Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les trois fonctionnaires s’estimant lésés, tous des agents correctionnels, ont été impliqués dans un incident d’usage de la force pour lequel ils prétendaient s’être vu imposer une mesure disciplinaire injuste – un fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié et les deux autres se sont vu imposer une sanction pécuniaire de 1 000 $ chacun – l’arbitre de grief a regardé des enregistrements vidéo de l’incident et entendu plusieurs témoins – l’arbitre de grief a conclu que les actions du premier fonctionnaire s’estimant lésé justifiaient l’imposition d’une mesure disciplinaire sérieuse – compte tenu de son poste et de sa classification, de la nature cumulative de ses infractions et de son refus complet et continu d’admettre ses actes répréhensibles, il était justifié de la part de l’employeur de dire qu’il avait perdu confiance dans la relation de travail – le licenciement en tant que mesure disciplinaire n’était pas excessif – l’arbitre de grief a conclu que les autres fonctionnaires n’étaient pas responsables de l’incident et a ordonné le remboursement de leurs sanctions pécuniaires.

Trois griefs rejetés.
Deux griefs accueillis.

Contenu de la décision

Date : 20211117

Dossiers : 566‑02‑10550, 10782, 10783, 11251 et 11254

 

 

 

 

 

 

 

ENTRE

 

Andrew Lamash, Mohammad Shaukat ET Ryan Pye

fonctionnaires s’estimant lésés

 

et

 

administrateur général

(Service correctionnel du Canada)

 

défendeur

Répertorié

Lamash c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

Devant : Margaret T.A. Shannon

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés : Charlie Arsenault‑Jacques, Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN

Pour le défendeur : Kevin Dulude et Joel Stelpstra, avocats

Affaire entendue à Edmonton (Alberta)

du 22 au 24 janvier et du 22 au 25 octobre 2019,

et par vidéoconférence

du 6 au 9 et du 12 au 16 avril et du 1er au 4, et les 7 et 11 juin 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

[1] Andrew Lamash, Mohammad Shaukat et Ryan Pye, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), étaient tous des agents correctionnels (CX ou « agents ») à l’Établissement d’Edmonton (EE ou l’« Établissement ») du Service correctionnel du Canada lorsqu’ils ont été impliqués dans un incident de recours à la force pour lequel, selon leurs griefs, des mesures disciplinaires injustifiées leur ont été imposées par l’employeur, soit le Service correctionnel du Canada (SCC ou l’« employeur »), contrairement à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN (le « syndicat ») qui est venue à échéance le 31 mai 2014.

[2] M. Lamash a été licencié le 4 décembre 2014 et il a contesté son licenciement le 14 décembre 2014. Il a également contesté sa suspension sans salaire en attendant une enquête depuis le 6 août 2014. M. Shaukat et M. Pye se sont chacun vu imposer une sanction pécuniaire de 1 000 $, conformément à l’« Entente globale » conclue entre l’employeur et le syndicat.

II. Résumé de la preuve

[3] Les fonctionnaires ont été impliqués dans une série d’incidents de recours à la force à l’EE concernant deux détenus qui étaient des frères. Les incidents sont survenus dans un intervalle de 15 minutes. Selon l’employeur, sur l’enregistrement vidéo des incidents, on peut voir M. Lamash frapper l’un des détenus à la tête, donner des coups de genou sur le dos du détenu et frapper l’autre détenu au torse avec un vaporisateur d’oléorésine de capsicum (OC). Environ trois minutes plus tard, pendant ce que l’employeur a décrit comme une extraction de cellule mal exécutée, on peut voir M. Lamash frapper le frère du détenu environ 14 fois avec une matraque, alors qu’il y avait au moins 14 autres agents et un bouclier protecteur à portée de main pour l’aider.

[4] Le premier détenu pulvérisé d’OC a été emmené à la douche de décontamination. Il était à l’intérieur de la douche et menotté lorsque M. Lamash est entré, en présence de plusieurs autres agents, dont M. Shaukat et M. Pye. Sur un enregistrement vidéo, on peut voir M. Lamash entrer dans la zone de douche. En se fondant sur l’examen par l’employeur de la vidéo des incidents et sur les rapports d’un agent qui n’a pas témoigné, il a conclu que M. Lamash avait frappé le détenu alors qu’il était seul dans la douche avec lui. Il a également conclu que les autres agents présents n’ont rien fait pour empêcher M. Lamash d’agresser le détenu sous la douche.

[5] À la suite de ces incidents, les agents concernés ont dû remplir des rapports d’observation ou de déclaration d’un agent (RODA). Selon l’employeur, M. Lamash n’a pas rempli son RODA de manière exacte et il a tenté d’influencer ceux des autres agents impliqués dans les incidents. Pour ses actes de recours excessif à la force et de malhonnêteté, M. Lamash a été licencié. Les autres fonctionnaires se sont vus imposer des sanctions pécuniaires de 1 000 $ chacun pour leur participation à l’incident de recours à la force. L’employeur a soutenu que, dans tous les cas, ses actes étaient raisonnables et justifiés, étant donné les violations de son Code de discipline (DC‑060) et des Règles de conduite professionnelle par les fonctionnaires.

[6] Au cours des témoignages, de nombreux témoins ont mentionné la participation d’un CX‑02, qui n’est mentionné dans la présente décision que par ses initiales « CX GS » dans le compte rendu des éléments de preuve. Seules ses initiales sont utilisées parce qu’il a des griefs en suspens devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). Afin d’éviter, dans la mesure du possible, que la présente décision ait une incidence sur l’issue de ces processus, il ne sera pas identifié. Toute constatation liée aux activités ou à la crédibilité de cet agent au cours du présent litige doit, dans la mesure du possible, se limiter à ses répercussions sur la présente affaire. Afin de protéger leurs renseignements personnels, les détenus qui ont été mêlés aux incidents de recours à la force décrits dans la présente décision ne seront également mentionnés que par leurs initiales.

[7] Dan Erickson a enquêté sur les incidents de recours à la force pour l’employeur dans le cadre de l’enquête disciplinaire qui a donné lieu aux mesures disciplinaires qui font l’objet de la présente affaire. En août 2014, le directeur de l’EE a communiqué avec lui et l’a informé qu’un examen de recours à la force n’avait pas été suffisamment approfondi; il existait des problèmes quant à la qualité de l’examen et du rapport. On lui avait demandé de mener une enquête disciplinaire sur le recours à la force et non de procéder à un examen du recours à la force. Il a examiné tous les enregistrements vidéo des incidents, les enregistrements audio et tous les RODA, et il a mené des entrevues. Il a recueilli des photos des ecchymoses et des blessures subies par les détenus. Il a écouté les enregistrements sur bande du trafic radio liés à l’événement effectué au poste principal de commande et de contrôle (PPCC). Clovis Lapointe a aidé M. Erickson dans son enquête.

[8] Comme l’a établi l’enquête disciplinaire, M. Lamash n’avait pas été affecté à une unité particulière ce jour‑là. Il avait été affecté au poste EM‑32, ce qui signifie qu’il répondait aux appels d’aide dans l’ensemble de l’EE. À l’heure du dénombrement, on a demandé au détenu HW de s’enfermer. Il a refusé et certains agents, y compris M. Lamash, se sont approchés et l’ont confronté. M. Lamash a ordonné à HW de mettre ses mains sur sa tête et de sortir de la rangée; HW a refusé. Sur l’enregistrement vidéo, on peut plutôt le voir reculer devant les agents alors que ses mains étaient levées.

[9] Ensuite, selon M. Erickson, M. Lamash a saisi le vaporisateur qui se trouvait sur son ceinturon de service. Ce geste n’apparaît pas sur l’enregistrement vidéo, mais il est mentionné dans les RODA. L’OC en vaporisateur se déploie et le détenu HW est touché et tombe au sol. Selon l’interprétation par M. Erickson de la vidéo, une fois que le détenu HW est au sol, il est frappé à maintes reprises avec le vaporisateur d’OC, ce qu’aucun agent n’a signalé avoir vu. Un certain nombre d’agents ont signalé que le détenu serrait les poings, alors que la vidéo montrait que ses mains étaient ouvertes. M. Lamash était la seule personne sur les lieux à posséder le type de vaporisateur d’OC utilisé pour frapper le détenu, car il était affecté au poste EM‑32. Une fois le détenu au sol, M. Lamash donne un coup de genou sur son dos. Selon M. Erickson, cette technique n’est pas enseignée aux agents.

[10] Lorsque la vidéo a été montrée à M. Lamash, il dit à M. Erickson que le détenu HW était agressif et avait refusé de se conformer aux ordres; il avait donc déployé l’aérosol, mis le détenu à terre et l’a immobilisé. Il a nié avoir frappé le détenu avec le vaporisateur ou lui avoir porté des coups. De l’avis de M. Erickson, M. Lamash n’a pas bien évalué la situation du détenu HW. Il avait d’autres options que d’utiliser l’OC en vaporisateur, de mettre le détenu à terre et de l’immobiliser alors que les autres agents présents n’étaient pas prêts à le soutenir pleinement en tenant les bras et les jambes du détenu. M. Lamash aurait pu fermer la barrière et attendre que le gestionnaire correctionnel (GC) arrive, ou il aurait pu essayer de négocier avec le détenu plutôt que de procéder directement à un recours à la force.

[11] L’enquête de M. Erickson a été compliquée par des renseignements contradictoires contenus dans les RODA déposés à la suite des événements. Le détenu n’était pas agressif sur l’enregistrement vidéo et, lorsqu’il a été confronté, il a reculé, avec les mains ouvertes. Les RODA ne comportaient aucune explication de la façon dont le détenu a été maîtrisé. Selon le témoignage de M. Erickson, les membres du personnel sur la rangée ont été mis en danger pendant l’incident parce qu’ils ne savaient pas où se trouvaient les autres détenus; la porte de la cellule du détenu HW était ouverte et bloquée et sa cellule aurait pu contenir d’autres détenus, et les agents concernés n’ont pas suivi le protocole de sécurité approprié pour le personnel. Les GC ne sont intervenus à aucun moment pendant l’incident concernant le détenu HW; ils ne l’ont fait qu’après la conclusion de l’incident avec le détenu SW.

[12] Une fois que le détenu HW a été retiré de la rangée et emmené aux douches de décontamination, l’enregistrement vidéo montre 14 à 15 agents qui circulent à l’extérieur des portes de l’unité, apparemment sans but, selon M. Erickson. Apparemment, il y a eu beaucoup de confusion et aucun effort coordonné pour contrôler la situation qui s’était développée avec le détenu SW, le frère de HW, qui était dans la cellule A006 avec un autre détenu et qui jurait et menaçait M. Lamash en raison de son traitement du détenu HW.

[13] Selon M. Erickson, à un moment donné, Sandra Krstic, la CX‑02 chargée de l’unité ce jour‑là, aurait entendu le détenu SW proférer des menaces de mort à l’égard du détenu C, qui était dans la cellule avec lui. M. Lamash a décidé de procéder à une extraction de cellule. Il a demandé le bouclier et la matraque qui sont conservés au poste de commandement de l’unité. Le GC n’en a pas été informé. Il n’y avait aucun plan particulier pour l’extraction de cellule. M. Shaukat a déployé l’aérosol à travers le guichet à nourriture. Kevin Ransome, un CX, a utilisé le bouclier, alors que M. Lamash avait le contrôle de la matraque et la brandissait par‑dessus la tête avec deux mains comme une massue, ce qui ne constitue pas une technique enseignée.

[14] M. Erickson a constaté des erreurs dans de nombreux aspects de l’incident de recours à la force. L’incident n’était pas spontané; il a été mal planifié et ceux qui y ont été impliqués n’ont pas pris le temps d’élaborer un plan, de déterminer les rôles et les responsabilités et de filmer l’intervention, comme l’exige un recours à la force planifié. M. Lamash aurait pu faire appel à l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) plutôt que d’entreprendre lui‑même l’extraction de cellule.

[15] Selon M. Erickson, les actes de M. Lamash étaient planifiés et délibérés, et l’extraction de cellule n’était pas autorisée. Ils n’ont pas laissé aux personnes concernées le temps d’élaborer un plan, de déterminer les rôles et les responsabilités et de filmer l’intervention, comme l’exige un recours à la force planifié. L’extraction de cellule n’était pas autorisée. Le recours à la force était excessif.

[16] Sur l’enregistrement vidéo, M. Lamash donne 14 coups de matraque. Selon l’évaluation de M. Erickson, 14 coups avec une matraque ne sont ni normaux ni nécessaires pour maîtriser un détenu qui a été aspergé lorsque huit autres agents sont présents. Le détenu n’avait aucune arme et n’attaquait pas un agent. La façon dont M. Lamash a utilisé la matraque n’était pas conforme à ce que l’employeur enseigne aux CX quant à son utilisation; il l’a manié à deux mains et par‑dessus la tête, et il a frappé la tête du détenu.

[17] Lorsque M. Erickson a interrogé certains membres du personnel impliqués, ils ont dit qu’ils ne savaient même pas pourquoi une extraction de cellule était nécessaire. Selon l’évaluation de M. Erickson, trop de membres du personnel étaient présents, ce qui a nui à l’extraction de cellule. En raison du nombre de CX, ils ont trébuché les uns sur les autres au cours de l’extraction. D’autres erreurs ont été cernées, y compris le fait que le GC, le négociateur d’otage et une personne des soins de santé n’ont pas été appelés. De l’avis de M. Erickson, le détenu SW, qui a été extrait de la cellule, n’avait aucune intention de blesser le détenu qui se trouvait dans la cellule avec lui. Son objectif était d’inciter M. Lamash à la bagarre pour avoir mis son frère en isolement.

[18] L’examen de l’incident dans la douche par M. Erickson a révélé que seul M. Ransome avait vu M. Lamash frapper le détenu SW. Cinq des six agents impliqués dans cet incident n’ont rien dit à ce sujet. M. Erickson a interrogé chacun d’eux et a demandé si l’agent avait vu un coup, mais aucun ne s’en souvenait. M. Ransome n’a pas mentionné initialement le coup dans son RODA, mais a présenté les renseignements supplémentaires à une date ultérieure, ce qui a engagé un risque important pour sa carrière, selon M. Erickson, en raison de la possibilité de représailles de la part de ses collègues pour ses actes. M. Erickson n’a vu aucun avantage à ce que M. Ransome dise la vérité, car comme les autres, M. Ransome a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir déposé un faux RADO, à la connaissance de M. Erickson.

[19] Pour sa part, M. Lamash a examiné tous les RODA avant qu’ils ne soient soumis et il n’a pas permis aux CX concernés de quitter le bureau de l’unité avant d’avoir examiné les RODA, selon M. Ransome. Selon la version des événements de M. Lamash, il est entré dans la cellule de douche pour ajuster et aider les agents présents dans le processus de décontamination, et il n’a jamais frappé le détenu. Sur l’enregistrement vidéo de l’extérieur de la cellule de douche, on peut entendre le détenu déclarer que M. Lamash l’a frappé. Pour sa part, M. Lamash a nié avoir examiné les RODA déposés au sujet des événements du 22 juin 2014.

[20] En contre‑interrogatoire, le représentant des fonctionnaires a cherché à savoir si M. Ransome avait changé son RODA. Selon M. Erickson, M. Ransome a reçu un appel de M. Lamash l’enjoignant à ne pas le modifier. M. Erickson n’a pas demandé un registre des appels pour vérifier que l’appel avait été effectué. Apparemment, M. Ransome a consulté son conseiller syndical, CX GS, sur ce qu’il fallait faire. M. Erickson n’était pas au courant de la relation conflictuelle entre CX GS et M. Lamash.

[21] Au cours de son entrevue et après l’examen de son RODA, M. Ransome a dit aux enquêteurs qu’il avait vu M. Lamash frapper le détenu HW pendant la descente sur la rangée, que le détenu HW ne se débattait pas à ce moment‑là, que, lorsque le détenu HW était au sol, il n’a pas résisté et s’est conformé aux ordres, que le détenu SW avait menacé M. Lamash, que M. Lamash avait répondu qu’il aurait sa chance et que, pendant la décontamination du détenu SW sous la douche, M. Lamash est entré et lui a donné un coup de pied dans la zone inférieure du corps.

[22] Pour M. Erickson, M. Ransome semblait sincère et faire preuve de remords, et sa version des événements dans la zone de douche a été confirmée par les images de la caméra portative. M. Ransome a dit aux enquêteurs que M. Lamash avait dit aux CX du bureau de l’unité quels renseignements, quelle terminologie et quelles circonstances utiliser dans leurs RODA pour justifier le recours à la force. Selon M. Erickson, la terminologie utilisée dans tous les RODA soumis ce jour‑là est compatible avec le recours à la force. Sean Samms, un CX, a corroboré le fait que M. Lamash avait orienté le contenu des RODA auprès des agents qui devaient les rédiger. Selon M. Erickson, les RODA soumis ne correspondaient pas à la preuve vidéo, et selon lui, il était donc logique qu’il y ait eu une discussion sur ce qu’il fallait y inclure.

[23] Selon M. Shaukat, au cours de son entrevue avec les enquêteurs, il a déclaré que le détenu HW avait serré les poings et avait adopté une position agressive. Il avait refusé de se conformer aux ordres et de s’enfermer. Lorsque M. Shaukat a examiné la preuve vidéo et a constaté les incohérences avec ce qu’il avait signalé, il a déclaré aux enquêteurs qu’il croyait que c’était ce qu’il avait vu à ce moment-là. Il était dans la salle de sous‑contrôle de l’unité et avait donc un champ de vision limité. M. Lamash l’avait retiré de son poste afin qu’il puisse aider à l’extraction de cellule du détenu SW.

[24] M. Shaukat était le CX qui avait administré l’aérosol dans la cellule pendant l’extraction. Il l’a pulvérisé à travers le guichet à nourriture, mais le détenu SW avait bloqué le guichet avec son corps, et l’aérosol a ricoché et contaminé toute la rangée, les autres détenus et les agents présents. Au début, M. Shaukat a déclaré qu’il n’avait vu aucun des coups de matraque parce qu’il tentait de pulvériser de nouveau l’aérosol, mais il a admis plus tard qu’il avait vu [traduction] « quelques » coups de matraque.

[25] Au cours de l’entrevue dans le cadre de l’enquête disciplinaire, il est revenu sur ses commentaires formulés dans son RODA sur le fait d’avoir vu le détenu HW avec les poings serrés et adoptant une position agressive. Il a indiqué que personne ne lui avait donné des directives quant au contenu de son RODA.

[26] M. Erickson a témoigné que M. Pye n’était pas impliqué à l’égard du détenu HW. M. Pye est intervenu avec d’autres agents lors de l’incident relatif à l’extraction de cellule. Il a dit aux enquêteurs qu’il avait entendu le détenu SW proférer des menaces de mort à l’égard de M. Lamash, ainsi que du détenu C, mais rien d’autre parce qu’il n’était pas assez proche. Il a vu le détenu SW saisir la jambe de M. Lamash et essayer de le mordre. Il n’a vu aucun coup de matraque. Encore une fois, personne ne lui a dit quoi écrire dans son RODA.

[27] M. Pye devait surveiller le détenu SW pendant sa douche de décontamination. Selon M. Erickson, il n’a pas signalé que M. Lamash avait donné un coup de pied au détenu, ce qu’il aurait dû faire. M. Pye a vu M. Lamash entrer dans la douche deux fois alors que le détenu SW était à l’intérieur, ce qui était contraire à la politique, puisqu’apparemment, le détenu SW avait proféré des menaces de mort à l’égard de M. Lamash. M. Pye ou l’un des agents présents auraient dû empêcher M. Lamash d’entrer.

[28] Au cours de l’incident de recours à la force avec le détenu HW, les agents présents n’ont pas correctement évalué le risque sur la rangée, n’ont pas discuté de ce qui allait se produire et n’ont pas informé le GC avant de descendre dans la rangée selon les directives de M. Lamash. Selon M. Erickson, Mme Krstic était la CX‑02 chargée de l’unité ce jour‑là. Lorsque des agents descendent dans une rangée sans évaluer le risque, il en résulte souvent des blessures aux agents ou aux détenus. Le plus important dans une situation de recours à la force est la sécurité des agents et de la rangée.

[29] Le Modèle de gestion des situations (MGS) compte plusieurs options en ce qui concerne les moyens d’intervention et les agents doivent recourir aux moyens les moins restrictifs. Dans la présente affaire, M. Lamash est passé directement aux armes et a recouru à la force. Les autres agents présents n’ont pas recouru à la force. Les RODA remplis ce jour‑là ne correspondaient pas aux enregistrements vidéo de l’événement; les RODA n’étaient pas exacts. Ils ont décrit le détenu HW comme ayant eu les poings serrés, mais ses mains étaient en position de reddition. Il a été décrit comme adoptant une position agressive, mais il bat en retraite sur la vidéo. Il n’a fait preuve d’aucune résistance lorsqu’il était au sol. M. Ransome et M. Samms ont tous deux dit à M. Erickson que M. Lamash leur avait ordonné d’inclure une mention des poings serrés et de la position agressive dans leur RODA.

[30] L’incident concernant le détenu SW a été décrit dans tous les RODA en des termes qui transmettaient le sens d’une prise d’otage sans utiliser ces mots exacts, parce que, selon M. Erickson, cela invoquait l’exigence de protocoles très particuliers. Les CX interrogés ont tous dit que le détenu SW souhaitait attaquer M. Lamash et que ce dernier lui avait dit qu’il aurait sa chance. Il n’y a eu aucune négociation avec le détenu SW et aucune tentative n’a été faite en vue de désamorcer la situation. Personne n’a communiqué avec le GC et le Poste principal de contrôle des communications (PPCC). Personne n’a regardé par la fenêtre extérieure pour vérifier la situation à l’intérieur de la cellule ou l’état du détenu C. Selon M. Erickson, il aurait fallu procéder à une extraction de cellule effectuée par des agents bien formés et la mener selon la politique qui a été enregistrée sur bande vidéo, et tout le monde aurait connu exactement leur rôle.

[31] Mme Krstic était l’agente chargée de l’unité au moment pertinent, même si M. Lamash a agi comme s’il l’était et l’a supposé. Les agents présents, qui ont participé au recours à la force, auraient dû lui demander de plus amples renseignements ou des directives avant de suivre aveuglément M. Lamash. Selon M. Erickson, Mme Krstic aurait dû demander à M. Lamash de se retirer après le premier recours à la force contre le détenu HW; au lieu de cela, elle a renoncé à ses responsabilités et a permis à M. Lamash de continuer.

[32] Leon Durette a consacré les cinq dernières années de sa carrière au SCC à examiner les dossiers de recours à la force pour l’employeur. Avant cela, il était un formateur principal à l’échelle nationale pour les EIU. Il a consacré une grande partie de sa carrière à former des CX sur les théories du recours à la force et sur les techniques appropriées. Il a témoigné qu’au moment de leur intégration au SCC, les CX suivent une formation en autodéfense, en arrestation et en techniques de maîtrise, à l’aide de matraques et d’autres armes, et d’armes à feu. Les CX sont informés de leurs responsabilités légales et des limitations juridiques qui leur sont imposées lorsqu’ils recourent à la force. La formation met l’accent sur la défense de soi et d’autrui, et non sur l’agression. On n’enseigne pas aux CX à combattre. Si un détenu est potentiellement violent, on enseigne aux CX à maintenir une distance sécuritaire, ce qui leur donne le temps et l’espace pour réagir, pour se défendre. On enseigne aux CX qu’ils ne doivent pas réagir à la force par la force, ce qui n’aboutit qu’à une augmentation de la force, mais qu’ils doivent plutôt réorienter la force et distraire le détenu. Ce faisant, le CX facilite la maîtrise du détenu ou permet de se sortir de la situation menaçante.

