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Date: 20110321

Dossiers: 525-34-29

XR : 561-34-177

 

Référence: 2011 CRTFP 34

Loi sur les relations de travail

dans la fonction publique

PSLRB noT(BW)

Devant la Commission des relations

de travail dans la fonction publique

ENTRE

 

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignant

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

et

ELIZABETH BERNARD, COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE, CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA, AGENCE PARCS CANADA, CONSEIL DU TRÉSOR, AGENCE CANADIENNE D’INSPECTION DES ALIMENTS, ASSOCIATION CANADIENNE DES EMPLOYÉS PROFESSIONNELS ET ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

intervenants

Répertorié

Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant la révision d’une ordonnance rendue par la Commission en vertu de l'article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Ian. R. Mackenzie, vice-président

Pour le plaignant : Sarah Godwin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour la défenderesse : Caroline Engmann, avocate

Pour l’intervenante Elizabeth Bernard : Elle-même

Pour les intervenants Agence canadienne d’inspection des aliments, Conseil national de recherches, Agence Parcs Canada et Conseil du Trésor : Caroline Engmann, avocate

Pour l’intervenante Association canadienne des employés professionnels : Jean Ouellette, Association canadienne des employés professionnels

Pour l’intervenant Commissariat à la protection de la vie privée : Louisa Garib, avocate

Pour l’intervenante Alliance de la Fonction publique du Canada : Andrew Raven, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

Les 1er, 2, 16 et 17 novembre 2010

(Traduction de la CRTFP).


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTFP)

I. Demande devant la Commission

[1] La présente décision est un réexamen d’une ordonnance sur consentement qu’a rendue la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 58. Cette ordonnance sur consentement portait sur la communication par l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur ») des coordonnées domiciliaires des employés à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« IPFPC »), l’agent négociateur accrédité du groupe Vérification, Finances et Sciences (« VFS ») à l’ARC. La Cour d’appel fédérale (la « CAF ») a ordonné le présent réexamen dans Bernard c. Procureur général du Canada, 2010 CAF 40. La Cour a statué que, dans l’ordonnance sur consentement qu’elle a rendue, la Commission a omis d’examiner les questions touchant la protection de la vie privée.

[2] La Commission a rendu des ordonnances sur consentement en grande partie similaires à celle qui est en cause dans le présent réexamen dans les affaires suivantes : Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 57; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 43; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 44; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 45; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2009 CRTFP 13; Association canadienne des employés professionnels c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 59. Étant donné ces similarités, la Commission a demandé aux parties de déposer des arguments, sous réserve des autres ordonnances. Après avoir entendu leurs arguments, la Commission a convenu d’accorder la qualité d’intervenant à part entière à chacune des parties suivantes : le Conseil national de recherches du Canada, l’Agence Parcs Canada, le Conseil du Trésor (SCT), l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

[3] Elizabeth Bernard, une employée de l’ARC, appartient à l’unité de négociation du groupe VFS. Elle a demandé le contrôle judiciaire de l’ordonnance sur consentement rendue à l’égard de l’ARC et de l’IPFPC. La CAF a ordonné à la Commission de donner à Mme Bernard un avis du réexamen et de lui permettre d’y prendre part. Mme Bernard a obtenu le droit de participer à titre d’intervenante à part entière.

[4] La CAF a également ordonné à la Commission d’aviser le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) de la procédure de réexamen et d’attirer son attention sur le droit qu’il avait de demander la qualité d’intervenant. Le CPVP a demandé et obtenu la qualité d’intervenant à part entière. Il n’a cependant produit aucun élément de preuve à l’audience et aucun témoin n’a été contre‑interrogé. Dans ses arguments écrits finaux, le CPVP a dit de son rôle qu’il visait [traduction] « uniquement à clarifier à l’intention de la Commission et des parties les questions que pose l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et à expliquer [son] pouvoir d’origine législative », (arguments finaux du CPVP, le 15 novembre 2010).

[5] L’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’« ACIA ») et l’IPFPC ont demandé à la Commission de rendre une ordonnance sur consentement comparable. Cette demande est tenue en suspens en attendant l’issue du présent réexamen. La Commission a accordé à l’ACIA la qualité d’intervenante.

[6] La Commission a invité le CPVP à fournir un résumé de ses préoccupations avant la tenue de l’audience; le résumé a été remis le 1er octobre 2010. Le CPVP énonce ses préoccupations dans ses arguments finaux, ils sont résumés plus loin dans la présente décision.

[7] Après avoir entendu les arguments des parties, la Commission a formulé dans les termes suivants la question à trancher dans le cadre du présent réexamen :

[Traduction]

Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a ordonné, il s’agit de déterminer les changements, le cas échéant, qui doivent être apportés aux modalités de l’ordonnance sur consentement qui figure dans la décision rendue par la Commission le 18 juillet 2008 (2008 CRTFP 58) pour protéger les droits des employés à la vie privée.

 

[8] Avant la tenue de l’audience, toutes les parties ayant l’intention d’appeler des témoins ont dû fournir un résumé de leurs témoignages, lesquels ont été adoptés sous serment par les témoins qui ont été entendus, et font partie du dossier. Les résumés de témoignage des personnes qui n’ont pas témoigné n’ont pas été pris en considération dans la présente décision. Il y avait deux témoins pour le compte du plaignant et un seul pour la défenderesse; Mme Bernard a témoigné pour son compte.

[9] Dans son résumé de témoignage, Mme Bernard a déclaré qu’elle s’opposait à la communication des renseignements personnels la concernant, invoquant son droit de ne faire partie d’aucune association, ainsi que le garantit la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). L’AFPC a soulevé une objection, faisant valoir que la CAF n’avait pas ordonné l’examen des questions liées à la Charte. Après avoir entendu les arguments des parties, j’ai statué que les arguments fondés sur la Charte seraient exclus du débat dans le cadre du présent réexamen. La CAF a simplement instruit la Commission d’examiner les droits des employés à la protection de leur vie privée.

II. Contexte

[10] Dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor et Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 13 (la « décision intérimaire »), la Commission s’est penchée sur deux plaintes déposées par l’IPFPC contre l’ARC et le SCT respectivement en vertu des alinéas 190(1)b) et g) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »). L’IPFPC a allégué dans ses plaintes que les défendeurs dans cette décision avaient omis de négocier de bonne foi aux termes de l’article 106 et qu’ils s’étaient livrés à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185. Dans la décision intérimaire, la Commission n’a conclu à l’existence d’aucune omission de négocier de bonne foi, mais elle a déclaré en principe que les défendeurs avaient fait entrave à la représentation des employés par l’IPFPC — compte tenu des obligations imposées par les articles 183 et 184 — en omettant de fournir au syndicat les renseignements personnels des employés qu’il réclamait. La Commission a conclu que cette entrave constituait une pratique déloyale de travail.

[11] En plus de statuer qu’il y avait eu violation de l’alinéa 186(1)a) de la nouvelle Loi, la Commission a ordonné aux parties de tenter de conclure une entente sur la question des coordonnées des employés, à défaut de quoi les questions non réglées seraient tranchées dans le cadre d’une audience (paragraphes 82 et 83).

[12] La Commission a subséquemment convoqué une audience pour trancher les questions qui n’ont pas été réglées. À l’audience, les parties en sont arrivées à une entente. Dans des lettres qu’elles ont adressées à la Commission le 14 juillet 2008, les parties ont demandé que les modalités de leur entente figurent dans une ordonnance de la Commission. Cette dernière a rendu une ordonnance dans les deux affaires suivantes : Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2008 CRTFP 57, et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 58.

[13] Mme Bernard est une employée de l’ARC. Elle verse des cotisations à l’agent négociateur, l’IPFPC, mais elle refuse d’y adhérer (employée « Rand »). Mme Bernard a demandé le contrôle judiciaire de l’ordonnance sur consentement rendue à l’égard de l’ARC et de l’IPFPC. Dans cette demande, elle fait valoir que l’ordonnance sur consentement de la Commission, selon laquelle l’ARC doit fournir son adresse résidentielle et son numéro de téléphone à domicile à l’IPFPC, porte atteinte à son droit à la vie privée ainsi qu’à son droit constitutionnel à la liberté d’association.

[14] La CAF s’est prononcée en partie en faveur de Mme Bernard et a écarté l’ordonnance sur consentement rendue par la Commission dans l’affaire 2008 CRTFP 58. Elle a tiré les conclusions suivantes :

[…]

[39] Compte tenu des genres de renseignements que le syndicat avait demandés, la Commission avait le choix du genre de renseignements dont elle ordonnerait la communication. La Commission avait soigneusement évité de confondre la question de l’obligation de communiquer avec celle du genre de renseignements à communiquer, et elle avait bien établi que la demande du syndicat soulevait des questions importantes quant à la vie privée. La Commission a demandé aux parties des observations concernant la question de savoir si :

[…] il y avait des méthodes permettant aux employeurs de respecter leur obligation de communiquer des renseignements d’une façon qui réponde raisonnablement à d’éventuelles préoccupations en matière de vie privée sous le régime de la Loi sur la protection de la vie privée? […]

[40] De l’aveu même de la Commission, il s’agissait là de questions nécessitant d’autres observations et, peut-être, des éléments de preuves supplémentaires. Compte tenu de toutes ces indications, la Commission a commis une erreur en se limitant à accepter, sans analyse, l’entente entre les employeurs et le syndicat, entente en vertu de laquelle le syndicat ne devait recevoir, à tous les trois mois, parmi tous ceux demandés, que les renseignements dont la protection était pleinement assurée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Même s’il y avait lieu d’appliquer une norme de contrôle commandant une plus grande déférence, la présente décision ne pourrait être confirmée.

[41] La Commission a été saisie des questions qu’elle avait soulevées parce que celles-ci allaient au-delà des seuls intérêts des employeurs et du syndicat, et qu’elles mettaient en jeu les intérêts de personnes qui n’étaient pas présentes devant la Commission. Cette dernière était bien consciente de la protection en matière du respect de la vie privée que la loi offrait à ces personnes. La Commission était tenue de tenir en compte de ces droits et de justifier d’y avoir porté atteinte de la façon dont elle l’a fait. Elle ne pouvait pas se dégager de cette responsabilité en incorporant tout simplement l’entente des parties dans une ordonnance.

[42] En conséquence, l’affaire est retournée à la Commission pour qu’elle statue à nouveau sur l’affaire et rende une décision motivée quant aux renseignements que l’employeur doit communiquer au syndicat de telle sorte qu’il soit permis à l’employeur de s’acquitter des obligations légales lui incombant […].

[…]

 

III. Résumé de la preuve

[15] Le 11 juillet 2008, l’IPFPC et l’ARC ont signé un protocole d’entente sur la communication des coordonnées des employés (pièce R‑6). Ils y ont convenu notamment de demander à la Commission de rendre une ordonnance sur consentement incorporant les modalités de leur entente. L’ordonnance sur consentement rendue par la Commission est reproduite dans son intégralité à l’annexe A de la présente décision. Je préciserai les passages qui sont pertinents dans le cadre du présent réexamen.

[16] Aux termes de l’ordonnance sur consentement, l’employeur était tenu de fournir, trimestriellement et à certaines conditions, les adresses postales résidentielles de même que les numéros de téléphone à domicile des employés faisant partie de l’unité de négociation du groupe VFS.

[17] Dans l’affaire 2008 CRTFP 58, l’IPFPC s’est engagé à respecter les conditions suivantes relativement aux renseignements qu’il obtiendrait :

[…]

6. L’agent négociateur :

[…]

3. veille à ce que les renseignements communiqués servent exclusivement à des fins légitimes de l’agent négociateur, conformément à la LRTFP;

4. s’assure que les renseignements communiqués sont protégés et conservés en toute sécurité;

5. respecte les droits à la vie privée des employés membres de l’unité de négociation;

6. reconnaît que l’employeur est lié par la Loi sur la protection des renseignements personnels en ce qui concerne la protection des renseignements personnels tels qu’ils sont définis par cette loi. L’agent négociateur gère les renseignements personnels communiqués aux termes du présent protocole d’accord en conformité avec les principes et pratiques équitables de gestion des renseignements personnels prévus dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et dans son Règlement. Plus particulièrement, il veille à assurer le caractère privé et confidentiel de tout renseignement personnel qui lui est communiqué par l’employeur aux termes du présent protocole d’accord;

7. par souci de clarté, l’agent négociateur doit notamment:

a. communiquer les renseignements personnels exclusivement à ses représentants chargés de s’acquitter des obligations légitimes que lui impose la LRTFP;

b. s’abstenir d’utiliser, de copier ou de compiler les renseignements personnels à des fins autres que celles qui sont prévues dans le présent accord;

c. respecter les principes de la Politique du gouvernement sur la sécurité […] régissant la sécurité et l’aliénation des renseignements personnels visés;

d. veiller à ce que tous ses représentants ayant accès aux renseignements communiqués se conforment à toutes les dispositions du présent accord;

8. reconnaît la nature délicate des renseignements communiqués en ce qui concerne la sécurité personnelle des employés, particulièrement dans les cas où la mauvaise gestion ou la communication par inadvertance de ces renseignements peut causer de graves problèmes de sécurité et, par conséquent, veille à mettre en place des mesures efficaces de contrôle de la gestion et de surveillance permanente de ces renseignements en tenant compte des risques éventuels pour les employés et les membres de leur famille;

9. reconnaît que les renseignements provenant des bases de données de l’employeur en place au moment de leur communication ont été fournis par les employés et que l’employeur ne peut en être tenu responsable en cas de contestation du résultat d’un vote de grève. L’agent négociateur est responsable de la mise à jour de sa propre base de données.

 

[18] Avant que les renseignements ne soient communiqués à l’IPFPC, les parties ont convenu d’informer conjointement les employés faisant partie de l’unité de négociation de la communication prochaine. Le message a été transmis par courriel à tous les employés de l’unité de négociation le 16 octobre 2008. L’ordonnance sur consentement de la Commission y était jointe. Les parties ont indiqué dans ce message que les employés qui avaient des questions au sujet de la communication devaient s’adresser à l’IPFPC.

[19] Dans un protocole d’entente distinct, l’AFPC et l’IPFPC ont convenu de partager les coûts au prorata du système informatique mis en place par l’AFPC pour obtenir les données du SCT.

