a adapté le critère établi dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty au contexte de la partialité dans un processus de nomination :

Lorsqu’il y a allégation de partialité, le critère suivant pourra être appliqué à son analyse en tenant compte des circonstances l’entourant : Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a abus de pouvoir.

 

[34] La plaignante a affirmé qu’au cours des dernières années, elle avait présenté des griefs à la direction et des plaintes à la CCDP contre l’intimé. La plaignante et l’intimé ont soumis un exposé conjoint des faits dans lequel ils indiquent que la plaignante a déposé plusieurs griefs avant avril 2009. Ces griefs ont été retirés une fois réglés. L’exposé conjoint des faits indique également qu’à la fin 2011, la plaignante a déposé deux autres griefs contre la direction en général. Ces griefs n’ont jamais été présentés à la troisième étape de la procédure de règlement des griefs.

[35] La plaignante a précisé dans son témoignage que plusieurs de ses griefs portaient sur des retards dans la mise à jour de son système de reconnaissance vocale (SRV), qui permet à l’utilisateur de dicter un texte à l’ordinateur au lieu de le saisir au clavier. Le formulaire de présentation de grief individuel signé par la plaignante le 5 décembre 2011, qui portait sur l’un de ses griefs, indique que le grief portait sur une question de harcèlement, sans toutefois fournir davantage de détail à cet égard.

[36] La plaignante soutient que la Lcol Ross, à titre de commandant du détachement d’Edmonton, était au courant de ces griefs et plaintes et qu’elle était donc partiale à son endroit. Elle affirme que cette partialité a influé sur la façon dont la Lcol Ross a évalué ses qualifications.

[37] La plaignante formule le même argument à l’égard de Mme Williams, qui présidait le comité d’évaluation. Selon la plaignante, Mme Williams faisait également preuve de partialité à son endroit parce qu’en tant qu’agente des RH, elle faisait partie de la direction et était donc au courant des plaintes et des griefs déposés contre l’intimé.

[38] Les griefs n’étaient pas adressés personnellement à la Lcol Ross ni à Mme Williams, mais, comme l’indique l’exposé conjoint des faits, à la direction en général. Ces deux personnes n’étaient donc pas visées directement par les griefs. La Lcol Ross et Mme Williams ont toutes deux affirmé qu’elles étaient au courant de l’existence des griefs et des plaintes, mais qu’elles n’en connaissaient pas les détails.

[39] La plaignante soutient que le simple fait de savoir qu’elle avait déposé des griefs et des plaintes contre la direction rendait la Lcol Ross et Mme Williams partiales à son égard, puisqu’elles font partie de la direction. Le Tribunal ne souscrit pas à cette proposition. La présentation d’un grief ou d’une plainte ne suffit pas en soi pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part d’un membre de la direction.

[40] La preuve concernant les griefs et les plaintes présentés par la plaignante ne porte que sur l’allégation de retard dans la mise à jour du SRV et, dans un cas, sur une allégation de harcèlement. La preuve n’indique aucunement que les relations entre la plaignante et la Lcol Ross ou Mme Williams étaient difficiles. Comme il a déjà été mentionné, les griefs et les plaintes ne concernaient pas directement la Lcol Ross ni Mme Williams elles‑mêmes. La preuve dont dispose le Tribunal n’est donc pas suffisante pour établir que ces griefs et plaintes ont influé sur la façon dont la Lcol Ross et Mme Williams ont évalué les qualifications de la plaignante.

[41] La plaignante soutient également que l’adjudantmaître (Adjum) Anna J. Aldrich, qui avait longtemps été sa gestionnaire et qui agissait à titre de répondante pour elle, était partiale à son endroit en raison des griefs et des plaintes susmentionnés.

[42] La plaignante a affirmé qu’elle avait expressément demandé à Mme Williams de ne pas consulter l’Adjum Aldrich en tant que répondante, sans toutefois être en mesure de préciser à quel moment cette conversation avait eu lieu. Mme Williams a quant à elle indiqué qu’elle ne se rappelait pas cette conversation.

[43] La Lcol Ross et Mme Williams ont affirmé qu’elles avaient informé la plaignante, à la fin de l’entrevue, qu’elles feraient appel à l’Adjum Aldrich à titre de répondante, et que la plaignante n’avait alors soulevé aucune objection. La plaignante n’a pas contesté ces déclarations.

