Décisions de la CRTESPF

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Date : 20210629

Dossiers : 566-02-09361 à 09366

 

Référence : 2021 CRTESPF 79

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

enTRE

 

Bhuwani Paudel, Gale Bravener, Fraser Neave, Alan Rowlinson, Barry Scotland ET Tonia VanKempen

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère des Pêches et des Océans)

 

employeur

Répertorié

Paudel c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Ian R. Mackenzie, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Sara Guillaument-Fitzgerald, représentante

Pour l’employeur : Amita Chandra, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 8 et 29 octobre et le 1er novembre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Les fonctionnaires s’estimant lésés travaillent au Centre de contrôle de la lamproie de mer (CCLM) du ministère des Pêches et Océans (MPO) à Sault Saint Marie, en Ontario. Leurs griefs portent sur des heures supplémentaires réclamées en 2011. Deux conventions collectives conclues entre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC ou l’« agent négociateur ») et le Conseil du Trésor (l’« employeur ») sont en cause dans ces griefs : la convention du groupe Architecture, génie et arpentage (NR) (la « convention du groupe NR ») pour Bhuwani Paudel, et la convention du groupe Sciences appliquées et examen des brevets (SP) (la « convention du groupe SP ») pour Gale Bravener, Fraser Neave, Alan Rowlinson, Barry Scotland, et Tonia VanKempen (avec M. Paudel, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »)).

[2] Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 13 décembre 2013. Une audience devait avoir lieu en 2019. L’audience a été reportée en raison de discussions entre les parties. Le commissaire affecté au dossier a ensuite déterminé que les griefs pouvaient être traités par voie d’arguments écrits. Le processus de présentation des arguments écrits s’est achevé le 1er novembre 2019.

[3] Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), qui remplace l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique et l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les art. 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40; LPAE) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’art. 393 de la LPAE, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la LRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la LPAE.

[4] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II. La question et les dispositions de la convention collective

[5] La question en litige dans ces griefs est de savoir si l’employeur a enfreint les conventions collectives des groupes SP et NR lorsqu’il a refusé de payer les heures supplémentaires des fonctionnaires. Les six griefs sont fondamentalement les mêmes. Chacun diffère par le nombre de jours travaillés et le nombre d’heures supplémentaires réclamées. Par souci de commodité, le grief de M. Paudel se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…] Je suis obligé de contester la décision de l’employeur, prise aux alentours du 1er novembre 2011, de refuser ma demande de rémunération des heures supplémentaires pour le travail effectué les fins de semaine au cours du mois de septembre 2011. Cette décision va à l’encontre de la pratique antérieure et du paragraphe 9.01 de la convention du groupe NR de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et de tous les autres articles applicables de la convention collective pertinente. Ce grief est continu.

 

[6] La réponse au grief de M. Paudel au dernier palier se lit, en partie, comme suit :

[Traduction]

[…]

Le 25 février 2011, le directeur régional des sciences vous a informé que vous étiez dorénavant considéré comme un employé travaillant par postes pour toute la période des travaux sur le terrain. Les paragraphes 8.07 à 8.20 de votre convention collective régissent l’application du travail par quart. Sur la base de vos horaires de travail sur le terrain et de vos feuilles de temps pour les dates mentionnées dans votre grief, je ne peux que conclure que ces dispositions ont été respectées.

Les dates que vous citez dans votre grief ont été prévues comme des jours de travail (quarts de travail réguliers) et vous n’avez donc pas droit à des heures supplémentaires pour ces journées. Les heures supplémentaires sont définies dans votre convention collective comme « tout travail demandé par l'Employeur et exécuté par un employé en excédent de son horaire de travail quotidien ». En tant qu’employé travaillant par postes, vous n’avez pas droit à une rémunération des heures supplémentaires pour les heures normales de travail effectuées les samedis et/ou les dimanches si ces jours sont considérés comme des jours de travail dans le cadre d’un horaire de travail normal. Si vous aviez travaillé au-delà de vos sept virgule cinq (7,5) heures journalières ou si vous aviez travaillé les samedis et/ou dimanches ne faisant pas partie d’un horaire normal, vous auriez été rémunéré pour les heures supplémentaires au taux approprié. En outre, vous pourriez avoir droit à une prime de quart et de fin de semaine, conformément aux paragraphes 8.19 et 8.20.

Bien que je reconnaisse qu’il existait une pratique selon laquelle les heures supplémentaires étaient payées dans des situations similaires, je ne peux que conclure que cette pratique était erronée. Par conséquent, la direction n’avait pas d’autre choix que de corriger cette pratique, ce qui a été fait le 25 février 2011. De plus, tous les employés ont reçu un préavis raisonnable de l’intention de la direction de corriger la situation et de se conformer aux dispositions de la convention collective.

Compte tenu de ce qui précède, votre grief et les mesures correctives demandées sont rejetés.

Veuillez noter que, comme il est indiqué ci-dessus, les paragraphes 8.07 à 8.20 de votre convention collective régissent l’application du travail par quart. Une analyse est en cours afin de déterminer si vous avez été rémunéré de manière appropriée dans le cadre des dispositions de votre convention collective relatives au « travail par quart ». La direction régionale apportera les corrections nécessaires, le cas échéant, et vous en serez informé.

 

[7] L’article de la convention du groupe SP portant sur la « Durée du travail » (article 8) contient les dispositions suivantes, qui sont pertinentes pour les griefs en l’espèce :

[…]

Les paragraphes 8.01 à 8.06 ne s’appliquent pas aux employés faisant du travail posté. Les paragraphes 8.07 à 8.20 s’appliquent seulement aux employés faisant du travail posté.

Généralités

8.01 Aux fins du présent article, la semaine de travail est de sept (7) jours consécutifs, commençant à 00 h 01 le lundi et se terminant à 24 heures le dimanche. La journée est une période de vingt-quatre (24) heures débutant à 00 h 01.

Régime de travail normal

8.02 La semaine normale de travail est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures et la journée normale de travail est de sept virgule cinq (7,5) heures consécutives, excluant la pause-repas, entre six (6) heures et dix-huit (18) heures. La semaine de travail normale s’étend du lundi jusqu’au vendredi.

[…]

Jours de repos

8.04 L’employé se voit accorder deux (2) jours de repos consécutifs au cours de chaque période de sept (7) jours, à moins que les nécessités du service ne le permettent pas.

[…]

Travail par quart

8.07 L’expression « horaire de travail par quarts » signifie la répartition des quarts de travail sur une période ne dépassant pas deux (2) mois consécutifs et, dans la mesure du possible, leur établissement pour une période minimale de vingt-huit (28) jours consécutifs.

8.08 Dans le cas des employés effectuant du travail par quarts, la durée du travail est en moyenne de trente-sept virgule cinq (37,5) heures par semaine pour la période de l’horaire de travail par quarts excluant la pause repas.

8.09 Sous réserve des nécessités du service, l’employé bénéficie d’au moins deux (2) jours de repos consécutifs et accolés au cours de chaque période de huit (8) jours civils.

8.10 Pour la détermination des heures de travail dans le cadre d’un horaire de travail par quarts, les congés et autres avantages sont administrés en conformité du protocole d’accord, Appendice « B » [conversion de jours en heures].

[…]

8.12 En établissant l’horaire de travail par quarts, l’Employeur verra à répartir les quarts de manière à ce que :

a) le roulement des employés dans les différents quarts se fasse de telle sorte que l’obligation d’effectuer des quarts de nuit, du soir et de fin de semaine soit partagée équitablement entre les employés assujettis à l’horaire de travail par quarts, dans la mesure où le permettent les nécessités du service;

b) le quarts [sic] d’un employé ne commence pas dans les quinze (15) heures qui suivent le quart précédent;

et

c) les employés ne soient pas tenus de travailler moins de sept (7) heures, ni plus de neuf (9) heures, durant n’importe quel quart.

[…]

8.14

a) Afin de favoriser la prise en considération des désirs des employés, l’Employeur doit établir un horaire provisoire de travail par quarts et l’afficher au moins deux (2) mois à l’avance.

b) Les horaires de travail par quarts provisoires et définitifs doivent indiquer les heures de travail de chaque quart. L’horaire de travail par quarts définitif doit être publié au moins trois (3) semaines avant le commencement dudit horaire et l’Employeur tâche dans la mesure du possible d’assurer que les jours de repos prévus à l’horaire ne sont pas modifiés […]

[…]

8.19 L’employé qui accomplit un quart de travail normalement prévu à l’horaire touche une prime de quart de deux dollars (2 $) l’heure pour toutes les heures (y compris les heures supplémentaires) effectuées entre 16 h 00 et 8 h 00.

 

[8] L’article 8 de la convention du groupe NR est identique à celui de la convention du groupe SP, à l’exception du paragraphe 8.09, qui prévoit au moins deux (2) jours de repos consécutifs et accolés au cours d’une période de huit (8) jours civils, sauf dans les cas où les nécessités du service ne le permettent pas.

