Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans son évaluation de la plaignante et une partialité à son détriment qui est survenue à cause d’un conflit entre elle et une des personnes qui l’a évaluée – elle a aussi allégué que le comité d’évaluation n’avait pas les compétences nécessaires pour évaluer quelqu’un pour le poste – la plaignante a postulé à un poste annoncé, mais sa candidature a été éliminée à l’étape de la présélection – la plaignante se dit qualifiée pour le poste mais que des désaccords dans le passé avec un des deux membres du comité de sélection ont mené à un abus de pouvoir – la plaignante a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique – la Commission a conclu que la plaignante avait soumis une lettre de candidature incomplète, car il manquait des exemples concrets, et cela justifiait le rejet de sa candidature – la décision du comité d’évaluation de ne pas se fonder sur sa connaissance personnelle de la plaignante dans l’évaluation s’est traduite par un traitement équitable de tous les candidats – la plaignante a été évaluée équitablement en fonction des critères établis – la Commission a également conclu que la preuve étayée par la plaignante n’avait pas établi l’existence d’une partialité à son détriment à cause d’un conflit entre elle et la personne qui l’avait évaluée – de plus, la plaignante n’avait pas établi que les deux membres du comité d’évaluation n’avaient pas les compétences nécessaires pour siéger au comité d’évaluation.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20210817

Dossier: EMP-2015-9877

 

Référence: 2021 CRTESPF 97

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction

publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

GINETTE LESAGE

 

plaignante

 

et

 

SOUS-MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Lesage c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour l’intimé : Noémie Fillion, avocate

Pour la Commission de la fonction publique : Claude Zaor, analyste principal

Affaire entendue par vidéoconférence, les 30, 31 mars et 1er avril 2021.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

[1] Ginette Lesage, la plaignante, a posé sa candidature à un poste d’agent des finances et de l’administration (AS-03) au sein de la Direction du transport des marchandises dangereuses de Transports Canada (TC). Sa candidature a été éliminée à l’étape de la présélection. La plaignante a allégué qu’il y a eu abus de pouvoir de la part du Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités (l’« intimé ») parce que sa candidature a été rejetée pour des raisons autres que le mérite et que le comité connaissait bien ses qualifications.

[2] Elle a aussi allégué une partialité à son détriment à cause d’un conflit entre elle et la personne qui l’a évaluée et que les personnes qui l’ont évaluée n’avaient pas les compétences nécessaires pour le faire. À l’audience, la plaignante a abandonné ses allégations concernant l’évaluation de la personne nommée, de même que ses allégations qui portaient sur des enjeux de relations de travail (classification, intimidation, harcèlement, etc.) et sur le fait qu’elle n’avait pas été mise au courant par sa gestionnaire que l’annonce pour le poste avait été affichée.

[3] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination.

[4] La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas présente à l’audience, mais elle a présenté des arguments écrits concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

[5] Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est rejetée. La plaignante n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination.

II. Contexte

[6] Le 22 juillet 2015, une notification de nomination ou de proposition de nomination a été publiée pour la personne nommée.

[7] Le 27 juillet 2015, la plaignante a déposé sa plainte d’abus de pouvoir auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP).

[8] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP pour qu’il devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »).

[9] L’audition de cette cause a été reportée à quelques reprises à la demande de la plaignante.

A. Questions

[10] Je dois trancher les questions suivantes :

1) Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’évaluation de la plaignante et une partialité à son détriment à cause d’un conflit entre elle et la personne qui l’a évaluée?

 

2) Y a-t-il eu abus de pouvoir pour le motif que la personne qui a évalué la plaignante n’avait pas les compétences nécessaires pour le faire?

 

III. Résumé de la preuve

[11] La plaignante a témoigné à l’audience et a cité trois témoins : Yvan Meloche, spécialiste en multimédia (de 2003 à 2014); David Lamarche, gestionnaire; Rachelle Lalonde, qui a travaillé un an avec la plaignante en 2010 alors qu’elle occupait un poste d’agente aux finances.

[12] L’intimé a cité deux témoins : Donna McLean, qui, au moment du processus de dotation, était chef, Formation des inspecteurs et Sensibilisation du public, et Julie Comeau, qui, au moment du processus de dotation, était gestionnaire, Gestion des ressources, Direction du transport des marchandises dangereuses.

[13] La plaignante a affirmé qu’elle a travaillé au sein de la Direction du transport des marchandises dangereuses de TC de mars 2003 à janvier 2015. Son titre était agente de support, Finances et Multimédia (AS-01). Elle a aussi mentionné que son titre en vigueur était agente financière (AS-01). En 2010 ou 2011, elle a occupé de façon intérimaire un poste au groupe et au niveau AS-03. Entre 2011 et janvier 2014, elle a occupé sporadiquement et de façon intérimaire un poste d’agente financière au groupe et au niveau AS-03.

[14] Elle est en congé de maladie depuis février 2015.

[15] La plaignante a expliqué qu’elle voulait être reclassifiée pour le travail qu’elle faisait depuis 2003. Elle a expliqué qu’elle accomplissait des tâches non inscrites dans sa description de travail officielle de spécialiste en multimédia.

[16] La plaignante a ajouté qu’elle s’occupait des procédures financières jusqu’à l’arrivée de Mme Comeau, qui s’est jointe à la Direction du transport des marchandises dangereuses en 2012. Selon la plaignante, Mme Comeau occupait un poste au groupe et au niveau PM-05, et elle faisait partie de deux équipes. Elle avait le mandat de travailler dans l’équipe de la Gestion des ressources (finances et multimédia) (l’équipe de la plaignante), et dans une autre équipe sous la gouverne du sous-ministre.

[17] Selon la plaignante, Mme Comeau lui a dit à cette époque que l’une de ses tâches était de s’occuper du suivi des budgets, des prévisions, des dépenses et des rapports. La plaignante a expliqué qu’elle ne comprenait pas pourquoi Mme Comeau devait s’occuper de ces tâches reliées aux budgets et aux questions de finances. Selon la plaignante, Mme Comeau lui a posé beaucoup de questions à son arrivée, en plus de lui demander de lui faire parvenir une copie conforme des courriels que la plaignante envoyait à des tiers dans son travail quotidien relié aux finances.

