Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP), alléguant que le défendeur avait abusé de son pouvoir en procédant à une nomination intérimaire de plus de quatre mois – le défendeur a présenté une requête en rejet de la plainte en soutenant que la mesure de dotation litigieuse était une affectation et non une nomination – selon l’article 1 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334; REFP), il y a nomination intérimaire lorsqu’une mesure de dotation constitue une promotion – le défendeur s’est fondé sur la définition de « promotion » qui repose sur une formule de comparaison des taux de rémunération énoncée dans la Directive sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor et dans le Règlement définissant le terme « promotion » (DORS/2005-376), qui s’applique aux mutations – la Commission n’a pas trouvé, ni dans la LEFP ni dans le REFP, de fondement justifiant l’utilisation des formules qui y figurent pour déterminer en quoi consiste une promotion au sens de l’article 1 du REFP – la personne nommée est passée d’un poste de niveau 02 à un poste de niveau 03, au sein du même groupe professionnel, ce qui s’accompagnait d’un taux de rémunération supérieur – le poste de niveau supérieur offrait des possibilités de carrière – en appliquant un sens ordinaire au terme « promotion », tel qu’il est utilisé dans le REFP, elle constituait une nomination.

Requête rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20210726

Dossier : 771‑02‑43007

 

Référence : 2021 CRTESPF 85

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur l’emploi dans

la fonction publique

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

Entre

 

Jocelyn Lees

plaignante

 

et

 

SOUS‑MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

 

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié

Lees c. Sous‑ministre des Pêches et des Océans

Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir déposée aux termes du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Devant : Marie‑Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle‑même

Pour l’intimé : Stéphanie Mailhot, au nom de Lynette Mitchell, représentante de l’administrateur général

Pour la Commission de la fonction publique : Alain Jutras, analyste principal

Décision rendue sur la base d’arguments écrits

déposés les 7, 10 et 14 juin 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Requête en rejet de la plainte

[1] Le 17 mai 2021, Jocelyn Lees (la « plaignante ») a déposé une plainte en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13; LEFP) alléguant que l’intimé, soit le sous‑ministre des Pêches et des Océans, avait abusé de son pouvoir dans la nomination intérimaire de plus de quatre mois au poste de patron d’embarcation du Service d’embarcations de sauvetage côtier (SESC) (SC‑DED‑03; le « poste du SESC ») au moyen du processus annoncé 20‑DFO‑WCCG‑IA‑CCG‑300847. Avant cette mesure de dotation, le poste d’attache de la personne nommée était classifié au groupe et au niveau SC‑DED‑02.

[2] Selon le paragraphe 77(1) de la LEFP, une personne qui est dans la zone de recours peut présenter une plainte à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») lorsqu’une nomination a été faite ou proposée dans le cadre d’un processus de nomination interne. Le 7 juin 2021, l’intimé a déposé une requête en rejet de la plainte, alléguant que la mesure de dotation concernant la personne nommée n’était pas une nomination intérimaire et que, par conséquent, la plaignante n’a pas le droit de présenter une plainte en vertu du paragraphe 77(1).

[3] Conformément à l’article 1 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005‑334; REFP), une nomination intérimaire s’entend du « […] fait pour un fonctionnaire d’exercer temporairement les fonctions d’un autre poste, dans le cas où l’exercice de ces fonctions aurait constitué une promotion, si ce fonctionnaire avait été nommé à ce poste ».

[4] L’intimé se fonde sur la définition de « promotion » énoncée à l’article 2.2.3 de la Directive sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor (la « Directive du CT »), à la partie 2 de son annexe, pour soutenir que la personne nommée a été affectée et n’a pas été promue au poste du SESC. La Directive du CT établit une formule pour déterminer si une mesure de dotation constitue une promotion. Aux fins du poste du SESC, pour lequel il n’y a qu’un seul taux de rémunération, la formule exige de calculer si le taux de rémunération maximal du poste du SESC est supérieur au taux de rémunération maximal du poste d’attache, d’un montant égal ou supérieur à 4 % du taux de rémunération maximal du poste d’attache. L’intimé a fourni une feuille de calcul dans laquelle il soutient avoir fait le calcul dans le présent cas et avoir déterminé que la différence est inférieure à 4 %; par conséquent, la mutation de la personne nommée d’un poste à l’autre ne constituait pas une promotion.