[33] Selon M. Durette, les CX apprennent que la matraque est une arme défensive. Il existe des règles particulières pour l’utiliser, et elle ne doit être utilisée que lorsqu’il y a un risque de lésions corporelles graves ou de décès. Des coups de matraque ne doivent jamais être portés à la tête, au cou, à la gorge, à la colonne vertébrale ou à l’aine, mais uniquement aux jambes et aux bras. Les CX doivent faire preuve de jugement quant au nombre de coups requis, selon la situation. Après chaque coup, ils doivent réévaluer la situation. L’intention n’est pas de punir le détenu. Selon M. Durette, le bouclier a été introduit en 2014 et tous les CX ont été formés à son utilisation. À la suite de la certification initiale, ils doivent renouveler leur certificat chaque année. Des agents chimiques peuvent être utilisés, mais le contenant qui les contient n’est pas destiné à être utilisé comme une arme.

[34] De plus, selon M. Durette, il existe différents types d’incidents de recours à la force; certains sont planifiés, d’autres sont spontanés et nécessitent une intervention immédiate à une menace immédiate. Une situation peut devenir agressive si un détenu a proféré des menaces verbales ou s’oppose aux ordres ou aux directives d’un CX de s’enfermer; cela peut se transformer en une situation de résistance physique. Selon l’évaluation de M. Durette, il n’est pas raisonnable, conformément au MGS, qui est un graphique utilisé pour évaluer le risque d’une situation et la réponse appropriée, d’utiliser une matraque si le détenu ne profère que des menaces verbales. Pour utiliser une arme, comme la matraque, un détenu doit également faire preuve d’autres comportements.

[35] M. Durette a examiné l’enregistrement vidéo des incidents en litige. Il a vu un seul détenu marcher dans la rangée, parlant à d’autres détenus. Les CX s’approchent et lui demandent de se conformer à un ordre de s’enfermer. Initialement, il n’y a aucun signe d’agression de la part du détenu. Il recule pour éviter les CX et pour créer une distance par rapport à eux. Le MGS exige que les CX tentent d’obtenir la conformité volontaire, puis d’isoler et de contenir le détenu et de communiquer avec lui. Le détenu est mis à terre et les agents appliquent des techniques d’arrestation et de maîtrise.

[36] Quelques minutes plus tard, les agents procèdent à l’extraction de cellule d’un autre détenu, après quoi le détenu est mis à terre et frappé avec une matraque avant d’être emmené.

[37] Pierre Bernier était le directeur de l’EE à la date de ces événements et était l’autorité disciplinaire dans tous ces griefs. Il a assumé le poste de directeur le 1er décembre 2014. La première chose qu’il a reçue a été la lettre de congédiement de M. Lamash aux fins de signature. Ni le rapport d’enquête disciplinaire, ni les enregistrements vidéo, ni les rapports sur le recours à la force ne lui ont été fournis. Finalement, les documents nécessaires lui ont été fournis. Les examens du recours à la force étaient conformes à leurs conclusions selon lesquelles le recours à la force avait été excessif et inapproprié à tous les niveaux du processus d’examen.

[38] Selon M. Bernier, la direction a rejeté une enquête initiale sur le recours à la force menée par deux GC, soit Chris Saint et Jennie Reddick, à l’établissement, qui a conclu qu’aucun acte répréhensible n’avait été commis. Elle a été rejetée parce que les conclusions des GC n’étaient pas compatibles avec celles de quiconque dans le processus d’examen. L’enquête a été annulée et M. Erickson en a mené une deuxième. La lettre que M. Bernier devait signer le 1er décembre 2014, sur la recommandation du bureau national des relations de travail du SCC, était fondée sur le rapport de M. Erickson (le « rapport Erickson »).

[39] M. Bernier a demandé la raison pour laquelle une audience disciplinaire n’avait pas été tenue à l’égard de M. Lamash. Tracey Farmer, qui avait été la directrice par intérim avant que M. Bernier n’assume le poste, l’a informé que M. Lamash avait refusé de participer à une telle audience.

[40] Avant de signer la lettre de licenciement, M. Bernier a examiné l’enregistrement vidéo des incidents et a lu le rapport Erickson et les RODA. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas passer outre les 14 coups de matraque portés au détenu SW. Il a parlé à M. Erickson et à M. Lapointe afin de s’assurer que le contenu de la lettre de licenciement était exact.

[41] D’après son évaluation, le libellé de la lettre de licenciement selon lequel les actes de M. Lamash étaient excessifs était très fort. M. Bernier a fait en sorte que le libellé soit modifié pour tenir compte du fait que, selon la prépondérance de la preuve, il a conclu que les actes de M. Lamash étaient excessifs. Une des raisons de ce changement était qu’il se demandait pourquoi M. Lamash avait pris en charge l’opération tout seul et pourquoi il était allé directement au point de contact, alors qu’il aurait pu isoler le détenu HW et discuter ou négocier avec lui.

[42] M. Bernier a également vu sur la vidéo ce qu’il considérait comme une escalade inutile des événements qui a déclenché le deuxième incident de recours à la force avant la fin du premier. M. Lamash se rend dans une autre cellule pour parler à quelqu’un, causant ainsi deux situations qui devaient être réglées. Lorsque M. Lamash a utilisé l’aérosol, cela a touché ses collègues et toutes les autres personnes sur la rangée. La tête du détenu a été frappée contre le mur. Au moins neuf CX étaient impliqués, ce qui a causé de la confusion.

[43] M. Bernier a également critiqué une grande partie de ce qu’il a vu sur l’enregistrement vidéo, notamment l’extraction de cellule improvisée du détenu SW au cours de laquelle personne n’était convenablement équipé et personne ne portait des masques à gaz. M. Lamash a été vu brandissant la matraque et frappant SW avec celle‑ci 14 fois d’une manière que l’employeur n’enseigne pas. Selon M. Bernier, ce qui semblait être un recours à la force planifié au préalable était, selon son évaluation, un désastre. M. Lamash semblait être aux commandes. Il avait ordonné l’utilisation du bouclier, du gaz et de la matraque, mais le véritable résultat fut le chaos total. M. Lamash est ensuite entré deux fois dans la cellule de douche, et personne ne l’a arrêté. Les agents présents ne l’ont pas empêché d’agresser le détenu SW sous la douche.

[44] Selon ce que M. Bernier a visionné sur l’enregistrement vidéo de la décontamination du détenu SW, M. Shaukat avait un bon contrôle de la situation. M. Lamash n’avait rien à faire là, mais il s’est frayé un chemin et est entré deux fois dans la cellule de douche. Il n’est parti qu’après l’arrivée du GC. Le problème était que M. Shaukat avait nié le fait que M. Lamash était entré dans la cellule de douche jusqu’à ce qu’il soit confronté à la vidéo de ce fait. M. Pye a dit que M. Lamash se trouvait à moins de six pouces du visage du détenu dans la douche, mais M. Bernier souhaitait toujours savoir pourquoi M. Lamash s’y trouvait. Mme Krstic et Amber Delorme étaient chargées de la rangée ce jour‑là. M. Ransome a dit à M. Bernier que M. Lamash avait donné un coup de pied à SW pendant qu’il était sous la douche.

[45] En se fondant sur tout ce qu’il a vu, lu et entendu, M. Bernier a mis fin à l’emploi de M. Lamash le 4 décembre 2014, pour motif valable. Il avait perdu confiance en lui. Les agressions contre les détenus et la culture d’abus à l’EE devaient cesser, et le congédiement constituait la seule solution. Le style de leadership négatif de M. Lamash mettait en péril l’emploi des autres agents.

[46] Pour sa part, à son audience disciplinaire, même s’il était clair sur l’enregistrement vidéo que M. Lamash était entré dans la cellule de douche deux fois, M. Shaukat n’a pas pu expliquer la raison pour laquelle il avait déclaré que personne n’était entré dans la cellule de douche. À son audience disciplinaire, M. Pye, qui avait mentionné dans sa réfutation au rapport disciplinaire qu’il avait vu M. Lamash entrer dans la cellule de douche, a dit à M. Bernier qu’il aurait dû l’inclure dans son RODA et qu’il aurait dû présenter un RODA plus détaillé.

[47] M. Bernier était convaincu que M. Lamash avait agressé le détenu SW dans la cellule de douche après l’extraction et que M. Shaukat et M. Pye avaient omis de signaler l’incident. Ce qu’il croyait était fondé sur les renseignements qu’il avait reçus de M. Ransome, de M. Samms, d’autres agents qui ont fait l’objet d’une mesure disciplinaire, mais qui n’ont déposé aucun grief, et sur l’enregistrement vidéo. Les versions des événements de M. Shaukat et de M. Pye ne correspondaient à aucun autre renseignement dont disposait M. Bernier. Il incombait à M. Shaukat et à M. Pye de garder M. Lamash hors de cette cellule de douche ce jour‑là et ils ne se sont pas acquittés de cette obligation de manière convenable. En outre, ils auraient dû rendre compte honnêtement de ce qui s’est passé; ni l’un ni l’autre ne l’ont fait.

[48] À son audience disciplinaire, M. Ransome a dit à M. Bernier qu’il avait vu M. Lamash donner un coup de pied au détenu SW lorsqu’il était dans la cellule de douche, confirmant ainsi ce qu’il avait dit à M. Erickson et à M. Lapointe. Tout comme les autres, M. Ransome a dit à M. Bernier qu’il avait été contraint de rédiger son RODA de façon à satisfaire M. Lamash.

[49] En se fondant sur tous ces renseignements, M. Bernier a déterminé que M. Shaukat et M. Pye étaient des victimes de M. Lamash. M. Pye s’est vu imposer une sanction pécuniaire de 1 000 $ pour défaut d’agir, pour négligence dans l’exercice de ses fonctions, pour son mauvais traitement d’un détenu et pour avoir présenté un faux RODA. M. Shaukat s’est vu imposer une sanction pécuniaire de 1 000 $ pour avoir omis de signaler que M. Lamash était entré dans la cellule de douche, en plus des autres motifs pour lesquels M. Pye a été jugé coupable.

[50] M. Bernier a témoigné que l’EE aurait pu avoir des pratiques différentes quant à savoir qui pouvait transporter le vaporisateur MK09 d’OC. Il s’agit d’un vaporisateur plus gros que le vaporisateur de protection individuelle porté sur le ceinturon de service des agents. Dans la plupart des établissements du SCC, il est conservé au poste de commandement de l’unité avec le bouclier et la matraque, mais ce jour‑là, comme on peut le voir clairement sur l’enregistrement vidéo, M. Lamash le portait sur son ceinturon de service, ce qui était acceptable à l’époque à l’EE. De même, il se peut que l’EE ait eu des pratiques différentes quant à la fermeture des barrières en vue d’isoler une rangée. Il se peut qu’il y ait eu d’autres pratiques particulières en jeu ce jour‑là, mais aucune n’aurait justifié les actes que M. Bernier a vus sur la vidéo, surtout les 14 coups avec une matraque et l’entrée dans la cellule de douche pour agresser le détenu. Rien ne justifiait non plus l’intimidation et le harcèlement d’autres agents pour qu’ils mentent dans leur RODA ou qu’ils présentent de faux RODA.

[51] Pour leur part, les fonctionnaires ont soutenu qu’un incident de recours à la force n’est jamais très beau ou facile à observer, mais qu’il constitue une partie intégrante du travail des CX. Ils ont exercé leurs fonctions ce jour‑là suivant la politique et le MGS et ont agi dans l’exercice de leurs fonctions lorsque les incidents de recours à la force sont survenus. La force utilisée était raisonnable et nécessaire dans la situation donnée pour protéger l’établissement, les détenus et eux‑mêmes. Les RODA indiquent fidèlement leurs souvenirs des événements tels qu’ils existaient le jour où les RODA ont été rédigés. Des incohérences ont été créées par le brouillard résultant de la poussée d’adrénaline vécue par une personne au cours d’un événement de recours à la force.

[52] M. Pye était un CX-01 affecté aux unités C et D à l’EE à la date de l’incident. Il a témoigné que la partie dangereuse de répondre à un appel à gérer les détenus dans une condition autre que normale (CAN) est qu’un CX n’est jamais sûr de ce qu’il aura à gérer. Un détenu qui serait par ailleurs coopératif et raisonnable devient moins coopératif et plus susceptible d’être violent lorsqu’il est en état d’ébriété. Les agents ne peuvent pas raisonner avec un détenu qui est dans une CAN et la probabilité de violence augmente. Le processus du MGS n’est pas aussi efficace lorsqu’il s’agit de gérer des détenus qui sont en état d’ébriété. Ils ne suivront pas des directives simples et il est difficile de les inciter à tenir une conversation officieuse. Les choses peuvent s’aggraver rapidement et le CX ne peut pas prédire le déclencheur ou suivre une progression des mesures définie.

[53] En ce qui concerne la journée en question, M. Pye a déclaré qu’il se souvenait d’avoir entendu M. Shaukat demander à la radio l’aide du GC et du personnel, pour intervenir à l’unité A. Lorsqu’il est arrivé, l’unité était chaotique et bruyante. M. Pye pouvait entendre les détenus frapper et donner des coups de pied à leur porte. M. Pye et Donald Roussel, un CX, se sont placés à l’extérieur de la cellule du détenu SW. M. Roussel s’est entretenu avec le détenu SW. En arrière‑plan, d’autres CX ont rassemblé de l’équipement. M. Pye ne se souvenait pas de la conversation de M. Roussel avec le détenu, mais la situation était plus calme que lorsque tout le monde s’était réuni à l’extérieur de la porte de la cellule. Lorsque M. Lamash est arrivé, le détenu SW a commencé à le menacer, ainsi que l’autre détenu dans la cellule.

[54] Selon M. Pye, aucune discussion n’a eu lieu sur ce qui allait se passer et sur le rôle de chacun avant d’ouvrir la porte de la cellule. M. Lamash a dit au détenu de se retourner et de passer ses mains à travers le guichet à nourriture afin qu’il puisse être menotté, mais le détenu a refusé. Cet ordre était conforme au MGS et est donné pour évaluer la volonté d’un détenu de se conformer aux agents.

[55] M. Pye ne se souvenait pas qui avait donné le premier signal pour ouvrir la porte de la cellule. Il n’a été attribué aucun rôle particulier avant qu’elle ne soit ouverte; il était là pour aider, dans la mesure du possible. Lorsqu’elle s’est ouverte, le détenu SW s’est précipité en avant et sur le côté du bouclier qui avait été obtenu du poste de sous‑commande et de contrôle de l’unité appelé [traduction] « la bulle ». Selon M. Pye, cela s’est produit parce que M. Ransome n’avait pas déployé correctement le bouclier, ce qui a permis au détenu de l’éviter et d’attaquer les agents présents. Le vaporisateur déployé sur le détenu a frappé le bouclier et a ricoché, atteignant ainsi les agents.

[56] M. Pye a travaillé avec les autres agents présents pour maîtriser le détenu. Il a saisi les bras du détenu et a tenté de les placer en arrière du détenu afin de les menotter. M. Pye a réussi à saisir la main droite du détenu. Le détenu tenait la jambe de M. Lamash avec sa main gauche. M. Lamash a réussi à libérer la main gauche du détenu de sa jambe et à la donner à M. Pye. À ce moment‑là, le détenu a essayé de mordre M. Pye. Finalement, M. Pye a réussi à amener les bras du détenu à l’arrière du corps de ce dernier, et un autre agent lui a mis des menottes.

[57] Après que les agents ont réussi à mettre debout le détenu, celui-ci a continué à ne pas coopérer. Il refusait de marcher et luttait contre les CX qui tentaient de le maîtriser. Finalement, il a été emmené à la douche sur la rangée supérieure, aux fins de décontamination.

[58] M. Pye ne se souvenait pas d’avoir vu des coups de matraque parce qu’il avait été aveuglé par l’OC en vaporisateur. Si M. Lamash avait donné un coup de matraque, il aurait frappé M. Pye parce qu’il était sur le dos du détenu, tentant de le menotter par l’arrière. Lorsqu’il était dans la pile des agents, M. Pye a essayé de maîtriser le détenu et de lui appliquer des contentions. Il s’est servi de son corps pour couvrir la partie supérieure du torse et la tête du détenu et il était directement dans la ligne de mire des coups de matraque, s’il y en avait eu.

[59] Selon M. Pye, une fois que le détenu a été immobilisé dans la partie mouillée de la douche, M. Shaukat a ouvert l’eau pour lui. Le détenu était toujours menotté lorsque M. Shaukat a tenté d’obtenir sa conformité, afin d’enlever les contentions. Toutefois, le détenu ne coopérait toujours pas sur le plan physique. En fin de compte, M. Lamash s’est présenté à la zone de douche. On a dit à M. Lamash que le détenu ne coopérait toujours pas. Il est entré dans la cellule de douche et a ordonné au détenu de se lever et de se doucher correctement, ce que le détenu a ignoré.

[60] Le détenu SW a manifesté son hostilité à l’endroit de M. Lamash après qu’il soit entré dans la cellule de douche et ne coopérait pas avec tout le monde présent. M. Pye n’a pas trouvé étrange que M. Lamash soit venu à la décontamination du détenu SW parce que, dans le cadre du rôle d’EM‑32 de M. Lamash, il était chargé du transfert du détenu à l’unité d’isolement. Il était normal qu’il vérifie l’état de la décontamination. Il y a des pressions sur l’EM‑32 pour assurer le bon fonctionnement au sein de l’établissement.

[61] Il n’est pas rare que les détenus ciblent une personne, même lorsque beaucoup d’autres sont présents. Le détenu SW a ciblé M. Lamash, ce qui indiquait l’état d’ébriété du détenu. M. Pye ne savait pas quand M. Lamash était censé avoir agressé le détenu dans la cellule de douche. M. Pye était certain que cette agression ne s’était pas produite pendant qu’il regardait dans la cellule de douche. M. Lamash n’a été sur les lieux que brièvement. Lorsqu’il est sorti de la cellule de douche, M. Lamash n’était ni mouillé ni décoiffé. Un GC était présent lorsque M. Lamash a poussé pour entrer dans la cellule de douche. M. Pye s’est demandé pourquoi le GC autoriserait M. Lamash à entrer dans la cellule de douche s’il y avait un problème quant à la façon dont la situation était gérée. Personne n’a réagi lorsque M. Lamash est entré dans la cellule de douche. M. Pye n’a rien entendu de la part du détenu et le GC présent n’a pas réagi.

[62] Selon M. Pye, M. Lamash a ensuite haussé le ton de sa voix et donné l’ordre au détenu de finir de se doucher. Il a appuyé sur le bouton d’eau et a quitté la cellule de douche. À ce moment‑là, le GC, Jamie Cook, était sur les lieux. Il n’a donné aucune directive aux agents présents. Le détenu a continué de ne pas se conformer aux agents. Il a fini par se calmer. Après la décontamination, il a été escorté à l’unité d’isolement. M. Pye est retourné au sous‑contrôle des unités C et D jusqu’à 20 h, après quoi il est allé au bureau de l’unité C et a rédigé son RODA.

[63] Selon M. Pye, à la suite de l’incident, il y a eu beaucoup de commérages à l’EE au sujet des événements. Des agents d’une autre unité, soit l’unité G/H, lui ont demandé à deux reprises s’il avait entendu le détenu SW proférer des menaces. Lorsqu’il l’a confirmé, M. Pye a été averti de ne pas le dire, parce que les enquêteurs le cibleraient s’il le disait. M. Pye a dit aux agents de l’unité G/H qu’il avait absolument entendu les menaces proférées dans la cellule où se situait le détenu SW et qu’il en avait fait état.

[64] Lorsque M. Pye a refusé de modifier son RODA pour supprimer toute référence aux menaces proférées par le détenu, il est devenu la cible de moqueries et d’attaques personnelles de la part de l’équipe de l’unité G/H dirigée par CX GS. Il a signalé cette situation à son représentant syndical, Michael Inkpen, qui lui a conseillé de discuter avec l’employeur au sujet de la pression qu’il subissait. Lorsqu’on a demandé à M. Pye la raison pour laquelle ses collègues de l’unité G/H souhaitaient que le RODA soit modifié, il a déclaré que, s’ils réussissaient à le convaincre ainsi que d’autres de supprimer les références aux menaces dans leur RODA, il semblerait pour la direction que M. Lamash avait ouvert la porte de la cellule sans raison, car il n’y avait pas de menace imminente. Il était connu qu’il existait un conflit entre CX GS et M. Lamash; M. Lamash a quitté l’unité G/H en raison des comportements de l’équipe avec laquelle il travaillait à cette unité. Selon M. Pye, les agents évitaient à tout prix de travailler aux unités G et H en raison du comportement de gang dont faisaient preuve les agents qui ont choisi d’y travailler. Si un agent comme M. Lamash choisissait de quitter l’unité, le CX devenait une cible de l’équipe loyale au CX GS.

[65] Selon M. Pye, lors de sa réunion de réfutation avec M. Bernier, M. Inkpen, Laura Contini et un représentant des Ressources humaines, Mme Contini a parlé le plus souvent pendant la discussion. On lui a dit qu’ils n’étaient pas là pour discuter de sa version des événements, car ils étaient certains de ce qu’il s’était passé. Lorsqu’on a demandé à Mme Contini de fournir des renseignements en vue de clarifier les questions de l’employeur, elle a répondu que M. Pye savait de quoi parlait l’employeur. Selon M. Pye, il était clair pour lui que les représentants de l’employeur ne souhaitaient pas entendre qu’il n’avait observé aucune agression au cours des premiers incidents ou dans la cellule de douche. Dans leur réponse, les représentants de l’employeur ont déformé ce qu’il leur avait dit. Mme Contini est devenue contrariée à l’égard de M. Pye lorsqu’il a tenté de clarifier ses réponses.

[66] Selon M. Pye, M. Bernier a été très mordant lors de la réunion. Il a informé M. Pye et M. Inkpen qu’il n’était pas sûr de ce qui s’était passé dans la cellule de douche, mais que, selon la façon dont M. Lamash marchait, il était sûr que quelque chose avait eu lieu. Il a décrit que, sur l’enregistrement vidéo, M. Lamash marchait avec la poitrine gonflée et de façon agressive, et a déclaré que M. Lamash balançait ses bras.

[67] À la réunion, lorsque M. Pye a signalé à l’employeur qu’il était ciblé par l’équipe de l’unité G/H, Mme Contini lui a demandé s’il avait pris la peine de le signaler; il faisait exactement cela. Elle était indifférente à ses préoccupations. Après cette réunion, il n’a plus entendu parler de ses allégations.

