Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que la défenderesse avait manqué à son devoir de représentation équitable lorsqu’elle avait été absente du travail – sa période d’emploi a expiré alors qu’elle souffrait d’une maladie – la plaignante a établi qu’elle avait communiqué à maintes reprises avec la défenderesse au sujet du dépôt d’un grief – la défenderesse a omis de reconnaître les potentielles violations des droits de la personne et de mener une enquête appropriée – toutefois, la Commission ne pouvait pas autoriser que la plainte suive son cours pour des motifs légaux – la plaignante a présenté sa plainte après l’expiration de la période de 90 jours suivant la date à laquelle elle a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances qui y ont donné lieu, qui est énoncée au paragraphe 190(2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20210915

Dossier: 561-34-801

 

Référence: 2021 CRTESPF 107

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans l’emploi dans le secteur

public fédéral et Loi sur les

relations de travail dans le secteur

public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

ENTRE

 

Karen tyler

plaignante

 

et

 

Alliance de la Fonction publique du Canada

 

défenderesse

Répertorié

Tyler c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle-même

Pour la défenderesse : Morgan Rowe, avocate

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba)

du 18 au 20 juin, du 25 au 27 novembre, et le 3 décembre 2019,

et par téléconférence

le 16 décembre 2019.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

TRADUCTION DE LA CRTESPF

 

I. Résumé 2

 

II. La preuve 3

 

A. Chronologie d'événements sélectionnés 3

B. Mme Tyler 4

C. Le syndicat 9

 

III. Analyse 24

 

A. Le droit 24

B. Argumentation 25

 

1. Pour la plaignante 25

2. Pour le syndicat défendeur 35

 

IV. L'objection concernant le respect des délais Error! Bookmark not defined.

 

A. Le droit 41

B. La nature essentielle de la plainte 43

C. Le dépôt de la plainte 45

D. L'événement déclencheur qui a commencé le calcul du délai de 90 jours 47

 

1. Le courriel du 8 mars 2016 de M. MacDonald 47

2. Le courriel du 1er février 2016 de M. Esslinger 48

 

V. Conclusion 49

 

VI. Ordonnance 53


 

I. Résumé

[1] La présente décision résume une cause très solide présentée par la plaignante, Mme Tyler, qui a allégué que l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC, la « défenderesse » ou le « syndicat ») a manqué à son devoir de représentation équitable à son égard alors qu’elle était absente du travail et qu’elle souffrait d’une maladie. Pendant cette période, son employeur a permis que son emploi pour une période déterminée arrive à échéance.

[2] Le syndicat a déposé des arguments écrits à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») afin de demander de rejeter la plainte parce qu’elle est hors délai. Dans cette argumentation, le syndicat indiquait aussi que les circonstances ou les actes exacts sur lesquels reposait le manquement allégé au devoir de représentation équitable n’étaient pas clairs.

[3] En raison en partie du manque de clarté de bon nombre des allégations, et pour garantir que la plaignante qui se représente elle-même a droit à une audience complète et équitable, j’ai ordonné que la requête en rejet de la plainte soit entendue en même temps que l’audience sur le bien-fondé de la plainte.

[4] Mme Tyler a déposé des éléments de preuve convaincants qui montraient que le syndicat n’avait pas communiqué rapidement et assez clairement avec elle afin de lui permettre de bien comprendre la façon dont il gérait son dossier, particulièrement sa volonté d’obtenir réparation pour le fait que son emploi pour une période déterminée ait pu arriver à échéance.

[5] Plus important, le syndicat n’a pas reconnu ce qui aurait pu constituer une voie de réparation à explorer avec l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur »), malgré le fait que la plaignante avait envoyé à maintes reprises des courriels au syndicat afin de lui demander d’explorer et de poursuivre les réparations possibles aux motifs des droits de la personne.

[6] Toutefois, même si j’accepte l’argument de la plaignante en ce qui concerne le plus récent événement déclencheur possible du moment où elle connaissait ou aurait dû connaître la question qui constituait le fondement de la présente plainte, qui commençait donc le délai prescrit de 90 jours pour la déposer, la preuve a clairement montré que la plainte avait été déposée après l’échéance de 90 jours.

[7] Malgré le fait que Mme Tyler demande une mesure d’adaptation à cause de sa maladie pour surmonter le délai de 90 jours, il m’est interdit, en vertu d’une loi du Parlement, de le faire et pour cette seule raison je ne peux accueillir la présente plainte.

[8] Mme Tyler s’est considérablement investie dans la recherche, la préparation et la présentation de la présente affaire. Même si j’ai conclu que cette plainte est hors délai, je résumerai les éléments de preuve et analyserai les allégations pertinentes pour l’élément essentiel du cas afin de commémorer ces questions qui revêt une si grande importante pour Mme Tyler, comme elle l’a affirmé.

II. Preuve

A. Chronologie des événements sélectionnés

[9] Voici la chronologie de certains événements sélectionnés. Il ne s’agit pas d’une liste complète de l’ensemble des questions et événements dont il a été question à l’audience :

– Le 14 janvier 2015 : Mme Tyler a communiqué pour la première fois avec le syndicat afin d’obtenir de l’aide et son dossier a été confié à Elaine Montour. Elle a demandé de l’aide pour régler certains problèmes, y compris ce qu’elle considérait comme du harcèlement de la part de ses gestionnaires, une demande connexe de transfert dans un lieu de travail différent afin d’éviter l’auteur allégué du harcèlement et le retour possible à son poste au groupe et au niveau SP-03 après avoir occupé un poste SP-04 par intérim. Elle voulait aussi discuter de difficultés qu’elle éprouvait parce qu’elle avait épuisé ses soldes de congés et du problème connexe des demandes présentées par son gestionnaire afin d’obtenir des billets du médecin pour ses demandes de congé de maladie.

– Le 21 janvier 2015 : Mme Tyler et Mme Montour ont rencontré un gestionnaire.

– Le 18 mars 2015 : Un plan d’amélioration du rendement est élaboré à l’égard de Mme Tyler.

– Le 22 avril 2015 : Mme Tyler a souffert de ce qu’elle a décrit dans ses propres mots comme une « dépression nerveuse » et est partie en congé non payé (tous ses congés payés avaient été épuisés à ce moment-là.)

– Le 28 avril 2015 : Mme Montour a rencontré l’ARC afin de discuter de l’éventuel retour de Mme Tyler à son poste SP-03 plutôt qu’à l’affectation SP-04 qu’elle avait acceptée quelques mois auparavant. Mme Tyler a jugé que le retour au poste SP-03 était inacceptable, car elle insistait pour être réinstallée et relever d’un autre superviseur que celui qui la harcelait, selon ce qu’elle alléguait.

– Le 31 juillet 2015 : Mme Tyler se préparait à retourner au travail, mais elle a reçu un appel de l’ARC au cours duquel on l’informait que son poste pour une période déterminée était arrivé à échéance le 26 juin 2015 et qu’il n’y avait aucun travail pour elle à son retour.

– Du 3 au 11 août 2015 : Mme Tyler a rencontré Mme Montour à plusieurs reprises, après quoi elles ont rencontré la direction.

– Le 19 août 2015 : On a offert à Mme Tyler un contrat pour un emploi d’une période déterminée en vigueur du 24 août au 2 octobre 2015. La direction a refusé les demandes présentées par le syndicat afin d’antidater la nomination pour une période déterminée.

– Le 15 octobre 2015 : Le syndicat a contesté avec succès une évaluation du rendement erronée pour Mme Tyler, qui était perçue comme un obstacle à sa carrière et qui avait possiblement joué dans la décision de permettre que sa nomination pour une période déterminée arrive à échéance. Cette situation s’est produite, malgré l’affirmation de Mme Tyler selon laquelle son bureau était occupé et ses collègues, eux aussi nommés pour une période déterminée arrivant à échéance en même temps avaient vu leur nomination être renouvelée, ce qui leur permettait d’avoir un emploi continu.

 

B. Mme Tyler

[10] Mme Tyler a témoigné qu’elle a commencé à travailler à l’ARC en 2009 et qu’elle avait obtenu des emplois d’une période aussi courte que deux semaines et aussi longue qu’un an. Elle a témoigné qu’elle occupait un poste SP-03, qu’elle s’acquittait bien de ses fonctions et qu’elle avait profité de trois années d’emploi continu, jusqu’à ce qu’on lui donne une affectation intérimaire dans un poste SP-04, tout juste avant que les événements en litige surviennent.

[11] Elle a expliqué qu’au début de l’année 2015, un membre de sa famille à sa charge est tombé gravement malade, ce qui lui a causé énormément de stress et exigé énormément de son temps, en tant que parent seul, pour prendre soin de cette personne. Elle a témoigné qu’elle a donc dû s’absenter du travail à de multiples reprises. La preuve a établi que Mme Tyler avait en fait épuisé ses congés et demandé des avances.

[12] Son superviseur a demandé d’obtenir des billets du médecin pour toutes les absences. Elle a donc demandé l’aide de Wanda Dufty, une collègue et la présidente du syndicat local.

[13] Une preuve contenant un courriel du 14 janvier 2015, envoyé par Mme Dufty à Mme Tyler, a été déposée à l’audience. Dans ce courriel, Mme Dufty indiquait à Mme Tyler qu’elle devait évaluer ses options, parler à Mme Montour, la représentante et déléguée syndicale, et qu’aucun gestionnaire ne serait contacté d’ici là, car Mme Tyler s’inquiétait que ses représentants syndicaux amorcent des discussions avec la direction sans qu’elle leur ait demandé de le faire.

[14] La preuve non contestée a établi que, le 31 juillet 2015, l’ARC a téléphoné à Mme Tyler afin de l’informer que son poste pour une période déterminée était arrivé à échéance le 26 juin 2015, ce qui mettait ainsi fin à son emploi à l’ARC et à son statut de membre du Syndicat des employé(e)s de l’impôt (SEI) parce qu’elle n’était plus une employée dans un poste de l’unité de négociation.

[15] Mme Tyler a témoigné qu’il s’agissait de la première fois qu’elle entendait la nouvelle. Son ancien gestionnaire lui avait dit de ne pas se présenter au bureau la semaine suivante, car il n’y avait pas de travail pour elle. Elle a expliqué que cet appel avait été déclenché par ses communications avec l’employeur, qui indiquaient que son médecin et elle étaient d’avis qu’elle était prête à retourner au travail.

[16] Mme Tyler a témoigné que si son contrat avait été prolongé à la fin du mois de juin, elle serait automatiquement devenue permanente, ce qui signifiait, selon ce qu’elle a dit, que son poste pour une période déterminée serait devenu un poste pour une période indéterminée. Elle a expliqué qu’elle cherchait désespérément à obtenir la sécurité du revenu, la pension et les avantages sociaux qu’elle aurait accumulés dans un poste pour une période indéterminée.

[17] Mme Tyler a témoigné qu’elle avait immédiatement commencé à tenter de communiquer avec le syndicat par téléphone et par courriel. Elle a appelé sa présidente locale, Mme Dufty, ainsi que Mme Montour et Gary Esslinger, du bureau régional du syndicat national à Winnipeg, au Manitoba. Plusieurs courriels ont par la suite été envoyés à différents représentants syndicaux au cours des jours suivants et pendant la longue fin de semaine du mois d’août.

[18] Au cours de la semaine suivante, au début du mois d’août, Mme Tyler a échangé des courriels avec la présidente nationale du syndicat, Robyn Benson.

[19] Mme Tyler a préparé avec obligeance un catalogue de ses communications les plus pertinentes, qui comprenaient 193 courriels, appels, réunions et lettres recommandées, ainsi que leur pertinence à son cas.

[20] Elle a déposé en pièces des centaines et des centaines de courriels. Ils n’étaient pas numérotés de façon cohérente et n’étaient pas toujours présentés en ordre chronologique dans le recueil de pièces, qui ne comprenait que cinq onglets. La plupart des courriels et autres documents avaient été copiés et collés, ce qui rendait souvent difficile d’être certain de la date, des destinataires et, parfois, du texte complet d’une communication donnée.

[21] À l’audience, les deux parties et moi avons passé beaucoup de temps à collaborer afin de confirmer le lien entre les aspects du témoignage et différentes pages de courriels dans le recueil. Même si cette situation a entraîné un peu d’incertitude en ce qui concerne les dates ou heures exactes de certaines communications, il aurait été injuste que j’exclue les documents pour cette seule raison.

[22] Avec l’aide, la patience et la compréhension louables de l’avocate de la défenderesse, l’audience a été tenue avec la masse d’extraits de courriels en tant que pièces.

[23] À 2 h 30, le 7 août 2015, Mme Tyler a envoyé un courriel à Mme Benson. Elle a entre autres expliqué clairement la situation grave dans laquelle elle se trouvait, soit la perte de son emploi. Elle a écrit : [traduction] « Ma chef d’équipe m’a annoncé, mardi de cette semaine, qu’elle était obligée de m’informer qu’en date du 26 juin 2015, je ne suis plus une employée de l’ARC. » Elle a également écrit : [traduction] « Mon moyen de subsistance est en péril. »

[24] Mme Benson a répondu à partir de l’administration centrale du syndicat national le même jour, en indiquait ce qui suit : [traduction] « Bonjour Karen, j’ai transféré votre courriel à Gary Esslinger, qui est votre vice-président régional et qui trouvera sans faute quelqu’un pour vous aider. » Mme Tyler a répondu quelques minutes plus tard, en indiquant qu’elle avait laissé des messages et qu’elle attendait d’avoir des nouvelles de M. Esslinger et d’un autre membre du bureau régional de l’AFPC. Quelques minutes après l’envoi de ce message, Mme Benson a répondu [traduction] « Avez-vous appelé Wanda ou Gary McNabb? »

[25] Mme Tyler a témoigné avoir fait des centaines d’appels téléphoniques et envoyé des centaines de courriels à de nombreux représentants syndicaux.

[26] Mme Tyler a envoyé un courriel à M. Esslinger le 10 août 2015, à 14 h 25, dans lequel elle indiquait qu’elle lui avait laissé des messages vocaux. Elle a indiqué qu’elle avait laissé trois messages vocaux détaillés sur son téléphone cellulaire au cours des quatre dernières heures. Elle l’a supplié de la rappeler ce jour-là, en ajoutant qu’elle devait lui parler d’une affaire urgente et qu’elle devait rencontrer la [traduction] « haute direction » le lendemain.

[27] Mme Tyler a terminé son courriel en indiquant : [traduction] « P. S., avez-vous parlé à Mme Montour après mon appel de vendredi dernier, alors que je vous avais spécifiquement demandé de ne pas le faire? »

[28] Malgré les nombreux autres messages et réunions, Mme Tyler a continué de pousser son syndicat à l’aider. Le 6 septembre 2015, elle a écrit à Mme Dufty afin de demander que le syndicat dépose immédiatement des griefs en son nom à la suite d’un certain nombre d’actions de l’ARC. (Elle a également indiqué qu’elle avait obtenu un emploi pour une courte période déterminée, qui devait prendre fin le 2 octobre 2015.)

[29] Un message semblable a été envoyé à M. Esslinger le 24 septembre 2015 et a de nouveau été envoyé par courrier recommandé deux jours plus tard, alors que Mme Tyler attendait toujours une réponse.

[30] La preuve laisse supposer que Mme Tyler était devenue méfiante à l’égard de ses gestionnaires et qu’elle tenait à ce que les représentants syndicaux qui parlaient à la direction de ses problèmes demeurent les mêmes, et surtout pas qu’un nouveau représentant obtienne des renseignements importants afin de mettre en contexte un problème.

