Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

En 2016, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, la fonctionnaire s’estimant lésée a obtenu une description de travail pour le poste de vétérinaire superviseur qui a été jugée satisfaisante – la description de travail de 2016 a été l’aboutissement d’une procédure de règlement des griefs de 15 ans, et elle a été appliquée de manière rétroactive au mois de mai 2001 – la description de travail de 2016 était accompagnée d’une lettre du vice-président des opérations à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) indiquant qu’elle serait envoyée à la division de classification de l’ACIA pour évaluation et classification – la description de travail de 2016 n’a jamais été classifiée; au lieu de cela, elle a été réécrite en 2019 et classifiée VM-02 – même si son grief avait été accueilli au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, la fonctionnaire s’estimant lésée a prétendu que son règlement demeurait insatisfaisant, parce qu’il ne satisfaisait pas à toutes les exigences énumérées à la clause E1.01 de la convention collective – étant donné que la description de travail de 2016 n’a jamais été classifiée, selon la fonctionnaire s’estimant lésée et son agent négociateur, les conditions de la clause E1.01 n’avaient pas été satisfaites – l’employeur a soutenu que le grief était théorique, puisque la description de travail de 2011 ayant fait l’objet d’un grief avait été remplacée par celle de 2019 et qu’elle ne s’appliquait donc plus à aucun employé – il a déclaré que si les fonctionnaires s’estimant lésés demeuraient insatisfaits de leur description de travail, ils devraient contester la description de travail de 2019, puisque c’était la seule description de travail s’appliquant à eux, rétroactivement à 2001 – la Commission a indiqué que l’argument de la fonctionnaire s’estimant lésée était qu'on ne lui avait pas accordé toute la réparation à laquelle elle affirmait avoir droit, y compris la description de travail et sa classification – la Commission a déclaré qu'elle devait décider du bien-fondé du grief, mais que le fait que le grief puisse être rejeté ne la privait pas de sa compétence ni n'avait pour effet de rendre le grief théorique – l’employeur a également soutenu que la réparation demandée, à savoir la classification de la description de travail de 2016, ne relevait pas de la compétence de la Commission – l'employeur a également soutenu que la Commission n’avait pas compétence en matière de classification – la Commission a indiqué qu'elle ne considérait pas le grief comme un grief de classification et qu'il n'avait pas non plus été présenté à ce titre – il s'agissait d'une affaire portant sur la convention collective et son interprétation, et la Commission a conclu que le grief pouvait faire l'objet d'un arbitrage – la preuve a montré que l’autorité déléguée avait fourni la description de travail de 2016 comme décision finale découlant de la procédure de règlement des griefs – il s’agissait du règlement final d’un grief – à ce moment-là, le rôle de la division de la classification était de classifier; l’employeur était lié par sa décision – la Commission a réitéré qu’elle n’avait pas compétence en matière de classification – toutefois, elle a conclu qu’elle pouvait ordonner le respect des conditions de la convention collective – par conséquent, elle a ordonné que la description de travail de 2016 soit classifiée et que la cote, attribuée par facteur, soit fournie à la fonctionnaire s’estimant lésée dans les six mois suivant la décision.

Une plainte de pratique déloyale de travail a également été déposée, alléguant que l’employeur avait enfreint les sous-alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral [traduction] « […] en faisant preuve à maintes reprises de discrimination et d’intimidation à l’égard de certains membres du demandeur en ce qui avait trait à leur salaire et à leurs conditions d’emploi, parce que ceux-ci avaient exercé leur droit de déposer un grief en vertu de la partie 2 de la Loi » – l’employeur a soutenu que la plainte avait été présentée hors du délai prescrit – la Commission a conclu que l’événement qui a donné lieu aux circonstances faisant l’objet de la plainte était la décision de classification – il était approprié d’attendre l’achèvement du processus avant de déposer une plainte; cette dernière était donc opportune – l’employeur a également soutenu que la plainte n’était pas une cause défendable – la Commission a indiqué que les mots clés étaient les suivants : « […] de l’intimider, de la menacer ou de prendre des mesures disciplinaires […] » – être dissuadé par un processus n’équivaut pas à être intimidé, menacé ou discipliné – la Commission a convenu que l’employeur avait enfreint la convention collective; cependant, cela ne constituait pas une pratique déloyale de travail – par conséquent, la Commission a conclu que la plaignante n’avait pas démontré qu’il y avait une cause défendable de pratique déloyale de travail.

Grief accueilli.
Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20211112

Dossiers: 561-32-40739 et 566-32-39579

 

Référence: 2021 CRTESPF 124

 

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

enTRE

 

ValÉrie Coupal

fonctionnaire s’estimant lésée et plaignante

 

et

 

Agence canadienne d’inspection des aliments

employeur et défenderesse

Répertorié

Coupal c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaires concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : Marie-Claire Perrault, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée et plaignante : Peter Engelmann et Darryl Korell, avocats

Pour l’employeur et défenderesse : Alexandre Toso et Jena Montgomery, avocats

Affaire entendue par vidéoconférence,

du 7 au 11, du 14 au 16 et le 18 juin 2021.

(Traduction de la CRTESPF)


MOTIFS DE DÉCISION

(TRADUCTION DE LA CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage et plainte devant la Commission

[1] Depuis 2001, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« Institut » ou l’« agent négociateur ») et les vétérinaires travaillant chez l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA ou l’« employeur ») qu’il représente s’efforcent de s’entendre avec l’employeur sur les descriptions de travail et la classification des postes de vétérinaire, aux niveaux de classification VM-01 à VM-04. Tel qu’il sera établi de façon plus détaillée ultérieurement dans la présente décision, ce différend de longue date perdure, même s’il a été ponctué par des ententes entre les parties de temps à autre.

[2] La présente décision concerne un poste en particulier, celui de vétérinaire superviseur. Il s’agit d’un poste générique portant le numéro 59668 et classifié VM-02. De nombreux vétérinaires superviseurs ont contesté leur description de travail en 2001, en 2009 et en 2011. Au bout du compte, en 2016, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, ils ont obtenu une description de travail qu’ils ont jugée satisfaisante (la « description de travail de 2016 »). Une lettre du vice-président, Opérations (« VP, Opérations ») de l’ACIA était jointe à la description de travail de 2016. Cette lettre indiquait que la nouvelle description de travail serait transmise à la Division de la classification de l’ACIA aux fins d’évaluation et de classification.

[3] La description de travail de 2016 n’a jamais été classifiée. Au lieu de cela, dans le cadre de l’exercice de classification, l’employeur l’a examinée de nouveau, et elle a été réécrite en 2019 afin de produire une nouvelle description de travail (la « description de travail de 2019 »), qui a été classifiée VM-02.

[4] Le 17 décembre 2018, la fonctionnaire s’estimant lésée représentante (la « fonctionnaire »), la Dre Valérie Coupal, a renvoyé à l’arbitrage son premier grief, déposé en 2011, devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). Selon l’entente conclue précédemment entre l’Institut et l’employeur, il était entendu que la décision exécutoire de la Commission concernant le grief de la Dre Coupal s’appliquerait à tous les employés (environ 250 personnes) occupant un poste de vétérinaire superviseur correspondant à la description de travail 59668, qu’ils aient déposé un grief ou non (ils étaient 154 fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »)).

[5] Même si son grief avait été accueilli au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs, la Dre Coupal prétend que son règlement demeurait insatisfaisant, parce qu’il ne satisfaisait pas à toutes les exigences énumérées à la clause E1.01 de la convention collective entre l’Institut et l’employeur. Cette clause prévoit non seulement un énoncé complet et à jour des fonctions et des responsabilités, mais aussi le niveau de classification du poste, la formule de cote numérique et le classement dans l’organigramme. Étant donné que la description de travail de 2016 n’a jamais été classifiée, selon la Dre Coupal et son agent négociateur (l’Institut), les conditions de la clause E1.01 n’ont pas été satisfaites.

[6] La clause E1.01 de la convention collective entre l’ACIA et l’Institut concernant l’unité de négociation du groupe de la Médecine vétérinaire (VM) (la « convention collective ») prévoit ce qui suit :

Sur demande écrite, tout employé a droit à un exposé officiel complet et à jour des fonctions et des responsabilités de son poste y compris le niveau de classification du poste et la formule de cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

 

[7] Le 19 juillet 2019, l’Institut a déposé une plainte de pratique déloyale de travail auprès de la Commission, au nom des fonctionnaires. Il alléguait que l’employeur avait enfreint les sous-alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la « Loi »)) [traduction] « […] en faisant preuve à maintes reprises de discrimination et d’intimidation à l’égard de certains membres du demandeur en ce qui avait trait à leur salaire et à leurs conditions d’emploi, parce que ceux‑ci avaient exercé leur droit de déposer un grief en vertu de la partie 2 de la Loi ». Aux fins de la présente décision, étant donné que le grief et la plainte sont liés, la Dre Coupal est considérée comme la plaignante.

[8] La plaignante a allégué que l’employeur avait délibérément et indéfiniment reporté la décision relative à la classification, en induisant en erreur l’Institut et les fonctionnaires au sujet du processus de classification, en refusant d’autoriser les représentants de l’Institut à assister aux entrevues sur place de la Division de la classification, ainsi qu’en adoptant et en classifiant la description de travail de 2019, laquelle, selon la plaignante, rétrogradait la description de travail de 2016. La plaignante a allégué que, ce faisant, l’employeur a cherché à éviter les obligations liées à une augmentation de salaire dans le cas où le poste aurait été reclassifié à un niveau supérieur, ainsi qu’à dissuader les fonctionnaires d’exercer leur droit de déposer un grief.

[9] La plaignante a demandé les redressements suivants :

• une déclaration selon laquelle l’employeur a enfreint les sous-alinéas 186(2)a)(iii) et (iv) de la Loi;

• une ordonnance selon laquelle l’employeur doit annuler la description de travail de 2019;

• une ordonnance selon laquelle l’employeur doit classifier la description de travail de 2016;

• une ordonnance selon laquelle la reclassification doit être rétroactive au 1er mai 2001;

• tout autre redressement visant à dédommager les membres concernés de l’unité de négociation.

 

[10] Le 30 août 2019, l’employeur a répondu à la plainte, en affirmant qu’il n’avait pas délibérément reporté le processus de classification, qu’il n’avait pas induit l’Institut et les fonctionnaires en erreur, et qu’il n’avait pas rétrogradé la description de travail afin d’éviter une reclassification du poste, du niveau VM-02 au niveau VM-03.

A. Objections préliminaires

[11] Le 30 juin 2020, l’employeur a déposé des objections auprès de la Commission concernant le grief et la plainte. En ce qui a trait au grief, l’employeur a soutenu qu’il était théorique, puisque la description de travail de 2011 ayant fait l’objet d’un grief avait été remplacée par celle de 2019, et qu’elle ne s’appliquait donc plus à aucun employé. Si les fonctionnaires demeurent insatisfaits de leur description de travail, ils devraient contester la description de travail de 2019, puisque c’est la seule description de travail qui s’applique à eux, rétroactivement au 1er mai 2001.

[12] De plus, le redressement demandé, à savoir la classification de la description de travail de 2016, ne relève pas de la compétence de la Commission, puisque la Loi exclut spécifiquement la classification des négociations collectives et, par conséquent, de tout recours devant la Commission.

[13] Pour ce qui concerne la plainte de pratique déloyale de travail, l’employeur a présenté plusieurs arguments à l’appui de sa position selon laquelle elle devrait être rejetée de façon sommaire.

[14] Premièrement, la plainte était hors délai, puisqu’elle a été déposée après l’expiration du délai de 90 jours que la loi prévoit pour le dépôt d’une plainte.

[15] Deuxièmement, la plaignante a demandé à la Commission d’ordonner la classification de la description de travail de 2016, mais la Commission n’a pas compétence en matière de classification.

[16] Troisièmement, aucun fait n’étaye l’allégation de pratique déloyale de travail, puisque l’employeur n’a aucunement sanctionné les fonctionnaires pour avoir exercé leurs droits.

[17] Enfin, les redressements demandés n’ont pas été envisagés par le législateur. Bien qu’ils ne soient pas exhaustifs, les redressements prévus dans la loi à l’égard d’une plainte de pratique déloyale de travail indiquent néanmoins la portée et la nature des redressements possibles. Ceux que la plaignante a demandés ne relèvent pas de cette catégorie.

[18] La fonctionnaire et plaignante a fait valoir que les faits en litige sont trop nombreux pour que la Commission puisse statuer sur les objections. J’ai indiqué aux parties qu’il était possible de soulever des objections dans l’argumentation, mais que l’audience serait instruite sur le fond du grief et de la plainte.

[19] La plaignante m’a demandé de diviser l’audience pour décider de la mesure de redressement applicable à la plainte. S’il y est fait droit, la plaignante a demandé que j’en demeure saisie pendant 90 jours, afin que les parties aient la possibilité de parvenir à un règlement, à défaut de quoi je devrais décider de la mesure de redressement après avoir entendu les arguments des parties. L’employeur s’est opposé à la requête, mais j’y ai accédé. C’est assez de trancher le grief et la plainte; à ce stade, la question des dommages constituerait une diversion, et il serait difficile de la circonscrire en l’absence d’une décision sur le grief et la plainte.

II. Résumé de la preuve

[20] La fonctionnaire et plaignante a cité trois témoins : la Dre Coupal, fonctionnaire représentante; Émilie Gagné, agente de classification et des relations de travail auprès de l’Institut; Paul Durber, conseiller indépendant, qui, au cours de l’audience, a été qualifié de spécialiste de l’évaluation d’emplois à la fonction publique fédérale.

[21] L’employeur a cité les témoins suivants, qui travaillent tous chez l’ACIA : la Dre Janine McLearon, gestionnaire aux opérations régionales de l’unité des spécialistes des opérations, Santé des animaux et végétaux (Ontario); le Dr Sukmandar Bains, gestionnaire d’inspection; le Dr Patrick Fréchette, directeur régional, Opérations (Saint-Hyacinthe, Québec); Kelvin Mathuik, directeur général, Opérations Ouest; Fadia Verchere, gestionnaire, Division de la conception organisationnelle et évaluation d’emplois; Kevin Urbanic, directeur général, Opérations Ontario; Danika Lim, gestionnaire de portefeuille, Division de la conception organisationnelle et évaluation d’emplois.

