Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief selon lequel la décision de l’employeur de mettre fin à ses ententes de télétravail, d’horaire de travail flexible et de semaine comprimée constituait de la discrimination à son égard fondée sur la situation de famille, la religion et l’incapacité – la Commission a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la situation de famille – la Commission a conclu que la preuve présentée ne permettait pas de conclure à l’existence d’une discrimination fondée sur la religion – la Commission a conclu que rien ne permettait de conclure que la fonctionnaire s’estimant lésée avait une incapacité – la Commission a ordonné la mise sous scellés de certaines pièces et le caviardage de certains documents – la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas démontré que la Commission devait anonymiser la décision.

Grief rejeté.
Mise sous scellés de documents ordonnée.
Caviardage de documents ordonné.
Demande d’anonymisation de la décision rejetée.

Contenu de la décision

Date : 20211028

Dossier : 566‑02‑13027

 

Référence : 2021 CRTESPF 120

Loi sur la Commission des

relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail dans

le secteur public fédéral

Coat of Arms

Devant une formation de la

Commission des relations de

travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

ENTRE

 

ANJIE TAREK‑KAMINKER

Fonctionnaire s’estimant lésée

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(ministère de la Justice)

 

employeur

Répertorié

Tarek‑Kaminker c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

Devant : John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée : Sean McGee et Alison McEwan, avocats

Pour l’employeur : Joel Stelpstra, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario),

du 2 au 4 avril et du 10 au 12 décembre 2019,

et par vidéoconférence les 17 et 18 novembre 2020.


MOTIFS DE DÉCISION

(Traduction de la CRTESPF)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

[1] La fonctionnaire s’estimant lésée, Anjie Tarek‑Kaminker (la « fonctionnaire »), est employée par le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC). Son poste est classifié au groupe et au niveau Praticien du droit (LP)‑02. Aux moments des faits visés par la décision, son poste était aussi classifié au groupe et niveau Droit (LA)‑02A, avant la conversion de la classification en 2014.

[2] Le 6 avril 2016, la fonctionnaire a déposé un grief, qui était rédigé ainsi :

[Traduction]

[…]

Nature du grief

Par la présente, je dépose un grief concernant :

1. la décision de la direction d’annuler les mesures d’adaptation en place à l’Ancien hôtel de ville depuis 2012 et depuis de nombreuses années avant;

2. le fait que la direction n’a pas pris de mesure d’adaptation à mon endroit et sa conduite de harcèlement;

3. la prétention de la direction selon laquelle je dois des crédits de congé (déjà approuvés) en raison de mon horaire comprimé, comme Mme Chris Gruppuso m’en a informé lors de notre réunion du 3 mars 2016.

Réparation demandée

Par la présente, je demande :

1. que la direction sursoit à la révocation des mesures d’adaptation en attendant qu’une décision finale soit rendue au sujet du présent grief;

2. que la direction prenne des mesures d’adaptation pour répondre à mes besoins, comme il en est fait part dans plusieurs demandes que j’ai présentées;

3. que les mesures d’adaptation (sous forme de télétravail et de travail flexible) établies bien avant 2012 demeurent en place et soient clarifiées et que l’employeur respecte ses obligations;

4. que la direction s’abstienne d’exiger ou de récupérer des crédits de congé en ce qui concerne le congé que Mme Gruppuso a remis en question le 3 mars 2016;

5. que la direction respecte sa propre politique de comptabilisation du temps;

6. que je sois indemnisée intégralement;

7. toute autre réparation qu’un arbitre peut juger appropriée dans les circonstances.

[Souligné dans l’original.]

 

[3] Le 13 octobre 2016, la fonctionnaire a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique (CRTESPF) pour arbitrage. À la même date, elle a donné avis à la Commission canadienne des droits de la personne, conformément au par. 92(1) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005‑79), qui portait alors ce nom.

[4] Au moment du dépôt du grief, les conditions d’emploi de la fonctionnaire étaient régies en partie par une convention collective pour le groupe LA conclue entre le CT et l’Association des juristes de Justice (AJJ), qui a été signée le 15 octobre 2012 et qui a expiré le 9 mai 2014 (la « convention collective de 2012 »). Avant cette convention collective, ses conditions d’emploi étaient régies en partie par une convention collective pour le groupe LA conclue entre le CT et l’AJJ, qui a été signée le 23 juillet 2010 et qui a expiré le 9 mai 2011 (la « convention collective de 2010 »). À la date d’audience, la convention collective pour le groupe LP en vigueur entre le CT et l’AJJ avait été signée le 7 novembre 2018.

[5] Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

[6] L’audience s’est tenue en personne en avril 2019 à Toronto (Ontario) et s’y est poursuivie en décembre de la même année. Elle s’est achevée en novembre 2020 par vidéoconférence en raison de la pandémie de COVID‑19. Les parties ont soumis un recueil conjoint de documents (RCD).

[7] Une fois l’audience terminée, les deux parties ont remis à la Commission un résumé écrit des arguments présentés de vive voix. Dans sa réfutation écrite, la fonctionnaire a demandé une ordonnance pour la rendre anonyme, ce qui n’avait pas été fait auparavant. L’employeur s’est opposé à la demande.

II. Résumé de la preuve

A. Dispositions des conventions collectives, décision arbitrale, processus de conversion ainsi que directives et politiques pertinentes

[8] L’article 5 de toutes les conventions collectives porte sur les droits de la direction et est rédigé ainsi :

5.01 L’Association [AJJ] reconnaît que l’Employeur retient toutes les fonctions, les droits, les pouvoirs et l’autorité que ce dernier n’a pas, d’une façon précise, fait diminuer, déléguer ou modifier par la présente convention.

5.02 L’Employeur agit raisonnablement, équitablement et de bonne foi dans l’administration de la présente convention collective.

(Décision arbitrale datée du 23 octobre 2009, disposition des paragraphes 5.01 et 5.02 en vigueur le 1er novembre 2009)

 

[9] L’article 36 de toutes les conventions collectives porte sur l’élimination de la discrimination. Les conventions collectives de 2010 et de 2012 prévoient ce qui suit :

**Article 36 : Élimination de la discrimination

**

36.01 Il n’y a aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un juriste du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique ou nationale, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation de famille, son état matrimonial, son incapacité mentale ou physique, une condamnation pour laquelle le juriste a été gracié ou son adhésion au syndicat, ou son activité dans l’Association.

[…]

[En caractères gras dans l’original.]

 

[10] L’article 13 des conventions collectives de 2010 et de 2012 est intitulé « Durée du travail ». Ses passages pertinents sont énoncés de la manière suivante :

[Convention collective de 2010 :]

DURÉE DU TRAVAIL

13.01 Ce qui suit s’applique aux juristes des niveaux LA-1 et LA‑2A :

a) Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’Employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

b) En prenant les dispositions relatives aux heures de travail normales, le juriste se verra accorder dans la mesure du possible une certaine flexibilité, qui peut s’étendre aux heures d’arrivée et de départ, afin de lui permettre de concilier ses obligations familiales et professionnelles.

c) La semaine de travail normale est du lundi au vendredi, sauf dans le cas où le juriste est appelé à travailler un jour de repos ou un jour férié afin de pouvoir remplir ses fonctions et obligations professionnelles.

d) Le juriste et son surveillant immédiat feront le point sur les heures de travail pour chaque période de quatre (4) semaines. En calculant les heures travaillées pendant cette période, les congés annuels, jours fériés désignés payés et les autres congés autorisés seront calculés à raison de sept virgule cinq (7,5) heures par jour.

e) Lorsqu’un juriste est tenu de travailler plus de trente-sept virgule cinq (37,5) heures la durée moyenne de travail par semaine sur une période de quatre (4) semaines, il touche une fois et demie (1,5) son taux horaire de rémunération pour chaque heure de travail au-delà des heures de travail normales pendant chaque période de quatre (4) semaines.

f) Dans le calcul des heures travaillées pour les fins de l’alinéa e) ci-dessus, le juriste est réputé avoir travaillé sept virgule cinq (7,5) heures par jour quand il a effectivement travaillé plus de sept virgule cinq (7,5), mais moins de huit virgule cinq (8,5) heures. Tous les autres calculs des heures supplémentaires sont basés sur chaque période travaillée de trente (30) minutes.

g) Sur demande du juriste et à la discrétion de l’Employeur, l’indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire au taux majoré prévu au présent article, à condition que les congés compensatoires acquis au cours d’un exercice financier et qui n’ont pas été pris au 30 septembre de l’exercice financier suivant soient rémunérés au 30 septembre au taux de rémunération journalier du juriste.

[…]

i) Rien dans le présent article ne vise à empêcher aux juristes l’accès aux politiques que l’employeur a mises en place relativement au réaménagement des horaires de travail, notamment la semaine de travail comprimée, le partage de l’emploi, le télétravail, le congé autofinancé et le congé de transition à la retraite.

j) Les juristes doivent produire des rapports de présence et d’emploi du temps tel que pourrait le demander l’employeur aux fins du présent article. (Décision arbitrale datée du 23 octobre 2009, disposition en vigueur le 20 février 2010)

 

13.02 Pour les juristes des niveaux LA-2B et LA-3, le conseil décide ce qui suit, basé sur les propositions des parties :

a) Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’Employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

b) En prenant les dispositions relatives aux heures de travail normales, le juriste se verra accorder dans la mesure du possible une certaine flexibilité, qui peut s’étendre aux heures d’arrivée et de départ, afin de lui permettre de concilier ses obligations familiales et professionnelles.

c) La semaine de travail normale est du lundi au vendredi, sauf dans le cas où le juriste est appelé à travailler un jour de repos ou un jour férié afin de pouvoir remplir ses fonctions et obligations professionnelles.

d) Le juriste et son surveillant immédiat feront le point sur les heures de travail pour chaque période de quatre (4) semaines. Dans le calcul des heures travaillées pendant cette période, les congés annuels, les jours fériés désignés payés et les autres congés autorisés seront calculés à raison de sept virgule cinq (7,5) heures par jour.

e) Le juriste est admissible à un congé exceptionnel payé que le gestionnaire délégué considère comme approprié pour une période d’au plus cinq (5) jours par exercice financier. Les exemples où ces congés sont accordés sont des situations dans lesquelles le juriste doit travailler un nombre d’heures excessif.

f) Dans des circonstances exceptionnelles, l’administrateur général peut accorder un congé exceptionnel payé pour une période excédant les cinq (5) jours susmentionnés.

g) Le congé accordé à titre de congé exceptionnel payé peut être reporté à l’exercice financier suivant et doit être utilisé dans les six (6) mois de la date où il est autorisé.

h) Les juristes doivent produire des rapports de présence et d’emploi du temps tel que pourrait le demander l’employeur aux fins du présent article.

(Décision arbitrale datée du 23 octobre 2009, dispositions des paragraphes 13.01 et 13.02 en vigueur le 20 février 2010)

[En caractères gras et en italiques dans l’original.]

 

[Convention collective de 2012 :]

DURÉE DU TRAVAIL

**

Les alinéas 13.01d), e), f), g) et h) continueront de s’appliquer au travail des juristes ont niveau LA-1 et LA-2A jusque et y compris au 31 mars 2013. Par la suite, les alinéas 13.01d), e), f), g) et h) seront inopérants sauf pour ce qui a trait à la rémunération du travail effectué jusque et y compris au 31 mars 2013.

13.02d) sera inopérant après le 31 mars 2013.

À compter du 1er avril 2013, les alinéas 13.02e), f) et g) s’appliqueront à tous les juristes (Congé de Direction).

13.01 Ce qui suit s’applique aux juristes des niveaux LA-1 et LA-2A :

a) Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’Employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles.

b) En prenant les dispositions relatives aux heures de travail normales, le juriste se verra accorder dans la mesure du possible une certaine flexibilité, qui peut s’étendre aux heures d’arrivée et de départ, afin de lui permettre de concilier ses obligations familiales et professionnelles.

c) La semaine de travail normale est du lundi au vendredi, sauf dans le cas où le juriste est appelé à travailler un jour de repos ou un jour férié afin de pouvoir remplir ses fonctions et obligations professionnelles.

d) Le juriste et son surveillant immédiat feront le point sur les heures de travail pour chaque période de quatre (4) semaines. En calculant les heures travaillées pendant cette période, les congés annuels, jours fériés désignés payés et les autres congés autorisés seront calculés à raison de sept virgule cinq (7,5) heures par jour.

e) Lorsqu’un juriste est tenu de travailler plus de trente-sept virgule cinq (37,5) heures la durée moyenne de travail par semaine sur une période de quatre (4) semaines, il touche une fois et demie (1,5) son taux horaire de rémunération pour chaque heure de travail au-delà des heures de travail normales pendant chaque période de quatre (4) semaines.

f) Dans le calcul des heures travaillées pour les fins de l’alinéa e) ci-dessus, le juriste est réputé avoir travaillé sept virgule cinq (7,5) heures par jour quand il a effectivement travaillé plus de sept virgule cinq (7,5), mais moins de huit virgule cinq (8,5) heures. Tous les autres calculs des heures supplémentaires sont basés sur chaque période travaillée de trente (30) minutes.

g) Sur demande du juriste et à la discrétion de l’Employeur, l’indemnité acquise en vertu du présent article peut être transformée en congé compensatoire au taux majoré prévu au présent article, à condition que les congés compensatoires acquis au cours d’un exercice financier et qui n’ont pas été pris au 30 septembre de l’exercice financier suivant soient rémunérés au 30 septembre au taux de rémunération journalier du juriste.

[…]

i) Rien dans le présent article ne vise à empêcher aux juristes l’accès aux politiques que l’employeur a mises en place relativement au réaménagement des horaires de travail, notamment la semaine de travail comprimée, le partage de l’emploi, le télétravail, le congé autofinancé et le congé de transition à la retraite.

j) Les juristes doivent produire des rapports de présence et d’emploi du temps tel que pourrait le demander l’employeur aux fins du présent article. [Décision arbitrale datée du 23 octobre 2009; disposition j) en vigueur le 20 février 2010]

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[11] La décision arbitrale mentionnée dans la convention collective de 2010 est datée du 23 octobre 2009. Son passage pertinent est rédigé ainsi :

[…]

Heures de travail, rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement

16. La rémunération des heures supplémentaires a constitué un problème majeur dans ce différend. L’Association a estimé que les membres de l’unité de négociation auraient dû avoir droit à une rémunération pour leurs heures supplémentaires et leur temps de déplacement au même titre que les membres des autres groupes professionnels de la fonction publique. L’employeur a fait valoir qu’il serait incompatible avec le régime de rémunération au rendement de cette unité (que le conseil est tenu de maintenir en vertu de la LCD) de payer des heures supplémentaires à ces employés. Néanmoins, l’employeur a proposé un congé de gestion du temps payé qui permettrait à la direction, à sa discrétion, d’accorder à l’employé jusqu’à 5 jours de congé payé par année dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’il a travaillé trop d’heures pendant une période prolongée.

17. Le conseil a décidé que ce qui suit s’appliquera aux juristes des niveaux LA-1 et LA-2A :

[Le passage ici est le même que le paragraphe 13.01 de la convention collective de 2010, qui est énoncé plus tôt dans la présente décision.]

18. Pour les juristes aux niveaux LA-2B et LA-3, le conseil décide ce qui suit, basé sur les propositions des parties :

[Le passage ici est le même que le paragraphe 13.02 de la convention collective de 2010, qui est énoncé plus tôt dans la présente décision.]

[…]

21. Toutes les dispositions sur la rémunération des heures supplémentaires et du temps de déplacement entreront en vigueur 120 jours après la date de la présente décision.

[…]

[Souligné dans l’original.]

 

[12] Un processus de conversion, qui est entrée en vigueur le 6 janvier 2014, a eu lieu notamment pour déterminer les groupes et les niveaux des juristes. La norme de classification LA a été éliminée, et le groupe a été renommé « Praticien du droit (LP) ». La définition du groupe des juristes n’a pas changé, et l’affiliation avec l’unité de négociation (AJJ) s’est poursuivie. En bref, la nouvelle classification a divisé les juristes en deux groupes, l’un pour les juristes ayant des responsabilités de gestion et l’autre pour les praticiens du droit (groupe LP). Les membres du groupe LA‑2A sont devenus membres du groupe LP‑02. Les taux de rémunération ont également été convertis et sont entrés en vigueur le 10 mai 2013.

[13] L’article 19 de toutes les conventions collectives est intitulé « Autres congés payés ou non payés ». La clause 19.18 est intitulée « Obligations religieuses ». Il est le même dans toutes les conventions collectives et est ainsi libellé :

19.18 Obligations religieuses

a) L’Employeur fait tout effort raisonnable pour tenir compte des besoins du juriste qui demande un congé pour remplir ses obligations religieuses.

b) Le juriste peut, conformément aux dispositions de la présente convention, demander un congé annuel, un congé compensatoire, un congé non payé pour d’autres motifs pour remplir ses obligations religieuses.

c) Nonobstant l’alinéa 19.18b), à la demande du juriste et à la discrétion de l’Employeur, du temps libre payé peut être accordé au juriste afin de lui permettre de remplir ses obligations religieuses. Pour compenser le nombre d’heures payées ainsi accordé, le juriste devra effectuer un nombre équivalent d’heures de travail dans une période de six (6) mois, au moment convenu par l’Employeur. Les heures effectuées pour compenser le temps libre accordé en vertu du présent paragraphe ne sont pas rémunérées et ne doivent entraîner aucune dépense additionnelle pour l’Employeur.

d) Le juriste qui entend demander un congé ou du temps libre en vertu du présent article doit prévenir l’Employeur aussi longtemps à l’avance que possible et, dans tous les cas, au moins quatre (4) semaines avant le début de la période d’absence demandée.

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[14] Une copie de la Directive concernant le congé de direction pour les avocats représentés ou exclus du SPPC a été déposée en preuve, dont voici les passages pertinents :

DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR

La présente directive entre en vigueur le 1er avril 2013.

CONTEXTE

Le SPPC est résolu à mener ses activités de façon efficace et responsable sur le plan financier. Il reconnaît la contribution de ses avocats et l’importance de les aider à conserver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

En raison des besoins opérationnels, la direction pourrait demander aux avocats présentés ou exclus de travailler, de voyager ou de rester disponibles en dehors des heures de travail normales. En contrepartie, les avocats pourraient se voir accorder un congé de direction payé.

Pour les avocats représentés, les congés de direction sont prévus par la convention collective pour le groupe du droit et, pour les avocats exclus, ces congés sont prévus par les Conditions d’emploi (Politique) du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT).

Cette directive fournit une orientation pour s’assurer que le congé de direction payé est accordé de façon responsable, équitable et cohérente.

ÉNONCÉ DE LA DIRECTIVE

Le gestionnaire peut approuver un total de cinq (5) jours de congé de direction. Lorsqu’il examinera s’il peut octroyer le congé, le gestionnaire devra tenir compte du nombre d’heures pendant lesquelles l’avocat a travaillé, des circonstances dans lesquelles il a travaillé (c.-à-d. si l’avocat a dû travailler ailleurs qu’à son lieu de travail habituel et s’il a dû déployer des efforts soutenus pendant une longue période) et le moment où il a accompli ce travail (c.-à-d. s’il a dû travailler ou voyager pendant un jour de repos ou un jour férié).

Voici des exemples de situations pour lesquelles il peut être approprié d’accorder un congé de direction :

· La personne doit investir un très grand nombre d’heures sur une longue période pour un procès ou un projet.

· Elle doit faire un long voyage en dehors des heures de travail normales.

· Elle est soumise à d’importantes restrictions personnelles parce qu’elle doit rester disponible.

Le nombre de congés de direction payés accordés doit tenir compte du nombre d’heures supplémentaires de travail, de voyage pendant un jour de repos ou un jour férié ou de disponibilité. Ce congé ne sert pas à compenser les heures supplémentaires travaillées et ne doit pas être calculé heure pour heure.

[…]

La demande de congé de direction doit être accompagnée d’un document expliquant les circonstances à l’origine de la demande. Lorsqu’ils le jugent approprié, les gestionnaires peuvent accorder eux-mêmes un congé de direction à un avocat. Dans ce cas, ils doivent fournir par écrit l’explication qui justifie l’octroi du congé.

Seules des circonstances exceptionnelles peuvent motiver l’octroi d’un congé de direction pour une période excédant les cinq (5) jours, et seul le directeur des poursuites pénales a l’autorité de l’accorder.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[15] Une copie de la Politique de télétravail du CT a été déposée en preuve. Voici les passages pertinents pour la présente affaire :

Avant-propos

[…]

Il incombe aux gestionnaires aussi bien qu’aux employés de veiller à ce que les besoins opérationnels de l’organisation soient satisfaits et à ce que l’application de la présente politique n’ait aucun effet néfaste sur la productivité et les coûts.

Objectifs de la politique

Permettre aux employés de travailler à un autre endroit afin de leur permettre de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie privée tout en continuant de contribuer à l’atteinte des objectifs de l’organisation.

[…]

Exigences de la politique

L’approbation des demandes de participation au régime de télétravail est laissée à la discrétion du gestionnaire, et chaque cas doit être traité séparément. Les ministères sont invités à clarifier et à faire connaître leurs critères d’approbation des demandes de télétravail.

La participation au régime est facultative, c’est-à-dire qu’aucun employé ne peut être tenu de télétravailler.