[31] Trente minutes plus tard, Mme Tyler a envoyé un autre courriel à Mme Benson dans lequel elle indiquait que M. Esslinger ne l’avait toujours pas rappelée. Elle a indiqué qu’elle devrait peut-être obtenir de l’aide d’une personne autre que ses représentants syndicaux locaux, qui, comme elle l’a écrit, pourraient se trouver en conflit d’intérêts. Dans son témoignage, elle a expliqué que Mme Montour, sa représentante syndicale locale, relevait de l’un des cadres supérieurs du bureau. Mme Tyler soupçonnait que Mme Montour ne la défende pas assez vigoureusement, car elle ne voulait pas contrarier le cadre supérieur dont elle relevait.

[32] Mme Tyler a écrit spécifiquement : [traduction] « En particulier en ce moment, je crois que le premier argument à présenter à la direction est l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. »

[33] Mme Tyler a également écrit ce qui suit :

[Traduction]

J’ai seulement demandé d’obtenir des réponses des personnes que je contacte pour qu’elles communiquent avec moi afin de discuter. Étant donné que rien de tout cela ne s’est produit, je vous demande de ne rien transmettre d’autre. Selon mon expérience, je crains que les personnes comprennent mal la situation ou que le fait de communiquer avec moi les met peut-être sur la défensive. Voilà pourquoi je vous présente encore une demande, dans l’intérêt de mon emploi.

 

[34] Mme Benson a répondu très rapidement, le même après-midi. Elle a écrit qu’elle avait transmis le courriel de Mme Tyler au président du SEI (élément) et que Mme Benson (présidente nationale de l’AFPC) était certaine qu’il communiquerait avec Mme Tyler.

[35] Le 12 août 2015, Mme Tyler a envoyé un courriel à Mme Benson. En plus d’écrire à plusieurs reprises, parfois en lettres majuscules, de ne pas transférer le courriel ou de le partager, et après avoir de nouveau indiqué qu’elle était préoccupée par le fait que ses représentants syndicaux locaux semblaient très sur la défensive quand ils traitaient avec elle, elle a supplié d’avoir l’aide d’un représentant syndical nommé M. Campbell. Elle a également écrit : [traduction] « le temps presse et je veux m’assurer de déposer un grief ».

[36] Le 13 août 2015, Mme Tyler a envoyé un courriel à Mme Montour. Après quelques paragraphes qui ne sont pas tout à fait compréhensibles, étant donné qu’ils semblent poursuivre une autre conversation, elle a terminé en écrivant : [traduction] « Ce n’est PAS ce dont il s’agit. Il s’agit de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. »

[37] Le même jour, une personne écrivant au nom de Mme Benson a envoyé un courriel à Mme Tyler afin de lui donner un numéro sans frais pour communiquer avec le SEI.

[38] Le 16 août 2015, Mme Tyler a envoyé un courriel à Mme Montour. Elle a entre autres écrit ce qui suit :

[Traduction]

J’ignore encore pourquoi certains secteurs de l’ARC téléphonent et offrent des prolongations d’emploi pour une période déterminée, comme ils le font avec d’autres dans leur section, afin de voir s’ils veulent les accepter, dans les cas où ils sont absents pour cause de maladie ou de blessure. N’est-ce pas ce que l’on fait à la section des Appels? Par exemple, si une personne est en congé de maternité, il me semble qu’on lui dirait avant son départ ou pendant son absence que l’on communiquerait avec elle pour savoir si elle accepte ou refuse une prolongation.

 

[39] Le 6 septembre 2015, Mme Tyler a écrit un courriel à Mme Dufty, afin de demander que le syndicat dépose immédiatement des griefs en son nom pour un certain nombre de gestes posés par l’ARC qui violaient la convention collective pertinente.

[40] Mme Tyler a spécifiquement écrit qu’elle croyait que le traitement que l’ARC lui avait réservé constituait une atteinte à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6; LCDP). Elle a également mentionné qu’elle ne pouvait pas se permettre d’attendre, que le fait d’être sans travail depuis le mois de juillet lui avait fait perdre ses avantages sociaux et qu’elle croyait que la situation était attribuable à l’évaluation du rendement erronée.

C. Le syndicat

[41] Pour être juste et avec tout le respect que je lui dois, la représentante syndicale locale de Mme Tyler (Mme Montour) a, à l’occasion, travaillé d’arrache-pied pour la représenter. La preuve a clairement établi que beaucoup d’efforts avaient effectivement été déployés pour la représenter dans bon nombre des nombreux problèmes qu’elle a connus avec son employeur pendant de nombreux mois et de nombreuses années.

[42] Le syndicat a présenté des pièces montrant des courriels échangés tout au long de l’hiver 2015, qui prouvaient que Mme Montour avait participé à des réunions avec Mme Tyler et la direction afin de discuter des nombreux problèmes avec lesquels Mme Tyler était aux prises au travail.

[43] En plus de demander de rejeter la plainte au motif qu’elle est hors délai, le syndicat a soutenu que la plaignante avait des problèmes de rendement au travail, qui étaient entièrement ou partiellement responsables du fait que l’on ait permis que l’emploi pour une période déterminée arrive à échéance en juin 2015.

[44] Il a renvoyé à un courriel transféré par Mme Tyler le 20 mars 2015, qui montrait que son superviseur avait dressé une longue liste d’attentes ayant fait l’objet de discussions lors d’une réunion et qui constituaient le plan d’amélioration du rendement (renouvelé en avril 2015) mis en place en janvier 2015. Parmi ces attentes, notons que Mme Tyler devait se présenter au travail à l’heure, prendre des pauses d’une durée adéquate, éviter de rattraper du temps plus tard, accepter les dossiers qui lui sont confiés, travailler de façon plus autonome, réduire au minimum les distractions afin de commettre moins d’erreurs, accepter les commentaires constructifs sans réagir émotivement, et comprendre que sa chef d’équipe ne pouvait pas répondre à chaque demande immédiatement, à cause d’autres priorités au bureau.

[45] Trois représentants syndicaux ont été appelés à témoigner. Il a été à la fois révélateur et déconcertant de les entendre dire dans leur témoignage qu’aucun d’eux n’était responsable des décisions relatives à la gestion du dossier de Mme Tyler.

[46] Le fait qu’aucun d’eux ne soit en mesure de dire qu’il avait le contrôle de la représentation de Mme Tyler correspond exactement à l’exposé des faits sur le cas présenté par Mme Tyler, selon lequel le syndicat est tout simplement passé à côté de son problème le plus important.

[47] Le 7 novembre 2015, pendant que Mme Tyler continuait d’écrire et de téléphoner à ses représentants syndicaux afin de leur demander de l’aider pour régler de nombreux problèmes, la présidente locale, Mme Dufty, lui a répondu comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] J’ai reçu tous les renseignements que vous avez transmis et acheminé toutes vos demandes à Gary Esslinger, car c’est lui qui s’occupe de répondre à vos préoccupations. Il m’a indiqué qu’il est en train de vous écrire une réponse, mais qu’il sera à l’extérieur jusqu’à la fin de la semaine prochaine. Vous pouvez toujours lui envoyer un courriel et il devrait vous répondre. Je ne peux pas outrepasser son autorité parce qu’il est notre vice-président régional, ou mon patron syndical, en quelque sorte. J’espère que cette réponse vous est utile. Merci et prenez soin de vous.

[…]

 

[48] M. Esslinger et Mme Dufty ont tous deux reconnu que Mme Tyler avait tenté de communiquer avec eux à de nombreuses reprises, mais ils ont longuement expliqué dans leur témoignage qu’ils étaient très occupés à autre chose et qu’ils n’étaient pas responsables de son dossier.

[49] C’est Mme Montour qui a été la plus souvent en contact avec Mme Tyler et elle a de toute évidence fait beaucoup pour l’aider, y compris en gérant le grief accueilli contestant l’évaluation du rendement viciée.

[50] Toutefois, aucun des témoins du syndicat n’a pu présenter un témoignage définitif sur ce que chacun a fait au cours des semaines et des jours menant à l’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler et dans les instants qui ont immédiatement suivi la découverte de cette arrivée à échéance.

[51] La réponse la plus directe produite en preuve par les trois témoins du syndicat qui porte sur la question essentielle sous-jacente à la présente plainte est sans doute le courriel envoyé par M. Esslinger à Mme Tyler le 28 septembre 2015, dans lequel il écrit ce qui suit :

[Traduction]

J’ai lu les renseignements que vous m’avez envoyés la semaine dernière et je ne parlerais que de certains des éléments qu’ils contiennent. Encore une fois, toute la question du congédiement injuste ou déguisé n’est pas présente dans cette situation. Premièrement, je fais remarquer que dans la plupart des définitions, un congédiement est considéré comme une cessation d’emploi. Je comprends que votre emploi pour une période déterminée arrive à échéance bientôt, toutefois, vous êtes une employée, ce qui signifie que vous n’avez pas été congédiée en fait. Le congédiement est également défini comme le fait d’être renvoyé, mais vous n’avez pas été renvoyée dans les faits. Au départ, vous aviez un emploi pour une période déterminée qui n’a pas été prolongé, comme c’est le cas pour de nombreux employés, et on ne peut pas l’interpréter comme un renvoi. Je comprends aussi que vous êtes admissibles à une réembauche, ce qui signifie donc encore une fois qu’il n’a pas été mis fin à votre emploi de façon permanente.

J’ai examiné les documents que vous avez présentés et vous n’avez peut-être pas remarqué que la troisième partie du Code canadien du travail s’applique aux employés qui ne sont pas visés par une convention collective. Étant donné que vous êtes visée par une convention collective, comme tous les employés nommés pour une période indéterminée ou les employés nommés pour une période déterminée qui ont un contrat d’emploi d’au moins trois mois, ces dispositions ne s’appliquent pas.

Il est malheureux que vous vous trouviez sans emploi à cause de votre situation et des événements qui se produisent dans votre vie et que vous n’ayez pas eu l’occasion, par l’intermédiaire d’un plan d’amélioration du rendement, de rehausser possiblement votre rendement à un niveau satisfaisant. J’ai discuté avec mon bureau national, qui a confirmé que l’employeur n’est pas tenu de prolonger un emploi afin de respecter toute échéance donnée au départ pour améliorer le rendement. Pour ces deux éléments, vous indiquez que vous vous trouviez en congé de maladie grave. J’ignore de quoi vous parlez et, d’après ce que je comprends, vous étiez en congé à cause du stress et je ne suis pas vraiment certain que cela constitue un congé pour maladie grave. Peu importe, selon les circonstances et le fait que vous êtes une employée nommée pour une période déterminée, c’est sans importance dans cette situation.

Je comprends que vous aimeriez croire que cela devrait être interprété d’une façon ou l’autre comme un congédiement déguisé, mais, encore une fois, quand j’examine les exemples que vous m’avez donnés, aucun ne s’approche de la présente situation, d’un vendeur qui passe d’un employé à un entrepreneur indépendant. Comme je vous l’ai déjà dit, votre situation ne fera jamais l’objet d’un arbitrage et, même si elle le faisait, quand viendrait le temps de demander si Karen était une employée ou si Karen était admissible à retourner au Centre fiscal en tant qu’employée nommée pour une période déterminée, le 28 septembre 2015, dans les cas, à l’heure actuelle, la réponse serait oui, ce qui porterait l’arbitre de grief à indiquer très clairement qu’il n’y a aucun renvoi dans ce cas.

Comme je l’ai indiqué précédemment, vous pourriez certainement songer à déposer une plainte de harcèlement officielle. J’ai confirmé avec les Ressources humaines qu’elle n’a pas à être déposée avant votre dernier jour de travail et que vous pourriez aussi assurément déposer un grief afin de contester votre évaluation du rendement. En toute franchise, il est pratiquement impossible qu’un tel grief se rende au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, si tel est votre objectif. Malheureusement, encore une fois, les évaluations du rendement ne peuvent pas être renvoyées à l’arbitrage, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas être examinées par un tiers. La seule option qu’il vous reste est de demander à la direction de répondre à une décision qu’elle a prise.

[Je mets en évidence]

 

[52] Le syndicat a renvoyé à un autre courriel du 1er février 2016 envoyé par M. Esslinger, qui, selon ce que soutient le syndicat, aurait dû mener Mme Tyler à comprendre qu’aucune autre mesure ne serait prise pour répondre à ses préoccupations découlant de l’arrivée à échéance de son emploi pour une période déterminée, en juin 2015.

[53] Mme Tyler a témoigné avoir lu le courriel et qu’elle comprenait qu’il répondait à ses préoccupations relatives à ce qu’elle considérait comme du harcèlement à répétition au travail que la direction avait fait à son égard et qu’il ne répondait pas à ses questions sur une éventuelle réparation relative aux droits de la personne.

[54] Le courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

Bonjour Karen, j’ai été très occupé. Je répète ce que j’ai déjà dit au sujet de la possibilité de déposer une plainte de harcèlement : étant donné que le délai pour déposer un grief est écoulé depuis longtemps, vous deviez recourir à la procédure interne de règlement des plaintes de harcèlement de l’employeur. Je crois avoir dit que je pourrais l’examiner une fois que vous l’auriez rédigée. En toute honnêteté, je ne me souviens pas de vous avoir dit que je vous aiderais à déposer une plainte relative aux droits de la personne et je ne vous aurais jamais dit une telle chose. Encore une fois, c’est la personne qui dépose ce genre de plainte; le syndicat ne joue aucun rôle.

 

[55] En contre-interrogatoire, Mme Tyler a indiqué ce qui suit :

– Le greffe de la Commission a reçu sa plainte le 9 juin 2016. Elle a ajouté qu’elle croyait l’avoir envoyée tard la veille, étant donné qu’il s’était écoulé trois mois depuis qu’elle avait reçu la lettre qui lui avait permis de comprendre ce qui s’était passé, et qui signifiait, selon ce qu’elle disait, qu’elle avait respecté l’échéance de trois mois.

– Elle a confirmé avoir envoyé quatre courriels auxquels étaient jointes un total de 18 pièces jointes à Mme Montour en 12 heures le jour du mois de juillet où elle a appris que son emploi pour une période déterminée n’avait pas été renouvelé.

– Elle a confirmé que M. Esslinger l’a appelée le 31 juillet 2015.

– Elle a confirmé qu’en août 2015, elle a accusé le syndicat d’être en conflit d’intérêts avec l’ARC et qu’elle a écrit à la présidente nationale du syndicat afin de lui demander d’éviter de transmettre de l’information sur son dossier aux représentants syndicaux locaux à Winnipeg.

– Elle a confirmé qu’elle se souvenait d’avoir rencontré M. Esslinger et Mme Montour le 17 septembre 2015, et avoir fait part qu’elle craignait que l’ARC ait porté atteinte à ses droits de la personne quand elle avait refusé de prolonger son emploi pour une période déterminée, à la fin du mois de juin 2015.

– Elle a indiqué qu’elle ne se rappelait pas qu’on lui ait dit à cette réunion qu’elle n’était plus membre du syndicat et qu’aucun grief ne pouvait donc être déposé en son nom.

 

[56] Mme Dufty a témoigné comme suit :

– Mme Tyler l’a appelée en janvier 2015 afin de lui demander de l’aider à obtenir un congé pour raisons familiales. Mme Tyler lui a aussi dit qu’elle tenait absolument à ce que les représentants syndicaux ne parlent pas à la direction.

– Cet hiver-là, Mme Tyler a demandé à Mme Montour de la représenter.

– Étant donné qu’elle participait à une convention nationale vers la fin du mois de juillet 2015 et qu’elle a ensuite été en congé pendant deux semaines, il est possible qu’elle ait manqué des appels de Mme Tyler.