[22] Même si, dans l’ensemble, les témoignages n’étaient pas contradictoires, j’ai résumé chacun d’eux séparément dans les paragraphes qui suivent, afin de montrer que la preuve a été présentée du point de vue des témoins. Pour dire les choses clairement, il n’y avait guère de contradictions entre les témoignages livrés par les témoins de l’Institut et par ceux de l’employeur, principalement parce qu’il y avait peu de recoupements. Les témoins profanes de l’Institut ont présenté un point de vue historique non contredit, puis un résumé des faits survenus en septembre 2016 après qu’il a été fait droit au grief déposé en 2011. À l’exception de M. Mathuik, qui a témoigné de sa participation à la description de travail de 2016, tous les témoins de l’employeur ont témoigné des faits liés à l’élaboration de la description de travail de 2019. M. Durber a livré un témoignage sur l’incidence que la différence de libellé aurait sur l’évaluation de la description de travail de 2016 et celle de 2019. Les deux témoins de l’employeur qui travaillent en classification, Mmes Lim et Verchere, ne se sont pas étendus sur l’évaluation des emplois, mais plutôt sur les caractéristiques d’un bon exercice de classification, y compris la vérification sur place, qui, dans le présent cas, a donné lieu à la réécriture de la description de travail.

A. Dre Coupal

[23] L’ACIA a été créée en 1997. Elle a fusionné les services d’inspection qui avaient été assurés par Agriculture et Agroalimentaire Canada, Pêches et Océans Canada et Santé Canada. L’un de ses principaux défis en matière de ressources humaines consistait à combiner les différents groupes et niveaux des fonctionnaires qui venaient de plusieurs ministères.

[24] L’ACIA a envisagé l’adoption d’un nouveau plan de classification, mais celui‑ci n’a jamais été mis en œuvre. Elle a aussi envisagé l’adoption d’une nouvelle norme de classification du groupe VM, mais le projet s’est heurté à plusieurs obstacles et il a été abandonné en 2009. En conséquence, l’ACIA applique encore la norme de classification VM pour évaluer les postes du groupe VM, norme qui remonte à 1987.

[25] En 2001, des VM (à divers niveaux) ont contesté leurs descriptions de travail; environ 124 d’entre eux occupaient un poste classifié au niveau VM-02. Entre 2001 et 2009, l’Institut et l’employeur ont souvent discuté des descriptions de travail, des griefs et de la nouvelle norme de classification proposée. En 2009 et 2010, environ 300 VM, y compris des titulaires de postes de vétérinaire superviseur, ont déposé de nouveaux griefs à l’encontre de leur description de travail. En 2011, l’employeur a émis de nouvelles descriptions de travail à l’intention du groupe VM. Certains VM ont contesté leur nouvelle description de travail. L’Institut et l’employeur ont eu d’autres consultations et échanges.

[26] Depuis la création de l’ACIA, la Dre Coupal occupe un poste de vétérinaire superviseure au niveau VM-02. Elle a contesté sa description de travail en 2001, en 2009, puis de nouveau en 2011. À titre de fonctionnaire représentante, la Dre Coupal a fait des présentations à l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, en avril et en juin 2016.

[27] L’employeur a rendu une décision le 15 septembre 2016. Il a accueilli les griefs concernant le poste de vétérinaire superviseur no 59668, en disant que la description de travail de 2011 ne constituait pas un énoncé complet et à jour des fonctions. Par conséquent, l’employeur a apporté à la description de travail diverses modifications proposées par les fonctionnaires.

[28] Gérard Étienne, VP, Opérations de l’employeur à l’époque, a envoyé une lettre à chacun des fonctionnaires, laquelle comprenait la nouvelle description de travail de 2016 concernant le poste de vétérinaire superviseur no 59668. Dans cette lettre, il affirmait que la description de travail de 2016 avait été transmise à la Division de la conception organisationnelle et évaluation d’emplois (la « division de la classification ») aux fins d’évaluation. La description de travail de 2016 était rétroactive au 1er mai 2001, comme convenu entre les parties au cours de leurs échanges.

[29] La description de travail de 2016 n’a jamais fait l’objet d’une évaluation ou d’une classification. Au contraire, en mars 2019, l’employeur a fourni à l’Institut une autre description de travail applicable au poste de vétérinaire superviseur no 59668 (la description de travail de 2019), dont l’application était également rétroactive au 1er mai 2001. Au cours du mois suivant, en avril 2019, l’employeur a rendu une décision sur la classification de la description de travail de 2019. La classification a été maintenue au niveau VM-02.

[30] La Dre Coupal estime que les modifications apportées n’étaient pas justifiées, dans la mesure où la description de travail de 2019 ne reflète plus l’ensemble de ses fonctions et de ses responsabilités. La responsabilité post mortem a été réduite, mais les vétérinaires superviseurs conservent la responsabilité de déterminer si les carcasses sont sans danger pour la consommation.

[31] Un autre exemple que la Dre Coupal a cité était le rôle que jouent les vétérinaires superviseurs dans la médiation des conflits entre les employés de l’ACIA et la direction des abattoirs. Il s’agit d’un rôle important, soit la facilitation de la relation continue entre l’ACIA et l’industrie. L’intervention active des vétérinaires superviseurs est essentielle dans chaque abattoir. Cela est également vrai des bureaux de district, où les préoccupations de l’industrie et celles du gouvernement entrent souvent en conflit.

[32] Dans la description de travail de 2016, on utilisait le mot « arbitrer » (en anglais mediates). Dans celle de 2019, ce mot a été changé pour « intervenir », ce qui, selon la Dre Coupal, ne traduit pas pleinement les actes que le vétérinaire superviseur doit accomplir pour régler les conflits.

[33] La Dre Coupal a témoigné de l’effet profondément démoralisant que les actes de l’employeur avaient eu sur elle et ses collègues fonctionnaires. Après des années de lutte, l’employeur avait enfin reconnu les fonctions assumées par les vétérinaires superviseurs, qui sont établies dans la description de travail de 2016. Cependant, la victoire a été de courte durée, et elle a été complètement anéantie par le retournement de l’employeur, avec la production de la description de travail de 2019, laquelle a supprimé diverses fonctions ou responsabilités qui étaient apparues dans la description de travail de 2016. La Dre Coupal estime que les actes de l’employeur visaient à intimider et à désavantager les titulaires d’un poste de vétérinaire superviseur pour avoir exercé leur droit de déposer un grief à l’encontre de leur description de travail.

B. Mme Gagné

[34] Mme Gagné est agente des relations de travail auprès de l’Institut depuis 2009. Elle travaille à la section de la classification depuis 2010. Depuis décembre 2010, elle participe aux dossiers de grief portant sur les descriptions de travail et la classification. En mars 2015, Mme Gagné a été affectée expressément au dossier VM.

[35] À la suite de la décision rendue au dernier palier en septembre 2016, qui accueillait les griefs déposés en 2011 et octroyait une description de travail que l’Institut et les fonctionnaires jugeaient appropriée (pour le poste de vétérinaire superviseur n59668), Mme Gagné s’attendait à ce qu’une décision soit rendue concernant la classification. Les griefs n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage, en attendant la décision relative à la classification. À la fin de septembre 2016, Mme Gagné a demandé le consentement de l’employeur pour mettre les griefs en suspens jusqu’au 31 décembre 2016, étant donné que la période de trois mois laisserait amplement de temps à l’employeur pour rendre une décision sur la classification.

[36] Aucune réponse n’a été reçue, et la gestionnaire de Mme Gagné, Karyn Ladurantaye, a effectué un suivi auprès de Chantal Seeton, directrice exécutive, Engagement et relations avec les employés à l’ACIA. Mme Seeton a répondu à la mi‑octobre comme suit :

[Traduction]

[]

[] J’avais déjà discuté de vive voix de cette requête de principe avec Emilie, plus tôt au cours de cette semaine-là, lorsque je l’avais vue, et j’avais indiqué que nous serions ouverts à cette idée. Cela dit, depuis que nous avons reçu la requête, celle‑ci s’est révélée plus complexe que nous ne l’avions pensé, et elle est également liée à la décision relative à la classification, dans laquelle notre opinion doit être sans lien avec la question de la nature du travail ou avec le renvoi à l’arbitrage. Nous n’avons pas ignoré cette dernière requête, mais, au contraire, nous avons tenu des discussions avec les équipes concernées des RH et de la direction, puisque je ne peux pas les engager à respecter un délai sans connaître leurs charges de travail et leurs priorités, si cela est même possible, compte tenu de nos ressources très limitées, comme vous le comprenez j’en suis convaincue.

[]

 

[37] En février 2017, la décision relative à la classification n’avait toujours pas été rendue. L’Institut a réitéré sa requête à cet égard, afin de satisfaire aux exigences prévues à la clause E1.01, c’est‑à‑dire les exigences concernant le niveau de classification, la formule de cote numérique et le classement dans l’organigramme. Dans un courriel adressé à Mme Seeton, Mme Ladurantaye expliquait que l’Institut comprenait que les questions liées à la classification et à la nature du travail étaient distinctes, et que des mécanismes de recours différents s’y rattachaient. Cependant, l’Institut voulait s’assurer que le grief relatif à la description de poste était réglé, en demandant à l’employeur de fournir tout ce qui était requis en vertu de la clause E1.01. Mme Ladurantaye l’a ainsi exprimé : [traduction] « En toute honnêteté, compte tenu de l’historique de ce dossier, notre crainte est de retirer [le grief] de description de poste, et que l’employeur ne rende jamais une décision sur la classification (et ce dossier perdure encore 10 ans) ».

[38] Le 27 mars 2017, Celio Martinez, agent des ressources humaines auprès de l’employeur, a avisé Mme Gagné qu’un comité d’évaluation devait se réunir le 8 mai 2017, afin d’évaluer la description de travail de 2016.

[39] Un titulaire d’un poste de vétérinaire superviseur a avisé Mme Gagné que, le 24 juillet 2017, les vétérinaires superviseurs avaient reçu un courriel les informant que la description de travail de 2016 avait été évaluée et qu’elle était maintenue au niveau VM-02. Mme Gagné a été très surprise; elle croyait avoir une entente avec l’employeur selon laquelle elle serait avisée dès qu’une décision relative à la classification serait prise. Plus important encore, ce n’était pas le résultat escompté de l’exercice de classification, compte tenu des modifications importantes qui avaient été apportées à la description de travail afin de la rendre plus complète et plus à jour.

[40] Le 4 août 2017, l’employeur a retiré son courriel du 24 juillet, en disant qu’il avait été envoyé par inadvertance. Le message était le suivant :

59668 Vétérinaire Superviseur

Chers collègues,

En raison d’une erreur administrative, nous vous prions de ne pas prendre en considération la notification qui vous a été acheminée par courriel le 24 juillet dernier à propos des résultats en matière de classification de la revue et mise à jour du poste de Vétérinaire superviseur(e). Une décision concernant la description de travail mentionnée ci-dessus est attendue dans les prochains jours et nous vous en informerons en temps et lieux.

Nous nous excusons des inconvénients que cette situation a pu vous causer et vous remercions de votre patience.

[…]

 

[41] Quelques jours plus tard, M. Martinez a dit à Mme Gagné que la première décision avait été transmise par inadvertance et qu’une nouvelle décision serait rendue sous peu. Mme Gagné a effectué un suivi en septembre 2017. Une année s’était écoulée depuis que la décision avait été rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Aucune explication n’avait été fournie. À maintes reprises, Mme Gagné a tenté de communiquer avec Megan Turpin, la gestionnaire de M. Martinez, tel qu’il est indiqué dans un courriel du 6 décembre 2017.

[42] Le 8 décembre 2017, M. Martinez a écrit le courriel suivant à Mme Gagné :

[Traduction]

[…]

J’ai aussi eu la possibilité de discuter avec les responsables de la classification plus tôt au cours de la semaine, afin d’obtenir une mise à jour sur les VM. D’après ce que j’ai compris, ils pensent avoir fini dans deux semaines. Il semble que des documents de communication prévus à l’intention des gestionnaires soient actuellement mis au point et qu’il faille les traduire.

[…]

 

[43] En mars 2018, la décision relative à la classification de la description de travail de 2016 n’avait toujours pas été rendue. Lors d’une conférence téléphonique, l’Institut a appris que l’employeur avait décidé de mener des entrevues sur place avec les titulaires de postes de vétérinaire superviseur no 59668, afin de vérifier leurs fonctions. Cela avait lieu un an et demi après que l’employeur avait rendu sa décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Mme Gagné a écrit à l’employeur pour contester le processus d’entrevues sur place, qui allait retarder inutilement la classification de la description de travail de 2016.

[44] En juillet 2018, l’Institut a demandé que son représentant soit autorisé à assister aux entrevues sur place. L’employeur a refusé d’y consentir. En octobre 2018, l’avocat de l’Institut a écrit une lettre à l’ACIA, pour demander que la description de travail de 2016 soit évaluée et classifiée. En décembre 2018, l’Institut a renvoyé à l’arbitrage les griefs relatifs à la description de travail du poste de vétérinaire superviseur no 59668.

[45] En mars 2019, l’ACIA a avisé l’Institut que l’évaluation sur place était terminée, et elle a transmis la description de travail de 2019, dont la date d’entrée en vigueur était le 1er mai 2001.

[46] Le 24 avril 2019, l’employeur a rendu une décision sur la classification de la description de travail de 2019. Le poste de vétérinaire superviseur no 59668 était maintenu au niveau VM-02.

[47] Selon Mme Gagné, l’employeur a délibérément induit l’Institut et les fonctionnaires en erreur pendant 18 mois, de septembre 2016 à mars 2018, en leur laissant croire qu’une décision relative à la classification serait rendue sous peu, ce qui n’était pas vrai. La description de travail de 2016 a été modifiée après avoir été produite en réponse aux griefs. En résumé, l’employeur n’a pas satisfait aux exigences de la clause E1.01 de la convention collective en omettant de classifier la description de travail qu’il avait produite et à laquelle l’Institut et les fonctionnaires avaient souscrit.

C. M. Durber

1. Qualification à titre de témoin expert

[48] L’Institut a demandé à M. Durber, conseiller en évaluation des emplois, d’évaluer les descriptions de travail de 2016 et de 2019, afin de déterminer si la modification du libellé pouvait avoir des effets réels sur l’évaluation des descriptions de travail aux fins de la classification. M. Durber a préparé un rapport, que la fonctionnaire et plaignante a demandé de produire à l’audience. La fonctionnaire et plaignante a aussi demandé que M. Durber ait la qualité de témoin expert.

[49] L’employeur s’est opposé à cette requête pour divers motifs. M. Durber n’était pas un spécialiste du système de classification de l’ACIA. Il n’avait pas non plus utilisé la norme applicable à la médecine vétérinaire. Son opinion était sans pertinence pour les questions à trancher. Le décideur n’avait pas besoin du témoignage de M. Durber. De plus, la preuve qu’il avait présentée dans son rapport était uniquement fondée, comme il l’a confirmé en contre‑interrogatoire, sur les deux descriptions de travail et la norme applicable à la médecine vétérinaire, alors que l’évaluation des emplois devait tenir compte de plusieurs autres facteurs, notamment la compréhension de l’organisation et la situation du poste en question dans la structure générale de l’ACIA.