A. Pour le plaignant

[20] En sa qualité d’agent négociateur principal de l’IPFPC, Walter Belyea est chargé de fournir des services de représentation et de négociation collective à l’échelle nationale, d’offrir des conseils et une direction stratégiques dans la mesure où ils se rapportent à ces responsabilités, d’effectuer des recherches et des analyses des résultats de ces recherches, de veiller au processus de classification des emplois des membres et de recruter des membres et de les garder.

[21] M. Belyea a déclaré dans son témoignage que l’IPFPC requiert les coordonnées des employés pour les raisons suivantes : obtenir les commentaires des employés; vérifier les renseignements fournis par l’employeur; aviser les membres au sujet d’un vote sur les offres finales de l’employeur ou d’un vote de grève (articles 183 et 184 de la nouvelle Loi); élaborer des ententes sur les services essentiels, ainsi qu’à des fins de représentation.

[22] M. Belyea a indiqué que les commentaires des employés servaient à préparer les positions de négociation. Cette nécessité de consulter les employés peut se présenter également à court préavis, notamment lorsque l’employeur souhaite lancer un processus de négociation accéléré.

[23] M. Belyea a aussi déclaré que, lorsqu’il tient des scrutins (vote de grève ou sur les offres finales de l’employeur), une trousse complète d’information est préparée par l’IPFPC à l’intention de tous les employés. L’IPFPC s’attend à ce que l’information contenue dans la trousse ne soit pas communiquée à l’employeur.

[24] Dans le cadre des négociations concernant les ententes sur les services essentiels, l’IPFPC pourrait devoir communiquer avec des employés, individuellement, pour comprendre les tâches et les situations de travail des postes touchés par le service essentiel proposé par l’employeur.

[25] M. Belyea a déclaré dans son témoignage que l’IPFPC pourrait devoir communiquer avec des employés (autres que les fonctionnaires s’estimant lésés) pour analyser les répercussions que la décision de donner suite à un grief en particulier pourrait entraîner.

[26] M. Belyea a aussi ajouté que l’IPFPC communiquera directement avec les employés, en dehors des périodes de négociation collective. Par exemple, advenant le cas où une réduction du personnel était prévue, l’IPFPC communiquerait avec les employés pour déterminer si certains employés sont disposés à prendre une retraite anticipée et ainsi permettre à d’autres employés de conserver leurs postes. L’IPFPC pourrait devoir communiquer avec les employés lorsqu’une nouvelle loi est promulguée ou lorsqu’il y a des enjeux liés à la pension, aux avantages sociaux ou à l’équité dans l’emploi, sur la table.

[27] M. Belyea a affirmé que l’IPFPC est incapable de s’acquitter de ses obligations légales s’il n’obtient que les coordonnées liées au travail des employés. L’employeur a conservé le droit d’examiner toute la correspondance électronique, il n’y a donc pas d’attente en matière de vie privée en ce qui concerne la correspondance électronique reçue au travail. En outre, les employés à temps partiel et les employés en congé ou en détachement ne reçoivent pas nécessairement les courriels qui leur sont envoyés au travail. Les communications liées aux votes obligatoires doivent être effectuées rapidement, ce qui ne peut se produire que lorsque l’IPFPC a les coordonnées des employés à la maison.

[28] M. Belyea a aussi indiqué que les coordonnées au travail des employés ne sont pas fiables, étant donné la fréquence de déplacements des employés.

[29] M. Belyea a mentionné que l’IPFPC ne peut s’acquitter de son devoir de représenter les employés au moyen de son seul réseau de délégués syndicaux, qu’il a qualifié de « rudimentaire ». Les lieux de travail ne bénéficient pas tous de la présence de délégués syndicaux et ceux-ci ne rendent pas compte directement aux négociateurs et peuvent être incapables de fournir les renseignements nécessaires aux employés. En outre, les délégués syndicaux n’ont pas tous obtenu le même niveau de formation. En contre‑interrogatoire, M. Belyea a déclaré que les délégués syndicaux abordent les questions de respect de la vie privée lors de la deuxième étape de leur formation. Il a également déclaré que c’est un membre du personnel ou un délégué syndical de l’IPFPC qui pourrait appeler un employé à la maison.

[30] M. Belyea a affirmé que le site Web de l’IPFPC n’était pas approprié pour transmettre des renseignements aux employés. Ce site Web est accessible au grand public et il ne permet pas l’affichage de renseignements que l’IPFPC ne souhaite pas communiquer à l’employeur ou à la collectivité. M. Belyea a aussi déclaré en contre-interrogatoire que la mise à jour du site Web est parfois retardée à cause des délais occasionnés par la traduction. De plus, il a déclaré que certains employés ont un accès limité à l’Internet en raison de leurs tâches (p. ex. des postes isolés ou un travail à l’extérieur des locaux).

[31] M. Belyea a dit qu’il ne convenait pas de s’en remettre à l’employeur pour informer les employés de questions touchant les négociations collectives. L’employeur pourrait fausser son message aux employés de manière à protéger ses propres intérêts. Il a ajouté que l’employeur est limité par rapport au message qu’il veut transmettre aux employés en raison de son obligation de ne pas faire entrave aux questions touchant l’unité de négociation.

[32] Eric Ritchie, chef de la section de l’informatique au sein de l’IPFPC, est chargé de surveiller les activités de la section de l’informatique, notamment de planifier l’utilisation efficace de la technologie, de surveiller et d’administrer la structure technologique, et de recommander des politiques d’utilisation des technologies de l’information. À ce titre, il travaille en étroite collaboration avec les services aux membres de l’IPFPC.

[33] M. Ritchie a déclaré dans son témoignage qu’une section du site Web protégée par un mot de passe porte sur les avantages de l’adhésion, comme l’assurance, mais que cette section n’est pas sécurisée. Il a admis en contre‑interrogatoire qu’il était possible de sécuriser davantage cette section du site Web, mais que cela serait [traduction] « très coûteux ».

[34] Il a mentionné que l’IPFPC avait obtenu les coordonnées des employés, conformément à l’ordonnance sur consentement, en août et en novembre 2009. L’ARC a fourni les coordonnées des employés à M. Ritchie sur un disque compact, non chiffré, qui lui a été remis directement par messager. Le disque compact est conservé dans un tiroir verrouillé dans le bureau de M. Ritchie; la porte du bureau est verrouillée lorsqu’il est absent. M. Ritchie a indiqué que les renseignements ont été et seront traités conformément aux dispositions de l’ordonnance sur consentement.

[35] M. Ritchie a précisé que les coordonnées des employés qui proviennent du SCT sont transmises au moyen d’un protocole de transfert de fichiers sécurisé qui nécessite un nom d’utilisateur et un mot de passe confidentiels.

[36] L’IPFPC n’a pas encore utilisé les renseignements fournis soit par l’ARC, soit par le SCT, en attendant l’issue du présent réexamen. M. Ritchie a déclaré que l’IPFPC avait l’intention d’examiner l’information pour déterminer si elle correspond à l’information dont il dispose déjà sur ses membres. Si l’information fournie par l’employeur contient des adresses différentes de celles inscrites dans ses dossiers, l’IPFPC communiquera avec les employés pour confirmer les changements.

[37] M. Ritchie a indiqué que l’IPFPC fait parvenir un formulaire de demande d’adhésion à tous les nouveaux membres. L’employé dont le nom figure pour la première fois sur la liste d’employés fournie par l’employeur est réputé par l’IPFPC être un employé « Rand ». Si l’employé indique qu’il n’est pas intéressé à devenir membre, l’inscription « ne peut être recruté » est ajoutée à son dossier. L’IPFPC ne communiquera avec cet employé que pour des questions relatives à ses obligations d’origine législative.

[38] M. Ritchie a déclaré que les coordonnées des employés seraient saisies dans le système d’adhésion de l’Institut professionnel (SAIP). Celui‑ci n’est accessible qu’à partir des locaux de l’IPFPC; il n’est donc pas accessible à distance. Seuls les membres du personnel de l’IPFPC à qui on a attribué un nom d’utilisateur, un mot de passe et un rôle de sécurité ont accès au SAIP. M. Ritchie a déclaré qu’une évaluation de la menace du réseau informatique de l’IPFPC avait été effectuée et que l’IPFPC avait suivi toutes les recommandations qui avaient été formulées au terme de cette évaluation.

[39] M. Ritchie a déclaré que les listes des membres ne peuvent être créées que par le chef de la section des services aux membres, et doivent être en conformité avec une politique concernant la liste des membres (pièce A‑1, onglet 12). Les listes sont rarement créées et elles ne contiennent aucune coordonnée personnelle (seulement les coordonnées au travail).

[40] Le CPVP et l’IPFPC ont tous deux admis que la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21, et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (LPRPDE), ne s’appliquent pas à l’égard de l’IPFPC. Ce dernier dispose d’une politique sur la protection des renseignements personnels de ses membres (pièce A‑1, onglet 11) et élargira cette protection pour englober les renseignements sur les employés qu’il possède (pièce A‑1, onglet 13). L’IPFPC adhère aux principes suivants en matière de respect de la vie privée (contenus dans la pièce A‑1, onglet 13) :

[Traduction]

[…]

1. Responsabilisation

L’Institut assume la responsabilité à l’égard des coordonnées des employés d’une unité de négociation qu’il a en sa possession.

2. Délimitation des objets et limite de la cueillette

Les renseignements personnels obtenus de l’employeur au sujet des employés d’une unité de négociation qui ne sont pas membres ne seront utilisés que pour les besoins de l’IPFPC, en conformité avec la loi sur les relations de travail en vigueur, à moins que l’employé concerné n’en permette un usage élargi.

3. Limite de l’utilisation, communication et conservation

Les renseignements sur les employés seront conservés tant que la personne concernée fera partie d’une unité de négociation représentée par l’Institut, à condition qu’ils soient nécessaires pour réaliser les objectifs pour lesquels ils ont été recueillis, et tant qu’ils seront requis par la loi. Les renseignements qui ne sont plus nécessaires seront détruits en toute sécurité.

4. Exactitude

Les renseignements sur les employés sont aussi exacts, complets et à jour que possible compte tenu des renseignements obtenus de l’employeur. Les employés peuvent aussi assurer la mise à jour de leurs renseignements personnels en communiquant avec la section des services aux membres de l’Institut.

5. Protection des renseignements sur les membres

Les renseignements sur les employés seront protégés compte tenu de leur caractère délicat et conformément à une ordonnance rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, à un protocole d’entente ou à toute autre disposition de la loi.

6. Ouverture

L’Institut rend accessibles les renseignements relatifs aux pratiques qui se rapportent aux renseignements personnels des employés.

7. Accès des employés

Sur demande écrite, les employés peuvent être informés de l’existence, de l’utilisation et de la divulgation des renseignements personnels les concernant et doivent y avoir accès. Les employés n’ont aucun droit d’accès aux renseignements concernant un tiers, aux renseignements qui sont susceptibles de porter préjudice à une autre partie, à certains renseignements confidentiels touchant un processus officiel de résolution d’un différend, ou aux renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat.

8. Contestation de la conformité

L’Institut n’est pas assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Il demeure toutefois disponible pour discuter des enjeux ou répondre à toute question susceptible de se poser relativement aux principes du respect de la vie privée susmentionnés ou au traitement des renseignements personnels en général. Les demandes de renseignements devront être adressées par écrit au secrétaire exécutif et chef de l’exploitation de l’Institut […]

[…]

 

B. Pour la défenderesse

[41] L’ARC compte approximativement 43 000 employés répartis partout au pays. Ce nombre est plus élevé pendant les périodes de pointe et peut alors atteindre 50 000. Il existe deux unités de négociation au sein de l’ARC. La première est représentée par le plaignant, l’IPFPC, et la seconde, par l’AFPC. Approximativement 30 à 35 p. 100 des employés sont représentés par l’IPFPC; l’employeur ne recueille aucun renseignement au sujet des membres de l’IPFPC. Un certain nombre d’employés travaillent surtout à l’extérieur de ses locaux, chez les contribuables.

[42] Helen Lücker occupe un poste d’analyste fonctionnel pour le Système administratif d’entreprise (SAE) de l’ARC. Le SAE est le système d’information sur les ressources humaines de l’ARC. Il est utilisé aux fins suivantes : classification, dotation, rémunération, consignation des heures et des activités, gestion des congés, relations de travail, formation et apprentissage, et planification des ressources humaines.

[43] L’ARC recueille les renseignements personnels auprès de ses employés lorsqu’ils sont embauchés au moyen d’un modèle d’identification personnelle (pièce R‑5). Ce formulaire permet de recueillir un éventail de renseignements au sujet d’un employé. Aux fins de l’audience dans le cadre du présent réexamen, les renseignements pertinents recueillis sont les suivants : l’adresse permanente de l’employé, son adresse postale (si elle est différente de la première adresse) et son numéro de téléphone à domicile. L’employé doit fournir son adresse permanente et son adresse postale. Il a cependant le choix de fournir ou non son numéro de téléphone à domicile. Mme Lücker a déclaré dans son témoignage que les renseignements sur l’adresse sont recueillis à des fins de rémunération, et que le numéro de téléphone permet d’assurer la continuité des activités — en d’autres termes, au cas où un gestionnaire aurait besoin de communiquer avec un employé.

[44] Mme Lücker a indiqué que les employés peuvent modifier leurs renseignements personnels soit en ligne, soit en demandant à leur conseiller en ressources humaines d’effectuer les modifications pour eux. Les employés ne peuvent cependant pas modifier leurs adresses en ligne s’il y a changement de province, car la province de résidence a une incidence sur les déductions au titre de l’impôt sur le revenu. Seul le conseiller en ressources humaines peut changer l’information concernant la province de résidence.

[45] Le profil de l’employé en ligne (pièce R‑3) contient un champ réservé à l’adresse résidentielle. L’ARC n’utilise pas ce champ. En contre‑interrogatoire, Mme Lücker s’est fait demander si ce champ pouvait être utilisé pour permettre aux employés de consentir à la communication de leurs coordonnées à domicile. Mme Lücker a répondu que le coût de la modification du SAE pour l’ARC serait fort élevé.

