Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que l’intimé avait abusé de son pouvoir lors du processus de nomination pour le poste de chef d’équipe (PM-03) – elle a allégué abus de pouvoir lors de l’évaluation de la compétence « Valeurs et étique » dans son cas, et plus spécifiquement lors de l’utilisation des références pour évaluer cette compétence – le comité de sélection avait reçu deux références qui se contredisaient – étant donné la contradiction, le comité de sélection avait demandé à la superviseure immédiate de la plaignante de fournir une référence – cette dernière fut négative – la plaignante était très surprise de recevoir des références négatives de ses superviseurs – lors de la discussion informelle, la plaignante avait discuté de ses préoccupation avec deux membres du comité de sélection et elle leur avait dit que ses évaluations du rendement ne contenaient pas de commentaires négatifs – le comité de sélection lui avait dit qu’il ne consultait pas les évaluations du rendement des candidats – de plus, elle leur avait dit qu’une partie des commentaires de son ancien superviseur ne concernait pas la période où il la supervisait – la Commission a indiqué qu’elle devait déterminer si l’intimé avait abusé de son pouvoir quand il a choisi de ne pas tenir compte des éléments soulevés par la plaignante lors de la discussion informelle – selon la preuve présentée à l’audience, la Commission a conclu que le comité de sélection n’avait pas évalué correctement la compétence « Valeurs et éthique » – il aurait au moins dû essayer d’aller plus loin dans son évaluation de cette compétence dans le cas de la plaignante après que cette dernière ait soulevé plusieurs préoccupations lors de la discussion informelle – la Commission a donc conclu que l’intimé avait abusé de son pouvoir lors de l’évaluation de la plaignante – la preuve a démontré que le comité de sélection n’avait pas été diligent lors de l’évaluation des références de la plaignante – le comité de sélection avait basé son évaluation sur des renseignements insuffisants et il avait fait abstraction d’éléments importants soulevés par la plaignante – de plus, l’intimé avait refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire – comme mesure corrective, la Commission a émis une déclaration d’abus de pouvoir.

Plainte accueillie.

Contenu de la décision

Date: 20210714

Dossier: EMP-2017-11058

 

Référence: 2021 CRTESPF 82

 

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction

publique

Armoiries

 

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

 

JULIE BAZINET

plaignante

 

et

 

SOUS-MINISTRE DE L’EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL

 

intimé

 

Répertorié

Bazinet c. Sous-ministre de l’Emploi et du Développement social

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir déposée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Renaud Paquet, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour l’intimé : Marc Séguin, avocat

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras

Affaire entendue par vidéoconférence

les 3 et 4 juin 2021.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 9 mars 2017, Julie Bazinet (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) alléguant que le sous-ministre de l’Emploi et du Développement social (l’« intimé ») avait abusé de son pouvoir au sens de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP lors du processus de sélection interne portant le numéro 2015-CSD-IA-QUE-23739.

[2] Le processus de sélection visait à solliciter des candidatures pour des postes de chef d’équipe au groupe et au niveau PM-03 à la Direction générale des services de versement de prestations à Boucherville et à Longueuil. À compter du 14 mars 2016 et jusqu’à la fin du processus de sélection, la plaignante occupait de façon intérimaire un tel poste de chef d’équipe. Son poste d’attache était de groupe et niveau PM-02 dans un bureau de l’intimé à Longueuil.

[3] En utilisant les résultats de ce processus de sélection, l’intimé a entre autres prolongé la nomination intérimaire d’un employé déjà en poste, ce qui a donné lieu à la plainte. D’autres nominations furent aussi faites à partir du même processus.

[4] Le processus de sélection comprenait l’évaluation des qualifications essentielles suivantes :

Bilingue impératif BBB/BBB;

 

Diplôme d’études secondaires ou une équivalence;

 

Expérience récente et appréciable de la prestation de services à la clientèle notamment en obtention et en communication de renseignements qui nécessitent des explications ou des éclaircissements;

 

Expérience récente et appréciable de l’interprétation ou de l’application des politiques, des procédures ou de la législation à la fonction publique fédérale;

 

Compétences : 1) communication orale; 2) communication écrite; 3) engagement; 4) valeurs et éthique; 5) réflexion stratégique; 6) excellence en gestion; 7) excellence du service à la clientèle.

 

[5] La plaignante a satisfait aux exigences de bilinguisme et de scolarité. Elle a aussi satisfait aux exigences relatives aux expériences requises. Au terme du processus d’évaluation, l’intimé a conclu que la plaignante ne satisfaisait pas à la compétence « Valeurs et éthique ». Il en est résulté que la plaignante ne s’est pas qualifiée pour le poste.

[6] C’est donc sur l’évaluation de la compétence « Valeurs et éthique » que porte la présente plainte. La plaignante allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir en évaluant cette compétence.

II. Résumé de la preuve soumise par les parties

[7] Dans l’ensemble, la preuve soumise par les parties ne se contredisait pas. La preuve sera donc présentée dans un ordre logique en combinant la preuve de la plaignante et celle de l’intimé. Au besoin, les points de désaccord seront précisés. La plaignante a témoigné en plus de présenter en preuve plusieurs documents. L’intimé a fait comparaître Jean Cheney et Manon St-Pierre comme témoins. Au moment du processus de sélection, M. Cheney avait été embauché comme consultant et travaillait sur divers projets pour l’intimé. Il avait plus tôt pris sa retraite de l’Agence des services frontaliers du Canada. Quant à Mme St-Pierre, elle travaillait pour l’intimé comme chef d’équipe à la Direction des services de versement des prestations. L’intimé a également déposé plusieurs documents en preuve.

[8] Le processus de sélection s’est déroulé sur à peu près toute l’année 2016. Il visait à constituer un bassin de chefs d’équipe. La tâche d’un chef d’équipe est de coordonner le travail d’agents au groupe et aux niveaux PM‑01 et PM-02 dans un centre d’appel qui donne des services aux citoyens qui ont besoin d’information sur l’assurance-emploi ou qui ont déposé une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[9] Dans le cadre du processus de sélection, le comité de sélection devait évaluer la compétence « Valeurs et éthique ». Le comité, composé de Mme St-Pierre, Stéphane Cloutier et Magalie Ouellet, a décidé d’évaluer cette compétence à partir de deux outils. Le premier outil a été un test de jugement situationnel communément appelé le test Dolmen. Le résultat à ce test comptait pour 40 % de la note attribuée par le comité de sélection. Le deuxième outil était la prise de références d’emploi qui comptait pour 60 % de la note accordée. La note de passage totale pour cette compétence était de 60 %.

[10] La plaignante a obtenu 63 % au test Dolmen et le comité de sélection lui a accordé 50 % à la suite de la vérification des références d’emploi. Au total, la plaignante a obtenu une note finale de 55,2 %, ce qui est inférieur à la note de passage. La plaignante ne remet pas en question son résultat au test Dolmen. C’est plutôt la note obtenue à la suite de la prise de références qu’elle remet en question, et plus particulièrement les références négatives fournies initialement par un des répondants et, ultimement, par deux répondants.

