Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte en vertu de l’art. 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral selon laquelle les défendeurs, y compris son agent négociateur, avaient manqué à leur devoir de représentation équitable en agissant de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi – les défendeurs ont demandé que la plainte soit rejetée sans audience, car aucun des faits allégués, même s’ils étaient vrais, ne constituent un exemple de non-respect du devoir de représentation équitable – la Commission a abordé la demande au moyen d’arguments écrits – elle a supposé que les renseignements figurant dans la plainte étaient vrais et, sur la seule base des allégations soulevées dans la plainte, elle a évalué la question de savoir si la plaignante avait une cause défendable qui justifierait une audience – la Commission n’a pas trouvé de fondement suffisant à une conduite arbitraire, à un traitement discriminatoire ou à une mauvaise foi de la part des défendeurs pour établir une violation de l’art. 187.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20211119

Dossier : 561‑02‑38118

 

Référence : 2021 CRTESPF 127

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Armoiries

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans

le secteur public fédéral

entre

 

K. Joy Theaker

plaignante

 

et

 

Syndicat des employés du Solliciteur général et Alliance de la fonction publique du Canada

 

défendeurs

Répertorié

Theaker c. Syndicat des employés du Solliciteur général

Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : Ian R. Mackenzie, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la plaignante : Elle‑même

Pour les défendeurs : Leslie Robertson, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 27 mars, le 6 juin et les 7 et 8 août 2018.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Plainte devant la Commission

[1] Le 27 mars 2018, K. Joy Theaker (la « plaignante ») a déposé une plainte contre les défendeurs, soit le Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC ou l’« agent négociateur »). La plaignante alléguait que les défendeurs avaient manqué à leur devoir de représentation équitable.

[2] La plaignante était employée au ministère de la Justice (JUS ou le « ministère »).

[3] La plainte a été présentée au titre de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), qui exige que la Commission instruise toute plainte selon laquelle une organisation syndicale s’est livrée à une pratique déloyale de travail. La pratique déloyale de travail alléguée dans la présente plainte est énoncée à l’art. 187 de la Loi comme suit :

187 Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

 

[4] Les défendeurs ont demandé que la plainte soit rejetée sans audience, car aucun des faits allégués, même s’ils sont véridiques, ne constitue des exemples d’un manquement de la part des défendeurs à leur devoir de représentation équitable. La plaignante a soutenu que le refus d’une audience de sa plainte porterait atteinte à son droit à la justice naturelle.

[5] L’article 22 de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) prévoit que la Commission « […] peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience ». Dans Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CAF 98, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’obligation d’équité procédurale n’exigeait pas que la Commission prédécesseure tienne des audiences pour trancher chaque plainte.

[6] Je suis convaincu que je peux trancher la présente plainte sur la base des arguments écrits déposés, sans avoir à tenir une audience en personne.

[7] Habituellement, lorsqu’il s’appuie sur les arguments écrits pour trancher une question soulevée par les défendeurs, le décideur suppose que les renseignements figurant dans la plainte sont véridiques. Je suis tenu d’évaluer si la plaignante a une cause défendable qui justifierait une audience, sur la seule base des allégations soulevées dans sa plainte. Toutefois, cela ne signifie pas que les faits allégués sous‑jacents sur lesquels la plaignante s’est fondée pour appuyer les allégations sont véridiques. Je n’exprime aucune opinion quant au caractère véridique de certains des faits sous‑jacents figurant dans la présente plainte.

[8] J’ai conclu que sur la base des événements tels qu’ils ont été présentés par la plaignante, elle n’a pas de cause défendable. En conséquence, pour les motifs énoncés dans la présente décision, la plainte contre les défendeurs est rejetée.

[9] La Loi exige que les plaintes soient déposées dans les 90 jours suivant le manquement allégué au devoir de représentation équitable. Les mesures correctives demandées par la plaignante concernent, en partie, certains événements survenus plus de 90 jours avant la présentation de sa plainte. Je n’ai pas tenu compte de ces événements pour parvenir à la présente décision sur sa plainte.