[46] L’ARC ne recueille pas les adresses électroniques personnelles des employés.

[47] L’ARC fournit à l’IPFPC un rapport mensuel des transactions (pièce R‑4), incluant les licenciements, les nominations et les nominations intérimaires, pour n’en nommer que quelques‑unes. Les rapports renferment les renseignements suivants sur les employés faisant partie de l’unité de négociation : nom, groupe et niveau professionnel, transaction, motif de la transaction, et date d’entrée en vigueur. L’IPFPC a accès également au nom, au numéro du poste et à la section de travail (bien que ces renseignements ne lui soient plus fournis, à sa demande). Les renseignements sur le bureau contenus dans ce rapport sont trompeurs, a déclaré Mme Lücker, parce qu’ils proviennent du « centre de responsabilités », qui peut différer du lieu de travail.

[48] Le site intranet de l’ARC comporte une section appelée « Infozone », que l’employeur utilise comme principal moyen de communiquer avec les employés. L’ARC a recours à l’Infozone pour informer ses employés des progrès des négociations collectives.

[49] La Politique de surveillance de l’utilisation des réseaux électroniques de l’ARC (pièce R‑2) prévoit que tous les renseignements conservés ou diffusés sur les réseaux électroniques de l’ARC sont assujettis à la surveillance de cette dernière. La politique dresse une liste des utilisations inacceptables des réseaux électroniques, qui inclut [traduction] « […] l’obtention, la conservation, l’envoi d’avis syndicaux ou d’autres documents du syndicat ou la participation à ceux‑ci, sans l’approbation préalable de l’employeur ».

[50] Aux termes des conventions collectives qu’elle a conclues avec l’IPFPC et l’AFPC (pièce A‑4), l’ARC est tenue d’installer des babillards au travail pour permettre à l’agent négociateur d’afficher des avis et d’autres renseignements. Tous les avis affichés par l’agent négociateur doivent être approuvés préalablement par la direction. Mme Lücker a déclaré que l’approbation de l’ARC doit être obtenue au niveau national. Elle a fourni une copie de l’approbation et de l’avis de votes de ratification de la convention collective conclue entre l’ARC et l’AFPC (pièce R‑8).

C. Pour l’intervenante, Mme Bernard

[51] Mme Bernard s’est jointe à l’ARC (alors appelée Revenu Canada ‑ Impôt) en 1991. Son poste relevait alors de l’unité de négociation du groupe de l’administration des programmes, représentée par l’AFPC. Elle a refusé de devenir membre de l’AFPC. Comme elle faisait partie de l’unité de négociation, des cotisations étaient retenues sur sa paie puis versées à l’AFPC.

[52] En janvier 1992, Mme Bernard a reçu une lettre de l’AFPC chez elle. Lorsqu’elle a demandé à son employeur comment l’AFPC avait obtenu son adresse résidentielle, il l’a informée qu’il avait fourni à l’AFPC les adresses résidentielles de tous les employés faisant partie de l’unité de négociation. Elle a déposé une plainte auprès du CPVP en février 1992.

[53] Le CPVP a mené à terme son enquête en mai 1993 et a conclu que l’employeur avait contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels en fournissant les renseignements personnels touchant Mme Bernard à une tierce partie. Il l’a informée que l’employeur ne fournirait plus ses renseignements à l’AFPC.

[54] En 1995, Mme Bernard a été nommée à un poste de vérificatrice, lequel a été subséquemment reclassé au sein du groupe VFS. L’unité de négociation du groupe VFS est représentée par l’IPFPC. Mme Bernard a déclaré dans son témoignage qu’elle avait été contactée à quelques reprises par des représentants de l’IPFPC pour en devenir membre et qu’elle avait refusé.

[55] Le 20 octobre 2008, à son retour au travail après un congé, Mme Bernard a pris connaissance du courriel concernant l’ordonnance sur consentement. Elle a alors pris des mesures pour contester cette ordonnance devant la CAF.

[56] Mme Bernard a indiqué qu’elle recevait de son employeur des mises à jour sur l’état des négociations collectives soit par courriel au travail, soit sur Infozone. Elle a ajouté avoir reçu de la correspondance de l’IPFPC au travail, par courriel. Elle a donné comme exemple un courriel qu’elle avait reçu du président du sous‑groupe VFS de l’IPFPC, informant les employés faisant partie de l’unité de négociation des séances d’information à venir sur la ratification de la convention collective.

[57] Mme Bernard a indiqué en outre que son employeur l’autorisait à utiliser son courriel au travail pour envoyer des messages sans lien avec ses tâches, notamment pour des activités liées à Centraide et d’autres activités communautaires.

[58] Elle a mentionné qu’elle avait consulté le site Web de l’IPFPC pour y obtenir des informations sur les négociations collectives. Les noms, les lieux des bureaux et les numéros de téléphone des délégués syndicaux sont affichés sur le site Web de l’IPFPC et sur le babillard qui se trouve à son travail.

[59] Mme Bernard a déclaré dans son témoignage qu’elle avait fourni à l’employeur son adresse à domicile à la seule fin de recevoir de lui une correspondance sur sa rémunération et son droit à une pension. Elle lui a fourni son numéro de téléphone à domicile pour qu’il puisse communiquer avec elle en cas d’urgence ou pour des motifs urgents liés à son travail.

[60] Mme Bernard a produit en preuve deux lettres qu’elle a reçues dans le contexte d’une demande d’accès à l’information, dont une qu’a fait parvenir Drew Heavens, directeur, représentation patronale et discipline, SCT, au CPVP, le 21 septembre 2007 (pièce I‑2), et la réponse du CPVP datée du 25 octobre 2007 (pièce I‑3). M. Heavens avait demandé au CPVP son opinion en vue de se préparer à des discussions qui seraient tenues avec l’AFPC sur la possibilité de lui communiquer les coordonnées domiciliaires des employés. Les autres parties se sont opposées au dépôt des deux lettres en preuve au motif que Mme Bernard n’en était pas la destinataire, qu’il était impossible de contre‑interroger les auteurs et qu’elles étaient sans pertinence. Mme Bernard a déclaré que la lettre de M. Heavens révélait que d’autres employés avaient exprimé des réserves touchant le respect de leur vie privée. Elle a aussi fait valoir que la lettre du CPVP soulevait un certain nombre de questions qui devaient être abordées. J’ai réservé ma décision sur cette objection. J’en suis arrivé à la conclusion que les lettres ne sont pas nécessaires pour prendre quelque décision que ce soit. Les questions qui y sont soulevées peuvent être abordées par Mme Bernard et le CPVP dans leurs arguments finaux.

[61] Le fait que d’autres employés aient pu formuler des réserves concernant le respect de leur vie privée est sans pertinence dans le cadre du présent réexamen. La CAF a ordonné à la Commission d’examiner la question de la protection des renseignements touchant les employés. Le nombre d’employés qui ont pu se plaindre est simplement sans importance. Le CPVP est un intervenant dans la présente instance et il est pleinement autorisé à présenter des arguments. En conséquence, sa lettre n’est pas pertinente. Je n’ai donc pas pris les deux lettres en considération.

[62] En contre‑interrogatoire, Mme Bernard a déclaré que selon elle les grèves révélaient ce qu’il y a de pire chez les gens, et qu’elle n’aimait pas que des personnes possèdent ses coordonnées domiciliaires. Elle a indiqué également qu’il était dans son intérêt de connaître les conditions de son emploi mais que, si elle souhaitait obtenir cette information, elle pouvait consulter le site Web de l’IPFPC ou s’adresser à un délégué syndical.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour le CPVP

[63] Le CPVP a déclaré qu’il offrait son analyse des questions juridiques et politiques qui se posent sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il a dit vouloir aider la Commission à en arriver à sa décision et offrir ses conseils aux parties.

[64] Dans Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Canada (Commission des relations de travail), [1996] 3 C.F. 609 (1re inst.), au paragraphe 47, la Cour fédérale a reconnu le statut quasi constitutionnel de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les lois sur les relations de travail comme la nouvelle Loi ont pour but et objectif de promouvoir un lieu de travail harmonieux en offrant une structure de règlement des conflits de travail et la reconnaissance d’une certaine démocratie au travail en permettant la prise de mesures collectives au travail. D’après les principes énoncés dans les lois canadiennes sur les relations de travail, il est clair que le législateur a considéré que le rôle des syndicats dans la société canadienne comportait des avantages sur le plan social. Le droit au respect de la vie privée ne doit pas nécessairement entrer en conflit avec les régimes de relations de travail ou y faire entrave. Toutefois, leur coexistence ajoute bel et bien à la complexité des relations patronales‑syndicales.

[65] Dans la présente affaire, la qualité d’employée assujettie à la formule Rand de Mme Bernard a eu pour effet de mettre l’accent directement sur les intérêts en matière de respect de la vie privée. Du fait que Mme Bernard est assujettie à la formule Rand, ses intérêts en matière de respect de la vie privée ne sont pas représentés par l’IPFPC ou l’employeur, et ces intérêts sont opposés. Dans la décision qu’elle a rendue au sujet de l’ordonnance sur consentement, la CAF a dit de ce facteur qu’il était l’une des raisons pour lesquelles le CPVP avait un rôle à jouer dans le cadre de la présente audience.

[66] Le CPVP fait valoir de manière générale que l’employeur qui communique à l’agent négociateur les coordonnées domiciliaires des employés faisant partie d’une unité de négociation, sans leur consentement, contrevient à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les adresses postales ou résidentielles et les numéros de téléphone à domicile sont des renseignements personnels au sens de cette loi. Aux termes de l’article 3 de la même loi, il n’y a pas de seuil minimal en matière de renseignement personnel pour en déclencher l’application. Cependant, le CPVP reconnaît qu’aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle Loi) au paragraphe 184(1) et à l’alinéa 194(1)q), l’agent négociateur doit offrir à tous les employés faisant partie de l’unité de négociation la possibilité raisonnable de participer à un vote de grève et d’être informés des résultats de ce vote. Le CPVP reconnaît en outre que l’agent négociateur représente tous les employés de l’unité de négociation, peu importe qu’ils soient membres ou non. Il est d’avis que la Commission, agissant en vertu du pouvoir que lui confère la loi, peut ordonner la communication de renseignements personnels en vertu de la nouvelle Loi.

[67] Cependant, en l’absence d’une ordonnance, et lorsque l’on tient compte des obligations concurrentes de l’employeur aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des pratiques sur la manière de traiter les renseignements personnels énoncées par le SCT dans sa directive sur les pratiques relatives à la protection de la vie privée, le CPVP considère que les obligations imposées à l’agent négociateur par la nouvelle Loi sont vastes et générales. Il appartient à la Commission de déterminer avec précision la mesure de la responsabilité d’un agent négociateur sous le régime du paragraphe 184(1) et de l’alinéa 194(1)q) de la nouvelle Loi, particulièrement en ce qui concerne les employés qui sont assujettis à la formule Rand. Du point de vue du CPVP, les obligations de l’agent négociateur sous le régime de ces dispositions n’obligent pas automatiquement l’employeur à recueillir les coordonnées domiciliaires de tous les employés faisant partie d’une unité de négociation, ni à communiquer ces renseignements à l’agent négociateur sans le consentement de l’employé.

[68] Les employeurs doivent tenir des registres exacts en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le CPVP craint qu’une ordonnance de communication, jumelée à cette disposition, force éventuellement un employeur à recueillir plus de renseignements personnels qu’il n’en faut pour gérer la relation d’emploi, et à mettre ces renseignements constamment à jour pour fournir régulièrement des données exactes à l’agent négociateur. Étant donné la preuve produite par l’ARC concernant la nature cyclique et variable des emplois au sein de l’organisme, il pourrait être difficile de maintenir l’exactitude des coordonnées domiciliaires, surtout si l’employeur s’en remet aux employés pour qu’ils lui fournissent ces renseignements. Bien que la jurisprudence en droit du travail permette la communication de renseignements aux agents négociateurs, il n’est pas établi, sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qu’un employeur peut régulièrement recueillir et communiquer des renseignements personnels dont il pourrait par ailleurs ne pas avoir besoin, pour répondre aux besoins de l’agent négociateur.

[69] L’employeur n’a pas encore pleinement expliqué comment la cueillette et la communication des coordonnées domiciliaires d’un employé à l’IPFPC constitue un usage compatible de ces renseignements au sens de l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, surtout dans un cas où l’employé n’a pas consenti à la communication.

[70] Les parties n’ont pas démontré qu’elles ont réellement envisagé des solutions de rechange moins intrusives sur le plan du respect de la vie privée pour satisfaire aux obligations qui leur sont imposées par la nouvelle Loi. L’Internet et les technologies des bases de données utilisées à l’heure actuelle par l’employeur peuvent permettre de faciliter la communication appropriée de renseignements entre les parties tout en protégeant la vie privée des employés. Compte tenu de la preuve présentée à l’audience par les parties, le CPVP est également d’avis qu’il pourrait exister d’autres moyens pour l’IPFPC de s’acquitter de ses obligations aux termes de la nouvelle Loi. L’on ne peut dire avec certitude si les parties ont à ce jour pleinement envisagé des solutions de rechange. Par le passé, les employeurs et les agents négociateurs ont communiqué avec les employés par la poste, que ce soit à l’adresse du domicile ou à une autre adresse. L’Internet et les technologies de réseautage offrent aujourd’hui de nouvelles méthodes de communication, par la voie des sites Web internes et externes, par courriel, par l’envoi de messages textes et par les médias sociaux. Dans certains cas, ces voies de communication sont à peu près instantanées. Elles représentent de plus en plus les principaux moyens de communication privilégiés par les individus, plus particulièrement pour la nouvelle génération de travailleurs. D’après le témoignage de Mme Lücker, des champs de données existants du système de base de données ministérielle de l’employeur pourraient être reconfigurés de manière à produire des rapports qui excluraient les coordonnées domiciliaires des employés, comme Mme Bernard, qui font partie d’une unité de négociation mais qui n’ont pas donné leur consentement à la communication de ces renseignements personnels à l’IPFPC. Les deux témoins de l’IPFPC ont indiqué également que celui‑ci peut identifier les employés qui, à leur avis, ne sont pas admissibles à un recrutement. D’après ces témoins, personne ne communiquerait avec les employés ainsi identifiés pour qu’ils deviennent membres. L’utilisation des coordonnées domiciliaires pour recruter des membres constituerait, aux fins de la cueillette et de l’utilisation de renseignements personnels, un objet distinct de l’obligation de satisfaire aux exigences de la nouvelle Loi.