[5] La Commission de la fonction publique convient que, si les calculs de l’intimé sont exacts, la plaignante n’a pas le droit de présenter une plainte à la Commission en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP.

[6] La plaignante reconnaît que, selon ces calculs, les différences entre les taux de rémunération sont inférieures au seuil de 4 %. Toutefois, elle rejette l’argument de l’intimé selon lequel la mutation d’un poste au groupe et au niveau SC‑DED‑02 à celui au groupe et au niveau SC‑DED‑03 ne constitue pas une promotion. Elle fait valoir que le fait de passer du niveau 02 au niveau 03 au sein du même groupe professionnel n’est [traduction] « manifestement » pas une affectation, mais plutôt une promotion. Elle fait remarquer qu’il est bien connu au ministère des Pêches et des Océans que le fait d’occuper le poste supérieur constitue une promotion en matière de perfectionnement professionnel. Le poste du SESC offre une plus grande responsabilité et une plus grande expérience en gestion et est considéré comme un tremplin aux fins d’autres possibilités. Elle indique qu’un processus de nomination est mené chaque année pour les postes au groupe et au niveau SC‑DED‑03, alors que les employés sont souvent mutés latéralement au sein du ministère sans processus [traduction] « officiel ».

[7] Je fais remarquer que le REFP, ni la LEFP d’ailleurs, ne prévoient aucune définition de ce que constitue une promotion. La notion de promotion est en partie traitée dans la partie 3 (articles 51 à 53) de la LEFP, qui traite des mutations. Le paragraphe 53(1) énonce explicitement que les mutations ne constituent pas des nominations, ce qui signifie que des plaintes ne peuvent être déposées au sujet d’une mesure de dotation au moyen de laquelle une personne a été mutée. La LEFP ne prévoit aucune définition de « mutation », mais l’alinéa 51(5)a) définit ce qui ne constitue pas une mutation, comme suit :

51(5) Aucune mutation ne peut :

a) constituer une promotion — au sens des règlements du Conseil du Trésor […]

51(5) The deployment of a person may not

(a) constitute a promotion, within the meaning of regulations of the Treasury Board ….

 

[8] En fait, le Conseil du Trésor a adopté des règlements en vertu de cette disposition sous la forme du Règlement définissant le terme « promotion » (DORS/2005‑376). Les formules énoncées dans la Directive du CT sont pratiquement identiques à celles prévues dans le Règlement définissant le terme « promotion ». L’article 3 de ce Règlement prévoit ce qui suit :

Promotion

3(1) Pour l’application du paragraphe 51(5) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, promotion s’entend de l’attribution à un fonctionnaire des fonctions d’un poste dont le taux de rémunération maximal dépasse celui de son niveau de titularisation, au moment de l’attribution, d’une somme égale ou supérieure, selon le cas :

a) à la plus faible augmentation de l’échelle de rémunération du nouveau poste, si celui‑ci compte plus d’un taux de rémunération;

b) à 4 % du taux de rémunération maximal de l’ancien poste, si le nouveau poste compte un seul taux de rémunération.

(2) N’est pas visée par le paragraphe (1) l’attribution à un fonctionnaire des fonctions d’un autre poste de mêmes groupe et sous‑groupe professionnels, et de même niveau ou de niveau inférieur.

Promotion

3(1) For the purposes of subsection 51(5) of the Public Service Employment Act, promotion means the assignment to an employee of the duties of a position for which the maximum rate of pay is more than the maximum rate applicable to the employee’s substantive level immediately before the assignment of the duties, by an amount equal to or greater than

(a) the smallest increment on the pay scale for the new position, if it has more than one rate of pay; or

(b) 4% of the maximum rate of pay for the previous position, if the new position has only one rate of pay.

(2) An assignment described in subsection (1) does not include the assignment of an employee to the duties of another position in the same occupational group and subgroup and at the same or a lower level.

[Je mets en évidence]

 

[9] Il s’agit de la seule définition de « promotion » prévue dans le Règlement définissant le terme « promotion ». Ce règlement et ses formules ont été adoptés explicitement en vue de définir la « promotion » strictement dans le contexte de la disposition de la LEFP relative à la mutation.

[10] Le terme « promotion » figure dans la définition de « nomination intérimaire » prévue à l’article 1 du REFP, qui énonce simplement qu’une nomination intérimaire est le « […] fait pour un fonctionnaire d’exercer temporairement les fonctions d’un autre poste, dans le cas où l’exercice de ces fonctions aurait constitué une promotion, si ce fonctionnaire avait été nommé à ce poste ». Elle ne fait pas allusion à des comparaisons de taux salariaux ou à d’autres calculs. Cette définition ne mentionne ni n’intègre le Règlement définissant le terme « promotion ».