II. Motifs

[10] Dans une plainte déposée en vertu de l’art. 187 de la Loi, le fardeau de la preuve incombe à la plaignante. Ce fardeau de la preuve oblige la plaignante à présenter des éléments de preuve suffisants pour établir que les défendeurs ont manqué à leur devoir de représentation équitable (voir Ouellet c. St‑Georges, 2009 CRTFP 107). Les décisions de la Commission en matière de devoir de représentation équitable donnent aux agents négociateurs une grande latitude dans leurs décisions concernant la représentation de leurs membres. Comme il est indiqué dans Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128 : « [l]a barre pour faire la preuve d’une conduite arbitraire — ou discriminatoire ou de mauvaise foi — est placée très haut à dessein. »

[11] La Commission a adopté ce qu’on appelle une « analyse de la cause défendable » lorsque le défendeur dans une plainte concernant le devoir de représentation équitable s’oppose à une audience complète de la plainte (voir, par exemple, Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28). Cette analyse se fait souvent en supposant que toutes les allégations contenues dans la plainte sont véridiques (voir Burns c. Section locale no 2182 d’Unifor, 2020 CRTESPF 119). Il s’agit donc de déterminer si la plaignante a une cause défendable selon laquelle le défendeur a agi de mauvaise foi ou d’une façon arbitraire ou discriminatoire. J’ai adopté en grande partie cette approche pour déterminer si un rejet de la plainte sans audience est approprié.

[12] La plaignante a présenté une plainte détaillée comportant sept rubriques, que j’ai résumées dans cette section. J’ai examiné attentivement la plainte au complet pour parvenir à ma décision.

[13] Les événements pertinents à la plainte ont trait au fait que la plaignante a reçu un avis en vertu des dispositions relatives au réaménagement des effectifs (RE) de sa convention collective en 2015 et à sa position selon laquelle le ministère de la Justice n’a pas pris de mesures d’adaptation pour répondre à son invalidité.

[14] Tout au long de sa plainte et de sa réponse, la plaignante fait référence à l’ingérence criminelle d’une personne nommée. J’ai abordé cette question dans le cadre de sa dernière allégation.

A. Accorder un délai de cinq mois à l’employeur pour fournir une réponse au grief

[15] L’audience de grief au troisième palier de l’un des griefs de la plaignante a eu lieu le 17 juillet 2018. Le ministère lui a demandé des renseignements avant de répondre. Elle déclare qu’elle a fourni tous les renseignements demandés au plus tard le 18 septembre 2017. Selon elle, l’employeur aurait dû répondre au grief dans les 30 jours suivant le 18 septembre 2017 (date limite pour présenter une réponse énoncée dans sa convention collective).

[16] La plaignante affirme que dans un courriel de son agent négociateur daté du 28 décembre 2017, un représentant a déclaré qu’une réponse était attendue au début de janvier 2018. Elle déclare que la réponse au troisième palier a été reçue le 31 janvier 2018.

[17] La plaignante allègue que les défendeurs ont agi de manière arbitraire et discriminatoire ainsi que de mauvaise foi lorsqu’ils n’ont pas exigé que l’employeur respecte le délai pour déposer une réponse au grief.

[18] Les défendeurs ont fait valoir que la réponse de l’employeur au grief a été retardée parce qu’il attendait des copies de ses arguments écrits.

[19] Les délais pour déposer des griefs et pour le dépôt des réponses de l’employeur sont énoncés dans la convention collective applicable. Il est courant que l’employeur et l’agent négociateur conviennent de prolonger le délai pour répondre aux griefs. Dans la présente affaire, la réponse n’a pas été retardée de façon excessive. Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire qu’un agent négociateur attende une réponse avant de pouvoir renvoyer un grief à l’arbitrage. La plaignante n’a allégué aucune conséquence découlant de l’omission de l’employeur de répondre dans les 30 jours. De plus, l’exigence selon laquelle un employeur doit répondre dans les délais relève de la responsabilité de l’employeur et non de la responsabilité des défendeurs.

[20] La plaignante allègue également que la réponse au grief a été envoyée par télécopieur sans son consentement à un centre de reprographie, ce qui a entraîné une dépense qu’il [traduction] « a refusé d’assumer ». D’après son argument, il n’est pas clair si elle s’attendait à ce que l’employeur ou les défendeurs assument ce coût. Toutefois, le fait de ne pas rembourser quelqu’un pour des télécopies envoyées n’est ni arbitraire ni discriminatoire ni de mauvaise foi.