[71] Les employés qui ont choisi d’adhérer à l’agent négociateur ont consenti implicitement à la communication d’une gamme de renseignements personnels par l’employeur aux fins des négociations collectives et de l’administration des conventions collectives. Les membres de l’agent négociateur peuvent aussi choisir de consentir à la communication de leurs renseignements personnels aux fins d’autres activités de l’agent négociateur. On ne peut en dire autant des employés comme Mme Bernard. Depuis 1991, cette dernière refuse d’adhérer à l’agent négociateur, et elle déclare expressément et constamment qu’elle ne consent pas à la communication par son employeur de ses coordonnées domiciliaires. Le nombre d’employés assujettis à la formule Rand qui travaillent au sein de l’ARC est inconnu. Peu importe le nombre de personnes qui se sont plaintes ou qui ont dit être préoccupées, le CPVP fait valoir que Mme Bernard bénéficie encore de droits autonomes, en application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à la protection des renseignements personnels la concernant. Si le nombre d’employés qui n’ont pas consenti à la communication est peu élevé, on ne peut dire avec certitude, sur le fondement de la preuve, en quoi la modification des pratiques à l’égard d’une faible minorité est peu pratique ou indûment coûteuse pour l’employeur ou l’IPFPC.

[72] Les parties, y compris Mme Bernard, ont reconnu au cours de l’instance que l’IPFPC a besoin de certains renseignements la concernant pour s’acquitter de ses obligations en sa qualité d’agent négociateur dans son lieu de travail. La Loi sur la protection des renseignements personnels n’y fait pas entrave.

[73] Le législateur souhaitait que la Loi sur la protection des renseignements personnels ferme la porte à toute communication non autorisée de renseignements personnels détenus par les ministères et les organismes du gouvernement fédéral. De l’avis du CPVP, cet objectif législatif oblige les parties à s’appliquer, et dans certains cas à consacrer du temps et des ressources, à trouver des moyens raisonnables et pratiques de satisfaire aux obligations communes en matière de relations de travail d’une manière qui fait entrave le moins possible à la vie privée des employés. Une approche davantage nuancée, inspirée par les obligations énoncées dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, pourrait nécessiter un changement des perceptions sur les pratiques d’échange de renseignements qui existent depuis longtemps et qui, à ce jour, n’ont jamais été contestées en droit du travail.

[74] Le CPVP a formulé les recommandations suivantes dans ses arguments écrites :

[Traduction]

[…]

a. Le CPVP recommande le recours à des moyens moins intrusifs sur le plan du respect de la vie privée pour aviser les employés de la tenue de votes de grève;

b. Le CPVP recommande l’utilisation de la technologie existante des bases de données pour prévenir la communication des coordonnées domiciliaires des employés sans leur consentement;

c. Le CPVP recommande à la Commission de faire en sorte que des mesures de protection suffisantes soient en place pour tous les renseignements personnels des employés, et de mettre en œuvre des pratiques exemplaires en matière de respect de la vie privée.

 

[75] Les pratiques internes de protection de la vie privée mises en application par les agents négociateurs en tant qu’organismes effectuant la cueillette, l’utilisation et la communication de renseignements personnels sont un facteur assez nouveau. Contrairement aux employeurs et aux autres organisations, et comme la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE ne s’appliquent pas à l’heure actuelle à l’égard de leurs activités quotidiennes, les agents négociateurs n’ont pas nécessairement été portés à se pencher sur la protection des renseignements personnels qu’ils détiennent. Les syndicats ne rendent pas de compte à un organisme de surveillance indépendant aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la LPRPDE ou même de la nouvelle Loi, sur leurs pratiques de traitement des renseignements personnels.

[76] La pratique de l’IPFPC qui consiste à recueillir les coordonnées domiciliaires des employés pour communiquer avec eux pour diverses raisons a été décrite, en partie, comme étant une mesure de précaution. Sur le plan des relations de travail, ce point de vue est compréhensible. Toutefois, une approche si générale à l’égard de la cueillette et de l’utilisation des renseignements personnels ne cadre pas avec les pratiques exemplaires établies en matière de protection des renseignements personnels. Les pratiques exemplaires établies recommandent aux organisations de limiter la cueillette personnelle aux seuls renseignements nécessaires pour réaliser une fin en particulier.

[77] En ce qui a trait à la formation en matière de respect de la vie privée, la formation sur les normes et les pratiques de traitement des renseignements que les membres du personnel de l’IPFPC ont reçue n’est pas claire. Il n’est pas évident de déterminer si ces normes et pratiques se comparent à celles auxquelles l’employeur doit adhérer, en droit, en application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des lignes directrices du SCT.

[78] En outre, M. Ritchie a déclaré dans son témoignage que l’ARC a fait parvenir les coordonnées domiciliaires à l’IPFPC sur un disque compact non chiffré, par messager, ce qui nécessitait une signature à la livraison. Le CPVP craint qu’un chiffrage insuffisant ou l’absence d’un chiffrage, particulièrement s’il est combiné à une cueillette excessive de renseignements personnels, expose les organisations à des atteintes à la sécurité des données. M. Ritchie a déclaré que les renseignements sont conservés sous clé, séparément des données sur les membres, mais on ne peut pas dire avec exactitude pendant combien de temps ces renseignements personnels doivent être conservés pour servir leur objet pour la cueillette, surtout compte tenu du fait que leur exactitude est maintenant incertaine. À cette étape des procédures, on n’a pas pu dire exactement quand et comment ces renseignements personnels seraient détruits en conformité avec un calendrier de destruction.

[79] La Commission devrait prendre en considération le vide qui existe à l’heure actuelle en matière de respect de la vie privée sous le régime des lois fédérales à l’égard des employés dont les renseignements personnels sont détenus par des agents négociateurs. De plus, le CPVP a renvoyé la Commission et les parties aux 10 Principes relatifs à l’équité dans le traitement des renseignements de la LPRPDE, au Guide à l’intention des entreprises et des organisations – Protection des renseignements personnels : vos responsabilités du CPVP et aux documents du SCT, comme outils de base pour mettre en place un modèle de pratiques exemplaires en matière de protection de la vie privée à l’intention des syndicats.

[80] De l’avis du CPVP, Mme Bernard a formulé des préoccupations sincères quant à l’usage abusif que l’IPFPC pourrait faire de ses renseignements personnels, plus particulièrement dans le cas de la tenue d’un vote de grève. Elle dit craindre d’être victime de harcèlement par des personnes qui pourraient s’offusquer de sa qualité d’employée assujettie à la formule Rand. Mme Bernard est profondément troublée par le fait que, conformément à l’ordonnance sur consentement rendue par la Commission, ses renseignements personnels pourraient encore une fois être communiqués par son employeur à l’IPFPC, et ce, sans son consentement. À son avis, il s’agit d’une atteinte aux droits qui lui sont garantis par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le CPVP partage ses craintes.

[81] La Commission devrait prendre en considération le vide qui existe au niveau de la protection de la vie privée et l’absence de recours pour les personnes comme Mme Bernard, dont les renseignements personnels sont détenus par un agent négociateur qui n’est pas assujetti aux lois sur la protection des renseignements personnels. Tous les travailleurs ont droit à ce que leurs renseignements personnels soient protégés par leurs employeurs et respectés par les agents négociateurs. Cette affaire a fait la preuve que les employés, comme Mme Bernard, comptent sur des organismes de réglementation comme la Commission pour protéger leurs droits à la protection de la vie privée dans le cadre du règlement des conflits de travail. Pour que la vie privée des employés au Canada soit bien protégée, il faut mettre en place des normes et des mécanismes vigoureux de responsabilisation en matière de protection de la vie privée à l’égard du traitement approprié des renseignements personnels. Seules la coopération entre la direction et les agents négociateurs accrédités ainsi que les directives et les consignes des commissions des relations de travail permettront d’y arriver.

B. Pour l’IPFPC

[82] L’IPFPC doit être en mesure de communiquer avec tous les employés de son unité de négociation rapidement, facilement et de manière privée pour s’acquitter des obligations qu’il assume envers les employés qu’il représente. Il a régulièrement besoin de ces renseignements (adresses résidentielles et numéros de téléphone à domicile). L’ARC en fait la cueillette auprès de tous les employés et s’assure de leur exactitude. L’IPFPC utilisera ces renseignements seulement aux fins de ce pourquoi ils ont été recueillis, avec les obligations que lui impose la loi de représenter ses membres, et avec l’intérêt public. L’IPFPC continuera de veiller à ce que les renseignements qu’il a en main soient tenus en sécurité et confidentiels et à ce qu’ils soient utilisés aux fins limitées déclarées. L’IPFPC soutient qu’aucun changement ne doit être apporté aux modalités de l’ordonnance sur consentement.

[83] Dans l’affaire 2008 CRTFP 58, la Commission a déterminé qu’au minimum, l’IPFPC devait obtenir les coordonnées pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 183 et 184 de la nouvelle Loi. Ces obligations d’origine législative n’existaient pas avant l’entrée en vigueur, en 2005, de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22.

[84] Dans la décision intérimaire, la Commission a encouragé les parties à en venir à une résolution négociée. Elle leur a proposé également de prendre en considération ce qui suit (au paragraphe 77) :

77. […] en termes pratiques, exactement quels renseignements sur les employés les employeurs détiennent‑ils ou pourraient‑ils détenir pour pouvoir communiquer avec eux, parmi les renseignements que le plaignant demande? Comment ces renseignements sont‑ils tenus à jour pour qu’on soit sûr qu’ils sont valides et qu’on puisse s’en servir en temps opportun? De quels types précis de renseignements le plaignant a‑t‑il besoin pour s’acquitter de son devoir de représentation, et lesquels de ces types de renseignements devraient‑ils lui être fournis par les défendeurs? Quand ceux‑ci devraient‑ils fournir ces renseignements au plaignant? À quelle fréquence faut‑il les mettre à jour, à supposer qu’il faille le faire? Existe‑t‑il des façons pour les employeurs de s’acquitter de leur obligation de fournir ces renseignements tout en respectant raisonnablement leurs craintes dans le contexte de la Loi sur la protection des renseignements personnels? Plus précisément, quelles sont ces craintes? Devrait‑on imposer au plaignant des conditions d’utilisation des renseignements, une fois que les employeurs les lui auront fournis?

 

[85] Ainsi qu’il ressort de l’entente contenue dans l’ordonnance sur consentement et de la preuve produite à l’audience, les parties ont abordé toutes les questions soulevées par la Commission. Plus particulièrement, l’ordonnance sur consentement a traité des inquiétudes suivantes : a) exactitude : en invitant les employés à vérifier leurs coordonnées auprès de l’IPFPC; b) usage compatible : en veillant à ce que les renseignements communiqués soient utilisés aux seules fins légitimes au sens de la LRTPFP; c) usage limité et respect de la vie privée : en veillant à ce que les données soient protégées et conservées en toute sécurité et en communiquant les renseignements aux seuls représentants de l’IPFPC qui sont chargés de s’acquitter de ses obligations.

[86] La preuve a démontré clairement qu’une reconfiguration du SAE de l’employeur pour permettre à un employé d’utiliser une adresse différente ou pour fournir un consentement à la communication à l’IPFPC serait coûteuse et prendrait beaucoup de temps. En outre, l’employeur n’a aucune raison déclarée d’obtenir ces renseignements aux fins de l’emploi.

[87] Ainsi que l’a fait ressortir M. Belyea dans son témoignage, l’IPFPC a besoin des coordonnées domiciliaires pour un certain nombre de raisons, tant dans le contexte des négociations collectives qu’en dehors de celui‑ci. On peut difficilement prévoir à quel moment ces renseignements seront nécessaires; toutefois, ils pourraient l’être à très brève échéance. Sans ces coordonnées, l’IPFPC ne dispose d’aucun moyen fiable de communiquer avec les employés assujettis à la formule Rand. L’ARC a le droit d’examiner la correspondance électronique, et l’IPFPC doit obtenir une approbation préalable pour communiquer avec les employés au travail. Le syndicat s’attend à ce que les renseignements qu’il ferait parvenir aux employés ne soient pas communiqués à l’employeur.

[88] Les coordonnées au travail ne sont pas fiables. Elles ne permettraient pas non plus à l’IPFPC de communiquer rapidement avec les employés en cas de votes de ratification ou de grève obligatoires. Les employés en congé ou en détachement ne recevraient pas nécessairement la correspondance envoyée à l’adresse de leur poste d’attache. Quoi qu’il en soit, il arrive souvent que l’employeur ne puisse pas fournir des renseignements à jour sur le lieu de travail de ses employés en raison de la nature du travail qu’effectue l’ARC.

[89] M. Belyea a déclaré dans son témoignage que le recours par l’IPFPC à ses délégués syndicaux pour s’acquitter de ses obligations n’est pas un moyen fiable; il a aussi confirmé, à l’instar de M. Ritchie, que l’utilisation du site Web de l’IPFPC à cette fin n’est pas fiable non plus. Apporter des changements au site Web de l’IPFPC pour permettre un accès sécurisé serait coûteux.

[90] L’employeur ne devrait pas être contraint de transmettre de l’information importante pour le compte de l’IPFPC. Il est important pour l’IPFPC de transmettre sa propre position aux employés faisant partie de l’unité de négociation de manière à contrer toute information faussée par l’employeur ou les médias.

[91] M. Ritchie a indiqué dans son témoignage que l’IPFPC tient les coordonnées domiciliaires en sécurité. L’information que le syndicat fait parvenir aux employés ne donnerait lieu à aucune communication par inadvertance de renseignements personnels s’ils étaient envoyés à une adresse désuète, car l’information n’est pas personnelle.

[92] L’IPFPC a soigneusement structuré sa demande de manière à ce qu’elle vise les coordonnées minimales requises pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la nouvelle Loi.