[68] Dans sa réfutation, M. Pye a admis qu’il ne s’était pas bien exprimé lorsque de l’alcool illégal a été trouvé dans l’unité A. Il avait tenté de dire que les détenus étaient [traduction] « en état d’ébriété », et non qu’une fouille de cellule avait révélé de l’alcool illégal. Il ne faisait que transmettre les renseignements qui lui avaient été communiqués à son arrivée à l’unité, comme il les comprenait. Il a fait état honnêtement des menaces qu’il avait entendues ce jour‑là, ce qui est devenu un problème pour le comité d’enquête. L’ingérence de la part de CX GS et de son gang dans le processus d’enquête a faussé le résultat au point que M. Pye a fini par être accusé d’avoir fait de fausses déclarations.

[69] La réunion disciplinaire à laquelle M. Pye a assisté avec M. Inkpen et M. Bernier a été très brève. M. Bernier a dit à M. Pye qu’il était manifestement coupable et qu’une amende correspondant à quatre jours de salaire lui était imposée. M. Pye était stupéfait; il s’agissait de la première et de la seule mesure disciplinaire figurant à son dossier d’emploi.

[70] La mesure disciplinaire imposée à M. Pye et les événements de cette journée ont eu un effet préjudiciable sur sa carrière auprès de l’employeur. Il s’est vu refuser à quatre reprises la possibilité de devenir membre de l’EIU en raison de sa participation ce jour‑là. Le chef de l’EIU a informé M. Pye qu’il ne pouvait pas accepter M. Pye comme membre de l’équipe parce qu’il semblerait qu’il le faisait par rancune à l’égard de la direction. Lorsqu’il était le directeur adjoint des opérations par intérim et coordonnateur de l’EIU, Eric Gagné a dit à M. Pye que, s’il abandonnait son grief, M. Gagné était disposé à l’accepter en tant que membre de l’EIU. M. Gagné a dit à M. Pye qu’il discuterait avec M. Bernier et qu’il l’ajouterait à l’équipe, mais M. Pye a refusé de retirer son grief. M. Saint a dit à M. Pye de ne pas présenter sa candidature pour un poste CX‑02 en raison de la situation.

[71] M. Pye a témoigné qu’en raison de la situation, les gens remettaient en question son intégrité et son honnêteté. Lorsqu’il a fait confiance au processus, celui-ci l’a laissé tomber. Il a vu un agent perdre son emploi et d’autres se sont vus imposer une amende pour avoir fait leur travail et pour ne pas avoir suivi d’autres qui ont tenté d’influencer le résultat des enquêtes.

[72] M. Shaukat était un CX‑01 en 2014 et il était affecté aux unités A et B à l’EE. Le jour en question, il travaillait à l’intérieur de la bulle. Au moment de l’incident, il avait traité avec quelques détenus qui étaient en CAN ou en état d’ébriété. Il les a décrits comme imprévisibles. Leurs capacités de jugement et de prendre des décisions ont été réduites par les effets de l’alcool. Les CX ne peuvent pas obtenir la conformité d’un détenu qui est dans cet état, donc traiter avec un tel détenu est tout sauf normal. Les tactiques normales déployées par un agent, comme donner des ordres verbaux, recourir à la force ou causer de la douleur, ne sont habituellement pas efficaces à l’égard d’un détenu qui est en CAN.

[73] Traiter avec des détenus qui sont en état d’ébriété comprend un risque plus élevé par rapport au traitement de détenus normaux. Dans cette situation, deux détenus étaient dans la même cellule, ce qui était contraire aux politiques de l’employeur s’ils n’avaient pas été affectés à la même cellule. Le MGS exigeait une forte présence de CX pour gérer la situation.

[74] Les incidents qui ont donné lieu à la mesure disciplinaire sont survenus lorsqu’on a ordonné aux détenus de s’enfermer, en préparation du décompte en établissement. Tout le monde s’était enfermé, à l’exception du détenu HW. Malgré les multiples ordres de s’enfermer donnés à l’aide du haut‑parleur, le détenu HW ne se conformait pas. Le détenu éprouvait des troubles d’élocution lorsqu’il a répondu aux ordres de M. Shaukat de s’enfermer, ce qui était inhabituel pour lui. Habituellement, le détenu HW se conformait à l’ordre de s’enfermer. Compte tenu de sa résistance à suivre les ordres, de ses troubles d’élocution et de son comportement inhabituel, M. Shaukat a conclu qu’il était en CAN et en a informé les autres agents sur la rangée. Il avait besoin que la situation soit gérée rapidement afin que le décompte puisse être effectué à temps. M. Shaukat a fait appel au bureau de l’unité A afin que des agents puissent assurer l’enfermement du détenu HW dans sa cellule.

[75] De son point de vue dans la bulle, M. Shaukat a dit que quatre agents sont allés à la rangée, dont M. Lamash. M. Shaukat a vu le détenu HW avancer en direction de M. Lamash et il a donc fait appel à l’unité B pour qu’elle vienne en aide à l’unité A. Les actes du détenu ressemblaient à un geste agressif, qui aurait pu être un coup de tête. À partir de la bulle, M. Shaukat ne pouvait pas déterminer la distance entre le détenu et M. Lamash. Selon M. Shaukat, il avait été témoin de la possibilité qu’un détenu attaque un CX.

[76] Constatant que la situation s’aggravait, M. Shaukat a appelé les deux GC présents à l’établissement ce jour‑là. Il a également demandé d’autres agents, car des agents de remplacement seraient nécessaires lorsque les agents traitant avec le détenu HW se rendraient à la décontamination. CX GS a communiqué avec M. Shaukat par radio pour savoir s’il avait besoin d’une aide supplémentaire. En même temps, le guichet à nourriture de la porte de la cellule où se trouvait SW s’est ouvert et une main est sortie, tentant de saisir les agents, ce qui constituait une agression contre eux. Comme l’incident était devenu plus important que prévu, M. Shaukat a donc dit à CX GS qu’une intervention générale à une demande d’aide était demandée.

[77] Après que le détenu HW a été menotté et sorti de l’unité, M. Lamash a demandé à M. Shaukat qu’il soit relevé de son poste dans la bulle pour apporter une aide au niveau de la rangée. M. Shaukat a témoigné qu’il avait quitté la bulle et qu’il avait emporté avec lui le vaporisateur MK09 d’OC. Lorsqu’il est arrivé sur la rangée, la situation était très bruyante et chaotique. Il a été informé que le détenu SW avait pris en otage un détenu dans la cellule A006. Des préoccupations ont été exprimées selon lesquelles si M. Lamash n’entrait pas dans la cellule, le détenu tuerait l’otage.

[78] M. Lamash a demandé au détenu SW de passer ses mains à travers le guichet à nourriture afin de pouvoir le menotter. Le détenu ne s’est pas conformé à la demande et, par conséquent, M. Lamash a ordonné à M. Shaukat de récupérer le bouclier et la matraque de la bulle. M. Shaukat a récupéré la matraque et l’a donnée à M. Lamash. M. Ransome a tenté de donner le bouclier à M. Shaukat, mais la pratique veut que l’agent le plus grand en soit responsable, soit M. Ransome. M. Shaukat a alors refusé de l’accepter de la part de M. Ransome. M. Shaukat était équipé de l’OC en vaporisateur.

[79] Le guichet à nourriture a été ouvert et M. Shaukat a tenté de déployer l’OC en vaporisateur dans la cellule, mais le détenu SW s’est tenu debout devant le guichet, bloquant ainsi le vaporisateur, qui a rebondi sur les agents. Lorsque la porte de la cellule a été ouverte, M. Shaukat s’attendait à ce que M. Ransome entre avec le bouclier et coince le détenu au mur jusqu’à ce qu’il puisse être menotté, conformément à ce qui avait été enseigné aux agents. M. Shaukat devait être le deuxième agent à entrer dans la cellule et M. Lamash et les autres devaient le suivre. Les agents réunis ont convenu collectivement du bon moment pour procéder.

[80] Les événements ne se sont pas déroulés comme prévu. Le détenu s’est précipité sur le bouclier et l’a contourné. M. Shaukat a tenté de déployer l’OC en vaporisateur, mais au moment où il l’a fait, M. Ransome a levé le bouclier, ce qui a bloqué l’aérosol. Le détenu était agressif et résistant, tout en luttant contre les tentatives des agents de le menotter. Il a saisi la jambe de M. Lamash, ce qui constituait un acte d’agression, et il refusait de se conformer aux directives de mettre ses mains dans son dos. M. Shaukat a témoigné que d’où il se trouvait, il avait vu M. Lamash donner deux ou peut‑être trois coups de matraque.

[81] Dans son RODA initial, M. Shaukat n’a pas mentionné avoir vu des coups de matraque. Lorsqu’il a rencontré M. Erickson et M. Lapointe, les enquêteurs lui ont montré l’enregistrement vidéo de l’incident et lui ont fait compter le nombre de coups de matraque. M. Shaukat ne pouvait pas dire que les coups de matraque qu’il a vus sur la vidéo étaient dirigés contre le détenu. M. Shaukat avait été frappé sur le front par un coup de matraque indirect. Il a témoigné qu’il avait probablement été causé par le fait que M. Lamash remontait la matraque. S’il avait été frappé par un coup de matraque descendant, il aurait été frappé à l’arrière de sa tête, car il était sur le détenu.

[82] M. Shaukat a par la suite été reconnu coupable d’avoir fait une fausse déclaration dans son RODA lorsqu’il l’a modifié pour tenir compte de ce qu’il avait vu sur les enregistrements vidéo.

[83] Les enregistrements vidéo de la rangée inférieure (pièce 13) et de la rangée de douches (pièce 16) ont été montrés à M. Shaukat à l’audience. Il a décrit le comportement du détenu SW lorsqu’il a quitté la cellule comme étant résistant et combatif et a déclaré que le détenu ne voulait pas se conformer au menottage, même après avoir reçu des ordres répétés. Le détenu s’est accroché à la jambe d’un agent et ne l’a pas lâché jusqu’à ce qu’il soit forcé de le faire. Pendant qu’il a été transporté à la douche aux fins de la décontamination, il ne marchait pas de sa propre volonté et devait être porté. Tout au long de la marche, il a continué de proférer des menaces à l’égard de M. Lamash.

[84] Le détenu était encore menotté lorsqu’il a été mis sous la douche parce qu’il ne coopérait pas. M. Shaukat a témoigné qu’il est entré pour voir comment il allait. Il a été mis au sol devant la douche et l’eau a été ouverte. M. Shaukat a dû le repositionner en raison de la proximité du rideau de douche, que le détenu a continué de manipuler pour empêcher les agents de le voir dans la douche. M. Shaukat a témoigné qu’il souhaitait enlever les menottes du détenu, mais que son comportement était toujours combatif et qu’il menaçait d’autres agents. Par conséquent, cela aurait été inapproprié. M. Shaukat a continué d’évaluer le comportement du détenu pour déterminer quand ou s’il était approprié d’enlever les menottes. Selon M. Shaukat, le GC Cook est finalement arrivé, mais n’a donné aucune directive quant à la façon de traiter le détenu.

[85] Vers 15 h 58, M. Lamash est arrivé sur les lieux, pendant que le processus de décontamination était en cours. Selon M. Shaukat, il est entré dans la cellule de douche, puis en est ressorti. M. Lamash est entré pour déplacer le rideau, que le détenu avait fermé à coups de pied, et pour rouvrir l’eau. Il est ensuite parti. Lorsqu’on lui a demandé si cela était approprié, M. Shaukat a répondu que, lorsqu’un agent aggrave une situation ou lorsqu’un détenu cible un agent, il convient de retirer l’agent de la situation. M. Lamash ne s’est pas retiré et s’est en fait inséré dans la situation concernant la douche.

[86] Le détenu a continué de ne pas coopérer lorsqu’il a été transféré à l’unité d’isolement. Il a craché sur un agent et a tenté de s’éloigner de M. Shaukat lorsqu’ils étaient dans les escaliers. Le GC Cook est intervenu et ensemble ils l’ont escorté à l’unité d’isolement. Il a continué à cracher et il a résisté lorsque les agents ont recouvert son visage d’une cagoule. Selon le témoignage de M. Shaukat, pendant son transfert à l’unité d’isolement, sa colère est passée de M. Lamash à M. Shaukat. Cette situation n’est pas rare pour les détenus qui sont en CAN et dont la colère est généralement orientée vers ceux qui sont devant eux.

[87] À un moment donné pendant les bagarres, M. Shaukat a été blessé. Une fois que le détenu SW a été mis dans l’unité d’isolement, M. Shaukat est allé à l’hôpital pour y être examiné. Il était accompagné de M. Samms. Ils sont restés à l’hôpital pendant environ quatre heures. À leur retour à l’établissement, M. Shaukat a rempli ses formulaires de demande de prestations d’accidents du travail et son RODA au bureau de l’unité A. Les agents Lamash, Krstic et Ransome étaient au bureau de l’unité à son arrivée. Ils souhaitaient savoir comment M. Shaukat avait été blessé. Il a répondu qu’il ne savait pas exactement, mais qu’il avait ressenti la douleur une fois qu’il s’était calmé après l’incident concernant le détenu SW. À aucun moment les personnes présentes n’ont discuté de ce qu’il fallait inclure dans leur RODA. M. Shaukat n’a pas non plus reçu de directives ou de propositions relatives au contenu de son RODA.

[88] M. Shaukat a décrit l’environnement à l’EE comme étant très toxique. Il a témoigné qu’il a hésité à répondre à un incident de recours à la force si l’équipe de l’unité G/H était l’équipe de secours. L’environnement à l’EE a nui au rendement de M. Shaukat. Le nouveau directeur, M. Bernier, a aggravé la situation. Il déformait les paroles des gens. M. Shaukat s’est senti impuissant à empêcher l’équipe de l’unité G/H de manipuler la direction de l’EE. Il a été interrogé pour la première fois au sujet de ce qui s’était passé dans la cellule de douche avec le détenu SW à l’audience; pourtant, il avait été reconnu coupable et une mesure disciplinaire lui avait été imposée sans qu’il soit interrogé.

[89] M. Shaukat n’a pas non plus été autorisé à répondre à la conclusion selon laquelle il avait quitté la bulle sans autorisation, ce qui a été soulevé lors de la deuxième enquête. Il a témoigné qu’il était l’agent de l’unité et qu’il avait estimé qu’il serait plus utile sur le plancher ce jour‑là. Selon lui, tout CX pouvait travailler dans la bulle, mais sa connaissance des détenus et de leur comportement le rendait plus utile sur le plancher que dans la bulle. Il était courant à l’EE que l’agent de l’unité quitte la bulle pour aider dans l’unité lorsqu’on le lui demandait. Dans cette situation, M. Lamash avait demandé à M. Shaukat de l’aider.

[90] M. Shaukat n’a présenté aucune réfutation à l’audience disciplinaire parce qu’il n’avait aucune confiance dans l’enquête et le processus disciplinaire. Il a rencontré M. Bernier, qui était accompagné de Mme Contini et d’un représentant des Ressources humaines, pour la première fois à l’audience disciplinaire. M. Shaukat a eu l’impression qu’on lui donnait une dernière chance de dire la vérité et d’accepter la version des faits de l’employeur. On lui a demandé si M. Lamash avait agressé le détenu sous la douche, ce à quoi il a répondu : [traduction] « Non. » Tout au long de la réunion, M. Shaukat a eu l’impression que l’employeur tentait d’obtenir de lui des renseignements sur M. Lamash.

[91] M. Lamash a témoigné qu’il avait rejoint le SCC en 2009 à titre de CX‑01 et qu’à partir de ce moment‑là, il n’a travaillé qu’à l’EE. Avant cette date, il était un membre des Forces armées canadiennes (FAC) et avait été déployé trois fois au cours de ses 15 années de service. Il a été libéré pour raisons médicales en 2009 en raison de blessures qu’il a subies pendant son service. Il a témoigné qu’il souffrait de douleurs et de dépression chroniques à la suite d’une blessure dorsale et d’un trouble de stress post‑traumatique attribués à son service auprès des FAC.

[92] Au cours de son orientation à l’EE en 2009, M. Lamash a été rencontré par CX GS, qui lui avait dit qu’il mettait sur pied un groupe d’anciens militaires pour former son équipe aux unités G et H. Selon M. Lamash, l’atmosphère des unités G et H n’était pas mauvaise au début, car tous les anciens militaires partageaient les mêmes idées. La situation est devenue toxique entre M. Lamash et CX GS au fil du temps. La dynamique interpersonnelle des membres de l’équipe n’était pas saine; il y avait beaucoup de coups bas et de conflits internes. Selon M. Lamash, si un agent ne rentrait pas dans le rang, les autres agents de l’unité l’évitaient.

[93] M. Lamash a été étonné par l’impolitesse et l’inconvenance de CX GS envers les autres dans le lieu de travail, y compris les détenus. Selon son témoignage, M. Lamash a confronté CX GS à ce sujet et lui a dit d’arrêter. Le problème, de l’avis de M. Lamash, était que CX GS était un représentant syndical efficace dont les autres dans son unité savaient qu’il était en mesure d’obtenir des résultats. Les GC lui donnaient tout ce qu’il souhaitait.

[94] Selon M. Lamash, les interactions entre M. Lamash et CX GS étaient terribles et faisaient en sorte que chaque jour où ils travaillaient ensemble était terrible. Ce n’était pas amusant pour lui de travailler avec l’équipe de l’unité G/H et de supporter les manigances dont ils faisaient preuve. Lorsque M. Lamash a été promu à un poste CX‑02 aux unités G et H, il parlait très peu avec CX GS. Les équipes le laissaient seul sur les unités G et H pour faire tout le travail, contrairement à la politique et aux exigences de sécurité. Ils évitaient M. Lamash, ou comme ils l’ont dit, ils [traduction] « l’ont placé sur la liste des personnes avec qui il fallait se taire ».

[95] M. Lamash a témoigné qu’il en avait eu assez de ce traitement et qu’il a été muté à l’unité A lorsque l’occasion s’est présentée. Autrement, s’il était resté, il savait que CX GS et les autres agents de l’unité G/H auraient continué de l’intimider. M. Lamash a témoigné qu’il craignait des mesures de représailles lorsqu’il a quitté l‘unité G/H, mais qu’il souhaitait que son temps à l’EE soit agréable. Il était stressé par le fait qu’il ne savait pas ce à quoi il ferait face à chaque quart lorsqu’il se présentait au travail. CX GS criait par les fenêtres de l’unité G/H de l’autre côté de la cour, traitant M. Lamash de rat. Des commentaires ont été formulés dans les lignes de fouille par palpation. D’autres CX se faisaient un devoir d’ignorer M. Lamash devant les autres. Ces activités l’ont humilié. En revanche, l’équipe de l’unité A était bonne, calme avec les détenus et respectueuse. M. Lamash aimait travailler dans cette unité. Le 22 juin 2014, il a été affecté au poste EM‑32, qui est chargé du déplacement des détenus dans l’ensemble de l’établissement.

[96] M. Lamash a témoigné qu’il n’avait suivi aucune formation sur la façon d’orienter le personnel pendant un incident ou sur la bonne exécution des fonctions du poste EM‑32. Il avait suivi très peu de formation sur l’utilisation d’une matraque et, selon son témoignage, il ne se souvenait pas de beaucoup de la formation qu’il avait suivie. Avant le 22 juin 2014, il n’avait jamais utilisé de matraque au cours d’un incident. Il ne se souvenait pas d’avoir suivi une formation sur les différences entre un recours à la force planifié et spontané. Selon son témoignage, il n’a jamais non plus discuté de la distinction entre un recours à la force planifié au préalable, planifié et spontané.

[97] M. Lamash se souvenait que, au cours des cinq ans pendant lesquels il était employé à l’EE, il n’a eu recours à des tactiques de négociation qu’une seule fois. Il n’avait jamais participé à une discussion sur le moment où il fallait utiliser la négociation en tant que tactique pour désamorcer une situation.

[98] Il n’était pas rare que les détenus de l’unité A traînent des pieds et refusent de s’enfermer. Les agents dans la bulle l’informaient et il se rendait sur la rangée avec d’autres agents pour assurer une présence du personnel et tenter de convaincre les détenus de s’enfermer. Selon M. Lamash, en raison des membres du personnel supplémentaires, les détenus ont tendance à écouter. La nuit du 22 juin 2014, M. Lamash ne s’attendait pas à ce que le détenu HW réagisse comme il l’a fait. Selon M. Lamash, il a été étonné par la façon dont les choses se sont déroulées ce jour‑là.

[99] Le détenu HW est devenu hostile dès que M. Lamash est arrivé sur la rangée et il a refusé de suivre la première directive de M. Lamash. Selon M. Lamash, il a vu le détenu adopter une position agressive et serrer les poings. On ne pouvait pas voir cela sur l’enregistrement vidéo de l’incident (pièce 13) parce la vue de la caméra était bloquée par le dos de M. Lamash. Sur la vidéo, le détenu lève les deux mains, ce qui, selon M. Lamash en contre‑interrogatoire, constitue le signe universel de reddition.

[100] Le détenu est devenu agressif envers M. Lamash et en colère contre lui dès que M. Lamash lui a donné des ordres. M. Lamash a témoigné que selon le MGS, le comportement du détenu est passé d’une attitude de non‑coopération physique à une attitude d’agression immédiatement après l’arrivée de M. Lamash dans l’unité. Le détenu a refusé de se conformer aux ordres du personnel, a dit à M. Lamash qu’il était temps de se battre, a fait preuve de gestes agressifs et a fait des commentaires indiquant qu’il souhaitait se battre avec M. Lamash. Les actes du détenu ont montré à M. Lamash qu’il était agressif et qu’il cherchait à se battre avec lui. Cette position agressive a été maintenue jusqu’à ce que l’OC en vaporisateur ait été déployé en direction du détenu.

[101] Selon M. Lamash, il s’était engagé à recourir à la force lorsqu’il est entré dans la rangée. Il était évident pour lui qu’il s’agissait de sa seule option. Une fois que tout le monde s’était engagé à marcher dans la rangée, il aurait été dangereux de se retirer selon M. Lamash, car le retrait aurait causé un blocage, de sorte que personne n’aurait pu bouger. M. Lamash a plutôt déployé l’OC en vaporisateur et le détenu s’est effondré facilement au sol. M. Lamash l’a fait parce qu’il a supposé que le détenu aurait réduit la distance entre eux et l’aurait attaqué. Selon son témoignage, le comportement du détenu a donné à M. Lamash tous les motifs de croire qu’il était en danger.

[102] M. Lamash, s’étant engagé avec d’autres dans la rangée et étant confronté à un détenu agressif qui était sur le point de réduire la distance entre eux, a utilisé le meilleur outil à sa disposition, soit l’OC en vaporisateur. Le vaporisateur MK09, dont M. Lamash était muni, ne doit pas servir à asperger un détenu dans les yeux et, par conséquent, M. Lamash l’a dirigé d’une distance de sept ou huit pieds vers le nez et le menton du détenu. Le détenu s’est couché au sol, les mains en dessous de lui, et il a continué de refuser de coopérer avec les agents. M. Lamash a témoigné qu’il avait donné au détenu des indications physiques et verbales de donner ses mains, mais le détenu a refusé de s’y conformer.

