Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé un grief contestant le refus de sa demande d’indemnité de kilométrage du 18 octobre 2018 – toutefois, à l’arbitrage, elle a tenté de présenter des éléments de preuve concernant le refus d’une autre demande d’indemnité de kilométrage – la Commission a jugé que la plaignante avait abandonné son grief.

Grief rejeté.


Lors de l’arbitrage, la plaignante a tenté de présenter une preuve au sujet d’un grief relatif à une demande d’indemnité de kilométrage qu’elle n’avait pas renvoyé à l’arbitrage – l’employeur s’est opposé à ce que la Commission entende ce grief – la plaignante a demandé une prorogation du délai pour renvoyer ce grief à l’arbitrage – la Commission a conclu qu’étant donné qu’elle n’avait pas établi qu’elle avait présenté ce grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, il n’était pas possible d’accorder une prorogation du délai pour le renvoyer à l’arbitrage – la Commission a conclu que la plaignante n’avait pas établi que, n’eût été le non respect du délai, elle aurait eu le droit de renvoyer ce grief à l’arbitrage.

Objection accueillie.
Demande de prorogation du délai rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20211208

Dossiers: 566-02-40227 et 568-02-43776

 

Référence: 2021 CRTESPF 134

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

Entre

 

Jessica ens

fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

 

employeur

Répertorié

Ens c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et une demande visant la prorogation d’un délai visée à l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Devant : James R. Knopp, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Corinne Blanchette, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Adam C. Feldman, avocat

Affaire entendue par vidéoconférence, le 8 septembre 2021.

(Arguments écrits déposés le 10 septembre et le 15 octobre 2021.)

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel en cours d’examen et demande de prorogation du délai

[1] Jessica Ens, la fonctionnaire s’estimant lésée (la «fonctionnaire»), est une agente correctionnelle au Service correctionnel du Canada (l’«employeur»). Elle travaille à l’Établissement de Kent, situé dans la région du Lower Mainland, en Colombie-Britannique. Elle habite à Summerland (Colombie-Britannique), à plusieurs centaines de kilomètres.

[2] Selon la convention collective en vigueur, si la fonctionnaire est convoquée un jour de repos pour faire des heures supplémentaires, elle a droit à une indemnité de kilométrage effectué pour se rendre au travail et en revenir. L’omission de l’employeur de payer cette indemnité de kilométrage fait l’objet de son grief.

[3] L’audience s’est déroulée par vidéoconférence, les parties y participant depuis Summerland, en Colombie-Britannique, et depuis Ottawa, en Ontario. L’audience a commencé le 8 septembre 2021 et devait durer trois jours.

[4] Peu après le début de l’interrogatoire principal de la fonctionnaire, une anomalie a été constatée. Le grief renvoyé à l’arbitrage sous le numéro de dossier de la Commission 566-02-40227 se rapporte à des événements survenus le 18 octobre 2018. Cependant, les parties étaient prêtes à plaider au sujet d’événements qui ont eu lieu 10 jours plus tard, soit le 28 octobre 2018. Compte tenu de cette anomalie, l’employeur a soulevé une objection.

[5] Des arguments écrits ont été présentés sur la question de l’omission de renvoyer correctement l’affaire du 28 octobre 2018 à l’arbitrage et sur la question de savoir si une prorogation du délai devrait être accordée pour permettre de renvoyer correctement cette affaire à l’arbitrage.

[6] L’employeur a présenté ses arguments le 10 septembre 2021. La fonctionnaire a répondu le 15 octobre 2021.

[7] Pour les motifs suivants, le grief devant la Commission, portant sur les événements survenus le 18 octobre 2018, est réputé abandonné. Le numéro de dossier de la Commission 566‑02‑40227 doit être fermé.

[8] De plus, dans les circonstances du présent cas, accorder une prorogation du délai pour renvoyer à l’arbitrage un grief portant sur des événements survenus le 28 octobre 2018 n’est pas une option.