[93] Les renseignements personnels peuvent être communiqués sans le consentement explicite d’une personne, conformément au paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels; voir Loi sur la protection des renseignements personnels, [2000] 3 C.F. 82 (C.A.), paragraphe 14 à 19, confirmé par 2001 CSC 89. La communication sans consentement est permise si les renseignements doivent être utilisés à une fin conforme à celle pour laquelle ils ont été obtenus, si la communication est faite en conformité avec toute loi ou tout règlement ou pour se conformer à une ordonnance d’un organisme décisionnel compétent, et si l’intérêt du public à la communication l’emporte clairement sur toute atteinte à la vie privée.

[94] Les renseignements que l’IPFPC cherche à obtenir sont destinés à une utilisation qui est conforme à l’objet pour lequel ils ont été recueillis; voir l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les coordonnées domiciliaires des employés sont recueillies à des fins qui concernent l’emploi, et leur utilisation par l’IPFPC se rapporte aussi à l’emploi. Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossiers de la CRTFP 161‑02‑791 et 169‑02‑584 (19960426), l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne CRTFP) a déterminé que la communication des coordonnées domiciliaires à un agent négociateur était un usage compatible de ces renseignements. De même, on a conclu à un usage compatible dans le contexte des négociations collectives dans United Food and Commercial Workers, Local 401 et al. v. Economic Development Edmonton, [2002] Alta. L.R.B.R. 161. Le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a statué que les renseignements personnels concernant le salaire peuvent être communiqués à un agent négociateur à titre d’usage compatible au sens de l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels (voir Société des ingénieurs professionnels et associés c. Énergie atomique du Canada Limitée, 2001 CCRI no 110). Une conclusion semblable a été tirée en Colombie‑Britannique dans B.C. Rapid Transit Co. v. Canadian Union of Public Employees, Local 7000 (2008), 180 L.A.C. (4e) 204.

[95] Les coordonnées domiciliaires doivent être communiquées conformément à la nouvelle Loi. C’est là une exception à l’obligation d’obtenir un consentement en application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ainsi que l’ancienne CRTFP l’a conclu dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor. Un certain nombre d’autres commissions des relations de travail ont conclu que la communication des coordonnées domiciliaires est nécessaire en raison des obligations prévues dans les lois sur les relations de travail pertinentes, ainsi que le démontrent les décisions suivantes : Economic Development Edmonton; Hotel & Restaurant Employee CAW Local 448 National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers’ Union of Canada (CAW-Canada) v. The Millcroft Inn Limited (2000), 63 C.L.R.B.R. (2d) 181 (« Millcroft Inn »); Ontario Secondary School Teachers’ Federation District 25 v. Ottawa-Carleton District School Board (2001), 76 C.L.R.B.R. (2d) 116; Unite Here, Local 75 v. Canadian Niagara Hotels Inc. (2005), 122 C.L.R.B.R. (2d) 1.

[96] Dans Millcroft Inn, la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) a reconnu que les employés syndiqués ne pouvaient plus discuter directement avec leur employeur des modalités de leur emploi. Toutes les communications à ce sujet doivent être menées par l’intermédiaire de l’agent négociateur. Pour cette raison, les droits individuels à la protection des renseignements personnels ont été en partie remplacés par le droit de l’agent négociateur en sa qualité de représentant des employés (au paragraphe 37). Dans Ontario Secondary School Teachers’ Federation District 25, la CRTO a déclaré ce qui suit au paragraphe 15 :

[Traduction]

[…]

[…] Le syndicat doit être en mesure de représenter efficacement tous les employés de l’unité de négociation. Dans la mesure où cet intérêt l’emporte sur certains droits individuels à la protection des renseignements privés, il s’agit d’une conséquence nécessaire des droits exclusifs de négociation du syndicat et des obligations qu’il remplit au nom des employés […]

[…]

 

[97] Le commissaire à la protection de la vie privée de l’Alberta a déclaré que la loi provinciale sur la protection des renseignements personnels ne visait pas à faire entrave à la circulation légitime d’information entre l’employeur et l’agent négociateur (« The New Privacy Laws – Workplace Issues », 20th Annual University of Calgary Labour Arbitration and Policy Conference, 2002, cité dans University of Alberta v. Non‑Academic Staff Association (2006), 151 L.A.C. (4e) 365, paragraphe 61). Il a déclaré en outre qu’une bonne circulation de l’information, notamment des renseignements personnels et médicaux, était essentielle au bon fonctionnement d’un milieu de travail syndiqué. Des conclusions semblables ont été tirées en Colombie‑Britannique (Governor and Company of Adventurers of England Trading into Hudson’s Bay (2004), 108 C.L.R.B.D. (2n) 259, paragraphes 27 et 33) et à l’échelle fédérale (Section locale 362 de la Fraternité internationale des Teamsters c. Monarch Transport Inc. et Dempsey Freight Systems Ltd., [2003] CCRI no 249, paragraphes 22 à 25).

[98] Dans le dossier 2008 CRTFP 58, la Commission a déterminé que l’IPFPC est tenu en droit d’avoir en sa possession les coordonnées des employés pour la tenue de votes de grève et des votes ordonnés par le ministre et probablement pour d’autres raisons également. M. Belyea a discuté au cours de son témoignage des besoins de l’IPFPC qui justifient qu’il obtienne les coordonnées des employés à la maison.

[99] Il est également dans l’intérêt public de communiquer ces renseignements, conformément à l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui permet la communication si « […] des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée, […] » ou si « […] l’individu concerné en tirerait un avantage certain ». L’intérêt public à la communication doit être pris sérieusement en considération pour établir l’équilibre entre le droit au respect de la vie privée et la question de savoir si la communication engendrerait un préjudice véritable; voir Bland c. Canada (Commission de la capitale nationale), [1991] 3 C.F. 325 (1re inst.), paragraphe 23, infirmée par [1993] 1 C.F. 541, et voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), [1997] 1 C.F. 164 (1re inst.).

[100] Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, l’ancienne CRTFP a conclu que la communication des noms et adresses des employés susceptibles d’être mis à pied profiterait aux personnes concernées.

[101] Dans le cadre de la présente audience sur le réexamen, la Commission doit établir un équilibre entre l’intérêt public à maintenir la viabilité de la structure de la nouvelle Loi d’une part et les droits individuels au respect de la vie privée invoqués par Mme Bernard d’autre part. La capacité de l’IPFPC de s’acquitter des obligations que la loi lui impose, particulièrement compte tenu des mesures de protection des renseignements personnels prévues dans l’ordonnance sur consentement, doit l’emporter sur tout inconvénient que les employés pourraient subir du fait que l’on communique avec eux à la maison. En conséquence, les coordonnées domiciliaires doivent être communiquées, conformément à l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[102] Pour les motifs déjà exposés, il n’existe aucune solution de rechange satisfaisante à la communication des coordonnées domiciliaires. Dans Ontario Public Service Employees Union v. The Alcohol and Gaming Commission of Ontario, [2002] O.L.R.D. No. 120 (QL), la CRTO a déterminé que l’agent négociateur dans cette affaire avait besoin des coordonnées des employés à la maison pour communiquer avec eux en privé, rapidement et facilement, surtout lorsque les employés sont dispersés (comme c’est le cas des employés de l’ARC).

[103] La preuve a permis de constater qu’il ne conviendrait pas de permettre aux employés de refuser la communication de leurs coordonnées domiciliaires. Nul ne peut se dégager d’obligations d’origine législative. En outre, si on leur permettait d’exercer un tel choix, les employés devraient aussi renoncer de manière éclairée au dépôt à l’avenir d’une plainte de manquement au devoir de représentation équitable contre l’IPFPC, fondée sur leur décision de refuser la communication de leurs coordonnées.

[104] Les coordonnées domiciliaires obtenues par l’IPFPC seront maintenues en conformité avec les principes de respect de la vie privée. C’est ce qui a été explicitement reconnu dans l’entente conclue entre les parties, reproduite dans l’ordonnance sur consentement rendue par la Commission.

[105] Les personnes qui estiment que l’IPFPC a contrevenu à leur droit au respect de leur vie privée disposent des recours suivants : elles peuvent demander des renseignements au secrétaire exécutif et chef de l’exploitation de l’IPFPC, déposer une plainte de manquement au devoir de représentation équitable contre l’IPFPC, ou déposer une plainte de pratique déloyale de travail contre l’IPFPC.

C. Pour l’AFPC

[106] L’AFPC a souscrit aux arguments de l’IPFPC.

[107] La décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, a élargi considérablement les responsabilités des syndicats en matière de représentation. Pour s’acquitter convenablement de leurs responsabilités, les agents négociateurs doivent pouvoir communiquer avec tous les employés membres de l’unité de négociation. De fait, la CRTO a signalé, dans le contexte de ces responsabilités vastes et de plus en plus larges, que le seul moyen efficace pour les agents négociateurs de s’acquitter de ces obligations est de communiquer directement avec les employés; voir Millcroft Inn, paragraphes 22 et 29. À cet égard, la CRTO a qualifié de fort précieux les noms, les adresses et les numéros de téléphone des employés. Voir aussi Economic Development Edmonton, B.C. Rapid Transit Co. et P. Sun’s Enterprises (Vancouver) Ltd. v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers’ Union of Canada (CAW-Canada), [2003] B.C.L.R.B.D. No. 301 (QL).

[108] Les vastes responsabilités qui incombent aux agents négociateurs en matière de représentation témoignent clairement, d’une part, de la confiance que le Parlement a placée dans le rôle qu’ils assument dans le cadre de la relation d’emploi et, d’autre part, d’un intérêt public suffisant pour l’emporter sur toute préoccupation en matière de respect de la vie privée susceptible de découler de la communication des coordonnées des employés aux représentants syndicaux, ainsi que le prévoit l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[109] Dans Bernard, la CAF a reconnu que l’employeur doit fournir certaines des coordonnées des employés, mais a statué qu’il était justifié d’examiner davantage la nature des renseignements personnels à fournir et les circonstances dans lesquelles ils devaient être fournis. La jurisprudence citée et la preuve produite dans le cadre de la présente audience confirment que, manifestement, les agents négociateurs doivent pouvoir communiquer directement avec les employés, rapidement et à titre confidentiel, en dehors du lieu de travail. En conséquence, les noms, adresses et numéros de téléphone à domicile de tous les employés constituent le strict minimum des renseignements personnels dont l’agent négociateur a besoin pour s’acquitter des obligations que la loi lui impose.

[110] L’employeur interdit la tenue d’activités syndicales au travail et l’utilisation du courriel ou des ressources sur l’Internet à des fins syndicales. La Politique de surveillance de l’utilisation des réseaux électroniques prévoit clairement que tous les renseignements obtenus, conservés ou diffusés sur les réseaux électroniques de l’ARC sont assujettis à une surveillance. L’affichage d’avis par le syndicat ou d’autres renseignements sans l’approbation préalable de l’employeur y est cité comme exemple d’une utilisation inacceptable.

[111] Quoi qu’il en soit, les obligations d’origine législative dont les agents négociateurs doivent s’acquitter requièrent davantage que le simple affichage sur un babillard du syndicat. Pour des fins si importantes se rapportant aux relations de travail, les agents négociateurs doivent obtenir des coordonnées personnelles suffisantes pour que tous les employés soient suffisamment informés et qu’ils disposent d’une possibilité véritable de se prononcer sur des enjeux importants qui concernent les modalités de leur emploi. La CRTO a reconnu les limites des babillards et du recours aux délégués syndicaux dans Millcroft Inn et déclaré dans les termes suivants qu’il n’y avait aucune raison de contraindre les syndicats à s’en remettre à ces moyens : [traduction] « L’employeur a en sa possession les renseignements dont le syndicat a besoin. Le syndicat a droit à ces renseignements et il devrait les obtenir. L’employeur est le mieux placé pour les fournir, et il devrait le faire » (paragraphe 32).

[112] Il est d’autant plus nécessaire d’obtenir les coordonnées à la maison compte tenu de l’environnement de travail unique de l’ARC, dans lequel certains vérificateurs n’ont pas un accès régulier au bureau. Dans l’affaire Ontario Public Service Employee, au paragraphe 9, la CRTO s’est penchée sur les difficultés que cause au chapitre des communications le fait que les membres sont dispersés.

[113] Le droit des agents négociateurs d’obtenir les coordonnées domiciliaires des employés n’est pas né des seuls changements apportés aux obligations d’origine législative par la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Il a toujours existé. Il est prévu à l’alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels parce que l’employé « tirerait un avantage certain » de ces renseignements. En outre, l’utilisation des renseignements personnels est un usage compatible au sens de l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[114] Les réserves à l’égard de la communication de renseignements personnels ne peuvent pas naître de la question de savoir si les coordonnées domiciliaires seront utilisées à des fins légitimes. Les inquiétudes de Mme Bernard en matière de respect de la vie privée naissent plutôt de l’abus potentiel dont ses renseignements personnels pourraient faire l’objet par l’IPFPC. Dans l’ordonnance sur consentement, l’IPFPC s’est engagé à respecter le droit des employés au respect de la vie privée et à prendre toutes les mesures raisonnables pour que les renseignements personnels soient protégés et qu’ils ne soient communiqués ou utilisés que pour lui permettre de s’acquitter de ses obligations légitimes en application de la nouvelle Loi. En cas d’abus, chacun des employés conserve le droit de demander réparation soit dans une plainte déposée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, soit en s’adressant à la Commission pour obtenir réparation pour manquement aux modalités de l’ordonnance sur consentement. Aucune preuve d’abus n’a été produite à l’audience. L’unique preuve d’une préoccupation en matière de respect de la vie privée tient dans la plainte de Mme Bernard.

[115] Toute affirmation selon laquelle il faut obtenir un consentement individuel à la communication va à l’encontre du statut de l’agent négociateur comme agent négociateur exclusif de tous les employés (Public Service Alliance of Canada v. Forintek Canada Corp. and Jacques Carette, [1986] OLRB Rep. April 453). Un employé ne peut se soustraire au droit d’un agent négociateur de recevoir ses coordonnées domiciliaires.