[44] Comme l’information figurant cidessus en témoigne, la preuve visant à déterminer si la plaignante a demandé aux membres du comité d’évaluation de ne pas faire appel à l’Adjum Aldrich à titre de répondante est contradictoire. Le Tribunal estime que, selon toute vraisemblance, la plaignante n’a pas formulé une telle requête. Cette conclusion repose sur le fait qu’elle n’a soulevé aucune objection lors de l’entrevue, lorsqu’elle a été informée que le comité d’évaluation ferait appel à l’Adjum Aldrich à titre de répondante.

[45] Même si la plaignante avait demandé à Mme Williams de ne pas faire appel à l’Adjum Aldrich en tant que répondante et que les membres du comité d’évaluation avaient tout de même décidé de la consulter, le Tribunal n’aurait pas pu conclure qu’ils avaient mal agi. En effet, l’Adjum Aldrich constituait un choix logique de répondante pour la plaignante, puisqu’elle était sa gestionnaire et l’avait supervisée pendant plusieurs années et était donc en mesure de fournir des renseignements récents et précis à son égard. Une simple demande de la part de la plaignante visant à ne pas faire appel à l’Adjum Aldrich ne suffit pas pour imposer aux membres du comité d’évaluation l’obligation de ne pas la consulter. En l’espèce, les membres du comité d’évaluation n’avaient aucune raison de croire que l’Adjum Aldrich ne leur fournirait pas des renseignements décrivant avec exactitude le rendement au travail de la plaignante. Le fait qu’il y avait des tensions entre la plaignante et sa superviseure en raison de griefs et de demandes que la plaignante avait précédemment présentés à la direction au sujet du SRV n’empêchaient aucunement le comité d’évaluation de consulter l’Adjum Aldrich à titre de répondante.

[46] La plaignante a fait remarquer que, selon l’exposé conjoint des faits, durant l’audience relative au grief pour harcèlement, elle avait « expressément nommé l’Adjum Aldrich » [traduction]. Toutefois, rien n’indiquait que l’Adjum Aldrich était la personne visée par la plainte de harcèlement. Puisque la plaignante n’a pas précisé ce qu’elle entendait par « expressément nommé » dans l’exposé conjoint des faits et n’a fourni aucun détail supplémentaire sur ce grief, le Tribunal ne peut tirer aucune conclusion de cette affirmation vague.

[47] Le 22 décembre 2011, l’Adjum Aldrich a envoyé à la plaignante un courriel dans lequel elle indiquait que leurs récents échanges étaient plus tendus et proposait de régler la situation au moyen de mécanismes alternatifs de résolution des conflits. La plaignante a refusé l’offre le 4 janvier 2012.

[48] Le courriel susmentionné laisse certes croire qu’il y avait des tensions entre la plaignante et l’Adjum Aldrich; cependant, cela ne signifie pas nécessairement que l’Adjum Aldrich était partiale à l’égard de la plaignante. Il n’y a pas suffisamment de preuve sur la nature de ces tensions pour conclure que celles‑ci ont rendu l’Adjum Aldrich partiale envers la plaignante.

[49] Comme l’a établi le Tribunal au paragraphe 49 de la décision Pellicore c.  Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TDFP 23, le parti pris présumé d’un répondant ne signifie pas nécessairement que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir. Les répondants n’ont aucun pouvoir décisionnel dans le processus d’évaluation et ne sont donc pas tenus d’agir de façon impartiale comme les membres du comité. Toutefois, cela ne signifie pas qu’un comité d’évaluation ne doit pas tenir compte de tout élément qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par un répondant. En l’espèce, la plaignante n’a pas démontré que les membres du comité d’évaluation avaient une quelconque raison de douter de la fiabilité des renseignements fournis par l’Adjum Aldrich.

[50] La plaignante soutient que les réponses fournies par l’Adjum Aldrich au comité d’évaluation n’étaient pas fiables parce qu’elles comportaient des commentaires contradictoires et inexacts. La plupart du temps, l’Adjum Aldrich commençait par vanter la plaignante, mais le commentaire positif était immédiatement suivi d’une observation négative. Par exemple, à la première question, les répondants devaient décrire l’attitude et le tempérament qu’avaient les candidats au travail en général. Au départ, l’Adjum Aldrich a mentionné que la plaignante faisait preuve de confiance en soi, d’enthousiasme et de charisme. Elle poursuivait toutefois en indiquant que la plaignante pouvait réagir avec émotivité dans certaines situations et qu’elle était parfois perçue comme une personne qui a tendance à argumenter et qui se montre peu coopérative dans ses relations avec ses collègues.