– Il faut compter quatre-vingt-dix jours de service continu afin d’être admissible à un recours en vertu d’une convention collective. Toutefois, si une personne dit que l’on a permis injustement à son emploi pour une période déterminée d’arriver à échéance, le syndicat tenterait donc d’aider et devrait parler à la direction.

– Elle n’a rien eu à voir avec l’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler et avec toute question relative aux droits de la personne. En outre, lorsque M. Esslinger a pris le relais pour le dossier, elle ne pouvait pas lui dire quoi faire, car il était son patron.

– En ce qui concerne une lettre du 6 septembre 2015 envoyée par Mme Tyler, elle ne se souvenait pas d’en avoir parlé à Mme Tyler, mais a indiqué l’avoir transmise à M. Esslinger afin qu’il réponde.

– En ce qui concerne une lettre recommandée du 26 septembre 2015 et envoyée par Mme Tyler, elle a indiqué qu’elle n’avait aucune note sur un tel échange avec Mme Tyler et que Mme Montour avait pris sa retraite à ce moment-là environ, ce qui signifie que c’est M. Esslinger qui aurait eu la lettre ou toute note sur la gestion des problèmes qu’elle mentionnait.

– En ce qui concerne un courriel très détaillé du 25 octobre 2015 et envoyé par Mme Tyler, elle a indiqué qu’elle l’avait reçu, mais qu’elle ne pouvait pas y répondre parce qu’il avait été envoyé à son courriel de l’ARC et qu’elle aurait donc contrevenu au code de conduite pertinent si elle l’avait fait. Il a donc été envoyé à M. Esslinger.

– Elle n’a rien eu à voir avec les préoccupations de Mme Tyler et ne pouvait pas répondre à des questions plus détaillées sur les problèmes parce qu’elle n’avait pas directement connaissance de ceux-ci.

– Encore une fois, elle a demandé à M. Esslinger de se pencher sur les préoccupations de Mme Tyler.

– Elle avait toutes les raisons de croire qu’il s’employait à régler les problèmes et à répondre aux courriels, aux appels et au courrier recommandé de Mme Tyler parce qu’il possédait 39 ans d’expérience.

 

[57] En contre-interrogatoire, Mme Dufty a indiqué ce qui suit :

– Elle a confirmé que le congé non payé se trouve dans la convention collective pertinente, qu’il est parfois utilisé afin de conserver son statut d’employé et qu’un gestionnaire doit l’approuver.

– Elle était d’accord avec le fait qu’elle aurait pu appeler Mme Tyler comme façon de répondre aux courriels que celle-ci avait envoyés à son adresse de courriel professionnelle.

– Elle a confirmé qu’elle n’avait pas confirmé que M. Esslinger ou Mme Montour répondaient aux courriels et aux lettres envoyés par Mme Tyler parce qu’ils avaient tous deux une grande expérience et parce que M. Esslinger était son patron, ce qui signifie qu’elle ne pouvait pas lui dire quoi faire.

– Elle n’a pas répondu au courriel envoyé par Mme Tyler le 7 avril 2015 parce qu’elle croyait que M. Esslinger et Mme Montour aidaient Mme Tyler.

– Elle savait que Mme Tyler avait affirmé que sa chef d’équipe la harcelait, mais a ajouté que certaines préoccupations relatives au harcèlement sont en fait des problèmes de rendement de l’employé et qu’il appartient à la direction de gérer le rendement de ses employés.

– Elle ne s’est pas demandé si le fait de ne pas répondre aux nombreux messages et courriels envoyés par Mme Tyler aurait pu causer davantage de stress à celle-ci.

– Elle ignorait que la fille de Mme Tyler était très malade et que Mme Tyler s’était absentée du travail pour prendre soin d’elle.

– Elle ne savait pas si le syndicat avait demandé des mesures d’adaptation pour Mme Tyler pendant cette période, quoique Mme Montour lui présentait à l’occasion une mise à jour sur ces questions.

– Elle ne se souvenait pas d’avoir reçu des messages de la part de Mme Tyler vers la fin du mois de juillet ou le début du mois d’août 2015 sur le fait que l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler n’était pas prolongé.

– Elle a confirmé qu’elle comprenait que Mme Tyler avait reçu un avis sur l’absence de prolongation seulement un mois environ après les faits et qu’il était inapproprié de recevoir l’avis aussi tard.

– Elle était d’accord avec le fait que Mme Tyler aurait dû recevoir une paye rétroactive jusqu’à l’arrivée à échéance de son emploi pour une période déterminée en juin 2015.

– Elle a toutefois indiqué qu’elle n’était pas au courant de tous les détails quand on lui a demandé si la durée de l’emploi continu de Mme Tyler aurait aussi dû être rétablie et ajouté que c’est Mme Montour qui devait s’occuper de tous ces aspects.

 

[58] Mme Montour a témoigné comme suit :

– Elle a passé 15 ans en tant que membre de la direction du syndicat local, y compris en tant que vice-présidente et déléguée syndicale en chef avant de prendre sa retraite de l’ARC en décembre 2016.

– Son travail syndical de représentation de Mme Tyler a commencé en janvier 2015.

– Parmi les problèmes relevés au départ, notons les problèmes que la plaignante éprouvait à suivre le déroulement du travail et le harcèlement que sa chef d’équipe exerçait à son égard pour cette raison, ainsi que ses taux d’exactitude et de production une fois qu’elle a été promue au poste de SP-04.

– Étant donné que les problèmes étaient liés au rendement, elle a dit à Mme Tyler qu’elle devait parler à la direction, mais qu’on lui avait dit de ne pas le faire. Mme Tyler s’était lié les mains, pour ainsi dire.

– Au printemps 2015, elle a demandé conseil à M. Esslinger pour aider Mme Tyler, mais a indiqué qu’elle ne se rappelait pas ce qu’il lui avait dit.

– Elle a confirmé que des réunions avaient eu lieu avec la direction en mars 2015, mais qu’elle ne se souvenait pas ce dont il avait été question, des résultats ou du suivi.

– Elle se souvenait que Mme Tyler avait épuisé ses congés de maladie et qu’elle avait dû utiliser un congé non payé au printemps de 2015, mais elle ne se souvenait de rien de plus.

– Elle s’est souvenue d’une réunion avec la direction en avril 2015. Elle s’est également souvenue que plus tard ce mois-là, pendant qu’elle participait à une convention à l’extérieur de la province, elle avait reçu des appels de Mme Tyler, qui faisait une dépression nerveuse et demandait d’être déplacée de son aire de travail.

– Encore une fois, en avril 2015, Mme Tyler lui avait dit ce qu’elle pouvait dire à la direction, ce qui lui liait effectivement les mains.

– Elle a également appelé le chef des Appels (ARC) et demandé d’obtenir son aide pour trouver un poste dans un bureau différent pour Mme Tyler, mais celui-ci lui a répondu qu’aucun n’était disponible.

– Elle a ensuite téléphoné à un gestionnaire et a réussi à conclure une entente pour que Mme Tyler retourne à un poste SP-03. Elle toucherait son salaire du poste SP-04 jusqu’à la fin de l’emploi pour une période déterminée, à la fin du mois de juin 2015. Des discussions ont eu lieu avec la direction et on comprenait que l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler serait prolongé afin qu’il se poursuive après la fin du mois de juin 2015 au groupe et au niveau SP-03. La direction comprenait que Mme Tyler arrivait bientôt à la date où ses emplois pour une période déterminée se transformeraient en un poste pour une période indéterminée.

– À l’été 2015, elle a été abasourdie d’apprendre que l’on avait permis à l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler d’arriver à échéance et que l’avis connexe ne lui avait pas été présenté d’avance.

– Quand elle a communiqué avec la chef d’équipe de Mme Tyler pour savoir pourquoi l’on avait permis que son emploi pour une période déterminée arrive à échéance, la chef d’équipe a affirmé qu’elle ignorait que cela s’était produit. Elle a indiqué qu’elle ne se souvenait pas des détails sur la suite de la conversation.

– Dans ses discussions avec le chef des Appels, celui-ci lui a dit que l’avis aurait dû être donné et qu’il approuverait un nouvel emploi pour une période déterminée commençant en août et durant moins de trois mois. Quand elle a insisté auprès de lui pour le rendre rétroactif afin de s’assurer que la plaignante aurait un emploi continu à partir de la fin du mois de juin, elle a indiqué qu’il n’a pas répondu.

– Avant qu’elle et Mme Tyler rencontrent le chef des Appels, le 11 août 2015, Mme Tyler lui avait dit de ne pas parler à la réunion, ce qui signifie qu’elle n’a pas pu l’aider.

– Elle a confirmé que le 19 août, le chef des Appels a envoyé un courriel dans lequel il indiquait que l’avis selon lequel l’emploi pour une période déterminée de la plaignante se terminerait en juin avait été envoyé à Mme Tyler et qu’aucune période rétroactive ne serait offerte.

– Elle a indiqué qu’à ce moment-là, il était impossible de contester la question de l’antidatage.

 

[59] Mme Montour a indiqué ce qui suit en contre-interrogatoire :

– Mme Tyler lui a envoyé un courriel le 10 avril 2015 afin de demander de l’aide sous la forme d’une formation supplémentaire, mais elle lui avait dit trois mois plus tôt de ne pas parler à la direction.

– Quand j’ai rappelé au témoin qu’elle avait indiqué dans son témoignage qu’elle était formatrice dans le cadre de ses fonctions au bureau de l’ARC et que je lui ai demandé si ce fait pouvait lui rafraîchir la mémoire sur ce qu’elle aurait pu faire de plus pour Mme Tyler en réponse à cette demande et l’aider, Mme Montour a évité de répondre et indiqué qu’elle n’avait aucun souvenir, mais qu’elle savait que Mme Tyler avait des problèmes de rendement.

– Elle a indiqué qu’elle était au courant de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Toutefois, après avoir donné une longue réponse qui couvrait d’autres sujets, elle n’a donné aucun renseignement précis sur ce qu’elle pouvait savoir au sujet de cette obligation.

– Elle a confirmé qu’elle savait que Mme Tyler avait fait une dépression nerveuse au bureau à la fin du mois d’avril 2015 et qu’elle savait que la fille de Mme Tyler était gravement malade à ce moment-là.

– Elle a confirmé qu’elle savait que la maladie et l’invalidité peuvent être physiques et mentales.

– Elle ne pouvait pas supposer que l’absence du travail de Mme Tyler plus tard ce printemps-là fût attribuable à une maladie mentale, mais a indiqué qu’elle savait que Mme Tyler avait fait une dépression nerveuse plus tôt et que l’état de santé de sa fille ne s’améliorait pas.

– Elle ne se souvenait pas d’avoir parlé à Mme Dufty et à M. Esslinger de la dépression nerveuse dont Mme Tyler avait souffert et de sa fille gravement malade pendant que Mme Tyler s’était absentée de son travail ce printemps-là.

– Elle a indiqué qu’elle se souvenait effectivement du courriel qu’elle avait reçu de Mme Tyler le 12 août 2015, mais a ajouté qu’elle ne se souvenait pas d’avoir pris des mesures quelconques pour gérer les problèmes qu’il mentionnait. On y indiquait que Mme Tyler s’était absentée du travail parce qu’elle était malade et qu’elle prenait soin de sa fille. On y indiquait aussi qu’en juin, elle avait indiqué à une personne nommée au bureau du Centre de services à la clientèle pour la rémunération (CSCR) de l’ARC qu’elle était malade et en congé, et qu’on lui avait dit de ne pas s’inquiéter à propos de sa sécurité d’emploi pendant qu’elle était absente à cause de sa maladie et pour prendre soin de sa fille.

– Elle a parlé de la gestion des dossiers de Mme Tyler avec Mme Dufty et M. Esslinger et indiqué qu’elle avait parlé à Mme Dufty de tous les problèmes. Après s’être arrêtée, elle a ajouté que l’orientation sur le dossier de Mme Tyler [traduction] « relevait en majeure partie de M. Esslinger ».

– Elle a vu une lettre envoyée par la chef d’équipe de Mme Tyler le 21 juillet 2015 dans laquelle elle demandait d’obtenir des renseignements médicaux de la part du médecin de Mme Tyler sur le retour au travail. Elle a expliqué que, dans cette lettre, on indiquait que Mme Tyler [traduction] « était » une employée. Elle a ajouté qu’une semaine plus tard, la direction l’a informée que Mme Tyler avait été congédiée rétroactivement. Cette explication contredit les mots indiqués dans la lettre, où l’on peut lire que Mme Tyler [traduction] « a un emploi continu depuis le 18 janvier 2010 et occupe actuellement le poste de commis à la présélection des allègements pour les contribuables ». Quand j’ai demandé au témoin d’expliquer la différence entre la lettre, qui parle au présent de l’emploi de Mme Tyler, et son explication selon laquelle elle parlait au passé, elle a répondu que c’est ainsi qu’elle la comprenait.

– Elle a indiqué qu’elle a reçu le courriel du 30 juillet 2015 envoyé par Mme Tyler sur ce qui devait être son retour au travail immédiatement après la longue fin de semaine du mois d’août et ajouté qu’elle ne se souvenait pas d’avoir fait quoi que ce soit à ce sujet.

– Elle a indiqué qu’elle se souvenait que Mme Tyler lui avait téléphoné le lendemain en indiquant qu’on venait de lui dire qu’elle avait perdu son emploi. Le témoin a ensuite dit qu’elle a immédiatement communiqué avec une cadre supérieure de l’ARC, qui lui a répondu qu’elle ne savait rien au sujet de l’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler.

– Elle ne se souvenait que vaguement d’avoir eu des nouvelles de Mme Tyler au début du mois d’août 2015 et que celle-ci s’inquiétait de la perte de son poste et de ses avantages sociaux.

– Elle se souvenait vaguement d’avoir reçu de l’information de Mme Tyler afin de l’aider à se préparer pour une réunion, le 11 août 2015, avec le chef des Appels afin de discuter du fait que son emploi pour une période déterminée n’avait pas été prolongé et de demander une réembauche. Elle s’est aussi souvenue d’avoir eu un entretien avec Mme Tyler peu de temps avant de se rendre à la réunion.

– Elle aurait utilisé tous les renseignements que Mme Tyler lui avait envoyés à la réunion.

– Elle ne se souvenait pas d’avoir parlé au chef des Appels quand elle a effectué un suivi après la réunion.

– Elle ne se souvenait pas des discussions et n’avait aucune note sur une réunion tenue un mois plus tard avec Mme Tyler et M. Esslinger. Elle se souvenait toutefois d’avoir transmis ses notes de la réunion avec le chef des Appels à M. Esslinger.

– Un cadre supérieur lui avait dit que Mme Tyler allait devenir une employée pour une période indéterminée dans quelques mois, à cause de ses années de service continu.

– Elle ne se souvenait pas d’avoir discuté avec quiconque de l’aspect lié aux droits de la personne de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

– Elle a dit que chaque fois qu’elle recevait un courriel de Mme Tyler, elle discutait des questions qu’il contenait avec Mme Dufty ou M. Esslinger.

– Elle a présenté la demande de nomination rétroactive afin de donner un emploi continu à Mme Tyler à partir du mois de juin 2015, mais indiqué qu’il y avait peu de chances qu’elle soit acceptée. On se concentrait simplement à assurer le retour au travail de Mme Tyler.

– Elle a indiqué qu’elle savait que la nomination pour une période de moins de trois mois qui avait commencé plus tard en août mettrait fin à tous les avantages sociaux de Mme Tyler, mais indiqué que celle-ci avait le choix entre une nomination de courte durée ou aucun travail.