[9] Un « jour de repos » est défini dans les conventions des groupes SP et NR comme « […] un jour autre qu’un jour férié désigné payé où un employé n’est pas habituellement obligé d’exécuter les fonctions de son poste pour une raison autre que celle d’être en congé […] ».

[10] La disposition relative aux heures supplémentaires dans la convention du groupe SP s’applique à la fois aux employés travaillant selon un régime de travail normal et aux employés travaillant par postes. Elle est rédigée comme suit :

[…]

9.01 Lorsqu’un employé est tenu par l’Employeur d’effectuer des heures supplémentaires, il est rémunéré de la façon suivante :

a) un jour de travail normal, à tarif et demi (1 1/2) pour les sept virgule cinq (7,5) premières heures supplémentaires et à tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles consécutives en excédent des sept virgule cinq (7,5) premières heures;

b) le premier (1er) jour de repos, à tarif et demi (1 1/2) pour les sept virgule cinq (7,5) premières heures supplémentaires et à tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles consécutives en excédent des sept virgule cinq (7,5) premières heures;

c) le deuxième jour (2e) de repos ou jour de repos subséquent,

(i) à tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire effectuée. L’expression « deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos subséquent » désigne le deuxième (2e) jour ou un jour de repos subséquent dans une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés.

(ii) nonobstant l’alinéa b) et le sous-alinéa c)(i) ci-dessus, si, au cours d’une série ininterrompue de jours civils de repos consécutifs et accolés, l’Employeur autorise l’employé à effectuer les heures supplémentaires requises un jour de repos demandé par ledit employé, celui-ci est rémunéré à tarif et demi (1 1/2) pour le premier (1er) jour de travail.

[…]

 

[11] La convention du groupe NR contient un libellé identique.

[12] Les fonctionnaires demandent ce qui suit :

· une déclaration selon laquelle l’employeur a enfreint les conventions des groupes SP et NR en ne payant pas les heures supplémentaires des fonctionnaires pour le travail effectué les jours de repos;

· une ordonnance enjoignant à l’employeur de payer les fonctionnaires pour le travail effectué les samedis et dimanches aux taux applicables aux heures supplémentaires.

 

[13] Subsidiairement, les fonctionnaires demandent la réparation suivante :

· une déclaration selon laquelle l’employeur a enfreint les conventions des groupes SP et NR en établissant des horaires de travail qui contreviennent aux dispositions de la convention collective et en omettant de payer aux fonctionnaires des heures supplémentaires pour le travail effectué pendant leurs jours de repos;

· une ordonnance enjoignant à l’employeur de payer les fonctionnaires visés par la convention SP au taux des heures supplémentaires approprié pour tout travail effectué en excédent de six jours au cours d’une période de huit jours;

· une ordonnance enjoignant à l’employeur de payer le fonctionnaire visé par la convention du groupe NR au taux des heures supplémentaires approprié pour le travail effectué lorsqu’il a travaillé plus de cinq jours d’affilée.

 

III. Résumé de la preuve

[14] Les parties ont préparé un énoncé conjoint des faits et un recueil conjoint de documents. En outre, elles ont chacune fourni des faits et des documents supplémentaires à l’appui de leurs arguments. J’ai résumé les faits et documents pertinents dans cette section.

[15] Le travail du CCLM est résumé comme suit dans l’énoncé conjoint des faits :

[Traduction]

[…]

6. Les lamproies de mer sont des poissons envahissants primitifs originaires de l’océan Atlantique. Les lamproies sont des animaux parasites qui se fixent à d’autres poissons et se nourrissent de leur sang et de leurs liquides organiques. Elles sont passées de l’océan Atlantique aux Grands Lacs en raison de la construction des canaux de navigation. Elles ont été observées pour la première fois dans le lac Ontario au cours des années 1830. Cependant, les chutes du Niagara ont agi comme une barrière naturelle les empêchant de pénétrer dans d’autres Grands Lacs. En 1919, le canal Welland a été approfondi, ce qui a permis aux lamproies de mer d’avoir accès au reste des Grands Lacs.

7. Dans les années 1940 et 1950, les populations incontrôlées de lamproies de mer dans les Grands Lacs ont dévasté son industrie de la pêche commerciale. Cette situation a amené les gouvernements des États-Unis et du Canada à prendre des mesures de contrôle dans l’ensemble des Grands Lacs.

8. Le Centre de contrôle de la lamproie de mer (« CCLM ») a été créé en 1966. Il s’agit du siège social du programme de contrôle de la population des lamproies de mer au Canada. Le contrôle de la lamproie de mer se fait principalement par l’utilisation de lampricides, mais aussi par des barrières et des pièges.

[…]

 

[16] Les fonctionnaires occupaient des postes différents au sein du CCLM au moment du dépôt des griefs. L’énoncé conjoint des faits présente leurs fonctions générales comme suit :

· M. Bravener occupait un poste de biologiste en sciences aquatiques au groupe et au niveau BI-03. Il supervisait le projet d’évaluation des adultes, qui consiste à évaluer la population de lamproies de mer adultes à l’aide de pièges. Il était responsable de la supervision d’une équipe composée de deux techniciens EG-04 à temps plein et d’étudiants employés pendant l’été, et il supervisait les entrepreneurs chargés de la pose de pièges engagés par le ministère dans tout l’Ontario.

· M. Neave était biologiste en sciences aquatiques au groupe et au niveau BI-03 et supervisait une équipe composée de deux techniciens EG-04, de deux techniciens EG-03 et de deux ou trois étudiants employés pendant l’été.

· M. Paudel était coordonnateur de l’ingénierie des barrières au groupe et au niveau ENG-04 et supervisait un employé EG-04.

· M. Rowlinson occupait un poste de biologiste en sciences aquatiques au groupe et au niveau BI-02 et était membre de l’une des équipes de traitement. Il aidait à la supervision fonctionnelle des techniciens classifiés EG-04 et EG-03 et des étudiants employés pendant l’été.

· M. Scotland occupait un poste de biologiste en sciences aquatiques au groupe et au niveau BI-02 et était membre d’une des équipes de traitement. Il aidait à la supervision fonctionnelle des techniciens classifiés EG-04 et EG-03 et des étudiants employés l’été.

· Mme VanKempen était biologiste en sciences aquatiques au groupe et au niveau BI-02 et supervisait une équipe composée d’un technicien classifié EG-04 et d’un étudiant employé l’été.

 

[17] Dans son argumentation, l’employeur déclare que ces fonctionnaires supervisent différentes équipes et sont responsables de l’établissement des horaires de travail sur le terrain, de l’attribution des tâches quotidiennes et de la gestion des activités de leurs équipes respectives pendant la saison des travaux sur le terrain.

[18] Pendant les mois d’hiver, l’horaire des fonctionnaires est de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi, avec des fins de semaine de congé. Pendant ces mois, l’employeur les considère comme des employés travaillant selon un régime de travail normal. Pendant la saison des travaux sur le terrain, généralement entre le 1er avril et le 31 octobre, la nature du travail des fonctionnaires les oblige à voyager pendant de longues périodes. La lettre d’offre de M. Bravener énonçait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…]

[…] sont des conditions d’emploi que vous êtes censé continuer à respecter tout au long de votre emploi. En acceptant cette offre, vous vous engagez à respecter ces conditions.

[…]

 

[19] Les lettres d’offre de M. Rowlinson, de M. Scotland et de Mme VanKempen contiennent des références similaires au [traduction] « travail par quart fréquent ». Celles de M. Neave et de M. Paudel ne contiennent aucune référence au travail par quart.

[20] Dans son argumentation, l’employeur expose le processus suivant pour établir les horaires de travail sur le terrain. Les fonctionnaires n’ont pas contesté cette description :

[Traduction]

[…]

29. Avant chaque saison de travail sur le terrain, les superviseurs de terrain (8 biologistes, 1 ingénieur) des sept unités opérationnelles élaborent des programmes de travail sur le terrain pour leurs unités respectives qui identifient les périodes de travail (dates de début et de fin), les jours de repos et les jours fériés.

30. Les horaires provisoires sont établis à l’avance et présentés pour examen aux représentants de la direction et des employés lors des réunions du Comité consultatif syndical-patronal local de mars. Ils sont également affichés sur le lecteur I: du CCLM pour consultation par les employés. Les représentants de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) demandent à leurs membres d’examiner les horaires et de faire part de leurs commentaires ou de leurs préoccupations […]

31. Toute préoccupation est acceptée et approuvée par l’employeur et l’employé. Toute révision subséquente, rendue nécessaire par des circonstances indépendantes de la volonté des employeurs ou des employés, est publiée sur le lecteur I: pour examen et commentaires.

