Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient au Service correctionnel du Canada dans un poste isolé – les deux fonctionnaires s’estimant lésés ont engagé des frais pour obtenir des certificats médicaux liés au travail auprès d’un médecin – ils ont soutenu que les frais d’obtention des certificats devraient être considérés comme des « frais de voyage » en vertu de la Directive sur les postes isolés et les logements de l’État (DPILE) – l’employeur a affirmé que les fonctionnaires s’estimant lésés avaient mal interprété la convention collective et qu’il n’avait jamais été prévu que ces frais soient inclus comme sommes remboursables en vertu de l’article 3.1.2 de la DPILE – la Commission a conclu que le libellé de la convention collective était clair – la convention ne mentionnait pas le remboursement des certificats médicaux – la Commission n’a pas le pouvoir de rendre une décision qui modifierait les termes convenus d’une convention collective – la Commission ne peut pas ajouter un avantage que les parties n’ont pas négocié.

Griefs rejetés.

Contenu de la décision

Date: 20210928

Dossiers: 566-02-8671 et 8672

 

Référence: 2021 CRTESPF 110

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

Entre

 

Sandra Forbes et felix o’connell

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Service correctionnel du Canada)

 

employeur

Répertorié

Forbes c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Julia Williams et Amanda Montague‑Reinholdt, avocates

Pour l’employeur : Alexandre Toso, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 31 janvier et les 21 et 28 février 2020.
(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Résumé

[1] La décision en l’espèce porte sur l’interprétation du contrat soulevée dans deux griefs datés du 11 juin 2013, dans lesquels un total de 20,00 $ (Forbes) et de 40,00 $ (O’Connell) est demandé à titre de réparation.

[2] Ces montants correspondaient à des honoraires versés à des médecins pour trois certificats médicaux différents liés au travail.

[3] Sandra Forbes et Felix O’Connell, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), ont suggéré que les frais soient remboursés au titre de la partie « frais de voyage » de la Directive sur les postes isolés et les logements de l’État (DPILE) du Conseil national mixte (CNM), qui permet au Conseil du Trésor (l’« employeur ») de rembourser les frais occasionnés par les déplacements pour le travail.

[4] Malgré les approches exposées dans les observations élaborées et très détaillées des avocates des deux fonctionnaires concernant l’interprétation du contrat, les griefs sont rejetés, puisque les honoraires de médecin demandés pour les certificats médicaux ne sont pas inclus dans les frais de voyage liés au travail et les faux frais connexes.

[5] Si j’acceptais la réponse des fonctionnaires qui affirment que je devrais accueillir ces griefs, étant donné que l’intention des parties et l’objet de la DPILE consistent à atténuer les inconvénients associés au fait de vivre et de travailler dans un poste isolé, les dépenses supplémentaires susceptibles d’être remboursées à bon droit pourraient être illimitées. Le libellé de la convention réelle perdrait son importance. Cette approche à l’égard de l’interprétation des conventions collectives risque d’aller à l’encontre de l’objet de la négociation collective et doit être évitée.

II. Énoncé conjoint des faits

[6] Pendant toute la période pertinente, Mme Forbes était agente de programmes sociaux (WP-03) et M. O’Connell était électricien (GL-EIM-11) au Service correctionnel du Canada (SCC). Pendant toute cette période, les deux fonctionnaires travaillaient à l’Établissement de Grande Cache, à Grande Cache, en Alberta. La localité de Grande Cache a été désignée comme poste isolé aux termes de la Directive sur les postes isolés et les logements de l’État (DPILE) du Conseil national mixte de la fonction publique du Canada (CNM). La DPILE fait partie de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, signée le 1er mars 2011 et arrivant à échéance le 20 juin 2014, pour le groupe Services des programmes et de l’administration (PA). La DPILE fait aussi partie de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, signée le 6 avril 2011 et arrivant à échéance le 4 août 2014, pour le groupe Services de l’exploitation (SV).

[7] Selon l’article 3.1.2 de la DPILE, pour obtenir le remboursement des frais de transport et de voyage liés à un traitement médical ou dentaire non facultatif, les employés doivent présenter un formulaire rempli par leur médecin attestant que le traitement n’était pas facultatif, n’était pas offert à leur lieu d’affectation (c’est-à-dire au poste isolé auquel l’employé est affecté) et s’imposait de toute urgence. Les médecins facturent couramment des frais de formulaire de 20,00 $ pour remplir le formulaire d’attestation.

[8] Le 23 décembre 2011, William McCormick a envoyé un courriel à tout le personnel de l’Établissement de Grande Cache concernant le [traduction] « Remboursement des frais pour les billets de médecin en vertu de la DPILE ». Ce courriel se lit comme suit :

[Traduction]

Veuillez prendre note que, lorsque vous demandez une aide en vertu de l’article 3.1.2 de la Directive sur les postes isolés et les logements de l’État (DPILE) pour des traitements médicaux et dentaires non facultatifs, le médecin facture des frais obligatoires de formulaire de vingt dollars (20 $). Nous avons été avisés dans une consigne prenant effet le 24 novembre 2011 que la DPILE ne comprend pas de disposition qui permettrait le remboursement de ces « frais de formulaire ».