[18] De septembre à décembre 2014, la plaignante a occupé de façon intérimaire un poste au groupe et au niveau AS-03. En janvier 2015, son intérimaire n’a pas été renouvelé.

[19] Selon la plaignante, au début de 2015, sa gestionnaire, Mme Comeau, a complété son évaluation du rendement. La plaignante s’est dit en désaccord avec cette évaluation puisqu’elle comportait des commentaires négatifs au sujet de son travail. D’après la plaignante, un conflit a éclaté un entre elle et Mme Comeau.

[20] La plaignante a affirmé qu’elle a préparé un grief dans lequel elle allègue avoir subi du harcèlement de la part de Mme Comeau. Cependant, a-t-elle ajouté, son agent négociateur a perdu ce grief. C’est la raison pour laquelle Mme Comeau n’était pas au courant, à l’audience, de l’existence d’un tel grief, ni même d’une telle problématique entre la plaignante et elle-même.

[21] Le 4 février 2015, la plaignante a quitté son travail en congé de maladie. Selon elle, Mme Comeau lui reprochait alors d’avoir fait une erreur dans son travail. La plaignante a consulté son médecin et elle a bénéficié d’un congé de maladie. Son congé de maladie a été régulièrement renouvelé depuis. Elle était encore en congé de maladie lors de l’audience en avril 2021.

[22] Le 28 avril 2015, le processus de dotation (qui est le sujet de la présente plainte) a été annoncé. La plaignante a posé sa candidature. Étant donné qu’elle était en congé de maladie à la maison, elle n’avait pas accès au système de soumission informatisé des candidatures. Elle a cependant soumis sa candidature par courriel à la Direction des ressources humaines. Elle a déposé en preuve une copie de son curriculum vitae et de sa réponse aux critères qu’elle a présentées à la Direction des ressources humaines.

[23] Le 13 mai 2015, une représentante des Ressources humaines de l’intimé l’a informée qu’elle ne satisfaisait pas à trois des quatre qualifications essentielles reliées à l’expérience recherchées.

[24] Le 22 juillet 2015, une notification de nomination ou de proposition de nomination a été publiée pour la personne nommée.

[25] Ce même jour, la plaignante a tenté de déposer une plainte au sujet de cette notification. Toutefois, sa plainte était incomplète et elle n’a pas été acceptée par la Commission.

[26] Le 27 juillet 2015, elle a déposé la plainte qui a été acceptée par la Commission.

[27] À l’audience, la plaignante a expliqué qu’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de dotation puisque c’est elle qui aurait dû être nommée dans ce poste. Elle estime que, puisqu’elle accomplissait des tâches de niveau AS-03 depuis des années et des tâches de niveau AS-01 depuis 2003, il était injuste de nommer une autre personne dans ce poste.

[28] Elle a expliqué qu’un responsable des Ressources humaines l’avait informée que le poste qui avait été doté à l’aide de ce processus n’était pas le poste au groupe et au niveau AS-03 qu’elle avait occupé de façon intérimaire dans le passé, mais un nouveau poste créé en juin 2015. Selon la plaignante, les expériences recherchées dans l’avis de nomination du poste affiché ressemblent pourtant aux tâches qu’elle a accomplies dans le passé.

[29] Le comité d’évaluation était constitué de Mme Comeau et de Mme McLean.

[30] Le comité a d’abord écarté sa candidature pour le motif qu’elle n’avait pas démontré qu’elle satisfaisait à trois des quatre expériences recherchées. Cependant, à la suite de sa plainte, le comité s’est ravisé et il a conclu qu’elle n’avait pas démontré qu’elle satisfaisait à une des quatre expériences recherchées, soit « Expérience de la prestation de services du matériel et de la passation de marchés ».

[31] Selon la plaignante, elle satisfaisait à tous les critères d’expérience. Il est inconcevable que le comité d’évaluation ait conclu qu’elle ne satisfaisait pas à tous les critères d’expérience puisqu’elle effectuait les tâches décrites dans ce poste depuis 12 ans. À l’audience, elle a souhaité démontrer quelles étaient les tâches qu’elle avait accomplies dans le passé, tant dans son poste de niveau AS-01 que lorsqu’elle occupait de façon intérimaires un poste de niveau AS-03.

[32] Elle a expliqué qu’elle était responsable de 16 centres de responsabilité budgétaire. Elle était chargée de la coordination des fonds et de la distribution des fonds, de la codification et de l’entrée de données dans les systèmes financiers.

[33] Elle a aussi déposé en preuve plusieurs documents afin de démontrer quelles étaient les tâches qu’elle effectuait dans son travail quotidien. J’ai décrit ci-dessous les documents qu’elle m’a présentés et qui ont été admis en preuve :

1) un exemple de note qu’elle a adressé aux gestionnaires de la direction pour leur rappeler la procédure à suivre à l’occasion de la fin de l’exercice financier 2012-2013;

2) des courriels échangés en décembre 2014 entre Mme Comeau à un gestionnaire au sujet d’un contrat - dans l’échange, Mme Comeau recommande au gestionnaire de s’adresser à la plaignante pour certaines questions puisqu’elle est l’experte sur la question;

3) des courriels échangés en janvier 2015 entre Mme Comeau et des gestionnaires au sujet de l’organisation de séances d’information et de formation aux gestionnaires au sujet des contrats - dans l’échange, Mme Comeau demande à la plaignante de l’aider à organiser ces séances;

4) des courriels échangés en octobre 2014 entre Mme Comeau et des gestionnaires qui mentionnent que la plaignante enverra les contrats de restauration aux Finances et procédera avec le paiement;

5) des courriels échangés en octobre 2012 entre Mme Comeau et la plaignante – dans l’échange, Mme Comeau demande à la plaignante de préparer un bon de commande pour un service professionnel de rédaction d’une description de travail;

6) un aide-mémoire en prévision de la fin de l’année financière 2010-2011.

 

[34] La plaignante a expliqué que les séances de formation au sujet des contrats notées au point 3 ci-dessus touchaient l’impact de la législation sur la passation de marchés publics. Aussi, les pouvoirs de signature pour les paiements qui sont délégués à des fonctionnaires étaient expliqués. Selon elle, cela démontre qu’elle était familière avec ces sujets.