II. Témoignage de la fonctionnaire le 8 septembre 2021

[9] La fonctionnaire a témoigné avoir reçu un appel du bureau des opérations de l’Établissement de Kent le 28 octobre 2018, afin de faire un quart supplémentaire. Ce jour-là était un jour de repos. Elle s’est présentée au travail comme demandé et elle a déposé une demande pour les heures supplémentaires ainsi qu’une demande concernant la distance de 581 km qu’elle a parcourue pour se rendre au travail et en revenir, conformément à la convention collective. Sa demande d’indemnité de kilométrage a été refusée.

[10] Lors de son interrogatoire principal, la fonctionnaire a soutenu que la date mentionnée dans la décision rendue au premier palier par l’employeur, au sujet de son grief dans le numéro de dossier de la Commission 566‑02‑40227, était incorrecte. L’employeur a contesté que c’était la première fois que cette divergence était soulevée. La date indiquée dans les décisions rendues au premier palier et au deuxième palier fait référence à une demande de remboursement de frais de kilométrage datant du 28 octobre 2018. L’employeur s’était préparé pour l’arbitrage sur la base des faits allégués dans le formulaire 20 qui, dans son recueil de documents, indiquait 63456(18) comme numéro de dossier interne. Je précise que le formulaire 20 en question n’est pas celui au moyen duquel la fonctionnaire a renvoyé un grief à l’arbitrage dans le numéro de dossier de la Commission 566‑02‑40227.

[11] Dans le recueil de documents de l’employeur, le grief est articulé comme suit : [traduction] «Je dépose un grief selon lequel, le 28 octobre 2018, on a refusé de me payer les frais correspondant au nombre correct de kilomètres à destination et en provenance de mon lieu de résidence alors que je me suis présentée au travail pour un quart de travail supplémentaire.» Je fais remarquer que ce grief n’est pas celui que la fonctionnaire a renvoyé à l’arbitrage dans le numéro de dossier de la Commission 566‑02‑40227.

[12] En effet, le formulaire 20 au moyen duquel la fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage dans le dossier 566‑02‑40227 de la Commission porte le numéro de dossier interne 63456, et non 63456(18), et le grief est formulé comme suit : [traduction] «Je dépose un grief selon lequel, le 28 octobre 2018, mon employeur a refusé de me payer les frais correspondant au nombre correct de kilomètres à destination et en provenance de mon lieu de résidence alors que je me suis présentée au travail pour un quart de travail supplémentaire.» Je précise que le dossier de la Commission indique qu’un formulaire 20 et un grief ont été fournis à l’employeur par le greffe de la Commission le 3 mai 2019. Par ailleurs, je fais remarquer que, malgré les exigences établies à l’article 96 du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et un rappel du greffe de la Commission à cet égard, l’employeur n’a pas déposé, avant l’audience, une copie de la décision qu’il a rendue au sujet du grief à chaque palier de la procédure de règlement des griefs.

[13] L’employeur s’est opposé à la tenue de l’audience parce que tous les documents qu’il a reçus de la fonctionnaire se rapportaient à des événements survenus le 28 octobre 2018. Les témoins de l’employeur avaient été convoqués pour traiter de questions survenues à cette date précise. L’employeur a demandé pourquoi deux formulaires 20 de renvoi différents ont été signés.

[14] L’employeur a en outre contesté le fait qu’il n’avait reçu un «formulaire de transmission des griefs de dernier palier» concernant les événements du 28 octobre 2018 que la veille de l’audience devant moi. Ce formulaire n’est pas daté et ne comporte pas de détails sur le grief. Il ne comporte pas non plus de numéro de dossier interne. En fait, a déclaré l’employeur, il n’y a aucune preuve qu’un grief relatif aux événements survenus le 28 octobre 2018 a déjà été présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[15] J’ai ajourné l’audience le 8 septembre 2021 pour permettre un traitement plus exhaustif des questions par les parties au moyen d’arguments écrits.