– Elle a indiqué que tous ces sujets ont été abordés avec Mme Dufty et M. Esslinger et qu’elle a utilisé tous les renseignements contenus dans tous les courriels envoyés par Mme Tyler afin de plaider en faveur du retour au travail de Mme Tyler auprès du chef des Appels et de rendre le nouvel emploi pour une période déterminée rétroactif.

– Elle a indiqué qu’elle ne se souvenait pas si la question de la rétroactivité du nouvel emploi pour une période déterminée avait été soulevée dans les réunions suivantes avec la direction.

– Elle a indiqué que d’autres commis des appels avaient vu leur emploi pour une période déterminée être prolongé à la fin du mois d’octobre et qu’elle n’avait entendu personne, à la fin du mois de juin, se plaindre que son emploi n’avait pas été renouvelé. Elle a donc supposé que tous ceux qui avaient un emploi pour une période déterminée avaient obtenu une prolongation à ce moment-là.

– Elle a indiqué, malgré le fait qu’on lui a présenté des courriels qui indiquaient qu’elle avait rencontré la direction en avril afin de discuter du contrat d’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler, qu’elle ne se souvenait pas de cette réunion ou de ce qui aurait pu s’y être dit.

– On lui a également montré des courriels qui indiquaient qu’elle avait participé à des réunions en juillet sur les mêmes affaires; encore une fois, elle ne s’en souvenait pas.

 

[60] Dans l’un des aperçus les plus révélateurs de l’examen autrement opaque des circonstances entourant l’absence de prolongation de l’emploi pour une période déterminée se terminant en juin de Mme Tyler, on a demandé au témoin de faire part de ses commentaire sur un courriel au sujet de Mme Tyler envoyés par le chef des Appels de l’ARC et daté du 19 août 2015.

[61] Dans ce courriel, le chef des Appels indique qu’il venait tout juste de parler à Mme Montour d’une réunion le lendemain et de l’offre à Mme Tyler d’une affectation à un emploi pour une période déterminée de courte durée. Il a ajouté que Mme Montour avait immédiatement demandé ce qu’il en était de la période de trois semaines allant du 4 au 21 août, quand Mme Tyler s’attendait à retourner au travail. Il a ensuite écrit qu’il n’était pas sur le point d’antidater une offre d’emploi.

[62] Il a aussi écrit ce qui suit :

[Traduction]

Elaine (Montour) a aussi posé des questions sur les autres droits que Mme Tyler avait, étant donné qu’elle n’avait pas reçu d’avis indiquant la fin de son emploi pour une période déterminée. J’ai répondu que Mme Tyler avait reçu l’avis du CSCR en mai, selon lequel elle se trouvait en congé non payé à cause d’une maladie et qu’une lettre lui avait été envoyée en juillet afin d’effectuer un suivi à la suite de la fin de son affectation pour une période déterminée, en juin. Nous avons convenu de tenir cette discussion séparément et déterminé qu’Elaine tentera d’en discuter au nom de Mme Tyler plus tard.

 

[63] Quand on a demandé à Mme Montour, en contre-interrogatoire, de discuter du suivi indiqué à la fin du courriel, elle a de nouveau répondu qu’elle n’arrivait pas à s’en souvenir.

[64] Dans une question redirigée au sujet du courriel, on lui a demandé d’expliquer son libellé, où il est question du retour au travail de Mme Tyler prévu en août et où l’on demande si le travail à temps partiel serait requis en guise de mesure d’adaptation. Elle a indiqué qu’elle ne se souvenait de rien d’autre sur ce point.

[65] M. Esslinger a témoigné comme suit :

– Il compte 39 années d’expérience au sein du syndicat.

– Quand les membres locaux correspondaient avec l’administration centrale nationale du syndicat, les bureaux régionaux comme le sien étaient toujours tenus au courant.

– Il a eu connaissance pour la première fois des préoccupations de Mme Tyler lors d’une discussion avec Mme Dufty, en mars 2015 et à une réunion à ce moment-là environ, à laquelle il a indiqué avoir assisté en tant que [traduction] « observateur passif ».

– Il a indiqué qu’il n’avait joué aucun rôle dans ce dossier jusqu’en août 2015, quand il a appris que l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler n’avait pas été prolongé. Il a indiqué que Mme Montour lui avait parlé de harcèlement de la part de la direction, qu’il n’avait aucun détail et qu’il [traduction] « ne savait rien ».

– Il a indiqué qu’il avait vu la question de la discrimination pour l’un des motifs illicites dans certains courriels, mais qu’il n’avait aucun détail et aucun renseignement personnel.

– Il a indiqué qu’il avait [traduction] « vu beaucoup, beaucoup de cas au cours de [sa] carrière où un employé se croit victime de harcèlement, mais qu’en fin de compte, le chef d’équipe essaie seulement de mener l’employé à accomplir son travail au meilleur de ses capacités ». Il a toutefois indiqué qu’il n’avait jamais eu d’information qui lui permettait de déterminer si Mme Tyler se trouvait dans cette situation.

– Il a indiqué que la chef d’équipe de Mme Tyler était un [traduction] « drôle d’oiseau » et expliqué qu’à une réunion du comité du Programme d’aide aux employés à laquelle il participait, la chef d’équipe avait parlé de certains de ses employés et de l’un des membres de son personnel qui avait des troubles de santé mentale de façon très désobligeante, ce qui l’avait grandement préoccupé.

– Il a supposé que Mme Dufty ou Mme Montour avaient communiqué avec la direction au printemps de 2015 pendant que Mme Tyler était malade et absente du travail. Il a plus tard appris que son emploi pour une période déterminée n’avait pas été prolongé.

– Il a reçu un appel de Mme Tyler le 31 juillet, tout juste après avoir appris qu’elle n’avait plus d’emploi. Il a indiqué qu’il était très occupé avec sa petite-fille à ce moment-là et qu’après 40 ou 50 minutes peut-être, il a dit à Mme Tyler qu’il devait raccrocher. Il a ajouté que toutes les questions qu’elle lui a posées auraient pu être présentées au cadre supérieur local et que son travail n’était pas de faire celui du cadre supérieur.

– Il croyait qu’il était pratiquement impossible d’obtenir un emploi pour une période déterminée rétroactif au mois de juin et que toute tentative déployée pour l’obtenir constituerait presque une fraude.

– Mme Tyler n’avait pas été renvoyée; son emploi pour une période déterminée avait tout simplement pris fin, ce qui se produit régulièrement.

– L’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler avait été gérée [traduction] « entièrement comme des amateurs » par la direction. L’emploi a pris fin à cause de ses problèmes de rendement en tant que SP-04, mais elle a plus tard été réembauchée en tant que SP-03.

– Quand son emploi pour une période déterminée suivant est arrivé à échéance, à la fin du mois d’octobre, elle n’était plus une employée. Il a indiqué que dans 99 cas sur 100, cela signifie que le syndicat ne peut rien faire d’autre pour aider.

– Mme Dufty avait tort quand elle a dit qu’elle lui a acheminé les courriels qu’elle avait reçus de Mme Tyler en septembre 2015 afin qu’il s’en occupe.

– Tout ce qui devait être fait pour Mme Tyler devait être acheminé à Mme Montour.

– Il a indiqué que les courriels que lui envoyaient Mme Dufty et Mme Montour servaient seulement à [traduction] « protéger ses arrières ».

– Il a dit : [traduction] « Je n’ai jamais pensé que tous ces courriels que je recevais au sujet de Mme Tyler signifiaient que c’était à moi de m’occuper du dossier. C’est le travail du cadre supérieur local. »

– Il a ajouté : [traduction] « Je ne me rappelle pas la réunion du 17 septembre 2015 avec Mme Tyler et Mme Montour. Je ne représentais pas activement Mme Tyler. C’était au cadre supérieur local de le faire. »

– Il a indiqué qu’il n’avait jamais reçu les lettres recommandées que Mme Tyler lui avait envoyées, mais avoué que Mme Dufty lui avait montré la copie de l’une d’elles.

– Quand on lui a présenté des notes de la réunion de cette date, qui indiquaient qu’il avait parlé à l’administration centrale nationale, il a répondu que l’on ne pouvait rien faire pour l’arrivée à échéance d’un emploi pour une période déterminée.

– Il a confirmé les notes de la réunion, car il a indiqué que la question du harcèlement avait été abordée et qu’il avait dit à Mme Taylor de prendre des notes et de déposer une plainte elle-même.

– Quand on l’a interrogé au sujet des notes qui indiquaient qu’il devrait peut-être revoir sa décision en réponse à une question posée par Mme Tyler sur l’arrivée à échéance de son emploi pour une période déterminée et la rétroactivité, il a répondu [traduction] « Bien, en ce qui concerne la rétroactivité, peut-être s’il y avait d’autres questions en jeu. »

 

[66] J’ai demandé au témoin de préciser ce qu’il entendait par [traduction] « d’autres questions ». Il a expliqué que l’on avait permis à un emploi pour une période déterminée d’arriver à échéance pour des [traduction] « raisons arbitraires » et qu’il était peut-être possible de faire quelque chose. Toutefois, dans ce cas, ce sont des problèmes de rendement qui en étaient la cause.

[67] Il a indiqué que si un employé nommé pour une période déterminée était libéré de façon inappropriée, le syndicat se pencherait sur la question, mais qu’il avait très peu de chance d’obtenir réparation dans ce genre de dossier.

[68] J’ai ensuite demandé au témoin d’expliquer ce qui pouvait constituer des [traduction] « raisons arbitraires ». Il a répondu en donnant l’exemple d’un membre du personnel nommé pour une période déterminée qui se trouve en congé de maternité et dont l’emploi arrive sous peu à échéance. Dans ce genre de cas, il pourrait intervenir afin de demander de prolonger l’emploi pour assurer un emploi continu.

[69] Je fais remarquer entre parenthèses que Mme Tyler a dû trouver cruellement ironique d’entendre cet exemple, car c’est exactement celui qu’elle a utilisé dans l’un des courriels qu’elle a envoyés en 2015 à son syndicat afin de déposer un grief relatif aux droits de la personne (mentionné précédemment dans cette décision) pendant qu’elle le suppliait de l’aider.

[70] J’ai demandé au témoin si un élément quelconque dans les dossiers de Mme Tyler en 2015 ou même le jour de cette audience devant la Commission l’avait mené à se demander s’il était possible que les gestes posés par l’employeur aient pu faire ressortir un problème ayant trait aux droits de la personne. Il a répondu qu’il a songé à une chose, la maladie grave de la fille de Mme Tyler, mais ajouté que c’est le cadre supérieur local qui aurait dû se pencher sur cet aspect à ce moment-là.

[71] Il a ensuite ajouté qu’il ne croyait pas que l’employeur l’avait utilisé contre Mme Tyler et répété de nouveau que c’est le cadre supérieur local qui aurait dû être responsable de ce genre de questions.

[72] Enfin, sur ce point, il a reconnu avoir dit à Mme Tyler, dans un courriel du 1er février 2016, qu’il ne se souvenait pas de lui avoir dit et qu’il ne lui aurait jamais dit qu’il l’aiderait à déposer une plainte relative aux droits de la personne et que le syndicat ne participe pas à ce genre d’affaires.

[73] Quand on a remis en question son témoignage précédent en contre-interrogatoire, dans lequel il avait indiqué que la gestionnaire de Mme Tyler était un drôle d’oiseau et qu’elle faisait des remarques désobligeantes sur un employé souffrant de maladie mentale, M. Esslinger est visiblement devenu mal à l’aise dans son siège de témoin, a cherché ses mots et a semblé évasif quand il est revenu sur ses commentaires au sujet de la gestionnaire.

[74] Il a ensuite pris ses distances de toute suggestion selon laquelle il aurait pu se demander si l’employé visé par les remarques désobligeantes à cause de sa maladie mentale était en fait Mme Tyler. Il a répondu de façon défensive, en indiquant ce qui suit : [traduction] « Pour moi, il n’y avait rien d’autre que la diligence raisonnable, car je n’ai jamais représenté Mme Tyler. »

[75] Il a ensuite répondu à une question en indiquant qu’il ignorait que Mme Tyler avait fait une dépression nerveuse au travail en avril 2015 et qu’elle était ensuite partie en congé non payé pour des raisons de maladie ce printemps-là. Il a dit : [traduction] « Pourquoi me l’aurait-on dit? »

[76] Bref, je me sens obligé de souligner ce qui est peut-être évident : le manque de crédibilité des témoignages des trois témoins du syndicat.

[77] Après qu’on lui a posé de nombreuses questions, Mme Dufty a répété que c’est M. Esslinger qui était responsable et qu’elle n’avait rien à voir avec le dossier de Mme Tyler. Elle a indiqué à plusieurs reprises qu’elle lui avait demandé de répondre aux courriels et aux lettres envoyés par Mme Tyler.

[78] C’est Mme Montour qui en a fait le plus pour Mme Tyler et elle a indiqué à maintes reprises dans son témoignage qu’elle avait demandé conseil auprès de M. Esslinger et qu’elle s’en remettait à son orientation sur ce dossier.

[79] Toutefois, quand M. Esslinger a prêté serment, mes espoirs d’entendre une explication de toute l’affaire se sont évanouis, car il a dit qu’il se souvenait à peine, voire aucunement, de ces affaires et a dit à maintes reprises qu’il n’était pas responsable du dossier, car la représentation relevait du cadre supérieur local.

[80] L’accent étrangement fréquent et inhabituellement ferme que les trois témoins ont mis sur leurs déclarations selon lesquelles ils n’étaient pas responsables du dossier et n’arrivaient pas à se souvenir de détails importants à ce sujet est devenu douloureusement visible. Ensuite, après que les deux témoins ont indiqué à maintes reprises avoir renvoyé les questions relatives au dossier à M. Esslinger, celui-ci a nié en être responsable.

[81] Quand on lui a demandé, pendant son interrogatoire principal, d’expliquer son rôle de représentation des membres du syndicat local à Winnipeg, il a répondu : [traduction] « Mon rôle est de ne pas faire le travail du cadre supérieur local. »

[82] Quand on lui a demandé plus directement d’expliquer les efforts qu’il avait déployés dans le dossier de Mme Tyler, il a répondu : [traduction] « Je n’ai jamais pensé que ces courriels m’étaient envoyés pour que je m’en occupe, c’est le travail du cadre supérieur local. » Cet énoncé contredisait directement, bien entendu, le témoignage de la présidente locale, Mme Dufty, qui a témoigné qu’elle lui avait acheminé plusieurs courriels de Mme Tyler afin qu’il gère le dossier.

[83] Quand on l’a interrogé au sujet de sa présence à des réunions avec Mme Tyler et Mme Montour, il a affirmé n’avoir aucun souvenir de celles-ci, mais a de nouveau insisté sur le fait qu’il ne représentait pas activement Mme Tyler et que le cadre supérieur local avait fait de son mieux.

[84] On peut tout au plus affirmer, après avoir écouté les heures de témoignage de Mme Dufty et de M. Esslinger, qu’ils ne semblaient pas avoir répété leurs témoignages, étant donné leurs contradictions directes et répétitives entre eux en ce qui concerne le responsable du dossier.