32. Les changements d’horaire ne sont pas effectués de manière arbitraire ou négligente. Les superviseurs, y compris les fonctionnaires dont il est question, établissent les horaires avec un soin méticuleux. Par exemple, les superviseurs du traitement font preuve d’une grande réflexion, en s’appuyant sur leur expertise et leur connaissance de l’ensemble des cours d’eau figurant sur la liste de traitement. Leur objectif est de s’assurer que tous les cours d’eau proposés pour le traitement sont traités efficacement, tout en restant prudent sur le plan financier.

33. Tous les changements sont basés sur des contraintes opérationnelles légitimes. La direction s’efforce de donner un préavis aussi long que possible, mais la réalité est que, sur le terrain, les changements d’horaire sont dus à des changements météorologiques imprévisibles, tels que les changements de débit d’eau, la présence d’espèces sensibles, les préoccupations des propriétaires fonciers ou des Premières Nations, qui sont tous des contraintes opérationnelles véritables.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[21] Le 25 février 2011, Mme Michelle Wheatley, directrice régionale des sciences pour la région du Centre et de l’Arctique du MPO, a envoyé le courriel suivant à tous les employés du MPO travaillant au CCLM et visés par les conventions des groupes SP et NR. Le courriel portait sur leur statut d’emploi pendant la saison des travaux sur le terrain :

[Traduction]

Pour la prochaine saison des travaux sur le terrain et les suivantes (généralement du 1er avril au 31 octobre, mais à confirmer annuellement), le MPO mettra en œuvre une clarification pour les employés travaillant au Centre de contrôle de la lamproie de mer à Sault Ste. Marie, comme il est indiqué ci-dessous.

Les employé-e-s du CCLM qui travaillent pendant la saison des travaux sur le terrain ont des horaires de travail qui ressemblent aux horaires de travail par quarts, puisqu’ils sont de nature variable et rotative. Afin de mieux tenir compte de cette réalité opérationnelle, les employé-e-s du CCLM seront dorénavant considérés comme des employés travaillant par postes pendant la saison des travaux sur le terrain. Les employés travaillant par postes ont droit à une prime de quart et une prime de fin de semaine, conformément aux paragraphes 8.19 et 8.20 de la convention collective. Les employés travaillant par postes n’ont pas droit à une rémunération des heures supplémentaires pour leurs heures normales de travail effectuées les samedis et/ou les dimanches si ces jours sont considérés comme des jours de travail dans le cadre de leur horaire de travail normal.

L’IPFPC a été informé de l’intention de la direction de prendre cette mesure afin d’assurer une mise en œuvre cohérente et appropriée des horaires de travail des employés du CCLM pendant la saison des travaux sur le terrain.

[…]

 

IV. Résumé de l’argumentation

[22] J’ai examiné les arguments des parties et j’en ai présenté une version condensée dans cette section.

A. Pour les fonctionnaires

[23] La question de savoir si les fonctionnaires sont des employés travaillant par postes ou selon un régime de travail normal est une question de fait. Ils sont d’avis que les faits en l’espèce ne corroborent pas la position de l’employeur selon laquelle ils sont des employés travaillant par postes.

[24] L’interprétation de la convention collective exige que la convention soit lue dans son ensemble. Par conséquent, pour déterminer si un employé est vraiment un employé travaillant par postes, plutôt qu’un employé travaillant selon un régime de travail normal, il est important de comparer l’horaire de travail des employés à la lumière des dispositions applicables de la convention collective.

[25] Les conventions des groupes SP et NR tiennent compte des employés qui travaillent selon un régime de travail normal et des employés qui travaillent par postes. Bien qu’il n’y ait pas de définition du terme « quart », le paragraphe 8.12 des deux conventions traite de l’établissement des quarts de travail. Il prévoit que le roulement des employés dans les différents quarts doit se faire de telle sorte que l’obligation d’effectuer des quarts de nuit, du soir et de fin de semaine soit partagée équitablement entre les employés assujettis à l’horaire de travail par quart.

[26] De plus, le paragraphe 8.12 prévoit que les quarts de travail ne doivent pas être inférieurs à sept (7) heures, ni supérieurs à neuf (9) heures. Bien que le mot « quart » ne soit défini dans aucune des deux conventions collectives, il est clair que les parties avaient l’intention que les dispositions relatives au travail par quart s’appliquent aux employés qui travaillent par roulement.

[27] Cette interprétation de « travail par quart » est appuyée par Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, aux par. 63 et 64. À l’instar de la convention collective en cause dans cette décision, les conventions des groupes SP et NR envisagent l’existence de plus d’une période de travail au cours d’un cycle de 24 heures, puisqu’elles prévoient une prime pour les quarts de travail effectués entre 16 h et 8 h.

[28] Le travail effectué par les fonctionnaires pendant la saison des travaux sur le terrain, même pendant les excursions, n’a pas à être effectué sur des périodes qui nécessitent que le cycle de 24 heures soit comblé par deux (2) employés ou plus. Rien dans les horaires des fonctionnaires ne ressemble à du « travail par quart » tel qu’il est défini dans les conventions collectives pertinentes. Aucun des fonctionnaires ne travaille le soir ou la nuit par roulement. Personne ne les relève de leurs quarts de travail après 7,5 heures de travail.

[29] De plus, l’employeur n’a pas respecté les autres dispositions des conventions des groupes SP et NR relatives au travail par quart. Plus précisément, il n’a pas prévu d’horaires de travail par quart conformément au paragraphe 8.07 des deux conventions, car il n’a pas établi une répartition des quarts de travail sur une période donnée ne dépassant pas deux (2) mois consécutifs. Au lieu de cela, les horaires de travail par quart ont été établis pour l’ensemble des sept mois de la période de travail sur le terrain.

[30] L’employeur n’a pas non plus accordé aux fonctionnaires au moins deux jours de repos consécutifs et accolés au cours de chaque période de huit jours civils comme l’exige le paragraphe 8.12 de la convention du groupe SP, et il n’a pas accordé au moins deux jours de repos consécutifs et accolés au cours de chaque période de sept jours civils, comme l’exige le paragraphe 8.12 de la convention du groupe NR.

[31] L’employeur a également omis d’établir les horaires de travail par quarts provisoires et définitifs indiquant les heures de travail de chaque quart, comme l’exige l’alinéa 8.14b) de la convention du groupe RN. Les horaires établis n’indiquaient pas les heures de début et de fin des quarts de travail effectués. De plus, l’employeur n’a pas publié l’horaire de travail par quarts définitif au moins trois semaines avant le commencement dudit horaire, comme l’exige l’alinéa 8.14b) des deux conventions. Ainsi, même par ses actes, l’employeur n’a pas traité les fonctionnaires comme des employés travaillant par postes.

[32] De plus, tous les fonctionnaires qui ont été embauchés avant le changement de statut n’ont pas été embauchés en tant qu’employés travaillant par postes, mais plutôt en tant qu’employés travaillant selon un régime de travail normal. La preuve n’appuie pas la position du MPO selon laquelle les fonctionnaires sont des employés travaillant par postes pendant la saison de travail sur le terrain. La preuve montre plutôt qu’il s’agit d’employés travaillant selon un régime de travail normal à qui leur employeur a demandé de travailler les fins de semaine en raison de la nécessité d’accomplir davantage de travail pendant certaines périodes de la saison des travaux sur le terrain.

[33] Il n’est pas approprié d’utiliser les droits de la direction pour modifier le statut d’emploi des employés tout au long de l’année, afin de contourner les droits que leur confère la convention collective.

[34] À titre subsidiaire, si l’employeur pouvait considérer les fonctionnaires comme des employés travaillant par postes pour la saison des travaux sur le terrain, il a alors enfreint les conventions collectives applicables en omettant de leur accorder des jours de repos ou de leur payer des heures supplémentaires pour le travail effectué ces jours-là, comme l’exige la convention collective.

[35] L’employeur a tenté de modifier l’horaire normal des fonctionnaires en leur imposant jusqu’à 19 jours de travail sans jour de repos. Un certain nombre de décisions ont conclu qu’un employeur ne peut pas simplement établir un horaire pour ses employés et ignorer leurs heures normales de travail telles que définies dans la convention collective pertinente; voir Printing Specialties and Paper Products Union, Local 466 v. Interchem Canada Ltd. (1969), 21 L.A.C. 46, St. Clair Chemical Ltd. v. Oil, Chemical and Atomic Workers, Local 9-14, [1973] O.L.A.A. No 164 (QL), Ottawa Citizen v. Ottawa Newspaper Guild, Local 205 (1978), 17 L.A.C. (2d) 342, et Babb c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2000 CRTFP 54.