III. L’objection de l’employeur

[16] Le 10 septembre 2021, l’employeur a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Le grief ci-dessus devrait porter sur la demande d’indemnité de kilométrage du 28 octobre 2018

Lors de l’interrogatoire principal de la fonctionnaire, la représentante de cette dernière a affirmé que la date en question sur la réponse de premier palier de l’employeur était incorrecte. C’était la première fois que l’employeur était informé de cette divergence. Logiquement, la date indiquée aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs fait référence à une demande d’indemnité de kilométrage, le 28 octobre 2018 (Onglet 32 du recueil de documents de l’employeur). Comme le veut la coutume, il y a eu une réponse au grief sur la base des faits allégués dans le formulaire 20 (Onglet 32 du recueil de documents de l’employeur, page 133/.pdf).

La représentante de la fonctionnaire a participé au processus interne et la documentation porte son nom. Le dossier indique également que cette représentante était présente à une réunion d’examen de deuxième palier le 8 novembre 2018, dans le cadre des demandes d’indemnité de kilométrage «le 28 octobre 2018 » (Onglet 32 du recueil de documents de l’employeur, page 140/.pdf). À la lumière de ce qui précède, il serait difficile pour la représentante de continuer à prétendre que toute autre date que le 28 octobre 2018 s’applique au présent grief.

Le recueil de documents de la fonctionnaire contient un formulaire 20 différent de celui reçu par l’employeur. Le formulaire 20 de la fonctionnaire, qui a ensuite été envoyé à la Commission en référence à l’arbitrage, est la pierre angulaire pour suggérer les facteurs du 18 octobre 2018 dans le grief devant la Commission.

Trois choses ne sont pas claires en ce qui concerne le formulaire 20 présenté par la fonctionnaire : d’où vient ce formulaire, pourquoi est‑il différent de celui de l’employeur et pourquoi la fonctionnaire a‑t-elle signé deux formulaires 20 portant le même numéro de grief […] Ces divergences ne sont pas le fait de l’employeur et portent gravement atteinte à sa défense.

La fonctionnaire devrait être empêchée de changer des affirmations factuelles au cours de l’audience, qui sont en contradiction avec ce qui a été présenté tout au long de la procédure de règlement des griefs. Dans son onglet 32, l’employeur conteste sans cesse les allégations relatives au 28 octobre 2018. L’employeur a mené une enquête approfondie au moment des événements allégués, et la fonctionnaire a mentionné le kilométrage du 18 octobre 2021 jusqu’au jour de l’audience. La préclusion à l’encontre de ce changement de dates soutiendrait des piliers clés de la procédure de règlement des griefs; à savoir, la résolution des différends en matière de travail et d’emploi au moment où ils se produisent, de manière rapide et efficace. Cette préclusion permettrait également de prévenir l’utilisation abusive des ressources juridiques et judiciaires.

L’employeur soutient que la date en question du grief relatif au kilométrage devrait être le 28 octobre 2018. Attribuer une autre date au grief permettrait de contourner les équilibres inhérents à la procédure interne de règlement des griefs. L’employeur serait privé d’engager une enquête contemporaine sur les allégations; il serait contraint d’ouvrir une enquête avec un retard de près de trois ans.

Au cours de l’audience, la représentante de la fonctionnaire a affirmé que les erreurs étaient simplement techniques et qu’elles avaient pu se produire en raison du nombre de griefs envoyés au nom de Mme Ens. Assurer un renvoi approprié à l’arbitrage fait partie des fonctions d’une représentante. Cette responsabilité a été mal assumée dans le présent cas. Les conséquences d’une correction rétroactive des anomalies sont désastreuses pour l’employeur dans le présent cas, mais aussi en tant que précédent. En résumé, la représentante de la fonctionnaire demande à l’employeur d’ouvrir une enquête près de trois ans après les faits allégués.