[21] Par conséquent, la plaignante n’a pas de cause défendable en vertu de la première allégation.

B. Discussions avec l’employeur au sujet des intentions de règlement de la plaignante

[22] La plaignante a allégué que les défendeurs avaient modifié le contexte des renseignements fournis à l’employeur concernant le règlement de ses griefs et qu’ils avaient refusé de corriger les renseignements inexacts malgré les préoccupations qu’elle avait exprimées au SESG.

[23] Les défendeurs ont fait valoir que la plaignante avait dit au SESG qu’elle souhaitait régler ses griefs, ce que le SESG a communiqué à l’employeur. Il a également communiqué le fait qu’elle souhaitait attendre de recevoir la réponse de l’employeur avant de faire une offre pour régler les griefs. Les défendeurs ont soutenu qu’ils n’avaient pas communiqué de renseignements inexacts à l’employeur.

[24] La plaignante ne conteste pas le fait qu’elle souhaitait discuter d’un règlement. Elle conteste la façon dont les renseignements ont été transmis. Elle fournit la citation suivante tirée d’un courriel que le représentant du SESG a envoyé à l’employeur le 20 décembre 2017 : [traduction] « Joy n’a pas fourni un montant pour un règlement et souhaite simplement obtenir la réponse au dernier palier afin qu’elle puisse passer à autre chose. » Le 28 décembre 2017, la plaignante a informé le SESG que le courriel ne reflétait pas sa lettre au SESG du 18 décembre 2017, comme suit : [traduction] « […] comme je l’ai toujours dit, je souhaite avoir des discussions sur le règlement, mais je ne souhaite pas que cela retarde le processus de règlement des griefs et d’arbitrage. » Elle a fourni l’extrait suivant de cette lettre :

[Traduction]

[…]

On me dit que JUS [ministère de la Justice] veut que je propose un « règlement », mais Dominique convient que […] ce n’est probablement qu’une « tactique dilatoire ».

À la suite de ma conversation téléphonique avec Dominique vendredi dernier, ceci confirmera que je continue de souhaiter un règlement de mes plaintes avec JUS, mais cela ne devrait pas RETARDER une réponse au dernier palier qui est attendue depuis longtemps.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

 

[25] Dans ses arguments en réponse, la plaignante affirme également que quelqu’un (probablement au SESG) avait laissé entendre qu’elle souhaitait recourir à un renvoi à l’arbitrage de ses griefs en tant que [traduction] « levier » et que cela n’était pas vrai. Elle a également déclaré que le SESG avait demandé la médiation aux fins de ses griefs, mais qu’il ne lui avait pas demandé si elle était intéressée par la médiation.

[26] La plaignante avait exprimé son intérêt à régler ses griefs, mais ne souhaitait pas retarder le processus de règlement des griefs. La communication du SESG était conforme à cette position. De plus, si un fonctionnaire s’estimant lésé souhaite un règlement, il est courant de souhaiter également la médiation en tant que moyen de parvenir à un règlement. La médiation est volontaire et si la plaignante a finalement décidé de ne pas y participer, elle n’était pas liée par la demande du SESG. La référence au recours aux renvois à l’arbitrage comme moyen de pression est une opinion et n’atteint pas le niveau d’arbitraire, de discrimination ou de mauvaise foi.

[27] Je conclus que la communication du SESG à l’employeur au sujet d’un règlement et d’une médiation n’était ni arbitraire ni discriminatoire ni de mauvaise foi.

C. Recommander que les griefs ne soient pas renvoyés à l’arbitrage et obtenir ses arguments écrits

[28] Cette allégation générale de la plaignante comporte deux allégations distinctes. Selon la première, le SESG a recommandé à l’AFPC que trois de ses griefs ne soient pas renvoyés à l’arbitrage. Les numéros de grief auxquels elle a fait référence correspondent à des griefs qui ont été renvoyés à la Commission. Ces griefs n’ont pas encore été mis au rôle.

[29] Par conséquent, cette partie de l’allégation n’est plus valide puisque les défendeurs ont renvoyé ses griefs à l’arbitrage.

[30] Selon la deuxième allégation, les défendeurs ont obtenu de l’employeur une copie des arguments écrits de la plaignante à l’intention de l’employeur, à son insu ou sans son consentement. Elle affirme qu’il s’agit d’une violation de ses droits à la vie privée.