 

[9] Le 12 janvier 2012, M. O’Connell a payé 40,00 $ pour l’obtention de deux formulaires d’attestation concernant un traitement non facultatif. Il n’a jamais reçu le remboursement des frais de 40,00 $. Le 31 janvier 2012, Mme Forbes a payé 20,00 $ afin d’obtenir un formulaire d’attestation pour traitement non facultatif. Elle n’a jamais reçu le remboursement des frais de 20,00 $.

[10] Le 24 janvier 2012, M. O’Connell a présenté un grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Le grief a par la suite été rejeté aux premier et deuxième paliers. Le 9 février 2012, Mme Forbes a présenté un grief au premier palier. Le grief a par la suite été rejeté aux premier et deuxième paliers. Les griefs des fonctionnaires ont été renvoyés au Comité exécutif du CNM. Le 23 mai 2013, le Comité exécutif du CNM a indiqué dans une lettre qu’il ne pouvait pas parvenir à un consensus. Le 10 juin 2013, les fonctionnaires ont renvoyé leurs deux griefs à l’arbitrage. Puis, le 11 juin 2013, la prédécesseure de l’actuelle Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique, a accusé réception des avis de renvoi à l’arbitrage.

III. Arguments des fonctionnaires s’estimant lésés

[11] L’affaire en l’espèce porte sur deux griefs déposés par des employés travaillant à un poste isolé désigné aux termes de la DPILE. Celle-ci prévoit un certain nombre d’avantages visant à atténuer les coûts supplémentaires que les employés doivent engager en vivant et en travaillant à des postes isolés. L’avantage en cause dans ces griefs est le remboursement des frais de voyage pour les traitements médicaux non facultatifs.

[12] En vertu de la DPILE, les employés doivent obtenir un certificat d’un médecin confirmant que le traitement médical satisfait aux exigences de remboursement.

[13] Par conséquent, la présente affaire soulève une question simple, à savoir si, selon les modalités de la DPILE, l’employeur est tenu de rembourser aux employés le coût du certificat de médecin. Les fonctionnaires ont soutenu que le libellé, le contexte et l’objet de la DPILE appuient tous la conclusion qu’il couvre le coût du certificat à titre de faux frais.

[14] La DPILE contient les dispositions pertinentes suivantes :

[…]

Généralités

Convention collective

La présente directive est considérée comme faisant partie intégrante des conventions collectives conclues entre les parties représentées au sein du Conseil national mixte (CNM), et les fonctionnaires doivent pouvoir la consulter facilement.

Procédure de règlement des griefs

Dans les cas d’allégations selon lesquelles le contenu de la présente directive a été mal interprété ou mal appliqué, la procédure de règlement des griefs applicable à tous les fonctionnaires syndiqués, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, sera celle décrite à l’article 15 du Règlement du Conseil national mixte. Pour les fonctionnaires non syndiqués, c’est la procédure de règlement des griefs du ministère ou de l’organisme concerné qui s’applique.

[…]

Objet et portée

La présente directive vise à faciliter le recrutement et la rétention du personnel chargé d’exécuter les programmes gouvernementaux dans des localités isolées. Elle est conçue pour reconnaître les désavantages et les coûts excessivement élevés qu’entraîn[e] le fait de vivre et de travailler dans des postes isolés, et pour faire en sorte que les fonctionnaires occupant des logements de l'État bénéficient d'un traitement équivalent à celui des fonctionnaires qui louent ou sont propriétaires de logements semblables appartenant à des particuliers ou à des entreprises commerciales. Ces dispositions ne constituent pas un revenu ni quelque autre forme de rémunération que ce soit susceptible d’engendrer un gain personnel.

En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale du Conseil du Trésor, telle que modifiée au besoin, il incombe à l’employeur de s’assurer que des mesures d’adaptation sont prises à l’égard du fonctionnaire handicapé à moins que les mesures à prendre n’imposent une contrainte excessive. Les décisions et pratiques découlant de la présente Directive sont inclusives et sans obstacles.

[…]

Définitions

[…]

Directive sur les voyages (Travel Directive) désigne la Directive sur les voyages du Conseil national mixte (CNM) telle que modifiée de temps à autre.

[…]

Frais de voyage (travelling expenses) désigne les dépenses mentionnées dans la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM ou la Directive sur les voyages en [sic] engagées par un fonctionnaire ou l’une des personnes à sa charge pour leur hébergement, leurs repas et leurs faux frais.

[…]

PARTIE III - FRAIS ET CONGÉ

Frais de transport et de voyage

3.1 Recours non facultatif à un traitement médical ou dentaire

3.1.1 Les fonctionnaires qui obtiennent un congé non payé pour les raisons suivantes ont droit aux prestations mentionnées au présent article : maladie, accident de travail ou congé de maternité/parental.