Le grief n’a jamais été transmis au dernier palier

Comme pour le formulaire 20 (dans le recueil de documents de la fonctionnaire), l’employeur n’a pas reçu le formulaire de transmission des griefs de dernier palier, qui n’est pas daté et ne contient pas de détails sur le grief […] La représentante de la fonctionnaire a envoyé le document ci-joint le soir avant l’audience. Ce document ne figurait pas sur la liste de divulgation préalable à l’audience pour le grief susmentionné. On ne sait pas vraiment d’où il vient puisqu’il n’était pas initialement joint à la liste des documents présentés dans le cadre de ce grief.

L’omission de transmission au dernier palier dans le cadre de ce dossier de grief ne relève pas simplement d’un problème technique. Il n’a pas été reçu par l’employeur; autrement dit, il ne s’agit pas d’un retard. S’il avait été correctement transmis, il aurait donné lieu à une réponse, comme cela a été le cas pour tous les autres griefs relatifs au kilométrage de Mme Ens.

Lorsque la représentante de la fonctionnaire invoque l’article 95 du Règlement de la CRTESPF, l’employeur réitère l’importance du dernier palier dans la procédure de règlement des griefs. L’article 209 de la LRTSPF précise qu’un fonctionnaire «peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable».

Un grief qui n’a pas été transmis, et qui n’a donc pas été porté jusqu’au dernier palier, ne devrait pas simplement passer entre les mailles du filet; c’est pourtant ce que la représentante de la fonctionnaire demande en invoquant le Règlement.

L’alinéa 237(1)f) de la Loi précise que la Commission peut prendre des règlements relatifs à la procédure applicable aux griefs, notamment en ce qui concerne «les circonstances permettant d’éliminer, pour leur présentation, tel ou tel palier inférieur ou intermédiaire» (je mets en évidence). En vertu de cet alinéa, la fonctionnaire ou sa représentante sont tenues de porter les allégations au dernier palier, en bonne et due forme, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. Il ne s’agit pas non plus d’un cas où le grief a été porté directement au dernier palier.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

 

IV. Les arguments de la fonctionnaire en réponse à l’objection de l’employeur

[17] Le 15 octobre 2021, la fonctionnaire a soumis ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La question est assez simple. Au fil du temps, Mme Ens a déposé plusieurs griefs (plus d’une quinzaine) contestant le remboursement des indemnités de kilométrage en ce qui concerne l’accomplissement de quarts de travail supplémentaires. Une audience a été fixée entre les parties à partir du 8 septembre 2021. Au cours de l’audience, il est apparu que le syndicat et l’employeur ont une date différente associée au même numéro de grief interne (n63456), numéro de la Commission 566-02-40227. Le grief renvoyé à l’arbitrage porte sur le paiement du kilométrage pour un quart de travail supplémentaire le 18 octobre 2018. Du côté de l’employeur, ce grief porte sur un quart de travail supplémentaire du 28 octobre 2018.

Ce qui semble s’être produit ici est une erreur administrative où les griefs internes no 63456 et no 63564 ont été intervertis au moment du renvoi à l’arbitrage. Cette erreur n’a été décelée qu’au cours de l’audience et de la recherche pour comprendre cette confusion. Les numéros de grief sont assez similaires, tout comme les questions en litige. Après le renvoi à l’arbitrage, conformément à l’article 96 du Règlement, l’employeur devait fournir toutes les réponses aux griefs. À aucun moment, depuis l’accusé de réception de la Commission le 2 mai 2019, l’employeur n’a soulevé de problème lié à l’identification d’un numéro erroné. À son détriment, le syndicat s’est appuyé sur cette défaillance et préparé son dossier pour le grief ayant le 18 octobre 2018 comme date en cause.

Comme cela a été évoqué lors de l’audience, de notre côté, un grief de troisième palier, non daté et non numéroté, a été déposé. Nous avons vérifié auprès des représentants syndicaux locaux de l’Établissement de Kent et avons appris qu’il n’est pas rare que des griefs «fantômes» signés par la direction soient déposés.