[11] En mai 2016, la plaignante a rempli un formulaire fourni par l’intimé où elle devait inscrire les noms et coordonnées de ses superviseurs des 24 derniers mois. Selon l’information au formulaire rempli par la plaignante, Michel Riopel la supervisait depuis mars 2016, alors qu’elle occupait un poste de chef d’équipe. Auparavant, Martin Goyette-Codère l’avait supervisée d’octobre 2014 à mars 2016, alors qu’elle était agente de prestations. Enfin, Marc Hedrich l’avait supervisée de février 2014 à octobre 2014, alors qu’elle était agente de prestations. L’intimé n’a pas contesté l’information contenue dans le formulaire rempli par la plaignante.

[12] Le 6 octobre 2016, le comité de sélection a avisé la plaignante qu’elle avait réussi toutes les étapes du processus de sélection jusque-là complétées, et que la prochaine étape était la vérification des références au cours des prochaines semaines. Le comité l’a avisée qu’il communiquerait directement avec les répondants qu’elle avait identifiés. Le 7 octobre 2016, la plaignante a mis à jour les noms de ses répondants en ajoutant le nom de Karine Morin, qui était devenue sa nouvelle superviseure après le départ à la retraite de M. Riopel.

[13] Le comité de sélection avait établi au préalable les indicateurs qui, selon lui, permettraient de mesurer la compétence « Valeurs et éthique » à partir des références. Ces indicateurs et les questions qui s’y rattachent sont les suivants :

[Indicateur 1]. Démontre valeurs et éthique, y compris le Code, dans ses comportements personnels

Respecte-t-il son horaire de travail et ses temps de pause?

Est-ce que quoi que ce soit devrait nous être communiqué relativement à son attitude en général?

[Indicateur 2]. Intègre valeurs et éthique, y compris le Code, dans les pratiques de travail du personnel

Respecte les informations protégées et sensibles (bris de confidentialité, etc.)?

Utilise de façon appropriée le matériel de l’employeur (à des fins professionnelles uniquement – photocopies, impressions, etc.)?

[Indicateur 3]. Favorise un climat de transparence, de confiance et de respect entre les membres du personnel et dans les partenariats

Est-ce une personne fiable, constante, professionnelle qui manifeste franchise et professionnalisme dans ses échanges avec les clients, collègues, supérieurs, partenaires, etc…?

[Indicateur 4]. Gère les activités de travail et les transactions avec transparence et justice

Démontre-t-il de l’équité dans ses tâches quotidiennes malgré la variété de clients avec lesquels nous transigeons?

Est-ce une personne autonome qui gère efficacement sa charge de travail ou bien des rappels et des suivis doivent fréquemment être faits?

Peut-on lui faire confiance?

Est-ce que ses comportements sont empreints d’intégrité et de transparence?

 

[14] Mme Ouellet a expliqué que M. Cheney s’est joint à elle et ses collègues du comité de sélection pour leur donner un coup de main avec la prise de références. Dans les faits, c’est M. Cheney seul qui a pris les références. Il a indiqué que dans le cadre de cette tâche, il se rapportait à Mme St-Pierre qui, selon lui, était la gestionnaire du processus de sélection. Au besoin, Mme St-Pierre répondait aux questions de M. Cheney. Elle a dit qu’elle s’assurait de la justesse de l’évaluation faite par M. Cheney. Ce dernier a expliqué qu’il ne se rappelle plus ce qu’il a fait avec ses notes manuscrites. Ce qui a été présenté à l’audience est ce qu’il a retranscrit dans les formulaires à cet effet.

[15] Compte tenu des informations fournies par la plaignante en mai 2016, M. Cheney a décidé de communiquer avec M. Riopel et M. Goyette-Codère pour obtenir des références au sujet de la plaignante. M. Riopel était déjà à la retraite et il a choisi de répondre par écrit à partir des questions ou thèmes préalablement fournis. Quant à M. Goyette-Codère, M. Cheney l’a rencontré en personne le 25 octobre 2016.

[16] Les références obtenues par M. Cheney de la part de M. Goyette-Codère et de M. Riopel se contredisent presque sur toute la ligne. Exception faite du deuxième indicateur où les deux références sont positives, on passe de références très positives de la part de M. Riopel à des références particulièrement négatives de la part de M. Goyette-Codère.

[17] Devant de tels écarts entre les références des deux répondants, M. Cheney a discuté avec Mme St-Pierre et cette dernière a décidé qu’il fallait obtenir des références d’une troisième personne. M. Cheney s’est alors adressé à Mme Morin, qui était la superviseure immédiate de la plaignante au moment de la prise des références. La plaignante en avait d’ailleurs avisé le comité de sélection lorsqu’elle a mis à jour le nom de ses répondants le 7 octobre 2016.

[18] M. Cheney a rencontré Mme Morin en personne le 3 novembre 2016. Les commentaires fournis par Mme Morin sont relativement négatifs et ont tendance à se rapprocher de ceux fournis par M. Goyette-Codère. Mme Morin a accordé la note « insuffisant » à la plaignante sur trois des quatre indicateurs. En compilant le résultat des trois références, la plaignante a obtenu la note de 50 %. Une fois cette note combinée à son résultat au test Dolmen, le comité de sélection a conclu que la plaignante ne satisfaisait pas à la compétence « Valeurs et éthique ».

[19] La plaignante a expliqué qu’elle était très surprise de recevoir des références négatives, autant de M. Goyette-Codère que de Mme Morin. Elle ne se rappelle pas que ni l’un, ni l’autre ne lui ait fait des commentaires ou critiques qui correspondent à ce qu’ils ont fourni dans les références données à M. Cheney. Qui plus est, selon la plaignante, une partie des commentaires fournis par M. Goyette-Codère porte sur une période où la plaignante n’était pas sous la supervision de M. Goyette-Codère.

[20] Je reproduis ci-dessous le texte écrit par M. Cheney à la suite de sa prise de références auprès de M. Goyette-Codère et de Mme Morin pour les indicateurs 1, 3 et 4 de la compétence « Valeurs et éthique ». J’omettrai les références fournies pour le deuxième indicateur, car elles sont relativement positives et n’ont pas contribuées à l’échec de la plaignante dans l’évaluation de la compétence « Valeurs et éthique ».

[Indicateur 1 : M. Goyette-Codère]

Elle est ponctuelle, toutefois malgré des avertissements, il lui est arrivé de quitter le bureau sans en avoir avisé son gestionnaire pour obtenir son autorisation au préalable.

Elle n’adhère pas à la vision de l’employeur.

Plusieurs accrochages au niveau du respect entre elle et ses collègues.

Son temps de traitement en dessous des normes et relié à un degré élevé dans de fournir un dossier de qualité.

Propose des projets, initiatives mais n’est pas disponible pour faire avancer ses idées.

