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Date: 20210916

Dossier: EMP‑2017‑10981

 

Référence: 2021 CRTESPF 109

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

ENTRE

ROBERT FOSTER

plaignant

 

et

 

Sous‑ministre de l’Emploi et du Développement social

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Foster c. Sous‑ministre de l’Emploi et du Développement social

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Joanne B. Archibald, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour le plaignant : Lui‑même

Pour l’intimé : Peter Doherty, avocat

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras, analyste principal

 

Affaire entendue par vidéoconférence,

le 5 août 2021.

(Traduction de la CRTESPF


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Introduction

[1] Robert Foster, le plaignant, a présenté une plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP) dans laquelle il allègue que le sous‑ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada (l’« intimé ») a fait preuve d’un abus de pouvoir dans la sélection de Milan Aryal (la « personne nommée ») aux fins d’un poste de spécialiste de services aux citoyens (SSC) (le « poste de SSC »), classifié au groupe et au niveau PM‑02, à Brampton, en Ontario.

[2] L’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir dans le processus de nomination.

[3] La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas assisté à l’audience, mais elle a présenté des arguments écrits portant sur ses politiques et ses lignes directrices applicables. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien‑fondé de la plainte.

[4] Le plaignant a soulevé des questions de discrimination au cours de l’audience, mais a convenu qu’il n’avait pas informé la Commission canadienne des droits de la personne, comme l’exige l’art. 78 de la LEFP, lorsqu’une plainte soulève une question concernant l’interprétation ou l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H‑6; LCDP).

[5] Pour les motifs qui suivent, la plainte est rejetée. Le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans le cadre du processus de nomination.

II. Contexte

[6] Le plaignant et la personne nommée ont postulé et se sont qualifiés dans le cadre du processus 2016‑CSD‑IA‑ONT‑17515 pour le poste de SSC.

[7] Le 5 décembre 2016, Susan Amatangelo, la présidente du processus de nomination et la gestionnaire responsable de l’embauche aux fins du poste de SSC, a demandé une recommandation à partir du répertoire de candidats qualifiés en fonction des mérites et des critères essentiels constituant un atout, ainsi que des besoins organisationnels.

[8] Voici les critères :

·les notes globales les plus élevées relatives à trois critères de mérite essentiels : communication orale, formation en matière de compétences de présentation et sensibilisation interpersonnelle;

·le critère constituant un atout relatif aux études;

· 10 critères constituant un atout en matière d’expérience, tous définis comme récents (au cours des 24 derniers mois) et significatifs (au moins 12 mois);

·un besoin organisationnel pour un candidat appartenant à une minorité visible.

 

[9] Le 2 février 2017, un « Avis de nomination ou de proposition de nomination » a été publié à l’égard de la personne nommée. Le plaignant a présenté sa plainte concernant un abus de pouvoir le 17 février 2017.

III. Résumé de la preuve

[10] Selon la position du plaignant, il était qualifié pour la nomination et la sélection de la personne nommée constituait une discrimination contre les autres candidats car elle était fondée sur l’auto‑identification de la personne nommée en tant que minorité visible.

[11] Le plaignant estimait qu’il était absurde de penser qu’il n’était pas qualifié. Il a témoigné qu’il avait présenté d’excellentes qualifications pour le poste de SSC. Il est entièrement bilingue. Il détient trois diplômes universitaires et possède de bonnes connaissances du gouvernement.

[12] Le plaignant a soutenu qu’il aurait dû être qualifié à l’égard de tous les critères constituant un atout. Il estimait que son rejet aux fins du poste de SSC était fondé sur une évaluation inexacte et incomplète des atouts.

[13] Le plaignant a expliqué ses qualifications. Il a remis en question la façon dont il a pu obtenir des notes complètes pour les compétences de présentation, mais qu’il n’était pas qualifié à l’égard du critère constituant un atout en matière de planification et d’organisation de présentations. Il a fait valoir qu’il détenait un certificat en Accès rapide au numéro d’assurance sociale (ARNAS) et qu’il aurait dû avoir été jugé qualifié. Il a ajouté qu’il avait déjà occupé le poste de conseiller en rémunération et qu’il possédait les connaissances requises des programmes de la Sécurité de la vieillesse (SV) et du Régime de pensions du Canada (RPC). Il possédait des connaissances intermédiaires et avancées qu’il a acquises en matière d’assurance‑emploi sur deux ans.