Je ne souscris pas au commentaire de M. Feldman concernant ma présence à une audience de deuxième palier dans le cadre des griefs déposés par Mme Ens le 8 novembre 2018. Tirer des conclusions sans disposer de tous les faits est toujours risqué et le présent cas en est une bonne illustration. Le 8 novembre 2018, j’ai participé à une réunion mensuelle du comité des griefs à l’Établissement de Kent, dans le cadre de l’entente globale négociée entre UCCO-SACC-CSN et le SCC. Il ne s’agissait pas d’une audience au deuxième palier.

Cela dit, nous croyons qu’à l’avenir et dans l’intérêt de l’équité, la Commission devrait exercer son pouvoir en vertu de l’alinéa 61(1)b) du Règlement pour proroger les délais afin de permettre à la fonctionnaire et aux représentants de renvoyer à l’arbitrage le grief de Mme Ens portant sur la question du 28 octobre 2018 (numéro interne 63456). Lorsqu’elle traite une demande de prorogation du délai, la Commission applique toujours les critères établis dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1. Dans le présent cas, il existe une raison claire, convaincante et impérieuse pour expliquer le retard. Une erreur a été commise au moment du renvoi à l’arbitrage et l’erreur n’a pas été découverte avant l’audience, en partie parce qu’on s’est fié à la conduite de la défenderesse. En ce qui concerne la durée du retard, compte tenu des griefs non résolus déposés par les parties, le retard n’est pas hors norme. Depuis que l’erreur a été découverte, la fonctionnaire a fait preuve de diligence en demandant une prorogation du délai. En ce qui concerne le critère suivant, les chances de succès, il s’agit d’un critère que les arbitres ont toujours trouvé moins déterminant, car il est très difficile à déterminer. Enfin, en ce qui concerne le préjudice causé à l’autre partie, nous pouvons affirmer que tous les dossiers existent toujours et sont en la possession de l’employeur. De plus, le témoin de l’employeur est toujours disponible.

En conclusion, compte tenu de l’erreur administrative, il serait bénéfique pour les relations de travail d’accorder cette prorogation du délai.

[…]

V. Décision et motifs

[18] La Commission a fixé une audience du 8 au 10 septembre 2021, inclusivement, pour entendre un grief découlant d’événements survenus le 18 octobre 2018. Il s’agit du grief renvoyé à l’arbitrage, et du seul grief du numéro de dossier de la Commission 566‑02-40227. Le grief se rapportant aux événements du 18 octobre 2018 est donc le seul grief dont je suis saisi.

[19] En raison d’une confusion résultant de leur propre fait, ni la fonctionnaire ni l’employeur n’étaient prêts à aborder ces événements.

[20] À l’audience, la fonctionnaire a choisi de ne pas présenter de preuves relatives à son grief dans le numéro de dossier de la Commission 566-02-40227, mais a décidé de présenter des preuves dans le cadre d’autres événements. Je considère donc que la fonctionnaire a abandonné le grief dont je suis saisi. J’ordonne la fermeture du numéro de dossier de la Commission 566-02-40227.

[21] Les parties ont par la suite présenté des arguments, que j’ai trouvés confus, impliquant une demande de prorogation du délai pour renvoyer à l’arbitrage un grief différent se rapportant à un ensemble d’événements complètement différents, qui se sont apparemment produits à une date complètement différente, à savoir le 28 octobre 2018. Du moins, c’est ce que je pense que la fonctionnaire cherche à obtenir.

[22] La déclaration suivante est inexacte et prête à confusion :

[Traduction]

[…] la Commission devrait exercer son pouvoir en vertu de l’alinéa 61(1)b) du Règlement pour proroger les délais afin de permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée et aux représentants de renvoyer à l’arbitrage le grief de Mme Ens portant sur la question du 28 octobre 2018 (numéro interne 63456).

 

[23] L’employeur a effectivement concédé que certains événements du 28 octobre 2018 avaient fait l’objet d’un autre grief, qui avait été tranché aux premier et deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs. Toutefois, l’employeur n’a pas concédé que cet autre grief avait été présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[24] Pour sa part, la fonctionnaire n’a présenté aucune preuve qu’un grief portant sur les événements du 28 octobre 2018 avait été présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. En fait, dans ses arguments écrits, la fonctionnaire a reconnu qu’il n’était pas certain que ce grief avait été présenté au dernier palier.