[103] M. Lamash a nié avoir frappé le détenu avec le vaporisateur MK09, car il est fragile. Si il est frappé contre quelque chose de dur, il éclate, libérant ainsi l’aérosol. M. Lamash a admis qu’il avait peut-être utilisé le vaporisateur pour frapper le détenu sur le dos ou l’épaule, pour qu’il lui donne ses mains. Le coup comportait très peu de force, car le but était d’informer le détenu de l’intention de l’agent s’il refusait de coopérer. M. Lamash a appris cette technique d’autres agents en travaillant à l’EE. Il ne l’utilisait pas tous les jours, seulement en temps de chaos et de confusion. La direction à l’EE n’a jamais donné de directives au sujet de cette technique; elle n’était pas non plus enseignée dans les séances de formation de l’employeur.

[104] M. Lamash a également nié avoir frappé le détenu avec son genou pendant la bagarre. Selon M. Lamash, il a placé son genou sur le dos du détenu pour le maîtriser. Plus tard, lors de son audience disciplinaire, il a déclaré qu’il avait exercé une force suffisante sur le détenu HW pour le maîtriser (pièce 50). Selon M. Lamash, il n’est pas facile pour un agent de rédiger immédiatement un RODA à la suite d’un incident, car l’agent ne se souviendra pas de tout ce qui s’est passé. C’est la raison pour laquelle il n’a pas mentionné avoir utilisé des coups de genou dans son RODA.

[105] M. Lamash a témoigné que le détenu SW [traduction] « devenait fou » dans la cellule A006. Il a menacé de tuer M. Lamash lorsque celui‑ci tentait de maîtriser le détenu HW. M. Lamash a décrit le détenu SW comme étant [traduction] « fou de rage ». Afin de calmer la situation, M. Lamash a quitté le groupe qui tentait de maîtriser le détenu HW et a tenté de [traduction] « tenir un dialogue » avec le détenu SW. Ce dernier a blâmé M. Lamash d’avoir utilisé l’OC en vaporisateur et d’avoir maîtrisé le détenu HW. Il ne s’intéressait pas du tout aux tentatives de M. Lamash de le calmer. Il a intensifié ses menaces et, à un moment donné, il a commencé à menacer le détenu qui se trouvait dans la cellule avec lui, soit le détenu C. La situation était alors très grave, car, selon M. Lamash, le détenu SW était également en CAN et extrêmement hostile. M. Lamash a admis qu’il savait que le détenu SW tentait de le leurrer dans quelque chose.

[106] M. Lamash a témoigné qu’il était fatigué à ce moment‑là et qu’il avait demandé à une personne présente d’aller chercher l’EM‑16 (le GC en service) pour qu’il se présente à l’unité. Il a ensuite demandé à M. Pye et à M. Roussel de surveiller la cellule. À ce moment‑là, M. Lamash est parti, sans informer M. Pye et M. Roussel de ses plans parce qu’il ne souhaitait pas que le détenu SW les connaisse et s’y prépare. M. Lamash a décrit la situation qu’il a vécue comme un désordre. Elle était déroutante, bruyante et chaotique, étant donné le nombre d’agents qui se déplaçaient pendant qu’il tentait de leur attribuer des tâches.

[107] Il s’agissait de la première fois que M. Lamash était le commandant sur place dans un incident de recours à la force. Il s’agissait de la situation la plus compliquée et la plus difficile à laquelle il avait été confronté à titre de CX. Il estimait qu’une menace était imminente; la situation dans l’unité ne s’améliorait pas et il n’y avait pas encore de GC dans l’unité. Habituellement, l’EIU de l’établissement effectue les extractions de cellule.

[108] M. Lamash a exécuté l’extraction de cellule. Il a demandé que la porte de la cellule soit ouverte. Il a ensuite ordonné l’utilisation du bouclier et a donné un coup de matraque après que M. Shaukat n’a pas été en mesure de déployer l’OC en vaporisateur. La composition de l’équipe d’extraction était fondée sur les personnes présentes. Les agents ont assumé les rôles de leur propre initiative. Tout le monde présent connaissait le plan et exactement ce qui se passait. M. Lamash était disposé à écouter les propositions des agents pour un plan, mais aucune proposition de la sorte n’a été présentée.

[109] M. Lamash a témoigné qu’il avait frappé le détenu au bras et au poignet avec la matraque. Il l’a utilisée avec suffisamment de force et un nombre de fois suffisant pour maîtriser le détenu. Il l’a utilisée pour briser l’emprise du détenu sur sa jambe et pour mettre fin aux tentatives du détenu de mordre un autre agent. M. Lamash a témoigné qu’il n’avait jamais eu l’intention d’utiliser la matraque lorsqu’elle a été récupérée, mais qu’il voulait l’avoir à portée de main au cas où elle serait nécessaire. Il estimait également que le fait de l’avoir à la portée de main démontrerait de la force au détenu et le convaincrait d’arrêter d’être agressif.

[110] La porte de la cellule a été ouverte et le détenu était très hostile. Il a bondi entre les agents pour essayer d’attaquer M. Lamash. Une mêlée est survenue et M. Lamash a utilisé la matraque pour mettre fin aux attaques du détenu. Selon son témoignage, aucun de ses coups n’a atteint sa cible, car le détenu était sous le bouclier et maîtrisé. En contre‑interrogatoire, M. Lamash a admis qu’il ne se rappelait pas comment il avait utilisé la matraque; il s’inquiétait davantage du fait que le détenu mordait les doigts de son collègue.

[111] M. Lamash a témoigné qu’il avait continuellement appliqué le MGS et réévalué la situation, ce qui explique pourquoi il est retourné à la cellule A006. La situation ne s’améliorait pas et un plan d’intervention a été élaboré. Selon M. Lamash, les choses étaient graves, mais la porte de la cellule A006 a pourtant été laissée sans surveillance pendant plus de 90 secondes, alors que le détenu SW continuait de crier et de frapper dessus. M. Lamash a supposé que la seule solution était de retirer le détenu SW de la cellule. Il a témoigné qu’il ne savait pas qu’il n’aurait pas dû participer à un recours à la force planifié concernant un détenu qui l’avait menacé immédiatement avant le recours à la force, conformément à la directive Recours à la force (Directive du commissaire (DC) 567‑1).

[112] Une fois que le détenu SW a été transporté à la cellule de douche, M. Lamash s’y est rendu afin de vérifier le déroulement de la décontamination. Il s’est souvenu d’avoir parlé au GC Cook, mais il ne se souvenait pas de ce qui avait été dit. Le détenu était toujours hostile envers M. Lamash lorsqu’il est entré dans la cellule de douche pour repositionner le détenu et pour ouvrir l’eau. En rétrospective, selon M. Lamash, cela aurait été une bonne idée de ne pas entrer dans la cellule de douche. Il n’avait jamais songé qu’il se mettait en danger; il gérait simplement une situation en cours.

[113] À la suite de l’incident, M. Lamash a vu CX GS et le GC Gagné en train de regarder l’enregistrement vidéo des événements au bureau du GC. Il leur a demandé pourquoi CX GS regardait la vidéo, et il est ensuite retourné à son unité. Mme Krstic, M. Ransome et M. Shaukat étaient au bureau de l’unité A lorsque M. Lamash a rédigé son RODA. Il est très courant pour les CX de discuter des événements après un incident, mais aucune directive n’a été donnée quant à ce qu’il fallait inclure dans les RODA. M. Lamash n’a pas lu le RODA de quelqu’un d’autre, et personne d’autre n’a lu le sien. En contre‑interrogatoire, il a admis que le libellé de son RODA tenait compte du libellé du MGS, pour justifier ses actes et le recours à la force.

[114] Plus tard dans la soirée, M. Lamash a eu un échange animé avec CX GS dans la cour après que M. Lamash eut découvert que CX GS avait retiré les agents de l’unité G/H de l’unité A pendant l’incident. M. Lamash souhaitait savoir pourquoi CX GS avait mis les agents de l’unité A en danger en retirant les agents de l’unité G/H de l’incident.

[115] Le dernier jour de travail de M. Lamash était le 23 juin 2014. M. Saint et Mme Reddick l’ont interrogé au sujet des événements du 22 juin, mais on ne lui a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle leur rapport d’enquête avait été annulé. L’atmosphère de l’enquête menée par M. Erickson et M. Lapointe était complètement différente de celle de M. Saint et de Mme Reddick. Ce n’est que lors de la deuxième enquête que M. Lamash a découvert les allégations selon lesquelles il avait agressé le détenu dans la douche. Il a été suspendu sans salaire en août 2014. Il n’y a eu aucune discussion sur sa suspension ou son maintien jusqu’à la date de son licenciement. On ne lui a jamais dit pourquoi sa présence sur le lieu de travail était inappropriée.

[116] M. Lamash n’a pas participé au processus disciplinaire parce qu’il était en état de dépression. Il a consulté une clinique de traitement des traumatismes liés au stress professionnel pour obtenir de l’aide après les événements de 2014. Il a été traité par un psychiatre, et il consulte un psychologue. Il avait un dossier disciplinaire vierge au SCC jusqu’à la date en litige. Son trouble de stress post‑traumatique a été diagnostiqué à un moment donné en 2014, mais selon M. Lamash, il souffrait de ses symptômes depuis [traduction] « de nombreuses années ».

[117] M. Lamash a admis avoir commis des erreurs la nuit du 22 juin 2014. Il aurait dû attendre l’arrivée des GC. Ce n’était pas une bonne décision d’entrer dans la cellule de douche avec un détenu qui était hostile envers lui, mais s’il n’était pas entré, quelqu’un d’autre aurait dû le faire. Il estimait que la situation était grave, mais il a reconnu que, si quelqu’un avait surveillé correctement la cellule, l’intervention aurait pu attendre. Il a témoigné qu’il s’était senti dépassé lorsqu’il gérait cette situation grave. Son adrénaline augmentait et il était concentré sur la tâche qui lui avait été confiée.

[118] Après son licenciement du SCC, M. Lamash a suivi un cours de poseur de tuyaux. Il a travaillé comme poseur de tuyaux jusqu’en 2018, année où sa blessure dorsale ne lui a plus permis de continuer. Depuis lors, il a touché un remplacement de revenu versé par le ministère des Anciens Combattants, ainsi que sa pension des FAC. Aucune décision n’a été prise quant à sa capacité future à travailler, puisqu’il doit subir une chirurgie pour sa blessure dorsale. M. Lamash n’a pas perdu confiance dans le SCC et estime qu’il pourrait retourner à l’EE sans aucun problème. Les agents avec qui il avait des problèmes n’y sont plus, et l’EE est un meilleur endroit.

[119] Mme Krstic a témoigné qu’en juin 2014, l’atmosphère à l’EE était extrêmement toxique. Il y a eu un roulement important du personnel, y compris des directeurs. Des enquêtes internes sur la corruption étaient en cours. Les membres du personnel s'en prenaient les uns aux autres. Elle et M. Lamash étaient de bons amis et, à un moment donné, ils étaient dans une relation intime qui n’a pas fonctionné. Au moment de l’audience, ils ne se parlaient plus.

[120] Le 22 juin 2014, soit le jour des incidents en litige, Mme Krstic était la CX‑02 chargée de l’unité A; Mme Delorme était sa partenaire. M. Ransome et M. Lamash, qui occupaient le poste EM‑32, étaient tous les deux au bureau de l’unité. Lorsque Mme Delorme a ramené les détenus de la cour et les a placé de nouveau dans leurs cellules, elle a fait savoir à Mme Krstic qu’elle estimait que [traduction] « quelque chose clochait » à l’unité. Étant donné que Mme Krstic travaillait habituellement à l’unité B, elle ne connaissait pas l’unité A et n’était pas tout à fait sûre de ce que Mme Delorme voulait dire par cet énoncé. Puis, elle a entendu M. Shaukat annoncer avec l’interphone que le détenu HW refusait de s’enfermer. Mme Krstic et Mme Delorme avaient l’intention d’obtenir la conformité et d’achever leur ronde dans les rangées en même temps. M. Ransome et M. Lamash ont offert leur aide. Les agents ne savaient pas que les détenus étaient sous l’emprise de l’alcool.

[121] Les quatre se sont ensuite rendus à la rangée. Le plan était de demander aux détenus de s’enfermer, d’effectuer la ronde des rangées et d’effectuer le décompte. Une fois la barrière ouverte, les CX Lamash et Ransome ont dit aux détenus de s’enfermer et ont crié en même temps cet ordre. Mme Krstic a pu voir que le détenu HW ne s’y conformait pas. Il semblait se balancer d’un côté et de l’autre. Il était verbalement agressif et a crié plus fort que les agents. Les échanges verbaux entre lui, M. Lamash et M. Ransome ont semblé à Mme Krstic exciter les autres détenus. Les détenus sont devenus turbulents, notamment en criant et en frappant sur les portes des cellules. Ils ont encouragé le détenu HW. Le détenu HW approchait les membres du personnel puis battait en retraite, jurant tout le temps à l’égard des CX. Selon l’évaluation de Mme Krstic, il était agressif verbalement et non coopératif sur le plan physique.

[122] Avec M. Lamash et M. Ransome devant elle, Mme Krstic ne pouvait pas voir le détenu, mais elle pouvait voir que ses mains étaient à ses côtés et serrées et que son corps était tendu. Pour elle, sa position semblait agressive. Les agents ne savaient pas qu’il était en CAN avant le contact initial avec lui, alors qu’il semblait très agité. M. Lamash a déployé l’aérosol MK09, a emmené le détenu HW au sol et l’a menotté. Mme Krstic ne savait pas si le détenu est tombé ou s’il s’est laissé tomber au sol, mais une fois au sol, il n’a pas coopéré aux tentatives de le mettre debout. Une fois remis sur ses pieds, il était contrarié et continuait de résister aux agents. Il ne coopérait pas sur le plan physique lorsqu’il a été retiré de la rangée.

[123] Une fois que le détenu HW a été retiré de la rangée, la situation a explosé. Mme Krstic ne s’attendait pas à ce que cela se produise lorsqu’elle s’est rendue à la rangée ce jour‑là. La tension sur la rangée s’est aggravée une fois que le détenu HW a été aspergé. Elle s’est rappelée que Mme Delorme avait demandé que le GC vienne à l’unité A, mais que seulement la moitié du message avait été transmis, parce que d’autres communications radio interféraient. Plusieurs appels ont été faits pour que le GC vienne à l’unité. Le personnel de soins de santé a également été appelé à l’unité, conformément à ce que la politique exige dans une situation de recours à la force. Selon Mme Krstic, deux GC sont arrivés à l’unité A avant l’extraction de cellule.

[124] Une fois que le détenu HW a été retiré de la rangée, Mme Krstic a découvert que le détenu SW avait été enfermé dans la cellule A006 avec le détenu C. Le détenu SW était très contrarié que le détenu HW ait été aspergé. Il jurait et hurlait, et il menaçait de tuer certains membres du personnel, surtout M. Lamash. M. Lamash s’est arrêté à l’extérieur de la cellule et a eu un échange très bruyant avec le détenu SW.

[125] Mme Krstic a témoigné qu’elle croyait que la vie du détenu C était en danger. Elle a regardé dans la cellule A006 et a vu le détenu C assis sur le bureau et agitant ses mains au‑dessus de sa tête. Elle a dit que ce n’était ni normal ni le signe d’une situation confortable. Pour elle, il s’agissait d’un signe qu’il était en détresse physique et qu’il essayait d’attirer l’attention des agents. Le détenu SW était debout devant la porte de la cellule, bloquant la sortie. Le détenu C était derrière lui, devant la fenêtre.

[126] Pendant qu’elle emmenait le détenu HW aux douches de décontamination, Mme Krstic a rencontré le GC Todd Ginger, qu’elle a informée de la situation devant le sous‑contrôle de l’unité. Elle lui a dit tout ce qu’elle a intégré plus tard dans son RODA. Elle a rencontré le GC Cook au bureau de l’unité et a répété textuellement ce qu’elle avait dit au GC Ginger, y compris le plan d’ouvrir la cellule A006 et d’extraire les détenus SW et C. Selon Mme Krstic, le GC Cook a appelé le personnel des soins de santé à l’unité. Après cela, son rôle consistait à surveiller la situation.

[127] Les incidents se sont produits vers 15 h 50, et Mme Krstic a rédigé le RODA au bureau de l’unité A vers 20 h ce soir‑là. Les agents Ransome et Shaukat étaient au bureau en même temps qu’elle et travaillaient à rédiger leur RODA. Mme Krstic a témoigné qu’elle avait imprimé le sien et l’avait mis dans le registre, qui devait être remis à la fin de la nuit. Personne ne l’a examiné avant qu’elle ne le remette.

[128] Après la relocalisation des détenus en raison du déploiement de gaz, les membres du personnel ont commencé à entrer et sortir du bureau de l’unité A, en vue de signaler leur présence. Mme Delorme a été mutée à une autre unité. Mme Krstic n’a pas vu M. Pye. M. Lamash a été renvoyé de la propriété, mais est revenu plus tard. Le CX Shaukat est allé dans une autre unité et est revenu plus tard. Selon Mme Krstic, elle était la seule personne à l’unité A pour le reste de la nuit. M. Ransome a quitté l’unité et n’est revenu que pour rédiger son RODA.

[129] Mme Krstic a témoigné que son devoir était de signaler les incidents avec exactitude, y compris lors de la rédaction d’un RODA et lors de témoignages sous serment. Ce devoir exigeait qu’elle corrige les erreurs qu’elle aurait pu faire dans son RODA lorsqu’elle l’a rédigé initialement. Le RODA qu’elle a soumis ce jour‑là indiquait fidèlement ce qui s’était passé, même s’il pouvait sembler sur les enregistrements vidéo que le détenu HW avait reculé et se rendait. De son point de vue, pendant qu’il était au sol, il luttait, jurait et résistait.

[130] Mme Krstic a admis que son souvenir de l’incident avec les détenus C et SW pouvait avoir été touché par le stress de l’événement et le passage du temps. Toutefois, elle a insisté sur le fait qu’elle savait ce qu’elle avait vu et qu’elle l’a signalé exactement comme cela s’était produit. À la lumière de la menace du détenu SW de tuer le détenu C, il y avait des raisons de croire qu’il causerait des lésions corporelles graves au détenu C. Elle a admis que, malgré cela, elle n’avait affecté personne à se tenir près de la porte de la cellule et à surveiller les événements à l’intérieur et a déclaré que [traduction] « il ne s’agissait pas de [sa] meilleure intervention ».

[131] En contre‑interrogatoire, Mme Krstic a insisté sur le fait que les GC étaient dans l’unité avant que la porte de la cellule ne soit ouverte. Elle a également insisté sur le fait qu’elle leur avait dit qu’elle avait l’intention d’ouvrir la porte de la cellule et que, lorsqu’ils ne lui ont donné aucune autre directive, elle a procédé comme prévu. Elle a contesté le RODA du GC Cook (pièce 5, onglet 14), qui indique que lui et le GC Ginger sont arrivés au moment où les détenus ont été mis dans les douches de décontamination et qu’ils n’étaient au courant d’aucun plan d’extraction de cellule. Elle a également contesté le RODA du GC Ginger (pièce 5, onglet 19), dans lequel il a déclaré qu’il était arrivé au moment où le détenu C remontait du niveau inférieur de l’unité A.

[132] Mme Delorme a travaillé avec Mme Krstic le jour des événements en litige et est arrivée à l’unité entre 14 h 30 et 14 h 40, selon son témoignage. Les choses paraissaient normales chez ses collègues, mais l’un des détenus semblait agir de manière inhabituelle, ce qui l’a amenée à croire qu’il utilisait un type de substance interdite. Elle ne l’a pas signalé, mais elle est retournée au bureau de l’unité où elle a trouvé M. Lamash et M. Ransome. Peu de temps après son arrivée, elle a entendu M. Shaukat à l’interphone de la bulle qui leur demandait de vérifier le détenu HW. Les personnes réunies ont regardé les moniteurs vidéo et l’ont vu tituber dans le couloir.

[133] Mme Krstic et Mme Delorme sont allées vérifier, suivies par M. Lamash et M. Ransome. Selon Mme Delorme, elle a estimé que la situation présentait un risque faible à moyen, d’après ce qu’elle avait vu sur les moniteurs. Les détenus HW et SW étaient connus pour leur fabrication de bière artisanale dans l’unité, mais ne représentaient généralement pas un problème. Lorsque les quatre sont arrivés à l’unité, M. Lamash a ordonné directement au détenu HW de retourner dans sa cellule. Le détenu HW a refusé, la situation s’est aggravée et M. Lamash a alors ordonné au détenu HW de se retourner et de mettre ses mains derrière son dos.

[134] À ce moment‑là, il était évident pour Mme Delorme que le détenu HW ne s’enfermerait pas volontairement. Il résistait verbalement et ne collaborait pas sur le plan physique. Il jurait, criait, ignorait les ordres et marchait en direction des agents. Mme Delorme a témoigné qu’elle ne se rappelait pas comment le détenu HW s’était retrouvé sur le sol. Elle se rappelait qu’il avait résisté à l’application des menottes et que M. Lamash avait eu du mal à le menotter. Le détenu HW a continué de résister aux agents pendant qu’ils essayaient de le mettre sur ses pieds.

[135] Mme Delorme a témoigné qu’elle avait tenté d’informer les GC à maintes reprises, mais que ses appels avaient été [traduction] « interrompus » ou gênés par d’autres appels transmis simultanément. Elle a finalement réussi à communiquer avec les GC lorsque le détenu HW était sous la douche de décontamination. Alors qu’elle était sous la douche avec le détenu HW, elle a entendu le détenu SW crier. Au moment où le détenu SW a été emmené à la cellule de douche, Mme Delorme n’était pas certaine de son rôle, elle est donc allée sécuriser le guichet à nourriture. Elle s’est ensuite rendue à l’unité B pour aider au décompte. À un moment donné, elle a rencontré le GC Ginger au réfectoire.

[136] Mme Delorme a commencé à rédiger son RODA à 18 h 50 et l’a terminé à 22 h 45; elle a terminé son quart de travail à l’unité B. Lorsqu’elle a commencé à rédiger son RODA au bureau de l’unité A, plusieurs personnes sont entrées et sorties. M. Lamash criait au sujet de CX GS, mais comme elle n’avait rien à voir avec cela, Mme Delorme l’a ignoré, selon son témoignage. Il s’agissait de son premier incident de recours à la force en tant qu’agent, et elle avait estimé que M. Lamash était chargé de la situation.

[137] Mme Delorme a été interrogée au sujet de la barrière à l’unité A et de la raison pour laquelle elle n’avait pas été fermée lors des incidents avec les détenus HW et SW. Elle a témoigné qu’elle n’est utilisée que pour assurer la sécurité des travailleurs de l’entretien lorsque des travaux sont requis à l’unité, sans perturber la routine de l’unité. Les clés de la barrière sont gardées dans la bulle.

[138] Kevin Lingrell a témoigné que, au cours de sa carrière de plus de 25 ans à l’EE, il a occupé les postes de CX‑01, de CX‑02, d’agent de formation du personnel au groupe et au niveau CX‑03 et de GC. Il a été membre et chef de l’EIU. Il a enseigné l’autodéfense, les compétences physiques et le recours à la force à d’autres CX. Au cours de sa carrière, il a participé à plus de 300 incidents de recours à la force et a effectué plus de 100 examens de recours à la force.