[85] À en croire les témoins, personne, pas même les gestionnaires de Mme Tyler, ne savait que l’on avait permis à son emploi pour une période déterminée d’arriver à échéance. Et quand Mme Tyler a insisté pour qu’un grief relatif à une atteinte aux droits de la personne soit déposé, personne n’a avoué avoir même exploré cette idée, même si M. Esslinger a donné une possible atteinte aux droits de la personne en tant qu’exemple de situation où le syndicat pourrait songer à obtenir réparation auprès de l’ARC, si celle-ci avait permis à un poste pour une période déterminée d’arriver à échéance pendant que l’employé était absent du travail pour des raisons médicales.

[86] Le seul aperçu dans ce voile d’obscurité jeté par les témoins du syndicat s’est produit quand Mme Montour a témoigné qu’elle avait rencontré le chef des Appels au début du mois d’août 2015 et l’avait poussé à rétablir rétroactivement le poste pour une période déterminée de Mme Tyler afin de garantir son emploi continu. Elle a indiqué qu’il ne lui avait pas répondu.

[87] Et c’est là où le syndicat a laissé l’affaire, étant donné que personne ne pouvait témoigner ou renvoyer à des éléments de preuve documentaire sur une enquête menée sur la question ou sur une analyse visant à déterminer s’il fallait déposer un grief.

[88] Tout cela, malgré les supplications répétées et détaillées de Mme Tyler auprès du syndicat pour qu’il le fasse.

III. Analyse

A. Le droit

[89] L’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») se lit comme suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

 

[90] Selon la définition prévue à l’article 185 de la Loi, une pratique déloyale s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[91] La disposition de la Loi citée en vertu de l’art. 185 qui s’applique à la présente plainte est l’art. 187, qui prévoit ce qui suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[92] Cette disposition a été édictée afin d’imposer un devoir de représentation équitable aux organisations syndicales et à leurs représentants, une obligation dont, selon la plaignante, la défenderesse ne s’est pas acquittée.

[93] La conduite de la défenderesse selon la plaignante constituait un manquement au devoir de représentation équitable, pour laquelle elle demande une indemnisation financière.

B. Argumentation

1. Pour la plaignante

[94] Dans ses observations finales, Mme Tyler a remercié la Commission d’avoir répondu à ses besoins liés à sa participation à l’audience.

[95] Mme Tyler a indiqué que la preuve montrait qu’elle ne représentait qu’un simple agacement pour le syndicat. Le manque d’attention de celui-ci à son égard la portait à croire qu’elle ne méritait pas d’avoir de l’aide.

[96] Mme Tyler a fait remarquer qu’aucun des trois témoins que le syndicat a cités à comparaître ne pouvait produire des notes sur leurs nombreux échanges avec elle et l’employeur afin de confirmer les détails de ces discussions. Elle a également mentionné que chacun des témoins avait dirigé l’attention sur les deux autres afin de donner à penser qu’ils étaient responsables de diriger son dossier.

[97] Mme Tyler a indiqué qu’elle a attendu pendant de nombreuses semaines que Mme Montour réponde à un message vocal ou à un courriel, et ce, malgré le témoignage de celle-ci, qui indiquait qu’à ce moment-là, elle recevait au moins un courriel de Mme Tyler chaque jour.

[98] Mme Tyler a recouru au courrier recommandé plus d’une fois dans l’espoir d’obtenir une réponse de ses représentants syndicaux.

[99] Mme Tyler a également mentionné que Mme Montour lui avait assuré, pendant qu’elle était malade et absente du travail au printemps 2015, qu’elle avait été en contact avec l’employeur, et que Mme Tyler n’avait pas à s’inquiéter, car tout allait bien.

[100] Afin d’étayer sa thèse, Mme Tyler a invoqué le guide de formation du syndicat, tiré d’un cours qu’il offrait en 2017 sur la façon de gérer les griefs.

[101] Dans le matériel du cours (à la page 124), on indique que le devoir de représentation équitable s’applique si la question en litige est survenue au moment où la personne était un membre (de l’AFPC).

[102] À la page suivante du matériel de cours, on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

Les syndicats ont été tenus à un plus haut niveau d’attention afin de s’acquitter du devoir de représentation équitable quand des principes liés aux droits de la personne sont en cause. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation en fait partie. Il a été établi qu’un syndicat doit prendre des mesures d’adaptation dans la procédure de règlement des griefs et d’arbitrage. Cela peut signifier d’être plus sensible qu’il le faudrait en temps normal, d’être plus proactif ou attentif qu’à l’habitude ou de prendre une mesure supplémentaire de diligence ou d’assurance. Cela peut aussi vouloir dire d’adopter des approches différentes de la défense des intérêts du membre ou dans le traitement d’un grief. À titre d’exemple, dans le cas d’une personne ayant une incapacité psychiatrique […] le syndicat devrait établir des délais plus longs pour la réception de documents.

 

[103] Mme Tyler a soutenu de manière convaincante que le manuel de formation du syndicat parlait exactement de sa situation et qu’elle méritait cette norme de diligence établie dans le manuel du syndicat.

[104] Mme Tyler a présenté un ensemble de jurisprudence bien documenté et pertinent, qui porte sur l’obligation qui lui est due et de la jurisprudence qui étaye son affirmation selon laquelle le syndicat ne s’est pas acquitté de son devoir de représentation équitable à son égard.

[105] Le syndicat a soutenu que Mme Tyler était une employée nommée pour une période déterminée qui éprouvait des problèmes de rendement et sous-entendu que selon lui, il était naturel que son employeur choisisse de ne pas renouveler son emploi pour une période déterminée, malgré le fait que Mme Tyler a témoigné que son bureau était occupé et que ses collègues avaient vu leur emploi être prolongé.

[106] Mme Tyler a présenté une jurisprudence de la Commission convaincante afin de réfuter l’affirmation du syndicat selon laquelle on avait permis que son emploi pour une période déterminé arrive à échéance et qu’aucun recours n’était disponible.

[107] Mme Tyler a cité Medeiros c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2012 CRTFP 104, qui a conclu ce qui suit :

[…]

35 Les éléments de preuve démontrent clairement que le fonctionnaire était un employé nommé pour une période déterminée. Son contrat est venu à échéance le 10 mai 2010. Ces deux faits ne sont pas en litige. Le fonctionnaire n’a pas allégué que la décision de l’employeur était de nature disciplinaire ou qu’il avait été licencié en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11. Par conséquent, je n’aurais normalement pas compétence pour entendre le premier grief, qui conteste la décision de l’employeur de ne pas renouveler le contrat d’une période déterminée du fonctionnaire. Cela est conforme à Dansereau et Belmar. Cependant, j’ai compétence pour entendre les griefs en vertu de l’argument voulant que la décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire était de mauvaise foi et discriminatoire.

[…]

37 Le fait que l’employeur ait mentionné de façon informelle au syndicat ce qu’il avait l’intention de faire (que les critères seraient la présence au travail et le rendement), qu’il ait changé sa position lors d’une réunion ([traduction] « dernier entré, premier sorti »), pour finalement faire autre chose (utiliser la date du renouvellement de contrat) quand vient le temps d’agir, ne constitue pas une violation de la convention collective. Cependant, j’estime qu’il s’agit d’une mauvaise gestion des relations de travail et des ressources humaines. L’employeur aurait avantage à préciser sa position à l’égard des critères qu’il utilisera pour réduire les effectifs et à la communiquer à la section locale du syndicat. En outre, l’employeur devrait réfléchir aux conséquences potentielles en matière de discrimination liées à l’utilisation de l’assiduité au travail comme critère pour licencier les employés et ne pas renouveler leur contrat d’une période déterminée.

[…]

[Je mets en évidence]

 

[108] Je mentionne que la Commission a invoqué à deux reprises Medeiros afin d’avoir compétence pour entendre un grief déposé par un employé nommé pour une période déterminée dont le contrat n’a pas été renouvelé et qui affirmait que la discrimination ou la mauvaise fois était en cause (voir Togola c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2014 CRTFP 1 et Dionne c. Agence du revenu du Canada, 2021 CRTESPF 39).

[109] Dans chacun de ces cas, l’arbitre de grief Gobeil a confirmé que la Commission avait compétence pour entendre le grief. La décision Dionne portait sur des circonstances mettant en cause une employée de l’ARC très semblables à celles présentées en l’espèce. Dans les deux cas, il a été conclu que la preuve présentée ne suffisait pas à conclure qu’il y avait eu discrimination ou mauvaise foi.

[110] Ces cas constituent des affirmations des demandes désespérées présentées par Mme Tyler au syndicat à l’été et à l’automne 2015 afin de contester le fait qu’il ait été permis que son emploi pour une période déterminée arrive à échéance au motif que cette arrivée à échéance était teintée de discrimination, car Mme Tyler était malade et absente du travail.

[111] Pour mettre plus d’accent sur ses observations déjà convaincantes sur ce point, Mme Tyler a mentionné dans son argumentation l’extrait de Medeiros où l’on mettait en garde l’employeur contre le risque de répercussions discriminatoires que posait l’utilisation de la présence en tant que critère pour déterminer si un emploi pour une période déterminée pouvait être prolongé.

[112] En ce qui concerne la question de la présence, Mme Tyler a mentionné que son plan d’amélioration du rendement était principalement axé sur ses problèmes d’assiduité étant donné qu’elle devait prendre soin d’un membre de sa famille gravement malade et qu’elle est devenue elle-même malade. Elle a également indiqué que l’évaluation du rendement que l’employeur avait préparée à ce moment-là avait été contestée avec succès et qu’elle avait reçu par conséquent une évaluation qui ne nuirait pas à son emploi à l’ARC.

[113] L’un des éléments fondamentaux du cas de Mme Tyler est son affirmation non contestée selon laquelle elle a souffert d’une maladie mentale pendant les événements en litige. Elle a présenté un argument convaincant selon lequel non seulement son employeur avait commis un acte de discrimination à son égard en raison de ce motif, mais que le syndicat lui devait un degré de représentation plus élevé à cause de sa maladie.

[114] Mme Tyler a cité Bingley c. Section locale 91 de Teamsters Canada, 2004 CCRI 291, à l’appui de cette affirmation. Dans Bingley, on mentionne des conclusions antérieures du Conseil, qui a conclu comme suit :

[…]

63 Dans les plaintes de manquement au devoir de représentation juste, les commissions des relations de travail se penchent sur la manière dont les syndicats ont traité les griefs des employés handicapés qui allèguent qu’aucune mesure n’a été prise pour tenir compte de leurs besoins. En examinant ce genre de plaintes, le Conseil s’emploie à établir, comme il le fait pour les autres plaintes fondées sur l’article 37, si le syndicat a traité les griefs de ses membres de manière arbitraire ou discriminatoire ou encore de mauvaise foi (voir Paulette Mowles, précitée; Ingrid Bell, 5 février 2002 (CCRI LD 603); Bryan Sutton, 23 novembre 2001 (CCRI LD 545); confirmée par Bryan Sutton, 16 janvier 2002 (CCRI LD 593); Wanda Johnson, 30 novembre 2000 (CCRI LD 366); et William S. Boyd et autres, 28 novembre 1997 (LD 1762)).

64 En raison des questions délicates et importantes associées à la nécessité de tenir compte des besoins des travailleurs handicapés en milieu de travail, les commissions des relations de travail s’emploient également à déterminer si les griefs des employés handicapés ont fait l’objet d’un examen plus attentif de la part des syndicats. Leurs décisions confirment généralement que la procédure habituellement appliquée aux autres membres de l’unité de négociation peut ne pas être suffisante lorsqu’il s’agit d’un employé atteint d’un handicap, pour la bonne raison que sa situation nécessitera une approche différente. Un échantillon représentatif de ces décisions permet d’illustrer ce point.

[…]

103 Compte tenu des exemples présentés précédemment et des ressources dont disposait le syndicat pour régler la question de mesures d’adaptation, le Conseil est d’avis que le syndicat ne s’est pas montré plus convaincant dans ses discussions avec l’employeur. […]

[…]

109 Tout comme dans K.H. v. Communications, Energy and Paperworkers Union, Local 1-S and Sasktel, précité, il se peut que M. Burrell ait traité le grief de la manière habituelle en appliquant la procédure courante de règlement des griefs, mais cela n’était pas suffisant dans l’affaire qui nous occupe.

110 C’est Mme Bingley elle-même qui a soulevé la question des mesures d’adaptation; or, même après avoir été saisi de la question, le syndicat ne s’est pas véritablement appliqué à obtenir des mesures d’adaptation. […]

[…]

115 Compte tenu des critères examinés aux paragraphes précédents, le Conseil conclut, eu égard aux circonstances de l’espèce, qu’en tournant en dérision la demande de mesures d’adaptation de Mme Bingley, le syndicat a agi de manière discriminatoire et de mauvaise foi. Le Conseil conclut également que le syndicat n’a pas agi dans les meilleurs intérêts de Mme Bingley et qu’il a manqué à l’obligation qu’il avait à son égard en utilisant la troisième opinion médicale pour étayer son point de vue au lieu de s’employer activement à obtenir des mesures d’adaptation. […]

[…]

118 […] Le Conseil conclut que si le syndicat s’était montré plus diligent et plus convaincant comme l’exige la jurisprudence, il en serait sans doute venu à la conclusion que la demande de Mme Bingley n’était pas aussi déraisonnable qu’elle semblait l’être à prime abord.

[…]

 

[115] Invoquant Bingley, Mme Tyler a soutenu qu’étant donné la maladie mentale bien connue dont elle souffrait au printemps 2015, le syndicat lui devait une norme de diligence plus élevée, précisément comme le manuel de formation mentionné précédemment l’indique.

[116] Mme Tyler a aussi cité la décision rendue par la Commission dans Jutras Otto c. Brossard, 2011 CRTFP 107, dans laquelle l’arbitre de grief Bertrand s’est exprimé comme suit :

[…]

60 Tel qu’il a été statué par la Commission dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, le fardeau de la preuve dans une plainte alléguant une violation de l’article 190 de la Loi incombe à la plaignante.

[…]

61 Dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28, au paragraphe 17, la Commission a formulé le commentaire suivant au sujet du droit à la représentation syndicale, rejetant en outre l’idée qu’il puisse s’apparenter par ailleurs à un droit absolu :

[17] La défenderesse, en tant qu’agente négociateur, a le droit de refuser de représenter un membre, et une plainte devant la Commission n’est pas un mécanisme d’appel contre un tel refus. La Commission ne va pas remettre en question la décision de l’agent négociateur. Le rôle de la Commission est de statuer sur le processus décisionnel de l’agent négociateur et non sur le bien-fondé de sa décision. […]

Comme il est affirmé dans Halfacree, le rôle de la Commission n’est pas de décider si la décision des défendeurs de représenter la plaignante était appropriée, convenable, bonne ou mauvaise, voire si la décision était fondée ou non. Le rôle de la Commission est plutôt de statuer si les défendeurs ont agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire dans le cadre du processus décisionnel en lien avec la question de la représentation.

62 Les agents négociateurs et leurs représentants jouissent d’un grand pouvoir discrétionnaire dans leur décision de représenter ou non un employé faisant partie de leur unité de négociation, mais ce pouvoir n’est pas absolu. La portée de ce pouvoir a notamment été circonscrite dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada a énoncé les principes sous‑tendant l’obligation de la juste représentation comme suit :

[…]

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le fonctionnaire.

[…]

63 Dans Savoury c. Guilde de la marine marchande du Canada, 2001 CRTFP 79, la Commission s’est exprimée en ces termes à ce propos, au paragraphe 126 :

[126] […] Lorsque l’arbitrage est envisagé, on doit reconnaître que le fonctionnaire n’a pas un droit absolu à l’arbitrage, car le syndicat jouit d’une discrétion appréciable dans la prise de cette décision, mais ce pouvoir discrétionnaire est limité par la gravité et les répercussions de la sanction disciplinaire sur le fonctionnaire.