[…]

[Indicateur 1 : Mme Morin]

Elle a quitté son travail sans avoir informé sa gestionnaire au préalable et ce à plus d’une reprise. Son comportement envers la gestion entache son image et sa transparence. Elle devait fournir à sa gestionnaire un tableau avec ses heures travaillées et ses absences. À ce jour, sa gestionnaire n’a toutefois rien reçu de sa part et ce malgré plusieurs rappels

[…]

[Indicateur 3 : M. Goyette-Codère]

La situation est plutôt difficile.

Comme chef, il lui arrive de ne pas respecter ses mandats dans les délais. Malgré des directives de son gestionnaire et plusieurs rappels, elle n’a pas été en mesure de présenter le projet selon les dates prévues.

En termes de constance, elle n’est pour toujours présente, ayant des difficultés à rencontrer les normes en termes de quantité. Elle conteste les objectifs par rapport à ceux qu’elle ne peut atteindre, plutôt que de faire une introspection.

Moralisatrice envers les clients, ses commentaires ne sont toujours appropriés.

Elle n’est pas ouverte à la rétroaction des chefs d’équipe.

Son attitude a un impact et a pour effet de miner le climat de travail de l’équipe. Fait valoir SON point de vue!

Critique ouvertement les positions de l’employeur.

[…]

[Indicateur 3 : Mme Morin]

Elle n’est pas toujours fiable et professionnelle dans ses rapports avec son gestionnaire. Elle s’absenté sans informer celle-ci à plusieurs reprises. Elle n’a pas respecté un engagement avec sa gestionnaire. Bien qu’elle eût pris une entente avec celle-ci et devait lui remettre un tableau consolidé de ses heures de travail ses absences congés, elle ne l’a pas fait malgré des rappels.

[…]

[Indicateur 4 : M. Goyette-Codère]

En général, elle sert équitablement les clients et avec qualité. Ses décisions sont fondées en sur la loi et la jurisprudence. Toutefois, elle ne s’adapte pas nécessairement à son auditoire lorsqu’elle traite avec des clients qui ont moins d’éducation.

Plusieurs rappels sont souvent nécessaires pour s’assurer qu’elle respecte ses mandats. il lui est arrivé de quitter le bureau sans en avoir avisé son gestionnaire afin d’obtenir son autorisation au préalable.

En tant qu’agent on peut avoir confiance dans son travail. Toutefois comme chef, des rappels sont souvent nécessaires. Elle est fermée et sa collaboration est très difficile. Son gestionnaire envisage un plan d’amélioration.

Comme agent, elle respecte la loi et les procédures. Par ailleurs, en tant que chef, elle ne fait pas la promotion d’initiative. Elle résiste au changement!

[…]

[Indicateur 4 : Mme Morin]

Sa gestionnaire n’a pas observé son travail avec les clients.

Elle a besoin d’un suivi étroit. Les échéanciers ne sont pas toujours respectés. De plus la situation par rapport à ses congés et son manquement à fournir un tableau de ses absences illustre son manque de transparence.

Ceci met aussi en lumière un manquement au niveau de la confiance et de l’intégrité.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[21] La plaignante a soumis en preuve l’entente de rendement entre elle et M. Goyette-Codère pour la période se terminant en mars 2016. Le document a été signé par M. Goyette-Codère le 21 mars 2016. La plaignante a indiqué qu’il s’agit de son rapport d’évaluation du rendement pour l’année qui se terminait. Je reproduis ci-dessous les commentaires rédigés par M. Goyette-Codère. Certains sujets n’ont rien à voir avec le thème des références fournies à M. Cheney, mais d’autres s’y apparentent :

[…]

Julie suit bien les procédures des outils de référence et sadapte bien aux changements de procédure. Elle sait quand consulter pour obtenir des renseignements ou clarifier un problème. À lhiver des agents de léquipe ont entrepris de rassembler divers sujets/litiges du Palier 3 dont linterprétation semble diverger entre les CEO qui les conseillent. Une fois le document produit, Julie a pris du temps pour le relire, lanalyser, vérifier les informations dans le GDA et ajouter ses commentaires pour bonifier le document. Le document bonifié a été envoyé à la DEO et permet à léquipe de CEO de discuter des litiges pour sassurer dune interprétation commune. Elle verrouille son écran en quittant son poste de travail et ne laisse pas trainer de documents confidentiels à son poste ni aux imprimantes. Elle connait et applique le code de valeurs et éthique de la fonction publique en matière de protection des renseignements.

[…]

Julie occupe un poste au Palier 3 depuis octobre 2012. En date du 1er mars, son TMT pour lannée financière en cours est de 2313 secondes. Lors de la première moitié de lannée le TMT était 2467 secondes; et dans la seconde moitié de lannée à 2230 secondes. Son TMT sest donc amélioré significativement par rapport à ses résultats de 2014-2015 (2879 secondes). La baisse de TMT ne sest pas fait au détriment de la qualité de son travail. Depuis son retour au travail en septembre, elle répond aux appels dans les deux langues officielles. Elle débute et termine ses journées à lheure. Son pourcentage de codage est supérieur à la cible demandée de 95 %. Elle limite les transactions hors ligne à ce qui doit lêtre selon la procédure et sassure de compléter ses transactions alors que le client est toujours présent.

[…]

Julie na pas fait lobjet dun rapport découte lors du second cycle de lannée financière. Elle a toutefois fait lobjet dun rapport au premier cycle et ce rapport démontre quelle rencontre les attentes de qualité. Ce qui est ressorti est quelle fait une bonne recherche de faits auprès du citoyen, quelle prend les mesures appropriées et que le ton de voix est approprié. Ce sont là des composantes importantes dun bon service au client. Elle doit toutefois sassurer de donner des explications complètes et sassurer de rester neutre dans les conversations. Elle met en application les recommandations du PNEQ et utilise aussi la rétroaction pour saméliorer. Elle fait des recherches par elle-même avant de contacter la ligne de support. Elle agit toujours dans le souci de créer une organisation performante et orientée sur lexcellence du service. Elle met tout en œuvre pour régler le dossier du client avant de terminer lappel.

[…]

[…] Elle entretient des liens professionnels avec ses collègues. Elle participe activement au climat de travail sain en faisant partie du comité santé et sécurité au travail. Elle pratique une saine gestion de ses congés.

[…]

[…] Elle a fait des efforts pour baisser son TMT et le rapprocher de lobjectif de 2075 secondes. Elle a fait preuve dadaptabilité au changement en prenant à nouveau des appels en anglais.

[…]

FAIRE PREUVE D’INTÉGRITÉ ET DE RESPECT Julie respecte le code de valeurs et éthique et exécute ses fonctions de manière impartiale. Elle exécute avec loyauté les décisions du gouvernement. Elle manifeste du respect et de l’intérêt pour chaque client sans égard à la langue ou la provenance. Elle fait preuve de transparence avec ses clients tout en respectant ses procédures. Elle soulève rapidement les enjeux pouvant avoir un effet sur la santé et la sécurité des employés.

RÉFLEXION APPROFONDIE Julie fait une recherche de faits complète et pertinente pour avoir une compréhension globale d’une situation avant de prendre une décision ou donner une réponse à un client. Elle structure efficacement sa pensée avant de donner une réponse au client. Elle utilise les outils mis à sa disposition pour guider ses prises de décision. Elle laisse des traces de sa réflexion et des éléments de prise de décisions dans le dossier des clients.