Avant d’autoriser l’employé à télétravailler, pour une partie ou la totalité de la semaine de travail régulière, le gestionnaire doit s’assurer que les conditions suivantes s’appliquent :

· la nature du travail est telle qu’il est possible, d’un point de vue opérationnel, de l’accomplir au lieu de télétravail;

· le télétravailleur accomplit, à son lieu de télétravail, autant de travail et aussi bien qu’à son lieu de travail désigné;

· le régime de télétravail doit être rentable. Certains frais de démarrage légitimes sont autorisés à condition d’être amortis dans un délai raisonnable;

· les conditions d’emploi, les dispositions des conventions collectives pertinentes et les politiques et lois en vigueur continuent de s’appliquer aux télétravailleurs;

[…]

· l’employé participant à un régime de télétravail et son superviseur s’entendent sur les modalités du régime de télétravail et, à la demande de l’une ou l’autre des parties, ces détails seront consignés par écrit. Ces modalités devraient comprendre au moins les éléments suivants : la nature facultative du régime; sa durée; les jours de télétravail; les heures de travail; le lieu de télétravail; les objectifs de travail et les résultats attendus; les responsabilités (matériel et effets personnels); la responsabilité à l’égard des frais liés au télétravail (frais d’électricité et d’assurance); les responsabilités relatives à la sécurité et à la santé; les répercussions sur les collègues; et l’obligation de respecter toutes les dispositions des politiques, des règles et des règlements de l’État;

Chaque partie peut mettre fin au régime de télétravail à n’importe quel moment en donnant un préavis raisonnable.

Une fois la demande approuvée, le gestionnaire doit veiller à ce que le futur télétravailleur et ses collègues comprennent bien les répercussions et les aspects pratiques du télétravail.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

B. Contexte

[16] La fonctionnaire a présenté son grief pour trois motifs de discrimination : l’appartenance religieuse, la situation de famille et l’incapacité mentale ou physique.

[17] Le SPPC est une autorité de poursuite nationale établie et régie par la Loi sur le directeur des poursuites pénales (L.C. 2006, ch. 9, art. 121). Son objectif est de poursuivre les auteurs d’infractions fédérales. Il a des bureaux partout au pays, y compris dans la région du Grand Toronto (RGT). Avant sa création, les poursuites fédérales étaient gérées par une division du ministère de la Justice (MJ), dont les aspects particuliers ne sont pas pertinents pour les questions à trancher dans la présente décision. Dans le cadre de sa structure, le SPPC dispose d’un bureau régional du Sud de l’Ontario, qui couvre Toronto et certaines parties de la RGT.

[18] La fonctionnaire a été admise au Barreau de l’Ontario en 1996. Elle a intégré le MJ en mai 1999. De 2003 à 2012, elle a travaillé à l’équipe de poursuites en matière de revenus (EPR), qui poursuivait les auteurs d’infractions fiscales dans la RGT. À une date incertaine, elle a quitté le MJ et a été mutée au SPPC. En 2012, elle a été mutée à l’équipe fusionnée de Toronto, aussi appelée « équipe de Toronto » ou « équipe de l’Ancien hôtel de ville » (l’« équipe de l’AHV »), qui fait partie du bureau régional du Sud de l’Ontario. L’équipe est chargée des poursuites fédérales, principalement à la suite d’infractions en matière de drogue, à Toronto, à North York, à Scarborough et à Etobicoke. L’« Ancien hôtel de ville » désigne le palais de justice qui est maintenant situé dans l’ancien hôtel de ville de Toronto, du côté nord de la rue Queen Ouest et du côté est de la rue Bay, au centre-ville de Toronto. C’est là que s’est déroulée la majorité des instances judiciaires auxquelles l’équipe de l’AHV a pris part. La fonctionnaire avait deux bureaux : l’un situé dans une tour de bureaux du centre-ville sur la rue King Ouest, à l’angle de la rue York (appelée « Tour de la Bourse »); et l’autre, dans un espace appelé le [traduction] « grenier » de l’AHV, où les juristes n’avaient pas chacun un bureau fermé. Les deux bureaux sont à environ cinq pâtés de maisons l’un de l’autre.

[19] Au moment de l’audience et des faits visés par le grief, Morris Pistyner était procureur fédéral en chef du bureau régional du Sud de l’Ontario (auparavant il portait le titre de directeur du bureau régional de l’Ontario), qui couvrait Toronto et certaines parties de la RGT. En tant que procureur fédéral en chef, il était responsable de toutes les poursuites pénales fédérales dans sa région, et il relevait du sous-ministre. Environ 180 personnes relevaient de lui.

[20] Au moment de l’audience et depuis 2017, Chris Gruppuso était cheffe de l’équipe de la Cour supérieure. Elle s’est jointe au MJ en 2000. Lorsque les faits visés par le grief se sont produits, elle était cheffe de l’équipe de l’AHV, qui comprenait l’équipe de la Cour supérieure, lors de la période en cause. La fonctionnaire relevait de Mme Gruppuso.

[21] Lorsque les faits visés par le grief se sont produits, Tom Andreopoulos était procureur fédéral en chef adjoint pour le bureau de Toronto du SPPC. Mme Gruppuso relevait de lui. M. Andreopoulos relevait de M. Pistyner.

[22] Au moment de l’audience et lorsque les faits visés par le grief se sont produits, Kerrie Benzakein était avocate au bureau régional du Sud de l’Ontario du SPPC. De janvier 2010 à octobre ou novembre 2015, elle était cheffe adjointe de l’équipe de l’AHV. En tant que cheffe d’équipe adjointe, Mme Benzakein relevait de Mme Gruppuso.

[23] L’exercice de l’employeur débute le 1er avril d’une année donnée et se termine le 31 mars de l’année suivante. Tout exercice mentionné couvre la période allant du 1er avril de la première année au 31 mars de la seconde année.

[24] « iCase » est un système informatisé électronique de dossiers ou de comptabilisation du temps que le SPPC et le MJ utilisent afin d’assurer un suivi des heures de travail des juristes. Chaque juriste est tenu de comptabiliser son temps de travail dans le système. Celui‑ci peut générer différents types de rapports. Une heure est comptabilisée en tant que « 1 », et deux heures, en tant que « 2 ». Une demi‑heure serait comptabilisée en tant que « 0,5 », etc.

[25] Des relevés des totaux mensuels du temps comptabilisé dans iCase de la fonctionnaire pour l’exercice 2015-2016 ont été versés en preuve, à l’exception du mois de décembre (les « dossiers iCase »). En particulier, un relevé du temps total ventilé par jour qu’elle a comptabilisé pour chaque mois civil a été déposé en preuve. Par exemple, le temps comptabilisé était de 7,9 heures pour le mardi 14 juillet 2015. Le travail correspondant aux 7,9 heures n’est pas précisé dans les dossiers iCase.

[26] Par ailleurs, les lettres « V », « S », « C » et « JH », ainsi que les mots [traduction] « fêtes juives » [Jewish Holidays] et « STAT » était écrits à la main sur de nombreux jours des dossiers iCase mensuels. L’auteur des inscriptions manuscrites n’a pas été identifié à l’audience. Toutefois, les registres des congés de la fonctionnaire ont montré qu’elle a pris un congé annuel [vacation leave] ou de maladie [sick leave] les jours où les lettres « V » ou « S » ont été écrites à la main dans les dossiers iCase. La mention manuscrite « STAT » correspond à des jours fériés [statutory holidays]. Comme la fonctionnaire travaillait selon un horaire comprimé, qui lui donnait droit à 1 jour de congé par période de 20 jours ouvrables, j’ai présumé que « C » désigne une journée comprimée [compressed day].

[27] Dans certaines situations, l’employeur permet aux employés de travailler selon ce qu’on appelle communément un horaire comprimé. En termes simples, dans le cadre d’un tel horaire, l’employé est autorisé à travailler pendant un nombre fixe d’heures excédentaires chaque jour, sans que l’employeur soit tenu de payer des heures supplémentaires. De plus, l’employé est autorisé à effectuer le nombre minimal d’heures de travail requis par période de 4 semaines sur 19 jours, plutôt que sur les 20 jours habituels. Dans le cas de la fonctionnaire, sa semaine de travail normale est de 37,5 heures (du lundi au vendredi, à raison de 7,5 heures par jour), conformément aux conventions collectives. Sur une période de 4 semaines (20 jours ouvrables), le nombre total d’heures de travail est de 150 heures. L’horaire comprimé permet à un employé, comme la fonctionnaire, de travailler pendant ces 150 heures sur une période de 19 jours, à condition d’effectuer 7,895 heures de travail par jour. Le jour de congé dans le cadre d’un horaire comprimé est communément appelé « journée comprimée ».

[28] La preuve a révélé que, durant toute la période visée, la fonctionnaire travaillait selon un horaire comprimé et qu’elle était censée effectuer 7,895 heures par jour, ce qui lui donnait 1 journée comprimée toutes les 4 semaines, pour un total de 13 journées comprimées au cours d’une année.

C. Faits relatifs au grief

[29] La fonctionnaire est mariée et a cinq enfants. J’ai été informé que son époux est chirurgien. Au début de l’audience, la fonctionnaire a dit qu’il travaille à Scarborough. L’écart d’âge entre l’aîné et le cadet de leurs enfants est d’environ 14 ans. Durant la période visée par le grief, les 5 enfants avaient tous moins de 18 ans. Au moment du début de l’audience, l’aîné avait atteint l’âge de la majorité. Au moment des derniers jours d’audience, le deuxième enfant avait aussi atteint la majorité.

[30] La fonctionnaire a déclaré que son époux et elle sont juifs, mais qu’ils ne s’entendent pas nécessairement sur tous les aspects de l’adhésion à la religion. Elle a dit être plus pratiquante que lui et qu’ils ne s’entendent pas nécessairement sur la façon exacte de pratiquer la religion. La fonctionnaire a qu’elle aimerait être davantage pratiquante. Questionnée au sujet des obligations religieuses, notamment pour ce qui est de manger de manière cachère, elle a répondu que les juifs ne s’entendaient pas tous sur ce que cela signifie. Elle a donné l’exemple de la vaisselle, des verres et des couverts. La fonctionnaire a précisé avoir des assortiments différents pour la viande et les produits laitiers, un assortiment pour la Pessah, des marmites différentes pour la cuisine et des éviers séparés pour laver différentes assiettes, marmites et casseroles. Elle a ajouté que, bien que les membres de la religion doivent manger de manière cachère, ils interprètent différemment ce que cela signifie : ce n’est pas tout le monde qui fait ce qu’elle fait avec sa vaisselle, ses verres, ses ustensiles, ses marmites et ses casseroles. La fonctionnaire a ajouté que tous ne s’entendent pas nécessairement sur les particularités et les détails de ces obligations et que les membres de la religion ne les respectent pas toutes ou ne les suivent pas de la même façon. Elle a affirmé que son époux et elle pratiquent tous deux la religion juive et qu’ils élèvent leurs enfants selon les préceptes du judaïsme.

[31] La fonctionnaire a déclaré qu’une partie importante de sa pratique de la religion consiste à allumer des bougies tout juste avant le shabbat (vendredi), soit environ une heure avant le coucher du soleil. Elle a dit que, traditionnellement, il revient à une femme du ménage de le faire, qu’elle suit ce précepte, que c’est important pour elle et qu’elle s’efforce de le faire chaque semaine.

[32] Je remarque que l’heure du coucher du soleil varie au Canada en fonction de l’axe nord‑sud et de la période de l’année. À Toronto, au solstice d’été (21 juin) ou vers ce jour, le soleil se couche tard en soirée (après 21 h), alors qu’il se couche en fin d’après-midi (entre 16 h 30 et 17 h) au solstice d’hiver (21 décembre).

[33] La fonctionnaire a dit qu’elle ne perpétuerait pas la religion si elle ne suivait pas les règles. Elle a admis avoir conduit le jour du shabbat, même s’il est aussi obligatoire de s’abstenir de conduire ou de travailler le jour du shabbat (c.‑à‑d. du vendredi au coucher du soleil au samedi au coucher du soleil). La signification du travail le jour du shabbat ne m’a pas été précisée, mais, s’il s’agit de travailler pour gagner sa vie, le temps de travail que la fonctionnaire a comptabilisé pour 2015‑2016 montre quelle a également travaillé le shabbat.

[34] La fonctionnaire a aussi affirmé qu’il était important pour elle que ses enfants fréquentent l’école juive orthodoxe, ce qui, d’après elle, est obligatoire. Elle a ajouté qu’il était impératif que les enfants [traduction] « sachent d’où ils viennent, qu’ils apprennent leur religion, qu’ils apprennent à être juifs ». Malgré cela, elle a confirmé que son deuxième enfant ne fréquentait pas cette école. La fonctionnaire a par ailleurs précisé que les enfants n’ont pas fréquenté d’école secondaire juive ou hébraïque lorsqu’ils avaient l’âge de le faire.

[35] La fonctionnaire a dit qu’il était également important pour ses enfants de vivre dans la région de Toronto, qui, d’après elle, est au centre de la communauté juive et qui est située près de l’école, de la synagogue et des magasins d’alimentation cachère. Je n’ai été aucunement informé de l’emplacement de l’une ou l’autre des écoles des enfants par rapport aux domiciles de la fonctionnaire. Aux fins du grief et des présents motifs, au printemps 2009 ou vers cette période, la fonctionnaire et sa famille vivaient à environ 11 ou 12 km au nord du palais de justice (Ancien hôtel de ville de Toronto), juste au nord de l’autoroute 401, à l’ouest du chemin Avenue et à l’est de l’avenue Bathurst. Quelque temps après le printemps 2009 et avant juillet 2015, elle a déménagé de 4 à 5 km vers le nord dans le même secteur relatif, encore une fois au nord de l’autoroute 401 et à l’est de l’avenue Bathurst.

[36] La preuve a révélé que, à un moment donné en 2007 ou vers cette période, la fonctionnaire a conclu une entente de télétravail avec l’employeur alors qu’elle était membre de l’EPR. L’entente n’a pas été produite à l’audience. Une copie de l’entente renouvelée, que M. Pistyner et elle ont signée en avril 2009, a toutefois été déposée en preuve (l’« entente de prolongation du télétravail de 2009 »). Les dispositions pertinentes de l’entente sont les suivantes :

[Traduction]

[…]

Lieu du télétravail : [adresse du domicile de la fonctionnaire]

[…]

Ce qui suit constitue un mémoire d’entente entre Anjie Tarek‑Kaminker, qui a volontairement demandé le renouvellement du télétravail, et Morris Pistyner, procureur fédéral en chef du SPPC.

1. Conformité avec la convention collective ou les conditions d’emploi pertinentes

L’employée se verra transmettre sur demande pour examen une copie de la Politique de télétravail du Conseil du Trésor.

2. Aptitude au télétravail

L’employée a déjà reçu une évaluation de l’état de préparation technologique de la part des TI. L’employée a toujours reçu la cote « Entièrement satisfaisant » lors des examens du rendement et des évaluations de l’employé. Elle est productive lorsqu’elle travaille seule. L’employée requiert peu de supervision. Le télétravail lui permettra d’éliminer un déplacement d’une heure pour aller au travail et d’une autre heure pour en revenir.

3. Durée du travail

L’horaire comprimé de travail régulier de l’employée est de 9 h à 17 h et prévoit une période de repas non rémunéré d’une demi-heure de 12 h à 12 h 30. Le moment précis du travail et des pauses doit varier en fonction des obligations liées au poste et de l’employée (p. ex. le travail de soir pour les consultations urgentes). Il est néanmoins entendu que l’employée doit travailler pendant le nombre minimum d’heures hebdomadaires totales (sous réserve des congés, des jours fériés, etc.). L’employée doit faire du télétravail le jeudi et le vendredi de chaque semaine, à moins que les parties à la présente entente nen conviennent autrement.

4. Productivité

Le télétravail ne devrait entraîner aucune perte de productivité. Le régime de télétravail ne touchera pas la responsabilité de l’employée en ce qui concerne les comparutions devant le tribunal.

[…]

13. Exceptions

L’employée accepte de se présenter au bureau lors de toute journée de télétravail, si la direction le lui demande après un préavis raisonnable.

[…]

15. Durée

La présente entente est en vigueur du 3 novembre 2008 au 3 novembre 2009, date à laquelle la demande peut être revue et évaluée. Les parties à l’entente peuvent retirer à tout moment leur consentement au télétravail, sous réserve d’un préavis raisonnable.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[37] Au moment de l’entente de prolongation du télétravail de 2009, la fonctionnaire avait quatre enfants, dont l’un avait à l’époque plusieurs problèmes de santé et en avait toujours au moment de l’audience. Aux fins de la présente décision, il n’est pas nécessaire de préciser la nature et l’étendue exactes de ces problèmes.

[38] La preuve a révélé que la fonctionnaire a quitté l’EPR pour être mutée à l’équipe de l’AHV à compter du 1er mai 2012. S’il y a des éléments de preuve expliquant pourquoi elle a changé d’équipe, la mutation n’est pas l’objet du grief et n’est pas pertinente aux fins de la décision.

[39] L’équipe de l’AHV était chargée de poursuivre les auteurs d’infractions en matière de drogue à Toronto, à North York, à Scarborough et à Etobicoke. Mme Gruppuso a déclaré que le travail d’un procureur de la Couronne, notamment celui de la fonctionnaire, comprend tous les aspects d’une poursuite au criminel, dont l’évaluation initiale, les premières comparutions, la communication des éléments de preuve, les procédures de libération sous caution, les conférences préparatoires au procès de la Couronne, les questions préalables à l’audience et les procès (y compris les plaidoyers et la détermination de la peine). Elle a ajouté que, selon un certain nombre de facteurs différents, les procureurs de la Couronne de l’équipe de l’AHV pouvaient comparaître devant un tribunal de trois à cinq jours par semaine pour effectuer diverses tâches liées au travail. En résumé, Mme Gruppuso a dit que l’équipe reçoit les dossiers prêts à être traités et que l’équipe les fait avancer du début à la fin. La fonctionnaire a précisé que l’AHV est le tribunal pénal le plus occupé du pays. M. Pistyner a déclaré que les membres de l’équipe de l’AHV passent beaucoup plus de temps au tribunal que ceux de l’EPR, où un juriste peut ne pas comparaître devant un tribunal durant de longues périodes. La fonctionnaire a convenu que les dossiers dont s’occupe l’EPR sont plus lourds, comportent davantage de documents et donnent lieu à beaucoup moins de comparutions devant le tribunal. Elle a convenu que, en tant que membre de l’équipe de l’AHV, elle pouvait être appelée à remplacer devant le tribunal un procureur qui devait s’absenter et qu’elle pouvait devoir le faire sur préavis très court, par exemple quand une personne est absente pour cause de maladie.

[40] Au cours de la présentation de la preuve, on a fait mention de la [traduction] « salle d’audience 114 » et de la [traduction] « salle d’audience 117 ». De nombreux processus ont lieu dans la salle d’audience 114, qui est utilisée pour les premières comparutions et la détention provisoire. De plus, des audiences sur le cautionnement se déroulent dans cette salle et des dates d’audience (y compris des dates de procès) y sont fixées. La salle d’audience 117 est la salle où les plaidoyers sont présentés et où la peine est déterminée. Les deux salles occupent une place importante dans le travail des membres de l’équipe de l’AHV. L’expression « conférence préparatoire au procès de la Couronne » [Crown pre‑trial] est souvent abrégée sous la forme de « CPT » et « CPTs » dans les documents qui ont été déposés en preuve.

[41] Une copie de la description de travail générique d’un conseiller juridique (LA‑2A) pour les postes de procureur de la Couronne faisant partie de l’équipe de l’AHV a été déposée en preuve. Les passages pertinents sont rédigés en ces termes :

[Traduction]

[…]

Résultats axés sur le service à la clientèle

Présentation de conseils et d’avis juridiques, et prestation d’aide aux collègues, aux organismes d’enquête et aux partenaires (y compris les ministères et organismes fédéraux et d’autres ordres de gouvernement) sur des questions de droit pénal, notamment réglementaires.

Conduite de poursuites pénales au nom du directeur des poursuites pénales.

Activités principales

En tant que spécialiste du droit pénal au niveau opérationnel

· Fournir des conseils en matière de poursuites et des services de soutien en matière de litiges concernant les infractions criminelles, en collaboration avec des collègues, des organismes d’enquête et des partenaires.

· Fournir aux collègues, aux organismes d’enquête et aux partenaires des conseils et des avis juridiques sur plusieurs questions propres à certains dossiers ou projets où les précédents sont relativement clairs.

· Collaborer avec les procureurs principaux et les appuyer dans le cadre de dossiers ou de projets complexes et de grande envergure. (Le ou la titulaire du poste acquiert les habiletés nécessaires pour diriger des dossiers ou des projets dans un environnement d’équipe.)

· Attribuer le travail et agir comme formateur, guide et/ou mentor auprès des employés de soutien, des juristes moins expérimentés et d’autres personnes.

· Participer aux travaux de comités ou de groupes de travail nationaux et/ou régionaux.

[…]

Conditions de travail

Environnement psychologique

· Le ou la titulaire du poste est un fonctionnaire qui travaille dans un contexte d’adversité et qui joue un rôle quasi judiciaire lorsque les décisions ont des répercussions sur la vie des gens et la sécurité des collectivités et qu’elles sont soumises à l’examen minutieux du public. Ces conditions causent un stress dont la nature et le degré sont hors du commun.

· Le ou la titulaire du poste doit voyager et faire fréquemment des heures supplémentaires, souvent les fins de semaine, ce qui a des répercussions sur sa vie familiale et professionnelle.

· Le ou la titulaire du poste doit subir l’examen du public et des médias dans les dossiers controversés.

· Les enquêtes criminelles peuvent faire en sorte d’exposer le ou la titulaire du poste à des éléments de preuve explicites (p. ex. des photos d’une scène de crime) et à des personnes en désarroi, en colère ou hostiles qui peuvent proférer des menaces, ouvertes ou camouflées, perpétrer des attaques personnelles ou le ou la prendre comme cible personnelle, ce qui peut ainsi compromettre sa sécurité ou celle des membres de sa famille dans le but de l’intimider, de déstabiliser la poursuite de dossiers ou de projets et de miner le système de justice pénale.