[51] La Lcol Ross a indiqué qu’elle avait conclu, à la lumière des réponses fournies, que l’Adjum Aldrich avait dressé un portrait équilibré du rendement professionnel de la plaignante, étant donné que les réponses contenaient des commentaires tant positifs que négatifs. Elle n’avait donc aucune préoccupation à l’égard de cette répondante.

[52] Mme Williams a également affirmé qu’elle n’était aucunement préoccupée par les réponses fournies par l’Adjum Aldrich. Celleci a en effet présenté suffisamment de détails, d’exemples et de descriptions sur les compétences de la plaignante sur le plan des bonnes relations interpersonnelles, en mettant notamment en balance les forces et les faiblesses de la plaignante. Selon Mme Williams, les réponses de l’Adjum Aldrich étaient objectives et s’en tenaient aux faits.

[53] Le Tribunal a minutieusement examiné la référence fournie par l’Adjum Aldrich et estime que la plaignante n’a pas réussi à établir qu’elle n’était pas fiable. En effet, elle contient de nombreux commentaires positifs, accompagnés de plusieurs remarques négatives. Par exemple, l’Adjum Aldrich vante la plaignante en affirmant qu’elle exerce une grande influence sur de nombreux collègues qui lui demandent son avis sur différentes questions. Elle décrit toutefois certains aspects négatifs du comportement de la plaignante au travail, indiquant qu’elle peut devenir émotive et que ses commentaires peuvent être perçus comme vexants et autoritaires. La plaignante n’a pas réussi à établir que les commentaires de l’Adjum Aldrich étaient faux ou qu’ils ne semblaient pas fiables et n’auraient donc pas dû être pris en compte.

[54] En résumé, la plaignante n’a pas réussi à établir qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité à son endroit en ce qui concerne son évaluation.

Question III : La plaignante atelle été victime de discrimination de la part de l’intimé?

[55] La plaignante soutient que l’intimé a agi de façon discriminatoire à son égard en raison de sa déficience, en la pressant de participer au processus de SMPMD alors qu’elle était en congé de maladie. La plaignante estime que l’intimé aurait dû attendre qu’elle soit en mesure de revenir au travail.

[56] Selon l’article 65(7) de la LEFP, pour déterminer si la plainte est fondée en vertu de l’article 65, le Tribunal peut interpréter et appliquer la LCDP.

[57] L’article 7 de la LCDP stipule que le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi par des moyens directs ou indirects constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. L’article 3 de la LCDP énumère les motifs de distinction illicite, lesquels comprennent la déficience.

[58] Dans une affaire portant sur les droits de la personne, le plaignant doit d’abord établir une preuve prima facie de discrimination. Dans la décision Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons­Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (également connue sous le nom de décision O’Malley), la Cour suprême du Canada a énoncé le critère permettant d’établir une preuve prima facie de discrimination :

28 [...] Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. […]

 

[59] Le Tribunal doit donc déterminer si, en donnant foi à la preuve de la plaignante, il peut établir que ladite preuve est assez complète et suffisante pour justifier une conclusion de discrimination, en l’absence d’explication de l’intimé. Si la plaignante parvient à établir une preuve prima facie de discrimination, il revient à l’intimé de fournir une explication raisonnable démontrant que la conduite discriminatoire alléguée ne s’est pas produite ou qu’elle n’était pas réellement discriminatoire. Voir la décision Grant c. Manitoba Telecom Services Inc., 2012 TCDP 10, au para. 49.

La plaignante a-t-elle établi une preuve prima facie de discrimination?

[60] Le processus de SMPMD a été lancé à la fin du mois de janvier 2013 et s’est conclu au début du mois de février de la même année. La plaignante a indiqué qu’elle était en congé de maladie tout au long du processus.

[61] La plaignante a expliqué que depuis 2002, elle souffre de douleurs au cou qui se répercutent dans son bras droit et sa main droite, ce qui l’empêche d’atteindre les objets en hauteur et d’exécuter des tâches répétitives pendant une longue période. Elle a présenté une demande auprès de la Commission des accidents du travail (CAT) de l’Alberta au sujet de sa déficience. Un rapport de la CAT signé par un médecin le 10 janvier 2005 qualifiait sa condition de chronique. Le 22 octobre 2012, son médecin indiquait qu’elle ne pouvait pas reprendre ses fonctions de commis pour des raisons de santé.