[50] La fonctionnaire et plaignante a soutenu que le témoignage de M. Durber satisfaisait à tous les critères essentiels pour admettre une preuve d’expert, à savoir ceux énoncés dans R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9 et dans White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23.

[51] J’ai décidé d’admettre M. Durber en qualité de témoin expert, pour les motifs qui suivent.

[52] Le critère applicable à la recevabilité d’un témoignage d’expert est résumé succinctement dans la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans R. v. Abbey, 2017 ONCA 640, aux paragraphes 48 et 49, comme suit :

[Traduction]

[48] On peut résumer le critère de la façon suivante :

Le témoignage d’expert est recevable dans les cas suivants :

1) il satisfait aux critères de recevabilité, à savoir :

a. la pertinence logique;

b. la nécessité pour le juge des faits;

c. le non-assujettissement à une autre règle d’exclusion;

d. la qualification suffisante de l’expert, ce qui comprend la disposition et l’aptitude à s’acquitter de son obligation envers le tribunal, soit de livrer un témoignage :

i. impartial,

ii. indépendant,

iii. objectif;

e. dans le cas d’une opinion fondée sur une science nouvelle ou contestée ou sur une science utilisée à des fins nouvelles, la fiabilité des principes scientifiques étayant la preuve doit être démontrée;

2) le juge du procès, dans son rôle de gardien, détermine que les avantages découlant de l’admission du témoignage l’emportent sur les risques éventuels, compte tenu des facteurs tels que :

a. la pertinence juridique,

b. la nécessité,

c. la fiabilité,

d. l’absence de partialité.

[49] En résumé, si le témoignage d’expert proposé ne satisfait pas aux critères de recevabilité il est exclu. S’il satisfait aux critères de recevabilité, le juge du procès assume alors une fonction de gardien. Il doit être convaincu que l’admission du témoignage l’emporte sur les coûts qui y sont liés. Si le juge du procès est ainsi convaincu, le témoignage d’expert peut être admis; si le juge du procès n’est pas convaincu, le témoignage doit être exclu même s’il satisfaisait aux critères de recevabilité.

 

[53] Tel qu’il est indiqué dans Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 5e éd., à 12.55, on peut confondre les deux volets puisque les mêmes critères s’y répètent. Tel qu’il est expliqué dans Abbey, le deuxième volet est plutôt une analyse coûts-avantages; malgré le fait qu’il est recevable en droit, le témoignage d’expert est‑il vraiment nécessaire?

[54] Étant donné que les règles de la preuve devant la Commission sont un peu moins rigoureuses que devant une cour de justice, j’estime qu’aux fins de la présente décision, je dois tenir compte de la fonction de gardien, c’est‑à‑dire de la question de savoir si le présent témoignage est utile et nécessaire à l’audience. J’estime qu’il l’est et qu’il satisfait aux quatre critères.

[55] La preuve présentée dans le rapport de M. Durber est pertinente, dans la mesure où elle aide à comprendre en quoi consiste l’incidence des modifications apportées à la description de travail de 2016 pour produire celle de 2019, sur un exercice de classification. Je n’ai pas compétence sur la classification, mais pour trancher adéquatement le grief et la plainte, il est important de comprendre les conséquences de la classification de la description de travail de 2019 par opposition à celle de la description de travail de 2016.

[56] L’interaction entre les descriptions de travail et leur classification respective constitue un domaine très spécialisé, auquel la Commission est rarement exposée. Encore là, il ne s’agit pas de trancher un grief relatif à la classification, mais plutôt de décider si un exercice de classification s’avère nécessaire à l’égard de la description de travail de 2016. À cette fin, je conclus que le témoignage d’expert est à la fois pertinent et nécessaire.

[57] Compte tenu de la longue carrière de M. Durber dans le domaine de l’évaluation des emplois à la fonction publique, j’estime que M. Durber a la qualité d’expert. Je crois que M. Durber peut présenter un point de vue équitable et objectif sur la façon dont la nature du travail est évaluée aux fins de la classification, compte tenu de sa longue expérience de travail pour le Conseil du Trésor. Je souligne que M. Durber a été retenu par l’Institut, mais qu’il était bien conscient de sa responsabilité d’être impartial et objectif.

2. Témoignage

[58] Dans son rapport, M. Durber a comparé la description de travail de 2016 et celle de 2019. Dans son témoignage, il a résumé ses conclusions. Essentiellement, il a conclu que la différence de libellé entre les deux descriptions de travail inciterait un évaluateur d’emplois à attribuer une cote moins élevée à la description de travail de 2019.

[59] On utilise la Norme de classification, médecine vétérinaire, catégorie scientifique et professionnelle (« norme VM ») pour classifier les postes de vétérinaire à l’ACIA. Il s’agit de ce qu’on appelle une norme axée sur le « facteur prédominant ». On évalue cinq facteurs, et s’ils ne sont pas au même niveau, le niveau prédominant sera celui de l’ensemble.

[60] La norme VM est complexe. Elle comprend cinq facteurs, qui comprennent chacun des sous-facteurs ou des caractéristiques. Chaque caractéristique constitue un spectre allant d’une responsabilité et une autonomie limitées à une responsabilité et une autonomie complètes. Voici ces facteurs et ces caractéristiques :

1) Nature des travaux

 

• Des objectifs fixés par d’autres personnes pour la conduite des travaux.

• La portée du travail.

• La diversité des activités.

• La latitude laissée pour la planification et la conduite des travaux.

 

2) Complexité du travail

 

• Des renseignements et des données disponibles, ainsi que des problèmes reliés à la collecte de ces données.

• La vérification de la valeur des données et des renseignements obtenus.

• La nature des renseignements et des données.

• La corrélations des variables.

• Les répercussions sur le travail des activités menées par d’autres personnes.

• La nécessité d’établir des communications.

• La nécessité d’élaborer ou de mettre en pratique des méthodes, des pratiques et des techniques.

• La nécessité d’appliquer des connaissances théoriques et pratiques.

 

3) Responsabilité professionnelle

 

• La nécessité de définir les objectifs et les problèmes et d’établir des lignes directrices.

• Des directives professionnelles reçues.

• Le degré d’autonomie du titulaire.

• La nécessité d’évaluer la qualité du travail d’autrui.

• La nécessité d’interpréter les résultats des travaux.

• La nécessité de donner des conseils.

 

4) Responsabilités administratives

 

• Responsabilité de diriger le personnel.

• Responsabilité d’administrer les ressources physiques et financières.

• Responsabilité d’engager les ressources du ministère.

• Responsabilités liées au contrôle administratif du travail.

• Responsabilité liée à la coordination administrative du travail réalisé pour d’autres services ou en collaboration avec ces derniers.

• Responsabilité d’obtenir de l’aide de l’extérieur.

• Responsabilité de mettre en œuvre ou d’élaborer des lignes directrices en matière d’administration et de gestion.

 

5) Portée des recommandations et des activités

 

• La portée des recommandations et des activités sur les travaux du ministère.

• La portée des recommandations et des activités sur un procédé, une opération ou un produit industriel ou commercial.

• La portée des recommandations et des activités sur le secteur canadien de l’élevage et l’état sanitaire des animaux.

• La portée des recommandations et des activités sur la santé publique.

• La portée des recommandations et des activités sur un domaine de connaissances.

 

[61] Non seulement la norme VM est complexe, mais son application l’est également, étant donné que les facteurs ne correspondent pas aisément aux titres actuels des descriptions de travail. Par conséquent, il faut appliquer les facteurs et les sous‑facteurs à un ou plusieurs titres.

[62] L’une des particularités remarquables de la norme VM est l’absence de descripteurs (ou de points saillants) applicables à certains degrés ou niveaux. Le facteur 1, par exemple, comporte des descripteurs des niveaux 2 et 4, mais pas du niveau 3. Selon M. Durber, pour évaluer un niveau 3, l’évaluateur doit être tout à fait sûr que les facteurs sont présents dans une mesure qui dépasse nettement le niveau 2, sans atteindre le niveau 4. Par conséquent, il est très important que la description de travail comporte les précisions nécessaires pour permettre à l’évaluateur d’évaluer en toute confiance un niveau 3.

[63] La norme VM comprend des postes repères qui peuvent aider à situer la description de travail dans la structure générale de l’organisation. Sur le plan de la méthode, la norme VM prescrit les six étapes suivantes :

1) Comprendre le poste dans son ensemble et la nature des fonctions et des responsabilités qui se rattachent aux caractéristiques de chaque facteur.

2) Confirmer que le poste est attribué adéquatement à la catégorie et au groupe.

3) Attribuer un degré à chaque facteur en tenant compte du spectre de chaque caractéristique et des points saillants des degrés (ou niveaux).

4) Confirmer le degré attribué en comparant les descriptions des postes repères.

5) Le niveau d’un poste est déterminé par le degré attribué à au moins trois facteurs sur cinq.

6) On procède à une plus ample confirmation en comparant les postes repères auxquels on a attribué le même niveau.

 

[64] En comparant la description de travail de 2016 et celle de 2019, M. Durber a souligné le fait que les précisions exclues, tout comme les omissions et les abrègements, influeraient sur l’évaluation, car avec moins d’information il serait difficile de s’assurer que le poste est suffisamment précisé pour garantir la correspondance à un niveau donné. Avec les précisions fournies dans la description de travail de 2016, les divers facteurs atteindraient le niveau 3, selon M. Durber. Compte tenu des omissions dans la description de travail de 2019, il était plus probable que les facteurs y constituent un niveau 2.

[65] En contre-interrogatoire, on a porté à l’attention de M. Durber qu’une partie du contenu qu’il croyait omis dans la description de travail de 2019 s’y trouvait encore en réalité. M. Durber a volontiers reconnu les erreurs qui ont été soulignées. Cependant, les erreurs étaient négligeables, et il n’en reste pas moins que de nombreux segments de la description de travail de 2016 ont été supprimés dans celle de 2019. Comme je le démontrerai plus loin dans la présente décision, la Dre McLearon l’a confirmé. Elle a rédigé la description de travail de 2019.

[66] Je suis consciente du fait que la Commission n’a pas pour tâche d’évaluer la classification ni de mener un exercice de classification. La Commission n’a pas la compétence nécessaire pour conclure que la description de travail de 2016 aurait été évaluée principalement au degré 3, et que, par conséquent, elle aurait été classifiée au niveau VM-03. Cependant, d’après le témoignage de M. Durber, je conclus que la description de travail de 2019 a eu pour effet de modifier celle de 2016 de telle façon que certains facteurs ne pouvaient plus y être évalués dans la description de travail de 2019 au même niveau qu’ils l’auraient été dans la description de travail de 2016, puisqu’il manquait des renseignements.

[67] M. Durber a considéré que la description de travail de 2016 pouvait être évaluée sans revoir la nature du travail dans le cadre d’un examen sur place, puisqu’il s’agissait de la description de travail définitive que l’employeur avait présentée et à laquelle la fonctionnaire et l’Institut avaient souscrit.

[68] M. Durber a aussi affirmé qu’une fois qu’une description de travail est achevée, il faut compter environ un mois pour la classifier. Je souligne qu’après que l’employeur a émis la description de travail de 2019, en mars 2019, celle‑ci a été classifiée dans un délai d’un mois, en avril 2019.

D. Dre McLearon

[69] La Dre McLearon a témoigné de son rôle dans la réécriture de la description de travail de 2016, qui est devenue celle de 2019.

[70] La Dre McLearon a travaillé à titre de vétérinaire superviseure au niveau VM-02 dans un grand abattoir de volaille et dans un petit abattoir de viande rouge biologique. Elle a été promue à un poste de gestionnaire d’inspection chargée de la surveillance des vétérinaires superviseurs, dans des abattoirs et des bureaux de district. Depuis 2018, elle est gestionnaire aux opérations régionales responsable de la santé des animaux, de l’abattage et de la protection des végétaux dans le sud‑ouest de l’Ontario.

[71] En octobre 2018, dans le cadre d’un examen sur place mené par la division de la classification, la Dre McLearon a examiné le questionnaire rempli sur place par le Dr Karsan Chaudhari, vétérinaire superviseur dans un abattoir de volaille.

[72] En mars 2019, M. Urbanic, directeur principal de la région de l’Ontario de l’ACIA, a avisé la Dre McLearon que les directeurs principaux des quatre régions de l’ACIA (Ouest, Ontario, Québec et Est) avaient été priés par la VP, Opérations, Theresa Iuliano, d’examiner la description de travail de 2016 et d’en présenter une version à jour. La Dre McLearon et deux gestionnaires d’inspection de l’Ontario ont été priés de présenter une rétroaction sur la description de travail de 2016. Ils se sont entendus pour dire qu’elle était trop détaillée et trop longue. Elle accordait aussi plus d’importance au programme d’hygiène des viandes, par opposition au programme de santé animale. Les vétérinaires superviseurs du programme d’hygiène des viandes travaillent dans les abattoirs, tandis que les vétérinaires superviseurs du programme de santé animale travaillent dans les bureaux de district.

[73] M. Urbanic a demandé à la Dre McLearon de réécrire la description de travail. La Dre McLearon a tenu compte des commentaires de ses collègues de l’Ontario et de ceux des autres régions, des recommandations présentées par la division de la classification (précisément, Mme Lim), ainsi que de sa connaissance du travail des vétérinaires superviseurs.

[74] En l’espace de quelques jours, en mars 2019, la Dre McLearon a présenté une nouvelle ébauche à la division de la classification. Elle croyait que sa nouvelle version (la description de travail de 2019) conservait les renseignements fournis dans la description de travail de 2016, tout en réduisant la verbosité. La Dre McLearon a aussi supprimé certaines fonctions dont les vétérinaires superviseurs ne s’acquittaient pas selon elle, comme les « services de consultation ». La Dre McLearon a expliqué qu’on avait dit expressément aux vétérinaires superviseurs qu’ils ne pouvaient pas donner de conseils sur la façon de faire les choses dans un abattoir. Leur rôle consistait plutôt à expliquer les exigences légales et réglementaires et à indiquer les lacunes. Les solutions étaient laissées à la direction des abattoirs.

[75] La Dre McLearon a supprimé certains éléments de la description de travail de 2016 parce qu’ils ne s’appliquaient plus, par exemple, le Système de gestion de la qualité que les vétérinaires superviseurs devaient appliquer, mais auquel il avait été mis fin en 2019.