Conditions de travail

Environnement physique

[…]

· Dans le cadre des poursuites, les activités se déroulent dans une salle d’audience. Lorsque les poursuites sont effectuées en région et/ou dans des localités éloignées, les procédures peuvent avoir lieu dans des installations de fortune. Le travail s’effectue également dans un bureau fermé.

· Le travail s’effectue dans un bureau fermé.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[42] La fonctionnaire a déclaré que certaines des tâches liées au travail qu’elle accomplissait à l’équipe de l’AHV ne nécessitaient pas sa présence à l’AHV et pouvaient être effectuées à partir de son bureau de la Tour de la Bourse ou de son domicile. Elle a ajouté que les conférences préparatoires au procès de la Couronne avaient lieu par téléphone et qu’elles pouvaient être tenues depuis chez elle, à l’instar d’autres tâches comme la vérification des documents.

[43] Le 4 mai 2012, la fonctionnaire a envoyé à M. Pistyner et à Mme Gruppuso un courriel dont la ligne objet portait la mention suivante : [traduction] « Demande de mesures d’adaptation (télétravail ou travail flexible) en raison de la situation de famille ». Voici les passages pertinents du courriel :

[Traduction]

J’attends avec impatience les détails des mesures d’adaptation que Chris [Mme Gruppuso] a proposées, qui sont attendus la semaine prochaine. Je pense cependant que le courriel de Morris [M. Pistyner] nécessite une réponse. J’espère que la présente réponse contribuera à accélérer et à orienter la proposition attendue. J’ai demandé des mesures d’adaptation continues sous la forme du régime de télétravail précédent compte tenu de ma situation de familiale et de mes obligations familiales (quatre enfants, de la prématernelle à la 8e année), dont un enfant ayant récemment reçu un diagnostic et ayant des besoins médicaux et éducatifs spéciaux.

J’ai expliqué que je dois continuer de télétravailler les jeudis et les vendredis, qu’il y a de nombreuses tâches que je peux accomplir ces jours-là et que je peux me rendre disponible pour les procès, surtout si un préavis m’est donné.

[…]

À partir de 2003, alors que je n’avais que 2 enfants (3 et 7 ans), on m’a accordé le même travail flexible. Le régime n’a été normalisé par écrit que lors de deux années non consécutives. J’ai également travaillé à temps partiel avant cela. Mes besoins sont plus importants et non le contraire. J’ai besoin de ce genre de mesures d’adaptation pour réduire les entraves à ma participation au milieu de travail.

Je ne souhaite pas entamer une relation de travail dans la controverse, mais vous comprendrez que la décision unilatérale de révoquer sans préavis une formule de travail de longue date cause un préjudice indu pour les membres de ma famille et moi.

Plutôt, j’espère qu’en recevant et en examinant ma demande de mesures d’adaptation, vous ferez preuve de sensibilité et respecterez la confidentialité, comme le prescrit Politique sur les mesures d’adaptation de l’employeur.

[…]

Il est encore plus malheureux que Chris et moi n’ayons pas eu l’occasion de nous consulter pleinement avant cette mutation, car cela aurait permis une transition plus harmonieuse, aurait occasionné moins de stress et m’aurait permis de recueillir tous les renseignements supplémentaires dont l’employeur a besoin sans compromettre la productivité. Plutôt, j’ai perdu beaucoup de temps, qui devait être consacré à la transition, en raison de nos discussions continues, quoique collégiales, au sujet de mes besoins actuels en matière de télétravail et d’adaptation. Selon moi, Morris m’a donné l’assurance qu’aucune modification importante ne serait apportée lorsqu’il a dit : « Si on veut, on peut ». Or, je n’ai su qu’une journée ouvrable et une heure avant le début de ma nouvelle affectation qu’il y aurait un changement aussi drastique. Par ailleurs, toutes les équipes, y compris l’équipe fusionnée [équipe de l’AHV], permettent couramment des modalités de travail flexible.

Mesures d’adaptation

· Je souhaite continuer mon régime de télétravail, une solution de rechange ayant porté fruit et mutuellement convenable. Comme option, je propose de demeurer à l’équipe de poursuites en matière de revenus, dont le chef d’équipe, en poste depuis neuf ans, permettrait, selon ce que je comprends, que les mesures d’adaptation se poursuivent.

[…]

· Je demande officiellement la participation d’un spécialiste des mesures d’adaptation du Ministère. Je crois comprendre que MME LOUISE LEVESQUE, du SPPC, [numéro de téléphone supprimé] pourrait être cette personne. Je me suis permis de lui envoyer le présent courriel en copie conforme, et je suis tout à fait disposée à aider à trouver une solution appropriée et à collaborer à ce processus. Entre‑temps, je demande le maintien de mon régime de télétravail, en attendant toute négociation ou tout grief connexe, de façon à ce que je ne coure aucunement le risque d’être privée inutilement de mesures d’adaptation raisonnables. Cette approche ne devrait pas être un fardeau pour l’employeur puisqu’elle a porté fruit par le passé.

[…]

*Veuillez noter que, dans un esprit de coopération, de nombreux faits ont déjà été communiqués à l’employeur (p. ex. trois diagnostics, dont deux ont été posés en mars; diverses séances d’ergothérapie; des séances de tutorat intensif et spécialisé plusieurs fois par semaine; des rencontres de parents; de l’aide aux devoirs; des exercices d’ergothérapie; des rendez‑vous chez le médecin; du travail de thérapie à domicile recommandé par le médecin; et une coordination avec des fournisseurs de soins de santé). Je suis prête à en parler plus en détail au bénéfice de Mme Levesque ou de l’employeur, notamment de la façon dont le télétravail me permet d’être au domicile chaque vendredi pour allumer les bougies et le souper du shabbat, qui est le seul moment propice où nous nous retrouvons en famille. À cet égard, si les faits que j’ai exposés comprennent d’autres motifs comme la religion, je vous prie de les considérer comme étant également invoqués.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[44] Le courriel de M. Pistyner auquel la fonctionnaire a fait référence dans son courriel du 4 mai 2012 n’a pas été produit en preuve.

[45] M. Pistyner a répondu le 8 mai 2012 au courriel du 4 mai 2012 de la fonctionnaire, envoyant sa réponse en copie conforme à Mmes Gruppuso, à Louise Levesque (du SPPC) et à M. Andreopoulos. Il est écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Affectation à l’équipe fusionnée

Le 17 avril, je vous ai informé que vous travaillerez dans l’équipe fusionnée [équipe de l’AHV] à compter du 1er mai pour une période maximale de 18 mois. On vous a attribué un bureau au 25e étage, au même endroit que celui des membres de cette équipe. Je crois fermement que l’équipe fusionnée vous conviendra mieux. J’en demeure convaincu. Je m’attends à ce que vous travailliez avec Chris Gruppuso, votre nouvelle superviseure, de manière à assurer une transition aussi harmonieuse que possible. Comme son objectif principal demeure le même, ce changement ne sera pas réexaminé pour le moment.

Question des modalités spéciales de travail et des mesures d’adaptation

Le SPPC suit actuellement la politique du ministère de la Justice. Selon la politique, les demandes [de mesures d’adaptation] doivent être faites par écrit et adressées au gestionnaire concerné. Comme Tom Andreopoulos est le procureur fédéral en chef adjoint responsable du bureau de Toronto, il s’occupera de votre demande.

Enfin, je remarque que vous avez demandé des mesures d’adaptation provisoires, compte tenu d’un régime informel de télétravail dont vous et votre ancien superviseur, Ivan Bloom, avez convenu. Mme Gruppuso informera M. Andreopoulos de la mesure dans laquelle elle pourra donner suite à un tel régime, avant la formulation de toute modalité officielle de mesures d’adaptation que M. Andreopoulos pourra autoriser.

[…]

[Souligné dans l’original.]

 

[46] Une lettre du 15 mai 2012 du Dr Sheldon Wise (la « lettre du Dr Wise de 2012 ») a été déposée en preuve. La fonctionnaire a identifié le Dr Wise comme étant le pédiatre de la famille Tarek‑Kaminker. D’après elle, la lettre a été transmise à l’employeur. La lettre mentionne les enfants (5, 6, 10 et 14 ans à cette époque) et indique que l’un d’entre eux a des besoins particuliers. Elle fait deux pages entières et neuf paragraphes à simple interligne, dont les passages les plus pertinents sont les suivants :

[Traduction]

[…]

Cet enfant a reçu un diagnostic de trouble qui exige de l’ergothérapie, qui a des répercussions profondes et qui a nécessité divers traitements intensifs […]. L’enfant doit faire au domicile différents exercices de renforcement, auxquels il faut consacrer environ une demi‑heure chaque jour. Les exercices prennent du temps, sont épuisants et changent à mesure que des progrès sont réalisés. Anjie a ainsi reçu une formation et suit les traitements que des professionnels ont suggérés et qui prévoient des modifications. Si rien n’est fait, ce trouble qui exige de l’ergothérapie constituera un grave obstacle au développement et à l’éducation de l’enfant. Par conséquent, le soutien de thérapeutes et le renforcement parental sont essentiels.

[…]

J’ai par ailleurs recommandé cette année que le même enfant se soumette à une […] évaluation par un spécialiste, qui a récemment produit un rapport qui ajoute deux autres diagnostics graves. Des réunions sont en cours avec les professionnels concernés ainsi qu’avec les parents et les autorités scolaires, et il est raisonnable de s’attendre à ce que les consultations régulières se poursuivent […]. Angie doit être disponible pour assurer la coordination avec les divers professionnels de la santé et de l’éducation qui jouent un rôle dans les soins de son enfant. Ces professionnels sont souvent disponibles seulement pendant les heures de bureau et s’attendent à recevoir sa réponse dans un délai de quelques jours.

[…]

Il est clair pour moi que, sans soutien approprié, cette famille aura des difficultés, et les enfants en souffriront énormément. Le changement de la formule de travail de longue date survient à un moment où les enfants ont subi des bouleversements liés au changement de plusieurs fournisseurs de services de garde. Leur nouvelle gardienne n’a été embauchée qu’en avril et est encore en train d’être formée. En outre, cette année seulement, plusieurs tuteurs, thérapeutes et professionnels qui sont arrivés et partis se sont occupés de l’enfant ayant des besoins particuliers. Seuls les parents assurent une présence constante. L’une des raisons pour lesquelles ces modalités particulières de travail sont la meilleure solution est qu’Anjie et les enfants y sont habitués depuis de nombreuses années. Changer brusquement d’horaire lors d’une période de bouleversements, alors que de nombreux fournisseurs de soins ont changé dans leur vie et à un moment où les besoins médicaux fluctuent et viennent juste d’être déterminés, est un obstacle sérieux à la santé et au bien-être de toute l’unité familiale.

D’un point de vue pratique, en septembre de l’année prochaine, les quatre enfants Tarek‑Kaminker fréquenteront trois écoles différentes, peut-être quatre, dépendamment des besoins particuliers d’un enfant. Il est physiquement impossible d’avoir trois groupes de covoiturage et un seul fournisseur de soins qui conduit. Mme Tarek‑Kaminker et son époux devront tous deux participer aux groupes de covoiturage aux dates convenues au préalable. À cette fin, ils me disent qu’ils ont toujours demandé les jeudis et les vendredis et qu’ils se sont donné beaucoup de mal pour que leur horaire de travail soit plus souple ces jours-là.

Les rendez-vous pour des soins dentaires particuliers requièrent aussi du temps et la présence d’un parent. Les enfants plus âgés reçoivent des soins orthodontiques du Dr Daniel Pollit et des soins dentaires pédiatriques spécialisés du Dr Melvin Kay. J’ai examiné leurs factures de soins dentaires, et je peux affirmer qu’il a fallu plus de 50 visites à ces fournisseurs de soins de santé en 2011 seulement. Comparer les besoins d’enfants d’âge scolaire à ceux de nourrissons ou supposer que leurs besoins s’estompent avec l’âge ne tient pas compte du fait que les nourrissons ne reçoivent pas de soins orthodontiques, de tutorat, etc.

Je crois que, dans le cadre des mesures d’adaptation, les modalités de travail qui existaient à ce jour devraient être maintenues ou qu’une troisième journée de télétravail devrait être ajoutée. Dans un avenir prévisible, mes patients ont besoin d’un parent heureux, en santé, épanoui, mais pas surchargé. Je suis d’avis que Mme Tarek‑Kaminker a besoin régulièrement de latitude durant au moins 16 heures ouvrables consécutives pour la majeure partie de l’année afin de gérer les besoins pédiatriques de sa famille. Si cela ne peut être fait, je suis certain que l’intérêt de ces enfants et, en particulier, celui de l’enfant qui a besoin de soins particuliers à l’heure actuelle, en souffrira énormément et inutilement.

[…]

 

[47] Lors de l’interrogatoire principal de la fonctionnaire, il lui a été demandé si, selon elle, la lettre qu’elle a transmise à son employeur contenait quelque chose qui n’est pas vrai. Elle a répondu qu’elle ne le croyait pas. En contre-interrogatoire, elle a affirmé que son époux et elle ont écrit la lettre du Dr Wise de 2012.

[48] Le Dr Wise n’a pas témoigné, pas plus que les Drs Daniel Pollit ou Melvin Kay.

[49] Le 5 juin 2012, M. Andreopoulos a envoyé un courriel à la fonctionnaire, lui transmettant une ébauche d’entente de télétravail (l’« ébauche de l’entente de télétravail de 2012 »). Le courriel indiquait qu’il était prêt à conclure une telle entente avec elle relativement à son travail à l’équipe de l’AHV. L’ébauche était presque identique à l’entente de prolongation du télétravail de 2009, sauf qu’elle y faisait référence comme étant [traduction] « […] un mémoire d’entente entre Anjie Tarek‑Kaminker […] et Tom Andreopoulos […] relativement à son travail dans l’équipe fusionnée de Toronto ». Elle ne précisait pas la durée de l’entente, mais contenait la même formulation selon laquelle les parties à l’entente pouvaient à tout moment retirer leur consentement au télétravail, sous réserve d’un préavis raisonnable dans la mesure du possible. Aucune copie du mémoire n’a été produite en preuve.

[50] Un courriel du 9 octobre 2012 de Mme Gruppuso à l’intention du service des relations de travail (les « RT ») du SPPC a été déposé en preuve. Une copie d’un document portant sur les demandes de régime de travail de rechange au SPPC était jointe au courriel. Il s’agit d’un formulaire modèle. Il semble que la fonctionnaire a signé ce formulaire le 5 octobre 2012 et que Mme Gruppuso a fait de même le 9 octobre 2012. Le formulaire présente des modalités concernant un horaire flexible, un horaire de travail variable (heures comprimées) et du télétravail. Dans la section réservée à l’approbation (par la direction) de la demande, il est écrit que la direction a approuvé la demande le 15 juin 2012. Il y avait en annexe un addenda indiquant que les heures d’arrivée, de départ et de dîner seraient déterminées conjointement avec les RT et qu’elles pourraient varier en fonction des activités. Quoi qu’il en soit, le nombre total d’heures par semaine devait toujours être d’au moins 39,475.

[51] La fonctionnaire était en congé de maternité de janvier 2013 à janvier 2014. Je n’ai pas été informé des dates exactes. Je sais toutefois qu’elle est retournée travailler à l’équipe de l’AHV au début de 2014. Elle a déclaré que, à son retour, le régime de télétravail et les modalités relatives à l’horaire flexible et à l’horaire comprimé ont été maintenus. La fonctionnaire a dit qu’elle télétravaillait de son domicile les jeudis et les vendredis.

[52] La fonctionnaire a déclaré ne pas avoir reçu d’autre entente de télétravail de la part de l’employeur après son retour de congé de maternité, en janvier 2014. Elle a déposé en preuve un courriel du 8 juillet 2015 adressé à M. Andreopoulos, auquel était jointe une ébauche d’entente de télétravail dont elle était la seule signataire (l’« ébauche de l’entente de télétravail de 2015 »). Le courriel énonçait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Voici une nouvelle copie signée comportant la modification du paragraphe 3 afin qu’il corresponde à l’autre document des RH. La copie précédente ne tenait pas compte du changement. Quoi qu’il en soit, il est clair que les heures changent souvent à la hausse ou à la baisse selon les besoins. Par exemple, lorsque j’étais affectée à la salle d’audience 114, j’arrivais bien avant 9 h, même souvent avant 8 h 30, de façon à éviter les retards causés par le métro.

Ma famille, qui est très occupée, a encore besoin de mesures d’adaptation et d’une marge de manœuvre, ce qui est très apprécié.

[…]

 

[53] L’ébauche de l’entente de télétravail de 2015 semble identique à l’ébauche de l’entente de télétravail de 2012, sauf les différences mineures suivantes : la classification de la fonctionnaire, son adresse domiciliaire et son numéro de téléphone sont différents; les heures de travail sont écrites à la main et comportent des heures d’arrivée et de départ différentes; la durée de l’entente indiquée est du 6 janvier 2015 au 5 janvier 2016; et la fonctionnaire l’a signée le 8 juillet 2015.

[54] Le 11 août 2015, M. Andreopoulos a transmis à Mme Gruppuso le courriel du 8 juillet 2015 de la fonctionnaire, accompagné de l’ébauche de l’entente de télétravail de 2015. Il était écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme nous en avons discuté la semaine dernière, après mon retour de congé, j’aurai besoin à l’avenir de vos commentaires et de votre évaluation concernant la viabilité d’une telle entente, vu les besoins opérationnels actuels et attendus de votre équipe. Lorsque cette entente a été initialement acceptée, Mme Tarek‑Kaminker devait être en mesure d’apporter une contribution significative et entière au niveau LA‑02 en tant que membre de votre équipe dans le cadre d’un certain nombre d’initiatives importantes mises en place dans cette équipe pour accroître l’efficacité. Il devait y avoir une phase de réorientation. Au fil du temps, on s’attendait à ce qu’elle assume effectivement des fonctions de leadership correspondantes à son niveau et à son expérience dans un certain nombre de domaines. On s’attendait à ce qu’elle puisse s’occuper de dossiers réglementaires; participer aux activités ayant lieu à la salle d’audience 117 et aux activités liées aux premières instances à la Cour de justice de l’Ontario; mener des conférences préparatoires au procès; et participer à des initiatives de contrôle récentes et importantes et à des stratégies de gestion des cas avec une équipe d’autres juristes qui prennent part actuellement à cette initiative. Elle peut également entreprendre des travaux concernant la Cour supérieure si les procédures s’étendent au-delà de cinq jours consécutifs, si un préavis lui est donné et si elle bénéficie de flexibilité.

Je vous saurais gré d’examiner la question de savoir si ces attentes ont été comblées dans le cadre de l’entente, si elles étaient en fait réalistes et quels sont exactement les conflits à l’origine de la demande continue. Je lui écrirai pour lui demander de le faire. Nous pourrons faire un suivi une fois que nous connaîtrons tous les renseignements ou les faits pertinents afin de prendre ensuite une décision éclairée.

[…]

 

[55] Le 11 août 2015, M. Andreopoulos a répondu en ces termes à la fonctionnaire, envoyant sa réponse à Mme Gruppuso en copie conforme :

[Traduction]

[…]

J’ai demandé l’avis de votre cheffe d’équipe et son évaluation de la viabilité de l’entente actuelle, à la lumière des besoins opérationnels actuels et attendus de l’équipe. Je crois qu’elle vous en a parlé. Afin de prendre une décision éclairée au sujet du maintien de l’entente de télétravail, pourriez-vous faire le point sur toutes les raisons qui motivent la demande continue (les détails de votre situation, la nature de tout conflit d’horaire de travail et les solutions de rechange qui ont été essayées pour les résoudre)? Pourriez‑vous le faire d’ici la semaine prochaine? J’ai conservé au dossier les documents que vous avez fournis au départ. Veuillez transmettre tout document mis à jour à votre cheffe d’équipe, en m’en envoyant une copie, et discuter directement avec elle de tous les aspects de votre demande, qui seront tous pris en compte dans le processus d’évaluation et décisionnel concernant votre demande de prolongation de l’entente de télétravail.

[…]

 

[56] La fonctionnaire a répondu le 21 août 2015 au courriel de M. Andreopoulos du 11 août 2015 en ces termes :

[Traduction]

[…]

Veuillez trouver ci‑joint une deuxième lettre du Dr Sheldon Wise à lappui du maintien de lentente relative aux mesures dadaptation (télétravail et travail flexible).

Je n’avais pas l’impression que des changements étaient envisagés. Je m’attendais seulement à recevoir de votre part un formulaire de renouvellement ou un contrat.

J’ai été en mesure de m’acquitter de toutes mes tâches en produisant de bons résultats, voire d’excellents résultats, par exemple en étant souvent la première au bureau à 8 h et à l’heure pour les activités à la salle d’audience 114 (malgré des retards dans le métro et le mauvais temps); en menant à distance des conférences préparatoires au procès; en participant à des audiences de justification ou de mise en liberté avec consentement devant un tribunal auxiliaire; en assistant à des conférences judiciaires préparatoires au procès, notamment pour remplacer des collègues; en agissant à titre de procureure de la Couronne suppléante et en service; en effectuant des recherches; en comparaissant à des audiences de détermination de la peine; en traitant de questions liées à la communication de la preuve; en aidant des collègues de diverses équipes; en formant des subalternes; en rédigeant des documents de requête; en effectuant des vérifications; en préparant des procès assignés; en traitant de renvois préalables à l’inculpation dans des délais serrés; en me présentant au tribunal de la rue Jarvis; et en me préparant aux procès à venir en octobre […].