TRAVAILLER EFFICACEMENT AVEC LES AUTRES Julie fait preuve découte envers ses clients et collègues et est disposée à prendre lappel dès le début de la conversation. Elle assiste aux réunions de façon active et participative en posant des questions et en proposant des idées. Elle respecte ses engagements envers ses clients en sassurant de traiter le dossier au premier point de contact. Elle travaille de façon autonome et se réfère aux bons outils selon le besoin.

FAIRE PREUVE D’INITIATIVE ET ÊTRE ORIENTÉ VERS L’ACTION Julie démontre de la confiance dans ses idées et ses décisions. Elle se tient informée des objectifs et résultats opérationnels. Elle reste calme et concentrée sous la pression. Elle avise son chef déquipe de toute anomalie.

ATTITUDE AXÉE SUR LE CLIENT […] Julie accueille son client de façon conviviale. Elle sassure de ne pas faire derreurs dans les dossiers et remonte les situations où les procédures ne sont pas assez claires dans le but de donner le meilleur service possible au client. Elle agit avec équité et dans le respect de la diversité. Elle fait tout en son pouvoir pour aider son client à son niveau en laiguillant vers d’autres ressources le cas échéant. Elle sassure que le client comprenne la décision. Elle fait ses transactions jour 2 lorsque requis.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[22] M. Goyette-Codère a accordé la cote « Réussi » à la plaignante. Le formulaire indique que cette cote signifie que le rendement correspond à toutes les attentes, que l’employé a atteint tous les objectifs de travail et qu’il apporte une contribution positive à l’atteinte des objectifs de l’organisation.

[23] La plaignante a déposé en preuve un document signé par Mme Morin le 15 juin 2016 qui recommande la prolongation de la nomination intérimaire de la plaignante comme chef d’équipe pour une période de sept mois. Le document indique que la période couverte par l’évaluation débute en octobre 2014. Les commentaires de Mme Morin ne comprennent aucune remarque négative. Les commentaires suivants semblent les plus en lien avec la présente plainte :

[…]

Elle demeure professionnelle en toutes circonstances et la qualité de son français est impeccable. Son style administratif est d’un bon niveau et le ton adapté aux circonstances et ce dans les deux langues officielles.

[…]

Julie s’exprime clairement à l’oral et à l’écrit et ce dans les deux langues officielles. Elle sait adapter son discours en fonction de son auditoire. Lors de ses interactions avec les citoyens elle adopte un ton professionnel et respectueux.

[…]

Lors des réunions d’équipe, Julie n’hésite pas à partager son opinion tout en respectant la perspective de ses collègues.

Julie prend des décisions en fonction des normes, de la vision et de la mission du gouvernement fédéral et en gardant toujours en tête les citoyens et clients.

[…]

Julie prend le temps nécessaire pour approfondir sa recherche des faits auprès des citoyens et de ses collègues. Elle assimile rapidement l’information et reconnaît les indices qui peuvent l’aider à trouver une solution. Julie pose les questions nécessaires pour cerner le problème mais traduit aussi ses réflexions en actions en apportant des solutions réalistes et efficaces pour résoudre le problème.

[…]

Julie demande ses congés et soumet ses demandes dans les délais prescrits. Elle respecte de près son horaire et utilise les méthodes recommandées donc, Julie satisfait à ses obligations et aux attentes fixées.

Compétence : Valeurs et éthiques

Julie démontre toujours un souci d’adhérer au Code de conduite de Service Canada ainsi qu’au [sic] Lignes Directrices. Elle agit de façon éthique. Au sein de son équipe de travail et avec les clients, elle favorise et appuie le bilinguisme et s’adresse dans la langue de choix de son interlocuteur. Elle respecte son horaire de travail. Elle est consciente de l’image qu’elle doit donner de son organisation et le fait de manière professionnelle.

Julie agit en toute transparence et équité en informant son supérieur de ses actions sans tarder.

[…]

Julie est ouverte aux changements et aux nouvelles initiatives. Elle perçoit rapidement ce qui a besoin d’être amélioré et n’hésite pas à proposer de nouvelles pistes de solutions à la gestion ou dans les réunions. Elle a toujours une participation active et respectueuse lors des rencontres d’équipe car pour Julie la participation est importante pour un milieu de travail attrayant.

Julie agit en toute transparence et équité en informant son chef d’équipe de ses actions sans tarder que ce soit le signalement d’une absence ou des périodes de débranchements ou non adhérence à Impact 360.

[…]

 

[24] La plaignante a exprimé qu’elle avait été très surprise de recevoir des références négatives de M. Goyette-Codère et de Mme Morin, compte tenu qu’ils ne lui avaient jamais fait de tels reproches au cours des périodes où ils l’ont supervisée. La plaignante ne comprend pas ce qui s’est passé. Elle croît qu’il y a eu une certaine collusion, d’autant plus que ces deux personnes occupent des bureaux qui sont dos à dos et qu’elles se parlent quotidiennement. Sur ce, la plaignante a soumis en preuve les plans des bureaux. Le dépôt de ces plans n’a pas été contestée.

[25] La plaignante a discuté avec Mme St-Pierre et Mme Ouellet le 18 janvier 2017 de ses résultats et de ses préoccupations. La discussion a duré plus d’une heure. La plaignante et Mme St-Pierre ont toutes deux témoigné quant au contenu de cette discussion. De plus, une version sans doute retranscrite des notes alors prises par Mme St-Pierre a été déposée à l’audience. La plaignante s’est alors plainte de la nature négative des références fournies par M. Goyette-Codère et Mme Morin. Selon elle, ces références ne reflètent pas la réalité. Mme Ouellet lui aurait alors répondu que ce n’était pas le rôle du comité de sélection de questionner les références et de douter de la personne qui fournit les références. La plaignante aurait dit que ses évaluations du rendement ne contenaient pas de commentaires négatifs. Mme St-Pierre a précisé que le comité de sélection ne consultait pas les évaluations du rendement des candidats. Selon la plaignante on lui aurait alors dit que, par souci d’équité, si on le faisait pour un candidat, il fallait le faire pour tous les candidats.

[26] Lors de la discussion du 18 janvier 2017, la plaignante a aussi soulevé qu’une partie des commentaires de M. Goyette-Codère ne concernait pas la période où il la supervisait, car il référait à elle comme chef d’équipe. Or, la plaignante n’était alors pas chef d’équipe. Selon les notes de Mme St-Pierre, Mme Ouellet a répondu qu’elle prenait note de cette dernière préoccupation de la plaignante et qu’elle allait vérifier. Mme St‑Pierre a indiqué qu’après vérification avec les spécialistes des ressources humaines de l’intimé, le comité de sélection en a conclu qu’il n’y avait là rien d’incorrect.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

[27] La plaignante demande que sa plainte soit accueillie. Selon elle, l’intimé a omis délibérément de considérer les faits qu’elle a soumis en réponse aux références et n’a pas procédé aux vérifications qu’il aurait dû faire, ce qui constitue un abus de pouvoir. Toujours selon elle, l’intimé a aussi abusé de son pouvoir en détruisant les notes manuscrites prises lors de la vérification des références après que ces notes furent retranscrites.