[76] La Dre McLearon a aussi écrit la description de travail de façon à la rendre plus [traduction] « générique », c’est‑à‑dire, reformulée pour être plus générale et inclure les volets de l’hygiène des viandes et de la santé animale.

[77] En contre-interrogatoire, la Dre McLearon a déclaré qu’elle n’avait pas examiné les questionnaires remplis sur place auxquels les vétérinaires superviseurs dans les abattoirs et les bureaux de district avaient répondu. Elle ignorait l’historique de la description de travail de 2016 et le fait qu’il s’agissait de la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, à l’égard du grief concernant la description de travail qui avait été déposé en 2011. En 2011, la Dre McLearon avait occupé un poste de vétérinaire superviseur classifié VM-02, mais elle n’avait pas contesté sa description de travail.

E. Dr Bains

[78] Au début de 2019, le Dr Bains, un gestionnaire d’inspection qui a travaillé à titre de vétérinaire superviseur de 2010 à 2014, a été prié de fournir le nom d’un vétérinaire superviseur du programme de santé animale, afin qu’il réponde à un questionnaire portant sur le contenu de la description de travail du poste de vétérinaire superviseur. Le Dr Bains a proposé l’un de ses subalternes directs, un vétérinaire superviseur au bureau de district de Guelph, un bureau achalandé dont le mandat était complexe. Mme Lim a ensuite demandé au Dr Bains de commenter les réponses fournies. Les commentaires du Dr Bains indiquaient principalement que certaines questions portaient sur l’hygiène des viandes, et non sur la santé animale, et que dans l’exercice de ses fonctions, le vétérinaire superviseur doit souvent consulter le gestionnaire d’inspection et les spécialistes de l’ACIA.

[79] En mars 2019, le Dr Bains a collaboré à l’examen de la description de travail de 2016, avec la participation de la Dre McLearon et d’un autre gestionnaire d’inspection. Dans ses commentaires sur la description de travail de 2016, le Dr Bains a indiqué que les tâches liées à la santé animale étaient sous-représentées et que celles liées à l’hygiène des viandes étaient surreprésentées. Il a convenu avec la Dre McLearon que la description de travail de 2016 était trop longue et qu’il fallait la rendre plus concise et plus générique, afin de mieux tenir compte du volet de la santé animale.

[80] En 2011, le Dr Bains avait présenté un grief sur sa description de travail (poste de vétérinaire superviseur no 59668). Au moment où il a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, en 2016, il n’occupait plus un poste de vétérinaire superviseur. À ce moment‑là, il était gestionnaire d’inspection par intérim (de 2014 à 2017). En 2017, il a été nommé à ce poste pour une période indéterminée. Il a témoigné qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs (la lettre qui lui a été adressée a été produite en preuve à l’audience), et que, quoi qu’il en soit, à l’époque cela ne le préoccupait pas. En 2011, il avait déposé un grief sur la description de travail, par sentiment de solidarité avec l’Institut, qui menait la campagne, parce qu’à l’époque il participait aux activités syndicales. Il n’avait jamais vraiment porté attention au contenu de sa description de travail afin de déterminer si elle reflétait avec exactitude ses fonctions et ses responsabilités.

[81] Lorsqu’on lui a demandé d’examiner la description de travail de 2016, en mars 2019, il ne lui est pas venu à l’esprit qu’elle était le résultat du grief auquel il avait pris part à titre de fonctionnaire s’estimant lésé. Il lui semblait que la description de travail de 2016 devait être modifiée afin d’être mise à jour, d’ajouter plus de précisions sur le volet de la santé animale et de supprimer certaines fonctions que les vétérinaires superviseurs n’assumaient pas, comme la prestation de services de consultation.

F. Dr Fréchette

[82] Le Dr Fréchette est gestionnaire aux opérations régionales responsable de la région de Saint-Hyacinthe au Québec. Avant d’occuper ce poste, il a été gestionnaire d’inspection et il a supervisé des vétérinaires superviseurs, y compris la Dre Coupal, de 2006 à 2012. De 1992 à 1997, il a été vétérinaire superviseur (appelé à l’époque chef vétérinaire).

[83] Selon le Dr Fréchette, le vétérinaire superviseur dans un abattoir est responsable de l’ensemble du système d’inspection de l’usine. Dans un bureau de district, le vétérinaire superviseur veille à la santé animale pour le district.

[84] Dans les abattoirs de volaille, l’inspection des viandes a quelque peu changé avec la mise en œuvre du programme modernisé d’inspection des volailles. L’inspection des viandes relève désormais de la direction des abattoirs, et les employés de l’ACIA assurent la conformité réglementaire. Les employés des usines inspectent les viandes, mais deux fois par jour, le vétérinaire superviseur doit vérifier si les inspections ont été effectuées correctement.

[85] Les vétérinaires superviseurs doivent aussi assurer la conformité en relevant les lacunes dans l’exploitation de l’usine. Ils rempliront une demande de mesures correctives et donneront à la direction de l’abattoir un délai pour se conformer à la réglementation de l’ACIA.

[86] Le Dr Fréchette a examiné la description de travail de 2016 et celle de 2019. Il a souligné que certaines fonctions énoncées dans la description de travail de 2016 n’étaient plus exercées par les vétérinaires superviseurs. Il a cité en exemple le Système de gestion de la qualité, qui a été remplacé par d’autres activités de surveillance.

[87] Le Dr Fréchette a aussi souligné que les vétérinaires superviseurs ne mènent pas d’enquêtes épidémiologiques. Ils peuvent jouer un rôle dans leur district ou leur abattoir, mais les études épidémiologiques relèvent d’autres employés de l’ACIA, notamment les vétérinaires régionaux, les gestionnaires d’inspection et les épidémiologistes. Autrement dit, les vétérinaires superviseurs ont une responsabilité au niveau de l’abattoir ou du district seulement; en dehors de cela, d’autres employés de l’ACIA interviennent.

[88] Le Dr Fréchette a commenté l’utilisation du mot « arbitrer » (mediate) qui s’applique à l’une des activités principales dans la description de travail de 2016. Même s’il est vrai que les vétérinaires superviseurs ont un rôle à jouer dans le règlement des conflits entre les employés de l’ACIA et la direction des abattoirs, ils ne sont pas des médiateurs dûment formés. Le Dr Fréchette estimait que le mot [traduction] « intervenir » serait plus approprié.

[89] Dans l’ensemble, le Dr Fréchette ne souscrivait pas à la responsabilité qui semblait être assignée aux vétérinaires superviseurs. Même s’il a reconnu que ceux‑ci étaient responsables de la mise en œuvre des politiques de l’ACIA dans les abattoirs et les bureaux de district afin d’assurer la santé animale et la salubrité des aliments, il estimait que les politiques et les priorités étaient établies à un niveau supérieur. Le vétérinaire superviseur ne participe pas à la prise de décisions aux niveaux régional et national.

[90] Selon le Dr Fréchette, la description de travail de 2016 avait également besoin d’être mise à jour, parce que les lois et les règlements avaient changé.

[91] Le Dr Fréchette n’était pas au courant des griefs présentés à l’égard de la description de travail.

[92] On a porté à l’attention du Dr Fréchette un document qui exposait en détail les opérations que mènent les employés de l’ACIA dans un abattoir (« Module de planification des opérations »). L’une des activités d’un vétérinaire superviseur était les « consultations avec les clients - Hygiène de la viande ». Cependant, le Dr Fréchette avait déjà déclaré, à l’instar des Drs Bains et McLearon, que les vétérinaires superviseurs n’offraient pas de services de consultation.

[93] Le Dr Fréchette a expliqué que l’activité de consultation en question était plutôt d’expliquer à la direction des abattoirs en quoi consistent les exigences réglementaires et les problèmes qui découlent de la transformation des viandes, à la lumière des lois, des règlements et des politiques de l’ACIA. Il ne s’agissait pas d’un travail d’ordre consultatif au sens de la prestation de conseils; des lacunes pouvaient être soulignées, mais les solutions étaient laissées à la discrétion des intervenants de l’industrie. Le Dr Fréchette a souligné que la prestation de renseignements constituait un élément important des fonctions d’un vétérinaire superviseur (selon lui, cela s’appliquait aussi au niveau VM-01 et au poste d’inspecteur-chef au niveau EG-5), parce que la direction d’un abattoir peut se poser de nombreuses questions au sujet de l’inspection des viandes.

G. M. Mathuik

[94] M. Mathuik est directeur général, Opérations Ouest de l’ACIA depuis 2014.

[95] En 2016, M. Étienne, VP, Opérations, a demandé à M. Mathuik d’examiner le grief sur la description de travail des vétérinaires superviseurs (poste no 59668) à la lumière de la présentation que la Dre Coupal et l’Institut avaient faite au dernier palier de la procédure de règlement des griefs à l’égard du grief déposé en 2011.

[96] Dans la présentation de la Dre Coupal, plusieurs éléments qui selon les fonctionnaires ne figuraient pas dans leur description de travail provenaient de la description de travail du poste de vétérinaire gestionnaire, classifié au niveau VM-03. La région de l’Ouest était la seule où le poste existait.

[97] M. Mathuik a expliqué qu’il y avait deux vétérinaires gestionnaires à l’époque, et que chacun d’eux était responsable d’un très grand abattoir de bœuf. En plus des fonctions de vétérinaire superviseur (le vétérinaire en chef dans un abattoir), les vétérinaires gestionnaires avaient des pouvoirs financiers délégués, ils ne faisaient pas partie de l’unité de négociation et ils pouvaient entendre des griefs au premier palier de la procédure de règlement des griefs.

[98] M. Mathuik était d’accord avec certaines des déclarations faites dans la présentation sur le grief, qui étaient tirées directement de la description de travail du poste de vétérinaire gestionnaire, mais il a souligné plusieurs différences contextuelles entre les postes de gestion et ceux de supervision. Il a présenté sa rétroaction à M. Étienne, et il a comparu devant le comité de classification qui s’est réuni en mai 2017 pour classifier la description de travail de 2016. Sa présentation consistait à expliquer la place d’un vétérinaire superviseur dans la structure organisationnelle. Cela a marqué la fin de l’intervention de M. Mathuik à l’égard de la description de travail de 2016.

[99] M. Mathuik a témoigné qu’à la suite d’un examen structurel, en 2015, on avait décidé de cesser d’inclure les vétérinaires gestionnaires dans la structure à la fin de 2016 au plus tard, afin d’assurer l’uniformité de la structure hiérarchique. Les vétérinaires gestionnaires ont été remplacés par des vétérinaires superviseurs. Les pouvoirs financiers délégués et la responsabilité des griefs au premier palier de la procédure de règlement des griefs font désormais partie des fonctions d’un gestionnaire d’inspection, dont relèvent les vétérinaires superviseurs.

[100] Je souligne que la région de l’Ouest de l’ACIA n’a présenté aucun commentaire sur la description de travail de 2016 lorsque la haute direction de l’ACIA le lui a demandé en 2019.

H. Mme Verchere

[101] Mme Verchere est gestionnaire de la division de la classification de l’ACIA. (Note : À l’ACIA, la classification comprend deux composantes, l’une qui est essentiellement la politique de classification, qu’on appelle Classification et Conception organisationnelle, et l’autre qui constitue la pratique de la classification, qu’on appelle la Division de la conception organisationnelle et évaluation d’emplois, que je désigne dans la présente décision sous l’appellation de division de la classification.)

[102] Mme Verchere est accréditée en classification par l’ACIA. Elle travaille en classification auprès de l’ACIA depuis 2002. De 2014 à 2017, elle a travaillé dans le secteur des relations de travail. Elle est retournée à la division de la classification en juillet 2017, à titre de gestionnaire intérimaire. Depuis lors, elle a été nommée à ce poste pour une période indéterminée.

[103] Mme Verchere a témoigné que lorsqu’elle est entrée en fonction à titre de gestionnaire intérimaire, la division de la classification manquait cruellement de personnel. La division n’avait pas suffisamment de conseillers en classification pour satisfaire aux besoins de l’ACIA. Les mesures de classification ont pris un sérieux retard.

[104] Selon Mme Verchere, la formation et l’accréditation des conseillers en classification demandent du temps, puisque le sujet est assez complexe.

[105] En juillet 2017, Mme Turpin, gestionnaire nationale des relations de travail, a porté la question de la classification de la description de travail de 2016 à l’attention de Mme Verchere. Cette dernière a été avisée que la description de travail de 2016 avait été émise en septembre 2016, après que l’employeur eut accueilli le grief sur la description de travail. Mme Turpin a dit à Mme Verchere que l’Institut exerçait une grande pression afin d’obtenir une décision relative à la classification.

[106] Judy Anifrani, la conseillère en classification qui était chargée de la classification de la description de travail de 2016, a avisé Mme Verchere que le comité de classification s’était réuni le 8 mai 2017, et que la décision devait être rendue sous peu.

[107] Mme Verchere a examiné le rapport du comité de classification et elle a constaté plusieurs lacunes qui l’ont préoccupée. En résumé, le rapport ne fournissait pas suffisamment de renseignements pour permettre aux personnes concernées de comprendre sa conclusion de maintenir le niveau VM-02.

[108] Mme Verchere craignait que l’Institut et les fonctionnaires ne soient insatisfaits du rapport, notamment parce qu’une reclassification au niveau VM-03 avait été envisagée. Elle craignait aussi qu’aucun examen sur place n’ait été effectué, afin de s’assurer que les titulaires du poste exerçaient vraiment les fonctions énoncées dans la description de travail de 2016. Même si les examens sur place étaient optionnels à l’époque, ils font partie d’une solide pratique et garantissent un bon exercice de classification. À l’insu de Mme Verchere, la décision relative à la classification a néanmoins été émise le 24 juillet 2017. En consultation avec Mme Turpin, Mme Verchere a décidé de la retirer, afin de faire corriger le rapport sur la classification.

[109] Mme Anifrani a présenté un deuxième rapport, qui palliait certaines insuffisances, mais, de l’avis de Mme Verchere, pas toutes les insuffisances. Le mandat de Mme Anifrani a pris fin en septembre 2017 et il n’a pas été renouvelé.

[110] Mme Verchere a ensuite cherché à embaucher un autre conseiller pour reprendre entièrement la classification de la description de travail de 2016. Il a fallu du temps pour embaucher un conseiller, qui a finalement commencé à travailler sur le dossier à la fin de février 2018. Malheureusement, le conseiller est tombé malade, et finalement, Mme Verchere a assigné le dossier à Mme Lim, qui était gestionnaire de portefeuille à son bureau.