[35] La plaignante a aussi expliqué que les échanges au sujet des contrats de restauration notés au point 4 ci-dessus démontrent qu’elle était familière avec les règles générales applicables au choix d’une méthode de passation de marchés.

[36] Elle estime que son élimination du processus pour le motif qu’elle ne satisfaisait pas aux critères d’expérience est le résultat d’une situation non seulement invraisemblable, mais également impossible.

[37] Selon elle, elle a plutôt été écartée du processus de dotation à cause du conflit qui existait entre elle et Mme Comeau. La plaignante a écrit dans ses allégations ce qui suit : « Il y avait conflit entre moi et Julie Comeau car je questionnais sa nomination au sein de notre groupe [sic] elle était avec nous, quand elle était supposée avoir été parmi les coupures. En plus de n’avoir aucune expérience en finances. »

[38] La plaignante est de l’avis qu’il était illogique qu’elle soit éliminée du processus pour la raison suivante :

[…]

J’aimerai porter votre attention sur le fait que je travaillais en lien direct avec ma gestionnaire Julie Comeau et dans la logique des choses elle ne pouvait aucunement rejeter sur ma plus grande expérience “la passation du marchés » contrats, carte d’achat etc. J’avais 9 cartes de crédits que détenais les adjointes administratives et je devais les superviser dans les codes financiers procédures, applications des signatures et je devais en faire le suivi, article 32 et 34 etc... Contrat, inventaire, fin d’année fiscal, rencontre avec […], Frais d’accueils, planification, […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[39] Sa consternation est résumée comme suit dans ses allégations :

[…]

Comment une gestionnaires qui travaille étroitement avec moi depuis des années à toutes les jours qui est assise à proximité de moi et avec qui je participe avec elle aux réunions des finances à qui je passe mes journées à lui donné de l’information peut dire que je n’ai aucune expérience, aucune connaissance, aucune habiletés, aucune qualités personnelles. […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[40] La plaignante a aussi souhaité faire entendre plusieurs témoins à l’audience. Ces derniers ont tous affirmé que la plaignante s’occupait des finances pour leur équipe.

[41] M. Meloche a expliqué qu’il avait occupé un poste de spécialiste en multimédia de 2003 à 2014. Pendant ces années, il a travaillé avec la plaignante dans le groupe de la Gestion des ressources. Il a confirmé que la fonctionnaire s’occupait des finances. Quant à lui, il s’occupait de la production et de la conception multimédia pour tous les projets de publication. Il donnait à la plaignante certaines factures. Elle réglait des factures d’un montant inférieur à 5 000 $, étant donné son rôle d’agente financière. Il a remarqué au cours des années qu’elle assistait les gestionnaires avec la gestion de leur budget. Par exemple, elle a assisté Mme McLean avec la gestion de son budget. Cette dernière gérait l’une des cinq équipes dans la Direction du transport des marchandises dangereuses. Il a expliqué qu’à l’occasion, Mme McLean demandait à la plaignante le solde restant de son budget.

[42] M. Lamarche, quant à lui, était un des gestionnaires dans la Direction du transport des marchandises dangereuses. De 2004 à 2014, la plaignante l’a assisté dans la gestion de ses budgets. Il a expliqué qu’il bénéficiait de l’aide de la plaignante dans le cadre de ses opérations budgétaires de l’exercice en dépenses. La plaignante appliquait les procédures financières appropriées.

[43] Mme Lalonde, pour sa part, a expliqué qu’elle avait assisté la plaignante pendant une année, en 2010, dans ses tâches financières. Mme Lalonde occupait un poste AS-01. Elle s’est souvenu que la plaignante lui avait montré comment administrer des réclamations de voyages et des cartes de crédit. Elle lui avait aussi montré comment fonctionnait le logiciel Oracle à des fins de gestion budgétaire.

[44] Mme Comeau, pour sa part, a expliqué à l’audience quelles étaient ses tâches en 2015 en tant que gestionnaire de l’équipe de la Gestion des ressources. Elle gérait les ressources humaines et financières pour la Direction du transport des marchandises dangereuses sous la Direction du service corporatif, qui regroupe des services administratifs et des services financiers.

[45] Elle a affirmé qu’en janvier 2015, lors d’une rencontre avec son équipe, elle a informé ses quatre subordonnées qu’un processus de dotation serait lancé prochainement en vue de doter un poste d’agent des finances et de l’administration (AS-03) au sein de la Direction du transport des marchandises dangereuses dans la région de la capitale nationale. Elle a invité ses quatre subordonnées à présenter leur candidature.

[46] L’intimé a par la suite lancé le processus de nomination interne et la date de clôture du concours était le 4 mai 2015.

[47] Un total de 14 candidats ont soumis leur candidature dans le cadre de ce processus de nomination. Parmi les candidats retenus, trois se sont qualifiés dans le bassin à des fins de nomination.

[48] La plaignante a soumis sa candidature pour le poste d’agent des finances et de l’administration (AS-03), mais sa candidature a été éliminée à l’étape de la présélection.

[49] Tel que mentionné précédemment, le comité d’évaluation pour ce processus de dotation était constitué de Mme Comeau et Mme McLean. Mme Comeau était la gestionnaire responsable du processus et Mme McLean l’appuyait dans son rôle.

[50] Mme Comeau a expliqué qu’elle connait la plaignante depuis 2012. À ce moment, les deux étaient collègues. Par la suite, Mme Comeau a été nommée gestionnaire de l’équipe. Elle n’a pas constaté l’existence d’un conflit entre elle et la plaignante. Elles ont eu un certain nombre de points de désaccord dans des dossiers à l’occasion.

[51] Lorsque Mme Comeau a effectué l’évaluation du rendement de la plaignante avant son départ en congé de maladie, elle a noté certaines erreurs et omissions dans son travail, en plus de ses accomplissements. Ces observations ont été reflétées dans l’évaluation et la plaignante n’a pas bien reçu l’évaluation. Toutefois, Mme Comeau n’a toujours pas constaté l’existence d’un conflit entre elles. La relation se présentait comme une relation gestionnaire–subordonné régulière. Elles se connaissaient depuis six ans et leur relation était cordiale.