[36] Dans Babb, la convention collective prévoyait qu’un employé ne « doit pas » être appelé à travailler plus de 52,5 heures sans bénéficier d’au moins deux jours de repos consécutifs. Cependant, l’employeur avait mis en place un horaire de travail par quarts de 7 jours de travail avec 3 jours de repos, puis de 7 jours de travail avec 4 jours de repos. L’arbitre de griefs a conclu que la disposition de la convention collective était « claire et obligatoire ». Pour déroger à l’exigence énoncée dans la convention collective, un libellé précis dans cette convention était requis.

[37] Le principe sous-jacent à la disposition relative aux heures supplémentaires dans la convention collective vise à dissuader l’employeur de faire travailler les employés pendant leurs jours de repos et à permettre aux employés de profiter au moins de certains de ces jours. Pour ce faire, l’employeur est pénalisé par le paiement de primes lorsqu’il demande aux employés de travailler pendant leurs jours de repos. Par conséquent, si les employés sont tenus de travailler pendant leurs jours de repos, ils doivent être rémunérés conformément aux dispositions relatives aux heures supplémentaires de la convention collective applicable.

[38] Contrairement aux fonctionnaires dans Keen c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2019 CRTESPF 81, ceux de la présente affaire sont assujettis au même libellé de la convention collective. Si l’employeur voulait que les employés visés par les conventions des groupes SP et NR soient régis par les dispositions énoncées à l’appendice « I » de la convention collective du groupe Soutien technologique et scientifique, il aurait dû négocier de telles dispositions pendant la négociation collective.

B. Pour l’employeur

[39] L’employeur a soutenu que les employés du CCLM ne sont pas visés par la définition d’employés travaillant « selon un régime de travail normal » telle que définie dans les conventions collectives applicables, étant donné que les opérations sur le terrain sont de nature variable et rotative. La direction du ministère a consulté la direction des relations de travail du ministère et le Secrétariat du Conseil du Trésor et a été informée que les employés du CCLM ne peuvent pas bénéficier des dispositions relatives à la rémunération des employés travaillant « selon un régime de travail normal » (travailleurs de jour) et des employés travaillant « par postes ». En bref, ils n’ont pas pu recevoir la rémunération des heures supplémentaires pour leurs heures travaillées la fin de semaine ni la prime de quart et la prime de fin de semaine.

[40] L’employeur m’a renvoyé à Keen pour une description des défis posés par l’établissement des horaires pendant la saison des travaux sur le terrain (aux paragraphes 7 à 9), comme suit :

[7] Les facteurs qui influencent le déploiement de l’équipe comprennent les conditions météorologiques (surtout la température puisque l’antilamproies est moins efficace à des températures de moins de 5 degrés Celsius), la facilité daccès aux sites de traitement, l’intensité du courant et la distance géographique de Sault Ste. Marie (soit l’administration centrale de ces activités). Il faut habituellement deux jours de déplacement (sens unique) pour se rendre aux sites sur le terrain les plus éloignés, situés dans le nord de l’État de New York.

[8] Il est évident qu’autant qu’on souhaite établir un horaire précis et complet visant toute la saison de travail sur le terrain, les conditions peuvent changer en un clin d’œil et une souplesse est nécessaire. Un horaire provisoire est établi à la fin de février ou au début du mois de mars aux fins d’examen par la direction et les employés. Les préoccupations sont habituellement mineures et les changements nécessaires sont examinés, consentis par les deux parties et mis en œuvre avant que le plan final ne soit présenté au mois de mars.

[9] En ce qui concerne les équipes, l’horaire d’hiver du lundi au vendredi de 9 h à 17 h est chamboulé lorsque les travaux sur le terrain commencent en avril. Jusqu’à 19 ou 20 jours de travail consécutifs sont prévus afin de permettre les déplacements, la mise sur pied, la construction ou l’entretien et peutêtre le traitement et le contrôle. Cette période est suivie dune période de jusqu’à 8 à 10 jours de repos, selon les circonstances. La durée de ces périodes varie fréquemment en raison de conditions météorologiques imprévisibles. Les périodes sont souvent prolongées, par exemple, afin d’achever une session de travail dans un endroit éloigné afin d’éviter d’avoir à y retourner plus tard. La souplesse constitue une caractéristique importante du travail sur le terrain.

 

[41] Pendant la saison des travaux sur le terrain, les quarts de travail des fonctionnaires sont variables et rotatifs. Il y a au moins deux quarts de travail qui ne peuvent pas être couverts par un seul employé. En outre, les fonctionnaires doivent quitter leur zone d’affectation et rester sur le site pendant toute la durée de la saison des travaux sur le terrain. Par conséquent, leurs horaires de travail ne correspondent pas à la définition des employés travaillant « selon un régime de travail normal » telle qu’elle est énoncée au paragraphe 8.02 de chaque convention collective.

[42] La compétence de la Commission est assujettie à l’art. 229 de la Loi. Cet article prévoit que la décision de la Commission « […] ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective […] ». La compétence de la Commission se limite à l’interprétation et à l’application de la convention collective.

[43] Le droit d’affecter le travail et la décision de désigner des employés comme employés travaillant par postes relèvent entièrement des droits de gestion de l’employeur. Il n’a pas besoin de consulter ou de conclure un accord pour le faire; voir Hodgson c. Canada (Procureur général), 2006 CF 428.

[44] La décision de l’employeur de désigner les fonctionnaires comme des « employés travaillant par postes » en 2011 n’était pas arbitraire. Il a soigneusement examiné et mené une analyse approfondie du type de travail, des enjeux et de l’application de plusieurs conventions collectives.

[45] Les principes d’interprétation des conventions collectives exigent que les libellés soient interprétés dans leur contexte intégral, selon leur sens clair et ordinaire, en conformité avec l’économie et l’objet de la convention et avec l’intention des parties; voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e éd., au paragraphe 4:2110.

[46] Les dispositions des deux conventions collectives font référence au « régime de travail normal » comme comprenant essentiellement une semaine de 37,5 heures et une journée normale de travail de 7,5 heures. Les jours obligatoires sont du lundi au vendredi, le samedi et le dimanche étant des jours de repos. Les paragraphes 8.07 à 8.20 établissent le cadre du « travail par quart ». Bien qu’il n’y ait pas de définition du « travail par quart », le cadre se trouve au paragraphe 8.12. En outre, il est assujetti à des exigences opérationnelles légitimes. Un examen ciblé du cadre révèle l’intention délibérée des parties de fournir un mécanisme de travail qui soit équitable pour les deux parties, pratique et adaptable à différents paradigmes de travail.

[47] Par ailleurs, toute ambiguïté concernant le paradigme du travail par quart ou son application spécifique aux employés du CCLM constitue désormais un point théorique. La clarification apportée dans Chafe a été récemment confirmée dans Keen, dans laquelle le commissaire, considérant le même lieu de travail (aux paragraphes 65 à 69), a décidé ce qui suit :

[65] D’environ novembre à environ avril chaque année, selon la définition de quiconque, les fonctionnaires étaient des travailleurs de jours et non des travailleurs par poste. Ils menaient une vie de 9 h à 17 h avec les fins de semaine de congé. Le but de leur travail pendant les mois hivernaux était d’élaborer un plan de lutte contre les lamproies marines néfastes et omniprésentes pendant la saison de travail sur le terrain. Tout le monde des deux côtés de la table, soit la direction et les employés, est au courant de l’importance d’un horaire souple sur le terrain à la réalisation efficace de cette tâche importante. L’appendice I constitue un outil essentiel et un qui est mutuellement acceptable par la direction et les employés dans la planification et la mise en œuvre efficaces d’un programme de contrôle des lamproies marines.

[66] En ce qui concerne les travailleurs de jour, le samedi et le dimanche constituent des jours de repos normaux. Si un travailleur de jour doit travailler un samedi ou un dimanche, la convention collective décrit explicitement la façon dont les heures supplémentaires sont rémunérées.

[67] Les travailleurs par poste ne sont pas des travailleurs de jour. À cet égard, l’avocate de l’employeur a invoqué la décision dans Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112. Une définition utile de « travail par poste » figure comme suit au paragraphe 61 :

[61] […] le Canadian Oxford Dictionary (Toronto, 1998) définit le « travail par postes » comme étant du [traduction] « travail effectué dans des périodes souvent variables indépendantes d’une journée de travail normale, habituellement le soir (fatigué après un mois de travail par postes). » Le site Web de Sloan Work and Family Research Network du Boston College fournit les définitions suivantes du « travail par postes » :

[Traduction]

Le travail par postes renvoie à un horaire de travail dans lequel les employés travaillent à des heures autres que les heures normales de 8 h à 17 h ou à un horaire autre que la semaine de travail normale, du lundi au vendredi, aux ÉtatsUnis (Grosswald, 2004, p. 414).

En général, le terme « travail par postes » est assez vague et comprend toute organisation des heures de travail qui diffère de la période de travail diurne traditionnelle; il est parfois synonyme d’heures de travail irrégulières ou atypiques (Costa, 2003, p. 264).