3.1.2 Sous réserve du présent article, lorsque les fonctionnaires ou les personnes à leur charge subissent un traitement médical ou dentaire dans la localité canadienne la plus proche où un traitement approprié peut être obtenu, de l’avis du dentiste ou du médecin, et qu’ils convainquent leur administrateur général, au moyen d’un certificat délivré par le dentiste ou le médecin, que le traitement :

a) n’était pas facultatif,
b) n’était pas offert à leur lieu d’affection, et
c) s’imposait de toute urgence,

l’administrateur général autorise le remboursement des frais de voyage et de transport engagés à l’égard de ce traitement.

[…]

 

[15] Comme il est indiqué dans l’extrait précédent, aux termes de l’article 3.1.2 de la DPILE, pour obtenir le remboursement des frais de transport et de voyage liés à un traitement médical ou dentaire non facultatif, l’employé doit présenter un formulaire rempli par un médecin attestant ce qui suit au sujet du traitement :

a. il n’était pas facultatif;

b. il n’était pas offert à son lieu d’affectation (c’est-à-dire au poste isolé auquel l’employé est affecté);

c. il s’imposait de toute urgence.

 

[16] Encore une fois, le courriel de M. McCormick se lisait comme suit :

[Traduction]

Veuillez prendre note que, lorsque vous demandez de l’aide en vertu de l’article 3.1.2 de la Directive sur les postes isolés et les logements de l’État (DPILE) pour des traitements médicaux et dentaires non facultatifs, le médecin facture des frais obligatoires de formulaire de vingt dollars (20 $). Nous avons été avisés dans une consigne prenant effet le 24 novembre 2011 que la DPILE ne prévoit pas de disposition qui permettrait le remboursement de ces « frais de formulaire ».

 

[17] Le 12 janvier 2012, M. O’Connell a payé 40,00 $ pour l’obtention de deux formulaires d’attestation pour un traitement non facultatif. M. O’Connell n’a jamais reçu le remboursement des frais de 40,00 $.

[18] Le 31 janvier 2012, Mme Forbes a payé 20,00 $ afin d’obtenir un formulaire d’attestation pour traitement non facultatif. Mme Forbes n’a jamais reçu le remboursement des frais de 20,00 $.

[19] Les griefs dont la Commission est saisie soulèvent une seule question : l’employeur est-il tenu de rembourser aux employés le coût des formulaires d’attestation pour les traitements médicaux non facultatifs en vertu de la DPILE? Il s’agit d’une question d’interprétation des conventions collectives.

[20] Les principes pertinents à appliquer dans l’interprétation des conventions collectives sont bien établis et ont été résumés par la Commission dans de nombreux cas. Par exemple, la Commission a décrit sa tâche comme suit dans Allen c. Conseil national de recherches du Canada, 2016 CRTEFP 76, au par. 181 :

[181] Il est bien établi en droit que l’objectif de la Commission au moment d’interpréter une convention collective consiste à découvrir l’intention des parties à la convention relativement à la question en litige. Cette intention doit être déduite de l’instrument écrit, soit la convention collective. La fonction de la Commission consiste à déterminer ce que les parties voulaient dire en interprétant les mots qu’elles ont utilisés.

 

[21] Dans Campbell c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2015 CRTEFP 100, la Commission a exposé les principes suivants à appliquer dans l’exercice d’interprétation :

[22] En raison de l’objectif d’une convention collective et de ses clauses, la préparation de la convention collective nécessite l’application des principes d’interprétation suivants — les mots doivent se voir accorder leur sens ordinaire dans le contexte plus large des clauses et de la convention collective qui les contiennent.

 

[22] La Commission a confirmé que, puisque les directives du CNM font partie intégrante des conventions collectives, les mêmes principes s’appliquent à l’interprétation des termes contenus dans les directives. Par exemple, dans Gagnon c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 48, au paragraphe 34, une affaire concernant l’interprétation de la Directive sur la réinstallation du CNM, la Commission a conclu ainsi :

[34] Parmi les nombreuses autres décisions jurisprudentielles présentées par le fonctionnaire, que j’ai lues, je remarque avec approbation cette orientation relative à l’interprétation d’une convention collective. L’arbitre de grief Shannon s’est appuyée sur un arrêt de la Cour suprême du Canada (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21), qui concluait qu’il n’y a qu’une seule approche à l’interprétation d’une loi : il faut lire le libellé d’une loi dans son contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Elle a alors jugé que cette même approche de l’interprétation s’applique également à l’interprétation des conventions collectives (voir Legge c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2014 CRTFP 47, aux paragraphes 38-39).

 

[23] Par conséquent, lorsqu’il s’agit de trancher la question soulevée en l’espèce, la Commission a pour tâche de donner effet au sens ordinaire et courant des mots, lus dans le contexte de la disposition pertinente et de la DPILE dans son ensemble, en harmonie avec son objet et l’intention des parties.