[11] Je fais également remarquer que la Directive du CT est simplement une directive et n’a pas force exécutoire en vertu de la LEFP ou du REFP. En outre, la formule prévue à l’article 2.2.3 n’a apparemment pas pour objet de déterminer ce que constitue une nomination intérimaire, mais plutôt de calculer les taux de rémunérations des employés. La disposition figure dans l’article de l’annexe de la Directive du CT intitulée « A.2.2 Taux de rémunération ». Le préambule de cet article explique que les taux de rémunération des personnes nommées à des postes sont déterminés conformément à cet article. Il ne laisse aucunement entendre ni ne mentionne que ses dispositions ont quelque chose à voir avec les nominations intérimaires.

[12] D’autre part, l’expression « nomination intérimaire » est mentionnée et définie ailleurs dans la Directive du CT, à l’annexe A.1, partie 1 – Définitions, comme suit : « […] Désigne la situation où une personne doit remplir la presque totalité des fonctions d’un niveau de classification supérieur […] » Notamment, il n’y a aucune mention de salaire ou de promotion. Il ne fait aucun doute que la classification SC‑DED‑03 est supérieure à la classification SC‑DED‑02.

[13] Par conséquent, ni la LEFP ni le REFP ne prévoient de fondement pour utiliser les formules prévues dans la Directive du CT ou dans le Règlement définissant le terme « promotion », qui s’appliquent uniquement aux mutations, pour déterminer ce que constitue une promotion au sens de l’article 1 du REFP.

[14] Compte tenu de ce fait, il n’y a aucune raison pour laquelle je ne devrais pas appliquer le sens ordinaire du terme « promotion », tel qu’il est utilisé dans le REFP. Comme la plaignante l’affirme à bon droit, selon toute mesure ordinaire de compréhension, le fait d’être muté d’un poste de niveau 02 à un poste de niveau 03, au sein du même groupe professionnel, accompagné d’une augmentation du taux de rémunération, même si elle est inférieure à 4 %, constitue une promotion, surtout compte tenu des possibilités de carrière offertes par le poste supérieur, ce qu’elle a également souligné. Quoi qu’il en soit, selon la définition de la Directive du CT, elle constitue une nomination intérimaire.

[15] Il peut être utile, dans certains cas, de s’appuyer sur des formules comme celles prévues dans le Règlement définissant le terme « promotion » et dans la Directive du CT pour déterminer si une mesure de dotation donnée constitue une promotion, surtout lorsque la personne est mutée d’un groupe professionnel à un autre. Toutefois, ces formules ne sont pas contraignantes en ce qui concerne la définition de « nomination intérimaire » prévue à l’article 1 du REFP. En outre, la Commission n’a pas besoin de s’y fier pour déterminer si une promotion a eu lieu lorsque le recours à un tel outil semble inutile, comme c’est le cas dans la présente affaire, lorsqu’un changement de niveau à la hausse a lieu au sein du même groupe professionnel.

[16] Pour ces motifs, je suis convaincue que la mesure de dotation consistant à muter temporairement la personne nommée de son poste d’attache au groupe et au niveau SC‑DED‑02 pour exercer les fonctions d’un poste au groupe et au niveau SC‑DED‑03 constituait une nomination intérimaire et non une affectation.

[17] Par conséquent, la plaignante a le droit de présenter une plainte concernant cette nomination en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP. La requête en rejet de la plainte de l’intimé est rejetée.

[18] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


II. Ordonnance

[19] La requête en rejet de la plainte est rejetée.

[20] Les délais relatifs à la plainte sont rétablis.

[21] La date à laquelle l’échange de renseignements doit être achevé est prorogée de sept jours à compter de la date de la présente décision.

[22] Toutes les parties doivent consulter le Règlement concernant les plaintes relatives à la dotation dans la fonction publique (DORS/2006‑6) et le Guide de procédures pour les plaintes relatives à la dotation de la Commission pour calculer les délais modifiés découlant de la prorogation et s’assurer qu’ils apportent les modifications nécessaires aux délais qui leur sont applicables.

Le 26 juillet 2021.

Traduction de la CRTESPF

Marie‑Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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