[28] Les personnes qui ont fourni des références n’étaient pas toujours claires et n’ont pas fourni des exemples concrets pour appuyer leurs commentaires négatifs. Les références de M. Goyette-Codère et de Mme Morin sont quasiment du copier-coller. De plus, les références de M. Goyette-Codère portaient en partie sur une période où il ne supervisait plus la plaignante. Il renvoie au rôle de la plaignante comme chef d’équipe, alors que cette dernière n’était pas chef d’équipe lorsqu’il la supervisait.

[29] La plaignante déplore le fait que le comité de sélection a complètement ignoré ce qu’elle a soulevé lors de la discussion du 18 janvier 2017. Le comité de sélection aurait alors pu rectifier la situation. Il aurait dû contrevérifier les informations reçues à cause des conséquences importantes de sa décision sur la plaignante.

[30] La plaignante n’a jamais eu de reproche ou de représailles de la part de ses superviseurs et elle comprend difficilement pourquoi les références reçues étaient négatives. Selon elle, les références fournies ne reflétaient pas du tout la réalité. En s’en tenant seulement aux références et en refusant d’aller plus loin pour évaluer la compétence « Valeurs et éthique », le comité a abusé de son pouvoir.

[31] Les manquements soulevés par les références ne sont aucunement soulignés dans les évaluations rédigées par les mêmes personnes qui ont fourni les références. S’il y avait réellement des manquements, ces derniers auraient été notés dans les évaluations. Cela prouve qu’on a simplement voulu éliminer la plaignante du processus de sélection. La plaignante n’a pu rien y faire.

[32] Selon la plaignante, le comité de sélection aurait pu faire beaucoup plus lorsqu’il s’est rendu compte que les deux premières références ne concordaient pas. Il aurait pu rappeler M. Riopel pour lui demander de réagir aux commentaires négatifs de M. Goyette-Codère. Il aurait aussi pu vérifier le dossier de la plaignante.

[33] La plaignante trouve odieux que de telles choses puissent se produire à la fonction publique fédérale. Elle ne demande pas que le processus de sélection soit annulé, ni d’être nommée dans le poste au groupe et au niveau PM-03. Elle n’est plus intéressée par ce poste, car son poste d’attache actuel est au groupe et au niveau AS-04. De plus, elle occupe actuellement sur une base intérimaire un poste au groupe et au niveau AS-05. Elle demande plutôt à la Commission d’ordonner à l’intimé de la réévaluer sur la compétence « Valeurs et éthique » de façon à corriger l’abus de pouvoir.

[34] La plaignante m’a renvoyé à la version de 2011 du Code de valeurs et d’éthique du secteur public du Conseil du Trésor, ainsi qu’à la version de 2016 du Code de conduite d’Emploi et Développement social Canada. Elle m’a aussi renvoyé aux décisions suivantes : Laviolette c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2015 CRTEFP 6 (« Laviolette »); Rizqy c. Sous-ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 CRTESPF 12 (« Rizqy »); Nadeau c. Sous-ministre de l’Emploi et du Développement social Canada, 2019 CRTESPF 9; Hammond c. Canada (Procureur général), 2009 CF 570 (« Hammond »); Hill c. Sous-ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux, 2017 CRTESPF 21.

B. Pour l’intimé

[35] Le processus de sélection visait à combler un poste de chef d’équipe au groupe et au niveau PM-03. Le comité de sélection devait évaluer les candidats qui avaient satisfait aux exigences de base sur une série de compétences dont la compétence « Valeurs et éthique ». Pour ce faire, le comité de sélection avait décidé d’utiliser les résultats à un test et les références fournies par les candidats. Les résultats au test comptaient pour 40 % de la note et les références pour 60 %. Au total, la plaignante n’a pas obtenu la note de passage et a échoué.

[36] Le comité de sélection a communiqué au départ avec les personnes pour les deux références les plus récentes fournies par la plaignante. Les commentaires reçus de ces deux personnes n’allaient pas dans le même sens. Le comité de sélection a alors communiqué avec la superviseure d’alors de la plaignante. Le nom de cette troisième répondante avait d’ailleurs été fourni au comité de sélection par la plaignante elle-même. Une fois mis ensemble les commentaires de ces trois personnes, le comité de sélection a conclu que la plaignante ne satisfaisait pas à la compétence « Valeurs et éthique ».

[37] La plaignante avait le fardeau de prouver que l’intimé avait commis un abus de pouvoir. C’était à elle de le prouver et elle ne l’a pas fait.

[38] Il revenait au comité de sélection de déterminer les moyens à utiliser pour évaluer la compétence « Valeurs et éthique ». L’intimé a été diligent dans l’évaluation de cette compétence. Il a communiqué avec les répondants identifiés par la plaignante, compilé les résultats obtenus et conclu qu’il avait suffisamment d’information pour évaluer la plaignante.

[39] La plaignante a soulevé les ressemblances entre les références fournies par M. Goyette-Codère et Mme Morin. Or, il n’y a eu aucune forme de collusion entre les deux. De plus, il n’existait pas de conflits entre ces deux personnes et la plaignante.

[40] Ce n’est pas le rôle du comité de sélection de faire enquête sur la véracité des références ou de vérifier le dossier personnel des candidats, sans quoi, on n’en finirait plus. C’est ce que la plaignante a proposé au comité de sélection lors de la discussion informelle. Or, ce qui est mesuré par l’évaluation du rendement et la prise de références est différent. De plus, la discussion informelle n’est pas une occasion de réévaluer les candidats. C’est plutôt une étape du processus qui vise à discuter avec les candidats.

[41] Selon l’intimé, la destruction des notes manuscrites de M. Cheney ne constitue en rien un abus de pouvoir. M. Cheney a retranscrit ses notes et il n’avait pas l’obligation de les conserver par la suite.

[42] En appui à ses arguments, l’intimé m’a renvoyé aux décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Cameron, 2009 CF 618; Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684 (« Lavigne »); Tibbs c. Canada (Défense nationale), 2006 TDFP 8 (« Tibbs »); Portree c. Canada (Ressources humaines et Développement social), 2006 TDFP 14; Visca c. le sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24; Elazzouzi c. le sous-ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 11; Montpetit c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2013 TDFP 17 (« Montpetit »); Gaudreau c. le sous-ministre des Pêches et des Océans, 2013 TDFP 23 (« Gaudreau »); Jean Pierre c. le président de l’agence des services frontaliers du Canada, 2013 TDFP 28; Gandhi c. Canada (Agence des services frontaliers), 2015 CF 436; Pierre c. Canada (Agence des services frontaliers), 2016 CAF 124; Dionne c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 11 (« Dionne »); Pellicore c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TDFP 23 (« Pellicore »); Cannon c. le sous-ministre des Pêches et des Océans, 2013 TDFP 21; Chen-Walker c. Directeur des poursuites pénales, 2019 CRTESPF 65.