[111] Mme Lim a mené des examens sur place de juillet à septembre 2018, puis en janvier et février 2019. À la suite de ces examens sur place, Mme Lim a fait des recommandations à la direction au sujet de la description de travail de 2016. Ses recommandations visaient principalement à rendre la description plus générique, afin de mieux refléter le volet de la santé animale. Elle faisait partie du groupe de travail qui a classifié la description de travail de 2019 résultant de la réécriture au niveau VM‑02.

[112] Mme Verchere a nié avoir transmis aux Relations de travail le message destiné à l’Institut, selon lequel la décision relative à la classification serait rendue [traduction] « sous peu » ([traduction] « dans un délai de deux semaines », selon le courriel que M. Martinez a adressé à Mme Gagné en décembre 2017). Selon Mme Verchere, le processus de classification demande entre 6 et 12 mois, ce qui inclut la période d’examen sur place.

[113] Une fois que l’examen sur place a été effectué, la direction doit décider si et comment la description de travail sera modifiée. La division de la classification n’a aucun contrôle sur le contenu.

[114] Mme Verchere a réfuté l’affirmation de M. Durber selon laquelle la description de travail et la norme VM suffisaient pour classifier le poste. Il était important de prendre en considération la relativité du poste au sein de l’organisation, de tenir compte des postes supérieurs, inférieurs et au même niveau.

[115] Mme Verchere a témoigné qu’en réalité, l’évaluation sur place avait permis d’établir que la description de travail de 2016 coïncidait avec les fonctions exercées, mais que le volet de la santé animale n’était pas pris en compte suffisamment.

[116] En contre-interrogatoire, Mme Verchere a déclaré que la division de la classification n’était pas liée par le libellé de la description de travail de 2016; elle devait faire son travail et confirmer si la description de travail était à jour et si elle reflétait les tâches accomplies par les titulaires. Elle n’était que vaguement au courant des multiples campagnes de griefs concernant les descriptions de travail du groupe VM. Lorsqu’elle a été contre‑interrogée sur le fait que la description de travail de 2016 découlait d’une décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, elle a affirmé que cela ne rendait pas cette description définitive. Seule une ordonnance d’un tribunal ou de la Commission pouvait avoir cet effet.

[117] Mme Verchere n’a pas communiqué directement avec l’Institut, ce qui relevait de la section des Relations de travail, dont Mme Turpin assurait la direction. Elle n’avait aucune idée de ce qui était communiqué à l’Institut au sujet du processus de classification avant qu’on l’avise, en mars 2018, qu’on procéderait à des évaluations sur place.

[118] Mme Verchere ignorait plusieurs points soulevés dans le rapport de 2019 au sujet de la classification, par exemple, l’existence d’un chevauchement entre le poste de vétérinaire gestionnaire classifié VM-03 et la description de travail de 2016. Elle a affirmé que Mme Lim serait en mesure de répondre aux questions portant sur le chevauchement. Lorsqu’elle a été questionnée au sujet de sa déclaration antérieure selon laquelle il y avait coïncidence d’après les évaluations sur place, mais un contenu insuffisant au sujet du volet de la santé animale, elle a répondu que Mme Lim avait fourni les renseignements.

[119] Elle a souligné que le contenu de la description de travail relevait entièrement d’une décision de la direction. Si les évaluations sur place avaient révélé une coïncidence insuffisante entre la description de travail et les fonctions exercées, il revenait à la direction d’y remédier. Une fois que la description de travail était définitive, la tâche du comité de classification consistait uniquement à évaluer.

I. M. Urbanic

[120] M. Urbanic est directeur général de la région de l’Ontario de l’employeur et l’un des quatre directeurs principaux au Canada.

[121] En mai 2018, on a demandé aux directeurs principaux de désigner des titulaires de postes de vétérinaire superviseur qui participeraient aux examens sur place visant à classifier le poste. La division de la classification avait fourni des noms correspondant aux différentes caractéristiques des abattoirs (taille et espèces animales), et on a demandé aux directeurs principaux de valider la liste. À ce moment‑là, seuls les postes liés à l’hygiène des viandes ont été retenus. Ce n’est qu’en novembre 2018 qu’on a demandé des noms associés au volet de la santé animale.

[122] En novembre 2018, Mme Iuliano, VP, Opérations, a demandé aux directeurs principaux d’aider la division de la classification à clore le dossier du poste de vétérinaire superviseur, afin que ce poste puisse être classifié dès que possible. À ce moment‑là, lorsque les directeurs principaux ont rencontré Mme Lim, celle‑ci a réalisé que le volet de la santé animale avait été omis dans l’examen sur place. Jusqu’à ce moment‑là, elle ignorait que le poste de vétérinaire superviseur s’appliquait à la fois aux vétérinaires superviseurs qui travaillaient à l’hygiène des viandes dans les abattoirs et aux vétérinaires superviseurs qui travaillaient à la santé animale dans les bureaux de district.

[123] Des examens sur place ont été effectués en janvier et février 2019, auprès des vétérinaires superviseurs des bureaux de district. En fonction des examens sur place, Mme Lim a présenté des recommandations visant à modifier la description de travail de 2016, principalement afin de la rendre plus générique, pour couvrir les deux volets.

[124] M. Urbanic a chargé des experts en la matière (notamment les Drs Bains et McLearon) d’examiner la description de travail de 2016 et de proposer des modifications suivant les recommandations de Mme Lim. M. Urbanic a souscrit aux commentaires du groupe selon lesquels la description de travail de 2016 était trop longue et ne tenait pas suffisamment compte du volet de la santé animale. Il a suggéré de supprimer des précisions concernant le programme d’hygiène des viandes afin de corriger le déséquilibre.

[125] Puisque Mme Lim avait demandé une version achevée de la description de travail, M. Urbanic a demandé à la Dre McLearon d’en rédiger l’ébauche finale, ce qui a eu pour résultat la description de travail de 2019. Il a assisté à la réunion du comité de classification en avril 2019, mais il ne se souvenait pas si des questions avaient été posées.

[126] M. Urbanic a gravi les échelons comme inspecteur; il n’est pas vétérinaire. Il n’était pas au courant des longs antécédents de grief des fonctionnaires du groupe VM.

J. Mme Lim

[127] Mme Lim est gestionnaire de portefeuille à la division de la classification de l’ACIA. L’une de ses fonctions est de participer aux comités de classification. Elle a reçu une formation dans le domaine de la classification et a été agréée par l’Agence du revenu du Canada en 2010, par le Conseil du Trésor au ministère de la Justice en 2011, par le Secrétariat du Conseil du Trésor en 2015, et par l’ACIA en 2017. Elle est entrée en fonction à l’ACIA à la fin d’août 2017.

[128] Mme Lim a été informée de la classification de la description de travail de 2016 par Mme Verchere. Comme il avait été conclu que la décision relative à la classification était lacunaire, Mme Verchere a décidé qu’il fallait la reprendre, y compris les examens sur place, afin de mieux comprendre les fonctions et les responsabilités des titulaires.

[129] Lorsque Jean-Guy Chapman est entré en fonction à titre de conseiller en classification responsable du dossier du poste de vétérinaire superviseur, en février 2018, Mme Lim l’a aidé à planifier les examens sur place. Le questionnaire était axé sur les activités principales figurant dans la description de travail de 2016.

[130] En mai 2018, étant donné que M. Chapman était malade, Mme Lim a été chargée de l’exercice de classification. Les examens sur place ont eu lieu de juillet à octobre 2018. Les titulaires ont répondu au questionnaire, et Mme Lim et un collègue ont fait un suivi en effectuant des visites sur place et en posant d’autres questions, afin de bien comprendre le rôle des titulaires et de clarifier leurs réponses. Les titulaires et leurs gestionnaires ont eu la possibilité d’examiner le rapport sur place et de corriger les erreurs.

[131] Une fois que les examens sur place ont été achevés, Mme Lim a rencontré les directeurs principaux à la fin de novembre 2018, et ce n’est qu’à ce moment‑là qu’elle a appris que le poste de vétérinaire superviseur existait non seulement dans les abattoirs, pour assurer l’hygiène des viandes, mais qu’il existait aussi dans les bureaux de district, pour veiller à la santé animale. Les directeurs principaux ont débattu de la question de savoir s’il devait y avoir deux descriptions de travail, mais ils ont conclu qu’il fallait continuer d’en avoir une seule, une description de travail générique. Il a alors été décidé de mener des examens sur place des bureaux de district, examens qui ont été menés en février 2019.

[132] Mme Lim a rédigé un rapport en fonction des examens sur place. Sur le fondement de ce rapport, elle a conclu que les fonctions et les responsabilités des vétérinaires superviseurs ne coïncidaient pas suffisamment avec ce qui figurait dans la description de travail de 2016.

[133] En réalité, le rapport atteste davantage de coïncidence que le contraire. Certaines activités ne s’appliquent tout simplement pas à l’un ou l’autre des volets, mais toutes les activités coïncident avec celles d’au moins l’un des volets, et la plupart d’entre elles coïncident avec celles des deux volets. Le questionnaire énumérait les activités principales; les titulaires ont indiqué si chacune d’entre elles était effectivement l’une des activités principales qu’ils menaient. Lorsqu’on a demandé à Mme Lim, en contre‑interrogatoire, pourquoi certaines activités ou fonctions avaient été supprimées, malgré la coïncidence, Mme Lim a répondu qu’en définitive, la description de travail relevait d’une décision de la direction. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle pensait que la coïncidence était insuffisante, malgré les réponses, Mme Lim a répondu que les volets n’étaient pas représentés équitablement.

[134] Mme Lim a recommandé que plusieurs modifications soient apportées pour rendre la description de travail plus générique et englober et le volet de l’hygiène des viandes et celui de la santé animale. Certaines modifications ont été recommandées parce que les opérations avaient changé, par exemple, les inspections post mortem, qui sont désormais effectuées par des inspecteurs et non par des vétérinaires, mais qui demeurent sous la responsabilité des vétérinaires, qui seuls peuvent prendre les décisions concernant le diagnostic ou la disposition. Je souligne que les modifications apportées à la description de travail de 2016 n’étaient qu’en partie attribuables aux recommandations de Mme Lim; elles étaient aussi en grande partie attribuables à l’initiative des directeurs principaux. Ceux‑ci désapprouvaient certains libellés (par exemple, le mot « arbitrer » (mediate), même s’il coïncidait parfaitement d’après les questionnaires) et la longueur de la description de travail de 2016, de façon générale.

[135] La nouvelle description de travail de 2019, qui découlait de la réécriture effectuée par la Dre McLearon, a été soumise à un comité de classification présidé par M. Chapman. Mme Lim faisait également partie de ce comité. Le rapport du comité ne traite pas de l’application de la norme VM; les facteurs ou les caractéristiques n’y sont pas examinés. Le poste est plutôt évalué uniquement en fonction de comparaisons avec des postes de référence — supérieur au niveau 1, inférieur au niveau 3, égal au niveau 2.

[136] Le rapport du comité de classification présente des renseignements généraux sur l’exercice de classification, et il comprend le paragraphe suivant, qui reproduit les renseignements que Mme Lim a fournis aux gestionnaires supérieurs en février 2018, afin d’expliquer la nécessité des examens sur place :

[Traduction]

[…]

Un comité de classification s’est réuni le 1er août 2017 pour évaluer la description de travail du poste de superviseur vétérinaire (D59668). Au cours des délibérations du comité, on a relevé diverses similitudes (chevauchement) avec le poste de vétérinaire gestionnaire - Hygiène des viandes, classifié VM-03. Par conséquent, le comité a été mis en suspens jusqu’à ce qu’on puisse tenir de plus amples consultations avec la direction et effectuer des examens sur place afin de déterminer la coïncidence avec la description de travail.

[…]

 

[137] Lorsqu’on a interrogé Mme Lim sur les renseignements contenus dans ce paragraphe, elle a répondu qu’ils lui avaient été présentés, étant donné qu’elle n’était arrivée à la division de la classification qu’à la fin d’août 2017.

[138] Cependant, ces renseignements ne correspondent pas au témoignage de Mme Verchere, ni au rapport présenté par le comité de classification en 2017. Le comité s’est réuni le 8 mai 2017. Le rapport ne fait pas mention des délibérations du comité, encore moins de discussions sur les similitudes avec la description de travail du poste de vétérinaire gestionnaire VM-03. Il ressort clairement du témoignage de M. Mathuik que l’employeur était parfaitement au courant des similitudes avant la mise au point de la description de travail de 2016, et que des tâches similaires avaient délibérément été incluses dans le cadre de l’accueil du grief.

III. Résumé de l’argumentation

[139] Les parties ont présenté de la jurisprudence à l’appui de leurs arguments. Je l’ai entièrement examinée, mais je n’appliquerai que les cas que j’estime pertinents, qui sont commentés dans mon analyse.

A. Pour la fonctionnaire et plaignante

[140] La fonctionnaire et plaignante a soutenu qu’il s’agit d’un cas sans précédent. Pour le trancher, il faut revenir aux principes fondamentaux, c’est‑à‑dire, la promotion de relations de travail harmonieuses, et les deux parties doivent respecter les règles. Dans le présent cas, l’employeur n’a pas respecté les règles. Malgré le fait qu’il a accueilli le grief, il a ensuite agi de manière à rendre la procédure de règlement des griefs inutile et à concéder aux fonctionnaires une fausse victoire. Cette négation élémentaire de l’issue de la procédure de règlement des griefs a eu pour effet de dissuader les fonctionnaires d’exercer leurs droits.

[141] Dans le cas du grief, l’analyse a été simple. L’employeur ne s’était pas pleinement acquitté de ses obligations en vertu de la clause E1.01 de la convention collective, en omettant de classifier la description de travail qui était le résultat de la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[142] L’analyse de la plainte de pratique déloyale de travail peut se révéler un peu plus complexe, compte tenu de sa nature sans précédent, mais en définitive, l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau de réfuter la présomption de pratique déloyale de travail qui lui incombait, puisqu’il n’a pas expliqué ses actes, soit d’avoir omis de classifier la description de travail de 2016 et de l’avoir plutôt remplacée par une autre description de travail, celle de 2019.

[143] L’employeur a délibérément induit l’agent négociateur en erreur lorsqu’il a dit à l’Institut, en décembre 2017, que la décision relative à la classification était sur le point d’être rendue, alors qu’en réalité, le processus de classification était au point mort.

[144] Dans sa lettre du 15 septembre 2016, qui était adressée à tous les fonctionnaires, M. Étienne, VP, Opérations à l’époque, affirmait que la description de travail de 2011 n’était pas complète, et il a présenté une nouvelle description de travail en prenant de surcroît l’engagement de la faire classifier.