[14] Le plaignant s’est auto‑identifié comme caucasien. Il a soutenu que le besoin organisationnel de l’intimé d’un candidat qui s’est auto‑identifié en tant que membre d’une minorité visible démontrait une prédisposition à l’égard des candidats d’une minorité visible qui ne pouvaient pas satisfaire au critère de mérite.

[15] Mme Amatangelo a témoigné que le poste de SSC représente la vitrine du gouvernement fédéral dans la collectivité. Les SSC négocient des relations avec les organismes communautaires servant des groupes cibles, comme les aînés, les personnes handicapées ou les nouveaux arrivants au Canada. Le but est de sensibiliser au sujet des programmes du gouvernement fédéral, y compris les numéros d’assurance sociale, la SV, le RPC, l’assurance‑emploi et la formation. Ce travail sert à réduire considérablement les visites au bureau et les demandes de renseignements présentées par le public.

[16] Lorsque Mme Amatangelo a préparé la demande visant à recommander un candidat du répertoire des candidats qualifiés aux fins du poste de SSC, elle a sélectionné des qualifications essentielles et constituant un atout de l’« énoncé des critères de mérite » et un besoin organisationnel.

[17] Dans la demande de recommandation, Mme Amatangelo a fourni la justification suivante pour l’utilisation de critères de mérite essentiels et constituant un atout.

[Traduction]

[…]

Les critères de mérite indiqués dans ma sélection contribuent aux besoins actuels de l’effectif, car ils me permettent d’avoir un candidat qui possède de fortes compétences en communication orale et de présentation qui est en mesure de donner des présentations et de s’acquitter des obligations d’un spécialiste de services aux citoyens et qui possèderait l’expérience requise pour entreprendre les mêmes fonctions.

[…]

 

[18] Mme Amatangelo a témoigné qu’aux fins du processus de nomination pour le poste de SSC, les critères de mérite essentiels étaient évalués en fonction des résultats du processus d’évaluation. Les critères constituant un atout et le besoin organisationnel ont été évalués en fonction des renseignements figurant dans la candidature des candidats.

[19] Mme Amatangelo a déclaré qu’elle cherchait un candidat qui était prêt à exercer les fonctions du poste de SSC et qui n’avait pas besoin de formation. En raison de la diversité de Brampton, elle souhaitait avoir un candidat qui s’était auto‑identifié en tant que minorité visible, car elle estimait qu’il serait en mesure d’établir des liens et de représenter la collectivité à servir.

[20] Mme Amatangelo a témoigné que le plaignant avait été jugé ne pas satisfaire à six des critères d’expérience constituant un atout et qu’il ne satisfaisait pas au besoin organisationnel, car il ne s’était pas auto‑identifié en tant que minorité visible.

[21] Le plaignant ne souscrivait pas à l’évaluation de sa candidature. Il n’a pas contesté le fait que la personne nommée satisfaisait aux critères essentiels et de mérite constituant un atout, ainsi qu’au besoin organisationnel.

[22] Même si le plaignant n’a pas satisfait au critère constituant un atout en matière de planification, d’organisation et d’exécution de présentations, il a témoigné qu’à titre de conseiller municipal, de membre du conseil d’administration de l’hôpital et de président du Club « Rotary », il participait grandement au sein de la collectivité et donnait des présentations.

[23] Mme Amatangelo a répondu que la candidature du plaignant portait sur sa capacité à faire des présentations, mais qu’elle ne comportait aucune mention des éléments de leur planification et de leur organisation. Par conséquent, il ne satisfaisait pas aux exigences de cette qualification.

[24] Le plaignant n’a pas satisfait à trois critères constituant un atout connexes en matière d’expérience récente et significative dans la réception de demandes de prestations de SV et de RPC, dans l’exécution des programmes de RPC et dans l’exécution des programmes de SV.

[25] Le plaignant a soutenu qu’il était un conseiller en rémunération chevronné possédant de vastes connaissances en matière de SV et de RPC.