Nous passons d’un processus d’évaluation des dossiers à un volet de procès, ce qui est un défi dont je me réjouis.

À bien des égards, mon travail à domicile n’a pas été très différent du travail à distance effectué par tous les procureurs de la Couronne de l’équipe de l’AHV depuis la Tour de la Bourse ou le tribunal de la rue Jarvis. En effet, je suis souvent plus efficace et plus énergique lorsque j’évite des heures de déplacement. À titre d’exemple, j’ai pu commencer à travailler à 7 h 30 aujourd’hui (plutôt que de prendre un métro bondé), avant que mes conférences préparatoires au procès débutent à 9 h.

[…]

Veuillez prendre note des commentaires du médecin au sujet des heures supplémentaires. Généralement, effectuer des heures supplémentaires et faire preuve de souplesse ne sont pas des contraintes pour moi, vu toutes les ressources et les mesures que j’ai mises en place de mon côté, pourvu que suffisamment de temps ou un congé de direction soit offert pour me permettre de reprendre mes tâches à la maison. Je prends note de l’attention que ma cheffe d’équipe a accordée afin que je puisse compenser le travail excédentaire, et je lui en suis reconnaissante. Les contraintes auxquelles nous sommes confrontés découlent en grande partie de problèmes de ressources et sont une préoccupation constante. J’ai hâte de travailler avec elle à d’autres stratégies.

[…]

 

[57] Une lettre d’août 2015 du Dr Wise (la « lettre du Dr Wise de 2015 ») a été déposée en preuve. Elle est rédigée en ces termes :

[Traduction]

J’ai examiné ma lettre de mai 2012. Il y a quelques changements à noter, mais aucun qui a une incidence sur mes opinions et recommandations initiales. En fait, les besoins familiaux que j’ai décrits n’ont fait qu’augmenter avec la venue d’un cinquième enfant, en janvier 2013.

Le seul changement évident dans la situation actuelle est que les services d’ergothérapie ne sont plus fournis à l’enfant qui les recevait. Les parents donnent eux‑mêmes tout soutien requis en ergothérapie.

Voici d’autres raisons pour lesquelles un horaire flexible, le télétravail et d’autres mesures d’adaptation sont encore plus nécessaires :

· La famille a maintenant cinq enfants, âgés de 17 à 2 ans. Ce seul facteur devrait être significatif. Les enfants fréquentent quatre écoles différentes. L’année prochaine, il devrait y avoir cinq écoles différentes étant donné leurs besoins et leur âge qui varient. Des déplacements peuvent être nécessaires.

· Le plus jeune enfant reçoit encore le sein la nuit.

· Les services de deux tuteurs à domicile séparés [les noms ne sont pas pertinents] ont été retenus pour aider un enfant ayant des difficultés d’apprentissage. Ils aident l’enfant d’une à trois fois par semaine.

· Un tuteur en informatique a été recommandé par des responsables d’école. Ses services ont été retenus pour cet enfant de façon à que celui‑ci ait les compétences à long terme nécessaires au chapitre de la prise de notes.

· Ce même enfant a récemment fait l’objet d’une seconde [type d’évaluation omis] évaluation et d’un second rapport. Les tests ont été réalisés en décembre 2014 et en janvier 2015. Les résultats m’ont été immédiatement communiqués, et l’équipe de la formation comportementale et du programme intégré en ergonomie de l’école a été convoquée pour examiner les résultats avec les deux parents, car ils étaient très préoccupants et pas du tout positifs. Des changements drastiques ont été apportés rapidement en réponse au rapport alarmant, et les deux titulaires de classe de l’enfant ont été remplacés au milieu de l’année. La famille a embauché un conseiller pédagogique [nom non divulgué], qui a aidé toutes les parties. Cela a nécessité plusieurs réunions et appels téléphoniques. Différentes écoles ont été visitées, et la démarche se poursuit. Il faudra peut-être évaluer davantage de changements d’école au fil du temps. Un suivi constant et étroit des progrès dans tous les domaines de préoccupation mentionnés dans le rapport s’est poursuivi pendant le reste de l’année scolaire, à l’instar de celui effectué auprès des médecins, de l’école, des tuteurs et des parents. Cela s’est révélé crucial en vue de l’obtention de certains résultats correctifs. En consultation avec des professionnels, les parents ont conçu des plans de tutorat et d’instruction préalable pour l’été et sont en cours de réalisation. La participation soutenue de la famille est essentielle à la réussite continue de l’enfant et à son évaluation. Il s’agit d’un enfant vulnérable qui, en l’absence d’une attention étroite et d’une participation active, pourrait facilement être laissé pour compte.

· Le rapport a également fait l’objet de discussions avec la Dre Markovitz, qui avait établi la première évaluation. Elle a formulé des recommandations, clarifié un diagnostic fondé sur le rapport et aidé la famille à planifier l’avenir.

· […] les soins dentaires spécialisés en pédodontie (Dr Mel Kay, dentiste pédiatrique) et la planification en orthodontie en attente ont été quelque peu difficiles et ont nécessité plus de rendez‑vous que ce qui pourrait être nécessaire avec des procédés classiques ou pour d’autres patients.

· Les autres enfants se situent à l’autre extrémité du spectre psychopédagogique et sont en grande partie des athlètes doués. Plus d’un fait partie d’une ou de plusieurs équipes sportives hautement réputées ou de niveau AAA. De toute évidence, il s’agit d’activités qui prennent beaucoup de temps pour les parents, car elles supposent des déplacements les fins de semaine pour assister à des tournois et d’assister en soirée à des parties et à des pratiques d’équipe. Les besoins de ces enfants très performants ne sont ni moins exigeants ni moins importants. Ils ont besoin d’un épanouissement intensif de toutes sortes pour leur trouver des défis à relever.

· Je m’attends à ce que ces besoins subsistent dans un avenir prévisible dans cette grande famille dévouée. Les parents participent activement à la vie de leurs enfants et méritent tous deux des félicitations et du soutien. Il ne fait aucun doute que le travail flexible et le télétravail ont apporté une précieuse contribution à cet égard et dans l’atteinte d’un délicat équilibre entre ces différents facteurs, que des adultes d’une moins grande force d’âme ne pourraient peut-être pas concilier dans le cadre d’une si grande famille ayant des besoins diversifiés.

· Je tiens à souligner que le sujet des heures supplémentaires constantes sans congé compensatoire, dont j’ai entendu parler, me préoccupe en ce qui concerne le bien-être de mes patients pour les raisons mentionnées dans mes deux lettres.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[58] En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a admis que son époux et elle avaient aussi rédigé la lettre de 2015 du Dr Wise.

[59] Mentionnée dans la lettre en question, la Dre Markovitz n’a pas témoigné.

[60] Ni les tuteurs ni le conseiller pédagogique dont il est question dans la lettre de 2015 du Dr Wise n’ont témoigné.

[61] Le 27 août 2015, M. Andreopoulos et la fonctionnaire ont échangé des courriels :

[Traduction]

[La fonctionnaire à M. Andreopoulos, à 11 h 4 :]

Bonjour Tom, avez-vous eu l’occasion d’examiner la question du renouvellement, en consultation avec Chris?

[…]

[M. Andreopoulos à la fonctionnaire, à 12 h 19 :]

Je ne serai pas au bureau pour le reste de la semaine. Je crois comprendre que vous avez été absente pendant quelques jours cette semaine. Je consulte Chris, mais je vous demanderais de faire de même et d’explorer avec elle des solutions de rechange à l’entente de télétravail, qui pourraient être mises en œuvre afin de prendre votre situation en compte. Des efforts pour assurer une consultation complète […].

[M. Andreopoulos à la fonctionnaire, à 12 h 21 :]

J’ai appuyé trop rapidement sur « Envoyer ». Je voulais ajouter que des efforts pour assurer un processus de consultation complet et continu devraient être déployés.

[…]

 

[62] La discussion au sujet du régime de télétravail s’est poursuivie en septembre 2015 et la fonctionnaire a envoyé les courriels suivants à Mme Gruppuso les 24 et 29 septembre 2015 :

[Traduction]

[La fonctionnaire à Mme Gruppuso, 24 septembre 2015 :]

Comme l’indique son courriel, Tom veut que nous nous consultions davantage afin que nous puissions discuter de l’examen du rendement et de l’évaluation de l’employé et revoir les MESURES D’ADAPTATION tout de suite après.

La dernière fois que nous avons, à sa demande, discuté de mon plan de mesures d’adaptation, c’était pour voir si nous pouvions trouver une solution de rechange à ce qui est en place depuis environ 12 ans. J’ai lancé l’idée de changer les journées régulières de télétravail du jeudi et du vendredi ou de faire seulement les avant-midis au centre-ville, mais l’idée ne fonctionne pas non plus étant donné les besoins actuels de l’équipe de l’AHV. En ce qui concerne vos propositions, nous avons discuté de l’abandon complet du télétravail OU peut-être d’un changement d’équipe, étant donné que vous vous inquiétez de l’impossibilité d’effectuer du télétravail en tant que membre d’une équipe de contentieux à la suite de la perte en janvier de quelque six membres du personnel.

J’espère que cela résume bien notre discussion sur le sujet. Comme je l’ai dit à ce moment‑là, ne plus pouvoir télétravailler ou bénéficier de mesures d’adaptation me pose des problèmes. Même si je peux à l’occasion me présenter notamment à des procès, j’ai vraiment besoin du télétravail la plupart du temps. Les mesures d’adaptation sont indispensables. Il s’agit d’un besoin en matière d’adaptation (rappel : rose/fondés sur des besoins) attribuable notamment à la situation de famille et étayé par un rapport médical mis à jour en 2015.

Il a été quelque peu stressant de se retrouver dans les limbes en ce qui concerne la présente demande de mesures d’adaptation et, en somme, de ne pas savoir ce qu’il adviendra de moi en janvier. Maintenant que vous êtes de retour de congé, j’espère que nous pourrons régler la question.

[…]

[La fonctionnaire à Mme Gruppuso, 29 septembre 2015 :]

[…]

Veuillez noter qu’il y a eu un développement. J’ai joint une nouvelle lettre d’hôpital CONFIDENTIELLE, dont le pédiatre ne s’est pas servi pour formuler ses commentaires.

La lettre n’est pas signée, car le médecin l’a envoyée par courriel à la réceptionniste, qui nous l’a transmise non signée.

[…]

 

[63] La lettre que la fonctionnaire a mentionnée dans son courriel du 29 septembre 2015 à l’intention de Mme Gruppuso est une lettre datée du même jour de l’Hospital for Sick Children. Elle disait simplement que l’un des enfants était un patient à l’hôpital et qu’il a eu des rendez‑vous médicaux pour un suivi en consultation externe. Elle ne fournit aucun autre renseignement, comme la date ou la durée des rendez‑vous, les diagnostics ou les traitements.

[64] Le 4 octobre 2015, Mme Gruppuso a envoyé un courriel à la fonctionnaire s’estimant lésé, écrivant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Pour faire suite à nos discussions plus tôt cette semaine, voici les questions sur lesquelles la direction souhaite obtenir des éclaircissements.

– Y a-t-il une obligation juridique d’être au domicile deux fois par semaine?

– Dans l’affirmative, quelles modalités sont en place pour les autres jours de la semaine?

– Quelles sont les modalités actuellement en place en ce qui concerne la garde des enfants?

– Les enfants plus âgés peuvent‑ils superviser les plus jeunes?

– Y a-t-il d’autres membres de la famille disponibles pour s’occuper des enfants (époux ou parents)?

– Des modalités autres qu’une entente de télétravail de deux jours pourraient-elles être mises en œuvre (p. ex. entente de télétravail dune journée et horaire variable)?

[…]

 

[65] Le 4 novembre 2015, l’un des enfants de la fonctionnaire est tombé malade, et elle a envoyé le courriel suivant à Mme Gruppuso :

[Traduction]

[…]

Je propose de télétravailler aujourd’hui […].

[…]

Je sais que je dois répondre à d’autres questions concernant le télétravail de la part des relations de travail. J’ai commencé quelquefois à rédiger mes réponses, et je finirai de le faire lorsque je trouverai un moment. Je suis toujours en train de récupérer de la semaine de plus de 60 heures que j’ai effectuée durant la semaine où vous étiez en congé.

Par ailleurs, j’ai trouvé que le processus consistant à répondre à plus de questions après des années de télétravail bénéfique à tous – ce qui est essentiel à ma capacité de pratiquer le droit – était plus dérangeant, déprimant, fâchant et harcelant et prenait plus de temps que ce à quoi je m'attendais. Les souvenirs de la dernière révocation de mon entente de télétravail sont encore douloureux, car il y a eu de nombreuses répercussions négatives sur mon mariage et mes enfants, que je préfère oublier.

Si les Relations de travail peuvent me donner un exemple d’une mère à plein temps de cinq enfants (dont trois de moins de dix ans) n’importe où au Canada qui peut pratiquer le droit sans mesure d’adaptation ou marge de manœuvre, je serai ravie de m’en inspirer.

Dans le cadre en vigueur, l’employeur tire avantage de l’entente, et plus souvent que moi.

Puisqu’un « nouveau shérif en ville » est entré en jeu dans ce dossier, j’espère que ce qui semble être une attaque en règle contre le télétravail par des forces extérieures à votre bureau sera abandonnée au profit du bon sens, de l’équité et des règles bien établies.

[…]

 

[66] La fonctionnaire a répondu le 18 novembre 2015 au courriel du 4 octobre 2015, informant Mme Gruppuso qu’elle avait formulé des réponses. Toutefois, aucune n’était incluse dans le courriel. Mme Gruppuso a donc fait un suivi auprès de la fonctionnaire le même jour, demandant s’il manquait une pièce jointe. La fonctionnaire a répondu ce qui suit le 19 novembre 2015 :

[Traduction]

Aucune pièce jointe.

Les notes que j’ai rédigées pour moi‑même sont longues, mais je peux les résumer pour vous lorsque nous parlerons. Au cours de ces discussions, je me ferai un plaisir de répondre à toute autre question et de vous fournir des précisions si vous le souhaitez. J’ai aussi des questions à poser si l’occasion se présente.

[…]

Les réponses en bref destinées à votre strict usage sont les suivantes :

– Y a-t-il une obligation juridique d’être au domicile deux fois par semaine? ABSOLUMENT, et JE DEVRAIS PROBABLEMENT ÊTRE PLUS SOUVENT CHEZ MOI. TROIS DE MES CINQ ENFANTS N’ONT PAS L’ÂGE LÉGAL POUR RESTER SEULS À LA MAISON ET DOIVENT ÊTRE RÉCUPÉRÉS À L’ÉCOLE, À LA SUITE D’ACTIVITÉS ET À D’AUTRES MOMENTS, MAIS LES DÉPLACEMENTS L’EMPÊCHENT.

UN ADULTE SEUL NE PEUT PAS CONSTAMMENT SUPERVISER ET S’OCCUPER CORRECTEMENT DE CINQ ENFANTS PENDANT TOUTES CES HEURES.

– Dans l’affirmative, quelles modalités sont en place pour les autres jours de la semaine? UNE BONNE D’ENFANTS ET DEMIE SEPT JOURS PAR SEMAINE, à raison de 75 000 $ par année. Autrement dit, jai fait beaucoup plus que ma juste part pour contribuer à éliminer les obstacles qui entravent mon accès à lemploi.

Quelles sont les modalités actuellement en place en ce qui concerne la garde des enfants? Voir ci‑dessus.

– Les enfants plus âgés peuvent‑ils superviser les plus jeunes? ABSOLUMENT PAS. Ils ont des horaires différents.

– Y a-t-il d’autres membres de la famille disponibles pour s’occuper des enfants (époux ou parents)? ABSOLUMENT PAS. AU MOINS UNE FOIS PAR SEMAINE, MON ÉPOUX EST DE GARDE ET NE RENTRE PAS À LA MAISON. QUAND IL EST À LA MAISON, IL Y A BEAUCOUP À FAIRE. JE SUIS TOUJOURS RESPONSABLE, TOUTES PROPORTIONS GARDÉES, DE 2,5 ENFANTS, CE QUI EST BEAUCOUP PLUS QUE TOUT AUTRE PARENT SEUL AU SPPC. Je suis aussi aidante naturelle conjointe pour ma mère et une grand-mère. La demande de mesures d’adaptation n’est pas fondée uniquement sur des responsabilités en matière de garde d’enfants. Elle est fondée sur des motifs liés aux soins à des aînés, à la religion et à mes propres besoins en santé.

– Des modalités autres qu’une entente de télétravail de deux jours pourraient-elles être mises en œuvre (p. ex. entente de télétravail dune journée et horaire variable)? AU SEIN DE L’ÉQUIPE, AUCUNE PARMI CELLES QUE MA GESTIONNAIRE ET MOI-MÊME AVONS TROUVÉES, MALGRÉ DES EFFORTS DE BONNE FOI. J’AI ESSAYÉ LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL. CELA NE FONCTIONNE PAS AU SPPC. LE RÉGIME DE TÉLÉTRAVAIL RÉUSSIT TRÈS BIEN DEPUIS PLUS D’UNE DÉCENNIE DANS LE CADRE DE TROIS ÉQUIPES DIFFÉRENTES. Il combine le travail flexible, l’horaire modifié et le télétravail. Il réduit l’absentéisme et même les retards causés par la TORONTO TRANSIT COMMISSION ET LES TEMPÊTES DE NEIGE. IL A VALU À MON ANCIEN CHEF D’ÉQUIPE DES PRIX ET DES ÉLOGES DANS DES PUBLICATIONS DU MJ. IL A ÉTÉ MIS EN ŒUVRE ALORS QUE J’AVAIS seulement TROIS ENFANTS. IL A ÉTÉ RÉVOQUÉ EN 2012 SANS MOTIF VALABLE ET A CAUSÉ DES TORTS GRAVES À TOUTE MA FAMILLE. IL A ÉTÉ RÉTABLI APRÈS L’INTERVENTION DE MON SYNDICAT. IL EST RESTREINT NON PAS PAR LE CONCEPT MALLÉABLE DE « BESOINS OPÉRATIONNELS » (qui seront encore plus grands si je suis forcée de quitter la pratique), MAIS PAR UN CRITÈRE PLUS IMPORTANT EN DROIT, À SAVOIR LE « PRÉJUDICE INDU ». IL Y A DES AVANTAGES QUANTIFIABLES MAJEURS POUR L’EMPLOYEUR, Y COMPRIS LA PRODUCTIVITÉ, LE MAINTIEN EN POSTE, LE RECRUTEMENT, L’INCLUSIVITÉ ET L’ÉTABLISSEMENT OU LE MAINTIEN EN POSTE D’UN EFFECTIF DIVERSIFIÉ. IL N’Y A AUCUN PRÉJUDICE. IL N’Y A CERTAINEMENT PAS DE PRÉJUDICE INDU SIMPLEMENT PARCE QUE L’EMPLOYEUR A DÉCIDÉ DE FAÇON CONTINUE ET PRÉVUE DE MANQUER DE PLUS EN PLUS DE RESSOURCES. J’AI MAINTENANT PLUS D’ENFANTS. NÉANMOINS, JE SERAIS OUVERTE À L’IDÉE D’OBSERVER TOUTE MÈRE (QUI ALLAITE OU NON) DE CINQ ENFANTS QUE L’EMPLOYEUR AURA DÉSIGNÉE ET QUI PRATIQUE LE DROIT À PLEIN TEMPS POUR VOIR COMMENT ELLE PEUT MIEUX CONCILIER LE TRAVAIL ET LA VIE PERSONNELLE, SAUF QUE CETTE PERSONNE N’EXISTE PAS.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[67] Le 2 décembre 2015, la fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Gruppuso au sujet du télétravail, du travail flexible et du surmenage. Elle a parlé d’une capacité et d’un investissement en temps pour travailler à un dossier d’appel en particulier. Une grande partie de ce qui est exposé dans le courriel réitère des faits déjà énoncés dans la présente décision et, par conséquent, il n’est pas nécessaire de les répéter. De plus, je n’exposerai pas les arguments de la fonctionnaire. Elle a soulevé une autre question, à savoir les heures supplémentaires, qui a été formulée de la manière suivante :

[Traduction]

[…]

HEURES SUPPLÉMENTAIRES. Il s’agit d’un problème différent, mais connexe. Il est quelque peu pernicieux de discuter de besoins opérationnels et de mesures d’adaptation dans le contexte d’une semaine de travail de plus de 60 heures et d’une fin de semaine de 31 heures, alors que ma convention collective précise un horaire hebdomadaire normal de 37,5 heures par semaine. Toute notre équipe est surchargée de travail. C’est souvent et d’abord ceux qui ont besoin de mesures d’adaptation qui en souffrent, comme le canari dans la mine de charbon.

[…]

La convention collective prévoit une semaine de travail normale de 37,5 heures. Autrement dit, si je travaille trop une semaine, je devrais travailler moins la semaine suivante. Cela est toutefois pratiquement impossible pour notre équipe, car nos horaires sont chargés au maximum, y compris lorsque les problèmes liés aux procès sont réglés. À la différence d’autres équipes et en raison de la surcharge de travail, la possibilité de partir tôt est rare et mal vue.