[…] la plupart des études sur le travail par postes classent le travailleur par postes comme étant toute personne qui travaille endehors des heures normales de jour (c.àd. entre environ 7 h et 18 h, du lundi au vendredi). Selon ces définitions, les travailleurs par postes comprennent toutes les personnes qui travaillent des postes de soir ou de nuit, des postes par roulement, des postes fractionnés ou des horaires irréguliers ou sur appel, que ce soit la semaine ou la fin de semaine (Institut de recherche sur le travail et la santé, n.d.).

Le travail par postes est défini comme du travail endehors des heures de jour, du lundi au vendredi. Ceci comprend le travail la fin de semaine et les tâches commençant beaucoup avant 7 h et se terminant après 19 h ou plus tard (Wallace, n.d.).

La journée de travail normale se déroule dans une fenêtre de 8 h à 17 h. Nous considérons les travailleurs par postes comme des personnes qui travaillent à des heures atypiques. » (Root, 2004).

[68] Les définitions cidessus sappliquent exactement aux fonctionnaires pendant la saison de travail sur le terrain lorsquils exécutent un travail sur le terrain à lextérieur de ladministration centrale à Sault Ste. Marie. Je trouve que je suis tout à fait d’accord avec Mme Wheatley quant à ce qu’elle déclare dans son courriel du 16 février 2011, soit :

[Traduction]

Les employés du BLLM [bureau de lutte contre la lamproie marine] qui travaillent pendant la saison de travail sur le terrain ont des horaires de travail qui ressemblent aux horaires de travail par poste, puisqu’ils sont de nature variable et rotative. Afin de mieux tenir compte de cette réalité opérationnelle, les employés du BLLM visés par l’appendice I seront dorénavant considérés comme des travailleurs qui travaillent par poste pendant la saison de travail sur le terrain […]

[69] En ce qui concerne les travailleurs par poste qui travaillent jusqu’à 18, 19 ou 20 jours consécutifs (ou peutêtre même plus), ces jours de travail consécutifs sont suivis par un certain nombre de jours de repos consécutifs. Il est logique et évident de déclarer qu’en ce qui concerne les travailleurs par poste, les samedis et les dimanches ne constituent plus des jours de repos normaux. Ils sont parfois des jours de repos, selon l’horaire de travail sur le terrain, mais souvent ils ne le sont pas, ils sont des jours de travail.

 

[48] Le courriel envoyé par Mme Wheatley et mentionné dans Keen a été envoyé aux fonctionnaires le même jour, mais sans la référence à l’appendice I.

[49] À une époque de prudence financière, l’employeur devait trouver un équilibre entre des priorités concurrentes afin de se conformer à l’interprétation correcte des conventions collectives, tout en demeurant responsable sur le plan financier avec les fonds publics des contribuables et transparent avec l’agent négociateur.

[50] Les décisions invoquées par les fonctionnaires sont spécifiques aux faits et aucune ne traite des réalités opérationnelles qui rendent le travail au CCLM important et distinct. Dans Babb, il a été noté qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que les exigences opérationnelles nécessitaient l’établissement d’un horaire de sept jours consécutifs pour les employés. Keen a maintenant confirmé qu’il s’agissait d’une application incorrecte de la convention collective et a déterminé à juste titre pourquoi cela n’était pas un problème, jusqu’à présent. Aux paragraphes 63 et 64, la Commission indique ceci :

[63] Je ne suis pas non plus surpris que les mécanismes qui ont enfin été mis en œuvre (pour être clair, les mécanismes pour rémunérer les heures supplémentaires pour les samedis et les dimanches) n’aient pas été insérés dans la convention collective selon un libellé explicite parce qu’il semble un peu inventé; une approche spéciale à une iniquité perçue dans le milieu de travail. Une approche qui a bien fonctionné jusqu’à ce que le Conseil du Trésor en ait pris connaissance.

[64] Il en est ainsi parce que l’approche n’est pas conforme au libellé clair de la convention collective (appendice I). On ne peut être à la fois un travailleur de jour et un travailleur par poste.

 

[51] Au cours de la dernière décennie, les concessions locales ont opté pour les avantages plus lucratifs des heures supplémentaires en tant qu’employés travaillant « selon un régime de travail normal » plutôt que pour les primes moins importantes (primes de quart et de fin de semaine) liées au statut d’employé travaillant « par postes ».

[52] Les employés sont payés conformément à la convention collective. La véritable question en l’espèce est que les fonctionnaires ne sont pas d’accord avec la décision de l’employeur. À titre subsidiaire, ils veulent avoir le droit de se prévaloir des dispositions relatives à la rémunération des heures supplémentaires, plus lucratives, pendant les fins de semaine, tout en conservant leur statut d’employés travaillant « selon un horaire de travail normal » pendant la saison des travaux sur le terrain.

[53] La décision de la Commission dans Keen devrait être le point de départ et le point d’arrivée. Le commissaire a rendu ses motifs, au moyen de preuves évaluées, sur exactement la même question. La seule différence est que cette affaire concernait un agent négociateur différent, soit l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

[54] La décision de l’employeur était conforme à son droit de répartir le travail et de désigner ses employés comme travaillant par postes. Contrairement au passé, les fonctionnaires n’ont pas le droit d’être à la fois des employés travaillant « selon un régime de travail normal » et des employés travaillant « par postes ». Bien qu’ils notent qu’ils n’ont pas d’appendice I, cela ne leur donne pas un « droit de passage » pour bénéficier des deux dispositions relatives à la rémunération ni de leur préférence pour obtenir la disposition relative à la rémunération la plus lucrative.

[55] Il est compréhensible que les fonctionnaires aient invoqué de façon sélective des périodes isolées à l’appui de leur prétention selon laquelle ils sont restés des employés travaillant « selon un régime de travail normal » pendant la saison des travaux sur le terrain. Il s’agissait d’une pratique de longue date, sur laquelle ils en étaient venus à s’appuyer et dont ils tiraient profit. Toutefois, ils sont tenus de respecter la décision de l’employeur, qui était fondée sur une analyse judicieuse et rationnelle tenant compte, en plus des exigences opérationnelles, du respect des principes d’équité et de transparence, de prudence financière et des politiques connexes du Conseil du Trésor.

[56] Les dispositions relatives aux quarts de travail dans les deux conventions collectives servent de « cadre » sain qui, même si elles sont modifiées, sont justifiées en raison des exigences opérationnelles légitimes et uniques du CCLM. Le processus de préparation et d’établissement des horaires commence bien avant la saison des travaux sur le terrain. Il s’agit d’un effort de collaboration et il est élaboré sur consentement, tant du syndicat que de la direction. Le « cadre » du travail par quart est indéfini, à juste titre. Il n’existe pas de « régime universel » pour les activités qui se déroulent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le cadre prévoit des critères pour protéger les employés et l’employeur en autorisant des modifications sous réserve des nécessités du service. Il aborde correctement les opérations uniques du CCLM, lui permettant ainsi de protéger tout le monde contre la menaçante lamproie de mer et d’honorer les engagements internationaux du Canada.

C. Réponse des fonctionnaires

[57] La question dont la Commission est saisie en l’espèce n’est pas de savoir si l’employeur peut désigner des employés comme des employés travaillant par postes (comme le suggère l’employeur), mais plutôt de savoir si les fonctionnaires sont des employés travaillant par postes à la lumière des dispositions sur le travail par quart des conventions des groupes SP et NR. En outre, au-delà de la question de savoir s’il s’agit d’employés travaillant selon un régime de travail normal ou d’employés travaillant par postes, il y a la question de la violation des conventions collectives en ne leur payant pas d’heures supplémentaires pour le travail effectué pendant ce qui aurait dû être leur premier ou deuxième jour de repos. Cette question faisait partie de la procédure de règlement des griefs et est traitée dans la réponse de l’employeur au dernier palier.

[58] Que les fonctionnaires soient ou non des employés travaillant par postes, ils ont droit à deux jours de repos au cours d’une période de sept ou de huit jours. S’ils travaillent les jours de repos, ils ont droit à une rémunération conformément aux dispositions relatives aux heures supplémentaires des conventions collectives applicables. L’employeur ne les a pas rémunérés de manière appropriée pour le travail effectué pendant ce qui aurait dû être leurs premiers et deuxièmes jours de repos. Il s’agit de la question centrale des présents griefs.

[59] L’employeur a invoqué Keen comme étant déterminante pour les présents griefs. L’application de l’appendice I de la convention collective de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) est au centre de cette décision. Le libellé de l’appendice I est entièrement et substantiellement différent du libellé des conventions des groupes SP et NR (même en ce qui concerne le travail par quart). Tout au long de la procédure de règlement des griefs et de son argumentation devant la Commission, l’employeur a continué d’importer l’appendice I dans les conventions des groupes SP et NR. Par exemple, il fait référence au concept de [traduction] « […] jours de repos accumulés pendant leur période sur le terrain », qui n’existe pas dans les conventions des groupes SP et NR, mais qui est dérivé de l’appendice I.