[31] Dans sa plainte, la plaignante cite une télécopie qu’elle a envoyée à un représentant du SESG, comme suit : [traduction] « Veuillez fournir des renseignements sur votre renvoi à l’arbitrage, etc. […] Pourquoi n’avez‑vous pas demandé mes arguments? » Dans ses arguments en réponse, elle affirme que [traduction] « [c]e n’est qu’après [qu’elle] ait amorcé le processus de plainte […] » que le SESG a obtenu ses arguments écrits. Elle fait également remarquer qu’il lui a retourné les arguments, à sa demande.

[32] La plaignante allègue que les défendeurs ont violé sa vie privée. Il était raisonnable pour le SESG d’obtenir ses arguments écrits lorsqu’elle lui a demandé pourquoi il ne les avait pas demandés. Si elle cherchait ou s’attendait à être représentée à l’égard de ces griefs, on peut alors supposer qu’elle avait renoncé à tout droit à la vie privée, puisque le SESG la représenterait à leur égard. Quoi qu’il en soit, l’obtention d’arguments écrits dans le cadre d’un processus de règlement des griefs ne constitue pas un geste arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Je conclus que cette allégation, si elle est établie, ne peut constituer un manquement de la part des défendeurs à leur devoir de représentation équitable.

D. Fournir des conseils inexacts concernant l’assurance‑maladie et l’assurance des soins dentaires

[33] La plaignante allègue que les défendeurs ont fourni des conseils inexacts au sujet de l’interruption de l’assurance‑maladie et de l’assurance des soins dentaires dans un avis de mise en disponibilité. Elle allègue également que le SESG lui a dit qu’elle devrait demander la retraite pour raisons médicales si elle souhaitait conserver l’assurance‑maladie et l’assurance des soins dentaires.

[34] Les défendeurs ont déclaré que la plaignante n’avait reçu aucun avis de mise en disponibilité et qu’elle n’avait pas été mise en disponibilité. Elle n’est pas d’accord et affirme que les griefs renvoyés à l’arbitrage appuient sa position selon laquelle elle a été mise en disponibilité. Elle a fait valoir qu’en déclarant le contraire, les défendeurs ont agi de manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi.

[35] Dans ce cas, en supposant que les conseils fournis étaient inexacts, la plaignante n’a pas établi les répercussions de ces conseils ni la façon dont les défendeurs ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Les agents négociateurs peuvent se tromper dans leurs interprétations des conventions collectives : McFarlane c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2015 CRTEFP 27. Il faut conclure qu’une telle interprétation a été faite de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi pour étayer une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable. Je fais également remarquer que les griefs renvoyés à l’arbitrage ont trait aux droits de la plaignante en vertu du RE.

[36] Cette allégation, si elle est véridique, n’étayerait pas une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable.

E. Conseil selon lequel un avis de RE ne constituait pas un licenciement

[37] La plaignante a allégué que le président du SESG local lui avait dit continuellement qu’un avis de RE ne constituait pas un [traduction] « licenciement », mais plutôt une [traduction] « mise en disponibilité ». Elle a fait référence à une disposition de sa convention collective qui définit l’expression « mise en disponibilité » comme étant « […] la cessation de l’emploi d’un employé‑e en raison d’un manque de travail ou par suite de la cessation d’une fonction ».

[38] Les défendeurs déclarent que, à leur connaissance, la plaignante n’avait pas été mise en disponibilité. Le représentant du SESG l’a informé que si elle n’était plus employée, elle ne bénéficierait plus de l’assurance‑maladie, et il lui a recommandé de demander la retraite pour raisons médicales, car elle avait déterminé que le maintien de son assurance‑maladie constituait sa priorité.

[39] Dans ses arguments en réponse, la plaignante déclare que les défendeurs semblent avoir reconnu que l’avis de mise en disponibilité constituait une forme de mesure disciplinaire déguisée au moyen du renvoi à l’arbitrage de ses griefs et [traduction] « […] qu’il était donc inapproprié de lui proposer que l’“avis de RE” ne constituait pas un “licenciement” […] ». Elle affirme que le fait de dire qu’il ne s’agissait pas d’un licenciement revient à agir de manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi.