[116] Manifestement, on ne peut pas demander à un employeur de recueillir des renseignements personnels qu’il ne recueille pas ou dont il n’a pas besoin normalement (voir Telus Advanced Communications, 2008 CCRI 415, paragraphe 20). L’employeur ne recueille pas les adresses de courriel à la maison, et il n’en a pas besoin.

[117] La question de l’exactitude des coordonnées, soulevée par le CPVP, n’est pas soumise à la Commission dans la présente affaire. Quoi qu’il en soit, les dossiers sont exacts et ils renferment les meilleures coordonnées disponibles.

[118] Le CPVP a indiqué que les parties n’ont pas examiné la possibilité d’utiliser d’autres moyens de communiquer avec les employés. Le CPVP et Mme Bernard n’ont produit aucune preuve quant à des solutions de rechange. L’adresse résidentielle existe et elle constitue l’unique source qui répond aux obligations des agents négociateurs.

D. Pour l’ACEP

[119] L’ACEP a souscrit aux arguments de l’IPFPC et de l’AFPC.

[120] Les employés ne peuvent se soustraire à une obligation qui incombe aux agents négociateurs. La communication des coordonnées domiciliaires telle qu’elle est prévue dans l’ordonnance sur consentement est fiable et efficiente et elle est assortie de mesures suffisantes de protection de la vie privée.

E. Pour l’ARC et les employeurs intervenants

[121] L’employeur et les intervenants qui sont aussi des employeurs ont adopté les arguments de l’IPFPC. Je n’ai pas repris ces arguments dans le présent résumé.

[122] Le préambule de la nouvelle Loi est important aux fins d’interpréter les dispositions législatives en cause. Il est libellé en partie dans les termes suivants :

[…]

que des relations patronales-syndicales fructueuses sont à la base d’une saine gestion des ressources humaines, et que la collaboration, grâce à des communications et à un dialogue soutenu, accroît les capacités de la fonction publique de bien servir et de bien protéger l’intérêt public;

que la négociation collective assure l’expression de divers points de vue dans l’établissement des conditions d’emploi;

[…]

que le gouvernement du Canada reconnaît que les agents négociateurs de la fonction publique représentent les intérêts des fonctionnaires lors des négociations collectives, et qu’ils ont un rôle à jouer dans la résolution des problèmes en milieu de travail et des conflits de droits;

que l’engagement de l’employeur et des agents négociateurs à l’égard du respect mutuel et de l’établissement de relations harmonieuses est un élément indispensable pour ériger une fonction publique performante et productive,

[…]

 

[123] L’employeur tire son pouvoir de recueillir des renseignements personnels des articles 30 et 31 de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, L.C. 1999, c. 17. Les renseignements personnels qu’il recueille relèvent de la portée des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Leur communication à un agent négociateur pour permettre à ce dernier de se conformer aux obligations qui lui sont imposées aux articles 183 et 184 de la nouvelle Loi relève de la disposition relative à l’« usage compatible » de la Loi sur la protection des renseignements personnels (alinéa 8(2)a)). Un usage est compatible s’il a un lien raisonnable et direct avec l’objectif initial de la cueillette. Pour déterminer si un usage ou une communication proposé est conforme avec l’objectif initial, il faut se demander s’il serait raisonnable pour la personne concernée de s’attendre à ce que les renseignements personnels soient utilisés de la manière proposée. Dans le contexte actuel, les fins liées à un emploi auxquelles les renseignements ont été recueillis constituent un usage compatible avec l’objectif secondaire d’un agent négociateur de communiquer avec ses membres à des fins légitimes liées à l’emploi.

[124] La jurisprudence est maintenant bien établie : les employeurs ne peuvent pas décliner la demande d’un syndicat en vue d’obtenir les coordonnées d’un employé au motif que cette communication est une atteinte à la vie privée. L’agent négociateur représente tous les employés, et il a le droit de recevoir les mêmes coordonnées que l’employeur.

[125] L’exigence énoncée au paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, relative à l’exactitude des renseignements recueillis, ne s’applique pas, car la communication ne constitue pas un usage des renseignements à une fin administrative au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels (voir Zarzour c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 2070). L’exigence en question vise à faire en sorte qu’une décision touchant un employé repose sur des renseignements actuels et exacts. À titre subsidiaire, la preuve démontre que l’employeur a mis en place des mesures qui permettent d’en assurer l’exactitude.

[126] Les renseignements sont fournis à un agent négociateur pour que ce dernier puisse communiquer avec les employés et ainsi s’acquitter de ses obligations en application des articles 183 et 184 de la nouvelle Loi. Dans leurs arguments, les agents négociateurs ont proposé une utilisation élargie des renseignements. Dans le présent réexamen, la Commission n’a pas à revoir son ordonnance initiale et à déterminer les autres fins auxquelles les agents négociateurs peuvent utiliser les coordonnées domiciliaires.

[127] Mme Bernard a indiqué que les employés pouvaient choisir de renoncer à la communication de leurs coordonnées domiciliaires à un agent négociateur. L’employeur n’a aucune raison liée à ses activités de recueillir des renseignements au sujet des préférences des employés, et il ne devrait pas être tenu de recueillir de tels renseignements. En outre, leur obtention est intrusive et pourrait mener à des allégations d’entrave aux activités syndicales. De plus, les renseignements devraient être recueillis manuellement et nécessiteraient une reconfiguration du SAE de l’employeur, ce qui serait très coûteux.

[128] Les employés qui choisissent d’être représentés par un agent négociateur consentent implicitement à la divulgation de renseignements personnels à l’agent négociateur pour lui permettre de négocier pour leur compte (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Banque du Canada, [2007] CCRI no 387).

F. Pour Mme Bernard

[129] Il n’y a aucune preuve que l’IPFPC a besoin des coordonnées domiciliaires de tous les employés. Bien qu’il n’ait pas disposé de cette information depuis 1993, l’IPFPC a réussi à s’acquitter des obligations que la loi lui impose. En ce qui concerne les nouvelles obligations mises en place en 2005, l’IPFPC n’a obtenu aucun de ces renseignements depuis ce temps. La preuve n’a pas démontré que l’IPFPC a éprouvé de la difficulté à s’acquitter de ses obligations aux termes de la nouvelle Loi.

[130] L’IPFPC a le droit d’obtenir certaines coordonnées, à savoir les adresses et les numéros de téléphone au travail.

[131] L’employeur doit s’assurer de l’exactitude des renseignements personnels (voir le paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels). Les lacunes au niveau des renseignements personnels demeurent la responsabilité de l’employeur et non celle de l’agent négociateur.

[132] L’IPFPC dispose déjà d’outils lui permettant de rejoindre tous les employés. Ainsi, un de ses représentants a récemment envoyé un message à tous les employés faisant partie du groupe de VFS (pièce I‑1, onglet 4). En outre, l’IPFPC pourrait utiliser davantage son site Web. Les questions touchant à la correction de l’actualité des renseignements relève de son contrôle. Le site Web de l’IPFPC compte déjà une section protégée par mot de passe que le syndicat pourrait utiliser pour communiquer une information confidentielle aux employés. Le syndicat pourrait aussi recourir davantage à ses délégués syndicaux pour s’acquitter de ses obligations d’origine législative. Des babillards ont été installés dans les lieux de travail, et l’IPFPC pourrait les utiliser pour mieux communiquer avec les employés.

[133] Le droit d’un employé à la protection de sa vie privée ne peut être éliminé du seul fait qu’il travaille dans un environnement syndiqué. Le groupe ne peut pas renoncer aux droits d’un individu. Les droits individuels à la protection de la vie privée ne peuvent pas être écartés parce qu’il est trop difficile ou trop coûteux de les garantir. La Loi sur la protection des renseignements personnels a été qualifiée de loi quasi constitutionnelle.

[134] Dans la jurisprudence des commissions des relations de travail que les autres parties ont invoquée (par exemple Millcroft Inn), il n’y avait aucune mention de droits individuels à la protection de la vie privée, et aucun employé n’a participé à cette instance à titre individuel. Mme Bernard a déclaré que c’était très difficile d’établir la qualité requise pour être entendue sur cette question.

[135] La déclaration faite dans l’affaire Millcroft Inn selon laquelle les droits de chacun des employés au respect de la vie privée ont été [traduction] « […] remplacés en partie par les droits du syndicat en sa qualité de représentant » (au paragraphe 37) est directement contredite par la recommandation du CPVP sur la protection des droits individuels au respect de la vie privée. Il faut faire preuve de retenue à l’égard de l’opinion du CPVP. Dans un dossier mettant en cause la liste des électeurs pour Élections Canada, le CPVP a déterminé qu’il fallait obtenir un consentement actif, et non seulement un consentement implicite (voir la pièce A jointe aux arguments de Mme Bernard).

[136] Les agents négociateurs ont fait un usage abusif des renseignements personnels, ainsi que le démontre une plainte déposée en 1992 contre l’AFPC. Il n’existe aucune garantie relative à la sécurité des renseignements, d’où la liberté des individus d’accorder ou non leur consentement à la communication des renseignements personnels les concernant. L’employeur a fait parvenir des données non chiffrées à l’IPFPC, qui n’a en place aucune politique sur la destruction des données expirées. La preuve a démontré que l’IPFPC possède encore le premier disque compact.

[137] Les coordonnées domiciliaires ouvrent la porte à l’obtention d’une quantité énorme d’autres renseignements personnels. Mme Bernard a cité l’exemple du régime d’enregistrement foncier, qui donne au public un accès à une grande quantité de renseignements personnels, notamment les dates de naissance, l’état civil et des renseignements sur les hypothèques. Par conséquent, l’accès aux coordonnées domiciliaires n’est pas un moyen donnant lieu à une atteinte minimale.

[138] Les employés ont le devoir de s’informer des questions se rapportant à leurs conditions d’emploi. Les employés représentés par l’IPFPC sont fort qualifiés et des plus instruits. Ils disposent de nombreuses sources d’information, dont le site Web, un numéro de téléphone sans frais, des adresses de courriel au travail, le site Web de l’ARC, les babillards, les délégués syndicaux, leurs collègues et les compte rendus des médias.

[139] La solution consistant pour les employés à accorder leur consentement n’est pas idéale, car les gestionnaires de première ligne ne devraient pas savoir si un employé est assujetti à la formule Rand. La cueillette de ces renseignements personnels est interdite par l’article 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[140] Mme Bernard a fait remarquer qu’il n’existe aucune garantie quant à la sécurité des renseignements personnels. Elle a donné des exemples d’infractions alléguées à la sécurité signalés dans le rapport annuel du CPVP. Dans le cas de l’IPFPC, il existe des craintes, bien que les témoins aient fait mention des mesures de protection en place. L’ARC a fourni à l’IPFPC des données non chiffrées, sur des disques compacts qui ont été envoyés par messager. Le syndicat a reçu deux disques et il n’a pas encore détruit le premier. La manière dont on dispose des renseignements personnels n’a pas encore été abordée par les parties.

[141] Mme Bernard a fait valoir que les changements suivants devaient être apportés à l’ordonnance sur consentement : seuls les adresses et les numéros de téléphone au travail devraient être fournis, et des courriels réguliers pourraient continuer à rappeler aux employés de fournir leurs coordonnées domiciliaires à l’IPFPC s’ils le souhaitent.

G. Arguments supplémentaires du CPVP

[142] Après avoir entendu les arguments de toutes les parties, le CPVP a présenté des arguments pour clarifier son point de vue ainsi que des arguments supplémentaires.

[143] Il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice dans le cadre de l’évaluation des droits au respect de la vie privée.

[144] Le CPVP ne prône pas la cueillette des adresses électroniques à domicile.

[145] Il soutient que la communication des renseignements personnels qui exclut les adresses résidentielles pourrait suffire.

[146] Il affirme que, lorsqu’il a déclaré que l’employeur n’avait pas pleinement mis au point un usage compatible des renseignements, il n’avait pas encore entendu les arguments de l’employeur. Par ses commentaires, le CPVP ne cherchait pas à donner l’impression que l’employeur ne pouvait étayer cette allégation. En outre, le CPVP ne se prononçait pas sur la suffisance de la preuve pour appuyer une conclusion que l’ordonnance sur consentement constituait un usage compatible des renseignements personnels.

[147] Le CPVP a fait remarquer qu’il ne pouvait pas annuler une décision de la Commission ni la contester de manière indépendante.

[148] L’exemple de la liste des électeurs dont Mme Bernard a fait mention était une conclusion du CPVP qui reposait fortement sur le contexte. Le CPVP reconnaît que le contexte de l’ordonnance sur consentement visée par le présent réexamen est différent.

H. Réplique de l’IPFPC

[149] L’IPFPC a fait valoir que ses communications avec les employés excèdent la portée de l’objet des articles 183 et 184 de la nouvelle Loi. La décision intérimaire de la Commission (2008 CRTFP 13) ne se limitait pas aux communications à cette fin.

[150] Lorsque le CPVP a examiné la plainte soulevée par Mme Bernard en 1993, il n’a pas abordé le devoir de l’agent négociateur de satisfaire aux obligations que la loi lui impose.

[151] Il n’y a aucune preuve selon laquelle les coordonnées domiciliaires étaient inexactes.

[152] En ce qui concerne les compétences du CPVP, dans le contexte très spécifique des relations de travail au niveau fédéral, la Commission possède les compétences nécessaires. Elle ne peut entraver son propre pouvoir discrétionnaire en se fondant sur les compétences d’un autre organisme.

[153] Il n’existe aucun vide au chapitre de la protection de la vie privée, contrairement à ce qu’ont allégué le CPVP et Mme Bernard. L’IPFPC a convenu d’adhérer aux principes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Seule la question du recours qui existe à l’encontre d’une atteinte à la vie privée est en litige ici. Les recours qui peuvent être exercés devant la Commission sont plus vigoureux que la plainte qui peut être déposée devant le CPVP et la recommandation non exécutoire que ce dernier peut formuler.

I. Réplique de l’AFPC

[154] La relation entre un agent négociateur et un employeur tient au mandat, ce que le CPVP n’a pas reconnu dans ses arguments. Mme Bernard demande à la Commission d’écarter la décision rendue en 2008, ce qui ne relève clairement pas du cadre du présent réexamen.