[62] La plaignante a en outre été impliquée dans deux accidents de voiture en 2012, lesquels n’étaient pas liés à son travail.

[63] La plaignante a affirmé que pendant le processus de SMPMD, elle avait reçu une lettre de la CAT lui indiquant qu’elle ne devrait pas se servir d’un clavier. Elle a présenté en preuve un rapport du Millard Health Centre confirmant qu’elle devait éviter toute tâche exécutée au clavier, jusqu’à ce qu’un SRV soit mis en place. Toutefois, le rapport n’est pas signé ni daté; il est donc difficile de déterminer s’il s’agit d’une version provisoire ou d’un rapport final. La plaignante n’avait pas accès à un SRV durant son congé de maladie.

[64] Dans son témoignage, la plaignante a indiqué qu’elle avait demandé à Mme Williams si son évaluation dans le cadre du processus de SMPMD, qui nécessitait l’utilisation d’un clavier, pouvait attendre son retour au travail à la fin de son congé de maladie, alors qu’elle aurait accès à un SRV. Sa demande a été rejetée. La plaignante affirme qu’elle était obligée de participer au processus de SMPMD parce que l’Adjum Aldrich et Paula Seale, une agente des RH, lui avaient dit qu’elle n’avait pas d’autre choix. Elle soutient que le fait d’avoir dû participer au processus malgré sa déficience physique avait influé sur son rendement durant l’évaluation.

[65] Le Tribunal est convaincu que la plaignante a établi une preuve prima facie de discrimination. En effet, elle a présenté une preuve qui, si on lui donne foi, établit qu’elle souffrait, durant le processus de SMPMD, d’une déficience chronique l’empêchant d’utiliser un clavier. Or, son évaluation nécessitait l’utilisation d’un clavier; sa déficience a donc pu nuire à son rendement.

Explication raisonnable non fondée sur la discrimination

[66] En réponse à la preuve prima facie, l’intimé a fourni une explication raisonnable non fondée sur la discrimination pour justifier la sélection de la plaignante aux fins de mise en disponibilité.

[67] La preuve selon laquelle la plaignante aurait été pressée de participer au processus de SMPMD est contradictoire. Bien que la plaignante ait affirmé avoir demandé à Mme Williams si le processus de SMPMD pouvait attendre à son retour au travail, Mme Williams a quant à elle indiqué qu’elle ne se rappelait pas avoir reçu une telle demande de la part de la plaignante.

[68] La documentation écrite versée en preuve indique que la plaignante était prête à participer au processus de SMPMD, et qu’elle n’a démontré aucune hésitation ni inquiétude. Dans un courriel envoyé à l’Adjum Aldrich le 6 décembre 2012, la plaignante indiquait qu’elle « [aimerait] participer à l’évaluation visant le poste CR04, comme l’indiquait la trousse de SMPMD » [traduction]. Dans un autre courriel adressé à l’Adjum Aldrich et à Mme Seale envoyé le 14 janvier 2013, la plaignante indiquait qu’elle avait l’intention de participer à ce « concours » [traduction].

[69] Le Tribunal estime que la preuve ne permet pas d’établir que la plaignante avait clairement fait savoir qu’elle voulait que l’intimé attende son retour au travail avant de tenir le processus de SMPMD. Les déclarations contenues dans ses courriels indiquent qu’elle a participé au processus de plein gré. Qu’elle s’est sentie obligée ou non de prendre part au processus de SMPMD ne constitue toutefois pas un facteur déterminant en l’espèce, puisque, comme il en sera question plus loin dans les présents motifs, la preuve montre que la déficience de la plaignante n’a pas influé sur la décision de la sélectionner aux fins de mise en disponibilité.

[70] Il existe par ailleurs certaines contradictions dans la preuve concernant les restrictions qu’entraînait la déficience de la plaignante. En effet, dans une lettre rédigée le 21 septembre 2005, un gestionnaire de cas de la CAT indiquait que cet organisme avait analysé l’état de santé de la plaignante et avait conclu qu’elle pouvait accomplir les tâches de son poste si elle respectait certaines conditions, notamment celle de travailler un maximum de quatre heures par jour et de taper au clavier pendant moins de dix minutes par heure de travail. Le nombre d’heures de travail pouvait augmenter si l’employeur fournissait un SRV.