[139] Selon M. Lingrell, le rôle du GC consiste à déployer le personnel en cas d’urgence. Le MGS (pièce 6, onglet 11, page 4) est utilisé pour orienter les agents concernant les options à suivre pour gérer les situations de recours à la force. Dans la DC 567‑1, qui est la politique sur le recours à la force du SCC, trois types de recours à la force sont définis. Les lignes entre chacun ne sont pas claires. La politique énonce que, si un plan d’intervention avec recours à la force est nécessaire, l’autorisation du GC est nécessaire pour procéder.

[140] Tout recours à la force doit être conforme au MGS. Les agents ne sont pas autorisés à ignorer le MGS; ils doivent utiliser la mesure la plus sûre et la plus raisonnable pour régler la situation. Seulement ce qui est nécessaire et proportionnel pour réaliser les objectifs de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (L.C. 1992, ch. 20) est autorisé. La réponse à un recours à la force est à la fois physique et émotionnelle. L’objectivité d’un agent disparaît. Une partie de l’évaluation de la situation consiste à évaluer les sources d’irritation et à éliminer tout ce qui pourrait causer une escalade.

[141] Les CX ont le droit de recourir à la force nécessaire pour contrôler la situation lorsqu’ils traitent avec un détenu qui ne se conforme pas ou qui est résistant sur le plan physique. Lorsque des armes, comme une matraque, sont utilisées, le CX peut continuer à frapper jusqu’à ce que le détenu cesse d’être agressif. Les matraques existent en trois longueurs : 26, 36 et 42 pouces. À la date de l’incident, les sous‑contrôles des rangées à l’EE étaient munis de matraques de 36 pouces. Selon M. Lingrell, ces armes ne sont pas idéales pour être utilisées sur les rangées, qui ne font que 48 pouces de large.

[142] Les matraques sont des armes sérieuses. Un agent doit être en mesure d’expliquer la raison pour laquelle une matraque a été utilisée alors que des options moins sévères étaient disponibles. Les coups de matraque doivent être contrôlés et orientés, mais ne doivent jamais viser la tête, la gorge ou la colonne vertébrale du détenu. Selon M. Lingrell, les agents suivent très peu de formation sur leur utilisation.

[143] Un agent doit se tenir à distance d’un détenu combatif, afin d’assurer une zone de sécurité. Selon un des principes directeurs, un agent ne doit pas répondre à la force par la force; les agents doivent dévier et recourir à des tactiques de maîtrise, dans la mesure du possible. Le MGS énonce qu’un agent doit recourir à la force nécessaire pour contrôler la situation en toute sécurité. Parfois, l’agent peut être tenu de se retirer de la situation. Le fait d’isoler et de maîtriser le détenu peut constituer la résolution appropriée.

[144] Selon M. Lingrell, lorsqu’il s’agit de traiter avec un détenu en état d’ébriété, il y a un risque élevé qui exige qu’un CX évalue et réévalue continuellement la situation. Les agents qui traitent avec un détenu en état d’ébriété courent un plus grand risque pour la sécurité, car l’état d’ébriété du détenu entraîne une mauvaise prise de décision. Certains détenus se conforment lorsqu’ils sont en état d’ébriété, alors que d’autres sont agités et agressifs. Les CX ne savent pas ce à quoi ils seront confrontés lorsqu’ils se rendent dans une rangée, ils ont donc besoin de personnel supplémentaire pour répondre aux détenus et les maîtriser.

[145] M. Lingrell a été interrogé à titre d’expert en recours à la force lors de la première enquête sur le recours à la force menée par les GC Saint et Reddick. On lui avait demandé son avis de l’enregistrement vidéo des événements du 22 juin 2014. Le résultat de cet examen a permis de déterminer qu’il n’y avait aucune culpabilité de la part de M. Lamash. M. Lingrell n’a pas été interrogé dans le cadre de la deuxième enquête.

[146] Pendant l’entrevue des GC Saint et Reddick, M. Lingrell a signalé que les agents Shaukat, Pye et Lance Woodman l’avaient approché pour lui signaler qu’ils avaient été intimidés par le CX John Fraser de l’unités G/H afin qu’ils modifient leur RODA. On leur aurait dit que, s’ils ne modifiaient pas leur RODA, ils feraient l’objet d’une mesure disciplinaire grave. M. Lingrell a conseillé aux trois agents de ne pas modifier leurs rapports s’ils avaient fait état de la vérité.

[147] M. Lingrell a témoigné qu’à un moment donné ultérieur, les GC Saint et Reddick ont communiqué avec lui et l’ont informé que leur rapport avait été déposé auprès des Ressources humaines, mais que Mme Contini n’était pas satisfaite du résultat. Elle a annulé le rapport et ordonné une nouvelle enquête. Selon M. Lingrell, les GC Saint et Reddick ont dit craindre que leur carrière ne soit ainsi menacée.

[148] M. Lingrell a témoigné au sujet des responsabilités des différents postes des unités de vie gérées par les CX par rotation. Le rôle de l’agent de sous‑contrôle, rôle que M. Shaukat a assumé ce jour‑là, consiste à fournir une réponse armée, au besoin, à ouvrir et à fermer toutes les portes de cellule, à ouvrir et à fermer toutes les portes intérieures et extérieures, à faciliter le mouvement des détenus, à fournir une surveillance de l’unité, à fournir l’équipement de sécurité aux agents, à coordonner les opérations de sécurité avec le CX‑02 affecté au bloc cellulaire et à livrer les clés aux CX. L’agent de sous‑contrôle fait également le tour de tous les postes de l’unité. Il est remplacé pour les pauses, lors des changements de quart, selon une directive, en cas d’urgence ou lorsqu’il doit aider avec un incident.

[149] Le rôle d’EM‑32 CX‑02 que M. Lamash a assumé ce jour‑là est le rôle du superviseur du contrôle des mouvements. Aucune formation propre à ce rôle n’était offerte à l’époque. L’agent qui assume ce rôle répond aux urgences, conformément aux directives du PPCC. L’EM‑32 transporte sur lui des vaporisateurs MK‑4 et MK09 d’OC. Seuls les premiers intervenants portent les vaporisateurs MK09. L’EM‑32 est un premier répondant à chaque quart de travail; il porte une alarme de protection individuelle (API) et une radio. Rien dans les ordres permanents du poste n’indique que l’EM‑32 doit participer à tous les incidents, même si la pratique à l’EE consistait à ce que l’EM‑32 soit chargé de la situation jusqu’à l’arrivée du GC.

[150] L’EM‑06 et l’EM‑16 sont les GC responsables de l’établissement à chaque quart. L’EM‑06 est l’agent de bureau; l’EM‑16 aide l’EM‑06 à s’acquitter des fonctions de GC. Les deux répondent à toutes les urgences et assument le contrôle pour déterminer les ressources nécessaires. Lorsqu’un appel pour obtenir l’aide du personnel est effectué, les GC doivent répondre, déterminer ce qui se passe et maîtriser la situation. Ils se rendent au lieu de l’incident, demandent à être informés de la situation, assument le contrôle et fournissent une orientation. La première chose à faire est de localiser et de vérifier ce qui se passe. La deuxième consiste à isoler, à contenir et à contrôler la situation. L’EM‑16 est le commandant sur place, à moins qu’une agression ne soit en cours à l’arrivée de l’EM‑16.

[151] On a demandé à M. Lingrell de formuler des commentaires sur la pièce 13, qui est un enregistrement vidéo de la rangée inférieure 2 de l’unité A. Il a fait remarquer que, lors du traitement du détenu HW, il semblait instable sur ses pieds. Il tenait ses bras écartés et on l’a vu se gonfler ou essayer de paraître plus gros. Il se déplaçait de manière agressive, de l’avis de M. Lingrell. À mesure que M. Lamash s’approchait du détenu, M. Lingrell a eu l’impression que des paroles avaient été échangées et que l’OC en vaporisateur avait été déployé. De l’avis de M. Lingrell, puisque quatre agents étaient sur la rangée, il leur était difficile de bouger, de tourner et de réagir. Ils ne pouvaient pas se retirer, car les couloirs étaient très étroits.

[152] M. Lingrell a également examiné et formulé des commentaires sur l’extraction de cellule du détenu SW. Selon lui, lorsque la porte de la cellule a été ouverte, le détenu a bondi vers le bouclier et a réussi à l’éviter. M. Lamash a donné un coup de matraque et les autres agents ont mis le détenu à terre. Selon le MGS, le fait que le détenu se soit précipité hors de la cellule constituait un comportement agressif. M. Lingrell a fait observer qu’aucun coup n’a frappé le détenu, car il était protégé par le bouclier. Les coups étaient dirigés vers le détenu, mais ne l’ont pas frappé; ils ont frappé le bouclier ou le sol.

[153] Lorsqu’il a été interrogé au sujet de l’utilisation de la barrière dans la rangée plutôt que d’intervenir auprès des détenus, M. Lingrell a témoigné qu’il l’avait vu être utilisée à maintes reprises pendant un incident de recours à la force sur une rangée à l’EE, mais il ne la décrirait pas comme une pratique courante. Un tel incident sur une rangée est très bruyant. Leur proximité avec cette barrière nuit à la capacité des agents d’entendre.

[154] M. Inkpen a témoigné qu’au moment pertinent, on lui avait demandé de l’aide à titre de représentant syndical représentant les fonctionnaires à l’étape de la réfutation du processus disciplinaire. À l’époque, il était un délégué syndical et un membre de l’exécutif syndical. Il s’est assuré que les fonctionnaires ont soumis des réfutations écrites à l’enquête disciplinaire et il a assisté aux réunions disciplinaires et de réfutation.

[155] M. Inkpen a décrit la réunion de réfutation avec M. Pye comme ayant été hostile et combative, contrairement à toutes les réunions auxquelles il avait assisté au cours de ses 10 années à titre de représentant syndical. Selon M. Inkpen, lorsque M. Pye a demandé comment les enquêteurs avaient pu tirer leurs conclusions à son sujet, étant donné qu’ils n’avaient pas discuté avec lui au sujet des événements, Mme Contini l’a accusé de connaître les réponses aux questions parce qu’il savait ce qu’il avait fait. Lorsque M. Inkpen a interpellé Mme Contini au sujet de son commentaire, elle a répondu à M. Inkpen que les éléments de preuve étaient irréfutables et empiriques contre M. Pye. Elle a refusé de fournir des renseignements sur les actes répréhensibles de M. Pye, craignant qu’ils n’identifient le témoin anonyme dans le rapport.

[156] Selon M. Inkpen, il était impossible pour M. Pye de réfuter quoi que ce soit lors de la réunion de réfutation, car il n’y avait aucun renseignement sur sa participation à une quelconque agression. Les représentants de l’employeur étaient secrets et contradictoires. Il était clair pour M. Inkpen qu’ils s’attendaient à ce que M. Pye avoue sa culpabilité. Cette réunion ne comportait aucun caractère correctif, contrairement à d’autres auxquelles M. Inkpen avait assisté, où les parties avaient accepté les événements à l’étude. À la suite de la réunion, M. Inkpen et M. Pye étaient tous les deux abasourdis, car ils sont partis avec plus de questions qu’avant le début de la réunion. Selon M. Inkpen, aucun d’entre eux n’a compris ce qui s’était passé à la réunion.

[157] De même, lors de la réunion de M. Shaukat, les représentants de l’employeur étaient hostiles et défensifs. Tout comme M. Pye, M. Shaukat avait été reconnu coupable d’avoir omis de signaler une agression qu’il n’avait pas vue. Les enquêteurs l’ont interrogé deux fois, mais ne l’ont pas interrogé au sujet de l’agression alléguée. Encore une fois, les représentants de l’employeur ont refusé de fournir des détails sur l’affaire le concernant, même lorsqu’ils ont été interrogés. À un moment donné, on lui a dit qu’il avait donné un coup de pied à un détenu dans la poitrine, mais lorsqu’il a demandé aux représentants de l’employeur de quel détenu il s’agissait, ils ont refusé de fournir des détails. Tout comme M. Pye, M. Shaukat n’a eu aucune possibilité de répondre pleinement aux accusations portées contre lui. L’employeur ne souhaitait pas entendre les employés.

[158] Lors de la réunion disciplinaire de M. Pye, M. Bernier a procédé directement aux sanctions à imposer. Il ne souhaitait pas entendre M. Pye. La réunion disciplinaire de M. Shaukat s’est déroulée de la même façon. Lors des réunions, M. Inkpen s’est entretenu avec les représentants de l’employeur au sujet de l’omission des GC de répondre aux incidents survenus à l’unité A. Selon M. Inkpen, Mme Contini, qui était présente avec M. Bernier, lui a dit que les GC avaient été interrogés au sujet des événements de ce jour‑là et que l’employeur n’avait aucune préoccupation à l’égard de leurs actes.

[159] M. Inkpen a également indiqué que, selon Mme Contini, il n’y avait pas eu deux enquêtes sur le même incident de recours à la force. Selon elle, l’enquête du GC Saint et de la GC Reddick n’a jamais eu lieu. Afin de régler cette question, M. Inkpen a rencontré les GC Saint et Reddick après les audiences disciplinaires. Ils ont confirmé qu’ils avaient rédigé un rapport d’enquête disciplinaire et qu’ils l’avaient soumis à la Section des relations de travail du SCC. Ils ont été informés à une date ultérieure que l’employeur l’avait annulé parce que ses résultats ne correspondaient pas à ce qu’il souhaitait.

[160] M. Saint a informé M. Inkpen que les enquêteurs avaient éprouvé des problèmes dès le début de leur enquête. L’ensemble des faits qui leur ont été présentés par l’employeur devant faire l’objet d’une enquête n’a pu être corroboré. Mme Contini les avait informés des événements sur lesquels enquêter, mais M. Saint et Mme Reddick n’ont pas été en mesure de les corroborer. Ils ont enquêté sur la question de la modification des RODA. À leur avis, ils ont déterminé qu’un témoin, soit M. Ransome, avait un problème de crédibilité. Ils ont signalé à M. Inkpen qu’ils avaient l’impression que M. Ransome n’avait pas fourni un témoignage véridique, mais qu’il avait plutôt répété ce que CX GS lui avait dit de dire. Selon ce qu’on lui avait dit, les conclusions du rapport des GC Saint et Reddick ont contrarié l’employeur. M. Inkpen a indiqué que M. Saint avait été menacé d’être licencié et que Mme Reddick avait fait l’objet de moqueries. Selon M. Saint, l’employeur s’attendait à ce que les enquêteurs concluent que M. Lamash, M. Shaukat et M. Pye étaient coupables, malgré le fait qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui.

[161] Au cours de la réunion avec les GC Saint et Reddick, le registre des dossiers de police a été montré à M. Inkpen, que l’employeur avait envoyé au Service de police d’Edmonton dans le but de faire accuser M. Lamash de voies de fait. Chaque fois, le Service de police d’Edmonton l’a retourné, la dernière fois avec une note datée du 28 janvier 2015 indiquant qu’il ne devait plus être renvoyé au service de police. Aucune accusation n’a jamais été portée contre M. Lamash en raison des incidents en litiges, au meilleur des connaissances de M. Inkpen.

[162] M. Inkpen et le président du syndicat local, Sean Whelan, ont collaboré pour représenter M. Lamash. Ils ont rencontré M. Bernier pour examiner les enregistrements vidéo des événements et ont posé des questions sur la présence des GC et la raison pour laquelle certaines personnes n’avaient pas été interrogées, comme le CX Woodman, qui avait été reconnu coupable d’avoir vu M. Lamash agresser le détenu sous la douche.

[163] M. Inkpen et M. Whelan ont examiné le contenu de la demande d’accès à l’information de M. Lamash, qui comptait près de 500 pages de notes de Mme Contini (pièce 44). À la page 313, il y a une déclaration selon laquelle il est courant de placer les CX dans l’entrepôt si l’employeur doit les affecter à un poste sans contact avec les détenus. M. Lamash avait demandé un tel poste au lieu d’être suspendu. Mme Contini a refusé, même si les Relations de travail l’ont informée que l’employeur envisageait cette option (pièce 44, page 312).

[164] À la même page, Mme Contini affirme que l’enregistrement vidéo montre M. Lamash agressant le détenu avec son genou et un vaporisateur MK09. À ce moment‑là, M. Lamash a pris connaissance d’autres vidéos qui lui avaient été fournies. Le représentant des Relations de travail avec qui Mme Contini communiquait lui a demandé s’il s’agissait des vidéos que l’employé n’avait pas vues ou n’avait pas. À plusieurs reprises dans les évaluations des critères Larsen, l’employeur a fait référence au fait que M. Lamash a frappé le détenu avec le vaporisateur MK09 et a enfoncé son genou dans la colonne vertébrale du détenu. L’employeur a également fait référence aux menaces que M. Lamash avait proférées, qui se sont avérées constituer un désaccord entre M. Lamash et CX GS lorsque M. Lamash était revenu de son congé avant l’incident.

[165] Tout comme les réunions disciplinaires et de réfutation de M. Pye et de M. Shaukat, les réunions avec M. Lamash ne comportaient aucun caractère correctif. Aucune discussion sur les événements n’a eu lieu à aucun moment au cours de ces réunions. L’employeur ne souhaitait pas obtenir la version des événements de qui que ce soit d’autre que la sienne.

[166] M. Woodman a témoigné qu’il n’a jamais été interrogé au sujet de son rôle dans les incidents concernant les deux détenus à l’unité A. Il était au Nouveau‑Brunswick lorsque les entrevues ont eu lieu et il a pris connaissance pour la première fois du fait qu’il faisait l’objet d’une enquête et qu’une mesure disciplinaire lui était imposée pour son rôle dans les événements de ce jour‑là lorsqu’il a découvert par courrier qu’il avait été reconnu coupable d’une violation de la politique de l’employeur relativement aux événements.

[167] Il a demandé à visionner les enregistrements vidéo à son retour à l’établissement, mais sa demande a été refusée. Deux semaines après avoir présenté sa demande, il a rencontré M. Bernier et M. Inkpen, et les éléments de preuve contre lui ont été présentés. Il s’agissait d’une capture d’écran de lui qui regardait de côté vers la cellule de douche où le détenu SW était en cours de décontamination alors qu’il passait devant pendant qu’il effectuait ses rondes. Selon M. Bernier, cela constituait une preuve que M. Woodman avait vu M. Lamash agresser le détenu sous la douche.

[168] Cette preuve selon laquelle il avait vu M. Lamash agresser le détenu ne tenait pas compte de ce qui s’était passé lorsque M. Woodman a tenté de passer devant la cellule de douche où le détenu SW était en cours de décontamination. Selon le bref coup d’œil qu’il a jeté dans la cellule au moment de son passage, M. Woodman a vu le détenu couché sur le plancher de la douche. Il a entendu M. Lamash crier un ordre au détenu de se lever dans l’eau de la douche, mais le détenu ne coopérait pas. Le seul geste que M. Woodman a vu M. Lamash faire était de se retirer afin que M. Woodman puisse continuer sa ronde sur la rangée.

[169] M. Woodman a témoigné au sujet de ses souvenirs du jour des incidents survenus à l’unité A. Il travaillait dans la bulle aux unités C et D lorsqu’un appel d’aide à l’unité A a été reçu. Il y a répondu. Selon lui, lorsqu’il est arrivé à l’unité A, la situation était très bruyante; les détenus étaient énervés. Il a entendu le détenu SW dire qu’il tuerait l’un des CX présents et qu’il tuerait M. Lamash. M. Woodman a témoigné qu’il n’avait pas vu de coups de matraque puisqu’il s’était concentré sur la maîtrise du détenu SW et sur sa propre sécurité.

[170] M. Samms a témoigné qu’il avait été affecté au poste EM‑17 au bureau du gymnase lorsqu’il a reçu un appel radio informant le personnel que de l’aide était requise à l’unité A. Lorsqu’il est arrivé en réponse, l’unité A était chaotique et très bruyante. Les membres du personnel présents couraient dans tous les sens, sans savoir ce qu’ils devaient faire pour retirer le détenu SW de la cellule. À partir de sa position à l’extérieur de la porte de la cellule, il a entendu le détenu SW crier qu’il tuerait quelqu’un, avant que la porte de la cellule ne soit ouverte. Une fois la porte ouverte, M. Samms a été atteint par une vague d’OC en vaporisateur qui avait été déployé dans la cellule par le guichet à nourriture dans la porte.

[171] Le détenu s’est élancé hors de la cellule et a été mis à terre, où M. Samms a tenté de saisir ses jambes. Aucun rôle particulier ne lui avait été attribué; il essayait d’aider et il a fait la première chose qu’il pouvait faire lorsque la porte s’est ouverte. Au cours de ses tentatives de maîtriser le détenu, la tête de M. Samms se trouvait dans l’embrasure de la porte de la cellule, ce qui l’a empêché de voir où se trouvait l’autre détenu de la cellule en raison des effets de l’OC en vaporisateur. Selon M. Samms, il n’a été témoin d’aucun des coups de matraque allégués en raison des effets de l’OC en vaporisateur.

[172] Une fois que le détenu a été maîtrisé, M. Samms a aidé à l’escorter jusqu’à l’unité d’isolement, après quoi le GC l’a appelé pour escorter M. Shaukat à l’hôpital afin qu’il soit traité pour une blessure subie lors de l’extraction de cellule. À son retour, M. Samms a rédigé son RODA et l’a soumis au GC Cook.

[173] Au cours du processus d’enquête, il était accompagné de CX GS. Lorsque M. Samms a rencontré CX GS, ce dernier l’a informé qu’il représentait d’autres agents qui avaient participé à l’incident et qu’ils retiraient et rédigeaient à nouveau leur RODA. Il a conseillé à M. Samms de rédiger à nouveau son RODA et de supprimer toute référence aux menaces du détenu, car, selon CX GS, elles n’ont pas été proférées et quiconque a dit qu’elles avaient été proférées avait menti dans son RODA. Selon M. Samms, CX GS voulait qu’il supprime toute référence aux menaces qu’il avait entendues. Lorsque M. Samms a demandé à CX GS la raison pour laquelle il le ferait, CX GS lui a dit de le faire et de lui faire confiance.

[174] Au cours de l’entrevue d’enquête, M. Samms a estimé que CX GS donnait sa version des événements aux enquêteurs en répondant aux questions avant que M. Samms ne puisse le faire. Une fois l’entrevue terminée, CX GS est resté pour discuter avec les enquêteurs, sans que M. Samms ne soit présent.

[175] M. Samms n’a jamais été présent lorsque M. Lamash s’est adressé à un groupe d’agents au sujet du contenu de leur RODA. Il n’avait aucune connaissance qu’un tel événement ne s’était jamais produit. Il n’a ressenti aucune pression de la part de ses pairs pour se conformer à la version des événements de M. Lamash et n’a eu aucune conversation avec lui sur ce qu’il fallait inclure dans les RODA.