Les heures de travail à la Torquemada et les longs déplacements toute la semaine sont un obstacle facile à surmonter lorsqu’il y a de la compréhension et de la volonté. Le respect des heures normales de travail ne constitue pas un préjudice indu pour l’employeur. Si c’était le cas, il n’aurait pas signé une telle convention avec mon syndicat. L’employeur n’a pas rencontré d’obstacle en me laissant faire du télétravail pendant dix ans ou en permettant à d’autres employés d’en faire cinq jours par semaine pour des raisons ponctuelles.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[68] En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a été priée d’expliquer le courriel en question, précisément les sections concernant les heures supplémentaires et les heures de travail. Lorsque sa déclaration selon laquelle elle effectue plus de 60 heures de travail par semaine a été portée à son attention, elle a dit que, parfois, elle travaillait ce nombre d’heures là. Lorsque le passage concernant des heures à la « Torquemada » lui a été signalé, elle a dit qu’il s’agissait d’un [traduction] « tortionnaire » et que cela faisait référence à des heures de travail illimitées. La fonctionnaire a affirmé que les lois du travail sont en place en vue de restreindre les heures de travail.

[69] Le 16 décembre 2015, Mme Gruppuso a envoyé à la fonctionnaire un courriel qui disait ceci :

[Traduction]

J’ai eu l’occasion d’examiner votre courriel du 2 décembre, dans lequel vous décrivez la chronologie des événements liés à votre demande de mesures d’adaptation fondée sur la situation de famille.

Le 19 novembre, vous avez aussi fourni des réponses aux questions de la direction sur votre situation de famille. Avant de prendre une décision finale sur votre demande de mesures d’adaptation, la direction demande des renseignements supplémentaires sur vos besoins particuliers. Ces renseignements aideraient à établir si des mesures d’adaptation fondées sur la situation de famille sont nécessaires et dans quelle mesure.

Vos réponses aux questions sur la situation de famille ont été examinées conjointement avec la lettre du Dr Wise datée d’août 2015. La lettre mentionne un enfant qui a des difficultés d’apprentissage. Des éclaircissements sur les besoins de cet enfant en particulier sont demandés. Dans sa lettre, le Dr Wise dit ceci :

Les parents donnent eux‑mêmes tout soutien requis en ergothérapie.

Les services de deux tuteurs à domicile ont été retenus pour aider un enfant ayant des difficultés d’apprentissage.

À la suite d’une évaluation psychoéducative, un conseiller pédagogique a été embauché. Par conséquent, des changements d’école ont dû être examinés.

Le médecin qui a effectué l’évaluation de l’enfant a formulé des recommandations, clarifié un diagnostic et aidé la famille à planifier l’avenir.

Le même enfant doit aller plus fréquemment chez le dentiste, le parodontiste ou l’orthodontiste que ce qui est normalement requis.

En gardant cet enfant présent à l’esprit, la direction cherche à obtenir des réponses aux questions suivantes.

1. Quel est le besoin exact?

2. Qu’est-ce qui a été fait pour atténuer le besoin de mesures d’adaptation?

3. Que peut raisonnablement faire le SPPC pour vous maintenant?

4. Pendant combien de temps est-il prévu que les mesures d’adaptation seront nécessaires? Quand pensez‑vous trouver une solution non liée au travail pour votre besoin?

5. D’autres solutions ont-elles été envisagées?

6. Quel est le plan de traitement en place pour l’enfant ayant des difficultés? Quelle est la fréquence des traitements? Quelle est leur intensité (p. ex. en ergothérapie et en soins dentaires)?

Anjie, veuillez noter qu’il incombe à la direction de prendre des décisions concernant des demandes comme la vôtre et que, pour ce faire, elle doit avoir le plus d’information possible pour évaluer la demande avec exactitude. Afin de vous donner une décision finale, vos réponses devront être communiquées à la direction et à un représentant des Relations de travail en cas de nécessité absolue.

Dans votre courriel du 2 décembre 2015, vous avez demandé en outre des renseignements sur la façon d’accéder au processus informel de résolution des différends. On me dit que vous pouvez communiquer avec n’importe laquelle des personnes suivantes pour obtenir de l’aide.

[Liste des noms supprimée.]

Pour donner suite aux discussions que nous avons eues plus tôt aujourd’hui, j’ai envoyé le présent courriel en copie conforme à [nom supprimé], l’un de nos représentants des Relations de travail.

[…]

 

[70] Le 19 janvier 2016, Mme Gruppuso a envoyé à la fonctionnaire un courriel faisant suite au courriel du 16 décembre 2015. Le 2 février 2016, la fonctionnaire a répondu au courriel du 16 décembre 2015 de la manière suivante :

[Traduction]

[…]

J’ai fait des heures supplémentaires non rémunérées pour rédiger la présente réponse. Le fait de ne pas pouvoir disposer de temps de préparation supplémentaire est un obstacle important à la recherche de mesures d’adaptation, à l’obtention de congés de direction et à réalisation de la formation obligatoire en application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

[…]

Malgré mes protestations, je travaille de 50 à plus de 60 heures par semaine, au lieu de 44 ou même de 48 heures, loin de mes enfants. Le télétravail et le travail flexible m’aident à survivre dans ces conditions aussi extrêmes. Je ne suis même pas sûre que vous puissiez appeler cela des mesures d’adaptation. Et, sans raison apparente, l’employeur veut quand même que ces quatre heures supplémentaires lui soient offertes pour faciliter le processus d’établissement des horaires et pour que je travaille deux jours de plus tout en TÉLÉTRAVAILLANT à la Tour, au centre‑ville?

N’est-il pas clair que ces conditions sont excessives pour n’importe quel parent de cinq enfants; et, en fait, cela ne revient-il pas à dire que le bureau ne souhaite avoir que de jeunes juristes sans enfants qui sont prêts à travailler en faisant fi des modalités de contrat négociées? Il est raisonnable qu’il y ait une contrepartie et une marge de manœuvre.

Les meilleures réponses que je peux donner aux questions, qui prêtent à confusion, sont les suivantes :

[…] L’enfant que vous mentionnez a reçu un diagnostic de [problème médical supprimé] et suit donc un programme intégré en ergonomie fondé sur le profil d’apprentissage. Le plan de traitement est en évolution. Je rencontre régulièrement des médecins, des professionnels, des tuteurs (il s’agit d’une mesure d’atténuation, car je ne fais pas moi‑même le tutorat), des enseignants et une équipe de dix membres du personnel de la formation comportementale. Comme nous ne connaissons pas notre horaire de travail avant le lundi de la semaine précédente, je consulte souvent mon gestionnaire afin d’approuver les rencontres qui ont lieu durant la journée. Grâce au travail flexible et au télétravail, je peux accepter de participer à une rencontre qui aura lieu deux mois plus tard, dans la mesure où elle a lieu un jeudi ou un vendredi, car il est probable que je pourrai y assister. […] Je ne peux pas recourir aux services d’une bonne d’enfants afin d’assurer la coordination. Ces responsabilités exigent la constance et les compétences d’un parent.

[…] Des rendez‑vous fréquents chez le dentiste pédiatrique sont nécessaires […]. Mon époux essaie d’aller au plus grand nombre possible de ces rendez‑vous. J’ai essayé d’y envoyer une bonne d’enfants, mais, à une occasion, […] elle n’avait pas les ressources nécessaires pour intervenir. Elle ne peut pas non plus aller aux rencontres de parents, qui sont complexes, ou agir comme intermédiaire entre les tuteurs et moi, etc. La bonne d’enfants ne peut pas superviser les devoirs lorsque le tuteur n’est pas disponible. Je dois le faire.

L’enfant susmentionné a aussi [état de santé supprimé]. […] L’ergothérapeute m’a enseigné diverses choses à faire pour l’aider lorsque cela se produit. Ma bonne d’enfants s’occupe des autres enfants à ces moments-là, surtout le matin lorsqu’ils se préparent pour l’école.

Je suis souvent affecté au tribunal qui siège le plus tôt, et je dois quitter la maison à 7 h 30 pour arriver à temps, compte tenu de la circulation et des retards des transports en commun de plus en plus importants à Toronto. Les enfants ne sont même pas tous éveillés quand je sors à cette heure. (La ponctualité n’est jamais un problème lorsque je fais du télétravail. Lors d’un récent contrôle de conformité, notre procureur fédéral en chef a constaté la présence de peu d’employés à l’AHV, mais j’ai à ma disposition un courriel envoyé à 7 h 30 prouvant que je faisais du télétravail ce matin-là.)

À un moment donné, si je devais sous‑traiter toutes mes responsabilités parentales pour effectuer les heures de travail excédentaires de l’employeur et satisfaire aux exigences rigides de temps de présence inutile au centre‑ville, je cesserais d’être un parent et ne subviendrais pas aux nécessités de la vie.

En plus de 17 ans dans cet emploi, j’ai manqué UNE journée à cause de problèmes de garde d’enfants. Voilà à quel point je suis dévouée. Les questions laissent toutefois entendre que vous voulez que je renonce complètement à mes obligations d’éduquer les enfants?

Comme il s’agit d’êtres humains, mon absence a des répercussions importantes sur leur vie émotive et leur santé mentale, de même que sur mon mariage.

Pour mieux évaluer mes besoins, il convient d’examiner ce qui est arrivé à ma famille en 2012 lorsque Tom Andreopoulos a révoqué l’entente de télétravail sans préavis ni motif valable et lorsque mon syndicat a dû intervenir pendant trois mois difficiles.

Entre autres choses, mon absence accrue a eu des conséquences sur la vie émotive et la santé physique de mes enfants. Nous avons littéralement été plongés dans une spirale descendante. Je n’en ai jamais tenu l’employeur responsable, mais, durant ce temps difficile, mes enfants ont perdu notre gardienne, une présence constante, car celle‑ci a démissionné EXPRESSÉMENT en raison de ma surcharge de travail (même si elle était rémunérée pour toutes les heures supplémentaires). [Problème avec un enfant supprimé].

Je joue un rôle central dans la vie de mes enfants. Au cours de l’été particulièrement exténuant qui vient de s’écouler, alors que j’étais encore plus fréquemment absente qu’à l’habitude à cause du travail, j’ai reçu une note déchirante des responsables d’un camp à mon retour au domicile [identité de l’enfant supprimée].

[Lettre des responsables du camp intégrée dans le courriel et jointe au document.]

Je croyais avoir répondu à cette question. En plus d’un tuteur et d’autres professionnels pour aider mon enfant, j’ai 1,5 bonne d’enfants jour et nuit et la fin de semaine. Je dépense plus de 75 000 $ par année (feuillet d’impôt T4 disponible à l’appui) pour des services de garde qui dépassent largement 50 heures par semaine, ce que nous ne pouvons pas nous permettre. Je dois utiliser chaque semaine des services de livraison d’épicerie coûteux; sous‑traiter le jardinage, le déneigement et l’entretien ménager; embaucher une personne à tout à faire pour les réparations; et souvent faire l’épicerie à des heures ridicules dans des magasins d’alimentation ouverts 24 heures sur 24. J’ai renoncé à préparer les dîners, à cuisiner, à faire de l’exercice et à tout autre chose dont j’ai besoin pour mon bien-être. J’ai acheté une déchiqueteuse, payé pour rebrancher à Internet mon bureau à domicile, payé des factures Internet pour télétravailler, payé un serrurier et obtenu des classeurs en métal, en plus de me procurer une ligne terrestre partagée et un téléphone. Tout cela pour avoir le privilège de travailler au domicile, où je peux accomplir davantage de travail, plutôt que dans un bureau au centre-ville.

3) Si le SPPC souhaite que les femmes traditionnelles de confession juive qui ont beaucoup d’enfants de divers âges et qui ont besoin de travailler ici, il peut raisonnablement prendre les mesures suivantes.

– Dans les équipes précédentes, mon gestionnaire avait le pouvoir exclusif de consentir à des mesures d’adaptation informelles ou formelles. Je n’ai pas eu à être en contact avec des cadres supérieurs avec lesquels je n’ai pas de rapports étroits. On m’a dit qu’il appartenait à Mme Gruppuso de prendre des mesures d’adaptation, mais ce n’est pas ce qu’elle croit. En effet, au cours des dernières années, j’ai dû avoir affaire à son patron, le procureur fédéral en chef adjoint, Tom Andreopolous. Le SPPC peut confirmer que ma gestionnaire directe a le pouvoir de consentir à des mesures d’adaptation. Ensuite, une entente de mesures d’adaptation peut être signée entre la direction et moi pour une période d’un an. J’ai confiance que ma gestionnaire directe ferait de son mieux pour la respecter dans l’esprit et la pratique.

– Approuver de nouveau le travail flexible également de façon à ce que je ne sois pas assujettie aux limitations habituelles du travail de 9 à 17 h. Cela ne sert personne.

– Clarifier la responsabilité pour la liste des huit à dix dépenses que j’ai dû assumer malgré les dispositions relatives au matériel convenues.

– Mettre fin aux cauchemars administratifs sans temps de préparation supplémentaire.

– Cesser de me mettre sur la sellette d’une manière qui me diminue, me rabaisse et m’humilie, alors que de nombreux autres employés (dont plusieurs sans motif inscrit dans la loi) font ou ont fait du télétravail sans formalités, même en période d’extrême pénurie de ressources.

– Plus important encore, l’employeur devrait cesser d’attribuer trop de tâches pour que je puisse vraiment travailler pendant environ 37,5 heures par semaine, télétravailler pendant 2 jours et ainsi éviter des déplacements de plus de 4 heures et les préparatifs du matin. Cela ne revient pas à refuser de faire du travail utile. Cela signifie en fait de prévenir un effondrement lent et douloureux, ce qui va à l’encontre de l’acquisition d’expériences ou de la réalisation d’un travail propice à une promotion. Cela signifie aussi de compenser les heures excédentaires comme celles de ce soir.

4) Je m’attends à ce que le besoin perdure en raison de l’âge et des besoins d’un si grand nombre d’enfants, d’autant plus que nous changerons l’école de l’enfant susmentionné en septembre prochain, de sorte que la transition sera lourde, qu’il y aura beaucoup plus de réunions, etc. La surcharge de travail et sa durée qui me sont imposées influencent aussi ma réponse.

5) OUI. Comme il a été mentionné, j’ai essayé dans le passé de travailler pendant seulement trois jours. Cela n’a pas fonctionné pour de nombreuses raisons. À la deuxième difficulté, j’ai rencontré ma gestionnaire, même après avoir transmis les documents médicaux habituels. J’ai suggéré de faire du télétravail des jours différents, plutôt que seulement le jeudi et le vendredi, mais ce n’est pas une meilleure solution ni pour elle ni pour moi. L’employeur n’a rien suggéré. Je serais ouverte à l’idée d’une mutation à AOC ou d’un retour à l’équipe de poursuites en matière de revenus, mais l’idée n’a pas été proposée.

La seule autre solution de rechange à laquelle je peux penser, c’est de me faire une offre en échange de ma démission.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[71] Dans la note, il est fait mention que la fonctionnaire manquait à son plus jeune enfant, alors qu’il avait deux ou trois ans.

[72] La fonctionnaire a déposé en preuve un courriel daté du 24 février 2016 qu’elle a envoyé à Mme Gruppuso, au moyen duquel elle a transmis les courriels qu’elle a échangés avec un cabinet dentaire et qui révélaient qu’un rendez‑vous pour l’un des enfants avait été manqué. Dans le courriel à Mme Gruppuso, la fonctionnaire a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Comme vous pouvez le voir dans les courriels ci-dessous, la situation à la maison a déjà commencé à nous donner des maux de tête. Ce ne sont là que deux exemples. Je n’oublierais JAMAIS une comparution devant le tribunal, mais j’ai maintenant manqué deux rendez‑vous dentaires pour cinq enfants différents, et le dentiste pourrait nous refuser.

Ma préparation déborde depuis plusieurs semaines sur mes heures personnelles et mes fins de semaine, et je suis un peu épuisée.

[…]

Mes obligations au tribunal se sont accrues. Même si j’ai relevé tous les défis, la gestion des cas et la pratique judiciaire se chevauchent maintenant, sans augmentation du temps de préparation.

Sans cesse croissante, la pile des CHOSES À FAIRE est décourageante, et je dois réduire le nombre de mes heures pour le faire passer au nombre d’heures défini par contrat. Je ne peux pas travailler gratuitement pendant une semaine supplémentaire par mois.

À cette fin, je demande plus de temps de préparation en mars et en avril. Le travail excédentaire affecte ma famille, ma santé et même mon mariage. Je comprends qu’il ne s’agit pas d’une « plainte » inhabituelle, mais je ne vois aucune solution, et je ne peux pas continuer comme cela.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[73] Le 15 mars 2016, la fonctionnaire a envoyé à Mme Gruppuso un long courriel dont l’objet était une réunion tenue le 3 mars 2016. Mme Gruppuso a transmis le courriel le même jour à MM. Pistyner et Andreopoulos, dont voici les passages pertinents :

[Traduction]

Voilà quelques-uns des points saillants de notre réunion du 3 mars 2015.

[…]

– Vous m’avez demandé de modifier des congés et d’ajouter du temps de congés lorsque j’ai réclamé 7,5 heures seulement. Même si nous en avons discuté, vous avez approuvé les congés, j’ai plus que rattrapé le temps (7,895 heures comprimées), et j’ai maintenant apporté les modifications que vous avez demandées.

Ni vous ni les ressources humaines ne proposez d’autre interprétation de la disposition ci-dessous.

« 4.1.4.2 CONSIGNATION DES CONGÉS DANS LE CAS DES HORAIRES DE TRAVAIL COMPRIMÉS

Les personnes qui comptabilisent le temps lié à une semaine de travail comprimée doivent ajuster la saisie de congé selon leurs heures de travail prescrites. Aucun temps ne doit être comptabilisé pour un jour de congé qui découle d’un horaire comprimé.

La personne qui comptabilise son temps et qui a un horaire de travail comprimé est tenue de compenser la différence entre 7,5 heures et son horaire comprimé normal, soit en faisant des heures de travail additionnelles, soit en se prévalant de son droit aux congés payés. »

– L’employeur a examiné mes feuilles de temps et s’inquiète du fait que j’ai comptabilisé beaucoup d’heures certains jours et moins de 7,895 heures d’autres jours (sans égard au fait que j’ai effectué 250 heures supplémentaires non rémunérées en seulement 11 mois).

– Vous m’avez dit que le travail flexible n’est plus autorisé dans une équipe du contentieux. Les heures normales de travail sont de 8 h 30 à 16 h 50 (moins une demi-heure pour le dîner). Il n’y a pas de pause le matin ou l’après‑midi.

– J’ai été surprise de vous entendre me demander si je bénéficiais de modalités de travail flexible. J’ai répondu que mon mémoire d’entente a toujours prévu une combinaison de télétravail et de travail flexible et que ma demande officielle de mesures d’adaptation a toujours compris ces modalités essentielles.

– J’ai mentionné que la convention collective mettait explicitement l’accent sur les droits à la conciliation travail-vie personnelle [voir l’alinéa 13.01b)] et que le travail flexible favorise habituellement l’employeur. J’ai cité l’alinéa 13.01a), qui est une disposition fondamentale de la convention collective et qui prévoit ceci :

« Pour les juristes, la durée normale du travail est de trente-sept virgule cinq (37,5) heures en moyenne, par semaine, pendant chaque période de quatre (4) semaines. Sous réserve de l’approbation de l’Employeur, les heures de travail peuvent être établies de manière à convenir aux fonctions particulières du juriste et à lui permettre de répondre à ses obligations professionnelles. »

Vous n’étiez pas d’accord pour dire qu’il s’agissait d’une clause de règle proportionnelle et n’avez offert aucune autre explication pour la formulation en caractères gras ci‑dessus.

Vous m’avez rappelé les obligations professionnelles de travailler pendant des heures qui ne sont pas prévues à l’horaire flexible. Autrement dit, vous n’avez pas l’intention d’annuler le travail flexible lorsque cela convient à l’employeur. Vous m’avez informée que je dois enregistrer un nombre minimal de 7,895 heures par jour à raison de 5 jours par semaine et que, même si 1 jour compte 12 heures, le suivant ne peut pas avoir moins de 7,895 heures.

– Vous avez dit qu’il n’y a pas de nombre maximal d’heures de travail.

– Selon vous, les congés de direction sont limités à dix jours par année. Vous n’étiez pas d’accord pour dire que ce nombre est illimité, même si j’ai soulevé maintes fois cette question.

[…]

J’étais perplexe devant les conditions décrites (aucun nombre maximal d’heures, aucun calcul de la moyenne des heures et aucun travail flexible), car cela semblait être un travail épuisant et une restriction de libertés. Nous avons discuté des problèmes de ressources à l’origine des raisons pour lesquelles du travail excédentaire m’était si régulièrement affecté. Cela n’a rien à voir avec mon efficacité ou ma productivité (qui pâtira lorsque mon paisible bureau de télétravail disparaîtra).

– Le troisième sujet que vous avez soulevé et introduit en disant qu’il ne me plairait pas est que mon régime de télétravail et de travail flexible en place depuis plus de dix ans a été entièrement refusé ou révoqué. De plus,

[…]

C. Vous n’avez pas pu me dire pourquoi il était important pour l’employeur de gaspiller des heures de productivité pour se rendre à la « Tour de télétravail » non supervisée.

E. Vous m’avez informé que j’avais à peine 30 jours avant que cela n’entre en vigueur. Étant donné que j’ai dû quitter le télétravail les 3 et 4 mars et que vous savez que je dois me présenter devant le tribunal les 10 et 17 mars (parce que l’entente a toujours prévu une exception pour les obligations judiciaires), il ne reste que deux périodes complètes de télétravail avant la date limite du 4 avril.