C. Pour la Commission de la fonction publique

[43] La Commission de la fonction publique n’a pas comparu à l’audience. Elle a toutefois soumis un document de 23 pages, rappelant son interprétation du droit applicable. J’ai lu attentivement ce document qui m’est de peu d’utilité à cause de son caractère plutôt général. Néanmoins, il rappelle une partie de la jurisprudence qui date quelque peu. Les décisions soumises par les parties, pour la plupart plus récentes, me suffisent pour prendre une décision éclairée basée sur le droit applicable.

IV. Analyse et motifs

[44] La plainte renvoie à l’alinéa 77(1)a) de la LEFP. Cet alinéa se lit comme suit :

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement de la Commission des relations de travail et de l’emploi, présenter à celle-ci une plainte selon laquelle elle na pas été nommée ou fait lobjet dune proposition de nomination pour lune ou lautre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

[…]

 

[45] La plaignante allègue que l’intimé a abusé de son pouvoir lors de l’évaluation de la compétence « Valeurs et éthique », et plus spécifiquement lors de l’utilisation des références pour évaluer cette compétence. Rappelons qu’une proportion de 40 % de cette compétence était évaluée en utilisant le résultat au test Dolmen. La plaignante a obtenu 63 % à ce test. L’autre 60 % était évalué à partir des références. La plaignante a alors obtenu 50 %, ce qui, au total, a provoqué son échec à la compétence « Valeurs et éthique », la note de passage étant de 60 %.

[46] La décision Tibbs, rendue par le Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), précise ce qui constitue un abus de pouvoir au sens de la LEFP. Le TDFP, au paragraphe 70 de cette décision, s’exprime comme suit :

[70] Comme l’a soulevé la plaignante dans ses arguments, Jones et de Villars, supra, ont dégagé cinq catégories d’abus énoncés dans la jurisprudence. Comme le font remarquer ces savants auteurs à la page 171, ces mêmes principes généraux de droit administratif s’appliquent à toutes les formes de décisions discrétionnaires administratives. Les cinq catégories d’abus sont les suivantes :

1. Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime (incluant dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes).

2. Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve ou qu’il ne tient pas compte d’éléments pertinents).

3. Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises).

4. Lorsque le délégué commet une erreur de droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

5. Lorsqu’un délégué refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d’examiner des cas individuels avec un esprit ouvert.

 

[47] Comme l’a conclu la Commission dans Rizqy, par exemple, ou dans Abi-Mansour c. Sous-ministre des Pêches et des Océans, 2021 CRTESPF 3 ou dans Ross c. Commissaire du Service correctionnel du Canada, 2017 CRTEFP 48, l’abus de pouvoir n’a pas à être accompagné d’une intention pour que la Commission conclut qu’il y a eu abus de pouvoir. La plaignante doit me prouver, selon la prépondérance des probabilités, non pas que l’intimé a abusé intentionnellement de son pouvoir, mais plutôt que ses actions, décisions ou comportements constituent un abus de pouvoir.

[48] En soi, le fait d’utiliser la prise de références comme outil pour évaluer une compétence ne constitue pas un abus de pouvoir. Là n’est pas la question. La question est plutôt de déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir quand il a choisi de ne pas tenir compte des éléments soulevés par la plaignante lors de la discussion du 18 janvier 2017.

[49] La preuve révèle que les deux premiers répondants ont fourni des renseignements forts contradictoires. Dans l’ensemble, les références fournies par M. Riopel portaient à croire que la plaignante satisfaisait à la compétence « Valeurs et éthique », alors que celles fournies par M. Goyette-Codère portaient à croire le contraire. Devant une telle contradiction, le comité de sélection a décidé de demander à Mme Morin de fournir des références.

[50] Les références fournies par M. Goyette-Codère me laissent particulièrement perplexe lorsque je les compare à ce qu’il a écrit dans le rapport d’évaluation du rendement de la plaignante qu’il a signé le 21 mars 2016, date qui coïncide avec le mois où il a cessé de superviser la plaignante. Je reprends quelques extraits des propos de M. Goyette-Codère contenus dans cette évaluation :

[…]

Julie suit bien les procédures des outils de référence et sadapte bien aux changements de procédure […] Elle connait et applique le code de valeurs et éthique de la fonction publique en matière de protection des renseignements.

[…]

[…] Elle débute et termine ses journées à lheure

[…]

Julie fait preuve découte envers ses clients et collègues […] Elle assiste aux réunions de façon active et participative en posant des questions et en proposant des idées […] Elle travaille de façon autonome et se réfère aux bons outils au besoin. Elle entretient des liens professionnels avec ses collègues. Elle participe activement au climat de travail sain en faisant partie du comité santé et sécurité au travail. Elle pratique une saine gestion de ses congés.

[…]

[…] Julie respecte le code de valeurs et éthique et exécute ses fonctions de manière impartiale. Elle exécute avec loyauté les décisions du gouvernement. Elle manifeste du respect et de l’intérêt pour chaque client sans égard à la langue ou la provenance. Elle fait preuve de transparence avec ses clients tout en respectant ses procédures […].

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[51] Le portrait que M. Goyette-Codère a fourni à M. Cheney lors de la prise de références est tout autre. Entre autres, il a alors dit à M. Cheney que la situation avec la plaignante était difficile, que la plaignante contestait les objectifs fixés, qu’elle était moralisatrice avec les clients, qu’elle avait un impact négatif sur le climat de travail, qu’elle s’absentait sans aviser et qu’elle avait besoin d’un suivi étroit. Pourtant, dans son évaluation du rendement de la plaignante, M. Goyette-Codère concluait que cette dernière méritait la cote « Réussi », ce qui signifie que le rendement de la plaignante correspondait à toutes les attentes et que cette dernière atteignait tous les objectifs de travail et qu’elle apportait une contribution positive à l’atteinte des objectifs de l’organisation.

[52] On ne peut pas ignorer de telles contradictions qui demeurent inexpliquées. Les références fournies par M. Goyette-Codère, du moins pour la période où il supervisait la plaignante, ne semblent pas refléter la réalité.

[53] De surcroît, si je me fie aux documents déposés en preuve par l’intimé, j’en viens, comme la plaignante, à la conclusion qu’une partie des commentaires fournis par M. Goyette-Codère ne porte pas du tout sur son expérience de supervision de la plaignante. Ils portent plutôt sur la période où M. Riopel ou Mme Morin supervisait la plaignante, qui travaillait alors comme chef d’équipe. Je reprends ici quelques extraits des commentaires fournis par M. Goyette-Codère :

Comme chef, il lui arrive de ne pas respecter ses mandats dans les délais. Malgré des directives de son gestionnaire et plusieurs rappels, elle n’a pas été en mesure de présenter le projet selon les dates prévues.

[…]

En tant qu’agent on peut avoir confiance dans son travail. Toutefois comme chef, des rappels sont souvent nécessaires. Elle est fermée et sa collaboration est très difficile. Son gestionnaire envisage un plan d’amélioration.