[24] Les fonctionnaires ont fait valoir qu’en appliquant ces principes d’interprétation, la DPILE exige que l’employeur rembourse le coût d’un formulaire d’attestation pour un traitement médical non facultatif.

[25] Les fonctionnaires soutiennent que l’interprétation qu’ils avancent est celle qui correspond le mieux au sens ordinaire et courant des mots choisis par les parties, lus dans leur contexte global. Comme il a déjà été mentionné, l’article 3.1.2 prévoit que, si un employé obtient un certificat attestant que le traitement médical satisfait à certains critères, l’administrateur général « […] autorise le remboursement des frais de voyage et de transport engagés à l’égard de ce traitement ».

[26] Dans sa section « Définitions », la DPILE définit les « frais de voyage » comme « […] les dépenses mentionnées dans la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM ou la Directive sur les voyages [du CNM] engagées par un fonctionnaire ou l’une des personnes à sa charge pour leur hébergement, leurs repas et leurs faux frais ». Le terme « faux frais » n’est pas défini dans la DPILE. Toutefois, comme il est mentionné, la définition de « frais de voyage » renvoie à la Directive sur les voyages du CNM, qui donne la définition suivante du terme « faux frais » :

[…] indemnité servant à couvrir les frais qui peuvent être attribués à un voyage et à l’égard desquels la présente directive ne prévoit aucun autre type de remboursement ou d’indemnité et pouvant compenser pour les dépenses engagées en raison du déplacement. Il s’agit, mais non de façon limitative, des dépenses telles les pourboires (à l’exception des taxis), le blanchissage, le nettoyage à sec, les appels téléphoniques (à moins d’indications contraires du paragraphe 3.4.6), la tonte de pelouse, le déneigement, les rondes de sécurité au domicile, l’arrosage des plantes, les services postaux, le soin aux animaux de compagnie, les branchements et les services de télécommunications, et l’envoi de certains effets personnels.

 

[27] Les fonctionnaires soutiennent qu’il ressort clairement de l’application du sens ordinaire et courant de ces mots que le coût du formulaire d’attestation entre dans la définition du terme « faux frais ». Il peut être attribué à une période de voyage pour un employé, aucun autre remboursement ou indemnité n’est prévu à cette fin dans la DPILE et il constitue une dépense supplémentaire que l’employé doit engager en raison de son obligation de voyager. Comme il a été mentionné, les parties s’entendent sur le fait qu’un employé doit obtenir un formulaire d’attestation afin de recevoir le remboursement des frais de voyage pour un traitement médical non facultatif et que les médecins facturent des frais régulièrement pour remplir le formulaire. Enfin, bien que la définition donne quelques exemples de faux frais, il est clair que la liste n’est pas exhaustive.

[28] Ainsi, le sens ordinaire et courant des mots choisis par les parties, lus dans le contexte global de la DPILE et d’une directive connexe mentionnée dans la définition, confirme que les « frais de voyage » comprennent le coût du formulaire d’attestation pour un traitement médical non facultatif.

[29] Les fonctionnaires soutiennent que l’interprétation qu’ils avancent est aussi la seule qui respecte l’objet et le but généraux de la DPILE. Comme la Cour suprême l’a conclu dans Exportations Consolidated Bathurst c. Mutual Boiler, 1979 CanLII 10, à la page 11 : « Lorsque des mots sont susceptibles de deux interprétations, la plus raisonnable, celle qui assure un résultat équitable, doit certainement être choisie comme l’interprétation qui traduit l’intention des parties ». Voir aussi Allen, précité, au paragraphe 185.

[30] La Commission a reconnu l’importance d’interpréter les directives du CNM de façon cohérente avec leur objet et leur but, et a également été guidée par les dispositions générales figurant au début des directives. Par exemple, dans Burden et Cyr c. Agence Parcs Canada, 2011 CRTFP 94, la prédécesseure de la Commission s’est demandé si les indemnités prévues par la DPILE s’appliquaient aux employés en congé saisonnier. Elle s’est largement fondée sur l’objet de la directive, ainsi que sur les dispositions générales qui s’appliquent à l’ensemble de la directive, pour se prononcer en faveur des fonctionnaires dans cette affaire.

[31] En effet, le Règlement du CNM précise expressément que tous les griefs présentés au sujet des directives du CNM « […] sont tranchés en conformité avec l’esprit de la directive ou de la politique ayant donné lieu au litige ».

[32] Les parties au CNM ont choisi d’inclure dans la DPILE de longs paragraphes sur l’objet et la portée, signalant l’importance qu’il faut accorder à son objet dans l’interprétation des termes de la Directive. Selon ces paragraphes, l’objet de la directive consiste à « […] faciliter le recrutement et la rétention du personnel chargé d’exécuter les programmes gouvernementaux dans des localités isolées. Elle est conçue pour reconnaître les désavantages et les coûts excessivement élevés qu’entraîn[e] le fait de vivre et de travailler dans des postes isolés […] ».