[52] Mme McLean a aussi précisé que le comité d’évaluation était constitué de deux personnes (Mme Comeau et elle-même) afin de promouvoir la transparence et l’impartialité dans le processus. En particulier, étant donné le récent désaccord de la plaignante face à son évaluation du rendement complétée par Mme Comeau, le comité avait estimé qu’il était préférable que Mme McLean s’occupe de l’évaluation de la candidature de la plaignante. Selon cette dernière, le désaccord entre Mme Comeau et la plaignante n’avait pas débouché sur un conflit. Le fait que ce soit elle qui évalue en premier la candidature de la plaignante n’était qu’une mesure de prévention pour maintenir le processus transparent et impartial.

[53] C’est donc Mme McLean qui a évalué la première le curriculum vitae et les réponses de la plaignante concernant les critères de sélection. Mme McLean a expliqué que les candidats avaient reçu l’instruction de fournir des exemples concrets de leur expérience pour chacune des expériences demandées.

[54] En évaluant la candidature de la plaignante, c’est-à-dire le curriculum vitae et les réponses de la plaignante aux critères de sélection, Mme McLean a conclu, initialement, que cette dernière n’avait pas démontré dans la présentation de sa candidature qu’elle satisfaisait aux expériences 2, 3 et 4 recherchées. Ces expériences étaient les suivantes :

EX2 : Expérience de la coordination des services des ressources financières, incluant la préparation de rapports financiers et la planification financière.

EX3 : Expérience de la prestation de service de gestion du matériel et de la passation de marchés.

EX4 : Expérience à utiliser Excel et le système de masse salariale (SMS).

 

[55] Mme McLean a rempli une grille de correction avec des annotations à cet effet. Par exemple, à côté de la qualification essentielle EX3 « Expérience de la prestation de service de gestion du matériel et de la passation de marchés », Mme McLean a inscrit ce qui suit : « parle des bonnes pratiques de gestion du matériel et non de son expérience de la prestation de services de gestion du matériel ».

[56] Après avoir évalué la candidature de la plaignante, Mme McLean a fait suivre son évaluation à Mme Comeau. Cette dernière a pris connaissance de chacun des commentaires de Mme McLean contenus dans la grille de correction. Elle a révisé les résultats à des fins de validation. Étant d’accord avec l’évaluation, elle a apposé sa signature sur le document.

[57] Le 13 mai 2015, la plaignante a été informée par les Ressources humaines que sa candidature au processus n’avait pas été retenue puisqu’elle n’avait pas démontré trois des quatre expériences recherchées. Il s’agissait des expériences 2, 3 et 4.

[58] La plaignante a, à ce moment, demandé une discussion informelle avec les Ressources humaines. À deux reprises, une discussion était prévue. Finalement, le 28 mai 2015, la plaignante s’est dit non intéressée à participer à une telle discussion.

[59] Le 22 juillet 2015, une notification de nomination ou de proposition de nomination a été publiée pour la personne nommée. Le 27 juillet 2015, la plaignante a présenté sa plainte.

[60] En septembre 2015, étant donné qu’aucune discussion informelle n’avait eu lieu, le comité d’évaluation a estimé qu’il était opportun de réexaminer ses conclusions. Mme McLean a expliqué que son avis était que, si une discussion informelle avait été tenue, le comité aurait révisé ses conclusions et en cas d’erreur, aurait pu corriger la situation. Or, étant donné qu’il n’y avait pas eu de discussion informelle, le comité a pris l’initiative de revoir ses conclusions pour montrer son ouverture d’esprit. Le comité est arrivé à une nouvelle conclusion, soit qu’il pouvait conclure que la plaignante avait démontré qu’elle satisfaisait à trois des quatre expériences recherchées. Toutefois, il lui était impossible de conclure qu’elle avait satisfait à l’expérience de la prestation de service de gestion du matériel et de la passation de marchés. Sa réponse aux critères de sélection ne contenait aucun exemple de son expérience.

[61] Mme Comeau a aussi expliqué qu’étant donné qu’il n’y avait pas eu de discussion informelle entre les parties, Mme McLean et elle-même avaient choisi, d’un commun accord, de réviser la candidature de la plaignante. En relisant attentivement les réponses de la plaignante aux critères de sélection et son curriculum vitae, elles ont estimé qu’il était possible de conclure que la plaignante satisfaisait aux expériences 2 et 4. Toutefois, en relisant attentivement sa réponse pour l’expérience 3 et son curriculum vitae, elles ne pouvaient pas conclure qu’elle satisfaisait à cette expérience. Sa réponse ne contenait aucun exemple de son expérience.

[62] Le 18 septembre 2015, un représentant des Ressources humaines a donc communiqué avec la plaignante afin de l’informer que le comité d’évaluation avait effectué une révision de sa demande d’emploi et qu’il avait conclu qu’elle n’avait pas démontré qu’elle possédait l’expérience EX3 « Expérience de la prestation de service de gestion du matériel et de la passation de marchés ».

[63] Mme McLean et Mme Comeau ne se souvenaient pas à l’audience si les pages 7 à 9 de la lettre de candidature de la plaignante étaient dans la lettre de candidature qu’elles ont évaluée et révisée. Toutefois, les deux ont été en mesure de clarifier que les informations additionnelles contenues dans ces pages ne contiennent pas d’exemples concrets de l’expérience de la plaignante en relation avec la qualification essentielle EX3 « Expérience de la prestation de service de gestion du matériel et de la passation de marchés ». La seule information fournie par la plaignante en relation avec cette expérience est un extrait d’une procédure. Cet extrait énumère une liste d’étapes à suivre sans préciser d’où est tiré cette information. Il est possible que l’information soit tirée des politiques en matière d’approvisionnement du Secrétariat du Conseil du Trésor.

[64] Mme Comeau n’était pas au courant, à l’audience, de l’existence d’un grief ou d’une plainte faite par la plaignante contre elle.

IV. Analyse

[65] L’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13) (« LEFP ») précise qu’un candidat non reçu dans le cas d’un processus de nomination interne annoncé peut présenter une plainte à la Commission selon laquelle il n’a pas été nommé ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir.