[60] Si les fonctionnaires sont des employés travaillant selon un régime de travail normal, alors, en vertu du paragraphe 8.04, ils doivent bénéficier de deux jours de repos consécutifs et accolés au cours d’une période de sept jours. S’ils sont des employés travaillant par postes, ils bénéficient, en vertu du paragraphe 8.09, de deux jours de repos consécutifs et accolés au cours d’une période de sept jours (selon la convention du groupe NR) ou de huit jours (selon la convention du groupe SP). Si l’employeur ne peut pas accorder de jours de repos conformément aux conventions collectives en raison des nécessités du service, les employés doivent être rémunérés au taux des heures supplémentaires applicable pendant ce qui aurait normalement dû être des jours de repos.

[61] Tout au long de son argumentation, l’employeur présente des arguments de nature politique pour justifier la modification du cadre du travail par quart énoncé dans les conventions collectives des groupes SP et NR. Il soutient que la nature du travail effectué par les employés du CCLM, la nécessité d’être responsable sur le plan financier, l’équité et la transparence ont justifié ses actes. Cependant, l’art. 229 de la Loi précise que « [l]a décision de l’arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective […] ». L’arbitrage de griefs n’est pas le forum où l’on peut ajouter ou supprimer des mots d’une convention collective.

[62] Bien que les fonctionnaires effectuent le travail exigé par leur employeur, ils ne sont pas d’accord d’être rémunérés pour le travail effectué les jours de repos d’une manière qui n’est pas prévue dans leurs conventions collectives. C’est l’essence même des griefs.

V. Motifs

[63] Pour les motifs exposés dans la présente section, les griefs sont accueillis.

A. Questions en litige

[64] La question préliminaire dans les présents griefs est de savoir si les fonctionnaires sont des employés travaillant par postes ou des employés travaillant selon un régime de travail normal en vertu de l’article sur la durée du travail (article 8) des conventions des groupes SP et NR. S’ils sont des employés travaillant selon un régime de travail normal, alors les griefs doivent être accueillis. S’ils sont des employés travaillant par postes, la question est de savoir si l’employeur a respecté les dispositions des conventions collectives relatives aux employés travaillant par postes.

[65] Je conclus que les fonctionnaires sont des employés travaillant selon un régime de travail normal, pour les motifs exposés dans la présente section.

1. Les fonctionnaires sont-ils des employés travaillant « selon un régime de travail normal » ou des employés travaillant « par postes » au sens de l’article 8?

[66] Les fonctionnaires ne contestent pas le droit de l’employeur de leur imposer un horaire de travail différent pendant la saison des travaux sur le terrain. La saison des travaux sur le terrain est en place depuis des décennies, et il n’est pas contesté que les travaux ne peuvent pas être effectués selon un horaire de 9 h à 17 h du lundi au vendredi. La question soulevée dans les présents griefs est plus restreinte : les fonctionnaires sont-ils visés par les dispositions relatives aux employés travaillant « selon un régime de travail normal » ou par les dispositions relatives aux employés travaillant « par postes » des conventions des groupes SP et NR? Dans certaines décisions de la Commission (y compris Keen), les employés travaillant « selon un régime de travail normal » sont appelés travailleurs « de jour ». J’utiliserai ce terme dans les présents motifs.

[67] L’employeur a fait valoir que la décision rendue dans Keen a réglé toute question relative au fait que les fonctionnaires sont des employés travaillant par postes ou a rendu cette question « théorique ». Keen a interprété un libellé de la convention collective différent de celui qui s’applique aux présents griefs. L’appendice I de la convention conclue entre l’AFPC et le Conseil du Trésor pour le groupe Services techniques (TC) (qui a expiré le 21 juin 2011) est rédigé en partie comme suit :

[…]

Nonobstant les dispositions de l’article 25, Durée du travail, et de l’article 28, Heures supplémentaires, les dispositions suivantes s’appliquent aux employé-e-s du Bureau de lutte contre la lamproie marine du ministère des Pêches et des Océans qui sont tenus de travailler à l’extérieur de leur zone d’affectation durant la saison des travaux sur le terrain et pour qui il est difficile ou impossible d’y retourner les fins de semaine.

Il est convenu que les représentants de la direction locale ainsi que les représentants locaux dûment autorisés des employé-e-s peuvent conjointement mettre au point et adopter un calendrier de travail mutuellement acceptable qui stipulera un nombre de jours civils consécutifs de travail sur le terrain, suivi d’une combinaison de jours de repos et de jours de congé compensateur acquis durant la période d’étude sur le terrain. Le calendrier ne précisera pas la durée du travail de chaque journée et les heures du début et de la fin du travail seront établies quotidiennement d’après les nécessités du service, sauf que les heures de travail journalières normales devront être consécutives, à l’exception de la pause-repas, et ne pas dépasser sept virgule cinq (7,5) heures. En conséquence, le paragraphe 25.08 [Durée du travail] ne s’applique pas.

Ce calendrier de travail ne doit pas normalement dépasser, au total, vingt (20) jours civils consécutifs de travail et huit (8) jours de repos. Si la direction locale estime que les nécessités du service exigent une prolongation de ces vingt (20) jours civils de travail [jusqu’à concurrence de sept (7) jours civils], de manière à éviter un autre voyage sur le terrain, le personnel effectue le nombre de jours supplémentaires requis, les jours de repos et les congés compensateurs étant accordés au prorata.

Les heures supplémentaires sont rémunérées conformément à la présente convention collective et sont prises sous forme de congé compensateur immédiatement après la période de travail sur le terrain ou à la discrétion de l’Employeur.

[…]

 

[68] Aucun de ces libellés de la convention collective ne se retrouve dans celles que je dois interpréter – les conventions des groupes SP et NR. Bien que j’aie tenu compte de Keen dans les présents motifs, étant donné que les griefs dont je suis saisi concernent des parties différentes et un libellé de convention collective différent, cette décision ne me lie pas. Il est également important de noter que l’agent négociateur dans Keen ne contestait pas le fait que les fonctionnaires étaient des employés travaillant par postes. Une partie de Keen concernait un grief de principe alléguant la violation d’un article exigeant un avis de modification d’horaire pour les employés travaillant par postes.

[69] Dans l’interprétation de conventions collectives, les parties sont présumées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit. Par ailleurs, la signification de la convention collective doit être recherchée dans ses dispositions expresses (voir Brown and Beatty au paragraphe 4:2100, « The Object of Construction: Intention of the Parties »).

[70] Les conventions collectives en cause dans les présents griefs établissent les heures de travail des travailleurs de jour et des employés travaillant par postes. Je conviens qu’un employé ne peut pas être à la fois un travailleur de jour et un employé travaillant par postes. La question est de déterminer la catégorie des conventions collectives qui correspond le mieux aux employés pendant la saison des travaux sur le terrain.

[71] Il convient de noter que l’employeur a reconnu la nécessité de négocier un cadre pour l’horaire de la saison des travaux sur le terrain pour un groupe d’employés (le groupe TC; leur appendice I), mais pas pour les superviseurs de ce groupe (les groupes SP et NR). Comme il est souligné dans Keen, « [l]’appendice I constitue un outil essentiel et un qui est mutuellement acceptable par la direction et les employés dans la planification et la mise en œuvre efficaces d’un programme de contrôle des lamproies marines. »

[72] Je note que la convention du groupe SP contient des dispositions spéciales pour les employés du groupe Météorologie (MT) travaillant par postes, principalement en ce qui concerne la rémunération des jours fériés et des congés annuels. Dans le cas du groupe MT, les parties se sont penchées sur les différences d’horaires et d’heures de travail entre le travail par quart et le travail de jour.

[73] Les conventions des groupes SP et NR ne prévoient pas un cadre complet pour « la planification et la mise en œuvre efficaces » des horaires de travail sur le terrain. Pendant des années, l’employeur et ses employés se sont débrouillés en rémunérant les employés pendant la saison des travaux sur le terrain comme s’ils étaient des travailleurs de jour. En février 2011, l’employeur a décidé de changer d’approche et de traiter tous les employés comme des employés travaillant par postes. Lors de la mise en œuvre de ce changement, la direction n’a pas examiné de près les libellés des conventions des groupes SP et NR.

[74] Il n’y a pas de définition du « travail par quart » dans les conventions des groupes SP et NR. Pendant la saison des travaux sur le terrain, les fonctionnaires ne correspondent pas parfaitement aux dispositions des conventions relatives aux travailleurs de jour ou aux dispositions relatives aux employés travaillant par postes. Cependant, j’estime que la catégorie des travailleurs de jour est celle qui convient le mieux. Je suis parvenu à cette conclusion en examinant les dispositions des conventions collectives relatives au régime de travail normal et celles relatives au travail par quart.