[33] Ainsi, l’objet exprès de la DPILE est de reconnaître et d’atténuer les coûts excessivement élevés qu’entraîne le fait de vivre et de travailler dans un poste isolé. Les termes contenus dans cette directive doivent être interprétés dans cet esprit, et ne doivent évidemment pas être interprétés de manière à contrecarrer l’intention des parties de rendre plus attrayant le travail dans des postes isolés, et donc de recruter et de retenir de meilleurs employés qu’il ne serait possible de faire autrement.

[34] Les fonctionnaires font valoir que l’interprétation de la DPILE par l’employeur porte atteinte directement à l’objet et au but de la Directive. Afin de recevoir le remboursement des frais de voyage pour un traitement médical non facultatif ce qui atténue le coût supplémentaire que l’employé a dû assumer pour vivre et travailler dans un poste isolé −, l’employé doit payer de sa poche un formulaire d’attestation d’un médecin, un coût supplémentaire que l’employé a également engagé uniquement parce qu’il vit et travaille dans un poste isolé.

[35] Par conséquent, l’interprétation des « frais de voyage » de façon à inclure le coût du formulaire d’attestation favorise le mieux le respect de l’objet de cette section et de la DPILE dans son ensemble, c’est-à-dire s’assurer que les employés n’engagent pas de frais supplémentaires parce qu’ils vivent et travaillent dans un poste isolé.

[36] Cette interprétation est également étayée par la deuxième partie de la section sur l’objet et la portée de la DPILE, qui prévoit ce qui suit :

En vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale du Conseil du Trésor, telle que modifiée au besoin, il incombe à l’employeur de s’assurer que des mesures d’adaptation sont prises à l’égard du fonctionnaire handicapé à moins que les mesures à prendre n’imposent une contrainte excessive. Les décisions et pratiques découlant de la présente Directive sont inclusives et sans obstacle.

 

[37] Encore une fois, il faut tenir compte de la décision des parties d’inclure cette disposition dès le début de la DPILE afin de guider toutes les décisions et pratiques qui en découlent. Le refus de l’employeur de rembourser le coût du formulaire d’attestation contrevient à l’instruction selon laquelle les pratiques découlant de la DPILE doivent être inclusives et sans obstacle.

[38] L’avantage en cause est le remboursement des dépenses découlant de traitements médicaux non facultatifs (c’est-à-dire nécessaires). De toute évidence, les employés handicapés sont plus susceptibles de suivre des traitements médicaux nécessaires plus fréquents et, par conséquent, seraient plus susceptibles de profiter de cet avantage plus souvent. En exigeant des employés qu’ils assument ce coût supplémentaire pour tous les déplacements médicaux non facultatifs, l’employeur a mis en place un système qui affecte de façon disproportionnée les employés handicapés et qui n’est donc pas « inclusif et sans obstacle ». Ce résultat discriminatoire contribue à confirmer que l’interprétation des fonctionnaires est correcte.

IV. Arguments de l’employeur

[39] L’employeur a fait valoir que le libellé clair et simple de l’article en litige ne l’oblige pas à rembourser les frais pour les certificats médicaux. De plus, compte tenu de ce fait, il a soutenu que la Commission n’a pas le pouvoir d’ordonner le paiement d’une telle dépense, ce qui reviendrait à modifier la convention collective entre les parties, qui incorpore par renvoi la DPILE.

[40] L’employeur est ensuite allé plus loin en suggérant que la Commission n’a pas compétence pour entendre l’affaire parce que les griefs visent un avantage qui ne figure pas dans la convention collective (la DPILE). L’avocat de l’employeur a cité la jurisprudence de la Commission, qui s’est penchée sur la DPILE à l’appui de cette affirmation (Antaya et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 25) :

[…]

36 À mon sens, le paragraphe 15.1.3 du Règlement du CNM décrit les conditions à remplir pour présenter un grief à bon droit à propos d’une directive du CNM. Le fonctionnaire doit contester la manière dont l’employeur a interprété ou appliqué la directive à son endroit et le différend doit porter sur la façon dont l’employeur comprend et applique le contenu de la directive. Dans ce cas-ci, il est acquis au débat que l’employeur a appliqué la DPILE à la lettre. L’Appendice A indique que les fonctionnaires en poste à Whitehorse n’ont pas droit à une IVC, de sorte que l’employeur ne leur a pas payé d’indemnité à ce titre.

37 Je souscris à l’argument de l’employeur que ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est remise en cause ici, mais la décision du CNM, qui a rédigé la directive, d’accepter les données de Statistique Canada et de recommander au Conseil du Trésor de modifier l’Appendice A de la DPILE. Les fonctionnaires s’estimant lésés contestent le processus décisionnel du CNM et, par le fait même, le contenu de la DPILE. À mon sens, ce différend ne peut pas être considéré comme un « grief » au sens du paragraphe 15.1.3 du Règlement du CNM. Cela me suffit pour conclure que je ne suis pas compétente pour instruire le grief collectif des fonctionnaires s’estimant lésés.