64 Les plaintes visant le devoir de représentation équitable et la preuve requise pour établir une allégation de mauvaise foi ou d’action arbitraire ont fait l’objet de nombreuses décisions rendues par la Commission. Dans Ménard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 95, la Commission relève certaines des décisions faisant jurisprudence en la matière :

[…]

[22] Sur le terme arbitraire, la Cour suprême du Canada, dans Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39, écrit au paragraphe 50 :

Se reliant étroitement, les concepts d’arbitraire et de négligence grave définissent la qualité de la représentation syndicale. L’élément de l’arbitraire signifie que, même sans intention de nuire, le syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant. […]

[23] […] Dans International Longshore and Wharehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd. et al., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour d’appel fédérale, sur la question du caractère arbitraire d’une décision, écrit que, pour faire la preuve d’un manquement au devoir de représentation équitable, « […] le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles ».

[…]

70 Je perçois d’importantes failles dans l’argument des défendeurs selon lequel le traitement de la question du rendement de la plaignante était plus important que le traitement du grief de harcèlement qui se serait prolongé au-delà de la période de stage de la plaignante et que, de toute façon, la plaignante n’avait fourni aucune allégation détaillée, sinon très peu, au soutien de son grief de harcèlement. Tout d’abord, cela confirme que les défendeurs n’ont pas su déceler une connexion ou une relation potentielle entre la question du harcèlement et celle du rendement, bien que ces deux questions mettent en scène les mêmes protagonistes. Deuxièmement, cette stratégie fait fi du nombre considérable de documents que la plaignante a fourni à M. Kozubal en mai 2009, que ce dernier n’a pas nié avoir reçu et examiné, ainsi que les tentatives de la plaignante de remettre aux défendeurs les boîtes de documents qu’elle avait obtenues en décembre 2009 au moyen de demandes d’accès à l’information. Troisièmement, les défendeurs n’ont jamais informé la plaignante qu’il leur fallait un complément d’information afin d’analyser plus à fond ses chances de réussite, et ils ne lui ont jamais officiellement demandé de fournir des informations supplémentaires outre le conseil qu’on lui avait initialement donné de rédiger une liste des allégations en juillet 2009. Quatrièmement, bien que les défendeurs aient soutenu qu’ils voulaient se concentrer sur la question du rendement pour s’assurer du maintien en poste de la plaignante, ils ont tous deux rapidement abandonné après son renvoi en cours de stage.

71 L’argument des défendeurs selon lequel rien n’empêchait la plaignante de continuer son grief de harcèlement par elle-même ou de déposer un grief pour contester son renvoi en cours de stage sans le soutien de son agent négociateur, fait fi du fait que la Loi exige l’approbation et la représentation de l’agent négociateur pour le dépôt d’un grief de harcèlement, et du fait qu’on lui avait laissé croire que son grief de harcèlement adresserait en même temps la question de son renvoi en cours de stage. Les défendeurs ont laissé la plaignante à elle-même pendant neuf mois, ne réagissant que deux mois après la présentation de la plainte en l’instance, et ce, sans aborder la question de son renvoi en cours de stage.

73 Les deux défendeurs ont témoigné qu’ils n’avaient jamais manifesté quelque réticence à représenter la plaignante que ce soit dans le dossier du grief de harcèlement ou celui concernant le renvoi en cours de stage. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont failli à la tâche de s’occuper de ces questions de manière diligente, ce qui a notamment fait en sorte que la question du harcèlement est devenue sans objet et que le renvoi en cours de stage n’a pas été contesté et que ce recours soit devenu hors délai. Rien ne me démontre que les défendeurs ont analysé ou étudié ces questions de quelque manière que ce soit. Les faits suggèrent plutôt qu’ils ont induit la plaignante en erreur et qu’ils ont omis de préciser si son grief de harcèlement pouvait ou non inclure la question de son renvoi en cours de stage. Ils ne lui sont pas revenus au sujet de ces deux questions. Ils ne l’ont pas informé du fait qu’elle aurait pu déposer un grief visant son renvoi en cours de stage sans leur soutien. Ils ne lui ont pas fourni de justification pour le fait qu’ils n’avaient pas continué les démarches relativement à son grief de harcèlement ni déposé un grief distinct pour contester son renvoi en cours de stage. Il n’y a pas eu de processus décisionnel. En somme, l’attitude des défendeurs envers la plaignante était tout à fait cavalière et irresponsable.

74 Le défaut des défendeurs de fournir des conseils à la plaignante et, à tout le moins, de tenter de protéger ses intérêts dans ces affaires constitue rien de moins que de la négligence grave, en particulier à la lumière de la gravité et des conséquences de leur inaction. Ils ont manqué à leurs obligations, et ce, malgré les nombreuses occasions d’assistance et en dépit du fait que la plaignante avait de toute évidence mis toute sa confiance dans les défendeurs.

[…]

77 La représentante des défendeurs a présenté divers arguments au sujet du bien-fondé du grief de la plaignante, ou de son absence. Elle a similairement attaqué les fondements même d’une contestation éventuelle du renvoi en cours de stage de la plaignante. Or, la plaignante n’a pas demandé à la Commission de réviser l’exercice de la discrétion par l’agent négociateur quant à sa décision de la représenter ou non. Comme il a déjà été dit, un tel processus décisionnel n’a pas eu lieu. On l’a incitée à penser qu’elle bénéficiait de la représentation des défendeurs. La présente affaire en est une de négligence et d’omission de prendre les mesures qui s’imposaient afin d’analyser et d’étudier le bien-fondé d’un grief existant et d’un grief éventuel. Cette affaire en est une visant une situation dans laquelle les défendeurs n’ont pris aucune mesure utile, malgré les demandes d’aide répétées de la plaignante.

78 Il ne s’agit certainement pas d’une affaire dans laquelle les défendeurs auraient pris une décision éclairée de ne pas procéder au cheminement d’un grief après avoir étudié tous les faits pertinents, toute la preuve documentaire à leur disposition et tous les arguments juridiques pertinents. Il s’agit plutôt d’une affaire dans laquelle les défendeurs ont failli à leur tâche et n’ont pas pris les mesures nécessaires afin d’étudier minutieusement la preuve et de conseiller la plaignante en conséquence. Leur attitude cavalière envers les circonstances entourant les préoccupations de la plaignante était évidente durant leur témoignage. Bien qu’un agent négociateur ne soit pas tenu d’acheminer tous les dossiers vers le processus de grief, étant donné la grande latitude qui lui est laissée de décider s’il y a lieu de faire cheminer un dossier dans cette direction, il doit néanmoins étudier sérieusement le bien-fondé de chaque dossier avant de prendre une telle décision, au cas par cas.

79 Bien qu’il ne s’agisse pas ici d’une situation dans laquelle les défendeurs auraient agi de mauvaise foi ou avec hostilité envers la plaignante, il s’agit certes d’un cas de négligence, au point que cela doit être considéré comme étant un comportement arbitraire. Il appert donc que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable envers la plaignante tant au niveau de son grief de harcèlement que de son renvoi en cours de stage. Je ne peux tout simplement pas me résoudre à avaliser des actions ou des inactions qui ne sont pas fondées sur des considérations ayant un lien avec le milieu de travail d’un individu mais plutôt sur une abdication aveugle de ses obligations envers autrui. Les inactions des défendeurs ne peuvent être vues comme étant un simple manque de communication ou de l’incompétence. Elles constituent des actes négligents, que l’on pourrait mieux caractériser comme représentant de la négligence grave.

[Je mets en évidence]

 

[117] Mme Tyler a soutenu de façon convaincante que la décision rendue par la Commission dans Jutras Otto portait pratiquement sur les mêmes problèmes qu’elle a présentés en preuve, y compris une enquête sommaire, au point d’être quasiment inexistant, du syndicat sur ses allégations écrites répétées selon lesquelles elle avait perdu son emploi de façon discriminatoire.

[118] Cette situation, conjuguée à sa maladie mentale, donne lieu à une représentation arbitraire et discriminatoire de la part du syndicat.

2. Le syndicat défendeur

[119] La défenderesse a mentionné avec raison dans son argumentation que la Commission avait conclu de façon consistante que la barre pour établir un comportement arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi est placée très haut à dessein. (Voir Langlois c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 121, au par. 52.)

[120] L’avocate a également renvoyé à une décision de la Commission qui présentait des circonstances semblables à celles dont je suis saisi, dans laquelle la plaignante avait avoué avoir peut-être trop importuné son syndicat et soutenu que celui-ci avait donc commencé à l’ignorer. Dans ce cas, la Commission a conclu que l’absence de réponse aux nombreux courriels envoyés par la plaignante ne constituait pas une preuve concluante de demandes de renseignements laissées sans réponse. Elle a aussi conclu que la plaignante avait peut-être eu des attentes irréalistes à l’égard de son syndicat. (Voir Cox c. Vezina, 2007 CRTFP 100, aux paragraphes 128 à 131.)

[121] Quand la Commission a rejeté la plainte dans Cox, elle a conclu que les représentants syndicaux avaient livré un témoignage crédible sur les efforts qu’ils avaient déployés au nom de la plaignante. Elle a aussi conclu que même si le syndicat dans ce cas n’avait peut-être pas expliqué entièrement ou même adéquatement à la plaignante toutes les raisons pour lesquelles il n’allait pas plus loin, il a été conclu qu’il s’agissait d’une lacune dans les communications et pas d’un comportement de mauvaise foi ou arbitraire.

[122] L’avocate a attiré une attention particulière aux extraits suivants de Cox, car les faits sont très similaires à ceux qui m’ont été présentés, selon ce qu’elle a fait valoir :

[…]

142 Le défendeur a témoigné que son approche, et celle de l’ACEP, était de prendre des mesures en réponse à un problème en se fondant sur des éléments de preuve factuels présentés par un membre, en utilisant les recours appropriés. Il a expliqué qu’il a demandé à plusieurs reprises à la plaignante de lui fournir des détails concernant les problèmes auxquels elle faisait face au travail. Il lui a expliqué comment ils pourraient procéder ensemble en présentant une plainte de harcèlement en réponse à ses problèmes. Selon le défendeur, la plaignante ne lui a pas fourni des preuves qui lui auraient permis de donner suite à l’option consistant à présenter une plainte de harcèlement en son nom, en dépit de ses efforts fréquents pour la ramener vers cette approche comme le recours le plus approprié disponible. Elle lui a peut-être demandé plusieurs fois de déposer des griefs ayant pour objet cette persécution collective dont elle parlait ou qui visaient diverses personnes ayant manifesté ce présumé comportement de persécution collective. Le défendeur a toutefois indiqué qu’il s’en est tenu tout au long à une approche, conforme à celle adoptée par l’ACEP, consistant à tenter d’obtenir une base factuelle pour ses allégations et à définir le recours approprié, à la lumière des faits.

143 Ma lecture de la jurisprudence me donne à penser que le représentant d’un agent négociateur doit bénéficier d’une latitude considérable dans ce genre de situation. Le représentant est autorisé à ne pas accepter automatiquement ce que le membre veut peut-être qu’il ou elle fasse. Le représentant peut déterminer quelle est la meilleure approche pour régler un problème qui lui est soumis, en évaluant l’ensemble des circonstances existantes, pour autant qu’il agisse de bonne foi et fasse un effort pour enquêter sur les faits et décide d’une manière raisonnable d’une marche à suivre qui est viable. En l’espèce, je conclus que le témoignage du défendeur était crédible sur ce point. Qu’il ait eu raison ou non de conclure que la présentation d’une plainte de harcèlement était la façon appropriée de procéder, en supposant que de l’information à l’appui avait été fournie par la plaignante, n’est pas pertinent. La preuve me convainc, dans l’ensemble, qu’il a effectué une évaluation des options disponibles en se fondant sur l’information que la plaignante lui avait soumise et qu’il lui a donné des conseils rationnels sur un recours viable sans, selon toute apparence, avoir agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire. Manifestement, la plaignante était très mécontente du fait que le défendeur ne [traduction] « croyait pas » ses préoccupations concernant la persécution collective. Il est évident aussi qu’elle a communiqué des critiques assez acerbes à son sujet à un certain nombre d’agents et de représentants de l’ACEP, parfois sans partager ses commentaires avec lui. Or, son mécontentement et ses critiques ne prouvent pas en soi que le défendeur a agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi.

[Je mets en évidence]

 

[123] Même si je suis entièrement d’accord avec le raisonnement derrière les conclusions tirées par l’arbitre de grief Butler, que j’ai soulignées, je ne vois pas la même preuve que le syndicat en l’espèce a « […] [agi] de bonne foi et [fait] un effort pour enquêter sur les faits et [décider] d’une manière raisonnable d’une marche à suivre qui est viable ».

[124] Aucun des trois témoins qui ont joué un rôle quelconque dans la représentation de Mme Tyler n’a pu présenter de commentaires sur son analyse de toute question ayant trait aux droits de la personne découlant du fait que l’on avait permis que l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler arrive à échéance pendant qu’elle était malade et absente du travail.

[125] Au terme de ses observations finales, j’ai invité l’avocate à me corriger si j’avais tort de résumer la preuve entourant la façon dont le syndicat avait traité une possible question ayant trait aux droits de la personne de la façon dont je viens de le faire dans le paragraphe précédent.

[126] L’avocate a répondu qu’il s’agissait effectivement d’un résumé exact, mais que la question plus générale d’une possible atteinte aux droits de la personne était pratiquement théorique, étant donné que Mme Tyler s’était heurtée à tant d’obstacles pour maintenir son emploi continu.

[127] L’avocate a ajouté que la simple allégation d’une atteinte aux droits de la personne ne permettait pas à cette plainte de franchir la barrée élevée requise pour montrer un vice au devoir de représentation équitable.

[128] L’avocate a également sous-entendu que Mme Tyler n’était pas membre de l’unité de négociation quand elle était absente du travail et que son emploi pour une période déterminée est arrivé à échéance.

[129] Je mentionne les éléments de preuve convaincants présentés dans les courriels déposés en pièce par Mme Tyler, qui montrent sa correspondance avec la présidente nationale Benson, qui l’assure clairement que le syndicat allait effectivement l’aider à régler ce problème précis.

[130] Étant donné cette assurance claire, je conclus sans l’ombre d’un doute que le syndicat s’était engagé à représenter Mme Tyler.

[131] L’avocate a également soutenu que les nombreux exemples où Mme Tyler indiquait à ses représentants syndicaux de ne pas parler à la direction rendaient difficile, voire impossible pour ces derniers de faire plus que ce qu’ils avaient fait, ce qui était déjà beaucoup, selon elle, étant donné les nombreux problèmes qui leur étaient présentés pour obtenir leur aide.

[132] Je n’accepte pas que cela dispensât le syndicat de son devoir de représentation équitable. Malgré la preuve présentée par Mme Tyler, selon laquelle elle a parfois demandé à ses représentants syndicaux de ne pas communiquer avec la direction, ceux-ci ont néanmoins continué de la représenter, y compris à la réunion importante entre Mme Montour et le chef des Appels au début du mois d’août 2015.

[133] Même si ces directives données au syndicat ont pu rendre la représentation plus difficile, elles cadraient facilement avec l’obligation de diligence accrue due à Mme Tyler, comme il est indiqué dans Bingley.

[134] La défenderesse a renvoyé aux courriels envoyés par M. Esslinger à Mme Tyler le 28 septembre et le 18 novembre 2015 afin de prouver qu’il était réceptif à son égard et qu’il lui expliquait ce qui était fait ou, dans la plupart des cas, ce qui ne l’était pas, et les raisons pour lesquelles cela ne l’était pas.