Comme agent, elle respecte la loi et les procédures. Par ailleurs, en tant que chef, elle ne fait pas la promotion d’initiative. Elle résiste au changement!

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[54] En somme, une partie des références fournies par M. Goyette-Codère était, au mieux, basée sur l’observation personnelle qu’il a fait de la plaignante et non pas sur son expérience de supervision de cette dernière. En tenant compte de ces commentaires, le comité de sélection a changé la donne. Il a accepté des commentaires qui ne provenaient pas du superviseur de l’employé, mais de quelqu’un d’autre, voire d’un collègue de travail, qui au mieux avait observé ou encore entendu parler des situations en question.

[55] La preuve ne me permet pas toujours de distinguer clairement dans le reste des références fournies par M. Goyette-Codère ce qui relève de la période où il a supervisé la plaignante et ce qui relève de la période où il ne l’a pas supervisée. Si je m’en remets à l’évaluation du rendement qu’il a signée, il n’y aurait rien dans les éléments négatifs qu’il a soulevés qui relèverait de la période où il supervisait la plaignante. Pour que ce soit le cas, il faudrait que cette évaluation soit incomplète et erronée ou que les références qu’il a fournies soient fausses.

[56] Quant aux références fournies par Mme Morin, elles ne cadrent pas du tout avec l’évaluation qu’elle a faite de la plaignante en juin 2016. Lorsqu’elle a fourni des références, Mme Morin a dit à M. Cheney que la plaignante avait quitté son travail plus d’une fois sans l’avertir, qu’elle n’avait pas fourni un tableau indiquant ses heures de travail et ses absences, qu’elle n’était pas toujours fiable et professionnelle dans ses rapports avec elle, qu’elle avait besoin d’un suivi étroit et que ses échéanciers n’étaient pas toujours respectés. Ces commentaires contredisent ce que Mme Morin écrivait le 15 juin 2016 dans son évaluation de la plaignante visant à prolonger sa nomination comme chef d’équipe. Voici quelques extraits de cette évaluation qui porte sur la plaignante :

[…]

Elle demeure professionnelle en toutes circonstances et la qualité de son français est impeccable […].

[…]

Julie demande ses congés et soumet ses demandes dans les délais prescrits. Elle respecte de près son horaire et utilise les méthodes recommandées donc, Julie satisfait à ses obligations et aux attentes fixées.

[…]

Julie démontre toujours un souci d’adhérer au Code de conduite de Service Canada ainsi qu’au [sic] Lignes Directrices. Elle agit de façon éthique […]

[…]

[…] Elle respecte son horaire de travail. Elle est consciente de l’image qu’elle doit donner de son organisation et le fait de manière professionnelle.

[…]

Jule agit en toute transparence et équité en informant son supérieur de ses actions sans tarder.

[…]

[…] Elle a toujours une participation active et respectueuse lors des rencontres d’équipe car pour Julie la participation est importante pour un milieu de travail attrayant.

Julie agit en toute transparence et équité en informant son chef d’équipe de ses actions sans tarder que ce soit le signalement d’une absence ou des périodes de débranchements ou non adhérence à Impact 360.

[…]

 

[57] Quoi dire de plus? Les références de Mme Morin et son évaluation se contredisent. Il est possible que cela puisse en partie être expliqué par le fait que les références ont été fournies le 3 novembre 2016, alors que l’évaluation date du 15 juin 2016. Juste avant de se reporter à Mme Morin, la plaignante était chef d’équipe sur une base intérimaire et elle se reportait à M. Riopel, pour qui elle était une bonne chef d’équipe. Il est possible qu’avec le temps, la relation entre la plaignante et Mme Morin se soit détériorée. Il est aussi possible qu’après un certain temps les comportements de la plaignante aient changé. Ce n’est pas à moi de répondre à ces questions. Toutefois, le comité de sélection aurait au moins pu se les poser et tenter d’y répondre s’il avait pris le temps d’enquêter plus à fond après la discussion informelle du 18 janvier 2017 avec la plaignante.

[58] La preuve présentée à l’audience m’amène à conclure que le comité de sélection n’a pas évalué correctement la compétence « Valeurs et éthique ». Il aurait au moins dû essayer d’aller plus loin dans son évaluation de cette compétence dans le cas de la plaignante après que cette dernière ait soulevé plusieurs préoccupations lors de la discussion du 18 janvier 2017. Il aurait au moins pu tenter de concilier plusieurs contradictions qui sont assez évidentes. Il a plutôt refusé d’examiner les évaluations passées de la plaignante sous prétexte que tout le monde devait être traité de la même façon. Puis, il a choisi, après consultation des spécialistes, d’ignorer le fait qu’une partie des références de M. Goyette-Codère ne portait pas sur la période où il supervisait la plaignante.

[59] Cela dit, mon rôle n’est pas d’évaluer la plaignante, mais plutôt de déterminer si les failles ci-dessus identifiées lors de l’évaluation de la compétence « Valeurs et éthique » constituent de l’abus de pouvoir.

[60] J’ai révisé chacune des décisions soumises par les parties et je ne commenterai que sur celles qui proposent un certain éclairage en relation avec la présente plainte.

[61] La Cour fédérale du Canada, dans Lavigne, a déterminé que l’abus de pouvoir exige plus que l’erreur ou l’omission ou une conduite irrégulière. Certes, l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir (voir Tibbs, au par. 66).

[62] Le comité de sélection a le choix des méthodes d’évaluation. Dans Montpetit, le TDFP précise que le comité de sélection peut utiliser toute méthode d’évaluation qu’il juge appropriée, pourvu qu’elle permette d’évaluer correctement les qualifications des candidats. Le comité de sélection peut alors choisir de ne pas prendre en considération les évaluations du rendement. Toutefois, dans cette affaire, rien ne laissait entrevoir que la plaignante avait soulevé, lors de la discussion informelle, que ses évaluations du rendement contredisaient les références négatives reçues. Elle se plaignait plutôt que ses références ne la connaissaient pas assez ou qu’elles étaient en situation de conflit d’intérêt. Le TDFP n’a pas retenu ses arguments.

[63] Dans Gaudreau, le TDFP stipule que, pour conclure qu’il y a abus de pouvoir sur le choix des outils d’évaluation, le plaignant doit démontrer que le résultat est inéquitable et que les outils sont déraisonnables. Dans la présente affaire, la plaignante ne conteste pas l’outil d’évaluation qu’est la prise de références. C’est plutôt ce qu’en a fait le comité de sélection qui est ici en jeu, lorsque ce dernier a omis d’examiner plus à fond les préoccupations soulevées par la plaignante.

[64] Dans Pellicore, le TDFP écrit que le rôle des personnes qui donnent des références est de fournir une évaluation franche du candidat. Cela ne signifie pas qu’un comité d’évaluation ne doit pas tenir compte de tout élément qui remettrait en question la fiabilité des renseignements fournis par un répondant. Par contre, le simple fait qu’un candidat ne souscrive pas aux commentaires fournis ne prouve pas nécessairement que la référence n’est pas fiable. Le TDFP a conclu qu’il n’y avait pas de preuve démontrant que les renseignements fournis par les répondants étaient peu fiables et que le comité d’évaluation n’avait aucune raison de douter de la validité des commentaires obtenus.