[…]

 

[41] L’employeur a soutenu que les mots de la convention collective doivent être lus dans leur contexte global, dans leur sens grammatical et ordinaire, en conformité avec l’esprit et l’objet de la convention et l’intention des parties. (Voir Communication, Energy and Paperworkers Union, Local 777 v. Imperial Oil Strathcona Refinery (2004), 130 L.A.C. (4e) 239, au par. 40; et Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration, 5e éd., à 4:2100.)

[42] Selon une présomption fondamentale, les parties sont censées avoir voulu les termes exprimés dans une disposition d’une convention collective. (Voir Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada v. Irving Pulp & Paper Ltd., 2002 NBCA 30, (« Irving Pulp ») au par. 10; et Brown & Beatty, note 19, à 4:2100.)

[43] Les termes d’une disposition doivent être interprétés dans leur sens ordinaire et simple, à moins que cela ne soit susceptible de donner lieu à une absurdité ou ne serait pas conforme avec l’ensemble de la convention collective. (Voir Irving Pulp, note 20, au paragraphe 10; Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112, au par. 51; et Brown & Beatty, note 19, à 4:2110.)

[44] Le fait qu’une disposition particulière puisse sembler injuste n’est pas une raison pour qu’un arbitre de grief en fasse abstraction, si la disposition est clairement formulée. (Voir Chafe, note 21, au par. 50; et Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, aux paragraphes 34 à 36.)

[45] Dans Ontario Power Generation v. Society of Energy Professionals, 2013 CanLII 87655, au par. 33, il est indiqué ce qui suit :

[Traduction]

33. On a beaucoup écrit sur le but, l’équité, les anomalies internes, les coûts ou la faisabilité administrative, et sur ce qui « devrait être ». De telles considérations n’entrent en jeu que lorsque le libellé est vraiment ambigu et que l’arbitre de grief doit choisir entre deux interprétations ou plus tout aussi plausibles. La tâche d’un arbitre de grief est de déterminer ce que la convention collective prévoit ou exige, et non pas ce qu’il pense ou ce qu’une des parties pense qu’elle devrait dire, indépendamment de l’apparente équité de l’effet sur l’une ou l’autre des parties ou sur les employés de l’unité de négociation. Les parties n’ont droit à rien de plus ou de moins que ce que stipule la convention collective, et un libellé clair l’emporte sur toutes les considérations autres que la loi […]

 

[46] Contrairement à ce que les fonctionnaires ont soutenu, l’article 15.1.2 du Règlement du CNM ne s’applique pas à un grief du CNM renvoyé à la Commission. (Voir Daigneault c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 38, note 11, aux paragraphes 28 à 34.)

[47] Premièrement, l’article 15.1.2 du Règlement du CNM précise qu’il s’applique aux « […] griefs définis en vertu de la LRTFP et présentés en vertu de la présente procédure de règlement des griefs […] ». Conformément à l’article 15.1.5, comme suit, la « procédure de règlement des griefs » ne comprend aucune référence à l’arbitrage :

15.1.5 Les paliers de la procédure de règlement des griefs sont les suivants :

a) premier palier - le représentant de l’employeur autorisé à s’occuper des griefs au premier palier;

b) deuxième palier - agent de liaison ministériel ou de l’organisme (ALM/ALO);

c) dernier palier - Comité exécutif.

 

[48] Deuxièmement, et en tout état de cause, le Règlement du CNM ne fait pas partie des conventions collectives et ne peut avoir pour effet de modifier les principes d’interprétation que doit suivre la Commission, qui est « […] contraint[e] en tant que décideu[se] quasi judiciaire, de suivre les règles généralement acceptées de l’interprétation juridique des conventions collectives » (voir Daigneault, au par. 28).

[49] La position des fonctionnaires est contraire aux principes d’interprétation bien établis que doivent suivre les décideurs quasi judiciaires, qui exigent de la Commission qu’elle interprète les mots d’une disposition dans leur sens ordinaire et courant, à moins qu’une telle interprétation ne soit susceptible d’entraîner une absurdité ou ne soit incompatible avec l’ensemble de la convention collective. (Voir Irving Pulp, note 20, aux paragraphes 10 et 27; Chafe, note 21, aux paragraphes 50 et 51; et Brown & Beatty, note 19, à 4:2110.)

[50] Le CNM reconnaît, comme il suit, dans son Guide de renvoi de grief du Conseil national mixte destiné aux professionnels des relations de travail, qui est fourni aux spécialistes des relations de travail : « Il faut toutefois noter que la décision rendue par la [Commission] ne sera pas fondée sur l’esprit de la directive, mais plutôt sur la signification et l’interprétation du libellé ». (Voir ce guide, note 8, à la rubrique « Arbitrage de griefs », à l’onglet 4 du dossier des sources invoquées de l’employeur.)