[66] L’« abus de pouvoir » n’est pas défini dans la LEFP. Toutefois, le par. 2(4) prévoit ce qui suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel [le passage en évidence l’est dans l’original] ». Comme il est indiqué dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8 (« Tibbs »), l’abus de pouvoir peut aussi comprendre une conduite irrégulière ou des omissions importantes. Dans une plainte concernant un abus de pouvoir, le fardeau de la preuve repose sur le plaignant (voir Tibbs, aux paragraphes 48 à 55).

A. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’évaluation de la plaignante et une partialité à son détriment à cause d’un conflit entre elle et la personne qui l’a évaluée?

[67] La plainte a été déposée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, qui renvoie au par. 30(2). Ces dispositions sont rédigées comme suit :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

30 (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

b) la Commission prend en compte :

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

 

[68] Je note qu’il ne m’appartient pas, en qualité de formation de la Commission, de réévaluer les qualifications des candidats. Mon rôle consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le cadre du processus de nomination, par exemple lors de l’évaluation menée par le comité d’évaluation (voir, par exemple, Boutzouvis c. le directeur du Service des poursuites pénales du Canada, 2012 TDFP 25, au par. 27).

[69] La plaignante a fait valoir que l’intimé a abusé de son pouvoir en éliminant sa candidature du processus de nomination interne annoncé. Sa candidature a été éliminée au motif qu’elle ne possédait pas une qualification essentielle requise. La plaignante travaillait pour l’organisation de l’intimé depuis plus de 12 ans dans des postes analogues à celui qui a été doté.

[70] Selon la plaignante, Mme Comeau, qui était sa gestionnaire et qui présidait le comité d’évaluation, savait parfaitement qu’elle satisfaisait à toutes les qualifications nécessaires. Or, selon elle, c’est de façon rigide et mécanique que Mme Comeau n’a pas reconnu qu’elle possédait ces qualifications.

[71] La plaignante a porté à mon attention la décision Payne c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2013 TDFP 15 (« Payne »). Elle a fait valoir que le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) avait jugé qu’un abus de pouvoir avait été commis dans des circonstances similaires dans cette affaire. L’intimé avait éliminé la candidature du plaignant au motif que celui-ci n’avait pas fourni la preuve qu’il possédait une qualification essentielle relative à la certification qui était requise pour le poste. Le plaignant travaillait pour l’organisation de l’intimé depuis plus de 30 ans. Pendant cette période, c’est l’intimé qui avait donné au plaignant la formation nécessaire pour ce métier et qui lui avait accordé la qualification. L’intimé n’avait cependant jamais remis de certificat officiel au plaignant. Ce dernier n’avait donc pas fourni avec sa demande d’emploi de document démontrant qu’il était qualifié pour accomplir les tâches liées à la qualification essentielle visée.

[72] Dans Payne, le Tribunal a constaté qu’un membre du comité d’évaluation savait parfaitement que le plaignant possédait la qualification voulue. L’intimé n’avait toutefois pas utilisé cette information, car il avait adopté une ligne directrice selon laquelle les membres du comité d’évaluation ne devaient pas tenir compte de leur connaissance personnelle des candidats.

[73] Le Tribunal, dans cette affaire, a conclu que l’intimé avait appliqué cette ligne directrice de façon rigide et mécanique, refusant ainsi d’admettre que le plaignant possédait la qualification voulue, fait qui était pertinent. En conséquence, le Tribunal a conclu que l’intimé avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et avait abusé de son pouvoir.

[74] De plus, la plaignante a fait valoir que l’intimé avait le devoir de corriger son erreur même si elle n’a pas souhaité participer à une discussion informelle. Elle a soutenu que les discussions informelles assurent la souplesse dans les processus de dotation. Par exemple, il est possible qu’une personne ait été éliminée à tort. Alors, selon elle, l’intimé se devait de reconsidérer sa candidature et de rectifier la situation. Selon elle, en écartant sa candidature, l’intimé n’a pas suivi les règles.

[75] Enfin, selon la plaignante, sa demande d’emploi démontrait clairement et nettement ses capacités, ses compétences et son expérience.

[76] L’intimé, quant à lui, a fait valoir que Mme McLean avait complété l’évaluation de la présélection pour assurer le caractère neutre et impartial de celle-ci. Mme McLean n’était pas la gestionnaire de la plaignante tandis que Mme Comeau l’était. Mme Comeau a ensuite revu les résultats pour validation avant que ceux-ci ne soient envoyés aux candidats.

[77] L’intimé a fait valoir que tous les candidats avaient été évalués selon les mêmes outils d’évaluation. Les candidats devaient démontrer, dans le cadre du processus d’évaluation, qu’ils possédaient les qualifications essentielles liées au poste. L’intimé a fait valoir qu’il s’agissait d’une méthode d’évaluation courante qui permettait d’évaluer les études et l’expérience. Selon cette méthode, le comité d’évaluation évalue l’information fournie dans les demandes d’emploi, c’est-à-dire le curriculum vitae et les réponses aux critères de sélection.

[78] L’intimé a fait valoir que l’annonce d’emploi informait spécifiquement les candidats du fait qu’ils devaient fournir des exemples concrets afin de démontrer comment ils satisfaisaient aux critères. L’annonce d’emploi énonçait ce qui suit :

[…]

7) Le(la) candidat(e) doit démontrer clairement comment il(elle) répond aux qualifications essentielles liées aux études, à l’accréditation professionnelle et à l’expérience énumérés [sic] dans l’énoncé des critères de mérite, ainsi que les qualifications constituant un atout (le cas échéant), avec l’aide d’exemples concrets et détaillés dans leurs curriculums vitae et réponses aux questions de sélection. Ne pas donner suffisamment de renseignements pourrait entraîner l’élimination de votre candidature à la présélection. L’organisation communiquera uniquement avec les candidats et candidates aillant [sic] été retenus à la présélection.

[…]

 

[79] L’intimé a souligné que la plaignante avait fourni l’information suivante afin de démontrer qu’elle satisfaisait à la 3e expérience demandée, soit « Expérience de la prestation de service de gestion du matériel et de la passation de marchés » :

EX 03 Expérience politique du trésor (passation du marché)

Contrat de Service -Contrat de bien, contrat à source unique, Merx, aide temporaire etc

Le Conseil du trésor établit les politiques d’approvisionnement pour l’ensemble du gouvernement. II met les limites relatives aux pouvoirs d’approbation des ministres et approuve les contrats et les projets d’une valeur supérieure à ces limites. Et surveille l’ensemble du gouvernement.