[75] Pour les travailleurs de jour, la « semaine normale de travail » est du lundi au vendredi, et la journée de travail prévue se situe entre 6 h et 16 h. Pendant la saison des travaux sur le terrain, les jours de travail comprennent les fins de semaine. Bien que la journée de travail prévue pendant la saison des travaux sur le terrain ne soit pas nécessairement comprise entre 6 h et 16 h, les heures normales de travail restent de 7,5 heures, de sorte que les heures supplémentaires sont payées pour toute journée supérieure à cette durée. Un travailleur de jour bénéficie de 2 jours de repos consécutifs au cours de chaque période de 7 jours, sauf dans les cas où les nécessités du service ne le permettent pas. En l’espèce, l’horaire de la saison des travaux sur le terrain (une nécessité du service) ne permet pas ce calendrier de jours de repos.

[76] Comme il a déjà été indiqué, les conventions des groupes SP et NR ne contiennent pas de définition du « travail par quart ». Toutefois, l’examen suivant des dispositions de la convention collective donne une idée de ce que les parties entendaient par travail par quart :

· L’expression « horaire de travail par quarts » signifie la répartition des quarts de travail sur une période ne dépassant pas deux (2) mois consécutifs et, dans la mesure du possible, leur établissement pour une période minimale de vingt‑huit (28) jours consécutifs (paragraphe 8.07).

· La durée du travail est en moyenne de trente-sept virgule cinq (37,5) heures par semaine pour la période de l’horaire de travail par quarts (paragraphe 8.08).

· Sous réserve des nécessités du service, l’employé bénéficie d’au moins deux (2) jours de repos consécutifs et accolés au cours d’une période de huit (8) jours (paragraphe 8.09). La convention du groupe NR prévoit deux (2) jours de repos au cours d’une période de sept (7) jours.

· Lorsque le quart de travail d’un employé ne commence ni ne finit le même jour, il existe un processus pour déterminer quel jour il a été effectué (paragraphe 8.11).

· Les quarts doivent être répartis de manière à ce que le « roulement » des employés dans les différents quarts de nuit, du soir et de fin de semaine se fasse équitablement, dans la mesure où le permettent les nécessités du service (paragraphe 8.12).

· Le quart d’un employé ne doit pas être prévu commencer dans les quinze (15) heures qui suivent le quart précédent et les employés ne doivent pas être tenus de travailler moins de sept (7) heures, ni plus de neuf (9) heures, durant n’importe quel quart (paragraphe 8.12).

· L’employeur est tenu de faire « tout effort raisonnable » afin de prendre en considération les désirs des employés quand il établit les quarts à l’intérieur d’un horaire de travail par quarts. Si au moins les deux tiers (2/3) des employés concernés le demandent et que l’employeur y consent, il pourra être établi des quarts de travail différents de ceux prévus au paragraphe 8.12 (paragraphe 8.13).

· Un horaire provisoire de travail par quarts doit être établi et affiché au moins deux (2) mois à l’avance. L’horaire de travail par quarts définitif doit être publié au moins trois (3) semaines avant le commencement dudit horaire (paragraphe 8.14).

· À la condition qu’il n’en résulte pas de frais supplémentaires pour l’employeur, les employés d’un même bureau peuvent échanger leurs quarts avec la permission de l’employeur (paragraphe 8.15).

· L’employé qui accomplit un quart de travail normalement prévu à l’horaire touche une prime de quart de deux dollars (2 $) l’heure pour toutes les heures (y compris les heures supplémentaires) effectuées entre 16 h et 8 h (paragraphe 8.19).

 

 

[77] Il n’y a aucune mention de la saison des travaux sur le terrain dans ces dispositions ou ailleurs dans les conventions des groupes NR ou SP. Lues dans leur ensemble, les dispositions relatives aux employés travaillant par postes suggèrent le roulement des employés dans les quarts de nuit, du soir et de fin de semaine. Il en est ainsi non seulement en raison de l’obligation expresse d’une répartition équitable des quarts de travail, mais aussi en raison des dispositions relatives au jour où le quart de travail est effectué lorsqu’il s’étend sur deux jours. L’article prévoit également des échanges de quarts de travail, ainsi qu’un procédé permettant de déterminer la répartition des quarts à l’intérieur d’un horaire de travail par quarts. La disposition prévoit également une prime pour les quarts de nuit. L’article exige également un horaire de travail par quarts d’une durée maximale de deux mois, ce qui ne s’applique pas à l’horaire de la saison des travaux sur le terrain.

[78] La convention du groupe SP contient également des dispositions qui excluent les personnes travaillant par postes dans le groupe MT. Par exemple, il est indiqué que la disposition relative aux heures supplémentaires pour le travail effectué un jour férié désigné (paragraphe 9.02) ne s’applique pas aux employés du groupe MT travaillant par postes. Il est clair que les parties se sont concentrées sur la rémunération des heures supplémentaires des employés travaillant par postes dans cette convention collective et ont négligé d’inclure ceux qui travaillent au CCLM.

[79] La décision rendue dans Chafe n’est d’aucune utilité pour l’employeur. Dans cette décision, l’arbitre de griefs a conclu que les fonctionnaires n’étaient pas des employés travaillant par postes. Il a fondé sa décision sur une définition de « quart » qui se limitait au moment où les opérations normales au cours d’un cycle de 24 heures étaient divisées en deux (2) ou trois (3) périodes de travail, chacune représentant une journée complète de travail pour un employé (au paragraphe 63), comme suit :

63 […] quel que soit le cycle, il est trop long pour qu’un seul employé puisse le travailler de manière normale et continue; il doit être divisé en « postes ». Chaque poste est comblé par un employé (normalement) différent. Par conséquent, le travail par postes comporte au moins 2, ou peut-être 3, périodes de travail pendant un cycle de 24 heures qui seraient comblés par 2 (ou 3, selon le cas) employés.

 

[80] L’arbitre de griefs a conclu que l’expression « travailler par quarts » figurant dans la convention collective en cause dans ce grief s’appliquait aux situations d’au moins deux [traduction] « quarts » réguliers dans un cycle de 24 heures. L’arbitre de griefs a fait remarquer qu’un travailleur de jour ne devient pas un employé travaillant par postes simplement parce qu’il effectue quelques heures supplémentaires, ce qui est le cas en l’espèce – bien que la saison des travaux sur le terrain exige un grand nombre d’heures supplémentaires.

[81] Dans Vaillancourt c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2004 CRTFP 44, l’arbitre de griefs s’est appuyé sur Gérard Dion, Dictionnaire canadien des relations du travail, deuxième édition, qui définit l’expression « horaire des postes » comme suit :

[…]

1. Répartition des heures et des périodes de travail lorsque celui-ci est divisé en deux ou trois espaces de temps successifs au cours d’une journée de vingt-quatre heures.

2. Tableau sur lequel sont affichés, à l’avance, les noms des travailleurs et les postes auxquels ils sont assignés.

[…]

 

[82] Dans l’affaire dont je suis saisi, les dispositions relatives aux employés travaillant par postes figurant dans les conventions des groupes SP et NR sont semblables à celles définies dans Chafe et Vaillancourt – au moins deux (2) ou trois (3) périodes de travail au cours d’un cycle de 24 heures.

[83] Dans son argumentation, l’employeur déclare ce qui suit : [traduction] « Il y a au moins deux (2) quarts de travail qui ne peuvent pas être couverts par le travail d’un seul employé. » Cependant, un examen des feuilles de temps fournies dans le recueil conjoint de documents a montré principalement des heures de travail de base entre 8 h et 16 h, plus des heures supplémentaires certains de ces jours. Quelques fonctionnaires ont eu quelques jours de travail commençant à 15 h ou à 16 h, mais il n’y a pas de modèle régulier d’heures de début de travail différentes. En outre, la décision rendue dans Keen énonce les conditions de travail de la saison des travaux sur le terrain (bien que pour des employés différents) et ne mentionne pas les quarts de travail doubles.

[84] Mme Wheatley semble avoir reconnu que l’horaire de la saison des travaux sur le terrain n’était pas un véritable horaire par quarts lorsqu’elle a déclaré que les horaires de la saison des travaux sur le terrain [traduction] « ressemblent aux horaires de travail par quarts ». En d’autres termes, elle a convenu que l’horaire de la saison des travaux sur le terrain n’était pas un véritable horaire de travail par quarts.