[26] Mme Amatangelo a répondu que la candidature du plaignant portait sur ses connaissances du RPC et de la SV, mais n’indiquait pas qu’il avait reçu des demandes ou qu’il avait exécuté l’un ou l’autre des programmes. En outre, sa candidature n’indiquait aucune période relative à l’expérience liée au RPC ou à la SV et il était impossible de déterminer si son expérience était récente ou significative.

[27] Le plaignant n’a pas satisfait aux critères de mérite constituant un atout en matière d’expérience récente et significative dans l’exécution des programmes d’assurance‑emploi. Sa candidature faisait référence à un travail qu’il a exécuté de juillet 2009 à janvier 2010.

[28] Mme Amatangelo a déclaré que l’expérience du plaignant a eu lieu il y a trop longtemps pour satisfaire aux définitions d’une expérience récente et significative.

[29] Une autre qualification constituant un atout était une expérience récente et significative dans la fourniture de services d’ARNAS. La candidature du plaignant du 10 juin 2016 déclarait qu’il devait commencer à fournir bientôt des services d’ARNAS.

[30] Le plaignant a convenu que sa lettre d’accompagnement faisait référence à une affectation de travail relative à l’ARNAS qui n’avait pas encore commencée, mais qu’il était sûr qu’il avait discuté de l’expérience qu’il acquérait lorsqu’il a assisté à son entrevue à une date ultérieure.

[31] Selon Mme Amatangelo, la référence du plaignant à l’ARNAS dans sa candidature portait sur une attente à l’avenir. Il n’avait pas acquis une expérience récente ou significative à la date de sa candidature et ne pouvait pas l’acquérir au cours des six mois entre la date de sa candidature en juin 2016 et son entrevue en décembre 2016.

[32] Le plaignant a conclu en soutenant que l’évaluation était très subjective et douteuse. L’inclusion du besoin organisationnel de s’auto‑identifier en tant que minorité visible était raciste.

[33] L’intimé a fait valoir que le plaignant ne s’était pas qualifié, car son expérience ne répondait pas à l’expérience requise ou ne satisfaisait pas à la définition de récente et de significative pour ces qualifications à l’égard de six des qualifications constituant un atout. En outre, il ne satisfaisait pas au besoin organisationnel qui était évalué par l’auto‑identification en tant que minorité visible.

IV. Analyse

[34] La LEFP prévoit la définition de « mérite » à l’art. 30. Selon le par. 30(2), le mérite comprend les qualifications essentielles, la compétence dans les langues officielles, les qualifications constituant des atouts, les besoins organisationnels et les exigences organisationnelles.

[35] Voici les allégations écrites du plaignant :

[Traduction]

 

1) L’intimé a fait preuve d’un abus de pouvoir lorsqu’il a favorisé la personne nommée ou lorsqu’il n’a pas établi un processus de nomination équitable et transparent, conformément à la LEFP.

2) Abus de pouvoir en ne tenant pas compte des employés dans la zone de sélection qui ont satisfait aux critères de mérite et qui ne se sont pas vu accorder l’occasion d’être nommés.

 

[36] Je fais remarquer d’abord que le plaignant n’a déposé aucun élément de preuve d’un favoritisme personnel, comme un intérêt personnel indu ou une relation personnelle qui a influé sur la sélection de la personne nommée aux fins de la nomination. (Voir Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7.)

[37] Par conséquent, je conclus que le plaignant ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve d’établir, selon la prépondérance des probabilités, un favoritisme personnel. Cet aspect de la plainte est rejeté.

[38] Il a été allégué que le processus n’était ni équitable ni transparent et que des candidats n’ont pas été pris en considération. Je fais remarquer que l’affichage du poste de SSC comprenait les critères de mérites essentiels et constituant un atout. Il expliquait que les critères de mérite essentiels seraient évalués et que les critères de mérite constituant un atout pourraient être appliqués à une date ultérieure. Le plaignant n’a pas déclaré la façon dont le processus de nomination n’était ni équitable ni transparent.

[39] L’affichage comprenait également le passage suivant :

[Traduction]

[…]

[…] Il incombe aux candidats de fournir une lettre d’accompagnement, dans laquelle ils démontrent clairement en quoi ils satisfont à tous les critères de présélection (c.‑à‑d. les qualifications essentielles et constituant un atout relatif aux études et à l’expérience) de même qu’un curriculum vitae faisant état des renseignements fournis dans la lettre d’accompagnement. Veuillez noter qu’il ne suffit pas de mentionner que vous satisfaisiez aux qualifications ou de fournir une liste des responsabilités actuelles ou antérieures. Vous devez plutôt donner des exemples concrets qui démontrent que vous possédez chacune des qualifications demandées.