[51] Troisièmement, la Commission demeure liée par l’article 229 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, article 2; LRTSPF), qui l’empêche de rendre une décision qui a « […] pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale ». Par conséquent, la Commission ne peut pas inclure ou exclure des termes d’une directive en fonction de son but.

[52] Ainsi, rien dans le Règlement du CNM ne peut donner à la Commission le pouvoir de modifier les termes de la DPILE ou de ne pas tenir compte des principes d’interprétation acceptés lorsqu’elle tranche un grief qui lui a été renvoyé.

[53] Le libellé de la DPILE n’est pas ambigu et n’a qu’une interprétation admissible sur le plan linguistique. Une telle interprétation n’exigerait pas de l’employeur qu’il rembourse le coût lié à l’obtention du certificat médical en cause.

[54] La DPILE ne prévoit que le remboursement des « frais de voyage et de transport » à l’égard d’un traitement une fois que l’administrateur général est convaincu que le traitement satisfait aux trois critères pertinents. Le sens ordinaire et courant de ces mots n’inclut pas le coût d’un certificat médical et, par conséquent, l’employeur ne l’a pas remboursé.

[55] En outre, le certificat médical est une condition préalable au remboursement des frais de transport et de voyage; à ce titre, il est distinct de ces dépenses, qui sont engagées en raison de l’obligation de voyager.

[56] Ainsi, la DPILE indique clairement que l’employeur a le droit de demander un certificat médical; toutefois, rien ne dit que l’employeur devrait assumer le coût d’un tel certificat. S’il était voulu que l’employeur rembourse le coût du certificat, cette intention aurait facilement pu être précisée. Il n’y a tout simplement aucun fondement dans la DPILE pour demander le remboursement de ce coût.

[57] Dans une affaire qui portait spécifiquement sur le remboursement des certificats médicaux, la prédécesseure de la Commission a conclu qu’elle ne pouvait exiger de l’employeur qu’il paie ces frais sans une disposition claire l’obligeant à payer. (Voir Brunelle c. Canada (Conseil du Trésor), 2003 CRTFP 108, aux paragraphes 40 à 43.)

[58] Le refus de payer le coût d’un certificat est conforme au principe selon lequel un libellé « précis » ou « clair et explicite » est nécessaire pour établir l’obligation pour l’employeur de payer un avantage monétaire. Voir Allen, au par. 180; Wire Rope Industries Ltd. v. United Steel Workers, Local 3910 (1982), 4 L.A.C. (3e) 323; Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au par. 27; Volpi c. Service de protection parlementaire, 2018 CRTESPF 64, au par. 70.

[59] En outre, [traduction] « […] les arbitres ne devraient pas imposer à un employeur une obligation monétaire qu’il n’a pas négociée, notamment lorsque la prétendue obligation repose sur un libellé douteux ou ambigu » (voir Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 6e éd., à 19.46.).

[60] Parmi ses observations, dans un argument tiré par les cheveux et alambiqué, l’agent négociateur a fait référence à des dispositions inapplicables d’une autre directive. Si le sens ordinaire et courant de la DPILE exigeait vraiment que l’employeur rembourse le coût du certificat médical, il n’y aurait pas lieu de se référer à une autre directive.

[61] Même si la Directive sur les voyages est invoquée, l’argument des fonctionnaires n’est pas étayé par le libellé de cette directive et n’est même pas cohérent intrinsèquement.

[62] La Directive sur les voyages ne laisse aucunement entendre que les frais de transport ou de voyage comprennent le coût d’un certificat médical.

[63] De plus, dans leur argumentation, les fonctionnaires ont fait référence à la définition du terme « faux frais » pour appuyer la proposition selon laquelle un certificat médical fait partie des faux frais que l’employeur doit couvrir. Même si les certificats médicaux étaient considérés comme de faux frais, leurs coûts devraient alors être couverts par l’indemnité fixe des fonctionnaires pour les faux frais. Par conséquent, l’employeur n’a aucune obligation de les rembourser à titre de frais distincts. (La Directive sur les voyages ne prévoit aucun remboursement pour les « faux frais », mais seulement une indemnité fixe pour les faux frais, ce qui reflète le fait qu’elle couvre les frais « […] à l’égard desquels la présente directive ne prévoit aucun autre type de remboursement ou d’indemnité […] ». Par conséquent, l’inclusion du coût d’un certificat médical dans les faux frais ne pourrait pas logiquement faire en sorte que l’employeur rembourse ce coût à titre de frais distincts).

[64] La jurisprudence établit clairement que l’agent négociateur ne peut contester le contenu de la DPILE et contourner dans les faits le processus de négociation et d’élaboration conjointe du CNM. De plus, l’agent négociateur ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer que l’employeur a contrevenu à la DPILE ou aux conventions collectives pertinentes, puisqu’il n’a pas indiqué de libellé précis obligeant l’employeur à couvrir cet avantage monétaire. Au contraire, l’employeur s’est conformé à la DPILE et aux conventions collectives, puisqu’elles n’exigent pas le remboursement des frais liés aux certificats médicaux. L’argument de l’agent négociateur allait à l’encontre des termes explicites de l’article 3.1.2 de la DPILE et était incohérent intrinsèquement.