[176] Brian Squires a témoigné qu’il est actuellement employé par le SCC à titre d’agent national de formation et de perfectionnement à l’EE. Il est chargé de toutes les normes de formation et de toute la formation offerte à l’EE. M. Squires compte 16 ans d’expérience au sein de l’EIU à l’EE et a été l’agent de formation du personnel de l’EIU ainsi que le chef d’équipe. Il a répondu à plus de 800 extractions de cellule au cours de sa carrière. Selon lui, en 2014, tout CX aurait pu effectuer une extraction de cellule, en fonction de sa formation.

[177] Le rôle des agents de première ligne consiste à préserver la vie, à prévenir les lésions corporelles graves et à gérer les comportements agressifs d’une manière qui permet de réduire au minimum le risque pour la sécurité des membres du personnel, des détenus et de l’établissement. Le personnel de l’EE connaissait bien les recours à la force planifiés et spontanés, mais un « plan d’intervention » n’a été défini que lorsque le MGS a été révisé en 2018. Un recours à la force spontané exige que les agents répondent immédiatement. Un recours à la force planifié a lieu à la suite d’un incident prolongé, une fois que les négociations ont échoué et que l’on a eu le temps d’élaborer un plan. Les recours à la force planifiés relèvent de l’EIU. Les agents du personnel n’y participent pas.

[178] Selon la DC 567‑1, les agents ne devraient pas faire partie d’un recours à la force planifié s’ils faisaient partie de l’incident qui y a donné lieu. Toutefois, selon M. Squires, il était normal de le faire à l’EE. Les agents devaient exercer leurs fonctions, quelle que soit la situation. Le GC est chargé de gérer le nombre d’agents qui participent à un recours à la force spontané, dans la mesure du possible. Selon M. Squires, les agents qui participent au recours à la force et qui ont participé à l’incident qui y a donné lieu ont un lien émotionnel, ne réfléchissent pas clairement et pourraient être blessés ou subir une contamination croisée.

[179] Todd Ginger a témoigné qu’il était un GC par intérim à l’EE le 22 juin 2014, lorsqu’il a reçu un appel pour que l’EM‑06 ou l’EM‑16 se présente à l’unité A. Il travaillait avec le GC Cook ce jour‑là. Il s’agissait de la première fois qu’ils entendaient dire que quelque chose se passait à l’unité A. Ils ont quitté le bureau du GC pour se rendre à l’unité A; ils n’étaient pas pressés parce qu’il n’y avait pas eu d’alerte d’alarme de protection individuelle ou d’autres transmissions radio qui avaient déclenché une alarme. Ils ont attendu que le chariot de nourriture passe avant d’entrer dans l’unité. Ils se sont arrêtés et ont discuté avec les agents dans la bulle. Ils pouvaient sentir l’odeur de l’’OC en vaporisateur. Le GC Cook y était allergique et a acquis un masque.

[180] Le GC Cook a envoyé M. Ginger au réfectoire pour le nettoyer et y préparer un espace pour les détenus. Ni le GC Cook ni M. Ginger ne savaient à quel point la situation s’était aggravée. M. Ginger a témoigné qu’il avait discuté avec la CX Lacy Mitchell, qui lui avait dit que le détenu HW avait été maîtrisé dans les douches aux fins de décontamination, ce qui signifiait pour M. Ginger que l’incident était terminé. Il n’était pas au courant de la situation en cours concernant le détenu SW. Étant donné que personne n’avait appelé pour demander de l’aide de la rangée inférieure, les GC n’ont pas descendu les escaliers pour voir ce qui se passait. Ils avaient une vue limitée en bas des escaliers. Les GC sont plutôt allés dans le bureau de l’unité. Ils ont appelé l’unité d’isolement pour l’informer que le détenu était en cours de transfert. Les GC n’ont, à aucun moment, ordonné à CX GS ou à M. Roussel de quitter l’unité A et de retourner aux unités G et H. Les GC n’étaient pas au courant de l’état d’avancement de l’extraction de cellule, étant donné qu’ils n’avaient reçu aucune mise à jour sur l’incident concernant le détenu SW.

[181] Selon M. Ginger, il n’était pas là pour gérer la situation. Le GC Cook, l’EM‑06, était l’agent responsable et il devait donc décider s’il devait appeler l’EIU pour gérer la situation concernant le détenu SW.

[182] M. Ginger a témoigné que lui et M. Cook étaient au courant que les détenus à l’unité A étaient en CAN. Il se souvenait avoir vu bon nombre de membres du personnel courir dans tous les sens, mais il ne se souvenait pas que quelqu’un criait. Selon son témoignage, lui et le GC Cook auraient abordé la situation différemment si quelqu’un de l’unité les avait informés à leur arrivée. Malgré cela, il ne se rappelait pas avoir demandé à quelqu’un présent ce qui se passait. La première fois qu’il a pris connaissance des incidents allégués était lorsqu’il a lu les RODA qui lui ont été soumis.

[183] Même si M. Ginger était présent à l’unité, il s’était concentré sur la discussion avec les CX du haut des escaliers. Il ne regardait pas les activités qui se déroulaient sur la rangée inférieure, devant lui. Ce qui se passait exactement était très vague pour lui. Il était là pour nettoyer à la suite d’un incident et ne connaissait rien du plan d’ouvrir la porte de la cellule pour extraire le détenu SW.

[184] Selon M. Ginger, la direction n’a jamais remis en question ses actes ce jour‑là et il n’a fait l’objet d’aucune des enquêtes. Il a admis qu’un signal en direct des rangées est transmis aux moniteurs du bureau de l’unité où lui et le GC Cook se trouvaient ce jour‑là, mais il ne se rappelait pas s’ils les avaient regardés ou si les moniteurs étaient allumés, car ce n’était pas la raison pour laquelle ils utilisaient le bureau.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

[185] Les faits dans la présente affaire ne sont guère contestés; il s’agit de les interpréter. Il s’agit de savoir à quel niveau de menace les agents ont répondu lorsqu’ils ont approché le détenu HW. Il s’agit de savoir si les agents avaient d’autres options ou de meilleures options à déployer pour répondre à la menace à laquelle ils étaient confrontés. Enfin, il s’agit de savoir si les actes des agents ont augmenté le niveau de menace auquel ils étaient confrontés. Si le recours à la force n’était pas nécessaire, proportionnel et conforme à la politique, il s’agit alors de décider du niveau de discipline approprié à imposer.

[186] Le fait que CX GS a pu participer à différents moments ne change rien aux mesures appropriées et à la question de savoir si les agents ont suivi la politique lorsqu’ils ont traité avec les détenus HW et SW. Les éléments de preuve de l’employeur sont principalement des enregistrements vidéo des agents en action.

[187] Selon Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P‑162, [1977] 1 C.L.R.B.R. 1 (« Wm. Scott »), pour trancher les questions portant sur des mesures disciplinaires, on examine habituellement les trois critères suivants : 1) L’employé a‑t‑il fourni un motif raisonnable pour que l’employeur impose une forme de mesure disciplinaire (c’est‑à‑dire, l’employé a‑t‑il fait preuve d’une inconduite)? 2) Le cas échéant, la mesure disciplinaire que l’employeur a imposée était‑elle une sanction excessive dans les circonstances? 3) Si elle était excessive, quelle autre mesure, qui serait juste et équitable, devrait y être substituée dans les circonstances?

[188] La sanction appropriée en cas de recours abusif à la force est le licenciement. La jurisprudence est claire. Les CX sont autorisés par la loi et la politique à recourir à la force. M. Lamash a agressé deux détenus, a contrevenu à la politique de l’employeur et n’a pas suivi le MGS. Il a enfreint la règle cardinale des agents de la paix, à savoir qu’ils doivent protéger ceux qui sont sous leur garde. Les détenus sous garde dépendent des CX pour leurs nécessités de subsistance.

[189] Agresser un détenu est l’une des infractions les plus graves. Toute interprétation de ce qui s’est passé le 22 juin 2014 ne relevait pas des obligations stratégiques de M. Lamash. Sa version des événements n’est pas conforme aux enregistrements vidéo. On est plus susceptible de croire un employé ayant le statut d’agent de la paix qu’un détenu et il est donc essentiel de maintenir le lien de confiance employeur‑employé. M. Lamash et ses collègues qui sont des agents ont suivi une formation sur l’utilisation appropriée du MGS. Il doit être respecté. Les situations doivent être désamorcées et il faut recourir au niveau minimal de force nécessaire. Les actes de M. Lamash ce jour‑là étaient incompatibles avec cette obligation (voir Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services), 2008 CarswellOnt 6734).

[190] De même, dans Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community Safety and Correctional Services) (2013), 236 L.A.C. (4th) 91, l’arbitre a conclu que le licenciement est approprié, même pour une transgression mineure des règles relatives au recours à la force. Dans British Columbia v. British Columbia Government Employees Union (Correctional Services) (1987), 27 L.A.C. (3d) 311, l’arbitre a conclu qu’un recours abusif à la force constitue l’infraction la plus grave qu’un CX peut commettre. Il s’agit d’un abus de la confiance qui leur est confiée, à savoir qu’ils ne recourront à la force qu’au besoin.

[191] Il n’est pas facile d’être un CX. Les détenus abusent régulièrement des CX. Quoi qu’il en soit, on attend beaucoup d’eux qu’ils respectent les droits des détenus. Ils doivent garder leur sang‑froid et ne pas recourir à la violence gratuite. On s’attend à ce que les CX servent de modèle en ce qui concerne la primauté du droit et qu’ils ne recourent à la force qu’au besoin. S’ils agissent autrement, l’employeur réagit de manière sévère.

[192] D’après les enregistrements vidéo (pièce 13), il est évident que le détenu HW bat en retraite les mains en l’air. M. Lamash déploie l’OC en vaporisateur et frappe le détenu avec sa main gauche. La tête du détenu heurte le mur et il s’effondre sur le sol. M. Lamash pose ensuite son genou sur le dos du détenu et continue de diriger le vaporisateur d’OC vers lui. Il frappe ensuite le détenu avec le vaporisateur d’OC. Le détenu SW est devenu agité à l’égard de M. Lamash parce qu’il a mis à terre le détenu HW. M. Lamash s’entretient avec le détenu SW à travers la porte de la cellule. Il est visiblement agité.

[193] Lorsque la porte de la cellule s’ouvre, le détenu SW est également très agité. Il charge le groupe de CX rassemblé et tentant de l’extraire de la cellule. M. Lamash a alors donné 14 coups de matraque. M. Lingrell a supposé que la matraque avait frappé le bouclier et n’avait causé aucun préjudice, mais personne n’a mentionné une telle chose dans leur RODA ou dans leurs autres éléments de preuve. Malgré la nature circonstancielle des éléments de preuve, les conclusions des comités d’enquête correspondent à ce qui s’est produit.

[194] Une fois que le détenu SW a été maîtrisé dans la douche de décontamination, M. Lamash est entré en trombe. M. Ransome a confirmé que M. Lamash avait donné un coup de pied à l’aine du détenu lorsqu’il est entré, tout comme le détenu l’a signalé.

[195] Le rôle d’un agent de la paix consiste à maintenir l’ordre. La responsabilité primordiale d’un CX en tant qu’agent de la paix est de recourir à un niveau minimal de force nécessaire et qui est adapté aux circonstances. Le MGS a pour but d’aider le CX à déterminer le recours à la force nécessaire et approprié. La DC 567‑1 énonce au paragraphe 7 que l’obligation principale d’un CX est le règlement pacifique d’un incident au moyen de discussions et de négociations. M. Lamash n’a ni évalué ni réévalué le caractère approprié de ses actes. Selon M. Durette, il n’a pas maintenu une distance sécuritaire ou tenté d’éviter de recourir à la force, ce qui est l’objectif du MGS.

[196] Lorsqu’il traitait avec le détenu HW, d’autres options, de meilleures options, étaient à la disposition de M. Lamash. Il n’a, à aucun moment, entamé un dialogue significatif ou tenté de négocier la conformité du détenu avant de déployer l’OC en vaporisateur. Selon les éléments de preuve, M. Lamash n’a pas envisagé l’isolement ou le retrait comme des options viables. Toute la situation aurait pu être désamorcée si des options autres que le déploiement de l’OC en vaporisateur et l’agression du détenu avaient été envisagées. M. Lamash a peut-être perçu une menace, mais il a recouru directement à la force, sans envisager d’autres options, même après que le détenu a battu en retraite. M. Lamash a contrevenu aux politiques de l’employeur et à sa formation.

[197] M. Lamash a admis que le détenu SW avait tenté de l’attirer dans une bagarre. M. Lamash était tenu de désamorcer la situation en se retirant de celle‑ci, puisqu’il était la cible de l’abus de la part du détenu SW. Le fait d’agir ainsi et de permettre aux autres agents présents de gérer la situation aurait constitué la bonne voie à suivre. Il a plutôt accepté de mordre à l’appât, s’est entretenu avec le détenu et n’a pas reconnu que sa présence aggravait la situation. Même si M. Lamash a perçu une menace pour l’autre détenu dans la cellule, selon les éléments de preuve, cette menace faisait partie de l’appât utilisé pour inciter M. Lamash à se battre.

[198] Ce que les agents Krstic, Pye et Ransome ont soutenu avoir vu était improbable, voire impossible. Ce n’est qu’à l’aide d’une collusion manifeste ou d’une collaboration involontaire que leurs histoires pouvaient concorder ainsi. Aucune de ces histoires n’est cohérente avec l’enregistrement vidéo. Le libellé particulier utilisé était calculé pour justifier le recours à la force.

[199] Il incombait aux agents d’établir ce qu’ils ont vu ou entendu ou ce qu’ils n’ont pas vu ou entendu. M. Roussel a été en mesure d’avoir une conversation calme avec le détenu SW alors qu’il se trouvait à l’extérieur de la cellule A006. M. Pye a perçu des menaces de lésions corporelles graves. La vérité de ce que chaque témoin a dit réside dans son harmonie avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et informée reconnaîtrait d’emblée comme étant raisonnable en ce lieu et dans ces circonstances (voir Roberts c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 28, au paragraphe 220).

[200] Les agents dans cette affaire ont pris le temps de recueillir les outils, mais n’ont pas pris le temps de récupérer une caméra portative pour filmer leur intervention vers la fin de l’incident. La porte de la cellule A006 a été laissée sans surveillance ou a été surveillée par M. Roussel, qui a été en mesure de parler tranquillement au détenu. Pendant toute la période pertinente, personne n’a appelé le GC pour lui dire qu’une extraction de cellule était imminente. Une fois la porte ouverte, les résultats étaient prévisibles.

[201] Ce qui s’ensuivit fut un recours sérieux à la force. M. Lamash a donné 14 coups de matraque en succession rapide, sans prendre le temps de réévaluer la situation et l’efficacité de ses actes. Selon M. Bernier, le premier coup aurait pu être justifié, mais après cela, l’emploi du CX peut être mis en péril. Rien n’appuie la proposition de M. Lingrell selon laquelle un agent qui utilise une matraque doit continuer à l’utiliser jusqu’à ce qu’elle devienne efficace. La façon dont M. Lamash a utilisé la matraque a créé une situation dangereuse pour le détenu et les CX concernés. M. Samms se préoccupait du fait que le détenu dans la cellule ne lui donne des coups de pied, parce qu’il était au sol avec sa tête dans la cellule et qu’il avait été aveuglé par l’OC en vaporisateur. M. Shaukat a dit qu’il avait été frappé par la remontée de la matraque. Ce n’était qu’une tape, parce qu’un coup plus fort l’aurait assommé. M. Pye a dit que le détenu avait tenté de le mordre au moment où la matraque avait été déployée. Évidemment, les actes de M. Lamash n’ont pas contribué à désamorcer la situation.

[202] Tous les agents ont décrit la situation comme étant chaotique. Le risque pour eux aurait pu être réduit si M. Lamash s’était retiré et si l’un des 14 autres agents présents l’avait remplacé, si les GC avaient été informés qu’une extraction de cellule était imminente et si un plan clair et cohérent avait été élaboré.

[203] Une extraction de cellule de cette nature n’est pas conforme à la politique. Elle n’a pas été entreprise de la manière la plus sûre et la plus raisonnable en recourant au niveau minimal de force nécessaire. Le comité d’enquête a conclu que les agents avaient eu suffisamment de temps pour consulter le GC. Les CX sont formés pour répondre rapidement. Toutefois, selon leur formation, s’ils ne sont pas sûrs, ils devraient consulter le GC. Ce qui s’est passé le 22 juin 2014 constituait une intervention non autorisée et planifiée au préalable. Le fait qu’il s’agissait d’un plan médiocre ou partiel n’atténue pas les actes des agents concernés.

[204] Il existe des éléments de preuve contradictoires quant au moment où les GC ont été informés du plan d’extraction de cellule. L’enregistrement vidéo montre qu’à l’arrivée des GC, Mme Krstic et Mme Delorme sont présentes. Mme Delorme parle au GC Cook, mais elle a témoigné qu’elle ne l’a pas informé de la situation. M. Ginger a témoigné que les GC n’ont été informés de la gravité de la situation que plus tard. Selon les éléments de preuve, le GC Cook n’avait pas compris ce qui se passait, pas qu’il ne s’y intéressait pas. Les GC ont fait quelque chose à leur arrivée; ils ont préparé l’établissement pour le transfert des détenus qui étaient en CAN à l’unité d’isolement. Même si les GC avaient été informés, personne n’en a informé les agents sur la rangée.

[205] Les actions de CX GS sont problématiques, mais il n’était pas mêlé aux circonstances. Ses actes problématiques ont été de retirer ses agents de l’unité A et de laisser l’unité A sans le soutien requis pendant le recours à la force. M. Lingrell n’était pas un observateur impartial. Il a participé au conflit entre les factions à l’EE. Il a un intérêt dans l’issue de ces griefs.

[206] La version de l’employeur des événements dans la cellule de douche est la plus réaliste, selon la prépondérance des probabilités. M. Lamash n’aurait jamais dû entrer dans la cellule de douche, car le faire, alors qu’il était impliqué dans une situation de recours à la force avec le détenu, contrevenait aux politiques de l’employeur. M. Pye et M. Shaukat ont facilité la violation en n’intervenant pas pour empêcher M. Lamash d’entrer dans la cellule de douche. Les déclarations spontanées du détenu SW, qui sont audibles sur l’enregistrement vidéo de la caméra portative, indiquant que M. Lamash l’avait [traduction] « frappé dans les couilles » et l’avait battu, ainsi que le témoignage de M. Ransome, sont plus logiques que les autres versions. M. Lamash était dans la cellule de douche avec le détenu assez longtemps pour lui donner un coup de pied.

[207] M. Ransome a déclaré au comité d’enquête que M. Lamash avait donné un coup de pied au détenu alors que celui‑ci était sur le plancher de la douche. Si la Commission accepte les conclusions du comité d’enquête, elle doit accepter que les CX ont manqué à leur obligation. Le rapport de M. Saint et de Mme Reddick était indéfendable sur le plan logique, selon M. Bernier, qui a témoigné que leurs conclusions étaient incompatibles avec ce qu’il avait vu sur l’enregistrement vidéo. Étant donné qu’il s’agissait d’une audience de novo, l’employeur devait établir les événements à la Commission. L’arbitre de grief doit tirer ses propres conclusions et ne pas se fier aux conclusions de l’un ou l’autre des comités d’enquête.

[208] Enfin, selon les réponses aux questions énoncées dans Wm. Scott, une conduite justifiant l’imposition de mesures disciplinaires a eu lieu. La mesure disciplinaire appropriée en cas de recours abusif à la force est le licenciement, ce qui a été la sanction imposée à M. Lamash. M. Shaukat et M. Pye ont omis de signaler exactement ce qui s’était passé ce jour‑là. Selon la décision rendue dans Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119, si la mesure disciplinaire imposée était raisonnable, l’arbitre de grief ne devrait pas la modifier. (Voir Rolland Inc. v. Canadian Paperworkers Union, Local 310, [1983] O.L.A.A. No. 75 (QL); Albano c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 79; Hicks c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 99; Legere c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 65; et Shaw c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 101.)

[209] Comme dans Shaw, M. Lamash aurait pu et aurait dû mieux évaluer ses options avant de recourir à la force. À titre d’EM‑32, il était le premier répondant à l’EE, ce qui a accru son niveau d’autorité et d’estime chez les agents à la recherche de ses directives. L’employeur doit pouvoir lui faire confiance pour se conformer à la politique sur le recours à la force. À titre d’agent chevronné, il aurait dû reconnaître la vulnérabilité des détenus et agir en conséquence. Il aurait dû planifier la façon dont il traiterait un détenu qui était en CAN, en recourant au niveau minimal de force nécessaire. (Voir Newman c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 88.)

[210] L’abus verbal est courant dans un milieu correctionnel. M. Lamash n’aurait pas dû réagir à la provocation du détenu SW (voir Roberts).

[211] Afin de déterminer le degré de discipline approprié, l’employeur doit tenir compte à la fois des facteurs aggravants et atténuants. Le détenu HW aurait pu être maîtrisé sans recourir au niveau de force utilisée en fermant la porte de la barrière de la rangée. Le détenu SW était enfermé jusqu’à ce que M. Lamash ordonne l’ouverture de la porte. D’autres options d’intervention n’ont jamais été envisagées, même si la situation s’est poursuivie pendant plusieurs minutes, et les agents ont eu le temps de se calmer et de réfléchir. Déterminer si le recours à la force est justifié est une question de bonne foi. Un recours à la force n’est pas justifié par un langage abusif. Les GC n’ont pas pu donner leur accord, car ils ne savaient pas ce qui se passait. Il n’y a eu aucune transmission radio annonçant l’extraction de cellule prochaine.

[212] Le recours à la force sur l’enregistrement vidéo n’était ni nécessaire ni proportionnel à la situation. Les agents avaient d’autres options. Ils auraient pu isoler les détenus, garder une distance sécuritaire et attendre les effets de leur présence. Ils auraient pu réévaluer la situation lorsque le détenu HW a battu en retraite. M. Lamash n’a pas reconnu son rôle dans l’escalade de la situation en interagissant avec le détenu SW et en entrant dans la cellule de douche. Ils auraient pu informer les GC de leur intention d’effectuer une extraction de cellule.

[213] Les pénitenciers sont des environnements dangereux. Les CX se sont engagés sous serment à protéger les détenus, leurs collègues et les établissements. Ils doivent appliquer la loi et adopter des comportements modèles qui encouragent la réadaptation des détenus. Les agents Pye et Shaukat avaient l’obligation d’intervenir et de signaler M. Lamash lorsque ses actes contrevenaient à la politique. Selon la prépondérance des probabilités, l’incident dans la douche s’est produit et ils auraient dû le voir. M. Pye n’aurait pu ni voir ni entendre ce qu’il a prétendu avoir vu et entendu, étant donné que M. Roussel a été en mesure d’avoir une conversation calme avec le détenu SW au même moment où M. Pye a déclaré que le détenu proférait des menaces. M. Shaukat a exagéré dans son RODA et a admis qu’il était incompatible avec ce qu’il avait vu sur l’enregistrement vidéo. M. Shaukat et M. Pye ont tous deux fait état d’un récit conforme à ce qu’ils ont admis avoir discuté avec d’autres personnes.

