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MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 27 janvier 2021, James Tachovsky (le « plaignant ») a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») contre son agent négociateur, le Syndicat des douanes et de l’immigration (SDI), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, qui est la défenderesse dans la présente affaire. La défenderesse est l’agent négociateur qui représente l’unité de négociation du plaignant au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada, où il travaille.

[2] Le plaignant a allégué que la défenderesse s’était livrée à une pratique déloyale de travail, sur la base de l’action suivante, citée dans son document de plainte initial :

[Traduction]

[…]

Mes représentants syndicaux ont traité certains employés différemment en raison de leur désir d’obtenir des promotions. Le syndicat a déclaré que les employés ayant exercé des « fonctions de gestion » au cours des trois derniers mois ou ceux qui participent actuellement à un concours pour obtenir une promotion ne sont pas admissibles à participer au comité de SST [santé et sécurité au travail]. Cette règle a été créée de manière arbitraire par le syndicat et constitue une discrimination à l’encontre des personnes qui souhaitent se perfectionner et obtenir une promotion et qui souhaitent également participer activement au comité de SST de leur milieu de travail.

[…]

 

[3] Comme mesure corrective, le plaignant a demandé [traduction] « […] que le syndicat supprime tout libellé discriminatoire de ses critères de sélection des membres du comité de SST […] ».

[4] Dans sa réponse, la défenderesse a fait valoir que la plainte porte sur une politique syndicale interne et que, par conséquent, elle ne relève pas de la compétence de la Commission. De plus, il n’y a aucune preuve de violation de l’art. 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, article 2; la « Loi »), qui traite du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur.

[5] Le plaignant a répondu que la défenderesse avait enfreint l’alinéa 188b) de la Loi lorsqu’elle a refusé à certains employés l’accès et l’adhésion à une organisation syndicale. Il a fait valoir que le comité de SST est une organisation syndicale.

[6] Après avoir examiné la plainte et d’autres échanges, j’ai décidé de rendre une décision préliminaire sur les deux questions suivantes :

1) La Commission a-t-elle compétence pour statuer sur cette plainte?

2) Dans l’affirmative, la directive de la défenderesse concernant l’adhésion au comité de SST était-elle discriminatoire?

 

[7] Les parties ont eu l’occasion d’ajouter des éléments à leurs arguments, mais elles ont essentiellement refusé de le faire. Elles ont simplement réitéré leurs positions respectives.

[8] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Commission n’a pas compétence pour trancher ce litige et qu’il n’est donc pas nécessaire de répondre à la deuxième question.

II. Contexte

[9] Selon le plaignant, un conflit est survenu pour la première fois entre lui et les représentants du SDI lorsqu’il était membre du comité de SST dans son lieu de travail, soit le secteur des opérations relatives à la circulation de Pacific Highway de l’Agence des services frontaliers du Canada. Lorsqu’il a découvert que le coprésident de la partie syndicale devait être élu par les employés membres et non pas nommé par le SDI, comme c’était le cas, il a essayé de forcer la tenue d’un vote. Il allègue qu’en conséquence, le SDI a dissous le comité de SST et mis en place un nouveau critère empêchant tout employé ayant eu des responsabilités de gestion au cours des six mois précédents (modifié ultérieurement à trois mois) de participer au comité.

[10] Le SDI a dissous le volet employé du comité de SST après avoir découvert que des personnes n’ayant pas le pouvoir requis avaient nommé certains de ses membres. La direction du SDI a convenu que les employés membres devraient choisir le président de la partie syndicale. Il a exclu les personnes ayant exercé des responsabilités de gestion au cours des six (puis trois) derniers mois, afin de garantir que les membres soient [traduction] « […] libres de tout conflit d’intérêts réel ou apparent […] ». Elle a également précisé que si un employé membre du comité devait exercer des fonctions de gestion à titre intérimaire ou participer à un comité de sélection, il devrait se retirer du comité de SST et demander une nouvelle nomination à la fin du processus de nomination ou de dotation intérimaire.

[11] Selon le plaignant, un enquêteur du ministère du Travail l’a informé qu’il n’y avait aucune raison d’exclure du comité de SST un employé qui n’occupe pas actuellement un poste de direction.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

[12] Le plaignant soutient qu’il est discriminatoire de la part de la défenderesse d’exclure du comité de SST les employés qui cherchent à obtenir une promotion ou à acquérir une plus grande expérience dans un rôle de gestion, une fois qu’ils n’assument plus un tel rôle. En d’autres termes, tant qu’une personne fait partie de l’unité de négociation, elle devrait être autorisée à faire partie du comité de SST.