[135] L’avocate a soutenu qu’il serait raisonnable de croire que ce sont ces deux courriels qui constituent l’événement déclencheur du moment où Mme Tyler aurait dû connaître le fondement de sa plainte. Cela signifierait que la plainte avait été déposée après le délai de 90 jours.

[136] Ces courriels sont cités ailleurs dans cette décision. Je mentionne simplement que le premier semble répondre à l’élément essentiel de la présente plainte, en sous-entendant que l’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de la plaignante en juin était attribuable à un mauvais rendement et à son absence du travail. Ils ne mentionnent pas les préoccupations relatives aux droits de la personne qu’elle a soulevées à maintes reprises.

[137] En réponse à la demande présentée par Mme Tyler au début du mois de novembre en vue de rétablir ses droits liés à son emploi, M. Esslinger indique dans son deuxième courriel qu’elle n’était plus une employée et qu’aucun grief ne pouvait ou ne serait déposé. Il a ajouté que même si des griefs avaient pu être déposés, leurs issues n’auraient pas répondu à ses attentes. Il a ensuite répondu à bon nombre des questions que Mme Tyler avait soulevées au cours des derniers mois. Dans sa lettre, il ne mentionne aucune question possible ayant trait aux droits de la personne.

[138] Mme Tyler a soutenu que la preuve qui m’a été présentée en ce qui concerne le traitement que lui a réservé le syndicat était remarquablement similaire à l’atteinte au devoir de représentation à laquelle on a conclu dans Jutras Otto. J’y souscris.

[139] Dans le présent cas, comme dans Jutras Otto, le syndicat a « […] failli à [sa] tâche et [n’a pas étudié] minutieusement la preuve et [conseillé] la plaignante en conséquence », pour citer la prose succincte et accessible de manière éloquente de l’arbitre de grief Bertrand.

[140] En dépit de sa maladie, Mme Tyler a informé à maintes reprises le syndicat de façon claire, convaincante et parfois insistante qu’elle voulait que des griefs soient déposés à l’encontre de son employeur, qu’elle croyait qu’une atteinte aux droits de la personne avait été commise et que les gestes posés par son employeur la plaçaient dans une situation grave.

[141] Rien de moins que la présidente nationale du syndicat elle-même a répondu aux demandes de Mme Tyler afin de l’assurer que le syndicat l’aiderait.

[142] Mme Tyler a soutenu pour terminer qu’elle avait compté sur le syndicat pour que celui-ci la représente et qu’il l’aide pendant les semaines et les mois qui ont mené à la décision de son employeur de permettre que son mandat arrive à échéance à la fin du mois de juin 2015 et qui l’ont suivie.

[143] Malgré l’assurance donnée par la présidente nationale du syndicat, la preuve a montré une absence de certitude en ce qui concerne l’identité de la personne responsable du dossier de présentation de Mme Tyler. Aucune preuve n’a été présentée à l’audience afin de montrer qu’une éventuelle atteinte aux droits de la personne avait été cernée, examinée ou explorée, même de façon rudimentaire.

IV. L’objection concernant le respect des délais

[144] L’avocate a soutenu que Mme Tyler avait reçu des communications claires du syndicat, qui auraient dû lui signaler qu’il ne ferait rien de plus pour contester le fait que l’on avait permis que son emploi pour une période déterminée arrive à échéance à la fin du mois de juin 2015, ce qui comprenait ses préoccupations quant au fait que l’employeur avait porté atteinte à ses droits de la personne.

[145] L’avocate a soutenu que les communications datées du 1er février 2016 et du 18 novembre 2015 respectivement rendaient la présente plainte hors délai, car elle avait été présentée des semaines ou des mois respectivement après l’échéance du délai de 90 jours.

[146] En outre, si j’accepte l’argument de Mme Tyler selon lequel l’événement déclencheur était le courriel du 8 mars 2016, qui correspond au plus récent événement déclencheur possible, même le délai qui en résulte a été dépassé de trois jours, étant donné que la plainte a été reçue le 9 juin, et pas le 6 juin, qui correspondait au 90e jour après la réception du courriel du 8 mars.

[147] À l’appui de l’argument selon lequel Mme Tyler comprenait bien la décision du syndicat de refuser ses demandes de contestation de l’arrivée à échéance de son emploi pour une période déterminée en juin 2015 bien avant qu’elle l’ait avoué, le syndicat a renvoyé à son courriel du 25 octobre 2015, dans lequel elle a écrit à Mme Dufty : [traduction] « Sachez, en tout respect, que je ne suis pas d’accord avec la position du syndicat selon laquelle le non-renouvellement de mon contrat était tout simplement la “fin de mon contrat”. »

[148] Dans sa réplique à l’objection concernant le respect des délais, Mme Tyler a soutenu qu’elle aurait dû faire l’objet de mesures d’adaptation, de sorte qu’elles doivent respecter la norme attendue relative à ce qu’une personne raisonnable dans sa situation (elle était malade) pourrait faire.

[149] Elle a affirmé qu’il serait injuste de lui demander de respecter la norme relative à ce que l’on attendrait d’un avocat en exercice, qui comprend peut-être mieux les points de droit liés au délai de 90 jours et la façon dont ces jours sont comptés.

[150] Mme Tyler a également cité des décisions de la Commission qui portaient sur des demandes de prorogation du délai pour déposer des griefs. Ces demandes se limitent aux griefs déposés en vertu d’une convention collective. Ils font l’objet d’un traitement distinct et sont très différents d’une plainte relative au devoir de représentation équitable déposée à l’encontre d’un syndicat. Par conséquent, ces décisions n’aidaient pas Mme Tyler.

A. Le droit

[151] L’avocate s’est opposée à la plainte et m’a demandé de la rejeter au motif qu’elle était hors délai. Le paragraphe 190(2) de la Loi prévoit ce qui suit en ce qui concerne une plainte déposée en vertu du paragraphe 190(1) :

[…] [Elle doit être présentée] dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

 

[152] Afin d’appliquer cette disposition de la Loi aux faits, je dois d’abord définir la nature essentielle de la plainte et déterminer ensuite si Mme Tyler avait ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu. (Voir Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CAF 98, aux paragraphes 39 à 51.)

[153] Si Mme Tyler a déposé sa plainte devant la Commission après les 90 jours suivant cette connaissance, la Loi empêche l’affaire d’être accueillie. Ces paragraphes de Boshra se lisent comme suit :

[39] La Commission a jugé que le délai de prescription de 90 jours prévu au paragraphe 190(2) pour porter plainte pour pratique de travail déloyale au sens de l’alinéa 190(1)g) était impératif et que la Commission n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de le proroger. M. Boshra a déposé sa plainte le 5 février 2009 et le délai de prescription a commencé à courir le 7 novembre 2008. Il a donc déposé sa plainte après l’expiration du délai qui lui était imparti s’il avait eu — ou aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte avant cette date.

[…]

[43] Compte tenu de sa qualification de la nature fondamentale de la plainte, la Commission a expliqué (au paragraphe 36) qu’on trouvait dans les arguments mêmes de M. Boshra une preuve abondante indiquant qu’il était au courant, déjà en septembre ou en octobre 2008, du fait que Mme Stevens plaiderait le harcèlement sexuel au cours du processus de règlement du grief, de sorte que la plainte aurait été déposée plus d’un mois après l’expiration du délai de prescription de 90 jours.

[44] Le calcul du moment où le délai a commencé à courir contre M. Boshra en l’espèce implique des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. La norme de contrôle applicable à ce genre de question est vraisemblablement celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 53). La présomption est renforcée en l’espèce par la présence d’une forte clause privative à l’article 51 de la Loi et par l’importance que revêt la vaste compétence que possède la Commission en matière de relations de travail pour résoudre les questions en litige.

[…]

[49] On ne peut donc prétendre que la façon dont la Commission a qualifié l’objet de la plainte est déraisonnable. Vu la retenue judiciaire dont la Cour est tenue de faire preuve envers la décision de la Commission, il n’appartient pas à la Cour de décider si elle aurait qualifié la nature fondamentale de la plainte de la même manière que la Commission.

[Je mets en évidence]

 

[154] La défenderesse a également cité des décisions de la Commission qui se penchaient sur le délai de 90 jours et déterminé que celui-ci était obligatoire et que la Commission n’a aucun pouvoir législatif de le proroger, comme elle l’a toujours indiqué dans ses décisions.

[155] Qui plus est, lorsque l’on interprète le paragraphe 190(2) de la Loi lié au délai de 90 jours, la seule discrétion possible est de déterminer au vu de la preuve, si la plaignante avait ou aurait dû avoir connaissance des circonstances qui ont donné lieu à la plainte. (Voir Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90, au par. 32, qui cite England c. Taylor, 2011 CRTFP 129.)

[156] Étant donné que le terme « jour » n’est pas défini dans la Loi, il a le sens que lui confère la Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I-21). Le paragraphe 27(4) se lit comme suit : « Si le délai suit un jour déterminé, ce jour ne compte pas. »

[157] Cela signifie que si l’on concluait que la date du 1er janvier correspondait à celle où la plaignante a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte, le premier jour aux fins du calcul serait le 2 janvier, le deuxième jour serait le 3 janvier et ainsi de suite. Chaque jour civil serait ensuite calculé de façon séquentielle. Le 90e jour est le « dernier jour » pour déposer une plainte. Toutefois, si le 90e jour tombe un jour férié, la plainte doit être déposée le jour suivant qui n’est pas un « jour férié ».

B. La nature essentielle de la plainte

[158] Comme la Cour d’appel fédérale l’a affirmé dans Boshra, je dois déterminer la nature essentielle de la plainte. Autrement dit, quels sont les actes que le syndicat a posés ou n’a pas posés qui forment le fondement de ce qui a causé la violation alléguée du devoir de représentation équitable, comme le prétend Mme Tyler?

[159] La preuve a établi que Mme Tyler éprouvait de nombreux problèmes préoccupants avec son employeur, dont certains étaient contemporains, pour lesquels elle a demandé la représentation du syndicat pour l’aider. Ces problèmes, survenus en 2015 et en 2016, comprenaient ce qui suit :

– Le harcèlement allégué de la part de ses gestionnaires dont Mme Tyler disait souffrir parce qu’elle utilisait souvent des congés pour se rendre à des rendez-vous médicaux et pour prendre soin d’un membre de sa famille gravement malade.

– Le problème connexe de l’exigence, par l’employeur, de mettre en place un plan d’amélioration du rendement qu’elle devait signer.

– Son affectation temporaire à un poste SP-04, dans lequel elle a eu du mal à réussir, en même temps environ qu’elle s’absentait pour les raisons indiquées plus tôt.

– Son désir de retourner à son poste d’attache SP-03 et de travailler dans un bureau différent sous un superviseur différent afin de régler le problème de harcèlement allégué.

– Une évaluation du rendement menée pendant cette période difficile, qui lui a donné une mauvaise image et qui était viciée, selon ce qu’elle affirmait (ce qui a par la suite été prouvé, car le grief a été accueilli).

– L’épuisement de ses congés et les efforts qu’elle a déployés pour obtenir des avances de congé, qui ont finalement tous été épuisés. Elle a ensuite été contrainte de prendre un congé non payé afin de prendre soin d’un membre de sa famille à sa charge gravement malade.

– Sa « dépression nerveuse », qu’elle a décrite elle-même et qui n’est pas contestée, ce qui l’a fait s’absenter du travail pendant plusieurs semaines, pendant lesquelles elle a commencé à tenter de se préparer à un retour au travail avec la correspondance de son médecin. En même temps, l’employeur a demandé de mener une évaluation de l’aptitude au travail, à laquelle elle s’opposait.

– La décision de l’employeur de permettre à l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler d’arriver à échéance à la fin du mois de juin 2015 pendant qu’elle était malade et en congé non payé. Elle a affirmé n’avoir reçu aucun avis et n’avoir eu connaissance de l’arrivée à échéance que lorsqu’elle a tenté de retourner au travail, à la fin du mois de juillet 2015.

– Cette façon de faire s’est poursuivie au cours de l’automne 2015 et par la suite, étant donné qu’avec l’aide d’une représentation syndicale, elle a réussi à obtenir des périodes d’emploi pour une période déterminée (mais pas nécessaire des périodes continues, sans interruption).

– Avec l’aide d’une représentation syndicale également, elle a réussi à faire accueillir un grief en partie afin de corriger son évaluation du rendement viciée menée plus tôt en 2015, qui avait joué un rôle dans la décision de l’employeur de ne pas renouveler son emploi pour une période déterminée, selon ce qu’elle a affirmé.

 

[160] Même si la preuve a montré que plusieurs problèmes se sont poursuivis en 2016 et par la suite, ils ne sont pas pertinents pour déterminer la nature essentielle de la présente plainte afin de déterminer si Mme Tyler a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’acte ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte.

[161] Je conclus que la preuve indique de façon claire et convaincante que la nature essentielle de la présente plainte correspond aux actes posés par le syndicat ou à l’absence d’actes posés en ce qui concerne la décision de l’employeur de permettre à l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler d’arriver à échéance pendant qu’elle était malade et en congé.

[162] L’avocate a soutenu que l’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de la plaignante à la fin du mois de juin 2015 n’avait aucune conséquence étant donné que l’employeur n’était pas tenu de le prolonger.

[163] Malgré l’argument présenté par l’avocate, l’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler à la fin du mois de juin 2015 et son allégation selon laquelle celle-ci était en partie attribuable à une discrimination pour un motif illicite, correspondent aux circonstances ayant donné lieu à la présente plainte.

[164] Comme il a déjà été indiqué dans cette décision, Mme Tyler s’est fondée sur plusieurs communications envoyées par courriel, qui informaient le syndicat que l’arrivée à échéance de son emploi pour une période déterminée à la fin du mois de juin 2015 mettait en péril son moyen de subsistance, que ses actes visaient à protéger son emploi, que l’arrivée à échéance soulevait une atteinte à la LCDP et à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, que le temps pressait et qu’elle voulait qu’un grief soit déposé afin de contester la décision de l’employeur de permettre à son emploi pour une période déterminée d’arriver à échéance.

[165] Mme Tyler a de nouveau renvoyé à ces problèmes dans le courriel du 8 mars 2016 envoyé par Kent MacDonald, un agent des relations de travail de l’administration centrale nationale du SEI, qui lui a finalement fait comprendre que le syndicat ne tenterait pas d’obtenir réparation en son nom.

[166] Par conséquent, je conclus, au vu de cette preuve claire, que la nature essentielle de la présente plainte correspondait aux actes posés par le syndicat ou à l’absence d’actes posés en ce qui concerne le fait que l’on permette à l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler d’arriver à échéance en juin 2015.

[167] Mon analyse de la preuve et des questions tout au long de la présente décision se concentre principalement sur cette affaire.

C. Le dépôt de la plainte

[168] Le dossier de la Commission indique que Mme Tyler a daté le formulaire de plainte qui a donné lieu à la présente affaire le 8 juin 2016, au-dessus de sa signature qui apparaît sur le formulaire. Elle l’a également signé une deuxième fois, tout juste à droite de la date et de la signature qui indiquent le 10 juin 2016. Aucune des deux parties n’a approfondi la question de la deuxième signature et de la deuxième date lors de l’audience.

[169] Le timbre dateur que le greffe de la Commission appose à l’encre sur tous les formulaires de plainte d’origine au moment de leur réception indique 9 h 25, le 16 juin 2016.