[25] Par conséquent, la fonctionnaire n’a pas établi que, n’eût été le non-respect des délais, elle aurait le droit de renvoyer cet autre grief à l’arbitrage.

[26] Les paragraphes 241(1) et (2) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral se lisent comme suit :

(1) Les procédures prévues par la présente partie ne sont pas susceptibles d’invalidation pour vice de forme ou de procédure.

(2) Pour l’application du paragraphe (1), l’omission de présenter le grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable ne constitue pas un vice de forme ou de procédure.

 

[27] L’omission de présenter le grief relatif aux événements du 28 octobre 2018 à tous les paliers requis conformément à la procédure de règlement des griefs applicable rendrait donc invalide tout renvoi de cet autre grief à l’arbitrage. Dans les circonstances dont je suis saisi, cette omission m’empêche d’accéder à la demande de prorogation du délai présentée par la fonctionnaire pour renvoyer cet autre grief à l’arbitrage.

VI. L’obligation des parties d’aider la Commission à gérer ses ressources efficacement

[28] Je crois fermement que toute décision prise par un employeur et qu’un fonctionnaire s’estimant lésé juge non conforme aux dispositions de sa convention collective devrait être examinée au fond, dans la mesure où la loi le permet. La Commission joue un rôle essentiel dans l’expression et la résolution des griefs.

[29] La Commission jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire qui lui permet de tenir compte des questions qui, pour une raison ou une autre, ont été abandonnées, afin qu’elles puissent être entendues.

[30] Cependant, je suis également convaincu que l’intérêt public doit toujours jouer un rôle dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. La gestion responsable des ressources quasi judiciaires limitées financées par l’État est, sans aucun doute, dans l’intérêt public. Il est donc dans l’intérêt public que les ressources de la Commission soient utilisées de manière efficace et équitable. La Commission ne peut atteindre cet objectif par elle-même, sans la coopération des parties qui comparaissent devant elle.

[31] La triste réalité est qu’à l’heure actuelle, il y a littéralement des milliers de griefs, qui ont été renvoyés à l’arbitrage en bonne et due forme, qui attendent d’être entendus par la Commission. Certains de ces griefs ont trait à des questions très graves, comme les licenciements, et d’autres ont des répercussions financières importantes, soit pour certains fonctionnaires s’estimant lésés, soit pour les employeurs du secteur public fédéral. Il était injuste et contraire à l’intérêt public, à mon avis, que la fonctionnaire tente de contourner la file d’attente à la dernière minute et de faire adopter un nouveau renvoi à l’arbitrage, avant toutes les autres questions, y compris les questions très graves que je viens de mentionner.

[32] Les parties doivent se préparer avec diligence pour leur audience. Dans le présent cas, rien ne justifie que la fonctionnaire et l’employeur se soient préparés pour une autre affaire que celle qui a été fixée pour une audience. Cette confusion a entraîné un gaspillage de ressources limitées qui auraient pu être mieux utilisées par la Commission pour entendre d’autres parties qui étaient prêtes, désireuses et capables d’aborder des questions pour lesquelles elles attendaient légitimement une audience.

[33] L’incapacité des parties à poursuivre la procédure les 8, 9 et 10 septembre 2021 signifie que ces dates n’ont été mises à profit pour aucune autre partie et qu’il n’a pas été possible d’entendre d’autres affaires. C’est très regrettable.

[34] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


VII. Ordonnance

[35] J’ordonne la fermeture du numéro de dossier de la Commission 566-02-40227.

[36] La demande de prorogation du délai pour renvoyer à l’arbitrage un grief concernant les événements survenus le 28 octobre 2018 est rejetée.

Le 8 décembre 2021.

Traduction de la CRTESPF

 

James R. Knopp,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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