[145] Il s’agissait de l’aboutissement d’un différend qui remontait à 2001. L’employeur a examiné en profondeur la description de travail de 2016 qui découlait de la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, comme M. Mathuik en a témoigné. Certains éléments de la description de travail du poste de vétérinaire gestionnaire ont été ajoutés, et les modifications que les fonctionnaires avaient préconisées n’ont pas toutes été apportées. Il s’agissait d’une décision de la direction. Les fonctionnaires et l’agent négociateur ont souscrit à la description de travail de 2016.

[146] En octobre 2016, la description de travail de 2016 a été expédiée aux fins de classification. À partir de ce moment‑là, l’employeur n’a fourni aucun renseignement sur l’exercice de classification. Il a fallu attendre jusqu’en mai 2017 pour qu’un comité de classification se réunisse. M. Durber a témoigné qu’une fois qu’une description de travail est complète et à jour, il faut compter environ un mois pour procéder à la classification. En réalité, cela est en quelque sorte confirmé par ce qu’il est advenu de la description de travail de 2019. Elle a été présentée à l’agent négociateur en mars 2019, et la classification a été achevée dans un délai d’un mois, en avril 2019.

[147] Aucune explication n’a été présentée pour justifier le retard de sept mois, d’octobre 2016 à mai 2017. Lorsque Mme Verchere a décidé de retirer la décision du comité de classification, en août 2017, elle a donné comme explication que la décision était insuffisante, surtout à la lumière de la reclassification proposée.

[148] L’employeur n’a cité aucune personne associée à la description de travail de 2016, que ce soit du côté de la direction ou des Relations de travail.

[149] Aucune explication n’a été présentée à l’agent négociateur en ce qui a trait au processus de classification. Après l’annulation de la décision prise par le comité de classification, en août 2017, les Relations de travail ont continué d’assurer à Mme Gagné qu’une décision relative à la classification serait prise sous peu, ce qui ne correspond pas du tout au témoignage de Mme Verchere.

[150] L’idée des examens sur place a germé plus tard, en février 2018, lorsque M. Chapman a été embauché. À ce moment‑là, la division de la classification se préoccupait du chevauchement avec la description de travail du poste de vétérinaire gestionnaire. Pourtant, cela était connu au moment où la direction avait émis la nouvelle description de travail de 2016. En septembre 2016, la direction avait approuvé l’ajout de certains éléments extraits de la description de travail du poste de vétérinaire gestionnaire. Cela a semblé poser un problème en février 2018. Encore là, aucune explication n’a été présentée pour justifier le changement d’avis de la direction. Ni Mme Verchere ni Mme Lim n’étaient au courant de la façon dont la description de travail de 2016 avait été réalisée, dans la foulée de la présentation de la Dre Coupal à l’employeur lors de l’audience du grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[151] Il est frappant de voir à quel point l’agent négociateur a été induit en erreur jusqu’en mars 2018, lorsqu’il a soudainement appris qu’il faudrait effectuer des examens sur place pour classifier la description de travail de 2016.

[152] Les fonctionnaires et l’agent négociateur n’ont pas contesté le fait que l’employeur peut modifier les descriptions de travail. Cependant, la présente situation est différente. La description de travail de 2016 résultait d’une procédure de règlement des griefs étalée sur 15 ans, et les parties avaient convenu que la description de travail découlant du grief serait rétroactive au 1er mai 2001. Si l’employeur adopte une nouvelle description de travail, il ne peut pas déplacer la description de travail de 2016 avec sa date d’entrée en vigueur. Il peut remplacer la description de travail de 2016 en l’accompagnant d’une date d’entrée en vigueur postérieure à la date à laquelle le grief déposé en 2011 a été accueilli.

[153] Aucune explication n’a été présentée pour justifier la décision de la direction de refaire la description de travail de 2016, mais l’effet des modifications apportées par celle de 2019 est clair : la description de travail a été rétrogradée par rapport à celle de 2016. M. Durber a livré un témoignage convaincant pour expliquer comment les modifications pouvaient avoir un effet sur la classification. Les modifications sont indéniables, et elles ont effectivement été confirmées par la Dre McLearon et Mme Lim. Certaines fonctions ou responsabilités ont été omises dans la description de travail de 2019; un travail qui est invisible ne peut pas être classifié.

[154] Selon l’expérience de M. Durber, une description de travail que l’employeur estime complète et à jour et à laquelle souscrit l’agent négociateur peut être classifiée directement, sans mener des examens sur place.

[155] Le fait que l’employeur n’a pas classifié la description de travail de 2016 était profondément démoralisant pour les fonctionnaires. Après avoir obtenu une décision de la direction qui représentait un succès après 15 années de lutte, la victoire est devenue vaine lorsque la description de travail de 2016 a été remplacée par celle de 2019. Les vétérinaires superviseurs ont aussi contesté la description de travail de 2019, mais ils ont été beaucoup moins nombreux à le faire qu’en 2011. Selon le sentiment général, ces questions ne seront jamais réglées.

[156] La preuve de l’employeur est remarquable par ce qui y fait défaut. L’employeur a cité seulement Mmes Verchere et Lim pour témoigner du processus de classification. Ni l’une ni l’autre n’avaient de pouvoir décisionnel à l’égard de la description de travail, et ni l’une ni l’autre ne semblaient avoir saisi l’importance de classifier une description de travail qui était la conclusion d’une longue procédure de règlement des griefs.

[157] Si l’employeur peut réécrire une description de travail après en avoir accordé une nouvelle au dernier palier de la procédure de règlement des griefs pour la même période d’application, alors la procédure de règlement des griefs n’a aucun sens.

[158] Malgré l’exercice d’examen sur place, comme Mme Lim l’a confirmé, en définitive c’est la direction qui décide du contenu de la description de travail. Et il semble que l’examen sur place soit venu après coup, car initialement il n’en a pas été fait mention dans la critique de Mme Verchere concernant la décision relative à la classification (mai 2017). Les motifs justifiant le retard de la classification ont semblé évoluer, ce qui montre qu’ils ne sont qu’un prétexte. Tous les actes de l’employeur avaient seulement pour but d’éviter la reclassification du poste de vétérinaire superviseur du niveau VM-02 au niveau VM-03. Lorsque le chevauchement entre le poste de vétérinaire gestionnaire et la description de travail de 2016 a été relevé, en février 2018, ce fut comme si cela était soudainement apparu pendant l’exercice de classification. Pourtant, le chevauchement était connu, il avait fait l’objet d’un examen et il avait été accepté lorsque la description de travail de 2016 avait été diffusée.

[159] L’examen sur place visant à déterminer la coïncidence a été effectué en ayant à l’esprit la réalité de 2018 et 2019. Il ne s’appliquait pas à une description de travail dont la date d’entrée en vigueur était censée être en 2001. Il semble que Mme Lim ne connaissait pas le deuxième volet (la santé animale) du poste de vétérinaire superviseur. Pourtant, cet élément faisait partie de la présentation de la Dre Coupal à l’audience au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Autrement dit, la procédure de règlement des griefs a été simplement et complètement ignorée.

[160] En l’absence de preuve produite par l’employeur pour expliquer le retard de la classification et le refus de classifier la description de travail de 2016, la seule conclusion qu’on puisse tirer est que la direction s’est contentée de laisser la division de la classification procéder sans être au courant de l’historique de la description de travail de 2016. La division de la classification était censée recommencer à neuf, oublier le passé et, par conséquent, ne pas tenir compte de la description de travail de 2016 résultant d’un grief de longue date.

[161] La direction s’est aussi contentée de laisser la Dre McLearon modifier la description de travail et apporter des modifications allant au-delà de la conclusion du rapport d’examen sur place, qui démontrait effectivement plus de coïncidence que non. C’était la prérogative de la direction, selon Mme Lim.

[162] Il est ressorti clairement des échanges entre Mme Iuliano, VP, Opérations en 2018, et M. Urbanic, qui a dirigé l’examen sur place et l’exercice de modification, que l’employeur souhaitait que la description de travail de 2016 soit modifiée, ce qui a découlé de l’exercice de classification. Cet exercice a été mené en l’absence de tout contexte rappelant l’accueil du grief.

[163] Le libellé de la convention collective est clair : un fonctionnaire s’estimant lésé a droit à une description de travail complète et à jour, ainsi qu’à sa classification. Comme le soutiendra l’employeur, il est vrai que la Commission n’a pas compétence sur la classification. Mais il ne s’agit pas d’une question de classification en soi; il s’agit d’une question liée à l’application des droits prévus dans la convention collective.

[164] Comme la Commission l’a déclaré dans Bodnar c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 71, les droits de la direction sont restreints par une convention collective, et la Commission a compétence sur les griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de la convention collective.

[165] Comme il est affirmé dans Ottawa Humane Society v. Ottawa-Carleton Public Employees’ Union, [2005] O.L.A.A. No. 220 (QL), 137 L.A.C. (4e) 337, l’employeur ne peut pas résilier une position qu’il a prise dans la procédure de règlement des griefs, ce qui consistait dans le présent cas à avoir accueilli le grief et à avoir accordé la description de travail de 2016 dans le cadre de sa décision.

[166] La preuve insuffisante que l’employeur a produite entraîne nécessairement une conclusion défavorable. Ni la haute direction ni les Relations de travail n’ont expliqué pourquoi l’agent négociateur avait reçu des renseignements trompeurs jusqu’en mars 2018. Aucune explication n’a été fournie pour justifier pourquoi la description de travail de 2019 devait être rétroactive à 2001, malgré le fait que l’examen sur place s’appliquait à des fonctions contemporaines et non historiques.

[167] Le défaut de citer un gestionnaire ou un représentant des Relations de travail entraîne la conclusion défavorable selon laquelle les actes de l’employeur ont effectivement été délibérés. Celui‑ci a induit l’agent négociateur en erreur, il a déconnecté les Relations de travail de la classification, et il n’a jamais tenu compte de la reclassification proposée.

[168] Le paragraphe 191(3) de la Loi prévoit que le dépôt par écrit d’une plainte de défaut allégué de se conformer au paragraphe 186(2), qui interdit la discrimination et l’intimidation pour avoir exercé le droit de déposer un grief, constitue la preuve de l’omission. Il incombe à l’employeur de réfuter cette présomption légale.

[169] Dans le présent cas, l’employeur n’a présenté aucune explication du malentendu qui a perduré entre septembre 2016 et mars 2018. Pendant toute cette période, on a assuré à l’Institut que la classification de la description de travail de 2016 était imminente. Cependant, cela ne s’est jamais produit. L’employeur n’a pas respecté les conditions de la convention collective. Par surcroît, il a délibérément induit les fonctionnaires et l’Institut en erreur. Cela a eu pour résultat de démoraliser et d’intimider les fonctionnaires, en violation du paragraphe 186(2) de la Loi. On peut en constater l’effet dans la baisse du nombre de fonctionnaires qui ont déposé un grief contre la description de travail de 2019. Comme en a témoigné la Dre Coupal, les fonctionnaires ont été activement dissuadés de faire le moindre effort pour exercer leur droit d’obtenir une description de travail complète et à jour.

[170] La plaignante a invoqué Joe c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2021 CRTESPF 10, pour faire valoir qu’elle avait au moins une cause défendable et que, par conséquent, l’inversion de la charge de la preuve s’appliquait à l’employeur. Celui‑ci a découragé les tentatives visant l’exercice des droits des fonctionnaires. En répudiant la décision relative au grief qui avait été rendue, l’employeur a modifié les règles en cours de route. Aucune preuve n’a été produite pour montrer qu’il s’agissait d’un exercice raisonnable du pouvoir.

[171] L’employeur a soulevé la question du respect des délais. La plainte a été déposée le 19 juillet 2019. La plaignante a soutenu que le fait qui avait donné lieu à la plainte était la décision relative à la classification de la description de travail de 2019, qui avait été rendue le 23 avril 2019. L’Institut avait pris connaissance de la nouvelle description de travail de 2019 en mars 2019, mais son effet sur les fonctionnaires s’est fait sentir avec la décision relative à la classification.

[172] La fonctionnaire et plaignante a conclu en disant qu’il s’agissait d’un cas type important pour l’interprétation de la clause E1.01 au sens ordinaire. Si un grief portant sur une description de travail ne comporte pas le droit à un exercice de classification approprié, comme il est indiqué à la clause E1.01, il n’a fondamentalement aucun sens.

[173] La plaignante a reconnu qu’il n’y avait guère de précédents applicables à la plainte de pratique déloyale de travail présentée dans le présent cas. Mais il était important d’envisager la procédure de règlement des griefs dans un contexte plus large que celui de la convention collective seulement. Il s’agissait de l’intégrité de la procédure de règlement des griefs et du respect du système de règlement des différends. Selon le compromis élémentaire en droit du travail canadien, il faut régler les différends dans le cadre des moyens fournis par la convention collective pertinente. Par conséquent, la procédure de règlement des griefs constitue un engagement des deux parties et il faut la respecter. Selon la plaignante, le non‑respect de la procédure de règlement des griefs constitue une pratique déloyale de travail.

[174] En ce qui concerne les mesures de redressement faisant suite au grief, les fonctionnaires ont demandé une déclaration selon laquelle il y avait eu contravention à la clause E1.01 et que l’employeur devait mettre en œuvre le deuxième volet de la clause E1.01, c’est-à‑dire, classifier la description de travail de 2016 et lui attribuer le 1er mai 2001 comme date d’entrée en vigueur. Compte tenu des retards antérieurs, les fonctionnaires ont demandé une ordonnance selon laquelle l’exercice de classification devait été effectué dans les 90 jours suivant la date de la décision.

[175] Pour ce qui est de la plainte de pratique déloyale de travail, si la Commission conclut qu’elle est justifiée, la Commission doit demeurer saisie afin de permettre aux parties de convenir d’un redressement ou de revenir devant la Commission si elles ne parviennent pas à s’entendre.

B. Pour l’employeur et défenderesse

[176] Selon l’employeur, la plainte de pratique déloyale de travail n’est pas fondée. La déception et les sentiments ne constituent pas le fondement d’une pareille plainte. Aucune mesure disciplinaire ou punitive n’a été prise contre les fonctionnaires, et aucune mesure n’a délibérément été prise afin de rétrograder la description de travail. Les modifications apportées à la description de travail de 2016 n’avaient rien à voir avec le grief; la plupart des intervenants concernés n’en étaient pas conscients.

[177] Toutes les mesures liées à la classification ont fait l’objet d’une explication. On ne peut pas procéder à un exercice de classification en vase clos; celui‑ci doit reposer sur les tâches du poste, ce que l’examen sur place vise à déterminer.