[214] M. Lamash s’est livré à un recours à la force non provoqué, ce qui était contraire à l’éthique. Il s’agit du type d’infraction le plus grave dans le contexte de l’emploi. Il a commis trois abus à l’égard des détenus qui étaient sous sa garde, rompant ainsi le lien de confiance avec son employeur et manquant à ses obligations en tant qu’agent de la paix. Le licenciement était raisonnable dans son cas.

B. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

[215] Il incombait à l’employeur d’établir au moyen d’une preuve claire, logique et convaincante que les événements allégués avaient effectivement eu lieu. M. Bernier a fermement cru le rapport Erickson, qu’il a qualifié de brillant. Les lettres disciplinaires sont liées aux conclusions de ce rapport. Il n’y a aucun débat sur le fait que beaucoup de choses auraient pu être mieux faites le 22 juin 2014, mais la question est de savoir si ce qui a été fait a contrevenu aux directives du commissaire.

[216] Une grande partie des éléments de preuve portait sur la façon dont les tâches étaient accomplies à l’EE. Les barrières de la rangée étaient rarement utilisées, voire pas du tout, pour isoler et maîtriser les détenus. Lorsqu’un détenu refusait de s’enfermer à l’EE, il était courant que les CX marchent dans la rangée et démontrent leur présence. M. Erickson n’a jamais interrogé qui que ce soit quant à la façon dont les barrières étaient utilisées à l’EE. Selon Mme Delorme, les agents sont allés dans la rangée, car c’est ce qui était fait à l’EE. La décision de se rendre dans la rangée constituait une pratique courante.

[217] M. Lamash s’est rendu dans la rangée de manière agressive, déterminé à résoudre les choses, selon son langage corporel sur l’enregistrement vidéo. À partir de la bulle, M. Shaukat a ordonné verbalement au détenu de s’enfermer. Lorsque le détenu a refusé, M. Shaukat a communiqué l’information aux agents qui sont allés dans la rangée plus tard. Selon son analyse, le détenu était en CAN et la porte de la cellule A003 était bloquée en position ouverte à l’aide d’une serviette. Il a envoyé des agents pour vérifier la situation. Selon les éléments de preuve, il s’agissait simplement d’une journée normale à l’unité A.

[218] Il n’y a aucune preuve claire, logique et convaincante selon laquelle le fait de ne pas utiliser la barrière et de plutôt marcher dans la rangée constituait une inconduite de la part de quiconque. L’enregistrement vidéo n’a pas montré les mains du détenu HW en tout temps. En se fondant sur le moment où ses mains étaient visibles, les enquêteurs ont conclu que ses mains étaient toujours ouvertes. La Commission ne devrait pas tirer cette conclusion. La qualité de la vidéo est médiocre, et selon Legere, les caméras n’ont pas vu ce que les agents ont vu. M. Shaukat a témoigné que le détenu avait adopté une position agressive après avoir reçu l’ordre de s’enfermer. Selon M. Lamash, le détenu a dit qu’il était temps de se battre. Selon Mme Delorme et Mme Krstic, il n’a pas tenu compte des directives de s’enfermer.

[219] Le détenu HW ne coopérait pas sur le plan physique lorsqu’il a refusé de s’enfermer. La chose la plus sécuritaire à faire avant qu’une bagarre n’éclate consistait à utiliser l’OC en vaporisateur. Le MGS autorise son utilisation lorsqu’un détenu ne coopère pas physiquement. L’enregistrement vidéo ne montre pas le ton des interactions avec le détenu ni le niveau de menace que représentait son comportement. Un détenu qui est en CAN n’est pas susceptible de se conformer aux directives verbales et se trouve dans un état très volatile.

[220] Rien ne prouve que M. Lamash a aspergé le détenu pendant qu’il était au sol. M. Erickson a parlé des agents qui se retirent dans ce type de situation. Il n’a pas tenu compte du fait que quatre agents remplissaient la rangée et qu’ils ne pouvaient pas reculer de façon synchronisée tout en surveillant le détenu. Ces contraintes physiques ont fait partie de la décision d’utiliser l’OC en vaporisateur.

[221] Lorsqu’un détenu refuse de coopérer, quelles options s’offrent à un CX qui traite avec un détenu qui est en CAN? Le fait que le détenu a reculé ne constitue pas nécessairement un signe de retraite lorsqu’on ne sait pas si cela a été causé par la libération de l’OC en vaporisateur. M. Lamash a témoigné qu’il avait utilisé un jet rapide d’OC en vaporisateur, ce qui correspond au moment sur l’enregistrement vidéo où le détenu recule.

[222] La meilleure preuve permettant de déterminer si M. Lamash a frappé le détenu au visage est le témoignage d’une personne qui l’a vu. Selon les éléments de preuve, il s’agissait de M. Ransome, mais il n’a pas témoigné. Dans ses entrevues avec M. Saint et Mme Reddick (comme il est indiqué dans leur rapport), M. Ransome leur a dit qu’il n’avait pas vu M. Lamash donner un coup de poing au détenu. M. Erickson a dit qu’il avait vu M. Lamash tenter de donner un coup de poing avec sa main gauche au détenu, mais qu’il n’était pas sûr si le poing l’avait frappé.

[223] La vidéo ne permet pas de conclure que le coup de poing a été donné. Il est clair que le détenu HW a titubé et rebondi sur les murs, ce qui aurait pu être causé par les effets de l’OC en vaporisateur. Selon M. Durette, l’OC en vaporisateur rend le plancher glissant. Il n’y a aucune preuve vidéo directe d’un coup de poing; la seule personne qui l’a vu était M. Ransome, mais il n’a pas témoigné. Il ne l’a signalé que pendant son entrevue avec M. Erickson et M. Lapointe. Étant donné la taille de M. Ransome, il est peu probable qu’il n’ait pas vu où le présumé coup de poing a frappé. Il est très préoccupant qu’il ait présenté des éléments de preuve totalement opposés au cours des enquêtes.

[224] Comme il est indiqué dans Legere, la Commission a besoin de plus que des possibilités pour déterminer ce qui s’est passé. L’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que M. Lamash a donné un coup de poing à la tête du détenu. M. Durette et M. Lingrell ont tous deux témoigné que le fait de placer un genou sur le dos constitue une technique enseignée pour maîtriser un détenu couché. Compte tenu de la zone restreinte et du fait que la tête du détenu était contre le mur, il est possible que le genou de M. Lamash ait été placé plus bas dans le dos du détenu que ce que montre l’enregistrement vidéo. Il n’y a aucune preuve du poids qui a été placé sur le dos du détenu. La deuxième enquête a permis de conclure que M. Lamash avait écrasé son genou sur le dos du détenu HW, utilisant ainsi un langage préjudiciable. Les enquêteurs ont mentionné un coup de genou dans leur chronologie, mais dans leur analyse, le problème était le placement du genou. La vidéo n’appuie pas le fait que M. Lamash a utilisé un coup de genou.

[225] Encore une fois, M. Ransome a affirmé avoir vu M. Lamash frapper le détenu HW avec le vaporisateur MK09, mais il n’en a rien dit à M. Saint ou à Mme Reddick. Le MK09 est un vaporisateur en métal avec des poignées en plastique qui se détachent facilement, ce qui se serait produit s’il avait été utilisé pour frapper quelqu’un. Les poignées ne se sont pas détachées. M. Lamash a témoigné qu’il avait utilisé le vaporisateur pour taper le détenu en vue d’attirer son attention, une technique qu’il avait apprise d’autres agents.

[226] Les rapports médicaux ne font aucune mention d’une blessure au torse du détenu HW. Ils mentionnent une contusion à son épaule gauche. Une manipulation physique importante a été nécessaire pour l’amener à la douche, ce qui aurait pu la causer. Le détenu HW n’a pas voulu présenter ses mains aux fins de menottage pendant qu’il était sur le sol. Le deuxième rapport d’enquête énonce que le détenu était immobile. M. Ransome a dit à M. Saint et à Mme Reddick et a déclaré dans son RODA que le détenu se débattait et crachait. M. Lamash a dit que le détenu avait résisté à lui donner ses mains. Malgré cela, la deuxième enquête a conclu que le détenu était coopératif.

[227] Selon l’employeur, le nombre de coups de matraque utilisés contre le détenu SW, la technique et la zone visée étaient tous excessifs. Mme Contini a estimé que le nombre de coups était excessif. M. Bernier a témoigné qu’un agent peut frapper une fois puis réévaluer la situation, mais le manuel de formation enseigne l’utilisation de la matraque en série de cinq coups. M. Erickson a conclu que l’utilisation de la matraque était acceptable, mais que le nombre de coups était excessif. La preuve vidéo n’est pas concluante quant au nombre de coups réellement portés. Un certain nombre de coups auraient pu être des tentatives de frapper et donc n’auraient pas pu être des coups. On ignore combien de fois M. Lamash a frappé le détenu avec la matraque.

[228] Le MGS mentionne l’utilisation de la matraque sur un détenu agressif. Afin de conclure que le nombre de coups constituait un recours abusif à la force, il faudrait conclure que la matraque n’était pas nécessaire. Le détenu SW a tenté de mordre la jambe de M. Lamash et la main de M. Pye. La question est de savoir quand il a cessé d’essayer de les mordre. Il n’y a aucun moyen d’établir que M. Lamash a continué de donner des coups de matraque après que le détenu a cessé de mordre. M. Lamash a témoigné qu’il avait cessé d’utiliser la matraque en raison du nombre d’agents devant lui. Il a affirmé qu’il avait visé le poignet et la main du détenu pour le forcer à lâcher prise.

[229] Selon la deuxième enquête, l’enregistrement vidéo montre M. Lamash qui donne des coups au‑dessus de la tête et qui manipule la matraque d’une main, alors qu’il a été formé pour l’utiliser avec deux mains. Selon M. Erickson, les CX ne sont pas autorisés à utiliser une prise de type bâton de baseball lorsqu’ils utilisent la matraque, mais M. Durette a témoigné qu’il n’existe aucune distance de prise obligatoire. L’image dans le manuel de formation montre ce qui ressemble à une prise de bâton de baseball. Compte tenu des conditions dans le couloir, il est probable que les mains de M. Lamash étaient plus rapprochées qu’elles n’auraient dû l’être. Sa technique n’était peut‑être pas parfaite, mais si l’employeur avait des attentes quant à la technique appropriée, il aurait dû consacrer plus de temps à la formation des agents à l’utilisation de la matraque.

[230] Une technique inadéquate ne constitue pas nécessairement un recours abusif à la force. Le deuxième rapport d’enquête fait référence à des coups portés à la tête et au visage du détenu avec la matraque. D’après l’enregistrement vidéo, il n’y a aucun moyen de déterminer si des coups ont été portés à la tête du détenu. Il n’y a aucun moyen de déterminer s’ils ont même atteint le détenu.

[231] M. Erickson a conclu que les menaces contre le détenu C étaient fausses, mais M. Pye, Mme Delorme, Mme Krstic et M. Lamash les ont tous entendues. Au départ, le détenu SW les avait orientées vers M. Lamash, mais son attention a ensuite changé. M. Shaukat a témoigné que les menaces lui étaient adressées avant la fin de la décontamination. Le détenu SW était extrêmement agité, et il y a une forte possibilité de violence lorsque deux détenus en CAN sont dans la même cellule. Il est clair que le détenu SW souhaitait se battre avec M. Lamash. Un agent aurait‑il dû ignorer les menaces contre le détenu C parce qu’elles constituaient un appât pour se battre avec M. Lamash? Les agents auraient‑ils dû attendre de voir si le détenu SW était sérieux au sujet de ses menaces contre le détenu C?

[232] Les agents sont responsables de leurs actes. On leur permet des perceptions raisonnables, par exemple si les détenus sont en CAN, hurlent, crient, frappent la porte d’une cellule, refusent de se conformer aux ordres, profèrent des menaces, entre autres. Par conséquent, M. Lamash a conclu qu’il était approprié de retirer le détenu de la cellule A006. M. Lamash a convenu qu’il aurait pu attendre avant d’ouvrir la porte de la cellule, puisqu’il avait la capacité de réfléchir à ses actes, mais il a pris sa décision sous l’impulsion du moment, en fonction des circonstances à ce moment‑là. Il se peut qu’il ne se soit pas montré à la hauteur lorsqu’il a laissé la porte de cellule sans surveillance, mais il se préoccupait de l’organisation des choses, pour sauver le détenu C.

[233] Selon la DC 567‑1, la distinction entre la définition de « plan d’intervention » et la façon dont il est appliqué n’est pas claire. Mme Contini a fait référence à un plan d’intervention immédiat qui, selon M. Squires, n’est utilisé que par l’EIU. M. Erickson a conclu que l’ouverture de la porte de la cellule constituait un recours à la force planifié au préalable. Selon M. Durette, le personnel de première ligne peut exécuter un plan d’intervention. M. Bernier a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un recours à la force approprié. M. Shaukat a déclaré qu’il ne s’agissait d’aucune façon d’un plan d’intervention.

[234] Selon M. Lingrell, les limites n’étaient pas claires. M. Lamash ne se souvenait d’aucune discussion entre le personnel au sujet de la DC 567‑1. M. Squires a témoigné que les membres du personnel ne participaient pas un recours à la force planifié. Les personnes concernées ne comprenaient pas clairement les formes d’intervention énumérées dans la DC 567‑1. Il n’est pas logique de conclure qu’ils ont contrevenu à une politique que personne n’a compris ou dont personne n’avait une compréhension commune.

[235] Les GC ont reçu un appel pour intervenir à l’unité A de son sous‑contrôle. Lorsqu’ils sont arrivés, ils ne sont pas descendus à la rangée. Le GC Cook a dit que les deux détenus étaient sous la douche à l’arrivée des GC, ce qui, d’après les enregistrements vidéo, n’est pas vrai. Selon M. Lingrell, les GC doivent prendre en charge une situation à leur arrivée, mais les GC dans ce cas se sont retirés au bureau de l’unité et n’ont pas assisté à la scène. Ils ont fermé les yeux, laissé la situation se dérouler, puis sont sortis du bureau et ont dit qu’ils n’avaient aucune idée que quelque chose s’était passé.

[236] Il incombait à l’employeur d’établir que l’agression sous la douche avait eu lieu. M. Ransome a fourni la meilleure preuve de cet incident. Il ne l’a signalé qu’à sa troisième entrevue. On peut convenir que ce n’était pas une bonne idée pour M. Lamash d’entrer dans la cellule de douche, mais cela ne signifie pas qu’il a agressé le détenu pendant qu’il s’y trouvait ou que les autres agents l’ont vu le faire. Aucun élément de preuve n’étaye les déclarations de M. Ransome. Si c’était le cas, une grande partie de la présente affaire repose sur les éléments de preuve fournis par M. Ransome, pourquoi n’a‑t‑il donc pas témoigné?

[237] Selon Roberts, la crédibilité du détenu mérite un examen minutieux. Dans la présente affaire, le détenu n’a pas témoigné. La GC Kelly Monson a interrogé le détenu SW après l’incident et a signalé qu’il n’avait aucune préoccupation et qu’il n’avait presque aucun souvenir de l’incident parce qu’il était en CAN. Selon la prépondérance des probabilités, le fardeau de prouver qu’une agression a eu lieu sous la douche n’a pas été rempli. Si M. Lamash a contrevenu à la politique en se trouvant sous la douche, M. Shaukat y a contrevenu lui aussi. La question est de savoir si la politique a été enfreinte ou si le fait de se trouver dans la cellule de douche constituait une bonne idée.

[238] M. Ransome a soulevé l’idée d’une collusion dans la rédaction des RODA. M. Lamash ne laissait personne partir tant qu’ils n’avaient pas rédigé leur RODA en fonction de ses directives. M. Samms a dit que cela ne s’était pas produit et que chaque agent avait rédigé un RODA seul. M. Ransome est la seule source de ces renseignements, mais il n’a pas témoigné. M. Pye a rédigé son RODA à l’unité C après un quart de travail de deux heures au sous‑contrôle de l’unité C. Il est extrêmement improbable que Mme Delorme ait menacé de qualifier quiconque de rat. La collusion dépasse le simple fait d’être dans la même salle à rédiger un rapport avec des agents en train de décompresser à la suite du plus grand événement de leur carrière.

[239] M. Lamash a été ciblé. Il y a beaucoup à apprendre de cet incident (voir Besirovic c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 33). M. Lamash n’a pas porté ou déclenché son alarme de protection individuelle, mais personne d’autre ne l’a fait, alors pourquoi s’est‑il vu imposer une mesure disciplinaire pour cela? Rien ne prouve que le comité d’enquête l’a interrogé au sujet de l’omission d’enregistrer sur bande vidéo l’incident à l’aide d’une caméra portative comme l’exige la DC 567‑1, mais une mesure disciplinaire lui a pourtant été imposée pour cela. Rien n’indique qu’il s’agissait plus de son travail que de celui de quelqu’un d’autre.

[240] Il a été jugé que M. Lamash avait discrédité le SCC, en violation de la DC‑060. Selon Dekort c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTESPF 75, il ne s’agit pas d’une accusation autonome et elle n’est valable que dans la mesure où les autres accusations portées contre lui sont valides. Les accusations selon lesquelles M. Lamash n’a pas divulgué son utilisation du vaporisateur et de la matraque sont dénuées de fondement puisque l’aérosol était dans l’air et pouvait être détecté par l’odeur, et la matraque était visible par tout le monde. Selon la prépondérance des probabilités, le GC Cook savait qu’ils avaient été utilisés.

[241] Les allégations selon lesquelles M. Lamash a fait preuve négligence dans l’exercice de ses fonctions et qu’il a mis ses collègues en danger sont également dénuées de fondement. Selon M. Shaukat, ils ont exécuté un plan fondé sur les outils et les postes attribués. M. Lamash était condamné quoi qu’il arrive s’il n’était pas intervenu pour sauver le détenu C. Dans son évaluation, le risque pour la vie du détenu C était plus grand que le risque pour le personnel.

[242] Dans l’évaluation des critères Larsen préparée à l’égard de M. Lamash, Mme Contini avait déjà fait référence à la rupture irrévocable du lien de confiance que l’employeur avait envers lui. Elle a supposé qu’il avait un dossier de recours abusif à la force, ce qui est faux. Dans son esprit, il était coupable, et rien ne pouvait le changer. Elle a fait référence à des enquêtes policières sur la conduite de M. Lamash, qui n’ont jamais existé, mais elle a cherché à maintes reprises à les amorcer. M. Bernier a tiré ses conclusions en fonction des conclusions de l’examen du recours à la force. Les réunions avec les fonctionnaires et la direction étaient hostiles, et on ne leur a pas donné la possibilité de répondre aux accusations portées contre eux.

[243] Des erreurs ont été commises ce jour‑là. Il s’agissait d’un désordre, mais le processus disciplinaire l’était aussi. Cela ne change rien à ce qui s’est passé, mais il faut en tenir compte. M. Bernier n’a jamais rencontré M. Lamash, mais il a pourtant perdu confiance en M. Lamash en raison de la décision rendue dans un rapport vicié et partial. M. Lamash a reconnu qu’il avait commis des erreurs, qu’il aurait dû garder un œil sur la cellule, qu’il aurait dû appeler les GC, qu’il aurait dû avoir l’équipement prêt et qu’il aurait dû attendre avant d’entrer dans la cellule.

[244] Personne n’a témoigné qu’il ou elle ne pourrait pas travailler avec M. Lamash s’il était réintégré dans ses fonctions. Le licenciement est excessif dans les circonstances, compte tenu de la violation de la justice naturelle et des facteurs atténuants. Il n’y avait aucune raison justifiant l’imposition de mesures disciplinaires à M. Pye et à M. Shaukat.

[245] La suspension sans salaire imposée à M. Lamash était de nature disciplinaire et constituait une double peine. Il a demandé un changement d’équipe ou d’être affecté à poste sans contact avec les détenus, ce qui lui aurait permis de continuer à travailler pendant la période d’enquête, mais l’employeur a refusé, en se fondant sur les commentaires de Mme Contini selon lesquels M. Lamash avait frappé un détenu avec le vaporisateur MK09 et utilisé des coups de genou contre lui et que le lien de confiance avait été irrévocablement rompu. Sa conclusion selon laquelle il était impossible de le placer n’importe où dans l’établissement était la raison de sa suspension. Mme Contini a communiqué des renseignements inexacts à l’administration centrale du SCC dans le but d’embellir l’affaire. L’employeur aurait pu l’envoyer à l’entrepôt comme il l’avait fait pour d’autres agents, mais Mme Contini l’en a empêché.

[246] Le 8 août 2014, l’employeur a reçu le premier rapport, qui indiquait qu’il n’y avait pas eu d’inconduite. Il n’a pas examiné la décision de suspension, mais il a modifié la suspension en une suspension avec salaire. Quatre semaines plus tard, lorsque la deuxième enquête a commencé, la suspension est redevenue une suspension sans salaire.

[247] M. Pye et M. Shaukat ont été reconnus coupables d’avoir été témoins d’une agression à l’égard de laquelle ils n’ont jamais été interrogés. Ils n’avaient aucune idée de ce qu’ils étaient censés avoir fait, jusqu’à ce que l’audience concernant la présente affaire soit tenue. Ils ont fait l’objet d’une mesure disciplinaire en raison d’un processus vicié sur le plan de la procédure qui ne peut pas être simplement résolu de novo. L’employeur leur a causé une détresse mentale prévisible en les obligeant à subir ce processus fondé sur de fausses allégations et en ne leur permettant pas de se défendre. Ils ont droit à des dommages de 10 000 $ pour une violation aussi grave de la justice naturelle (voir Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39).

IV. Motifs

[248] J’ai passé des heures avec les parties, et seul, à examiner les différentes versions des enregistrements vidéo des événements présentés en tant que pièces. D’après mon visionnement des enregistrements, surtout ceux des GC Ginger et Cook, il est clair que les GC en service étaient en fait à l’unité au moment des événements et qu’ils n’ont rien fait pour intervenir afin d’arrêter ou de diriger l’extraction de cellule du détenu SW. Si l’un des GC avait assumé la responsabilité qui lui avait été attribuée en vertu de sa classification, les choses auraient pu se dérouler très différemment, et les CX Shaukat et Pye n’auraient eu aucun doute quant à qui était responsable de la situation. Les GC n’ont fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire pour leurs manquements. M. Shaukat et M. Pye ne devraient pas souffrir pour avoir fait ce qu’ils estimaient être dans l’intérêt de l’établissement, en l’absence d’une orientation appropriée.

[249] D’après ce que j’ai vu des enregistrements vidéo, il est également clair que M. Lamash est entré dans la rangée ce jour‑là d’une manière très agressive. Il a fait preuve d’une attitude très agressive lorsqu’il a approché les détenus. Marcher avec les épaules soulevées et en se penchant vers l’avant en approchant le détenu était agressif. Même si les vidéos n’ont pas d’audio, M. Lamash a un visage en colère et ne s’adresse à personne de manière calme. Les parties ont consacré beaucoup de temps à identifier les indicateurs qui désignent l’agressivité d’un détenu, qui s’appliquent également à l’interprétation de l’agressivité dans les actes d’un agent.