V. Réplique des fonctionnaires s’estimant lésés

[65] Les fonctionnaires ont rejeté les observations de l’employeur sur la compétence et ont réaffirmé leur point de vue selon lequel l’employeur se concentrait trop étroitement sur les termes de l’article en cause et qu’il ignorait l’intention essentielle des parties, qui est d’atténuer les inconvénients liés aux lieux de travail et à la vie isolés. (Voir Campbell, au par. 22, et Gagnon, au par. 34.)

[66] Les fonctionnaires ont ajouté que l’employeur n’avait pas tenu compte d’un élément essentiel de l’affaire, à savoir que les décisions et les pratiques relatives à la DPILE doivent être inclusives et sans obstacle et que la pratique consistant à exiger des employés qu’ils paient 20,00 $ pour un certificat médical a des répercussions négatives sur les employés handicapés.

VI. Analyse et décision

[67] La Commission devrait être extrêmement prudente pour ne pas ajouter d’avantages aux conventions que les parties à ces conventions n’ont pas négociés. Le législateur a adopté une telle restriction à l’égard de la défense créative par les parties à l’article 229 de la LRTSPF, qui interdit aux arbitres de grief de rendre des décisions qui modifieraient les modalités d’une convention collective.

[68] Dans l’affaire dont je suis saisi, les fonctionnaires se sont fondés sur la décision que j’ai rendue dans Gagnon pour leur réfutation du sens étroit que l’employeur a accordé aux mots en excluant l’objet et le but de l’ensemble de l’article et la convention. La décision Gagnon sert aussi de fondement aux employeurs (et, dans ce cas, aux fonctionnaires s’estimant lésés) n’essayant pas d’analyser les termes d’une entente pour la modifier.

[69] Comme l’a fait remarquer l’employeur, il doit être entendu que les parties à une entente ont choisi les termes précis qui forment leur entente. En l’espèce, les parties n’ont rien indiqué au sujet du coût des certificats médicaux. Les faits présentés, à savoir que les fonctionnaires ont voyagé pour obtenir leurs certificats médicaux, ne rendent en aucun cas les certificats accessoires au voyage.

[70] Les fonctionnaires ont fait référence à la décision Consolidated-Bathurst à l’appui de leur argument. Mais la règle d’interprétation qu’ils citent à partir de cette affaire ne s’applique que « lorsque des mots sont susceptibles de deux interprétations ». Tel n’est pas le cas ici. Il n’y a pas deux interprétations possibles. Le libellé est clair. Le remboursement des certificats médicaux n’est mentionné nulle part dans la directive. La référence dans l’article 3.1.2 aux « frais de voyage » se rapporte au remboursement des dépenses en vertu de la Directive sur la réinstallation intégrée et de la Directive sur les voyages du CNM. Comme l’employeur le fait remarquer à juste titre, il s’agit d’une référence à ce que l’« indemnité de faux frais » (c’est-à-dire un montant forfaitaire) de la Directive sur les voyages est censée couvrir. Il ne s’agit pas d’une liste des dépenses qui doivent être remboursées séparément.

[71] En outre, contrairement à l’observation présentée par les avocates des fonctionnaires, ces griefs n’ont rien à voir avec le droit en matière de droits de la personne et l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation. L’observation des fonctionnaires sur les répercussions négatives pour un employé ayant une déficience a été présentée sans contexte en l’espèce, étant donné qu’aucune question de cette nature n’a été soulevée dans la preuve. Le fait que d’autres employés qui demandent le remboursement des frais de transport et de voyage pour le traitement pourraient être handicapés, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ne signifie pas que la directive devrait être interprétée comme disant quelque chose qu’elle ne dit clairement pas.

[72] L’observation des fonctionnaires citée plus haut au sujet de l’incidence injuste de cette politique pour les employés qui travaillent dans des régions éloignées et qui doivent voyager pour un traitement médical non facultatif, comparativement à ceux qui sont en milieu urbain et ont vraisemblablement un accès facile à un traitement médical à proximité, n’est pas pertinente puisque l’employé qui travaille dans une région éloignée et l’employé qui travaille en milieu urbain doivent payer les frais de 20,00 $ pour un certificat médical.

[73] En résumé, je conclus qu’une simple lecture de l’article en cause, pris dans son contexte ordinaire et complet, ne permet pas le remboursement des frais de certificat médical.

[74] Étant donné ma conclusion sur le fond des griefs, je n’ai pas besoin d’examiner les observations de l’employeur sur la compétence.

[75] Par conséquent, les griefs sont rejetés.

[76] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[77] Les griefs sont rejetés.

Le 28 septembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

 

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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