[178] Étant donné que la Commission n’a pas compétence sur la classification, elle ne peut pas se prononcer sur le processus. L’employeur a reconnu qu’il est regrettable que la classification ait pris autant de temps, mais les témoins en avaient expliqué les raisons d’ordre opérationnel.

[179] Au sujet du grief, l’employeur a soutenu que la clause E1.01 n’entraîne pas l’exigence de classifier la description de travail. Selon son interprétation, les deux choses sont distinctes. L’employé a droit à une description de travail et à la classification de son poste. La classification du poste des fonctionnaires n’a jamais fait défaut. Elle était et demeure au niveau VM-02.

[180] Dans sa lettre adressée aux fonctionnaires en septembre 2016, à laquelle était jointe la description de travail de 2016, l’employeur s’engageait seulement à transmettre la description de travail de 2016 aux fins de classification. Sur ce document, la classification était déjà indiquée, au niveau VM-02. Il n’y avait aucun vide. L’employeur a transmis la description de travail de 2016 à la division de la classification, où la question de la coïncidence des fonctions a fait surface et a entraîné le besoin de vérifier le contenu de la description de travail. L’employeur a reconnu que la reclassification avait été examinée à la lumière de la description de travail de 2016. Cependant, il fallait effectuer une analyse complète pour déterminer la coïncidence et la relativité des fonctions.

[181] L’employeur a cité Brochu c. Canada (Conseil du Trésor), [1992] A.C.F. no 1057 (C.A.)(QL) à l’appui de son argument selon lequel la convention collective ne donnait pas droit à la classification d’une description de travail précise pour les fonctionnaires.

[182] L’employeur a soulevé une objection liée aux délais à l’égard de la plainte de pratique déloyale de travail. Le fait déclencheur en a été la connaissance que la plaignante avait prise des circonstances qui y avaient donné lieu. La fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage le 17 décembre 2018. Par conséquent, elle était déjà au courant des circonstances entourant la plainte. L’employeur a produit une nouvelle description de travail et, le 21 mars 2019, il en a informé l’Institut. La plainte a été déposée le 19 juillet 2019, soit bien après l’expiration du délai de 90 jours prévu par la loi. Le seul fait survenu au cours de la période de 90 jours a été la réception par l’Institut d’un avis indiquant le niveau de classification de la description de travail de 2019, mais la Commission n’a pas compétence sur la décision relative à la classification.

[183] Essentiellement, selon l’employeur, la plainte de pratique déloyale de travail n’est pas fondée. Il n’y a eu ni intimidation, ni discrimination, ni mesure disciplinaire pendant la procédure de règlement des griefs. La classification appartenait à l’employeur. La division de la classification a utilisé des pratiques exemplaires lorsqu’elle a vérifié le contenu de la description de travail. L’agent négociateur n’a produit aucune preuve d’intention ou de mesures disciplinaires. Une plainte de pratique déloyale de travail ne constitue pas un moyen de se plaindre de résultats insatisfaisants : elle est conçue pour protéger l’exercice des droits d’un employé en interdisant les représailles de la part de l’employeur.

[184] L’employeur a cité Comiskey c. Jensen, 2012 CRTFP 22, pour illustrer un cas où la Commission n’avait pas reconnu une plainte liée à un exercice de classification.

[185] L’opinion de M. Durber sur la comparaison entre la description de travail de 2016 et celle de 2019 n’a aucune incidence sur la plainte de pratique déloyale de travail. Son opinion reposait exclusivement sur les deux descriptions de travail et ne tenait pas compte de la structure générale de l’ACIA, comme l’exige la classification.

[186] Mme Verchere a expliqué les contraintes d’ordre opérationnel dans le cadre desquelles la division de la classification menait ses activités. Il a fallu du temps pour trouver et embaucher un spécialiste de la classification. Il se peut que les communications aient été interrompues, mais cela ne constitue pas une pratique déloyale de travail. En mars 2018, l’agent négociateur était parfaitement au courant des mesures que la division de la classification avait prises pour classifier la description de travail, dont l’examen sur place.

[187] La plaignante n’a pas démontré l’intention de l’employeur de rétrograder la description de travail de 2016. Les principales fonctions n’ont pas été supprimées. On a plutôt accentué le caractère générique de la description pour tenir compte du volet de la santé animale du poste de vétérinaire superviseur.

[188] Dans Laplante c. Conseil du Trésor (Industrie Canada et le Centre de recherches sur les communications), 2007 CRTFP 95, la Commission a conclu qu’aucune preuve ne révélait la motivation de l’employeur à entraver l’exercice des droits légaux. Dans le même ordre d’idées, l’employeur a soutenu qu’aucune preuve n’indiquait une pareille motivation dans le présent cas. Si l’employeur avait voulu sanctionner les fonctionnaires pour avoir déposé un grief et s’en être prévalus, il n’aurait pas attendu huit ans. Il a supporté sans broncher les nombreux griefs et les campagnes de grief. Cela est tout à fait indépendant de la nécessité de corriger la description de travail de 2016 à des fins de classification.

[189] L’employeur a invoqué Cameron c. Administrateur général (Bureau du Directeur des poursuites pénales), 2015 CRTEFP 98, pour affirmer que, même si une décision relative à la classification peut sembler profondément inéquitable au titulaire d’un poste, il s’agit d’une décision rendue par une direction sur laquelle la Commission n’a aucun pouvoir.

[190] Contrairement à la situation qui prévalait dans Joe, les fonctionnaires avaient d’autres recours, tels que contester le contenu et la classification de la description de travail de 2019.

IV. Analyse

[191] Malheureusement, étant donné que la preuve comportait des lacunes, certaines décisions et certains actes de l’employeur sont demeurés en grande partie inexpliqués. La fonctionnaire et plaignante m’a demandé de tirer des conclusions défavorables de l’absence de témoins qui auraient pu livrer un témoignage au sujet de la période écoulée entre septembre 2016 et juillet 2017, qui auraient pu expliquer l’étrange déconnection entre le message transmis par les Relations de travail et les actes ou les omissions de la division de la classification, de décembre 2016 à mars 2018, ou qui auraient pu témoigner du rôle de la direction dans l’approbation de la description de travail de 2019.

[192] Comme l’ont affirmé Brown et Beatty dans Canadian Labour Arbitration, 5e édition, au paragraphe 3:5120, le défaut de citer un témoin qui aurait pu expliquer un fait pertinent peut autoriser le décideur à conclure qu’un pareil témoignage n’aurait pas étayé la position de la partie en question. Comme il est affirmé dans Douglas Aircraft Co. of Canada v. U.A.W., Local 1967, 13 L.A.C. (2e) 410, au paragraphe 9 :

[Traduction]

9 Pour en arriver à mon appréciation de la preuve, ci‑dessus, j’ai dû composer avec la règle bien connue selon laquelle si une partie ou un témoin omet de livrer un témoignage qu’il aurait pu livrer, et qui aurait éventuellement permis d’élucider les faits, en pareil cas le tribunal est fondé à tirer la conclusion selon laquelle la preuve de la partie ou du témoin aurait été défavorable à la partie en défaut […]

 

[193] Dans le présent litige, deux éléments importants de la situation demeurent inexpliqués. Pourquoi la direction n’a‑t-elle pas confirmé à la division de la classification que la description de travail de 2016 était celle qui devait être classifiée, sans qu’il faille procéder à une plus ample vérification? Pourquoi les Relations de travail ont-t‑elles fourni à l’Institut des délais de classification fantaisistes, pour ne pas dire plus?

[194] Les explications fournies à l’audience ont été présentées uniquement par la division de la classification. Mmes Verchere et Lim ont toutes deux insisté sur l’importance des examens sur place, uniquement pour reconnaître que la direction avait le dernier mot au sujet du contenu de la description de travail. Pourtant, cette décision avait été prise en septembre 2016, lorsque l’employeur a concédé, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, que la description de travail de 2016 était désormais complète et à jour.

[195] La seule conclusion que je puisse tirer est que la direction s’est contentée de laisser la division de la classification prolonger indûment le processus et justifier la réécriture de la description de travail de 2016, qui est devenue celle de 2019. Selon la preuve, les examens sur place n’ont joué qu’un rôle négligeable dans la réécriture. L’auteure de la description de travail de 2019, la Dre McLearon, n’a pas tenu compte des questionnaires. Elle a affirmé que la description de travail de 2016 était [traduction] « trop longue », et elle a accepté les modifications suggérées par les autres directeurs principaux, même si les titulaires avaient confirmé la coïncidence des fonctions, et surtout, malgré le fait que le libellé découlait de la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[196] Un autre point n’a pas été élucidé, et en l’absence d’explication de la part de l’employeur, je conclus que cela démontre qu’un changement d’orientation aux échelons supérieurs a entraîné un changement d’avis au sujet de la décision rendue en septembre 2016 au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, à l’égard du grief déposé en 2011.

[197] Dans le courriel que Mme Lim a adressé aux directeurs principaux en février 2018, afin d’expliquer la nécessité des examens sur place, ainsi que dans le deuxième rapport sur la classification, il est fait mention de la découverte soudaine d’un chevauchement entre la description de travail du poste de vétérinaire gestionnaire (VM-03) et la description de travail de 2016. Pourtant, lorsque M. Étienne avait écrit aux fonctionnaires en septembre 2016, afin de leur présenter la description de travail de 2016, il était parfaitement au courant de ce chevauchement. En fait, M. Étienne avait expressément chargé M. Mathuik de se pencher sur précisément ce chevauchement et de recommander quels éléments du poste de vétérinaire gestionnaire devaient être ajoutés dans la description de travail de 2016. Autrement dit, le chevauchement faisait partie de la décision rendue par l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs en 2016.

[198] Au moment où la deuxième classification a été entamée, un an plus tard, le chevauchement était devenu un problème qu’il fallait résoudre. Le premier exercice de classification n’avait pas indiqué de chevauchement, puisque dans son rapport présenté en 2017, le comité de classification n’aborde pas cette question. Ni Mme Verchere ni Mme Lim n’ont pu expliquer d’où venait le problème du chevauchement, ni comment il était apparu. Autrement dit, il semble que la direction ait décidé que le chevauchement était devenu un problème, contrairement à la décision rendue par l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs en 2016, qui avait accueilli le grief. Voilà la principale conclusion défavorable que je tire du silence de l’employeur.

A. Objections préliminaires

[199] L’employeur a soulevé l’objection selon laquelle le grief déposé en 2011 ne m’avait pas été dûment présenté, puisqu’il l’estimait théorique. La description de travail de 2011 qui a fait l’objet d’un grief n’existe plus; l’employeur estime qu’elle a été remplacée par celle de 2019, dont l’application est rétroactive au 1er mai 2001. L’employeur prétend que, si les fonctionnaires étaient insatisfaits de leur description de travail, ils auraient dû présenter un grief sur leur description de travail actuelle, celle de 2019.

[200] Dans d’autres circonstances, cet argument aurait pu être fondé. Cependant, dans le présent cas il ne l’est pas. Les fonctionnaires sont en droit de renvoyer un grief à l’arbitrage « [a]près l’avoir porté […] sans avoir obtenu satisfaction […] » (voir le paragraphe 209(1) de la Loi). Selon la fonctionnaire, on ne lui a pas accordé le recours complet auquel elle affirme avoir droit, à savoir la description de travail et sa classification. Il me reste à décider du bien‑fondé du grief, mais le fait qu’il peut être rejeté ne me prive pas de toute compétence, ni n’a pour effet de rendre le grief théorique.

[201] En ce qui concerne le grief, l’employeur a aussi soulevé l’objection selon laquelle la Commission n’a pas compétence sur la classification et, par conséquent, ne peut pas se prononcer sur la classification de la description de travail de 2016.

[202] Il est bien établi que la Commission n’a pas compétence sur la classification. La fonctionnaire ne conteste pas ce point. Le droit de la direction à classifier les postes est entièrement protégé à l’article 7 de la Loi.

[203] Cela dit, je ne tiens pas le présent grief pour un grief de classification; il ne m’a pas non plus été présenté à ce titre. Il s’agit d’un cas portant sur l’interprétation d’une convention collective, et il ne fait aucun doute que la Commission est parfaitement en droit d’interpréter les conditions d’une convention collective. La fonctionnaire a soutenu que la clause E1.01 de sa convention collective lui donne droit non seulement à une description de travail complète et à jour, mais aussi à sa classification. L’employeur a soutenu que les deux questions sont distinctes. Je devrai répondre à cette question. Je ne me prononce pas sur le niveau de classification qui devrait être attribué au poste de la fonctionnaire, mais plutôt sur la question de savoir si cette dernière avait droit à la classification de sa description de travail. À mon avis, le passage de Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145, ci‑dessous, est particulièrement approprié :

[…]

124. Je conviens que le droit d’un fonctionnaire de renvoyer un grief à l’arbitrage prend sa source dans la Loi et non dans la convention collective. Le législateur a prévu à l’article 209 de la Loi, de façon expresse et limitative, les matières qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage et, en principe, un licenciement à l’encontre d’un renvoi en cours de stage n’est pas arbitrable. Cette conclusion ne suffit toutefois pas, à mon avis, à régler la question de ma compétence. Outre les griefs à l’encontre des mesures qui sont expressément mentionnées aux alinéas 209(1)b), c) et d) de la Loi, le législateur a aussi prévu, à l’alinéa 209(1)a) de la Loi, que les griefs mettant en cause l’application ou l’interprétation de la convention collective sont arbitrables […]

[…]

 

[204] Dans la même décision, l’arbitre de grief ajoute ce qui suit au paragraphe 126 : « le législateur n’a certainement pas souhaité qu’une violation de la convention collective échappe à l’examen d’un arbitre de grief ». Par conséquent, je conclus qu’à titre de question d’interprétation de la convention collective, le grief est arbitrable.

[205] L’employeur a soulevé une objection à propos du respect du délai de la plainte. Le délai de 90 jours qui s’applique au dépôt d’une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi est obligatoire et ne peut pas être prorogé. Cet argument est juste, mais, bien entendu, tout cela dépend du fait qui est à l’origine des circonstances entourant la plainte. La plaignante a soutenu que le fait a été la décision relative à la classification, et je suis d’accord. Il convenait que la plaignante attende l’achèvement du processus avant de déposer une plainte de pratique déloyale de travail.

[206] Quant à l’argument de l’employeur selon lequel la plainte ne constitue pas une cause défendable, cela touche à la question de savoir s’il existe un motif qui fait retomber la charge de la preuve sur l’employeur, selon le paragraphe 190(3) de la Loi. Je reviendrai à cette question lorsque j’aborderai le bien‑fondé de la plainte.