I. J’ai exprimé ma surprise en apprenant la révocation de l’entente au seul motif que je ne remplissais pas le critère relatif aux mesures d’adaptation fondées sur la situation de famille, alors que j’avais demandé, au moyen d’au moins deux courriels (2 décembre 2015 et 2 février 2016), des mesures d’adaptation pour d’autres motifs inscrits dans la loi. L’employeur continue toutefois de faire abstraction des motifs invoqués. Après d’interminables demandes de renseignements échelonnées sur des mois et une attention obsessive portée à ma situation de famille, j’ai invité l’employeur à poser toutes les questions nécessaires afin de clarifier ma demande basée sur la religion, sur le fait que j’apporte des soins à une personne âgée et sur des besoins médicaux. Lors de notre dernière réunion en personne, nous avons parlé précisément de la possibilité d’allumer les bougies du shabbat avant le coucher du soleil les vendredis. Vous avez exprimé des préoccupations quant à ma capacité de le faire, de sorte que je pensais que ce ne serait pas un problème vu l’absence de questions à ce sujet.

J. J’ai appris, après m’être enquise de la situation, que ni vous ni les ressources humaines ou les relations de travail n’avez offert de solution de rechange raisonnable à laquelle l’employeur consentirait, compte tenu de son pouvoir discrétionnaire de régler toute question soulevée, même si la révocation du télétravail me privera, entre autres choses, de la possibilité de pratiquer ma religion. Je ne suis pas au courant de quelque autre option à ma disposition que ce soit qui ne m’oblige pas à choisir entre mon emploi, ma famille ou ma foi. Vous n’avez pas offert de mutation à l’équipe de la Tour, même si nous avons discuté de cette possibilité, déplorable, lors de notre dernière discussion. Très clairement, le problème était que je ne méritais pas de mesures d’adaptation, et non que j’y avais droit et que je devais changer d’équipe en raison d’un préjudice indu. Vous avez dit que la seule suggestion qui était faite avait trait à la question de savoir si je voulais demander un congé non payé comme un congé pour les soins et l’éducation d’enfants. J’ai répondu que mes enfants doivent être nourris. J’ai également souligné que le fait d’être prêt à perdre complètement ma force de travail serait, étant donné les niveaux de ressources actuels, problématique dans toute analyse ultérieure du préjudice indu ou même dans un calcul des besoins opérationnels. J’ai demandé si vous m’offririez un poste de parajuriste, ce que je crains depuis que j’aie entendu dire que ceux qui ne peuvent pas s’adapter au modèle des heures ouvrables et qui ont besoin d’une marge de manœuvre se sont fait offrir cette option. Vous n’avez pas répondu.

Mes demandes officielles

A. J’ai dit n’avoir d’autre choix que de demander à travailler à l’équipe de la Tour, où la conciliation travail-vie personnelle est possible, malgré que j’aie aimé travailler avec vous et que j’aie fait un travail louable (en dépit de pressions difficiles). Depuis cette demande, une sorte de nouvelle équipe de coordination a été annoncée. Je crains qu’il s’agisse d’une équipe qui ne s’occupe pas du contentieux ou des marginaux de la filière parentale. J’espère que vous allez transmettre la demande de mutation, que je suis obligée de présenter pour éviter au moins l’humiliation de creuser personnellement ma propre tombe professionnelle.

B. J’ai demandé une décision écrite avec motifs, et j’ai demandé qu’elle soit prise immédiatement parce que la brève période de 30 jours a déjà commencé à s’écouler. Rien dans le présent processus ne s’est déroulé de la manière prescrite pour traiter les demandes de mesures d’adaptation, même pas sur le plan de la procédure. En tant que juriste, vous comprendrez l’importance des motifs écrits. Je vous ai dit que le préjudice que je subi sera aggravé si je n’obtiens pas de décision écrite avec motifs pendant que le bref délai passe. Je n’ai rien reçu de la « direction, des relations de travail ou de [nom supprimé] » jusqu’à maintenant, même si près de deux semaines se sont écoulées.

C. J’ai demandé que vous considériez toutes les conséquences de ce rejet et que vous vous y opposiez par écrit en votre qualité de superviseure directe. De toute évidence, il s’agit d’une injustice et même d’une appréciation opérationnelle inadéquate. Ce rejet a un effet paralysant sur les futures demandes de mesures d’adaptation (par rapport auxquelles l’employeur souscrivant au principe de l’égalité d’accès à l’emploi n’est pas censé avoir une attitude d’attentisme, mais il doit plutôt les ENCOURAGER). Je vous exhorte à ne pas jouer le rôle de complice.

D. Je vous ai dit que, selon moi, la décision est une autre manifestation de harcèlement de la part de l’employeur dans le cadre d’une longue série d’attaques et de représailles incessantes.

E. Je dois mentionner le traitement dévalorisant et géré dans le moindre détail que j’ai reçu de la nouvelle adjointe, qui, en votre absence, a semblé me mettre à part pour me ridiculiser et m’a envoyé inutilement plusieurs courriels inquiétants. Je suis perplexe devant ce traitement, car nous avons eu de très bons rapports et j’ai été heureuse de rester tard pour l’aider de toutes les façons possibles ou de collaborer lorsqu’elle avait besoin de soutien.

F. Je vais maintenant réitérer ma demande visant à ce que l’ancien espace de bureau, que j’ai perdu en raison d’un congé de maternité, me soit retourné. Il m’a été affecté en raison de mon ancienneté, qui s’accumule lors de congés de maternité. Dans ce milieu de travail, les enfants semblent faire reculer l’ancienneté des femmes. Je réitère également une demande de bureau adéquat (et non d’une table) et, jusqu’à ce que je récupère mon bureau, une cloison de bureau, pour me séparer de mes deux collègues masculins, car le manque d’intimité à l’emplacement de l’AHV nuit au bien-être des femmes. Il en va de même du bruit constant.

Les conséquences

Je tiens à mettre au clair ce que l'annulation de mon accord signifie pour l'avenir. La situation a déjà causé du tort à ma famille. En plus de devoir effectuer un travail assujetti à des contraintes de temps, je n’ai eu aucun temps pour me préparer. Je dois maintenant passer une partie de mon congé de mars à faire des plans de rechange pour la garde des enfants, le groupe de covoiturage, etc.

Le changement majeur que vous avez annoncé ne veut pas dire que je me réveille le matin et que je me rends tout simplement au travail. Pour le faire chaque semaine, de nombreux plans doivent être mis en place. Je suis en train de changer substantiellement beaucoup de choses qui ne peuvent pas facilement être défaites.

Depuis plus d’une décennie, je fournis à l’employeur une pièce sécuritaire, chauffée et ventilée et sans loyer 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ainsi que notamment des classeurs et une connexion Internet pour pouvoir bénéficier du privilège de faire deux jours de télétravail. Ma famille a été exclue de cet espace, dont j’ai grandement besoin. Comme je dois maintenir obtenir un service de transport d’enfants en garde, je devrai peut‑être convertir l’espace en une pièce d’habitation pour une aide familiale résidente. Une fois converti, l’espace ne peut être facilement restauré. On ne peut pas s’attendre à ce que je réserve cet espace dans l’espoir que l’employeur annulera en tout ou en partie son décret à un moment donné. Les deux premières semaines du préavis, déraisonnable, ont déjà passé.

Je ne peux pas maintenant indemniser la fournisseuse de services de transport d’enfants pour assurer des urgences de nuit en faisant la moyenne de ses heures de travail pendant mes jours de télétravail. Dorénavant, je ne pourrai pas à compter de 14 h 30 (après 7 heures devant le tribunal) apporter mon aide dans de nouvelles enquêtes sur le cautionnement qui durent jusqu’à 18 h.

Je devrai renégocier les heures de travail de nos bonnes d’enfants (et les retenues sur les talons de paye), ce qui aura un effet cascade sur leurs autres emplois et augmentera mes coûts élevés de garde d’enfants. Il n’est pas facile de modifier l’organisation de mon ménage, tout en faisant preuve d’équité envers eux. Je déteste devoir réaliser des entrevues d’embauche, donner de la formation, assurer une supervision et exposer mes enfants à une troisième gardienne autre que les parents. Ce n’est PAS bon pour leur bien-être.

Ce ne sont là que quelques exemples.

J’allume les bougies du shabbat depuis ma Bat Mitzvah à l’âge de 12 ans. Nous avons discuté de ce besoin religieux. Comme vous le savez, je pratique le judaïsme de façon traditionnelle; je prends congé à toutes les fêtes juives, mes enfants fréquentent l’école juive et je mange de manière cachère. Allumer des bougies est l’une des plus importantes obligations cérémonielles de la femme juive. Faire en sorte qu’il soit impossible ou plus difficile pour moi de respecter cette pratique religieuse cruciale avec ma famille est un affront à toute la communauté juive.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[74] Le 6 avril 2016, Mme Gruppuso a envoyé un courriel à la fonctionnaire, dont les passages pertinents sont les suivants :

[Traduction]

[…]

Vous vous souviendrez que nous nous sommes réunies le 3 mars 2016. Lors de cette réunion, je vous ai informée de ce qui suit :

a) votre demande ne répond pas aux critères des mesures d’adaptation fondées sur la situation de famille, suivant la politique du SPPC sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation;

b) votre entente de télétravail ne sera pas renouvelée, et, à compter du 4 avril, vous devriez être au bureau cinq jours par semaine.

Au cours de la même réunion, nous avons également discuté de ce qui suit :

c) votre horaire de travail de base est de 8 h 30 à 16 h 50;

d) l’horaire variable ou flexible n’a jamais été approuvé, de sorte que vous devriez travailler selon votre horaire de base à raison d’un minimum de 7,895 heures par jour (nombre d’heures obligatoire en cas d’horaire comprimé, qui comporte une journée de congé toutes les quatre semaines);

e) au moment de présenter une demande de congé, vous devez inscrire 7,895 heures, et non 7,5 heures, étant donné que vous avez un horaire comprimé.

À la fin de notre réunion, vous avez dit que vous vouliez une réponse écrite de la direction afin que vous puissiez envisager vos options à l’avenir.

De plus, vous vouliez obtenir des réponses aux questions suivantes :

a) Quel est le nombre maximal d’heures de travail?

b) Combien de congés de direction sont disponibles?

Vous avez envoyé le 15 mars 2016 un courriel dans lequel vous expliquiez ce qui s’est passé à notre réunion du 3 mars, ainsi qu’un second document, portant sur les refus de mesures d’adaptation. Veuillez trouver ci‑dessous des renseignements et des précisions supplémentaires sur les multiples questions soulevées dans vos courriels.

TÉLÉTRAVAIL ET MESURES D’ADAPTATION FONDÉES SUR LA SITUATION DE LA FAMILLE

On vous a transmis le 4 octobre 2015 une liste de questions sur la situation de famille pour obtenir des éclaircissements sur vos besoins fondés sur la situation de famille. Vous avez répondu le 18 novembre 2015, disant que vous aviez enfin formulé vos réponses, mais que vous ne saviez pas à qui elles étaient destinées. Vous avez dit que vous seriez ravie d’en discuter avec moi en personne.

Le 19 novembre 2015, vous m’avez communiqué par écrit vos « réponses en bref » aux questions sur la situation de famille et m’avez informée qu’elles étaient destinées à mon strict usage. Dans ce courriel de réponse, vous écrivez que trois de vos cinq enfants n’ont pas l’âge légal pour rester seuls à la maison et doivent être récupérés à l’école, à la suite d’activités et à d’autres moments, mais que vos déplacements vous en empêchent. Vous avez dit avoir, au coût de 75 000 $ par année, 1,5 bonne d’enfants, qui travaillent 7 jours sur 7. Vous mentionnez que votre époux n’est souvent pas disponible pour apporter son aide. Vous avez ajouté être la seule juriste ayant cinq enfants du SPPC. Dans ce courriel, vous dites être également aidante naturelle pour votre mère et une grand-mère et que la demande de mesures d’adaptation est fondée sur des responsabilités en matière de garde d’enfants, sur des motifs liés aux soins à des aînés, à la religion et à vos propres besoins en santé.

Le 2 décembre 2015, vous avez transmis un document de trois pages décrivant à compter de janvier 2014 le contexte de vos mesures d’adaptation. Vous avez été très précise au sujet de vos besoins « d’éduquer les enfants », qui, selon votre affirmation, sont complètement différents des soins aux enfants, de la garde de jour ou du gardiennage. Vous n’avez pas donné plus de détails sur vos réponses aux questions sur la situation de famille.

J’ai par ailleurs examiné la lettre d’août 2015 du Dr Wise, qui décrit votre besoin depuis la venue de votre cinquième enfant, en janvier 2013, ainsi qu’une lettre du Sick Kids Hospital datée du 29 septembre 2015. La lettre du Sick Kids Hospital demande une marge de manœuvre sous la forme d’un départ anticipé du bureau les jours où vous avez pris rendez‑vous avec votre enfant dans un programme de consultation externe.

Selon les renseignements que vous avez fournis, il semble que les obligations en matière de soins à vos cinq enfants ont été remplies grâce à des solutions de rechange, en particulier l’emploi de bonnes d’enfants sept jours sur sept, les soirs et les fins de semaine. Veuillez noter qu’une demande de mesures d’adaptation fondée sur la situation de famille ne peut pas être approuvée uniquement en fonction du nombre d’enfants que vous avez. D’après les renseignements que vous avez fournis, tout porte à croire que vous avez concilié les obligations familiales et les obligations professionnelles. L’employeur en est arrivé à la conclusion que vos réponses aux questions initiales sur la situation de famille n’ont pas, après considération, rempli les critères relatifs aux demandes de mesures d’adaptation fondées sur la situation de famille.

Cela dit, afin de s’assurer que l’employeur a reçu toute l’information pertinente relative à vos besoins, une seconde série de questions sur la situation de famille vous a été posées le 16 décembre 2015. Ces questions visaient à obtenir de plus amples renseignements sur vos besoins fondés sur la situation de famille et, en particulier, concernant [problèmes de santé de l’enfant caviardés] de votre enfant.

– Les parents donnent eux‑mêmes tout soutien requis en ergothérapie.

– Les services de deux tuteurs à domicile ont été retenus pour aider un enfant ayant des difficultés d’apprentissage.

– À la suite d’une évaluation [type d’évaluation caviardé], un conseiller pédagogique a été embauché. Par conséquent, des changements d’école ont dû être examinés.

– Le médecin qui a effectué l’évaluation de l’enfant a formulé des recommandations, clarifié un diagnostic et aidé la famille à planifier l’avenir.

– Le même enfant doit aller plus fréquemment chez le dentiste, le parodontiste ou l’orthodontiste que ce qui est normalement requis.

À la lumière de l’information en question, la direction a demandé d’autres éclaircissements sur les besoins liés à cet enfant en posant les questions suivantes :

1) Quel est le besoin exactement?

2) Quels efforts ont été faits pour atténuer le besoin de mesures d’adaptation?

3) Que peut raisonnablement faire le SPPC pour vous maintenant?

4) Pendant combien de temps est-il prévu que les mesures d’adaptation seront nécessaires? Quand pensez-vous trouver une solution non liée au travail pour votre besoin?

5) D’autres solutions ont-elles été envisagées?

6) Quel est le plan de traitement en place pour l’enfant ayant des difficultés? Quelle est la fréquence des traitements? Quelle est leur intensité (p. ex. en ergothérapie et en soins dentaires)?

Vous avez répondu aux questions le 2 février 2016. Toutefois, vos réponses n’ont fourni aucun détail précis sur les besoins actuels de cet enfant en particulier, surtout en ce qui a trait aux besoins médicaux, à la fréquence des rendez‑vous et au traitement. De plus, il n’a pas été précisé si l’enfant est d’âge scolaire.

[…]

MESURES D’ADAPTATION POUR DES MOTIFS RELIGIEUX

Dans vos courriels du 19 novembre 2015 et du 2 février 2016, vous avez mentionné votre besoin de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Dans votre dernière communication, il est déclaré que vous êtes une juive pratiquante qui prend part au souper du shabbat, dont les enfants fréquentent l’école hébraïque orthodoxe (pour laquelle aucun service de transport en autobus n’est offert) et qui vit dans le tronçon Bathurst, près de membres de la famille, d’amis et d’épiciers cachers.

L’employeur doit prendre raisonnablement des mesures d’adaptation pour tenir compte des convictions, des croyances et des pratiques religieuses et de la liberté de culte de l’employé, à moins que cela ne cause un préjudice indu à la façon dont l’employeur mène ses activités.

Sachez que vous devez expliquer clairement pourquoi vous avez besoin de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Dans cette optique, pourriez‑vous s’il vous plaît préciser la croyance qui doit faire l’objet de mesures d’adaptation et les mesures d’adaptation particulières dont vous avez besoin?

MESURES D’ADAPTATION POUR DES MOTIFS LIÉS AUX SOINS À DES AÎNÉS

Dans votre courriel du 19 novembre 2015, vous dites être une aidante naturelle pour votre mère et une grand-mère. De plus, à la section I de votre courriel daté du 15 mars 2016 (11 h 32), vous avez déclaré avoir besoin de mesures d’adaptation fondées sur la situation de famille en raison de soins à des aînés. Afin de prendre en considération votre demande et d’évaluer votre besoin, il vous est demandé de communiquer des renseignements sur votre situation particulière sous la forme de réponses aux questions suivantes :

· Qui est l’aidant naturel du ou des membres de la famille?

· Quel est l’état de santé du membre de la famille? (Y a-t-il des besoins particuliers à prendre en considération?)

· Quelle est l’ampleur des soins requis?

· Quels services sociaux sont offerts?

· Quelles sont les activités quotidiennes du membre de la famille (p. ex. renseignements sur les visites à l’hôpital du membre de la famille)?

· Quelles sont les solutions de rechange qui s’offrent à l’employée pour agir comme aidante naturelle?

· Quelles mesures l’employée a-t-elle prises pour résoudre le conflit entre son travail et sa vie familiale, si de telles mesures sont offertes?

· Quelle est l’incidence sur l’employée de son statut d’aidant naturel?

· Les obligations de l’employée sont-elles contraignantes au point qu’elles l’empêchent d’assurer un juste équilibre avec ses obligations familiales?

BESOINS MÉDICAUX

Dans votre courriel du 19 novembre 2015 et à la section I de votre courriel du 15 mars 2016 (11 h 32), vous avez également mentionné avoir besoin de mesures d’adaptation pour des motifs liés à votre propre état de santé. Je vous inviterais à transmettre des documents médicaux pertinents de votre médecin traitant qui décrivent les limitations fonctionnelles médicales ou les mesures médicales préventives dans votre cas.

HORAIRE COMPRIMÉ OU VARIABLE

L’employeur a autorisé votre participation à un régime de travail à horaire comprimé ou variable. Un mémoire d’entente antérieur a été signé et a été en vigueur du 6 janvier 2014 au 5 janvier 2015. L’entente précisait les heures de travail comme allant de 9 h à 17 h 25 et prévoyait une pause‑repas non rémunérée de 30 minutes. Il était entendu et prévu dans l’entente que le nombre minimum total d’heures par semaine devait être respecté. Je souligne que l’entente est actuellement expirée.

Comme il a été discuté à notre réunion, votre horaire de base est de 8 h 30 à 16 h 50. Par conséquent, vous devez travailler pendant au moins 7,895 heures par jour, du lundi au vendredi (nombre d’heures obligatoire en cas d’horaire comprimé, qui comporte une journée de congé toutes les quatre semaines).

Je crois comprendre que l’entente visant à maintenir l’horaire comprimé devra être officialisée ou renouvelée au moyen des formulaires appropriés […] et du mémoire d’entente.

HORAIRE FLEXIBLE

À ce jour, nous n’avons pas encore signé de régime de travail de rechange officiel permettant un horaire flexible. Les dispositions de la convention collective permettent une conciliation entre le travail et la vie personnelle. La clause 13.01 énonce ce qui suit :

[Les alinéas 13.01a), b), c), i) et j) sont énoncés.]

L’employeur reconnaît la souplesse permise par l’alinéa 13.01b), mais j’ai noté certaines préoccupations relativement à votre comptabilisation du temps. Il y a plusieurs exemples dans vos rapports d’emploi du temps où il semble que vous n’ayez pas effectué le nombre d’heures de base. Par exemple, le vendredi 31 juillet 2015, seulement 3,5 heures de travail ont été consignées. Le vendredi 7 août 2015, seulement 4 heures de travail ont été consignées. Le 20 novembre 2015, seulement 1,5 heure de travail a été consignée. Le jeudi 21 janvier 2016, vous avez inscrit seulement 1,5 heure en temps comptabilisé. Ce sont quelques exemples de journées qui devaient être des jours de télétravail où le nombre minimum d’heures n’a pas été effectué et où il ne semble pas qu’un congé ait été consigné pour ces dates.

NOMBRE MAXIMAL D’HEURES DE TRAVAIL

En ce qui concerne votre question sur le nombre maximal d’heures de travail, comme il a été discuté à notre réunion du 3 mars 2016, je ne suis pas au courant d’un nombre maximum précis d’heures pendant lesquelles les employés sont censés travailler.

CONGÉ DE DIRECTION

En ce qui concerne vos questions sur les congés de direction, ce qui suit est tiré du paragraphe 13.02 de la convention collective. L’extrait précise que le gestionnaire délégué peut approuver cinq jours de congé de direction et que, dans des circonstances exceptionnelles, l’administrateur général peut approuver un plus grand nombre de congés avec la recommandation du gestionnaire délégué.

[Les alinéas 13.02e) et f) sont énoncés.]

HARCÈLEMENT ET DISCRIMINATION

J’aimerais attirer votre attention sur la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement du Conseil du Trésor. J’ai ajouté le lien pour votre commodité.

[Le lien Internet est inscrit.]

L’employeur prend très au sérieux les allégations de harcèlement et de discrimination. Relativement aux questions soulevées, je vous invite à fournir des détails afin que nous puissions tenter de dissiper vos préoccupations particulières.

[…]

DEMANDE DE CHANGEMENT D’ÉQUIPE

Veuillez prendre note que, après examen de votre demande du 15 mars 2016, la direction n’est pas prête à approuver votre demande de mutation à une autre équipe.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[75] Le grief a été signifié à Mme Gruppuso le 6 avril 2016.