Préparation de contrat que cela soit pour des contrats ou des offres à commande.

Offre à commande : respecter la limite sur l’offre à commande.

Certains contrats doivent être affichés sur MERX pour des soumissions 40 jours

Contrat de biens à source unique :

Pour chaque contrat il faut remplir un formulaire 9200 et incorporer les informations et coordonnées nécessaires pour les justifications à la préparation du contrat.

Identifier les besoins du département en incluant les termes et références

1-Historique

2-Objectif-but

3-Demande de préposition

4-Détails du projet-contact, période, facturation, inspection, assurance

Annexer les critères d’évaluation (avec pointage)

Les critères obligatoires (doit rencontrer pour présélection ).

Sommaire des services à rendre (doit être dans les deux langues pour être affiché sur MERX)

Ceci est une partie des contrats que nous utilisons, maintenant avec les changements

Contrat de service

Remplir la demande ( 9200) Information nécessaire

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Code financier

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Détail du service qui est demande

 

Une fois rempli, il est envoyé à l’agent de contrat qui une fois qu’il l’aura vérifié, demande les documents appropries.

Justification

Soul source

Terme de Référence

Signature du gestionnaire responsable (vérification du budget)

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[80] Or, le comité d’évaluation a conclu que la plaignante n’avait présenté aucun exemple concret et détaillé ni dans sa réponse ni dans son curriculum vitae pour démontrer clairement comment elle satisfait à cette qualification essentielle.

[81] Il a souligné que lorsqu’il a demandé à la plaignante à l’audience d’où venaient les informations dans sa réponse citée ci-dessus qu’elle a fournie pour démontrer son expérience, elle a répondu de la Loi sur la gestion des finances publiques et des politiques applicables. Or, il ne s’agit pas d’exemples concrets et détaillés d’une expérience. Il s’agit d’une reproduction d’éléments d’une loi et de politiques.

[82] Mme McLean a affirmé que les pages 7, 8 et 9 de la version de la lettre de candidature de la plaignante qu’elle avait déposée en preuve à l’audience n’avaient peut-être pas été reçues par le comité d’évaluation. Le dossier de la plaignante contient une lettre de candidature comportant 6 pages. Malgré tout, Mme McLean a affirmé que le comité d’évaluation maintenait sa conclusion que la plaignante n’avait pas démontré dans sa lettre de candidature (celle qui comporte 6 pages ou celle qui comporte 9 pages) qu’elle satisfaisait à la 3e expérience demandée.

[83] L’intimé a porté à mon attention le paragraphe 54 de Henry c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 10 (« Henry »). Ce paragraphe se lit comme suit :

[54] Les candidats ne doivent pas supposer que les comités d’évaluation effectueront un suivi auprès d’eux afin de s’assurer qu’ils ont indiqué tous les éléments requis pour satisfaire aux critères relatifs aux qualifications essentielles. En l’espèce, le comité d’évaluation n’était aucunement tenu de le faire. De la même façon, si la demande d’un candidat est incomplète, ce dernier ne doit pas supposer que le comité d’évaluation se fondera sur sa connaissance personnelle du candidat pour accepter sa candidature à l’étape de la présélection. Un comité d’évaluation peut éliminer la candidature d’un postulant qui ne possède pas les qualifications essentielles. À cet égard, voir Neil c. le Sousministre dEnvironnement Canada et al., [2008] TDFP 0004.

 

[84] L’intimé a également porté à mon attention les paragraphes 39 à 41 de Warford c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2016 CRTEFP 56. Ces paragraphes se lisent comme suit :

[39] Comme le Tribunal l’a conclu dans Edwards c. le sous ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 10, aux paragr. 33 à 48, il incombe aux candidats de démontrer dans leur demande qu’ils satisfont à tous les critères essentiels, surtout l’annonce de possibilité d’emploi l’exige. Un comité d’évaluation n’est pas obligé de supposer que le candidat possède de telles qualifications s’il a été dit spécifiquement aux candidats qu’ils devaient clairement le démontrer dans leur demande.

[40] Malgré mes préoccupations quant à la décision de l’intimé d’ignorer le fait que Mmes Gosse et Warford avaient suivi la formation de formateur au E&R lorsqu’il a établi les critères liés au programme d’E&R, à mon avis, il ne s’agit pas d’un abus de pouvoir.

[41] En réalité, plutôt que de constituer un abus de pouvoir, la décision du comité d’évaluation de ne pas se fonder sur sa connaissance personnelle de certaines candidates s’est traduite par un traitement équitable de tous les candidats. Mme Bonia n’avait pas travaillé sous la supervision de Mme Lunen, qui siégeait au comité d’évaluation, pas plus qu’elle n’avait travaillé avec elle. Si les autres candidates avaient bénéficié de la connaissance personnelle et subjective des membres du comité de présélection au sujet de leur expérience de travail, cela aurait été inéquitable envers Mme Bonia.

 

[85] L’intimé a fait valoir que la LEFP prévoit qu’une nomination n’est pas un droit acquis et ne repose pas sur l’ancienneté, mais bien sur les qualifications requises pour le poste et les besoins de l’organisation.

[86] En réponse à l’allégation de la plaignante que le comité d’évaluation l’a exclue du processus à cause de l’existence d’un conflit entre elle et Mme Comeau, l’intimé a fait valoir que, contrairement aux déclarations de la plaignante, Mme Comeau n’était pas la première responsable de l’évaluation à l’étape de la présélection. Elle n’a que validé l’évaluation à la suite de l’évaluation faite par Mme McLean.