[…]

 

[40] Je conclus qu’il s’agissait d’une explication équitable et transparente du processus de nomination. En l’absence de toute preuve contraire, je conclus qu’il est conforme aux exigences de la LEFP.

[41] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les candidats qualifiés dans la zone de sélection n’ont pas été pris en considération, je fais remarquer que ce processus de nomination était ouvert aux employés dans la zone de sélection suivante :

[Traduction]

[…]

Les employés d’Emploi et Développement social Canada, y compris l’Initiative Service Canada, occupant un poste dans la région du Grand Toronto, qui aux fins du présent processus est délimitée par Newmarket au nord, par Burlington à l’ouest, par Oshawa à l’est et par le lac Ontario au sud.

[…]

 

[42] Seule la candidature du plaignant m’a été présentée en tant qu’exemple d’un candidat qualifié qui n’a pas été pris en considération. Comme nous le verrons plus tard dans la présente décision, un examen de sa candidature et le témoignage des témoins ont permis d’établir une justification pour conclure qu’il ne satisfaisait pas à six des qualifications constituant un atout en matière d’expérience ou au besoin organisationnel indiqué aux fins de cette nomination.

[43] Ni le témoignage du plaignant ni sa candidature ne comportaient une preuve convaincante selon laquelle il satisfaisait à l’un des critères constituant un atout contestés. Comme Mme Amatangelo en a témoigné, il n’a fourni aucun renseignement indiquant qu’il avait donné ou organisé des présentations. Il n’existait aucun élément de preuve selon lequel il avait reçu des demandes de prestations de SV ou du RPC ou qu’il avait exécuté des programmes de SV ou de RPC. Son expérience en matière d’assurance‑emploi n’avait pas été acquise dans la période des deux ans précédents et, par conséquent, il ne satisfaisait pas à la définition d’une expérience récente.

[44] L’expérience du plaignant relative à l’ARNAS n’était pas commencée au moment où sa candidature a été présentée. Même au moment de son entrevue, il n’avait acquis qu’au plus six mois d’expérience en ARNAS et elle n’aurait pas été suffisante pour satisfaire aux définitions de récente et de significative.

[45] Le plaignant a fermement fait valoir son désaccord avec l’évaluation de ses qualifications. Toutefois, comme l’a énoncé l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique dans Portree c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 14, au par. 56, « Le simple fait de rejeter le résultat final ne constitue pas une preuve d’acte répréhensible de la part du comité d’évaluation. »

[46] Le rôle de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») ne consiste pas à réévaluer les candidats. Son mandat consiste à déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, il y a eu un abus de pouvoir. (Voir Broughton c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 20, au par. 54.)

[47] Il incombait au plaignant d’établir qu’il y a eu un abus de pouvoir, fardeau dont il ne s’est pas acquitté. (Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, au par. 50.) Les éléments de preuve m’ont convaincue qu’il ne possédait pas l’expérience requise et que l’intimé ne pouvait pas juger, à bon droit, qu’il satisfaisait aux six qualifications constituant un atout qu’il a contestées.

[48] Le plaignant se préoccupait également du besoin opérationnel et de l’exigence de s’auto‑identifier en tant que membre d’une minorité visible. Il n’est pas contesté qu’il ne s’est pas auto‑identifié en tant que minorité visible et qu’il ne satisfaisait pas au besoin organisationnel déclaré. Il s’est auto‑identifié en tant que caucasien et il a estimé discriminatoire et contraire à la Politique de nomination de la CFP de limiter la prise en considération pour cette nomination aux candidats appartenant à une minorité visible.

[49] Mme Amatangelo a expliqué le besoin organisationnel d’un candidat qui pourrait établir des liens et représenter la collectivité à servir dans le cadre du poste de SSC. Cela a été cerné comme un critère visant à avoir la bonne personne pour occuper le poste et un candidat appartenant à une minorité visible était recherché.