[76] En 2015-2016, il y a eu un total de 1 867,5 heures de travail normales, selon une semaine de travail de 37,5 heures, compte tenu des jours fériés et de toutes les semaines disponibles allant du lundi au vendredi à raison de jours de travail de 7,5 heures, mais sans compter les samedis et dimanches. Si la fonctionnaire (ou tout autre juriste du SPPC) avait effectué toutes les heures de travail et n’avait pris aucun congé, sauf les jours fériés, les samedis et dimanches, elle aurait travaillé pendant 1 867,5 heures. Si le mois de décembre est exclu, le résultat est 1 717,5 heures de travail.

[77] Selon les dossiers de comptabilisation du temps et le registre des congés de la fonctionnaire, elle a inscrit 1 903 heures (sans compter décembre 2015) en 2015‑2016. Toutefois, une analyse des registres des congés pour la même période a permis de révéler qu’elle avait consigné ses congés dans iCase. Par exemple, selon le dossier iCase pour juin 2015, il y a eu 22 jours ouvrables (du lundi au vendredi) ce mois‑là, pour un total possible de 165 heures de travail. D’après le dossier iCase de la fonctionnaire, elle a comptabilisé 165,08 heures. Parmi ces heures, du temps a été inscrit pour quatre jours marqués à la main de la lettre « S » et pour deux autres jours marqués à la main de la lettre « V ». Les registres des congés de la fonctionnaire pour 2015-2016 montrent qu’elle a demandé et reçu des congés de maladie payés pour les jours marqués de la lettre « S » et qu’elle a demandé et reçu des congés annuels pour les jours marqués de la lettre « V ». Pour 2 jours, les 26 et 30 juin, 0,25 heure et 0,50 heure respectivement ont été comptabilisées, et la lettre « C » est écrite à la main. En soustrayant le temps comptabilisé pour les jours marqués des lettres « S » et « V », mais en incluant 0,75 heure pour les 26 et 30 juin, la fonctionnaire a effectué un total de 117 heures de travail comptabilisées.

[78] D’après les dossiers déposés en preuve, le temps réel comptabilisé pour tout l’exercice, moins le temps pris pour des congés quelconques consignés, était de 1 521,165 heures sur une possibilité de 1 717,5 heures de travail, à l’exclusion de décembre.

[79] Une lettre du 26 avril 2016 de Venessa Hurst, de One Remediation Services, qui est identifiée dans la lettre comme spécialiste de l’enseignement direct et directrice de cette organisation, a été déposée en preuve. La lettre indique qu’elle travaille en étroite collaboration avec la fonctionnaire depuis un certain nombre d’années relativement à l’enfant reconnu dans la présente décision comme ayant de nombreux problèmes de santé. Elle parle de la participation active de la fonctionnaire à l’égard de la santé, des soins et de l’éducation de l’enfant et la désigne comme la cheffe d’équipe qui coordonne tout ce qui doit être fait. Elle affirme que la fonctionnaire a joué un rôle déterminant dans la gestion du traitement et des mesures nécessaires.

[80] Les qualifications particulières de Mme Hurst n’ont pas été précisées, et elle n’a pas témoigné.

[81] Dans son témoignage en interrogatoire principal, la fonctionnaire a déclaré être tombée malade pendant l’été, après la fin de son télétravail. Elle a dit s’être absentée du travail pendant quatre à six semaines. Elle a affirmé que le [traduction] « médecin avait en quelque sorte prescrit » son congé et a ajouté ressentir les symptômes suivants :

· épuisement;

· stress;

· dépression;

· anxiété;

· perte de cheveux.

 

[82] Il a été demandé à la fonctionnaire ce qui, à son avis, a contribué au stress et à l’anxiété. Elle a parlé du fait que la relation avec sa gestionnaire s’était détériorée – elle [traduction] « pensait que sa gestionnaire ne lui parlait pas » –; de l’épuisement physique lié aux déplacements supplémentaires; des heures de travail excédentaires (plus de 400 heures excédentaires sur une année); du fait qu’une journée de préparation n’était pas suffisante; et du désaccord prolongé avec son employeur. Elle avait l’impression que l’employeur [traduction] « resserrait l’étau ».

[83] La réponse au grief au premier palier datée du 31 mai 2016, que Mme Gruppuso a signée et envoyée à la fonctionnaire, a été déposée en preuve. Voici les passages pertinents de la réponse :

[Traduction]

[…]

Vous dites avoir besoin, comme mesure d’adaptation, de deux jours de télétravail, les jeudis et les vendredis, pour les raisons suivantes :

1) Religion

2) Besoin médicaux

3) Situation de famille – Soins à des aînés

4) Situation de famille – Éducation d’enfants

Mesures d’adaptation pour des motifs religieux

[…] Vous avez demandé le télétravail les vendredis afin de préparer votre cérémonie du vendredi soir et parce le fait de regarder l’heure et de craindre de ne pas arriver à temps au domicile a des conséquences sur votre santé.

Sachez que l’employeur est prêt à respecter vos observances les vendredis soirs, bien qu’il ne soit pas disposé à approuver un régime de télétravail à la suite de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Il est prêt à vous accorder, dans la mesure du possible, une certaine souplesse dans vos heures de travail les vendredis après‑midis afin que vous ayez le temps de vous déplacer et d’être au domicile une heure avant le coucher du soleil. La volonté de l’employeur d’accorder de la marge de manœuvre sera assujettie aux considérations relatives à l’établissement de l’horaire des juges présidant les procès qui s’étendent jusqu’au vendredi. L’employeur reconnaît également que cette mesure d’adaptation pourrait être davantage nécessaire pendant les mois d’hiver, quand le soleil se couche plus tôt.

Mesures d’adaptation pour des besoins médicaux

Vous avez précisé que votre demande de deux jours de télétravail est aussi fondée sur vos propres besoins médicaux. Vous affirmez avoir des problèmes d’insomnie, de stress et de perte de cheveux, des douleurs thoraciques et d’autres problèmes de santé en raison du stress continu associé au surmenage et au refus du télétravail qui était en vigueur. Vous avez également mentionné que les quatre (4) heures supplémentaires de déplacement par semaine ont eu leurs propres effets. Vous avez fait référence à la note du 20 août du Dr Wise (pédiatre de vos enfants) à l’appui du maintien du télétravail. Vous dites que le Dr Wise traite toute la famille. Cependant, vous avez fait remarquer qu’il ne traite plus votre enfant de dix‑huit (18) ans en raison de son âge. Vous avez déclaré ne pas avoir le temps de consulter votre propre médecin, ne l’ayant vu qu’une ou deux fois au cours de la dernière année. Pour que votre demande soit considérée aux fins de la prise de mesures d’adaptation, je vous invite à transmettre les documents médicaux pertinents de votre propre médecin traitant, qui décrivent toutes les limitations fonctionnelles médicales à prendre en considération. À leur réception, l’employeur examinera la lettre afin de mieux déterminer vos besoins en matière de mesures d’adaptation.

[…]

Situation de famille – Éducation d’enfants

Vous croyez avoir satisfait aux critères d’approbation de mesures d’adaptation fondées sur la situation de famille compte tenu des cinq enfants [âges supprimés] dont vous avez la garde. Vous dites être essentiellement une mère seule, car votre époux a un travail très exigeant et vos bonnes d’enfants ne peuvent pas assumer toutes les responsabilités.

[…]

Au cours de l’audition du grief, vous avez mentionné être allée à plus de cinquante (50) rendez‑vous dentaires par année et que d’autres soins orthodontiques sont prévus pour vos enfants. Depuis l’audition du grief, vous avez transmis chacune des réclamations que vous avez présentées à la Great‑West, compagnie d’assurance-vie dans lesquelles est noté chacun de vos rendez‑vous des dernières années. D’après les réclamations, vingt (20) rendez‑vous ont été prévus du 16 avril 2015 au 19 avril 2016. Il semble par ailleurs qu’environ 11 des 20 rendez‑vous aient été fixés un jour autre qu’un jeudi ou un vendredi. Il semble également que quatre (4) rendez‑vous étaient pour vous ou votre époux, parmi les noms qui n’ont pas été vérifiés à partir du document.

L’employeur a demandé en outre une liste des rendez‑vous dentaires et d’autres rendez‑vous prévus à venir de façon à ce qu’il puisse vous offrir une certaine souplesse pour aller aux rendez‑vous requis.

[…]

Vous avez en effet conclu un régime de travail de rechange officiel vous permettant de travailler selon un horaire comprimé. Il précise que vos heures de travail sont de 8 h 30 à 16 h 50 (7,985 heures par jour) chaque jour de semaine et prévoit une journée de congé toutes les quatre semaines. La section 4.1.3.2 du Protocole national de comptabilisation du temps du SPPC, qui porte sur la semaine de travail comprimée, prévoit que les personnes qui comptabilisent le temps lié à une semaine de travail comprimée doivent ajuster la saisie de congé selon leurs heures de travail prescrites. Elle ajoute qu’aucun temps ne doit être comptabilisé pour un jour de congé qui découle d’un horaire comprimé et que la personne qui comptabilise son temps et qui a un horaire de travail comprimé est tenue de compenser la différence entre 7,5 heures et son horaire comprimé normal, soit en faisant des heures de travail additionnelles, soit en se prévalant de son droit aux congés payés. Dans nos discussions sur ce sujet précis, je m’attendais à ce que vous ajustiez la saisie de vos congés pour compenser la différence de temps. Vous n’avez jamais demandé à l’avance de compenser ce temps en faisant des heures additionnelles, d’autant plus que vous cherchez à régler certains problèmes de conciliation travail-vie personnelle.

[…]

Sur le plan opérationnel, j’aimerais vous inscrire de nouveau au rôle des procès et que vous accomplissiez toutes les fonctions de votre poste. L’équipe de Toronto est une équipe du contentieux qui s’occupe d’affaires à la fois à la Cour provinciale et à la Cour supérieure. À la Cour provinciale, les affaires peuvent être mises au rôle pour qu’elles soient instruites devant un tribunal en fonction d’une « liste » ou pour qu’elles soient instruites en tant qu’affaires « spéciales » sur plusieurs jours au cours d’une semaine donnée ou de plusieurs semaines. À la Cour supérieure, les affaires peuvent être instruites avec ou sans jury et peuvent durer une semaine ou plusieurs semaines consécutives. Vu l’entente qui prévoit du télétravail tous les jeudis et les vendredis, j’ai été limitée dans ce que j’ai pu vu assigner, et je n’ai pas été en mesure de vous affecter à un procès à la Cour supérieure.

[…]

 

[84] Une lettre du 12 juillet 2016 de Mme Gruppuso à l’intention de la fonctionnaire a été déposée en preuve. En voici les passages pertinents :

[Traduction]

[…]

Le 10 juin 2016, vous avez envoyé un courriel auquel deux certificats médicaux étaient joints. Dans votre courriel, vous donniez avis que vous prendriez un congé de maladie d’un mois. La première note jointe de la Dre Alisa Naiman indiquait qu’il vous était conseillé de prendre un congé de maladie à compter du 20 juin 2016. La note indiquait également que votre état de santé serait réévalué à la mi‑juillet pour déterminer la date de retour au travail. La deuxième note de la Dre Alisa Naiman appuyait votre demande d’un bureau assis‑debout.

Par la suite, vous avez fourni une note du médecin (daté du 7 juillet 2016) à Mathieu Delorme. Cette note a été transmise à mon attention et indique que la Dre Naiman vous a conseillé de ne pas travailler en raison de problèmes physiques et d’autres problèmes de santé continus. Elle indiquait également que vous profiteriez grandement du travail flexible, d’au moins deux jours de télétravail et d’une réduction des heures supplémentaires.

Le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) s’engage à aider les employés à demeurer en santé et à se remettre d’une maladie ou d’une blessure lorsqu’elle survient et respecte les principes énoncés dans les politiques de l’Association médicale canadienne concernant le rôle du médecin à l’appui des employés malades ou blessés. Nous nous efforçons de permettre aux employés de demeurer au travail en tenant compte de leurs besoins ou de retourner au travail dès qu’il est médicalement possible de le faire afin de faciliter leur rétablissement et de faire en sorte qu’ils conservent leur lien avec leur milieu de travail.

Votre rôle et votre responsabilité en tant qu’employée consistent à fournir, en temps opportun, des renseignements pertinents de votre médecin traitant pour aider à déterminer vos capacités, vos limitations fonctionnelles et vos restrictions. Cela nous permettra de vous offrir un milieu de travail sécuritaire et productif qui répond à vos besoins médicaux particuliers.

À l’heure actuelle, la direction demande des renseignements supplémentaires de la Dre Alisa Naiman. Nous vous demandons de lui remettre les documents ci-joints pour qu’elle puisse les remplir et fournir un rapport à jour sur votre état de santé. La direction a demandé que ces documents soient remplis afin d’obtenir des éclaircissements sur l’étendue de votre congé de maladie et des renseignements sur toute limitation qui pourrait avoir une incidence sur vos tâches une fois que vous retournerez au travail.

[…]

 

[85] Deux notes de la Dre Alisa Naiman ont été déposées en preuve. En voici des extraits :

[Traduction]

[Note datée du 7 juillet 2016 :]

[…]

Il a été conseillé à Mme Tarek‑Akeminker de ne pas travailler en raison de problèmes physiques et d’autres problèmes de santé continus. Mme Tarek‑Akaminker bénéficie grandement du travail flexible, d’au moins deux jours de télétravail et d’une réduction des heures supplémentaires.

[…]

[Note datée du 13 juillet 2016 :]

[…]

Mme Tarek‑Akeminker a obtenu l’autorisation de retourner au travail à compter du 25 juillet 2016.

[…]

 

[86] Le dossier de preuve contient la deuxième page d’un formulaire qui, selon la fonctionnaire, a été signée par la Dre Naiman, vraisemblablement le 8 août 2016 (la « note du 8 août »). La page semble faire partie d’un formulaire d’aptitude au travail du CT lié aux évaluations du milieu de travail demandées par un employeur. La partie supérieure, qui figure au dossier de preuve, commence par une case marquée de la lettre « B » et porte sur les capacités non physiques reliées à la tâche. Elle contient trois cases qui portent sur les exigences en matière d’horaire de travail, les exigences sociales ou émotionnelles et les exigences cognitives ou mentales. Chacune de ces cases renferme de 10 à 16 exigences, ainsi qu’une case où il faut répondre par oui ou par non à une question sur l’exigence. Dans la partie inférieure de la case B, où figurent les exigences établies, un espace est prévu pour la signature du superviseur et la date. J’ai déjà vu ces formulaires, et la partie manquante est celle que le superviseur remplit. Certaines cases de cette section ont été cochées, mais l’espace réservé à la signature et à la date est vide, bien que la case B semble remplie. Rien n’indique que l’employeur a remis un formulaire rempli à la fonctionnaire pour qu’elle le transmette à la Dre Naiman.

[87] Sous la case B, se trouve la section C, sur les limitations et les restrictions, qui doit être remplie par le médecin traitant ou le professionnel des soins de santé. Voici ce que la Dre Naiman y a inscrit :

[Traduction]

[…]

1) Préciser les limitations ou les restrictions de travail indiquées à la section B (p. ex. la fréquence des mouvements et heures de travail)

– Difficulté à demeurer en position assise de manière prolongée sans prendre de pause.

– Nécessité que la moyenne du temps de travail soit d’environ 39,5 heures [texte flou].

Il est possible de faire des heures supplémentaires à l’occasion, mais [texte imprécis] la souplesse dans la semaine de travail [texte flou].

Il est recommandé de réduire de quelques heures le temps de déplacement (en raison de plusieurs heures de route de déplacement, le télétravail est recommandé). Par exemple, elle peut travailler pendant 66 heures par semaine, mais il faut changer au cours des semaines suivantes [texte flou] à [texte flou] 39,5 heures par semaine.

* Capacité d’exercer des fonctions judiciaires à titre d’avocate, lorsque le tribunal [texte flou].

2) Préciser les éventuelles restrictions attribuables aux médicaments qui pourraient nuire à la sécurité de l’employé ou de ses collègues pendant la réalisation des tâches indiquées à la section B.

Sans objet

Évaluation du médecin – Ne pas mentionner de diagnostic (à remplir par un médecin seulement)

(Veuillez vous reporter aux formulaires fournis.)

Veuillez vous reporter à ma lettre datée du 7 juillet 2016.

[…]

[Souligné dans l’original.]

 

[88] Au bas de la section C, la Dre Naiman a écrit que la fonctionnaire était apte à travailler, sous réserve de limitations et de restrictions, mais a été incapable de préciser à quel moment la fonctionnaire serait capable de s’acquitter de ses fonctions normales.

[89] Une lettre datée du 29 août 2016 de Mme Gruppuso à la fonctionnaire a été déposée en preuve. Elle faisait état d’une note (présumément la note du 8 août) du médecin de la fonctionnaire qui avait été fourni à un conseiller principal en RT du SPPC. La lettre indiquait que la note avait été transmise à Mme Gruppuso et à M. Andreopoulos le 15 août 2016. En réponse à la note, Mme Gruppuso a cherché à obtenir des réponses aux questions suivantes :

[Traduction]

  • a) Qu’est-ce qui, dans vos fonctions essentielles, vous cause des difficultés en raison d’un problème de santé?

b) À quelle fréquence devez-vous prendre des pauses ou vous étirer pendant la journée de travail?

 

[90] Une chaîne de courriels a été déposée en preuve. Le premier, daté du 22 mars 2017, à 18 h 53, provient de la fonctionnaire et est adressé à Mme Gruppuso, que cette dernière a transmis à M. Andreopoulos le même jour. Ce dernier a répondu à Mme Gruppuso le 23 mars 2017, à 10 h 24. Les passages pertinents de la chaîne de courriels sont les suivants :

[Traduction]

[La fonctionnaire à Mme Gruppuso, 22 mars 2017, à 18 h 53 :]

Tom m’a demandé de vous consulter lorsque mes heures sont excédentaires. La charge de travail excédentaire et constante (non seulement pour moi, mais aussi pour la plupart des collègues de l’AHV) se passe habituellement de commentaires, mais, comme vous êtes absente, j’ai pensé à relever les occurrences précises et supplémentaires suivantes.

· Mon audience a duré jusqu’à 17 h 25 le vendredi 16 mars 2017. C’était particulièrement stressant parce que je devais allumer les bougies du shabbat et préparer le souper à cette occasion.

· Comme j’ai été affectée le même jour à une audience lundi, mais que j’étais au tribunal sans interruption, il a fallu faire du travail de préparation supplémentaire pendant la fin de semaine. La préparation a été particulièrement difficile, car je n’ai pas de gardienne la fin de semaine.

· Hier encore, j’étais dans les salles 112, 121, 123 et 112 pour plusieurs audiences. Je n’ai eu absolument aucune pause. Encore une fois, ma dernière audience s’est terminée à 17 h 25, sans que j’aie eu la possibilité de faire des appels concernant la garde des enfants. À 17 h 47, je me suis précipitée dans un taxi, tout en prenant des dispositions d’urgence pour la garde de mes enfants et des trois enfants du groupe de covoiturage, que je devais conduire chez eux après la réception (ratée) entre 17 h 30 et 18 h 30, que j’avais organisée en ma qualité de gérante de l’équipe de basketball. Je suis arrivée à la fin du banquet de remise des prix, où d’autres participants avaient dû prendre la relève.

· Je prévois davantage de travail additionnel, d’une part, à l’approche de mon congé de la Pessah, car le procès devant jury de la Cour supérieure de justice, le premier du genre dont j’ai à m’occuper depuis plusieurs années, doit bientôt commencer, peu après mon retour, et, d’autre part, en raison de ma participation à titre spécial à un projet en collaboration avec mes collègues et à leur demande, si vous l’autorisez (je demeure disposée à le faire).

[…]

À cette fin, j’ai demandé des éclaircissements au sujet d’examens médicaux supplémentaires dont vous pourriez avoir encore besoin ou non, suivant votre lettre, pour aller de l’avant compte tenu de la prescription de l’été de la Dre Naiman. Vous avez transmis la demande de renseignements à Tom afin d’obtenir une réponse, mais je n’ai reçu aucune demande. Je présume donc que je n’ai rien d’autre à ajouter. Conformément à l’évaluation fonctionnelle de l’été de la Dre Naiman et à ma convention collective en vigueur, je demande toujours, entre autres choses, à ce que mes affectations n’exigent pas que je travaille plus de 37,5 heures sur toute période de 4 semaines. Comme je dois être au centre-ville du lundi au vendredi, cela signifie qu’on ne devrait pas me demander de faire quelque travail que ce soit la fin de semaine. Cela ne signifie pas nécessairement des affectations de moindre qualité, mais, plutôt, une charge de travail moins grande, davantage de prévisibilité, un frein à l’épuisement professionnel, aucune tâche administrative, plus de temps de préparation, d’empêcher que de multiples volets se chevauchent constamment, ainsi que de respecter les éléments exposés par la Dre Naiman.

[…]

[Mme Gruppuso à M. Andreopoulos, 22 mars, à 19 h 20 :]

[…]

Veuillez prendre connaissance des commentaires et des demandes d’Anjie ci-dessous. Le courriel que je lui ai envoyé contenait une simple demande de renseignements, et voici sa réponse.

Ce flot constant de courriels de sa part est inacceptable. Nous devons discuter et trouver une solution lorsque je serai de retour au bureau, en avril.