J. Réplique de l’ACEP

[155] La question en litige n’est pas l’obligation des employés de se tenir informés, mais plutôt l’obligation des agents négociateurs de communiquer avec les employés. La capacité de ces derniers de s’informer des questions touchant leurs conditions d’emploi est par conséquent sans pertinence dans le cadre du présent réexamen.

K. Réplique de l’ARC et des intervenants employeurs

[156] L’employeur a tenu compte des craintes en matière de respect de la vie privée lorsqu’il a conclu l’entente sur la communication des coordonnées. L’entente prévoit clairement que les parties sont liées par les principes qui sous‑tendent le respect de la vie privée. Toutes les craintes soulevées initialement par le CPVP ont été traitées dans l’entente (qui est ensuite devenue l’ordonnance sur consentement).

[157] L’ordonnance sur consentement n’énonce aucune disposition sur la transmission des coordonnées. Aucune preuve spécifique n’a été produite sur cette question. Les parties ont trouvé un moyen assez sécuritaire de transmettre les renseignements. La Commission n’a pas à rendre une ordonnance à cet égard.

Motifs

[158] L’employeur a soulevé la portée de l’ordonnance sur consentement dans la présente audience sur le réexamen. Il a fait valoir que je ne dois pas nécessairement considérer l’utilisation des coordonnées domiciliaires au‑delà de l’utilisation que prévoient les articles 183 et 184 de la nouvelle Loi. Si l’ordonnance intérimaire rendue par la Commission a porté surtout sur ces articles, l’ordonnance sur consentement n’est pas ainsi limitée. En effet, elle renvoie à l’utilisation des coordonnées domiciliaires « […] à des fins légitimes de l’agent négociateur, conformément à la LRTFP; » (paragraphe 3 de la partie de l’ordonnance sur consentement qui concerne l’agent négociateur). La CAF a dit clairement que le présent réexamen se limite à un réexamen de l’ordonnance sur consentement. Elle a déclaré que l’unique question dont elle était saisie était le type de renseignements que l’employeur doit fournir (paragraphe 30). La CAF a ajouté qu’il fallait déterminer également le genre de renseignements dont l’agent négociateur avait besoin pour satisfaire à ses « obligations de représentation » (paragraphe 18). Plus loin dans sa décision, elle a renvoyé l’affaire à la Commission pour qu’elle se prononce sur les « […] renseignements que l’employeur doit communiquer au syndicat de telle sorte qu’il soit permis à l’employeur de s’acquitter des obligations légales lui incombant. » (paragraphe 42). La CAF ayant mentionné plus tôt les obligations en matière de représentation, il est probable que son renvoi subséquent aux « obligations légales » visait également toutes les obligations de l’agent négociateur qui découlent de la nouvelle Loi, et non seulement les obligations expressément énoncées dans la nouvelle Loi (c.‑à‑d. aux articles 183 et 184).

[159] J’ai par conséquent conclu que le présent réexamen s’étend à l’utilisation de renseignements personnels aux fins légitimes de l’agent négociateur sous le régime de la nouvelle Loi.

[160] La question centrale dans le présent réexamen est celle de savoir si l’ordonnance sur consentement prend en considération et protège suffisamment le droit à la vie privée des employés qui n’adhèrent à aucun agent négociateur (aussi appelés les employés assujettis à la formule Rand). Dans Bernard, la CAF a déclaré que la Commission avait le devoir de prendre en compte le droit au respect de la vie privée des employés et de justifier toute atteinte à ce droit (paragraphe 41). Pour effectuer cette analyse, je dois dans un premier temps cerner le droit au respect de la vie privée des employés assujettis à la formule Rand et dans un deuxième temps examiner les dispositions énoncées dans l’ordonnance sur consentement.

[161] La CAF a dit clairement que le réexamen ne vise pas l’ordonnance initiale par laquelle la Commission a déterminé que l’omission de fournir les coordonnées à l’IPFPC constituait une pratique déloyale de travail. Dans sa décision intérimaire, la Commission a formulé certaines des questions qui devaient être étudiées avant qu’elle ne puisse se prononcer sur les renseignements qui doivent être fournis. Ces questions peuvent être reprises dans les termes suivants :

• Quelles coordonnées l’employeur possède-t-il?

• Comment ces renseignements sont-ils maintenus pour qu’on soit sûr de leur validité et qu’on puisse s’en servir en temps opportun?

• De quels types précis de renseignements l’agent négociateur a‑t‑il besoin pour s’acquitter de son devoir de représentation?

• Quand l’employeur devrait-il fournir les renseignements?

• Quelles sont les exigences récurrentes, s’il y en a, pour effectuer les mises à jour de ces renseignements?

• Existe-t-il des façons pour l’employeur de s’acquitter de son obligation de fournir ces renseignements qui rencontrent les exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

• Devrait-on imposer à l’agent négociateur des conditions d’utilisation des renseignements?

 

[162] La preuve a permis de constater que l’employeur dispose des coordonnées suivantes de tous les employés : adresse au travail, adresse électronique au travail et adresse résidentielle. Il a en sa possession également le numéro de téléphone à domicile des employés qui ont choisi de le lui fournir. Il est évident que les coordonnées à la maison (adresse et numéro de téléphone) sont considérées comme étant des renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels, tandis que les coordonnées au travail ne le sont pas. Cependant, l’agent négociateur n’est pas autorisé à utiliser les installations de l’employeur (dont les téléphones et le courriel) pour mener ses activités. À l’instar de la plupart des conventions collectives, la convention collective applicable dans la présente affaire pose clairement les paramètres de la tenue des activités syndicales au travail. La capacité d’un agent négociateur de communiquer avec les employés au travail est nettement limitée. Ainsi, les informations qu’il souhaite communiquer doivent être examinées et approuvées par l’employeur avant d’être affichées. Voir par exemple Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale et section locale 147 de l’Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel du Canada, 2006 CRTFP 76 et Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale et section locale 147 de l’Association nationale des travailleurs correctionnels fédéraux c. Service correctionnel du Canada, 2006 CRTFP 46. En outre, les communications électroniques effectuées au travail ne donnent lieu à aucune attente en matière de respect de la vie privée. Pour ces raisons, les coordonnées au travail ne permettent pas à un agent négociateur de satisfaire à ses obligations de représenter tous les employés faisant partie de l’unité de négociation.

[163] Le CPVP a dit craindre que l’employeur recueille plus de renseignements personnels que ceux dont il a besoin pour gérer la relation d’emploi. Aucune preuve n’a été produite à l’appui de cette prétention, et la crainte du CPVP demeure hypothétique.

[164] Le CPVP a fait valoir que les parties n’avaient pas examiné la possibilité de communiquer avec les employés par des moyens ne nécessitant aucun renseignement personnel. Le CPVP et Mme Bernard n’ont offert aucune description détaillée de ces moyens. Le CPVP a renvoyé à de nouvelles technologies comme les médias sociaux et l’Internet sans aucune autre précision. Mme Bernard a suggéré l’utilisation du réseau de délégués syndicaux ou du site Web de l’IPFPC. Et le CPVP et Mme Bernard ont mal interprété la nature de la question de la communication. En effet, il n’y a aucun doute que toutes les organisations peuvent utiliser de tels outils pour diffuser de l’information. Or, la question ici ne vise pas la diffusion de l’information, mais bien la communication avec les employés directement. La Commission a conclu qu’un agent négociateur a le droit de communiquer avec tous les employés directement — présumer que les employés consulteront le site Web ou discuteront avec un délégué ne satisfait pas à cette obligation. Ainsi qu’il est écrit dans l’affaire Co Fo Concrete Forming Construction Ltd, [1987] OLRB Rep. October 1213, (citée dans Millcroft Inn, au paragraphe 13), pour s’acquitter de son devoir de représentation équitable, l’agent négociateur doit pouvoir communiquer directement avec chacun des employés qu’il représente.

[165] Le CPVP et Mme Bernard paraissent être d’avis que l’IPFPC fait partie du grand public. Ainsi que la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique l’a signalé dans Canadian Office of Professional Employees’ Union, Local 378 v. Coast Mountain Bus Company Ltd., 2005 BCCA 604, il importe de ne pas confondre la communication des renseignements personnels à un syndicat avec la communication au grand public (paragraphe 74). Comme son nom l’indique, l’agent négociateur est l’agent de tous les employés faisant partie d’une unité de négociation (Ottawa-Carleton District School Board). L’employé fournit ses coordonnées domiciliaires à l’employeur dans le contexte de la relation d’emploi. Cette relation a été décrite par le CCRI (dans Telus Advanced Communications) comme étant une relation qui « comprend trois parties et non deux » (paragraphe 13) :

[…] Les coordonnées que l’employeur recueille sur les employés ne lui appartiennent pas. Si l’on pouvait dire qu’elles « appartiennent » à qui que ce soit, ce serait à l’employé lui‑même. L’employé donne ses coordonnées à l’employeur dans le cadre de la relation d’emploi, laquelle comprend trois parties, et non deux, dans un contexte syndical. On recueille les coordonnées de base de l’employé (son nom, son adresse et son numéro de téléphone à domicile) pour faire en sorte que les personnes qui doivent communiquer avec lui pour des questions liées à son emploi puissent le faire. Cela vaut tout autant pour le syndicat qui représente les employés que pour l’employeur. Compte tenu des restrictions imposées aux contacts du syndicat avec les employés durant leurs heures de travail, on peut dire que le syndicat a un besoin encore plus grand d’avoir accès à ces coordonnées de base que l’employeur.

 

[166] Ainsi que la CRTO l’a signalé dans Millcroft Inn (aux paragraphes 31 et 32) :

Une des conséquences du fait que le syndicat est l’agent négociateur exclusif des employés en fait l’égal de l’employeur dans sa relation de négociation collective. Dans la mesure où l’employeur détient des renseignements importants pour la capacité du syndicat de représenter les employés (comme leur nom, leur adresse et leur numéro de téléphone), le syndicat devrait les avoir aussi ». Les droits à la protection des renseignements personnels les concernant des employés sont sapés (sans aucun doute à juste titre) du fait que l’employeur connaît leur nom, leur adresse et leur numéro de téléphone. L’acquisition de ces renseignements par le syndicat ne saperait pas davantage les droits des employés et ne serait pas moins légitime.

L’employeur a fait grand cas de la disponibilité d’autres moyens par lesquels le syndicat pourrait obtenir les renseignements qu’il souhaite. Évidemment, le syndicat pourrait non sans mal afficher un avis sur son babillard pour demander à chaque employé de lui communiquer son adresse. Peut‑être que tous les employés, mais probablement une partie d’entre eux seulement, se donneraient la peine de le faire. Les délégués syndicaux pourraient aussi non sans mal, en dehors des heures de travail (pendant les repas et avant et après le travail) s’adresser à chaque employé pour obtenir son adresse et son numéro de téléphone. Il obtiendrait probablement un certain succès. La question est cependant celle de savoir pourquoi le syndicat devrait travailler si fort alors que l’employeur peut facilement et sans problème fournir les renseignements en question. À mon avis, rien ne justifie que l’on force le syndicat à se démener de la sorte. L’employeur a en sa possession les renseignements dont le syndicat a besoin et à l’accès desquels il a droit, et il devrait les obtenir. L’employeur est le mieux placé pour les fournir, et il devrait le faire.

 

[167] Pour s’acquitter de son rôle d’agent négociateur, l’IPFPC doit être capable de communiquer avec les employés rapidement et efficacement, surtout lorsque les employés sont dispersés (Ontario Public Service Employees, paragraphe 9, et Société canadienne des postes, paragraphe 27).

[168] L’ancienne CRTFP s’est penchée sur la question de la communication des renseignements personnels en 1996. Elle a conclu au terme d’une analyse sommaire que la communication des renseignements personnels était autorisée par l’alinéa 8(2)a) et le sous‑alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dans Énergie atomique du Canada Limitée, le CCRI a conclu que les renseignements recueillis aux fins de l’emploi devaient être communiqués aux agents négociateurs conformément à l’alinéa 8(2)a) parce que leur divulgation est compatible avec l’une des fins auxquelles ils sont principalement recueillis, à savoir l’administration de la convention collective (paragraphe 34). Dans Economic Development Edmonton, la commission des relations de travail de l’Alberta en est arrivée à la même conclusion (paragraphe 27). Les employés fournissent à leurs employeurs leurs coordonnées domiciliaires pour être informés des conditions de leur emploi. Cet objectif est conforme à l’usage que l’IPFPC entend faire des coordonnées dans la présente affaire. L’agent négociateur ne peut utiliser les coordonnées domiciliaires qu’à des fins limitées. Il entend utiliser les coordonnées domiciliaires pour s’acquitter de son devoir de représentation des intérêts des employés qui font partie de l’unité de négociation. En conséquence, j’ai conclu que la communication des coordonnées domiciliaires est permise par l’alinéa 8(2)a).

[169] Étant donné que j’ai conclu que la communication est permise par l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, je n’ai pas à me pencher sur les autres dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels invoquées par les parties.

[170] Le CPVP et Mme Bernard ont exprimé leur inquiétude au sujet de l’exactitude des coordonnées domiciliaires. Je suis d’avis, comme l’employeur, que le paragraphe 6(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’applique pas aux coordonnées domiciliaires; il a pour objet de veiller à l’exactitude des renseignements aux fins des décisions qui concernent un individu. Quoi qu’il en soit, la capacité des employés de modifier leurs coordonnées domiciliaires suffit pour assurer l’exactitude de ces renseignements. Étant donné que la communication des coordonnées domiciliaires a notamment pour but de leur permettre de recevoir des informations sur leur rémunération et leurs avantages sociaux, les employés ont tout intérêt à mettre ces renseignements à jour. En outre, l’IPFPC ne ferait parvenir aucune information personnelle aux employés, de sorte qu’il n’existe aucun risque de compromettre les renseignements personnels par l’envoi d’une correspondance à l’ancienne adresse d’un employé.

[171] Dans leurs arguments, les parties ont abordé la question de la fréquence à laquelle les coordonnées domiciliaires devraient être envoyées. Elles ont convenu d’un calendrier trimestriel de manière à assurer le caractère actuel des coordonnées domiciliaires.