[170] Toutefois, le dossier de la Commission contient aussi un courriel d’un agent du greffe daté du 4 juillet 2016, qui indique ce qui suit : [traduction] « Merci de votre courriel dans lequel vous demandez de confirmer la réception de votre plainte. Votre plainte a été reçue le 9 juin 2016 et je vous avais envoyé la lettre ci-jointe le 23 juin 2016 [je mets en évidence]. »

[171] Dans ses arguments écrits sur le dossier envoyé à la Commission en septembre 2016, le syndicat s’est exprimé comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Sous toute réserve de toute position que l’agent négociateur peut adopter en ce qui concerne le moment où la plaignante a eu ou aurait dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à cette plainte, l’utilisation de la date du 8 mars 2016 en tant que date la plus récente à laquelle il est possible de dire que la plaignante avait connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte, le délai pour le dépôt aurait été le 6 juin 2016.

[…]

 

[172] Comme il est indiqué dans l’argumentation du syndicat, le délai de 90 jours se terminait effectivement le 6 juin 2016, si l’événement déclencheur était le courriel du 8 mars 2016.

[173] J’ai expliqué la gravité et la substance de la requête en rejet de la plainte au motif qu’elle était hors délai et j’en ai discuté avec les parties, pour m’assurer que Mme Tyler la comprenait. Malgré cela, j’ai dû demander spécifiquement à Mme Tyler de se pencher sur cette question et je lui ai demandé de présenter une argumentation orale à ce sujet avant la fin de l’audience.

[174] Dans sa très courte argumentation sur cette question, Mme Tyler a effectivement renvoyé au courriel de M. MacDonald du 8 mars 2016 en tant qu’événement déclencheur qui a commencé le délai de dépôt de 90 jours.

[175] Dans ses observations de clôture, Mme Tyler a expliqué qu’elle avait tenté d’envoyer par télécopieur sa plainte à la Commission sur le formulaire 16 prescrit tard dans l’après-midi du 8 juin, mais qu’elle avait éprouvé des problèmes informatiques qui auraient pu retarder la transmission de son formulaire après la fermeture du bureau, à 16 h 30, heure de l’Est.

[176] Elle a soutenu que cela pouvait expliquer pourquoi la Commission n’avait officiellement reçu sa plainte que le lendemain, le 9 juin. Elle a dit que le délai de 90 jours avait commencé le 8 mars et qu’elle avait déposé la plainte le 8 juin, ce qui respectait donc l’échéance.

[177] Même si Mme Tyler n’a pas renvoyé à la Loi d’interprétation, son argumentation selon laquelle elle respectait le délai de 90 jours le 8 juin sous-entend qu’elle croyait que le délai de 90 jours était plutôt un délai de trois mois.

[178] Une telle position alléguant le respect du délai selon la date du 8 juin pouvait seulement être avancée si le délai correspondait à trois mois, comme le permettrait l’article 28 de la Loi d’interprétation, qui se lit comme suit :

Délai exprimé en mois

Si le délai est exprimé en nombre de mois précédant ou suivant un jour déterminé, les règles suivantes s’appliquent :

a) le nombre de mois se calcule, dans un sens ou dans l’autre, exclusion faite du mois où tombe le jour déterminé;

b) le jour déterminé ne compte pas;

c) le jour qui, dans le dernier mois obtenu selon l’alinéa a), porte le même quantième que le jour déterminé compte; à défaut de quantième identique, c’est le dernier jour de ce mois qui compte.

[Le passage en évidence l’est dans l’original et je mets en évidence]

 

D. L’événement déclencheur qui a commencé le calcul du délai de 90 jours

1. Le courriel de M. MacDonald du 8 mars 2016

[179] Le formulaire 16 que Mme Tyler a présenté à la Commission afin de déposer la présente plainte indique que c’est le 8 mars 2016 qu’elle a eu connaissance de l’acte, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à sa plainte.

[180] Mme Tyler a témoigné que le courriel envoyé par M. MacDonald à cette date reconnaissait pour la première fois ce qui n’avait pas fonctionné, selon ce qu’elle comprenait, ce qui lui a permis de comprendre que le syndicat ne l’aiderait pas à régler ses problèmes.

[181] Le courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je répondrai à vos préoccupations en fonction de ce qui peut être fait aujourd’hui, et je parlerai aussi de ce qui aurait dû se passer avant.

Premièrement, il y a la question de ne pas avoir été prise en considération aux fins de réembauche. L’employeur aurait dû vous informer en juin, à la fin de votre emploi pour une période déterminée, même si vous étiez en congé de maladie. Vous auriez dû avoir l’occasion d’avoir une rétroaction individuelle afin de connaître les raisons pour lesquelles vous n’avez pas été prise en considération aux fins de réembauche. D’après ce que je comprends, le syndicat local est intervenu en août et vous êtes revenue à un emploi pour une période de moins de trois mois, ce qui signifie que vous n’étiez pas admissible à être membre du syndicat en vertu de la loi, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, vous n’étiez pas considérée comme un « employé » et vous n’étiez donc pas admissible à déposer un grief, étant donné que seuls les employés ont ce droit. Ainsi, on ne peut rien faire de plus sur cette question.

Deuxièmement, vous alléguez que la perte d’emploi était liée à du harcèlement et à de la discrimination survenus au printemps 2015. Étant donné que votre emploi pour une période déterminée a pris fin en juin 2015, tout grief contestant la discrimination ou le harcèlement devait être déposé avant votre départ de l’ARC, étant donné que seuls les employés de l’ARC ont le droit de déposer des griefs […] Si vous n’avez pas déposé les griefs, il est impossible de faire quoi que ce soit maintenant […]

Troisièmement, la question relative à une mauvaise évaluation du rendement a été réglée par le syndicat local avec l’employeur en septembre 2015, pendant une période où vous n’étiez pas un membre du syndicat et le syndicat local a réussi, dans une faible mesure, à apporter des changements à l’évaluation. Ainsi, on ne peut rien faire de plus sur ces questions.

Enfin, vous vous trouviez dans un répertoire de postulants […]

Je ne peux donc pas vous aider et nous jugeons que ces affaires sont fermées.

[…]

 

2. Le courriel de M. Esslinger du 1er février 2016

[182] Mme Tyler a témoigné qu’elle a lu le courriel envoyé par M. Esslinger le 1er février 2016 et qu’elle comprenait qu’il répondait à ses préoccupations relatives à ce qu’elle considérait comme du harcèlement à répétition au travail que la direction avait fait à son égard.

[183] Le courriel indique ce qui suit :

[Traduction]

Bonjour Karen, j’ai été très occupé. Je répète ce que j’ai déjà dit au sujet de la possibilité de déposer une plainte de harcèlement : étant donné que le délai pour déposer un grief est écoulé depuis longtemps, vous deviez recourir à la procédure interne de règlement des plaintes de harcèlement de l’employeur. Je crois avoir dit que je pourrais l’examiner une fois que vous l’auriez rédigée. En toute honnêteté, je ne me souviens pas de vous avoir dit que je vous aiderais à déposer une plainte relative aux droits de la personne et je ne vous aurais jamais dit une telle chose. Encore une fois, c’est la personne qui dépose ce genre de plainte; le syndicat ne joue aucun rôle.

 

[184] Et, dans le recueil de pièces du syndicat, possiblement le même courriel de M. Esslinger daté de ce jour-là indique : [traduction] « En ce qui concerne votre demande de déposer immédiatement des griefs en ce qui concerne les personnes dont l’emploi a été renouvelé au centre d’arrivage, comme je vous l’ai déjà dit, vous n’êtes actuellement pas membre et, par conséquent, aucun grief ne peut être déposé en votre nom. »

V. Conclusion

[185] Il est bien établi dans la jurisprudence que les syndicats ne sont pas tenus à une norme de perfection ou même d’exactitude dans leurs efforts de représentation.

[186] Toutefois, la norme généreuse dont les syndicats jouissent ne leur donne pas le droit d’ignorer et d’éviter des cas difficiles avec des membres qui exigent de déployer des efforts supplémentaires pour des raisons comme la maladie mentale.

[187] Le fait de permettre une aussi piètre représentation syndicale correspondrait dans le meilleur des cas à un caractère arbitraire et à une discrimination pour des motifs illicites dans le pire des cas, qui vont tous deux à l’encontre du devoir de représentation équitable.

[188] La quantité volumineuse de courriels envoyés et le grand nombre d’appels effectués par Mme Tyler ne libéraient pas le syndicat de son devoir de représentation équitable.

[189] Mme Tyler a fait valoir que cela exigeait au syndicat de déployer des efforts supplémentaires et de faire preuve d’une diligence particulière dans ses efforts pour l’aider et pour communiquer avec elle. Je suis d’accord.

[190] Je suis aussi d’accord avec les arguments de Mme Tyler selon lesquels le syndicat était au courant de sa maladie mentale et que cela lui exigeait de faire preuve d’une plus grande diligence dans sa représentation et dans ses communications avec elle.

[191] Le syndicat de Mme Tyler l’a représentée dans au moins deux affaires liées au lieu de travail au début de l’année 2015 et a aussi réussi à faire corriger une évaluation du rendement viciée au moyen d’un grief le 15 octobre 2015, de sorte que son dossier de rendement ne présentait aucun obstacle qui aurait permis que son emploi pour une période déterminée arrive à échéance, en supposant que la charge de travail et la main-d’œuvre rendaient ses services toujours requis.

[192] Toutefois, pendant qu’elle était malade et absente du travail en juin 2015, on a permis que son emploi pour une période déterminée arrive à échéance et elle a témoigné que l’employeur ne l’en avait informée qu’après coup. Malgré les efforts effrénés qu’elle a déployés afin d’obtenir l’aide du syndicat afin de faire renouveler son emploi pour une période déterminée, il s’est écoulé des semaines et des mois, pendant lesquels plusieurs courriels ont été échangés, jusqu’à ce que quelques mois plus tard, Mme Tyler comprenne finalement, comme elle l’a indiqué dans son témoignage, que le syndicat ne poursuive pas la question de l’arrivée à échéance de son emploi pour une période déterminée en juin 2015.

[193] Le syndicat a fait valoir qu’il avait déployé tous les efforts raisonnables et qu’il avait en fait continué de communiquer avec Mme Tyler et tenté de l’aider même après que l’ARC a permis que son emploi pour une période déterminée arrive à échéance une deuxième fois en 2015.

[194] Le syndicat, qui ne disposait que peu d’éléments de preuve sur lesquels se fonder, a soutenu que Mme Tyler éprouvait des problèmes de rendement au travail, ce qui avait eu une incidence sur le fait que son emploi pour une période déterminée n’avait pas été prolongé. Il a mentionné que grâce aux efforts qu’il a déployés, elle est parvenue à obtenir un autre emploi pour une période de trois mois au cours de la même année.

[195] Si les questions touchant l’assiduité et les problèmes de rendement de Mme Tyler étaient effectivement présentes dans l’esprit des représentants syndicaux quand ils ont examiné le non-renouvellement de son emploi pour une période déterminée en 2015 pendant qu’elle était malade et absente du travail, le syndicat aurait dû prendre son courage à deux mains et avoir une discussion franche avec Mme Tyler dès qu’elle se sentait suffisamment bien pour commencer à discuter de son retour au travail, à l’été 2015.

[196] L’avocate a soutenu que le fait que l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler allait arriver à échéance rendait la question de la réparation théorique, tout comme elle rendait théorique la plainte pour manquement au devoir de représentation équitable dans cette affaire. Je suis en désaccord.

[197] La jurisprudence de la Commission dans Togola et Dionne citées par Mme Tyler montre qu’il y avait au moins une chance que l’affaire soit renvoyée avec succès devant la Commission aux fins d’arbitrage si l’ARC ne corrigeait pas le problème en tenant sa propre audience sur un tel grief.

[198] Si des éléments de preuve avaient été présentés afin de montrer que le syndicat s’était penché sur la question d’un éventuel grief fondé sur les droits de la personne à l’été 2015 et qu’il avait ensuite déterminé pour un motif de bonne foi quelconque qu’il n’était pas recommandé de déployer un tel effort, l’avocate aurait été dans une bien meilleure position pour avancer cet argument.

[199] Toutefois, la preuve indiquait en fait le contraire. Aucun des trois témoins qui ont participé à la représentation du syndicat de Mme Tyler n’a témoigné avoir même songé à explorer un tel recours.

[200] Qui plus est, M. Esslinger a avoué que, dans une situation où une personne est absente du travail, par exemple, en congé de maternité et dont l’emploi pour une période déterminée arrive à échéance, il pourrait effectivement valoir la peine de se demander si des recours possibles seraient offerts pour des motifs liés aux droits de la personne si l’employeur a tout simplement laissé l’emploi pour une période déterminée de cette personne arriver à échéance.

[201] C’est précisément ce que Mme Tyler a exhorté ses représentants syndicaux à faire. Dans ses courriels qui ont été déposés en pièces, elle a demandé à maintes reprises au syndicat d’explorer une possible atteinte aux droits de la personne avec l’employeur.

[202] Je conclus qu’étant donné que Mme Tyler croyait qu’elle était sur le point de devenir une employée permanente, la question de la prolongation de son emploi pour une période déterminée en juin ne pouvait pas être plus importante à ses yeux.

[203] Je conclus aussi que ses représentants syndicaux savaient clairement ou auraient dû savoir à quel point la prolongation de l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler était importante pour elle.

[204] La preuve a clairement établi que le syndicat n’a pas reconnu une possible atteinte aux droits de la personne quand l’emploi pour une période déterminée est arrivé à échéance. De plus, il n’a même pas procédé à une enquête même sommaire sur les circonstances entourant l’arrivée à échéance de l’emploi pour une période déterminée de Mme Tyler, qui, au vu de la preuve qui m’a été présentée, auraient pu être liées à la transition à un emploi permanent à temps plein. Ces faits situent carrément la plainte dans ce que la Commission a conclu être un manquement au devoir de représentation équitable dans Jutras Otto.

[205] Tous ces événements se sont produits malgré le fait que Mme Tyler a écrit à maintes reprises au syndicat et l’a alerté de ce qu’elle considérait comme une possible atteinte aux droits de la personne par son employeur, ce qui avait de graves conséquences sur sa carrière et son mieux-être.

[206] Une fois que Mme Tyler a commencé à supplier le syndicat de se pencher sur la façon dont son emploi pour une période déterminée avait pu arriver à échéance et les raisons pour lesquelles il l’avait fait pendant qu’elle était malade et absente du travail, le syndicat n’a pas communiqué efficacement avec elle, de sorte qu’elle aurait pu comprendre sa situation et possiblement explorer d’autres recours.

[207] Mme Tyler méritait mieux du syndicat.

[208] Même si je devais accepter l’argumentation de Mme Tyler sur le moment où l’événement déclencheur est survenu et son explication selon laquelle la plainte a été envoyée tard le jour dans un fuseau horaire de l’Ouest canadien, la preuve a clairement établi qu’elle a été transmise à la Commission après le délai de 90 jours prévu par la loi.

[209] Malheureusement pour Mme Tyler, le législateur n’a pas donné à la Commission le pouvoir discrétionnaire de modifier l’application du délai en vertu du paragraphe 190(2) pour déposer des plaintes. Je suis donc incapable d’accepter sa demande de mesure d’adaptation à cause de sa maladie afin de permettre d’accueillir sa plainte même si elle a été présentée hors délai.

[210] Par conséquent, le paragraphe 190(2) de la Loi m’empêche d’accueillir la plainte de Mme Tyler.

[211] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VI. Ordonnance

[212] La plainte est rejetée parce qu’elle est hors délai.

Le 15 septembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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