[85] Les conventions des groupes SP et NR font également une distinction entre les [traduction] « quarts » et les [traduction] « journées de travail ». Dans l’article 8, les travailleurs de jour ont une [traduction] « journée de travail prévue », et les employés travaillant par postes ont un [traduction] « quart ». Dans l’article sur la rémunération d’intérim de la convention du groupe SP, par exemple, le paragraphe 46.08 fait référence à des « jours ouvrables ou de quarts de travail consécutifs ». Mme Wheatley a mélangé les deux termes dans son message aux fonctionnaires. Elle n’a pas fait référence à l’horaire des fonctionnaires comme à des [traduction] « quarts de travail », mais a utilisé l’expression [traduction] « jours de travail » lorsqu’elle a déclaré que les samedis et les dimanches devaient être considérés comme [traduction] « […] des jours de travail dans le cadre de leur horaire normal de travail ». Bien qu’il puisse s’agir d’une simple question de rédaction bâclée, cela met en évidence le fait que les fonctionnaires n’entraient pas facilement dans la catégorie des employés travaillant par postes.

[86] Il y a une légère différence dans les jours de repos à accorder aux employés travaillant par postes dans la convention du groupe SP : deux jours de repos consécutifs et accolés au cours de chaque période de huit jours, à moins que les nécessités du service ne le permettent pas. La convention du groupe NR prévoit les mêmes jours de repos pour les travailleurs de jour et les employés travaillant par postes (deux jours pour chaque période de sept jours). Tant pour les travailleurs de jour que pour les employés travaillant par postes, les jours de repos prévus peuvent être modifiés en raison des nécessités du service. Par conséquent, il n’y a pas de différence dans le traitement des jours de repos pour les travailleurs de jour ou les employés travaillant par postes. Je note au passage que l’employeur semble avoir appliqué de façon sélective les dispositions de l’article 8 pendant la saison des travaux sur le terrain, puisqu’il était tenu, en vertu de la convention collective, de verser une rémunération des heures supplémentaires pour deux jours de repos après chaque période de sept jours ou de huit jours.

[87] Je suis d’accord avec le commissaire dans Keen concernant le fait que l’horaire de travail pour la saison des travaux sur le terrain nécessite un ensemble de dispositions de la convention collective pour planifier et mettre en œuvre efficacement le programme de lutte contre la lamproie de mer. Les conventions collectives visées par les présents griefs ne comportent pas un tel ensemble de dispositions. Je suis également d’accord avec ce commissaire pour dire que le mécanisme de planification et de mise en œuvre efficace de cet important programme requiert un outil qui « […] est mutuellement acceptable par la direction et les employés […] » – en d’autres termes, contenu dans la convention collective ou un protocole d’accord.

[88] Le cadre établi à l’appendice I de la convention de l’AFPC reflète mieux les réalités du travail sur le terrain. Ce cadre est le suivant :

· L’appendice s’applique, malgré les articles « Durée du travail » et « Heures supplémentaires » de la convention collective.

· Il s’applique aux employés du CCLM qui sont tenus de travailler à l’extérieur de leur zone d’affectation durant la saison des travaux sur le terrain et pour qui il est « […] difficile ou impossible d’y retourner les fins de semaine ».

· Les représentants de la direction locale et les représentants locaux des employés peuvent concevoir et décider conjointement d’un programme d’horaires de travail mutuellement acceptable.

· L’horaire de travail doit comprendre un nombre déterminé de jours civils consécutifs de travail sur le terrain, suivi d’une combinaison de jours de repos et de congés compensatoires acquis pendant la période de travail sur le terrain.

· L’horaire de travail ne contiendra pas les heures de travail de chaque jour, et les heures de début et de fin du travail seront déterminées en fonction des exigences opérationnelles sur une base quotidienne, sauf que les heures et la journée normale de travail seront consécutives, excluant la pause-repas, et ne dépasseront pas sept virgule cinq (7,5) heures.

· L’horaire de travail ne doit normalement pas dépasser une combinaison de 20 jours civils consécutifs de travail et de 8 jours de repos et de congé compensatoire.

· Les heures supplémentaires doivent être rémunérées conformément à la convention collective et sont prises en tant que congé compensatoire immédiatement après la période de travail sur le terrain ou à la discrétion de l’employeur.

 

[89] Comme il a été mentionné antérieurement dans les présents motifs, l’agent négociateur du groupe TC a admis que les fonctionnaires s’estimant lésés, lorsqu’ils travaillaient pendant la saison des travaux sur le terrain, étaient des employés travaillant par postes. Le commissaire dans Keen était d’accord avec l’agent négociateur. Comme l’agent négociateur dans Keen a concédé ce point, le commissaire n’a pas eu besoin d’expliquer pourquoi il était d’accord que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des employés travaillant par postes. Comme je l’ai déjà noté, il a interprété des dispositions de convention collective différentes de celles des griefs dont je suis saisi. Par conséquent, je conclus que l’interprétation dans Keen n’est pas applicable.

[90] Toutefois, je commenterai brièvement l’approche adoptée dans Keen. Le commissaire s’est appuyé sur les définitions du [traduction] « travail par quart » énoncées dans Chafe, qui ne comprenaient pas la définition du [traduction] « travail par quart » acceptée par l’arbitre de griefs dans cette décision. Comme il a été indiqué précédemment, dans Chafe, l’arbitre de griefs a déterminé que le fait de travailler [traduction] « par quarts » signifie qu’il y aurait au moins deux (2), voire trois (3), périodes de travail au cours d’un cycle de 24 heures qui seraient effectuées par deux (2) employés ou plus. Cette interprétation a également été acceptée dans Vaillancourt. J’estime que les décisions rendues dans Chafe et Vaillancourt sont plus convaincantes pour déterminer ce qu’est ou n’est pas le « travail par quart », puisque les interprétations dans ces décisions étaient nécessaires pour trancher les griefs et n’étaient pas, comme dans Keen, une simple parenthèse (ou une remarque incidente).

[91] En l’absence de dispositions similaires à l’appendice I dans les conventions collectives des groupes SP et NR, les fonctionnaires sont mieux caractérisés comme des travailleurs de jour qui font des heures supplémentaires pendant la saison des travaux sur le terrain. Par conséquent, ils ont droit à des heures supplémentaires pour le travail effectué pendant leurs jours de repos – le samedi et le dimanche.

[92] À mon avis, l’employeur aurait eu des problèmes opérationnels importants s’il avait réussi à faire valoir que les fonctionnaires étaient des employés travaillant par postes. Il est clair que l’employeur ne serait pas en mesure d’établir un horaire visant toute la saison des travaux sur le terrain, puisqu’il serait limité à un horaire ne dépassant pas deux (2) mois consécutifs. Je suppose qu’il serait lourd, d’un point de vue opérationnel, d’avoir un horaire de travail sur le terrain pour les employés du groupe TC et un autre pour les employés qui les supervisent. En outre, la rémunération des heures supplémentaires est requise si un employé reçoit un préavis de moins de 120 heures d’une modification de l’horaire de travail. Il est suggéré dans Keen que les horaires de travail doivent être très flexibles pour s’adapter aux conditions météorologiques et autres. Ces défis ont été clairement reconnus lorsque l’employeur a négocié l’appendice I de la convention du groupe TC.

[93] Dans son argumentation, l’employeur a fait remarquer que les fonctionnaires ne pouvaient pas bénéficier de droits à la fois en tant que travailleurs de jour et en tant qu’employés travaillant par postes. Je suis d’accord avec cette position. En l’espèce, j’ai décidé que les fonctionnaires sont des travailleurs de jour. Les griefs portent uniquement sur le paiement des heures supplémentaires effectuées les jours de repos. Par conséquent, je n’ai pas compétence pour me prononcer sur d’autres droits prévus par la convention collective que les fonctionnaires auraient pu recevoir par erreur.

2. Conclusion

[94] Les présents griefs sont accueillis.

[95] Je suis d’accord pour dire que le contrôle de la population de lamproie de mer est un programme public important. Comme il a été souligné dans Keen, « [t]out le monde des deux côtés de la table, soit la direction et les employés, est au courant de l’importance d’un horaire souple sur le terrain à la réalisation efficace de cette tâche importante ». Toutefois, il est également important que les conventions collectives soient respectées et que tout changement visant à tenir compte de circonstances particulières, comme la saison des travaux sur le terrain, soit mutuellement acceptable pour la direction et les employés. Toujours d’après Keen, le lieu approprié pour l’élaboration d’un « […] un outil essentiel […] dans la planification et la mise en œuvre efficaces d’un programme de contrôle des lamproies marines » est la table des négociations collectives et non au moyen d’un acte unilatéral de l’employeur.

[96] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[97] Les griefs sont accueillis.

[98] L’employeur est tenu de payer les fonctionnaires pour le travail effectué les samedis et dimanches au taux des heures supplémentaires applicable.

[99] Je demeurerai saisi pendant une période de 120 jours dans le seul but de résoudre les problèmes liés au calcul des sommes dues.

Le 29 juin 2021.

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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