[172] J’examinerai maintenant les modalités de l’ordonnance sur consentement pour déterminer si le droit au respect de la vie privée des employés est suffisamment protégé. Il est important de noter que le CPVP a relevé une lacune dans les lois sur la protection des renseignements personnels au Canada. Les agents négociateurs dans la fonction publique fédérale ne sont visés par aucune loi sur la protection des renseignements personnels, contrairement aux agents négociateurs de nombreux ressorts provinciaux (par exemple Coast Mountain Bus Company Ltd.). Toutefois, dans l’ordonnance sur consentement, l’IPFPC s’est engagé à adhérer aux principes qui sous‑tendent la Loi sur la protection des renseignements personnels et son règlement, de même qu’aux principes qui sous‑tendent la Politique du gouvernement sur la sécurité (laquelle n’a pas été produite en preuve à l’audience).

[173] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, l’entente conclue entre les parties prévoit l’usage que l’IPFPC peut faire des coordonnées domiciliaires : il se limite aux obligations légitimes que lui impose la nouvelle Loi.

[174] Mme Bernard a dit craindre que les renseignements communiqués fassent l’objet d’un usage abusif. Or, l’IPFPC s’est engagé à protéger les renseignements qu’il reçoit de l’employeur. J’estime moi aussi que l’on ne peut pas supposer l’existence d’un abus. L’IPFPC a autant d’intérêt à protéger ces renseignements que l’employeur. Il n’est pas dans son intérêt en tant qu’agent des employés de communiquer les renseignements à des tiers. Une telle communication pourrait sérieusement saper la confiance qui doit exister entre un employé et son agent. Il s’est engagé également à adhérer aux principes qui sous‑tendent le respect de la vie privée, qui devraient prévenir tout abus. Dans le cas peu probable où il y aurait un abus ou une infraction à la sécurité par l’employeur dans la transmission des renseignements, les employés ont des recours sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En cas d’abus ou d’une infraction à la sécurité des renseignements par l’IPFPC, les employés ont le droit d’en saisir la Commission. Étant donné que l’abus potentiel est hypothétique et qu’il n’est étayé par aucune preuve, il ne m’appartient pas de tirer des conclusions spécifiques sur la manière dont une plainte sous le régime de la nouvelle Loi serait formulée ou abordée par la Commission.

[175] L’ordonnance sur consentement précise clairement que l’IPFPC peut utiliser les coordonnées domiciliaires aux seules fins légitimes prévues dans la nouvelle Loi, qu’il ne peut communiquer les renseignements qu’à ceux de ses représentants qui sont chargés de s’acquitter de ses obligations, et qu’il ne doit utiliser les renseignements à aucune autre fin (alinéas 7a) et b) de la partie de l’ordonnance de consentement qui concerne l’agent négociateur).

[176] La preuve a bien révélé l’existence d’un risque inacceptable dans la transmission des coordonnées domiciliaires. Des coordonnées domiciliaires ont été envoyées à l’IPFPC, par messager, sur un disque compact non chiffré. L’ordonnance sur consentement prévoit clairement la protection et la conservation en toute sécurité des renseignements communiqués par l’IPFPC (au paragraphe 4 de la section qui concerne l’agent négociateur), mais elle ne règle pas la question de la transmission des données en toute sécurité. Les coordonnées domiciliaires devraient être transmises d’une manière aussi sécuritaire que possible. La preuve a montré que la transmission des coordonnées domiciliaires par le SCT est chiffrée et protégée par un mot de passe. Si le mode de transmission est un disque compact, celui‑ci devrait être chiffré ou l’accès à l’information qu’il contient devrait être assujetti à l’utilisation d’un mot de passe. En conséquence, l’ordonnance sur consentement est modifiée pour prévoir clairement que les coordonnées domiciliaires transmises par l’employeur doivent être chiffrées ou protégées par un mot de passe.

[177] Mme Bernard a soulevé des questions sur la manière dont il convient de disposer des coordonnées domiciliaires désuètes. Ces questions sont légitimes. Le fait que le premier disque compact contenant des coordonnées domiciliaires n’a pas encore été détruit est peut‑être attribuable au fait que l’IPFPC n’a pas encore eu la possibilité d’utiliser l’information qui y figure. Aucune explication n’a été présentée par l’IPFPC. L’ordonnance sur consentement l’oblige à respecter les principes de la Politique du gouvernement sur la sécurité régissant la sécurité « […] et l’aliénation des renseignements personnels visés; » (alinéa 7c) de la partie de l’ordonnance sur consentement qui concerne l’agent négociateur). La Politique du gouvernement sur la sécurité n’énonce aucune directive sur la manière de disposer des renseignements privés. Les principes qui sous‑tendent le respect de la vie privée exigent la destruction en temps opportun des renseignements personnels qui ne sont plus pertinents relativement à la fin pour laquelle ils ont été recueillis. Par conséquent, l’ordonnance sur consentement est modifiée de manière à préciser qu’il doit être dûment disposé des fichiers contenant les coordonnées domiciliaires fournis par l’employeur dès que des coordonnées domiciliaires à jour sont fournies par l’employeur.

[178] L’entente entre les parties a bel et bien abordé la question de l’envoi d’un avis aux employés en vue de les informer que leurs coordonnées domiciliaires seraient communiquées à l’IPFPC (paragraphe 4 de la partie de l’ordonnance de consentement qui concerne l’employeur). Les parties n’ont pas traité de la constante nécessité d’informer les nouveaux employés compris dans l’unité de négociation que leurs coordonnées domiciliaires seront communiquées à l’IPFPC. L’employeur peut régler cette question soit en modifiant le formulaire remis aux employés, soit en donnant un avis à tous les nouveaux employés. Il lui appartient de décider du moyen à utiliser pour informer les nouveaux employés, mais l’ordonnance sur consentement sera modifiée de manière à exiger que tous les nouveaux employés reçoivent un avis de la communication de leurs coordonnées domiciliaires à l’IPFPC.

[179] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


Ordonnance

[180] L’ordonnance de consentement qui figure dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 58, est modifiée. La portion de l’ordonnance qui énonce les obligations de l’employeur est modifiée par l’ajout des deux paragraphes suivants :

5. Les coordonnées domiciliaires transmises par l’employeur doivent être protégées par un mot de passe ou chiffrées pour en assurer la transmission en toute sécurité;

6. Après sa nomination initiale à un poste faisant partie de l’unité de négociation représentée par l’IPFPC, l’employé doit être avisé par l’employeur que ses coordonnées domiciliaires seront communiquées à l’agent négociateur.

 

[181] La portion de l’ordonnance qui énonce les obligations de l’agent négociateur est modifiée par l’ajout du paragraphe suivant :

10. Il est dûment disposé des coordonnées domiciliaires fournies par l’employeur dès qu’elles sont remplacées par des coordonnées domiciliaires à jour.

 

 

Le 21 mars 2011.

Traduction de la CRTFP

Ian. R. Mackenzie,

vice-président


 

ANNEXE A

 

Texte de l’ordonnance sur consentement rendue dans le dossier 2008 CRTFP 58

II. Ordonnance

[5] L’employeur :

1. communique à tous les trimestres à l’agent négociateur les adresses postales et les numéros de téléphone à domicile de ses employés membres de l’unité de négociation du groupe VFS qu’il détient dans ses systèmes d’information sur les ressources humaines. L’employeur s’efforce de fournir ces renseignements à l’agent négociateur dans les trois mois suivant la date de l’ordonnance de la CRTFP avalisant le présent protocole d’accord;

2. sur réception du consentement écrit exprès de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) autorisant l’emploi de la procédure et du système conçus à son intention (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 44) à seule fin de communiquer à l’agent négociateur les coordonnées à domicile des employés, l’employeur accepte de fournir les données décrites au paragraphe 1;

3. communique les données dans le format de fichier bidimensionnel séparé par des virgules décrit à l’annexe A (la longueur des champs est à confirmer);

4. avant la communication initiale des renseignements décrits au paragraphe 1 ci-dessus, l’employeur et l’agent négociateur informent conjointement les employés de la communication. Le message leur explique pourquoi les renseignements sont communiqués. L’ordonnance de la Commission est annexée à ce message conjoint. Toute question concernant la communication des renseignements doit être adressée à l’agent négociateur. Le message conjoint est reproduit à l’annexe B de la présente entente.

[6] L’agent négociateur :

1. retire la plainte 561-34-177;

2. convient que la présente entente constitue le règlement total et définitif de toutes ses demandes actuelles et futures contre Sa Majesté du chef du Canada, ses employés, mandataires et fonctionnaires qui découlent de la présente demande et, sous réserve des dispositions de la LRTFP, accepte de n’intenter aucune procédure de quelque nature que ce soit à leur égard;

3. veille à ce que les renseignements communiqués servent exclusivement à des fins légitimes de l’agent négociateur, conformément à la LRTFP;

4. s’assure que les renseignements communiqués sont protégés et conservés en toute sécurité;

5. respecte les droits à la vie privée des employés membres de l’unité de négociation;

6. reconnaît que l’employeur est lié par la Loi sur la protection des renseignements personnels en ce qui concerne la protection des renseignements personnels tels qu’ils sont définis par cette loi. L’agent négociateur gère les renseignements personnels communiqués aux termes du présent protocole d’accord en conformité avec les principes et pratiques équitables de gestion des renseignements personnels prévus dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et dans son Règlement. Plus particulièrement, il veille à assurer le caractère privé et confidentiel de tout renseignement personnel qui lui est communiqué par l’employeur aux termes du présent protocole d’accord;

7. par souci de clarté, l’agent négociateur doit notamment :

a. communiquer les renseignements personnels exclusivement à ses représentants chargés de s’acquitter des obligations légitimes que lui impose la LRTFP;

b. s’abstenir d’utiliser, de copier ou de compiler les renseignements personnels à des fins autres que celles qui sont prévues dans le présent accord;

c. respecter les principes de la Politique du gouvernement sur la sécurité http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/gospubs/TBM_12A/gsp-psg_f.html régissant la sécurité et l’aliénation des renseignements personnels visés;

d. veiller à ce que tous ses représentants ayant accès aux renseignements communiqués se conforment à toutes les dispositions du présent accord;

8. reconnaît la nature délicate des renseignements communiqués en ce qui concerne la sécurité personnelle des employés, particulièrement dans les cas où la mauvaise gestion ou la communication par inadvertance de ces renseignements peut causer de graves problèmes de sécurité et, par conséquent, veille à mettre en place des mesures efficaces de contrôle de la gestion et de surveillance permanente de ces renseignements en tenant compte des risques éventuels pour les employés et les membres de leur famille;

9. reconnaît que les renseignements provenant des bases de données de l’employeur en place au moment de leur communication ont été fournis par les employés et que l’employeur ne peut en être tenu responsable en cas de contestation du résultat d’un vote de grève. L’agent négociateur est responsable de la mise à jour de sa propre base de données.

[7] Le présent accord est conclu sous toutes réserves et sans créer de précédents.

[8] Il est entendu et expressément convenu que ni l’application des conditions de l’entente, ni son acceptation par l’une ou l’autre des parties ne constituent une reconnaissance de responsabilité de l’une ou l’autre d’entre elles et qu’une telle responsabilité est expressément niée à cet égard ou à celui de toute autre question.


ANNEXE B

Annexe A jointe au dossier 2008 CRTFP 58

ÉBAUCHE de fichier d’adresses pour le syndicat (FAS) de l’Agence du revenu du Canada

Personne :

 

Au syndicat

NIO (9)

Num (9)

Y

Nom de la personne

 

 

Caract. alpha (3)

Initiales

Y

Caract. alpha (20)

Nom de famille

Y

Adresse de la personne

 

 

Caract. alpha (55)

Ligne de l’adresse à domicile (1)

Y

Caract. alpha (55)

Ligne de l’adresse à domicile (2)

Y

Caract. alpha (55)

Ligne de l’adresse à domicile (3)

Y

Caract. alpha (55)

Ligne de l’adresse à domicile (4)

Y

Caract. alpha (30)

Municipalité/Ville

Y

Caract. alpha (30)

Province/Territoire

Y

Caract. majusc (30)

Pays

Y

Caract. majusc. (10)

Code postal

Y

No de téléphone de la personne

 

 

Num (3)

Code de pays étranger

Y

Num (3)

Indicateur régional

Y

Num (7)

Numéro de l’abonné

Y

 

 

 

Exemple

 

888888888,hl,garson, 123, rue quelconque, au coin de la rue,

Ottawa, CANADA,

e8n4e6,011,613,

9999999

 

 


Annexe B jointe au dossier 2008 CRTFP 58

Message à l’intention des employés membres des unités de négociation représentées par l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC)

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle Loi), les agents négociateurs qui tiennent des votes de grève doivent permettre à tous les membres de l’unité de négociation d’y participer plutôt qu’aux membres en règle du syndicat seulement, comme c’était le cas auparavant.

Pour que l’IPFPC puisse se conformer à l’obligation que la nouvelle Loi lui impose en donnant un préavis suffisant de la tenue des votes de grève à tous les employés et s’acquitter de ses autres responsabilités aux termes de la nouvelle Loi, l’employeur doit lui communiquer les coordonnées à domicile de tous les employés membres de l’unité de négociation.

La communication de ces renseignements est régie par une ordonnance ci-jointe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Les renseignements communiqués à l’IPFPC seront utilisés pour les fins légitimes du syndicat et leur sécurité sera rigoureusement assurée. L’ordonnance de la CRTFP stipule les mesures de sécurité et de protection de la confidentialité applicables aux renseignements qui vous concernent.

Par conséquent, il est dans l’intérêt de chaque employé de veiller à ce que les données détenues par l’agent négociateur soient à jour. Nous vous encourageons donc à communiquer vos coordonnées actuelles à l’IPFPC et à l’informer désormais de tout changement.

Vous pouvez communiquer vos coordonnées au syndicat en les envoyant au site Web de l’IPFPC http://www3.pipsc.ca/portal/page/portal/website/memberservices/membership ou en communiquant avec lui au 1-800-267-0446.

Merci de votre attention et de votre collaboration. Si vous avez besoin d’explications ou d’information au sujet de ce message, n’hésitez pas à communiquer avec l’IPFPC, au numéro ci-dessus.

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