[13] Le plaignant invoque l’alinéa 188b) de la Loi, qui est rédigé comme suit :

188 Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

[…]

b) d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale ou de le suspendre, ou de lui refuser l’adhésion, en appliquant d’une manière discriminatoire les règles de l’organisation syndicale relatives à l’adhésion […]

 

[14] Selon le plaignant, le comité de SST est une organisation syndicale, chargée en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; le « CCT ») de protéger la santé et la sécurité des employés. Cette fonction ferait partie de l’objectif de « […] de réglementer les relations entre eux [les fonctionnaires] et leur employeur […] », ce qui est le but de l’organisation syndicale telle que définie par la Loi.

[15] Le plaignant soutient également que la Commission doit avoir compétence pour traiter de telles questions; si ce n’est pas le cas, l’agent négociateur peut librement agir de manière discriminatoire envers ses membres et il n’y a pas de recours.

B. Pour la défenderesse

[16] La question soulevée par le plaignant constitue une question syndicale interne à l’égard de laquelle la Commission n’a pas compétence. L’article 187 de la Loi traite de l’obligation de l’agent négociateur de représenter équitablement les employés dans leurs rapports avec l’employeur. Rien dans les allégations ne concerne une action de l’employeur ou une représentation par l’agent négociateur dans les relations du plaignant avec l’employeur.

[17] En l’espèce, le plaignant conteste une règle interne mise en place par le SDI pour sélectionner les membres du comité de SST. La Commission n’a pas le pouvoir, en vertu de la Loi, d’intervenir dans une affaire syndicale interne.

IV. Analyse

[18] La première question que je dois trancher est celle de savoir si la Commission a compétence pour statuer sur la plainte. La Loi confère à la Commission un pouvoir limité d’intervention dans la relation entre l’agent négociateur et les employés qu’il représente. La Commission peut intervenir si un employé allègue que l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable (art. 187). Les parties conviennent que cette question n’est pas en cause en l’espèce.

[19] La Commission peut également intervenir si une organisation syndicale refuse l’adhésion d’une personne pour des raisons discriminatoires. En l’espèce, le plaignant affirme que la défenderesse s’est livrée à une pratique déloyale de travail; plus précisément, elle a contrevenu à l’interdiction énoncée à l’alinéa 188b) - refuser l’adhésion à l’organisation syndicale de manière discriminatoire.

[20] L’alinéa 2(1)a) de la Loi définit le terme « organisation syndicale » comme suit : « […] organisation qui les [les fonctionnaires] regroupe en vue, notamment, de réglementer les relations entre eux et leur employeur pour l’application des parties 1 et 2 […] ».

[21] La définition mentionne les parties 1 et 2 de la Loi, qui traitent respectivement des relations de travail et des griefs. Elle ne mentionne pas la partie 3, qui traite de la santé et de la sécurité au travail. La partie 3 précise que la partie II du CCT s’applique à la fonction publique fédérale et que le terme « syndicat » utilisé dans le CCT doit être compris comme une « organisation syndicale » au sens de l’alinéa 2(1)a) de la Loi.

[22] Le plaignant soutient que le comité de SST peut être considéré comme une organisation syndicale et que, par conséquent, l’alinéa 188b) s’applique à sa situation. Je ne peux pas souscrire à ce raisonnement.

[23] Le CCT ne confond pas les termes « syndicat » et « comité de SST ». Un syndicat, défini comme une « [a]ssociation — y compris toute subdivision ou section locale de celle-ci — regroupant des employés en vue notamment de la réglementation des relations entre employeurs et employés […] », sélectionne les membres du comité de SST du milieu de travail (CCT, sous-alinéa 135.1(1)b)(ii)). Le comité est constitué en vue « […] d’examiner les questions qui concernent le lieu de travail en matière de santé et de sécurité […] » (CCT, par. 135(1)). Son mandat est limité et n’est pas celui de l’organisation syndicale (en vertu de la Loi) ou du syndicat (en vertu du CCT).

[24] L’argument du plaignant selon lequel l’action de la défenderesse empêche l’adhésion à une organisation syndicale doit être rejeté; un comité de SST n’est pas une organisation syndicale. Les employés membres du comité sont sélectionnés par l’organisation syndicale, qui établit les critères de sélection. La défenderesse a raison de dire qu’il s’agit d’une question syndicale interne.

[25] Je conclus que la Commission n’a pas compétence à l’égard du différend entre le plaignant et son agent négociateur, car la Loi ne confère pas à la Commission le pouvoir d’intervenir dans des affaires telles que la sélection des membres des comités de SST. Si l’on avait empêché le plaignant d’appartenir à l’organisation syndicale qui est son agent négociateur, la Commission aurait eu compétence. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[26] Comme la Commission n’a pas compétence pour examiner l’affaire, il n’est pas nécessaire de répondre à la deuxième question.

[27] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[28] La plainte est rejetée.

Le 9 juin 2021.

Traduction de la CRTESPF

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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