[71] Quelle que soit l’ampleur des limitations de la plaignante quant à l’utilisation d’un clavier, la preuve montre que la décision de la sélectionner aux fins de mise en disponibilité ne reposait pas sur une évaluation influencée par sa déficience. La seule partie du processus d’évaluation qui nécessitait l’utilisation d’un clavier était la rédaction d’une lettre de présentation et d’un curriculum vitæ. Mme Williams a affirmé qu’elle avait consulté des experts en la matière de même que la section des ressources humaines en vue de déterminer les mesures d’adaptation à prendre pour la plaignante. Dans une lettre datée du 23 janvier 2013, Mme Williams informait la plaignante que l’intimé prolongerait le délai d’exécution de ces tâches, en guise de mesure d’adaptation. La plaignante a donc eu 11 jours civils pour préparer les documents demandés.

[72] Mme Williams a indiqué dans son témoignage qu’elle se rappelait avoir discuté avec la plaignante, le 1er février 2013, au sujet des mesures d’adaptation possibles concernant la préparation du curriculum vitæ et de la lettre de présentation. Elle a résumé cette conversation le jour même dans une note au dossier. Selon cette note, Mme Williams a avisé la plaignante qu’elle se verrait accorder amplement de temps pour rédiger sa lettre de présentation et son curriculum vitæ. Il a également été question de permettre à la plaignante de préparer ces documents à la clinique dentaire, mais la plaignante a affirmé que le SRV n’était pas fonctionnel parce qu’il n’avait pas été mis à jour. Elles ont ensuite étudié d’autres options, comme celle de demander à un employé de la clinique dentaire ou à une personne de l’extérieur de l’organisation, choisie par la plaignante, de l’aider à rédiger ces deux documents. La plaignante a refusé les mesures d’adaptation proposées, exception faite de la prolongation du délai pour la présentation des documents. Elle n’a demandé aucune autre mesure d’adaptation et n’a manifesté aucun besoin supplémentaire à cet égard.

[73] La plaignante a affirmé que sa fille avait tapé son curriculum vitæ pour elle. La plaignante a respecté le délai qui lui avait été imposé; elle a donc été en mesure de fournir les renseignements qui nécessitaient l’utilisation d’un clavier.

[74] Cela dit, quelles qu’aient été les préoccupations concernant les mesures d’adaptation liées à l’utilisation d’un clavier, elles n’auraient eu aucune incidence sur la décision de l’intimé de sélectionner la plaignante aux fins de mise en disponibilité. En effet, la plaignante a été sélectionnée à cette fin parce que Mme Skinner avait obtenu de meilleurs résultats sur le plan des bonnes relations interpersonnelles. Or, la lettre de présentation et le curriculum vitæ n’ont pas servi à évaluer cette qualification.

[75] La qualification liée aux bonnes relations interpersonnelles a été évaluée au moyen de l’entrevue et de la vérification des références. L’entrevue ne nécessitait aucune utilisation du clavier et ne comportait aucun élément qui aurait pu faire en sorte que la déficience de la plaignante nuise à son rendement. Il s’agissait en effet de questions posées de vive voix par les membres du comité d’évaluation, auxquelles la plaignante devait répondre oralement. Sa déficience n’a donc eu aucune incidence sur l’évaluation de ses compétences à l’égard des bonnes relations interpersonnelles.

[76] La plaignante soutient que les commentaires négatifs formulés par l’Adjum Aldrich dans ses réponses, notamment en ce qui a trait à sa tendance à argumenter, pourraient découler du fait qu’elle avait présenté plusieurs plaintes au sujet du SRV, principalement quant à la nécessité de le mettre à jour.

[77] Toutefois, rien dans la preuve n’indique que l’Adjum Aldrich était gênée ou agacée par les plaintes ou les demandes de la plaignante à l’égard du SRV; en fait, aucun des éléments de preuve ne vient appuyer d’une quelconque façon l’affirmation de la plaignante.

[78] La plaignante soutient également que l’intimé a fait preuve de mauvaise foi en utilisant le processus de SMPMD : il s’agissait selon elle d’un prétexte pour mettre un terme à son emploi en raison de problèmes de discipline et de rendement. Selon la plaignante, sa sélection aux fins de mise en disponibilité constitue une mesure de représailles pour les griefs, les plaintes, les demandes de mesures d’adaptation, les demandes d’indemnisation et les revendications en matière de droits de la personne qu’elle avait présentés précédemment.