B. Le grief

[207] La fonctionnaire a invoqué la clause E1.01 de la convention collective pour affirmer qu’elle a droit à la classification de la description de travail de 2016 par l’employeur, sans modifications. Pour faciliter la lecture, je citerai de nouveau le texte de la clause E1.01 :

Sur demande écrite, tout employé a droit à un exposé officiel complet et à jour des fonctions et des responsabilités de son poste y compris le niveau de classification du poste et la formule de cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu’un organigramme décrivant le classement de son poste dans l’organisation.

 

[208] La fonctionnaire a soutenu que la classification doit être liée à « […] un exposé officiel complet et à jour des fonctions et des responsabilités […] », tandis que l’employeur a soutenu qu’il n’est pas nécessaire que la classification soit liée à l’exposé des fonctions et des responsabilités. Au contraire, selon l’employeur, le titulaire d’un poste a droit à la classification de son poste.

[209] Toutefois, le libellé de la clause donne à penser que la classification doit être liée à l’exposé lui‑même. Tout employé a droit à un exposé des fonctions et des responsabilités, y compris la classification du poste. Par conséquent, la classification du poste est liée à l’exposé précis (« officiel complet et à jour ») des fonctions.

[210] L’autre argument qu’a soulevé l’employeur pour s’opposer à cette position porte sur l’exercice de classification lui‑même. Selon l’employeur, la division de la classification avait raison d’examiner la description de travail de 2016, et la direction était parfaitement en droit de la réécrire. L’employeur appuie sa position sur Brochu, un arrêt de la Cour d’appel fédérale.

[211] Les faits mentionnés dans Brochu diffèrent de la situation évoquée dans le présent grief. M. Brochu demandait que son employeur attribue une classification et une formule de cote numérique à sa description de travail, sur le fondement d’une disposition de sa convention collective qui était identique à celle en litige dans le présent cas.

[212] M. Brochu avait reçu une description de travail, y compris sa classification, en réponse à la demande qu’il avait présentée pour obtenir une description de travail complète et à jour. Il a été insatisfait du résultat, et il a déposé un grief de classification. Avant que le grief ne soit tranché, M. Brochu et son superviseur immédiat, ainsi qu’un troisième gestionnaire non identifié, ont convenu d’une nouvelle description de travail, qui a été transmise à la section de la classification du ministère de M. Brochu. La section de la classification a refusé de classifier la description de travail parce qu’elle était inexacte, qu’elle ne respectait pas les normes (trop longue et répétitive), et qu’elle ne correspondait pas à la structure organisationnelle.

[213] M. Brochu a reçu une troisième description de travail, qui est demeurée classifiée au niveau initial. M. Brochu a contesté le refus de classifier la deuxième description de travail. La prédécesseure de la Commission a convenu avec l’employeur que la deuxième description de travail ne pouvait pas être classifiée, et la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision.

[214] La Cour a déclaré qu’à toutes fins pratiques, la deuxième description de travail n’existait pas réellement, puisque la section de la classification ne l’avait jamais approuvée. Par conséquent, la Commission a eu raison de refuser d’ordonner à l’employeur de la classifier. La décision de la Cour se termine par le paragraphe suivant :

[…]

La responsabilité en matière de classification des postes appartient au Conseil du Trésor et aux ministères à qui il la délègue. Cette responsabilité n’est pas affectée par les dispositions régissant les relations de travail dans la Fonction publique […] Au sein des Services correctionnels du Canada, elle est exercée par des spécialistes de la classification dûment accrédités par le Commissaire […] Le pouvoir de ces derniers de classifier des fonctions emporte celui de refuser une classification lorsque la description qui est faite de la fonction ne rencontre pas les normes ou ne cadre pas avec la structure organisationnelle de l’institution.

[…]

 

[215] Je conviens que le pouvoir décisionnel ultime en matière de classification est confié à l’employeur. Cependant, selon la preuve entendue à l’audience, ce pouvoir n’est pas délégué à la division de la classification de l’ACIA. Mmes Verchere et Lim ont toutes deux insisté pour dire que la direction est l’ultime décideur du contenu de la description de travail, sur les conseils de la division de la classification.

[216] Mme Verchere a déclaré qu’une description de travail qui résulterait d’une décision de la Commission ou d’un tribunal ne serait pas modifiée, mais qu’elle serait classifiée telle quelle. À son avis, il n’en irait pas de même d’une décision relative à un grief rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

[217] Voilà le nœud de l’affaire en l’espèce, ce qui n’était pas le cas dans Brochu. Dans ce cas, la haute direction n’était pas intervenue. La description de travail de M. Brochu n’était pas une description générique applicable à des centaines de fonctionnaires. Elle ne résultait pas d’une longue série d’échanges, d’ententes et de discussions entre l’employeur, l’agent négociateur et des fonctionnaires s’estimant lésés. Surtout, la description de travail en cause dans Brochu ne constituait pas la décision rendue au dernier palier d’une procédure de règlement des griefs.

[218] Les différences factuelles ont une incidence. La description de travail de 2016 était le point culminant d’une procédure de règlement des griefs étalée sur 15 ans. Elle a été présentée par le délégataire du pouvoir à titre de décision exécutoire découlant de la procédure de règlement des griefs. Il s’agissait du règlement final d’un grief et, encore une fois, dans le cadre officiel du pouvoir délégué le plus élevé à l’ACIA. À ce moment-là, le rôle de la division de la classification était de classifier; l’employeur était lié par sa décision.

[219] La description de travail de 2016 a été accordée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, rétroactivement au 1er mai 2001. Un changement au niveau de la vice‑présidence a entraîné un changement d’orientation. Encore là, je n’ai été saisie d’aucune preuve sur ce point, mais j’ai tiré une conclusion défavorable du fait que l’employeur avait décidé de ne produire aucune preuve afin d’expliquer pourquoi il n’avait pas ordonné à la division de la classification de classifier la description de travail de 2016 telle quelle, après que la haute direction de l’ACIA, la fonctionnaire et l’Institut l’avaient approuvée.

[220] Une décision rendue au dernier palier doit avoir un sens pour que la procédure de règlement des griefs fonctionne et afin de promouvoir des relations de travail harmonieuses. Dans sa décision rendue au dernier palier d’une procédure de règlement des griefs, l’employeur a accordé une description de travail qui devait être classifiée. Elle ne l’a jamais été. Je conviens avec la fonctionnaire qu’en vertu de la clause E1.01 de la convention collective, elle avait droit à la classification de la description de travail de 2016, et que le défaut de l’employeur d’y procéder a enfreint la convention collective.

[221] La Commission n’a pas compétence sur la classification. Je n’ai pas mon mot à dire au sujet du résultat de la classification. Cependant, la Commission peut ordonner le respect des conditions de la convention collective.

[222] Pour ce motif, j’ordonnerai que la description de travail de 2016 soit classifiée, et que la formule de cote numérique attribuée par facteur soit fournie à la fonctionnaire.

C. La plainte

[223] Au nom des fonctionnaires, l’Institut a déposé la plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, en alléguant que l’employeur s’était livré à une pratique déloyale de travail au sens des sous‑alinéas 186(2)a)(iii) et (iv). Ces dispositions se lisent comme suit :

186 (2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci ainsi qu’au titulaire d’un poste de direction ou de confiance […]

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, de la licencier par mesure d’économie ou d’efficacité à la Gendarmerie royale du Canada ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

[…]

(iii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie ou de la section 1 de la partie 2.1, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1,

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1; […]

 

[224] Le paragraphe 191(3) de la Loi fait retomber la charge de la preuve sur l’employeur comme suit :

(3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

 

[225] L’employeur a soutenu que l’inversion de la charge de la preuve ne s’appliquait pas, la plaignante n’ayant pas même établi une cause défendable qui ferait retomber la charge de la preuve sur la partie adverse, puisqu’il n’y a eu ni intimidation ni sanction pour avoir déposé le grief en 2011.

[226] La Commission a traité la question de la cause défendable comme une condition de l’application de l’inversion de la charge de la preuve dans Joe. Dans ce cas, l’employeur avait substitué une réprimande écrite à une suspension d’un jour avant la date fixée pour l’audience devant la Commission du grief contestant la suspension. L’employeur a alors soutenu que le grief ne pouvait pas être entendu devant la Commission, puisqu’une réprimande écrite ne peut pas être renvoyée à l’arbitrage.

[227] M. Joe, le fonctionnaire s’estimant lésé dans ce cas, avait déposé une plainte de pratique déloyale de travail auprès de la Commission, en soutenant que la substitution visait à le priver de son droit de faire instruire le grief par la Commission, en contravention du sous‑alinéa 186(2)c)(i) de la Loi, qui se lit comme suit :

186 (2) Il est interdit à l’employeur […]

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de congédiement ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger une personne soit à s’abstenir […]

(i) de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 […]

 

[228] La partie 2 de la Loi traite de l’arbitrage de griefs.

[229] Dans Joe, la Commission a énoncé comme suit le critère applicable à l’instruction d’une telle plainte :

[…]

[40] Habituellement, l’évaluation d’une cause défendable est effectuée en fonction des allégations contenues dans la plainte et dans les arguments écrits sur cette question. Dans Laplante, la CRTFP a déterminé qu’une plainte doit satisfaire à cette condition préalable pour l’application de la disposition portant sur le renversement du fardeau de la preuve; c’est-à-dire avant que l’employeur puisse être tenu d’établir qu’il n’a pas contrevenu aux interdictions. Le plaignant doit établir que l’une des circonstances décrites au par. 186(2) de la Loi a été satisfaite. Le plaignant doit également décrire la façon dont il a été soit intimidé, soit menacé, soit pénalisé, soit discipliné. Sans cela, la plainte est irrecevable et le renversement du fardeau de la preuve prévu au par. 191(3) de la Loi ne peut être appliqué.

[41] Je souscris au raisonnement suivi dans Quadrini et Laplante. Une allégation de violation du par. 186(2) doit être raisonnablement défendable à première vue afin que la Commission ait compétence et que le par. 191(3) s’applique. Dans Quadrini, au par. 32, la CRTFP a décrit le seuil comme suit :

« […] si l’on tient pour acquis que tous les faits allégués dans la plainte sont vrais, y a-t-il une preuve soutenable que les défendeurs ont violé les sous-alinéas 186(2)a)(iii) ou (iv) de la nouvelle Loi? »

[…]

 

[230] Je souscris au critère énoncé dans Joe concernant la cause défendable. En fonction de ce critère, il m’est impossible de conclure que l’allégation de contravention est raisonnablement défendable.

[231] Dans ce cas, les mots clés sont les suivants : « […] soit intimidé, soit menacé, soit discipliné […] ». Être dissuadé par le processus n’équivaut pas à être intimidé, menacé ou discipliné.

[232] Comme je l’ai déjà mentionné, je conviens que l’employeur a enfreint la convention collective. Il n’a pas honoré les obligations qui découlaient de la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, que les fonctionnaires avaient reçue en septembre 2016. Cependant, cela ne constitue pas une pratique déloyale de travail.

[233] En vertu de l’alinéa 186(2)a), que la plaignante a invoqué, il est interdit à l’employeur de prendre des mesures punitives contre des employés qui cherchent à exercer leurs droits. L’alinéa 186(2)c), qui s’appliquait dans Joe, interdit toute mesure pouvant empêcher l’accès aux recours en vertu de la Loi. Il n’est pas nécessaire que la mesure soit punitive; l’empêchement lui‑même est interdit. Il n’en va pas ainsi à l’alinéa 186(2)a), qui indique que les actes de représailles pour avoir exercé des droits sont interdits. Je ne vois pas de représailles dans les mesures prises par l’employeur.

[234] Cela dit, dans les actes de l’employeur il y a un élément déconcertant qui démontre le mépris des relations de travail appropriées et harmonieuses, à savoir : le temps qu’a duré le processus de classification, en l’absence d’explication pertinente; le caractère prétextuel de l’examen sur place, qui n’était pas le principal facteur justifiant la modification de la description de travail; la mise de côté délibérée de la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs à l’égard d’un grief qui avait duré 15 ans sous une appellation ou une autre.

[235] Cependant, considérés dans leur ensemble ces actes ne constituent pas une pratique déloyale de travail au sens de la Loi. L’article 186 ne vise pas à protéger les droits des agents négociateurs, mais ceux des employés. De plus, les mesures prises par l’employeur doivent avoir un effet punitif. Les actes de l’employeur ne visaient pas à sanctionner ou à intimider les fonctionnaires. Ils démontraient un déplorable mépris pour les conditions de la convention collective, non seulement à l’égard de la clause E1.01, mais aussi à l’égard de la procédure de règlement des griefs elle‑même et de l’importance de la décision rendue au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

D. Conclusion

[236] Je conclus que l’employeur a enfreint la convention collective en omettant de classifier la description de travail de 2016.

[237] Pour que la procédure de règlement des griefs ait un sens, les décisions rendues dans le cadre de ce processus doivent être mises en œuvre. Le 15 septembre 2016, l’employeur a rendu une décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, et il a présenté une nouvelle description de travail, qui était complète et à jour selon sa déclaration. Le contenu de la description de travail, qui avait fait l’objet d’un grief depuis 2001, a enfin été résolu à la satisfaction des fonctionnaires.

[238] L’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation de classifier la description de travail qu’il avait estimée complète et à jour. Les modifications apportées à la description de travail de 2016 ont donné lieu à une description de travail différente, réduite, qui était plus susceptible d’être classifiée au niveau VM-02. Ces modifications ont été apportées au mépris total de la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, qui avait accordé la description de travail de 2016.

[239] Par conséquent, j’ordonne à l’employeur de classifier la description de travail de 2016 qui a été accordée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et communiquée aux fonctionnaires en septembre 2016.

[240] Bien entendu, l’employeur peut revoir la description de travail à l’avenir. Cependant, la date rétroactive d’une nouvelle description de travail applicable au poste de vétérinaire superviseur no 59668 ne peut pas être antérieure à celle de la présentation de la description de travail de 2016, soit le 9 septembre 2016.

[241] Je conclus que la plaignante n’a pas démontré une cause défendable de pratique déloyale de travail. Par conséquent, la plainte est rejetée.

[242] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


V. Ordonnance

[243] Le grief présenté dans le dossier 566-32-39579 est accueilli. L’employeur doit classifier la description de travail produite le 9 septembre 2016 pour le poste de vétérinaire superviseur no 59668, telle qu’elle a été rédigée, et accorder la formule de cote numérique attribuée par facteur au poste de la fonctionnaire, dans les six mois suivant la présente décision.

[244] La plainte présentée dans le dossier 561-32-40739 est rejetée.

Le 12 novembre 2021.

 

Traduction de la CRTESPF

 

Marie-Claire Perrault,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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