[250] On a vu M. Lamash frapper le détenu HW avec le vaporisateur MK09. Qu’il ait tapé ou frappé le détenu n’est pas pertinent, car l’un ou l’autre de ces actes posait un risque sérieux pour toutes les personnes concernées, puisque le vaporisateur était fragile et pouvait être brisé facilement. Il ne me semble pas évident qu’il ait utilisé des coups de genou contre le détenu HW, mais il a certainement donné au moins un coup de genou sur le dos du détenu. De même, on peut le voir frapper le détenu pendant que celui-ci est au sol.

[251] Il n’était pas nécessaire que l’employeur établisse au‑delà de tout doute raisonnable ce qui s’est passé ce jour‑là. Son fardeau de la preuve reposait sur la prépondérance des probabilités que ce qu’il alléguait s’était réellement produit. Comme l’a allégué l’employeur, d’après mon visionnement des enregistrements vidéo, je conviens que les actes de M. Lamash lorsqu’il traitait avec le détenu HW, selon la prépondérance des probabilités, constituaient un recours abusif à la force. L’utilisation du vaporisateur MK09 pour frapper le détenu et l’utilisation d’un coup de genou sur son dos n’étaient ni autorisées par la politique ni une pratique acceptée.

[252] Le licenciement de M. Lamash ne reposait pas uniquement sur la façon dont il a traité le détenu HW. Ce traitement, combiné au traitement du détenu SW, ont entraîné son licenciement, ainsi que son jugement ou son absence de jugement dans la gestion de toute la situation. Il n’a pas été licencié pour chaque acte isolé de tout ce qui s’est passé. La totalité de ses actes et l’effet qui en a découlé sur la relation de travail ont donné lieu à son sort final.

[253] En ce qui concerne l’incident avec le détenu SW, on peut voir M. Lamash frapper à maintes reprises avec la matraque la mêlée à ses pieds, qui était composée d’autres agents et du détenu. Selon son témoignage, il n’avait que peu d’expérience ou de formation concernant l’arme. Cela démontre son mépris total pour la sécurité des autres autour de lui. Il a également fait preuve de mépris à l’égard des politiques de l’employeur et de sa propre sécurité lorsqu’il est entré dans la cellule de douche où le détenu SW était en cours de décontamination. Selon le témoignage non contredit, les agents qui ont été impliqués dans un incident, comme M. Lamash l’a été avec le détenu SW, ne devraient pas participer au processus de décontamination. Malgré cela, il a fait irruption dans la cellule de douche. Il a admis à la Commission qu’en prenant du recul, il n’aurait pas dû le faire.

[254] Il ne fait aucun doute que M. Lamash avait l’intention de recourir à la force le 22 juin 2014. Par son témoignage, il a admis qu’il s’était engagé à recourir à la force une fois qu’il était entré dans la rangée pour traiter avec le détenu HW. Il a également témoigné que dès son arrivée à l’unité, il lui était évident qu’il s’agissait de sa seule option. Il n’a envisagé à aucun moment d’autres options, notamment la négociation d’une résolution de la situation, car selon lui, il n’était pas familier avec l’utilisation de la négociation pour désamorcer une situation. Si cette situation avait été résolue différemment, ce qui s’est passé ensuite avec le détenu SW (le frère du détenu HW) aurait très bien pu être évité. Le MGS utilisé à l’époque et ses versions plus récentes indiquent des options pour gérer de telles situations au moyen d’un niveau minimal de force nécessaire. M. Lamash est entré sur la scène avec l’intention de recourir à la force, ce qui l’a aggravée et a créé la situation qui est ensuite survenue.

[255] Le rôle d’un agent de la paix consiste à maintenir l’ordre, et non à promouvoir ou à exacerber une situation. M. Lamash ne s’est pas acquitté de sa responsabilité de CX en tant qu’agent de la paix lorsqu’il n’a pas déterminé le niveau minimal de force nécessaire et adapté aux circonstances. Il a manqué à ses obligations en vertu de la DC‑567 de résoudre pacifiquement un incident à l’aide d’une discussion et de négociations. Il n’a jamais approché aucun des détenus avec l’intention de régler la situation au moyen d’une discussion ou de négociations. Son premier recours a été la force, ce qui était abusif par rapport à l’objectif déclaré de l’intervention. À titre d’agent principal et de premier répondant au sein de l’établissement, on s’attendait à ce qu’il fasse preuve d’une approche plus calme en ce qui concerne les interactions avec les détenus et qu’il ne recoure pas au type d’agression dont il a fait preuve ce jour‑là.

[256] On s’attend à ce qu’un agent fasse preuve de jugement et de perspicacité lorsqu’il entre dans une rangée en réponse à un appel d’aide. Cela est particulièrement vrai pour un CX‑02 comme M. Lamash. Il en va de la sécurité des autres agents, des détenus et de l’établissement. Un agent qui ne fait pas preuve de ces qualités ne peut pas les apprendre si son premier instinct est de recourir immédiatement à la force, comme l’a fait M. Lamash. Il a suivi la même formation que tous les autres employés du groupe CX. Cette formation porte sur une multitude d’options et encourage l’utilisation de la solution la moins agressive possible. Il ne peut pas blâmer son incapacité à absorber et à utiliser la formation qui lui a été fournie relativement à la situation dans laquelle il se trouve.

[257] En l’absence d’une orientation appropriée et compte tenu du chaos créé par le manque d’orientation, la perception selon laquelle M. Lamash était responsable et de son état évident d’agitation accrue, les actes des autres agents semblaient conformes au MGS. Ils ont mis le détenu à terre, ont pris le contrôle et l’ont retiré de la situation pour être décontaminé. On peut voir M. Lamash frapper non seulement le détenu, mais aussi ses collègues avec la matraque pendant la bagarre. Il était inconscient du danger qu’il représentait pour ses collègues, surtout si j’accepte le témoignage de M. Lingrell selon lequel le détenu était sous le bouclier à ce moment-là et n’aurait pas pu avoir été frappé par la matraque.

[258] La version de l’employeur de ce qui s’est passé dans la zone de douche est incompatible avec l’enregistrement vidéo et n’étaye pas les allégations contre M. Shaukat ou M. Pye. M. Shaukat n’a pas autorisé M. Lamash à entrer dans la douche. M. Lamash y a fait irruption alors qu’il était encore dans un état d’agitation accrue. D’après mon examen de la vidéo, il ne s’est pas arrêté pour parler à M. Shaukat, à M. Pye, ou à toute autre personne présente. Comment alors M. Shaukat ou M. Pye pourraient‑ils être responsables des actes de M. Lamash alors qu’il les a dépassés, sans interagir avec eux? En l’absence du témoignage de M. Ransome, les éléments de preuve n’étayent pas non plus l’allégation selon laquelle M. Lamash a frappé le détenu alors qu’il était sous la douche, car il était le seul agent qui aurait vu une telle chose.

[259] Le GC Cook était présent, comme en témoignent les enregistrements vidéo de la scène, mais il n’a rien fait et n’a rien dit à M. Shaukat pour empêcher M. Lamash de s’insérer dans la situation. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui appuie l’imposition de mesures disciplinaires contre M. Shaukat ou M. Pye pour leurs actes dans l’incident de recours à la force ou lors de la décontamination. J’ai pu constater clairement après un visionnement des vidéos présentées en tant que pièces, après avoir entendu le témoignage de chacun des témoins ayant regardé les vidéos et après avoir examiné les politiques de l’employeur que M. Lamash aurait dû se retirer de la situation et n’aurait pas dû participer au processus de décontamination du détenu SW étant donné qu’il avait fait l’objet des menaces proférées par le détenu. Malgré cela, et en ignorant de façon flagrante la politique ou les répercussions de ses actes sur la situation, M. Lamash a fait irruption dans la douche et a aggravé davantage l’humeur du détenu.

[260] L’employeur a soutenu que, selon la prépondérance des probabilités, sa version des événements dans la cellule de douche est la plus réaliste. Je ne suis pas d’accord, car sa version attribuait beaucoup à M. Shaukat, à M. Pye et à d’autres, ce qui n’est clairement pas évident d’après les enregistrements vidéo. M. Shaukat ou M. Pye ne permettent à M. Lamash d’entrer dans la cellule de douche que dans l’interprétation des vidéos par l’employeur. Il est clair que M. Lamash s’est introduit de force en dépassant les agents réunis et qu’il est entré dans la cellule. Si quelque chose d’autre s’est produit, comme M. Ransome l’a fait remarquer, il faut alors son témoignage pour l’établir, car les arguments de l’employeur reposent principalement sur les vidéos présentées en tant que pièces, comme l’a fait remarquer son représentant dans son argumentation. En l’absence de vidéo de ce qui s’est passé sous la douche, je ne peux rendre ma décision qu’en fonction de ce qui m’a été soumis aux fins d’examen.

[261] En outre, je ne spéculerai pas au‑delà de ce qui figure sur les enregistrements vidéo et de ce qui a été attesté devant moi au sujet de ce qui s’est passé pendant que M. Lamash était dans la cellule. Lorsqu’il existe deux versions toutes aussi réalistes de ce qui s’est passé hors caméra, je dois accepter celle qui est étayée par d’autres éléments de preuve. L’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de la preuve à l’égard des événements survenus dans la cellule de douche. Cela ne signifie pas que les actes de M. Lamash lorsqu’il est entré dans cette cellule étaient conformes à la politique ou aux meilleures procédures; cela ne veut pas dire non plus que je ne peux pas conclure que, par ses actes, il a exacerbé et prolongé son différend avec le détenu SW, manquant ainsi à ses obligations de CX et contrevenant aux politiques de l’employeur.

[262] Le plan d’action que M. Lamash a choisi de mettre en œuvre pour extraire le détenu SW de la cellule était mal planifié et contraire au MGS, et il exposait ses collègues à un risque important. Avec sa tête dans la cellule et aveuglé par l’OC en vaporisateur, M. Samms était en danger non seulement par rapport aux détenus, mais aussi par rapport à son collègue qui frappait à maintes reprises la mêlée d‘agents et le détenu au sol. M. Pye se trouvait à portée directe des coups de la matraque alors qu’il tentait d’appliquer des contentions au détenu et qu’il couvrait le détenu avec son corps. Les coups de matraque, qui sont très clairs sur les enregistrements vidéo, visaient principalement les agents qui tentaient d’immobiliser le détenu. M. Shaukat a témoigné qu’il avait été frappé par la remontée de la matraque. Selon le témoignage de M. Lamash, aucun de ses coups de matraque n’a atteint sa cible, car le détenu était sous le bouclier et maîtrisé.

[263] M. Shaukat a été blessé et a dû recevoir un traitement médical dans un établissement de soins de santé local en raison de l’insistance de M. Lamash sur le fait qu’une extraction de cellule était nécessaire, sans bien tenir compte des politiques de l’employeur sur les extractions de cellule, du MGS, et surtout, de la sécurité de ses collègues et du détenu. Il ne s’agissait pas d’une infraction mineure. Le mépris de la sécurité des autres agents ne peut être ignoré et exige une sanction très sévère. Les mesures prises pendant une intervention de cette nature doivent tenir compte de la sécurité des agents concernés par rapport au détenu, aux environs et aux outils à déployer. Toutefois, M. Lamash n’a pas reconnu le degré de préjudice qui aurait pu être causé à ses collègues et au détenu.

[264] D’après les enregistrements vidéo, il est évident que M. Lamash s’est concentré sur une chose et qu’il n’a pas envisagé d’autres possibilités qui auraient représenté un danger moins important pour toutes les personnes concernées. Il ne s’est pas retiré et n’a pas envisagé d’autres possibilités; il n’a pas non plus consulté ses collègues pour planifier ce que chacun d’eux ferait. Le fait que les GC en service ce jour‑là ne soient pas intervenus ne relevait pas M. Lamash de ses obligations de protéger la sécurité de ses collègues, des détenus et de l’établissement.

[265] Compte tenu de l’inexpérience de M. Lamash dans la gestion de situations de cette ampleur, et étant donné le témoignage des autres agents selon lequel le détenu SW discutait avec eux, même s’il proférait des menaces contre M. Lamash et peut être contre l’autre détenu dans la cellule, même si cela n’est pas clair, et selon l’examen des enregistrements vidéo, la présence de M. Lamash a aggravé la gravité de la situation. D’autres agents ont été en mesure de calmer la situation. Il n’existait aucune urgence à retirer le détenu SW de la cellule. Le GC a été appelé sur les lieux. Les actes de M. Lamash étaient imprudents.

[266] À mon avis, selon tous les renseignements dont je dispose, M. Lamash avait le temps de se retirer de la situation et de permettre à d’autres de la gérer d’une manière plus calme. Le temps ne constituait pas un élément essentiel et d’autres mesures étaient à la disposition des agents plutôt qu’une extraction de cellule mal exécutée et imprévue. Pour moi, cela démontre un manque incroyable de jugement et de perspicacité de la part de M. Lamash, ce qui a causé des blessures aux agents, un risque que l’employeur est en droit de refuser d’accepter.

[267] J’estime que le fait que les CX aient utilisé un libellé et un format presque identiques dans leurs RODA indique la culture du milieu correctionnel et non une collusion. Les agents ont utilisé le format encouragé par l’employeur et un libellé qui leur est commun. Ce dialecte était clair, car les témoins des deux parties ont utilisé des phrases et des descriptions qui étaient courantes, répétitives et qui tenaient compte du format et du contenu des politiques de l’employeur et qui n’étaient pas toujours tout à fait conformes aux enregistrements vidéo. Le fait que leurs descriptions des événements étaient semblables entre les RODA ne serait pas rare dans ces circonstances. Cela ne suffit pas en soi pour établir que les agents se sont entendus pour modifier les faits. Sans audio pour accompagner les enregistrements, on ne saura jamais ce que le détenu a dit. Sans preuve de réunions ou d’autres éléments de preuve suffisants, comme dans Finlay c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 59, je ne peux conclure qu’il y a eu collusion entre les agents relativement au contenu de leur RODA.

[268] Le représentant de l’employeur a fait valoir qu’en raison d’une collusion manifeste ou d’une collaboration involontaire, les récits des CX se sont rejoints en utilisant un libellé particulier et calculé pour justifier le recours à la force. Je n’accepte pas le fait qu’il y a eu collusion entre les agents ou des pressions de la part de M. Lamash au sujet du contenu des RODA qui ont été déposés au sujet de l’incident. Rien dans les éléments de preuve présentés par l’employeur ne me convainc du contraire. Je n’estime pas non plus que M. Lamash a exercé des pressions sur ses collègues en ce qui concerne le contenu de leur RODA. Ils ont fourni des explications valables quant au moment et à la façon dont ils ont rédigé leur RODA, qui n’impliquent pas M. Lamash. L’employeur n’a pas réussi à établir cette allégation à l’encontre de tous les fonctionnaires, mais cela n’est pas fatal à sa demande de confirmer sa décision de licencier M. Lamash. Même sans cette allégation, il existe suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de son licenciement.

[269] Tout comme dans Shaw, selon mon évaluation, M. Lamash n’a pas démontré qu’il comprenait véritablement les conséquences potentielles de ses agissements et il recourrait sans aucun doute à la même tactique s’il était plongé dans une situation semblable à l’avenir, ce qui mettrait à risque l’établissement, les détenus et ses collègues de travail. Il a non seulement enfreint la DC‑060, mais également le Code de déontologie de l’employeur lorsqu’il a maltraité un détenu sous sa garde. Malgré le fait qu’il ait appris la méthode appropriée du recours à la force et qu’il ait suivi une formation d’appoint annuelle, il a choisi d’utiliser des méthodes de contrôle du détenu qui ne faisaient pas partie de sa formation, avec lesquelles il n’était pas familier et qui étaient en fait excessives. L’employeur a raison de craindre que M. Lamash répète ce comportement s’il continue de l’employer. Par conséquent, je ne crois pas que l’employeur avait tort de conclure que le licenciement était approprié dans les circonstances.

[270] L’employeur a établi que M. Lamash avait recouru à une force excessive contre le détenu HW et le détenu SW. Il n’a pas envisagé d’autres solutions pour intervenir auprès de ces détenus et n’a pas appliqué correctement le MGS. Il a déployé de manière incorrecte les armes à sa disposition et il a appliqué des techniques qu’on ne lui avait pas enseignées, ce qui était contraire à la politique. Il a enfreint les politiques de l’employeur sur le recours à la force, y compris le MGS, et il n’a pas agi de la façon attendue d’un modèle qu’est un CX‑02. Ses actes ont mis ses collègues en danger et leur ont causé des préjudices. Ses actes justifiaient une mesure disciplinaire grave qui envoyait un message à d’autres que l’employeur n’acceptera pas ni ne tolérera pas une telle conduite. Compte tenu de son poste et de sa classification, de la nature cumulative de ses infractions et de sa négation complète et continue de tout acte répréhensible, l’employeur était justifié d’avoir perdu sa confiance dans la relation d’emploi. Selon les termes utilisés dans Wm. Scott, l’employeur a établi des motifs de discipline et la mesure disciplinaire imposée n’était pas excessive (voir Shaw, Newman et Albano).

[271] Ayant déterminé que l’employeur avait des motifs de licencier M. Lamash et étant donné que le licenciement a été imposé rétroactivement à la date de sa suspension sans salaire, il n’est pas nécessaire que je tranche la question de savoir si la suspension sans salaire était de nature disciplinaire. La décision de licencier rétroactivement à la date de suspension est justifiée étant donné que les motifs de licenciement existaient et étaient connus au moment de la suspension. Il s’agissait d’une date appropriée à laquelle mettre fin à la relation.

[272] Il est très intéressant que l’employeur ait jugé bon d’enquêter deux fois sur cette affaire, malgré les résultats de l’enquête menée par M. Saint et Mme Reddick et leur rapport. Le témoignage de M. Inkpen au sujet de la controverse liée à ce rapport est très intéressant. Toutefois, sans corroboration de M. Saint ou de Mme Reddick, il constitue du ouï‑dire. Je ne peux pas conclure autre chose que l’employeur a choisi de ne pas accepter les conclusions de M. Saint et de Mme Reddick, même si la description du comportement des représentants de l’employeur aux réunions disciplinaires et de réfutation peut étayer la conclusion selon laquelle il s’attendait à ce que les enquêteurs produisent un rapport confirmant leurs opinions et qui ne leur était pas contradictoire.

[273] Le processus d’enquête est essentiel aux exigences de la justice naturelle. Il me semble évident que les processus suivis dans la présente affaire, les multiples enquêtes, le défaut de demander aux fonctionnaires de répondre aux allégations portées contre eux, le refus d’accepter des explications de rechange et le refus de fournir des éclaircissements lorsque les fonctionnaires les ont demandé signifient qu’il ne peut être considéré comme un processus impartial. Toutefois, les audiences tenues devant un arbitre de grief sont de nouvelles audiences, et le préjudice ou l’iniquité qu’un vice de procédure peut avoir causé est réglé par l’arbitrage des griefs (voir Maas c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123, au paragraphe 118; Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70; Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL), au paragraphe 2; Patanguli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 291). Les fonctionnaires ont eu une longue audience devant moi et ont eu amplement l’occasion d’être entendus pour corriger la violation de la justice naturelle par l’employeur au cours des procédures disciplinaires et d’enquête.

[274] Nous avons consacré beaucoup de temps à discuter du rôle de CX GS à l’EE et de ses prétendues interventions dans le processus d’enquête. Cela n’était pas particulièrement pertinent pour moi, si ce n’est pour donner un aperçu de l’environnement à l’EE. Comme il s’agissait d’une audience de novo et que l’employeur ne s’est pas appuyé sur les éléments de preuve de CX GS, je n’ai tiré aucune conclusion fondée sur des éléments de preuve par ouï‑dire relatifs à CX GS ou provenant prétendument de celui‑ci.

[275] Après avoir examiné les pièces 5, 13, 14, 15, 16, 38 et 39, j’ai déterminé qu’elles devraient être scellées parce que chacune d’elles contient des renseignements sur les détenus incarcérés dans l’établissement. Pour déterminer si de telles restrictions devraient être imposées au principe de transparence judiciaire, il faut évaluer les circonstances en fonction du critère énoncé dans R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, connu sous le nom de critère « Dagenais/Mentuck », qui a été précisé dans Sierra Club du Canada c. Canada (ministre des Finances), 2002 CSC 41, dans le cadre d’une procédure civile.

[276] La Cour suprême du Canada a récemment réexaminé le critère dans Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25. La Cour a déclaré que le cadre d’analyse fourni par l’arrêt Sierra Club demeure un guide approprié pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans le traitement des restrictions au principe de transparence judiciaire. La Cour a expliqué qu’une personne demandant une restriction doit démontrer ce qui suit :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

 

[277] La Cour a par la suite reconnu qu’un aspect de la vie privée constitue un intérêt public important aux fins du critère, à savoir des renseignements personnels hautement sensibles qui n’entraîneraient pas seulement un malaise ou une gêne, mais aussi un affront à la dignité de la personne touchée.

[278] Le rapport, les RODA et les enregistrements vidéo en litige identifient des personnes qui ne sont pas parties à la présente instance et qui ont droit à leur vie privée. Permettre que leur identité fasse partie du dossier ne sert aucun intérêt public ou judiciaire et risque sérieusement de compromettre leur vie privée, y compris leur dignité. Aucune autre mesure raisonnable qu’une ordonnance de mise sous scellés n’empêcherait ce risque et les avantages de l’ordonnance l’emporteraient sur ses effets négatifs. Pour ces motifs, j’ordonne la mise sous scellés des pièces 5, 13, 14, 15, 16, 38 et 39.

[279] Les parties m’ont présenté de nombreux cas à l’appui de leurs arguments, dont beaucoup étaient communs. Même si j’ai lu chacun de ces cas, je n’ai mentionné que ceux qui sont d’une importance primordiale.

[280] En résumé, je conclurai en répondant aux questions du critère énoncé dans Wm. Scott. M. Lamash a fourni à l’employeur un motif valable pour lui imposer la mesure disciplinaire qui, selon les circonstances de l’affaire et l’ensemble de la preuve, y compris les enregistrements vidéo, les témoignages de vive voix et les pièces, démontre que la décision de l’employeur de le licencier n’était pas une réponse excessive. Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas à examiner une mesure de rechange qui devrait y être substituée dans son cas.

[281] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[282] Il est fait droit au grief dans le dossier de la Commission no 566‑02‑11251.

[283] M. Shaukat recevra une somme de 1 000 $ plus des intérêts au taux de la Cour fédérale du Canada avant jugement, à compter de la date de la lettre disciplinaire jusqu’à la date de la présente décision et après cette date, au taux de la Cour fédérale du Canada après jugement jusqu’à la date de paiement.

[284] Il est fait droit au grief dans le dossier de la Commission no 566‑02‑11254.

[285] M. Pye recevra une somme de 1 000 $ plus des intérêts au taux de la Cour fédérale du Canada avant jugement, à compter de la date de la lettre disciplinaire jusqu’à la date de la présente décision et après cette date, au taux de la Cour fédérale du Canada après jugement jusqu’à la date de paiement.

[286] Les griefs dans les dossiers de la Commission nos 566‑02‑10550, 10782 et 10783 sont rejetés.

[287] Les pièces 5, 13, 14, 15, 16, 38 et 39 sont mises sous scellé.

Le 17 novembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

arbitre de grief

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