[40] Il s’agit là d’un argument concernant l’interprétation correcte des dispositions relatives à la mise en disponibilité en vertu du RE. Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage et, par conséquent, la distinction entre les expressions « mise en disponibilité » et « licenciement » ne constitue plus une question. Une divergence d’opinions qui n’entraîne aucune conséquence pour un fonctionnaire s’estimant lésé n’est ni arbitraire ni discriminatoire ni de mauvaise foi.

[41] Je conclus que, en supposant qu’elle est véridique, cette allégation n’étayerait pas une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable.

F. Refus de déposer un grief contre une retraite pour raisons médicales forcée

[42] La plaignante allègue que les défendeurs ont refusé de déposer un grief contre le fait qu’elle avait été forcée à demander une retraite pour raisons médicales afin de pouvoir conserver son assurance‑maladie. Elle affirme dans sa plainte qu’en février 2018, elle a envoyé au SESG des projets de griefs concernant la perte de l’assurance‑maladie et de l’assurance des soins dentaires et l’ingérence criminelle (la question de l’ingérence criminelle est traitée dans la prochaine section). Elle a fait un suivi auprès du SESG le 2 mars 2018; celui-ci lui a dit que [traduction] « […] le sujet de ces derniers ne relève pas des responsabilités qui nous ont été confiées ».

[43] Les défendeurs ont affirmé que la plaignante n’avait pas été forcée à demander une retraite pour raisons médicales. Le SESG lui a conseillé de le faire afin de continuer de bénéficier de l’assurance‑maladie.

[44] La position des défendeurs sur la question de la retraite pour raisons médicales de la plaignante n’est ni arbitraire ni discriminatoire ni faite de mauvaise foi – il s’agissait d’un énoncé de fait. Si elle souhaitait conserver son assurance‑maladie et son assurance des soins dentaires, la retraite était sa seule option. Je fais également remarquer que la plaignante a des griefs en cours devant la Commission relativement à sa mise en disponibilité en vertu du RE. Les défendeurs continuent de la représenter pour ces griefs. La question relative à sa retraite pour raisons médicales est indirectement en jeu dans ces griefs, puisque sa décision concernant la retraite pour raisons médicales était fondée sur les mesures de RE prises par l’employeur.

[45] Je conclus que cette allégation, si elle est véridique, n’étayerait pas une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable.

G. Refus de déposer un grief relatif à une ingérence criminelle continue

[46] La plaignante allègue qu’il existe une ingérence criminelle continue concernant son litige en matière d’emploi. Sa plainte contient de nombreux arguments concernant une personne nommée, qui, selon elle, se livre à des activités malfaisantes, notamment en la traquant et en piratant des systèmes informatiques. Certaines des allégations portent sur des événements survenus en 2009 et en 2011 et ne se situent pas dans la période de 90 jours précédant la présentation de la présente plainte. De plus, elle allègue que cette personne est un élément [traduction] « voyou » qui n’est pas employé par les défendeurs ou le gouvernement fédéral.

[47] Les défendeurs soutiennent que le processus de règlement des griefs n’est pas le bon forum pour soulever des préoccupations à l’égard de personnes ou d’organisations qui ne sont pas parties à la convention collective.

[48] Dans ses arguments en réponse, la plaignante laisse entendre qu’elle demande une enquête sur ses allégations de piratage.

[49] La plaignante a également demandé une enquête sur l’ingérence criminelle et le piratage dans une requête devant la Cour fédérale; voir Theaker c. Canada (Justice), 2018 CF 662. La Cour a rejeté la requête, affirmant que le « […] rôle de la Cour n’est pas d’ordonner la tenue d’enquêtes criminelles ».

[50] Les allégations d’ingérence criminelle soulevées dans la plainte ne relèvent pas du régime de relations de travail du secteur public fédéral. Comme la Cour l’a fait remarquer en rejetant sa requête, la voie appropriée pour les plaintes relatives à des activités criminelles présumées est celle du service de police compétent. Les agents négociateurs ne sont pas tenus de déposer des griefs relatifs à des affaires criminelles alléguées. Par conséquent, cette allégation n’étaye pas une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable.

III. Réparations demandées

[51] Les réparations demandées dans une plainte relative au devoir de représentation équitable peuvent aider à déterminer si la plainte porte sur le devoir de l’agent négociateur prévu par la loi de représenter équitablement la plaignante; voir Burns, au par. 77.