[65] Dans Dionne, le TDFP note qu’il est préférable dans un processus de sélection de ne pas recopier ses notes, car un document original constitue une bien meilleure preuve que des notes recopiées. Toutefois, le TDFP n’en conclut pas pour autant qu’il s’agisse d’un abus de pouvoir. Je suis tout à fait d’accord avec cette conclusion. Certes, dans la présente affaire, il aurait été intéressant de consulter les notes manuscrites de M. Cheney, mais rien ne pourrait me porter à croire que le document déposé à l’audience ne reflète pas ce que M. Cheney a entendu lors de la prise de références.

[66] Dans Hammond, la Cour fédérale du Canada a annulé une décision du TDFP sur la base que le TDFP aurait dû conclure que le comité de sélection avait abusé de son pouvoir en appuyant son évaluation sur des renseignements insuffisants et que le TDFP avait fait abstraction d’éléments de preuve. Cette décision de la Cour fédérale du Canada appuie le deuxième type d’abus de pouvoir identifié dans Tibbs, à savoir que le fait de prendre une décision qui se fonde sur des éléments insuffisants et qui ne tient pas compte d’éléments pertinents est un abus de pouvoir.

[67] Dans Laviolette, le plaignant a avisé le comité d’évaluation qu’il existait un conflit entre lui et sa gestionnaire qui était une des personnes qui avaient fourni des références. Le plaignant a avisé le comité d’évaluation qu’il n’avait jamais commis certaines des fautes qu’elle lui reprochait. Selon la Commission, le comité d’évaluation aurait dû aller plus loin et discuter avec la gestionnaire des questions soulevées par le plaignant. Cette discussion lui aurait permis d’évaluer la qualité de l’information reçue. La preuve alors soumise a démontré que le comité d’évaluation avait omis de prendre de telles mesures et qu’il s’agissait d’une faille importante dans son évaluation du plaignant. Sur cette base et sur la base de deux autres lacunes qui n’existent pas dans la présente affaire, la Commission a conclu qu’il y avait abus de pouvoir.

[68] Dans Rizqy, la Commission note les contradictions entre les évaluations du rendement de la plaignante qui sont positives et les références fournies qui sont négatives. Cette contradiction n’a pas été résolue par l’intimé et il s’agit là pour la Commission d’une erreur.

[69] Dans Nadeau, le TDFP fait référence à la décision Bowman c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 12, pour expliquer le concept de pouvoir discrétionnaire:

71 Le concept de pouvoir discrétionnaire a été expliqué dans Bowman c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 12:

[123] […] On peut déterminer qu’une application stricte de la ligne directrice entrave la capacité du délégué de tenir compte des cas individuels avec un esprit ouvert.

[…]

[127] En outre, dans le contexte de la LEFP, où le recours met maintenant l’accent sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans les processus de nomination, un comité d’évaluation ne doit pas refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire au moyen d’une application stricte d’une ligne directrice qui entrave sa capacité d’évaluer chaque candidat avec un esprit ouvert. Lorsque le Tribunal détermine que le comité d’évaluation a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de cette façon, il peut déterminer que le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir.

[…]

[70] Sur la base des faits et du droit, je conclus que l’intimé a abusé de son pouvoir lors de l’évaluation de la plaignante en ce qui concerne la compétence « Valeurs et éthique ».

[71] La preuve me démontre que le comité de sélection n’a pas été diligent lors de l’évaluation des références de la plaignante. Il aurait dû aller chercher plus de renseignements après la discussion informelle du 18 janvier 2017 lors de laquelle la plaignante avait sonné l’alarme. Il a plutôt décidé d’ignorer ce qu’elle soulevait au nom d’une prétendue équité envers les autres candidats. Comme dans Hammond, le comité de sélection a basé son évaluation sur des renseignements insuffisants et il a fait abstraction d’éléments importants soulevés par la plaignante. Il a eu tort de ne pas aller plus loin dans son analyse. On ne peut pas ignorer de telles contradictions qui demeurent inexpliquées. S’il avait vérifié les prétentions de la plaignante, le comité de sélection aurait constaté que les références fournies par M. Goyette-Codère pour la période où il supervisait la plaignante ne reflétaient pas la réalité décrite dans le rapport d’évaluation du rendement qu’il avait rempli pour cette même période.

[72] Le fait qu’une bonne partie des commentaires de M. Goyette-Codère ne porte pas sur la période où il supervisait m’inquiète aussi. C’est dire que, pour la plaignante, le comité de sélection a accepté des références d’une personne qui n’était pas son superviseur et, ce faisant, l’a traitée différemment des autres candidats à qui on demandait, comme à la plaignante, de fournir les noms des superviseurs des 24 derniers mois. Il aurait été facile pour le comité de sélection de prendre note de cette anomalie dès le départ, avant même de demander des références de Mme Morin. Peut-être que cela aurait permis de concilier les contradictions entre les commentaires de M. Goyette-Codère et ceux de M. Riopel.

[73] De plus, les références négatives fournies par Mme Morin contredisent carrément ce qu’elle écrivait le 15 juin 2016 au sujet de la plaignante. Il est possible que le rendement de la plaignante entre juin et novembre 2016 se soit détérioré. Quoiqu’il en soit, le comité de sélection aurait aussi dû examiner cette question. Il ne l’a pas fait, car il n’a pas pris le temps d’examiner le dossier de la plaignante après que cette dernière lui ait fait part de ses préoccupations lors de la discussion informelle le 18 janvier 2017.

[74] Pour les raisons présentées précédemment, je conclus de la preuve que l’intimé a abusé de son pouvoir en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire et en fondant sa décision sur des éléments insuffisants.

[75] Comme mesure corrective, la plaignante m’a demandé d’ordonner au comité de sélection de la réévaluer pour ce qui est de la compétence « Valeurs et éthique ».

[76] Même si je comprends bien la demande de la plaignante dans la solution qu’elle propose, je suis d’avis que sa demande est caduque. Elle a indiqué qu’elle n’est plus intéressée par ce poste car son poste d’attache actuel est à un niveau supérieur au poste de chef d’équipe. De plus, elle occupe en ce moment sur une base intérimaire un poste supérieur d’un niveau à son poste d’attache. Même si le comité de sélection concluait que la plaignante satisfait aux exigences du poste de chef d’équipe, cela ne changerait rien concrètement.

[77] Je me limiterai à déclarer que l’intimé a abusé de son pouvoir en évaluant la plaignante pour ce qui est de la compétence « Valeurs et éthique ». Il a abusé de son pouvoir en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire et en fondant sa décision sur des éléments insuffisants.

[78] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[79] Je déclare que l’intimé a abusé de son pouvoir.

[80] La plainte est accueillie.

Le 14 juillet 2021.

 

Renaud Paquet,

une formation de la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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