[87] Au sujet du conflit allégué entre la plaignante et Mme Comeau, l’intimé a fait valoir que, dans Jacobson c. le président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 2009 TDFP 19, le Tribunal a conclu au paragraphe 54 ce qui suit : « Ce n’est pas le rôle du Tribunal de déterminer l’existence de harcèlement dans le milieu de travail. » Le Tribunal précisait aussi ce qui suit : « Le Tribunal doit déterminer si les éléments de preuve établissent qu’au moins un délégué a agi de mauvaise foi en n’exerçant pas son pouvoir conformément au paragraphe 30(2) de la LEFP, à savoir de façon impartiale. »

[88] L’intimé a fait valoir que, dans Gignac c. le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 10, le Tribunal a énoncé ce qui suit au paragraphe 74 :

[74] […] Lorsqu’il y a allégation de partialité, le critère suivant pourra être appliqué à son analyse en tenant compte des circonstances l’entourant : Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’une ou plusieurs personnes chargées de l’évaluation, le Tribunal pourra conclure qu’il y a abus de pouvoir.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[89] Il a ajouté qu’il incombe à la plaignante de faire la preuve de la partialité ou de la crainte raisonnable de partialité. Par exemple, le paragraphe 96 de Bizimana c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2014 TDFP 3, énonce ce qui suit :

96 Il incombe à la personne qui affirme qu’il y a partialité ou crainte raisonnable de partialité d’en faire la preuve. La partialité ou la crainte de partialité doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente; il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité (voir la décision Denny, para. 124).

 

[90] L’intimé a fait valoir que bien que la plaignante allègue qu’un conflit existait entre Mme Comeau et elle-même, cette dernière n’a présenté aucune preuve d’un tel conflit. Mme Comeau, de son côté, a décrit sa relation avec la plaignante comme une relation gestionnaire–subordonné régulière. Elles se connaissaient depuis 6 ans et jamais Mme Comeau n’avait constaté un conflit entre elles; leur relation était cordiale.

[91] L’intimé a ajouté que Saunders c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2014 TDFP 13 (« Saunders »), énonce au paragraphe 39 que le fait de présenter un grief ou une plainte est insuffisant en soi pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part d’un membre de l’équipe de direction.

[92] En premier lieu, je conclus que bien que la plaignante se juge qualifiée pour le poste et estime que ce dernier lui revient de droit, la LEFP est claire sur le caractère objectif et impartial des processus de nomination. Les personnes nommées doivent avoir démontré qu’elles satisfont aux exigences du poste et répondent le mieux aux besoins de l’organisation.

[93] Dans le présent cas, l’intimé a choisi les critères d’évaluation énoncés dans l’annonce de possibilité d’emploi pour le poste et il a communiqué des instructions spécifiques aux candidats. Ces derniers devaient fournir des exemples concrets et détaillés dans leurs réponses aux critères de sélection afin de démontrer clairement comment ils satisfaisaient aux qualifications essentielles liées aux expériences recherchées.

[94] Toutefois, la plaignante n’a pas fourni des exemples concrets et détaillés dans ses réponses pour l’expérience 3 afin de démontrer clairement comment elle satisfaisait à cette expérience. Dans sa réponse pour l’expérience 3, elle énonce des connaissances théoriques au sujet de la passation de marchés. Elle n’explique pas de quelle façon son expérience acquise ou son travail effectué dans le passé est pertinent, par exemple, en répondant aux questions Quoi, Qui, , Quand, Comment et Pourquoi son expérience est pertinente.

[95] Comme le Tribunal l’a constaté dans Henry, les candidats ne doivent pas supposer que les comités d’évaluation effectueront un suivi auprès d’eux afin de s’assurer qu’ils ont indiqué tous les éléments requis pour satisfaire aux critères relatifs aux qualifications essentielles.

[96] Dans le présent cas, l’intimé a veillé à ce que tous les candidats soient évalués sur un même pied d’égalité. Ainsi, même si les membres du comité d’évaluation qui ont rejeté la candidature de la plaignante avaient une connaissance de ses expériences, seule l’information fournie dans sa lettre de candidature et son curriculum vitae a été considérée pour la présélection. Cette façon de procéder ne constitue pas un abus de pouvoir.

[97] En somme, je conclus que la lettre de candidature de la plaignante était incomplète. La décision du comité d’évaluation de ne pas se fonder sur sa connaissance personnelle de la candidate pour accepter sa candidature à l’étape de la présélection s’est traduite par un traitement équitable de tous les candidats. La décision du comité d’évaluation de ne pas se fonder sur sa connaissance personnelle de la candidate pour accepter sa candidature à l’étape de la reconsidération de sa décision en septembre 2015 s’est aussi traduite par un traitement équitable de tous les candidats. Si la plaignante avait bénéficié de la connaissance personnelle et subjective des membres du comité d’évaluation au sujet de son expérience de travail, cela aurait été inéquitable envers les autres candidats. Ici, la candidature de la plaignante a été considérée au même titre que celle de tous les autres candidats.

[98] Je conclus donc que la plaignante a été évaluée équitablement en fonction des critères établis.

[99] En deuxième lieu, après avoir examiné les témoignages et les documents soumis par les parties, je conclus que rien dans la preuve n’indique que le comité d’évaluation a fait preuve de partialité. Par conséquent, je dois déterminer si la preuve suffit pour appuyer l’allégation de la plaignante relative à la crainte raisonnable de partialité.

[100] Dans Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, aux paragraphes 124, le Tribunal confirme ce qui suit : « Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Il ne suffit pas de soupçonner ou de supposer qu’il y ait eu partialité : celle-ci doit être réelle, probable ou raisonnablement évidente. […] »

[101] Dans Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada), 2016 CRTEFP 33, au par. 26, le critère à appliquer a été énoncé comme suit :

[26] Compte tenu de l’historique de la terminologie, je crois que le critère peut être reformulé comme suit : si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir la partialité chez une ou plusieurs des personnes responsables de l’évaluation, la Commission peut conclure à l’existence d’un abus de pouvoir.

 

[102] Si j’applique ce critère aux circonstances du présent cas, je conclus qu’un observateur relativement bien renseigné ne percevrait pas raisonnablement de la partialité de la part des membres du comité d’évaluation qui ont évalué la plaignante.

[103] Mon raisonnement s’explique comme suit. La plaignante est de l’avis que les membres du comité d’évaluation ont éliminé sa candidature parce qu’un conflit de travail existait entre elle et Mme Comeau. Cette dernière aurait eu une opinion négative à son égard à cause de ce conflit. La plaignante a aussi ajouté qu’elle a déposé un grief contre Mme Comeau. Toutefois, ce grief a été perdu. Mme Comeau n’était pas au courant, quant à elle, de l’existence d’une plainte ou d’un grief déposé contre elle.