[52] La plaignante a demandé 11 réparations dans sa plainte. Deux des réparations ont trait à des événements qui sont survenus en dehors du délai pour présenter une plainte; par conséquent, je ne les ai pas examinées. Les autres réparations demandées peuvent être regroupées en trois catégories : une demande de conseils exacts sur ses droits en vertu du RE, un soutien pour le dépôt des griefs et des dommages.

[53] La demande de conseils exacts sur ses droits en vertu du RE met l’accent sur son droit à l’assurance‑maladie et à l’assurance des soins dentaires. Les défendeurs ont fourni à la plaignante des conseils ou des renseignements et ont déclaré qu’ils continuent de le faire. J’ai déjà conclu qu’elle n’avait pas établi que les conseils étaient arbitraires, discriminatoires ou donnés de mauvaise foi.

[54] La plaignante a demandé que les défendeurs soient tenus de déposer deux griefs et de l’appuyer dans le cadre de ces derniers. Le premier a trait à ce qu’elle a qualifié de retraite forcée. Les défendeurs se sont engagés à [traduction] « examiner et évaluer tous les griefs proposés » par la plaignante, conformément à leur devoir de représentation équitable. J’ai déjà abordé l’allégation d’un grief relatif à une retraite forcée et j’ai conclu qu’elle ne constituait pas un manquement au devoir de représentation équitable.

[55] Le deuxième grief pour lequel elle a demandé un soutien des défendeurs est lié à l’ingérence criminelle. J’ai déjà abordé l’allégation d’ingérence criminelle. Les défendeurs ne sont pas tenus de déposer un grief qui ne découle pas de la convention collective. Cette demande est également liée à une demande de réparation consistant à ce que les défendeurs confirment qu’ils n’appuient pas les activités criminelles contre leurs membres et qu’ils appuient les droits à la vie privée. Cette réparation n’est pas non plus disponible dans le cadre du processus de plainte.

[56] Les autres réparations demandées mettent l’accent sur les dommages pour les pertes, les dépenses, la douleur et la souffrance, les dommages psychologiques découlant de la négligence et de la représentation inéquitable de la part des défendeurs et une indemnisation pour discrimination délibérée et inconsidérée. Elle a également demandé à être « indemnisée intégralement ». Les défendeurs soutiennent qu’il n’y a aucune raison d’accorder des dommages parce qu’il n’y a eu aucun manquement au devoir de représentation équitable.

[57] Je suis d’accord pour dire que des dommages ne découleraient que d’une conclusion de manquement au devoir de représentation équitable. Toutefois, je fais également remarquer que la demande générale de dommages a également trait à son différend avec l’employeur, dans une large mesure. Il y a des griefs devant la Commission, qui constituent le forum approprié pour demander des dommages liés à l’emploi de la plaignante.

[58] La plaignante a également demandé que la présentation de sa plainte ne nuise pas à ses relations avec les défendeurs à l’avenir. Le devoir de représentation équitable est continu et les défendeurs continuent de la représenter dans ses griefs.

[59] La plaignante a également demandé que ses griefs devant la Commission fassent l’objet d’un [traduction] « traitement accéléré ». Cette demande a trait aux griefs devant la Commission et ne peut être traitée dans le cadre du processus de plainte.

IV. Conclusion

[60] Pour que cette plainte constitue une cause défendable qui justifierait une audience complète des allégations, la plaignante devait présenter un fondement factuel appuyant l’allégation selon laquelle les défendeurs ont agi d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Je conclus qu’elle n’a pas offert un tel fondement. En me fondant uniquement sur les faits allégués dans la plainte, je ne suis pas en mesure de relever un fondement d’une conduite arbitraire, d’un traitement discriminatoire ou de la mauvaise foi de la part des défendeurs pour établir une contravention de l’art. 187 de la Loi.

[61] J’ai conclu, sur la base des arguments écrits des parties, que certaines des allégations figurant dans la plainte sont hors délai et que celles qui sont dans les délais ne présentent pas une cause défendable de manquement au devoir de représentation équitable énoncé à l’art. 187 de la Loi.

[62] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[63] La plainte est rejetée.

Le 19 novembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

Ian R. Mackenzie,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

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