[50] Je fais remarquer que l’auto‑identification a été abordée expressément sur l’affichage du poste, pour lequel les candidats étaient invités à indiquer leur adhésion à un groupe d’équité en matière d’emploi.

[51] En ce qui concerne la Politique de nomination de la CFP, même si elle ne lie pas la Commission, l’un des résultats attendus exprès est un « […] effectif non partisan et représentatif de toutes les régions du pays, bénéficiant de la diversité, de la dualité linguistique ainsi que des antécédents et des compétences variés des Canadiens […] ». À mon avis, l’expression de cet objectif est en conflit avec le point de vue du plaignant à l’égard de la Politique de nomination de la CFP et du mérite.

[52] Je conclus que l’intimé a expliqué de manière satisfaisante le motif de l’application du critère d’équité en matière d’emploi visant à répondre à un besoin organisationnel. Il ne s’agit pas d’une nouvelle approche. (Voir, par exemple, Brown c. le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2011 TDFP 15, au par. 71.) Étant donné la justification de l’intimé, l’application de ce besoin organisationnel relevait du « […] pouvoir discrétionnaire considérable pour choisir, parmi les postulants qui répondent aux qualifications essentielles, la personne qui, selon [le] jugement [du gestionnaire], est la bonne personne pour occuper le poste » [le passage en évidence l’est dans l’original]. (Voir Visca c. Sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, au par. 44.)

[53] Par conséquent, je ne constate aucun fondement permettant à la Commission d’intervenir dans la décision de l’intimé d’appliquer ce besoin organisationnel pour sélectionner un candidat aux fins de nomination.

[54] Même si l’allégation de discrimination en matière de droits de la personne avait été dûment présentée à la Commission, conformément à l’art. 78 de la LEFP, ma décision serait la même. Voici mon analyse.

[55] Afin de démontrer que l’intimé a commis un acte discriminatoire, le plaignant doit établir une preuve prima facie (ce qui signifie à première vue) de discrimination ou une preuve qui « […] porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé » (tiré de Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears, [1985], 2 R.C.S. 536).

[56] Les éléments de preuve doivent démontrer que 1) le plaignant possède une caractéristique protégée contre la discrimination; 2) le plaignant a subi un effet préjudiciable lié à l’emploi; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. (Voir Moore c. ColombieBritannique (Éducation), 2012 CSC 61.)

[57] En premier lieu, le plaignant s’est auto‑identifié comme étant de race caucasienne et la race est une caractéristique protégée contre la discrimination, en vertu de l’art. 3 de la LCDP.

[58] En deuxième lieu, il ressort de la preuve que le plaignant a subi un effet préjudiciable lié à l’emploi lorsqu’il n’a pas été choisi aux fins de la nomination au poste de SSC.

[59] La troisième question consiste à savoir si la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. La preuve a révélé une explication complète indiquant qu’il n’était pas admissible à la nomination parce qu’il n’avait pas satisfait à six des qualifications constituant un atout, en fonction des faits qu’il a présentés dans sa candidature.

[60] Par conséquent, la preuve a révélé que le plaignant n’était pas qualifié. Elle n’a pas établi qu’il était également ou plus qualifié par rapport à la personne nommée. Une discrimination contre les droits de la personne n’a pas été établie, selon la prépondérance des probabilités.

[61] Enfin, je fais remarquer que le plaignant a renvoyé de façon anecdotique à la discrimination fondée sur le sexe. Il a suggéré que les femmes avaient obtenu les autres nominations à partir du répertoire de candidats qualifiés. Il a présenté une liste de noms sans établir que des nominations avaient eu lieu. La façon dont cela était pertinent à l’affaire dont je suis saisie n’était pas claire. Même si elle l’était, je n’ai pas trouvé que les éléments de preuve comportaient le poids ni la fiabilité pour me permettre de les examiner davantage. Par conséquent, les présents motifs se limitent à la nomination visée par la plainte.

[62] Selon les éléments de preuve présentés, je conclus que le plaignant ne m’a pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’un abus de pouvoir a eu lieu dans l’application du mérite dans le cadre de la nomination en litige au sens de l’al. 77(1)a) de la LEFP.

[63] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[64] La plainte est rejetée.

Le 16 septembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

Joanne B. Archibald,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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