[104] Dans Saunders, le Tribunal a rejeté l’argument selon lequel le simple fait que la plaignante avait présenté des griefs et des plaintes contre la [traduction] « direction » faisait en sorte que ses références étaient partiales puisqu’elles faisaient partie de la direction. De façon similaire, le simple fait que la plaignante a tenté de déposer un grief contre Mme Comeau n’est pas une preuve que Mme Comeau, et de même Mme McLean, ont rejeté sa candidature pour ce motif. D’une part, Mme Comeau n’était pas au courant qu’elle avait été temporairement visée par une plainte ou un grief, et elle ne percevait pas un conflit entre elle-même et la plaignante. D’autre part, Mme McLean n’était pas en conflit non plus avec la plaignante, et elle n’a jamais été visée par une plainte ou un grief de la plaignante.

[105] Selon moi, un observateur relativement bien renseigné ne pourrait ici raisonnablement percevoir de la partialité chez Mme Comeau ou chez Mme McLean pour ces raisons. La preuve démontre aussi que la méthode d’évaluation des réponses de la plaignante aux critères de sélection était objective et que le processus était équitable.

[106] Dans l’ensemble, la preuve indique que la candidature de la plaignante n’a pas été retenue parce que la plaignante n’a pas fourni d’exemples concrets de son expérience de travail dans le domaine de la prestation de services du matériel et de la passation de marchés. Le fait que Mme Comeau ait évalué le rendement au travail de la plaignante dans le passé et qu’elle ait noté des aspects de son travail à améliorer ne constitue pas une preuve de partialité de la part de la gestionnaire; il s’agit plutôt de responsabilités clés des gestionnaires dans le cadre du processus d’évaluation du rendement des employés.

[107] Je conclus donc qu’il n’a pas été établi qu’il y a eu un abus de pouvoir dans l’évaluation de la plaignante et une partialité à son détriment à cause d’un conflit entre elle et la personne qui l’a évaluée.

B. Y a-t-il eu abus de pouvoir pour le motif que la personne qui a évalué la plaignante n’avait pas les compétences nécessaires pour le faire?

[108] La plaignante a écrit ce qui suit dans l’une des pièces jointes à son cahier de document :

[…] Donna Mclean a complété l’évaluation, une personne qui ne connaissait rien aux finances, j’ai travaillé avec elle pendant 10 ans à faire son budget et la rencontre a tous les mois. Elle ne voulait rien savoir du budget tant et aussi longtemps que je transférais de l’argent pour la formation de son équipe et ceux qui venais de l’extérieur, ou pour les voyages, ou pour c’est contrat […] comment a-t-elle pu faire l’évaluation sur des compétences qu’elle n’a pas, et de dire que ce n’est personne qu’elle ne connaissait pas avec les expériences, ou qualité requise ou autres? […]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[109] La plaignante a aussi suggéré à l’audience que les membres d’un comité d’évaluation doivent avoir accompli les tâches ou les fonctions du poste à doter pour bien connaitre les fonctions de ce poste.

[110] Mme McLean a expliqué qu’en 2015, elle était responsable de la formation des inspecteurs et elle gérait une équipe de trois personnes dans la direction générale du transport des marchandises dangereuses. Elle a expliqué qu’en tant que gestionnaire désignée depuis 2004, elle a reçu de la formation en dotation et elle est familière avec les règles associées à la dotation dans la fonction publique. De plus, elle a témoigné qu’elle connaissait suffisamment le travail associé au poste d’agent des finances et de l’administration (AS-03) au sein de la Direction du transport des marchandises dangereuses pour évaluer les candidats à cet égard. Elle exerce des fonctions de gestion dans cette direction et comprend les activités commerciales de la direction.

[111] En ce qui concerne Mme Comeau, cette dernière était, de 2009 à 2012, gestionnaire de la dotation collective à TC. Dans ce rôle, elle s’occupait de la dotation de postes d’entrée. Un nombre entre 1 000 et 1 500 candidats ont été recrutés par ces processus. À cette époque, elle a corrigé de nombreux examens, conduit un grand nombre d’entrevues et vérifié des références. Lors du présent processus de dotation, Mme Comeau était gestionnaire de l’équipe Gestion des ressources et connaissait bien le travail associé au poste d’agent des finances et de l’administration (AS-03). Elle comprenait les activités commerciales de son équipe en raison de ses fonctions de gestionnaire.

[112] La plaignante n’a fait référence à aucun règlement ni à aucune politique pour appuyer son allégation selon laquelle les membres d’un comité d’évaluation doivent avoir accompli les tâches ou les fonctions du poste à doter pour bien connaitre les fonctions du poste.

[113] L’intimé a fait valoir que les membres du comité d’évaluation connaissaient bien le travail lié au poste à doter. Tel qu’il a été établi dans Sampert c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 9, au par. 54, les membres du comité d’évaluation doivent bien connaître les fonctions du poste à doter.

[114] J’ai considéré la preuve et les arguments présentés par les parties. La plaignante a simplement affirmé que Mme McLean n’avait pas les compétences pour l’évaluer. Toutefois, je note qu’il n’est pas nécessaire qu’une personne ait accompli les tâches ou les fonctions du poste à doter pour avoir les compétences nécessaires. Ce qui importe c’est que la personne connaisse bien les fonctions et responsabilités du poste.

[115] En l’espèce, la plaignante ne m’a fourni aucun élément de preuve convaincant qui démontre que le comité d’évaluation, tel qu’il était constitué, ne connaissait pas bien les fonctions et responsabilités du poste à doter ou qu’il avait agi de façon irrégulière. Or, il incombait à la plaignante de prouver qu’il y a eu abus de pouvoir.

[116] Je conclus donc que la plaignante n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que Mme McLean, ou Mme Comeau, n’avaient pas les compétences nécessaires pour siéger au comité d’évaluation. Par conséquent, l’allégation d’abus de pouvoir ne peut pas être considérée comme fondée.

[117] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[118] La plainte est rejetée.

Le 17 août 2021.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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