[79] Toutefois, outre sa simple déclaration de mauvaise foi, la plaignante n’a présenté aucune preuve permettant d’établir que l’intimé l’a sélectionnée aux fins de mise en disponibilité pour des problèmes de discipline ou de rendement, par suite des griefs, des plaintes ou des requêtes qu’elle avait présentés. Le Tribunal conclut donc que l’allégation de la plaignante n’est pas fondée.

[80] L’intimé a fourni une explication raisonnable en réponse à la preuve prima facie de discrimination. La preuve établit que la plaignante a été sélectionnée aux fins de mise en disponibilité parce que Mme Skinner a obtenu de meilleurs résultats à l’évaluation des bonnes relations interpersonnelles, qualification que l’intimé avait définie comme facteur déterminant en vue de décider du fonctionnaire à mettre en disponibilité. Or, la déficience physique de la plaignante n’a eu aucune incidence sur l’évaluation de cette qualification, car l’évaluation consistait en une entrevue, composée de questions et de réponses orales, et en une vérification des références, à laquelle la plaignante n’a pas participé.

Question IV : Le processus de SMPMD comportaitil d’autres irrégularités?

[81] Selon la plaignante, le processus de SMPMD comportait d’autres irrégularités. Elle soutient en effet que l’intimé n’a pas établi que Mme Skinner possédait toutes les qualifications liées au poste, que les méthodes utilisées pour évaluer les bonnes relations interpersonnelles étaient inadéquates, et qu’il était inapproprié de se servir de cette qualification pour déterminer la personne à mettre en disponibilité.

Mme Skinner possédaitelle toutes les qualifications établies pour le poste?

[82] La plaignante affirme que l’intimé n’a pas établi que Mme Skinner était qualifiée pour le poste parce qu’il n’a pas évalué toutes les qualifications figurant dans l’ECM. Elle estime que l’intimé s’est fondé sur l’évaluation de la « fiabilité » [traduction de « reliability »] de Mme Skinner, laquelle datait de sa nomination initiale, plutôt que d’évaluer son « sens des responsabilités » [traduction de « dependability »].

[83] Mme Williams a indiqué que l’ECM utilisé dans le processus de SMPMD consistait en une version mise à jour d’un ECM établi en 2007 pour un processus de nomination externe annoncé visant le poste de commis du PSD. La fiabilité avait été évaluée à titre de qualité personnelle dans le cadre du processus de nomination externe, mais cette qualification avait été modifiée et était devenue le sens des responsabilités dans le processus de SMPMD.

[84] La plaignante a renvoyé le Tribunal à la section 5 du Guide de sélection des fonctionnaires aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité de la CFP. Selon elle, les dispositions de cette section laissent entendre que si une qualification évaluée pour la nomination initiale d’une personne change au fil du temps (en l’espèce, la fiabilité est devenue le sens des responsabilités), la personne doit être réévaluée au regard de cette nouvelle qualification. La section 5 du guide est ainsi libellée :

5. Processus de sélection de fonctionnaires aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité

L'évaluation et la sélection des employés dans le cadre d'un processus de sélection aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité (SMPMD) est différente de l'évaluation et de la sélection qui sont utilisées dans un processus de nomination, étant donné que tous les fonctionnaires qui participent au SMPMD satisfont déjà aux critères de mérite établis pour leur poste substantif – à moins que ces critères n'aient changé. Lors de leur nomination, les fonctionnaires ont été évalués au regard de chacun des critères de mérite établi pour leur poste. L'objectif du SMPMD est de sélectionner, parmi ces fonctionnaires qui sont à priori tous qualifiés, ceux qui pourront être maintenus en poste et ceux qui devront être mis en disponibilité.

 

[85] La plaignante n’a fourni aucune preuve pour appuyer son allégation selon laquelle l’intimé n’a pas évalué le sens des responsabilités. Le guide d’évaluation pour la SMPMD présenté en preuve par l’intimé contient toutes les qualifications à évaluer ainsi que la méthode d’évaluation utilisée. Mme Williams a expliqué la façon dont chaque qualification était évaluée, et le rapport de SMPMD indique que Mme Skinner s’est vu attribuer un résultat pour chaque qualification évaluée dans le processus du SMPMD, y compris le sens des responsabilités. Cette qualification a en effet été évaluée au moyen de la vérification des références.

[86] En outre, il est difficile de déterminer si les résultats auraient été différents, que l’intimé se soit fondé sur l’évaluation de la fiabilité effectuée lors de la nomination initiale de Mme Skinner ou sur une nouvelle évaluation du sens des responsabilités effectuée dans le cadre du processus de SMPMD. La différence entre les termes anglais « dependability » (sens des responsabilités) et « reliability » (fiabilité) est minime. En effet, le Canadian Oxford Dictionary utilise le terme « reliable » pour définir le terme « dependable ».

[87] Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas réussi à démontrer que Mme Skinner ne possédait pas l’une des qualifications établies dans l’ECM.

Les méthodes utilisées pour évaluer les bonnes relations interpersonnelles étaientelles adéquates?

[88] La plaignante soutient que les méthodes utilisées pour évaluer les bonnes relations interpersonnelles n’étaient pas adéquates. Plus précisément, elle affirme que la définition de cette qualification n’était pas claire et que l’échelle de cotation était vague.

[89] Dans l’ECM, l’intimé définissait cette qualification ainsi :

Capacité d’établir et d’entretenir des relations de travail saines et productives avec ses supérieurs, ses collègues, le personnel administratif, les clients et les organisations externes, au besoin, tout en adoptant une attitude plaisante et positive et en faisant preuve d’enthousiasme et de coopération.

[traduction]

 

[90] Bien qu’il ne soit pas évident que la qualification « bonnes relations interpersonnelles » nécessite une définition (l’expression en soi parle par elle-même), le Tribunal estime que la définition cidessus est adéquate, puisqu’elle précise ce qui est entendu par « bonnes relations » et indique les personnes avec qui il est important d’entretenir ces relations.

[91] Le Tribunal n’est pas d’accord avec la plaignante lorsqu’elle affirme que l’échelle de cotation était vague. L’échelle comportait trois niveaux : « Conforme à la norme » [traduction], « Supérieur à la norme » [traduction] et « Dépasse la norme » [traduction], et l’intimé avait établi une définition pour chacun. Par exemple, l’expression « Dépasse la norme » était définie comme suit :

L’expérience ou la capacité est exceptionnelle et fait état d’une grande richesse et d’une grande profondeur. Elle témoigne d’une excellente aptitude à travailler efficacement dans cet aspect du rôle. L’expérience ou la capacité est complète et répond à tous les critères positifs importants. Aucune lacune n’a été relevée.

[traduction]

 

[92] Cette définition, tout comme les autres, n’est pas vague; les définitions étaient suffisantes pour permettre aux membres du comité d’évaluation de coter le rendement des deux personnes visées par le processus de SMPMD.

Étaitil inapproprié d’utiliser les bonnes relations interpersonnelles pour déterminer la personne à mettre en disponibilité?

[93] La plaignante soutient que l’intimé n’aurait pas dû utiliser cette qualification pour déterminer qui serait maintenu en poste ou qui serait mis en disponibilité, compte tenu des antécédents de la plaignante au travail. La plaignante n’a pas expliqué davantage cette allégation.

[94] Le Tribunal estime qu’il n’existe aucun fondement pour soutenir cette affirmation de la plaignante. L’intimé dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications utilisées dans un processus de SMPMD; il suffit que celles‑ci soient conformes au travail associé au poste. Dans son témoignage, la Lcol Ross a souligné l’importance de cette qualification, étant donné que la personne occupant ce poste doit interagir avec de nombreuses personnes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation, y compris des patients, des membres du personnel et des professionnels de la santé dentaire. L’intimé n’avait pas à mettre de côté cette importante qualification simplement parce que, selon la plaignante, il existait au travail des problèmes de relations interpersonnelles entre elle et la direction.

 


Décision

[95] Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

 

 

John Mooney

Vice-président

 

 

 

 

 

Parties au dossier

Dossier du Tribunal :

2013-0082

Intitulé de la cause :

Toby-Lee Saunders et le sous-ministre de la Défense nationale

Audience :

Les 3 et 4 décembre 2013, à Edmonton (Alberta), et le 23 avril 2014, par téléconférence

Date des motifs :

Le 8 août 2014

COMPARUTIONS

 

Pour la plaignante :

Louis Bisson

Pour l’intimé :

Lesa Brown

Pour la Commission de la fonction publique :

Luc Savard (observations écrites)

 

 

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