[…]

[M. Andreopoulos à Mme Gruppuso, 23 mars, à 10 h 24 :]

[…]

Je ne comprends pas comment elle a eu l’impression que je devais régler un dossier en suspens. Je n’ai eu aucune communication avec elle. Je ne sais pas d’où vient le commentaire « Tom m’a demandé de vous consulter lorsque mes heures sont excédentaires » ou pourquoi elle croit, et a conclu, que je donnerai suite à la demande de renseignements médicaux supplémentaires. Je n’ai pas participé à cette conversation.

Nous devons nous mettre sur la même longueur d’onde et nous assurer que le message demeure cohérent et adapté aux problèmes qui se posent.

Vous deviez lui envoyer une réponse au courriel concernant son rapport médical, ce qui n’avait rien à voir avec son évaluation en ergonomie, mais avec la limitation médicale du nombre d’heures qu’elle aurait dû faire et qui étaient censées être gérées.

[…]

 

[91] La chaîne de courriels des 22 et 23 mars 2017 a été montrée à la fonctionnaire. Il lui a été demandé si quelqu’un de la direction lui avait dit que ses communications étaient semblables à un flot constant. Elle a répondu : [traduction] « Non. » Elle a ensuite déclaré avoir toujours pris le soin d’être polie et ne pas vouloir être perçue comme faisant du harcèlement. La fonctionnaire a ajouté que personne ne lui a jamais dit d’arrêter d’envoyer des courriels.

[92] Le dossier de preuve contient un courriel du 31 mars 2017 à 16 h 12 de la fonctionnaire à l’intention de Mme Gruppuso et de M. Pistyner. En voici les passages pertinents :

[Traduction]

Veuillez accepter la présente demande de congé de direction pour le nombre maximal d’heures permis.

Vous trouverez ci-joint 12 feuilles de temps pour 2016-2017 (avril 2016 à mars 2017 inclusivement).

Au cours du présent exercice, j’ai travaillé pendant un total d’environ 463,92 heures excédentaires. Ces heures représentent environ 62 jours de travail, en plus des congés.

Il n’y a pas eu de mois où je n’ai pas effectué d’heures excédentaires.

Il n’y a pas eu de mois, sauf juin, mois au cours duquel j’ai entamé un congé de maladie de plus de quatre semaines prescrit par le médecin, où je n’ai pas travaillé la fin de semaine.

Le congé de maladie était directement lié aux heures excédentaires chroniques, qui continuent de nuire à mon bien-être, selon le rapport sur les limitations fonctionnelles de mon médecin (qui demande un bureau assis‑debout, des heures de travail moyennes de 37,5 heures par semaine et du télétravail), et aux demandes parallèles refusées de mesures d’adaptation (de télétravail, de télétravail provisoire, de changement d’équipe, etc.).

[…]

Au total, plus de 2 347,93 heures « de type Bay Street » ont été comptabilisées, y compris les congés. Ce nombre aurait dû avoisiner 1 884 heures, y compris les congés.

[…]

 

[93] Les feuilles de temps dont la fonctionnaire a parlé dans le courriel du 31 mars 2017, à 16 h 12, n’ont pas été produites en preuve à l’audience.

[94] Le dossier de preuve contient un courriel, daté du 3 avril 2017, à 12 h 44, envoyé par la fonctionnaire à l’intention de Mme Gruppuso, auquel est joint un courriel envoyé le 2 avril 2017, à 12 h 32, par une agence appelée Family Matters Caregivers Inc. En voici les passages pertinents :

[Traduction]

[…]

Bonjour,

Il sera pratiquement impossible de trouver une bonne d’enfants externe qui conduit pour commencer à 7 h. Si vous voulez que quelqu’un commence à 7 h, vous devez embaucher une personne résidente. Elle devra ensuite suivre des cours de conduite une fois à domicile. La plupart des bonnes d’enfants externes ne commenceront pas avant 8 h.

[…]

 

[95] Mme Gruppuso a transmis le courriel du 3 avril 2017 de la fonctionnaire à M. Andreopoulos le même jour, à 16 h 21, ajoutant ceci :

 

[Traduction]

[…]

Je viens de recevoir ce courriel cet après‑midi. Je n’ai pas répondu. Les problèmes qu’Anjie continue de soulever doivent être portés à votre attention, car elle semble préparer le terrain en vue d’un grief, d’une poursuite ou d’une autre action.

Je ne sais pas ce que je peux faire de plus pour régler les problèmes qu’Anjie a soulevés. J’ai essayé de répondre à ses besoins au sein de l’équipe de Toronto notamment en lui attribuant moins de dossiers que tout autre membre de l’équipe, mais en lui accordant le même nombre de jours de préparation; en lui donnant moins de jours de procès à l’Ancien hôtel de ville et un seul procès à la Cour supérieure de justice; et en l’assignant aux audiences des remises, où il faut moins de préparation, etc. Cela ne semble toutefois pas suffisant. J’aimerais discuter de son départ de l’équipe de Toronto, qui ne semble pas lui convenir dans sa situation actuelle ou permanente.

[…]

 

[96] En contre-interrogatoire, il a été porté à l’attention de la fonctionnaire que Mme Gruppuso lui avait affecté moins de dossiers que ses collègues et moins de temps au tribunal et qu’elle avait réduit sa charge de travail comparativement aux autres membres de l’équipe de l’AHV. À la question de savoir si elle était en accord avec ce qui précède, la fonctionnaire a répondu être en désaccord. Elle a ensuite déclaré ne pas être en mesure de dire quelle est la charge de travail de ses collègues. Lorsqu’il a été demandé à la fonctionnaire si elle savait que moins de dossiers lui étaient attribués que les autres, elle a répondu que ce n’était pas le cas. Questionnée quant à savoir si elle était consciente que Mme Gruppuso lui affectait moins de jours au tribunal, elle a répondu ceci : [traduction] « Peut-être; je n’ai jamais demandé moins. » Il lui a été demandé si elle laissait entendre qu’elle avait trop de travail pour les heures prévues, la fonctionnaire a répondu : [traduction] « Oui. » À la question de savoir si elle contestait les commentaires de Mme Gruppuso contenus dans le courriel du 3 avril 2017 à M. Andreopoulos, elle a répondu : [traduction] « Oui. » Elle a ajouté qu’elle niait que sa gestionnaire ait réduit sa charge de travail à des niveaux associés au travail contractuel. L’avocat de l’employeur a de nouveau posé la question, soulignant que celle‑ci portait sur le travail de la fonctionnaire comparativement à celui du reste de l’équipe. En guise de réponse, elle a parlé de façon vague de la qualité du travail par rapport à la quantité de travail. Elle a établi quelques comparaisons entre le travail associé aux procès de la Cour supérieure et le travail à l’AHV. Elle a de plus formulé un certain nombre de commentaires au sujet du temps perdu en raison de questions techniques.

[97] Un courriel du 7 avril 2017, à 18 h, de Mme Gruppuso à la fonctionnaire a été déposé en preuve. Dans ce courriel, il est mentionné qu’il s’agit d’un suivi de la lettre du 29 août 2016 que Mme Gruppuso a envoyée à la fonctionnaire, dans laquelle Mme Gruppuso pose les deux questions susmentionnées concernant la note du 8 août. Le courriel est rédigé en ces termes :

[Traduction]

Je donne suite à la lettre datée du 29 août 2016 concernant la demande d’éclaircissements de la direction au sujet de vos limitations et vos restrictions énoncées à la section C du certificat médical que votre médecin a fourni. J’ai vérifié mes dossiers, et il semble que vous deviez voir votre médecin le 9 septembre, mais que le rendez‑vous n’a pas eu lieu ce jour-là. Je crois comprendre plutôt que le rendez‑vous a été reporté au 23 septembre, et, si je me souviens bien, vous avez travaillé du domicile à cette date pour vous permettre d’aller le matin au cabinet de votre médecin.

J’ai fait des recherches dans mes dossiers, mais je n’ai pas de lettre ou de rapport fournissant les renseignements supplémentaires que la direction a demandés. Comme la direction a toujours besoin de ces renseignements, pouvez-vous nous dire quand ils nous seront transmis?

[…]

 

[98] Le 7 avril 2017, à 19 h 18, la fonctionnaire a répondu à Mme Gruppuso. Elle a répondu avoir consulté [traduction] « quelques fois » son médecin, que [traduction] « nous ne savions pas trop quoi faire et que nous avons essayé de trouver une solution ». Dans le courriel, elle ajoute que son médecin ne comprend pas ce que l’employeur voulait et pourquoi la note du 8 août ne pouvait pas répondre pas aux questions posées. La fonctionnaire demande par ailleurs son départ de l’équipe de l’AHV.

[99] Le 11 avril 2017, Mme Gruppuso a transmis à M. Andreopoulos le courriel susmentionné et son courriel du 7 avril 2017 à la fonctionnaire. Dans son courriel à M. Andreopoulos, Mme Gruppuso écrit qu’elle appuie la demande de départ de l’équipe de l’AHV de la fonctionnaire, précisant que, selon elle, cela est nécessaire pour la santé et le bien-être de la fonctionnaire et l’intérêt de l’équipe dans son ensemble. Elle ajoute être d’avis que la fonctionnaire n’est pas en mesure d’apporter une contribution significative à l’équipe de l’AHV.

[100] Le 20 avril 2017, M. Andreopoulos a écrit à la fonctionnaire à la suite de la lettre que Mme Gruppuso a envoyée à cette dernière le 29 août 2016 pour demander des éclaircissements sur la note du 8 août. M. Andreopoulos suggère à la fonctionnaire que, au lieu d’obtenir une deuxième note du médecin, elle devrait donner son consentement à ce qu’un représentant de la direction parle directement à la Dre Naiman afin d’obtenir des éclaircissements sur ses limitations et ses restrictions. À la fin de la lettre, il y avait un court formulaire d’autorisation de divulgation de renseignements pour que la fonctionnaire consente à ce qu’un représentant de la direction communique directement avec la Dre Naiman en vue d’obtenir des précisions, comme la lettre du 20 avril 2017 l’indiquait, et pour que la Dre Naiman communique les renseignements demandés. La fonctionnaire a modifié l’autorisation, l’a datée et l’a signée le 27 avril 2017. L’autorisation modifiée disait ceci : [traduction] « Je consens à ce que Mme Anie‑Pierre West communique directement avec la Dre Naiman pour obtenir des éclaircissements sur les renseignements supplémentaires que l’employeur cherche à obtenir. »

[101] Il était précisé que Mme Anie-Pierre West est conseillère en RT. Elle n’a pas témoigné.

[102] Ni la Dre Naiman ni aucun autre professionnel de la santé n’ont témoigné. Aucun autre document médical concernant l’état de santé de la fonctionnaire n’a été déposé en preuve.

[103] Une lettre du 25 avril 2017 de M. Andreopoulos à la fonctionnaire a été déposée en preuve. Elle répondait à plusieurs courriels que celle‑ci avait échangés avec Mme Gruppuso plus tôt durant l’année, dont certains ont été déposés en preuve à l’audience et ont été reproduits en partie dans la présente décision. Voici les passages pertinents de la lettre du 25 avril 2017 :

[Traduction]

[…]

La direction vous a rappelé maintes fois que vous ne devez pas travailler pendant un nombre d’heures supérieur au nombre maximal d’heures que votre médecin a suggéré et vous a demandé de faire approuver à l’avance par votre superviseure toute heure de travail excédentaire. De plus, votre charge de travail a été réduite pour assurer qu’elle respecte la recommandation de votre médecin. Quoi qu’il en soit, il semble que les heures supplémentaires non approuvées continuent de s’accumuler. Néanmoins, la direction reconnaît que vous déclarez avoir travaillé, selon le dossier ICase que vous avez transmis, pendant environ 463,92 heures de plus que le nombre minimal d’heures de travail prévu pour un procureur à temps plein selon la convention collective pour le groupe LA.

[…]

Dans votre courriel du 3 avril 2017, vous nous avez informés avoir reçu récemment la lettre de démission, qui a pris effet en mai, de votre bonne d’enfants à temps plein. Vous avez par ailleurs joint une réponse de l’agence Family Matters Nannies, qui indique la possibilité que des bonnes d’enfants résidentes soient disponibles selon l’horaire demandé, étant donné que la plupart des bonnes d’enfants commencent vers 8 h, alors que vous avez besoin de services à compter de 7 h. Avez-vous envisagé l’option de bonnes d’enfants résidentes? Avez-vous consulté d’autres agences? Quels autres efforts avez-vous déployés pour trouver des solutions temporaires et à plus long terme?

Pour décider si les circonstances que vous décrivez donnent lieu à une obligation de prendre des mesures d’adaptation, la direction a besoin de renseignements supplémentaires sur les divers efforts déployés. Précisément, il faut de l’information sur les différents efforts faits pour résoudre les conflits entre votre travail et vos responsabilités familiales. Cette information permettra de déterminer les options possibles, qui pourraient être nécessaires temporairement afin de répondre à vos besoins, si vous êtes en mesure de justifier l’exigence de prendre des mesures d’adaptation. La direction aimerait aussi vous rappeler que, même si vous avez dit qu’une gardienne qui conduit est l’une de vos exigences et cela peut être la situation idéale pour vous, ce n’est peut-être pas l’attente la plus raisonnable dans l’intervalle. Il y a d’autres options, comme le transport en commun, les taxis et le covoiturage, qui pourraient être envisagées entre‑temps.

La direction s’attend à ce que les employés et leur famille prennent des mesures raisonnables pour voir à satisfaire leurs besoins familiaux et les exigences du milieu de travail. De plus, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour des motifs liés à la situation familiale ne prend naissance que lorsque l’employé a démontré qu’il a fait des efforts raisonnables en vue de prendre des dispositions en réponse à sa situation. Par conséquent, la direction aimerait vous rappeler que la protection de la situation familiale ne s’applique qu’aux obligations parentales et ne couvre pas les préférences ou les choix personnels, qui ne peuvent pas servir de fondement à une demande de mesures d’adaptation selon le critère susmentionné.

[…]

Dans votre courriel du 3 avril 2017, vous précisez que, « même si le fait de sortir du lit devient de plus en plus difficile et le bien-être est continuellement affecté, je n’ai pas le temps durant la semaine ni les fonds pour continuer de la sorte […] Les frais pour subvenir aux besoins d’une famille de cette taille et de cette nature, qui comporte entre autres membres un étudiant universitaire, sont élevés. Nous risquons de perdre notre maison, lourdement hypothéquée, à mesure que notre dette monte en flèche ». Si votre besoin de mesures d’adaptation en est un qui cause des difficultés financières, vous devrez en faire la preuve clairement. Mis à part le fait d’affirmer que vous commencez à subir des pressions financières, vous n’avez pas démontré à la direction en quoi votre situation vous causerait des difficultés financières et la nécessité de prendre les mesures d’adaptation demandées, y compris certains congés payés, y est liée. Toutefois, la direction aimerait profiter de l’occasion pour vous informer que les services d’un psychologue professionnel sont couverts par l’assurance SunLife (Régime de soins de santé de la fonction publique). La dépense maximale admissible est de 2 000 $ par année civile si vous avez une ordonnance de votre médecin.

Relativement à votre situation de famille, vous avez aussi laissé entendre que la révocation du télétravail et du travail flexible a perturbé la délicate conciliation travail-vie personnelle. Il vous a déjà été expliqué que l’équipe de Toronto [l’équipe de l’AHV] est une équipe du contentieux qui s’occupe d’affaires à la fois à la Cour provinciale et à la Cour supérieure. Le régime de télétravail susmentionné n’était pas un droit découlant d’un quelconque besoin démontré en matière de droits de la personne et limitait par ailleurs les dossiers qui pouvaient vous être attribués, en particulier ceux de la Cour supérieure.

[…]

[Souligné dans l’original.]

 

[104] En contre-interrogatoire, le passage suivant de la lettre du 25 avril 2017 a été porté à l’attention de la fonctionnaire : « La direction vous a rappelé maintes fois que vous ne devez pas travailler pendant un nombre d’heures supérieur au nombre maximal d’heures que votre médecin a suggéré et vous a demandé de faire approuver à l’avance par votre superviseure toute heure de travail excédentaire. » On lui a fait remarquer que cette information lui avait été communiquée, ce qu’elle a confirmé, et qu’elle avait obtenu l’information avant la réception de la lettre de la Dre Naiman. La note de la Dre Naiman est datée du 8 août 2016 (la « note du 8 août »).

[105] Des courriels échangés du 11 au 24 mai 2017 entre la fonctionnaire et M. Andreopoulos ont été déposés en preuve. En voici des extraits :

[Traduction]

[La fonctionnaire à M. Andreopoulos, 11 mai :]

J’hésite à vous poser la question, mais, dans mon récent examen du rendement et évaluation de l’employé, j’ai demandé à ma gestionnaire quel formulaire d’autorisation je devais remplir (comme condition préalable à l’admissibilité à un congé de direction).

Par exemple, dois-je envoyer chaque jour un courriel à ma gestionnaire ou, en son absence, au procureur fédéral en chef adjoint, pour lui demander la permission de travailler tard?

Elle ne semblait pas avoir de réponse à me donner au sujet de la procédure à suivre et a laissé entendre que je devrais vous poser la question. Je remarque que, selon votre message d’absence, vous êtes en congé jusqu’au 12 mai, ce qui, je l’espère, est la bonne date, de sorte que je ne m’attends pas à une réponse cette semaine.

[…]

[M. Andreopoulos à la fonctionnaire, 19 mai :]

La directive du SPPC concernant le congé de direction ne parle pas d’approbation préalable comme condition d’admissibilité. Au lieu de cela, l’examen de la demande de congé est fondé sur le fait que le superviseur oblige l’employé à travailler pendant des heures excédentaires. À cet égard, votre superviseure est consciente de vos limitations d’ordre médical en ce qui a trait aux heures de travail et vous assigne du travail qui devrait être effectué durant vos heures normales chaque semaine. Si vous estimez que le travail qui vous est attribué ne peut pas être effectué pendant vos heures normales de travail (37,5 heures par semaine), vous devriez en discuter avec votre superviseure, au besoin.

[La fonctionnaire à M. Andreopoulos, 24 mai :]

Je conviens que les règles sur les congés de direction ne prévoient pas d’approbation préalable.

Pourtant, vous avez refusé tout congé de direction au cours du dernier exercice, à moins que je puisse démontrer que ma gestionnaire a « approuvé au préalable » le travail excédentaire effectué du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 (votre lettre du 25 avril 2017).

Je peux vous assurer que j’étais TENUE (explicitement et/ou implicitement) par la direction de travailler pendant plus de 460 heures excédentaires. Comme je l’ai mentionné, je ne peux pas décrire cela de façon plus explicite au moyen d’une comptabilité quotidienne, sauf à l’aide des dossiers dont dispose la direction, sans prévoir du temps dans mon horaire de travail chargé pour accomplir une démarche aussi fastidieuse.

D’après mes recherches, il n’y a pas de meilleure démarche officielle prévue pour obtenir l’approbation préalable ou le travail requis.

J’ai effectivement parlé régulièrement avec ma gestionnaire de mes heures de travail. Je ne suis pas d’accord pour dire que le travail affecté au cours du dernier exercice pouvait être effectué en 37,5 heures en moyenne par période de quatre semaines.

Par ailleurs, à ma connaissance, aucune limitation d’ordre médical n’a été respectée quand, par exemple, la réaffectation des dossiers de procès pendant mes semaines de congé de maladie avec certificat a été refusée. C’est là un exemple d’heures excédentaires (plus de 7,895 heures par jour) que j’ai faire durant la période, même si j’avais été consultée.

Le fait de devoir obtenir fréquemment l’approbation préalable ou l’assurance que les heures sont officiellement « requises » et le fait qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir des congés de direction (qui favorisent la conciliation travail-vie personnelle) ne correspond à aucun besoin en matière d’adaptation dont j’ai fait part.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[106] En contre-interrogatoire, les courriels échangés du 11 au 24 mai 2017 ont été portés à l’attention de la fonctionnaire. Elle a déclaré qu’ils s’inscrivaient dans le cadre d’une [traduction] « tactique d’évitement », que la direction employait à son égard. Elle a laissé entendre que personne ne communiquait avec elle et qu’elle a reçu des réponses évasives. Elle a dit que Mme Gruppuso était souvent absente. Quand la fonctionnaire demandait un congé de direction à sa responsable des RT, elle se faisait dire que celle‑ci n’approuverait pas au préalable ses heures excédentaires. Elle a ajouté se sentir coincée entre, d’une part, ses obligations envers le barreau et ses tâches professionnelles et, d’autre part, ses obligations envers le public et l’accusé. Elle a affirmé avoir envoyé des courriels, avoir croisé son patron dans les couloirs et avoir reçu des affectations tard dans la journée. Elle a déclaré que le courriel de M. Andreopoulos ne reflétait pas fidèlement ce qui se passait. Elle a dit qu’elle était surchargée de travail.

[107] Des courriels échangés les 23 et 26 avril 2018 entre la fonctionnaire et M. Andreopoulos ont été déposés en preuve. En voici les passages pertinents :

[Traduction]

[La fonctionnaire à M. Andreopoulos, 23 avril :]

J’ai reçu votre message par Chris Greene la semaine dernière, à savoir qu’on me rappelait de ne pas travailler après 17 h.

J’aimerais revenir sur la méthode que vous avez choisie pour offrir des mesures d’adaptation à l’égard de la surcharge de travail, qui menace de me rendre malade (et de rendre d’autres malades). Ce que vous avez imposé ne fonctionne tout simplement pas ni pour l’employeur ni pour l’employé.

Vendredi était un exemple parfait.

J’étais au tribunal jusqu’à 17 h afin de participer à une procédure de libération sous caution qui a commencé à 15 h, mais j’avais des courriels à envoyer après l’audience (même si mon compte de courriel était bloqué) et deux conférences judiciaires préparatoires (assignées jeudi) à finir de préparer pour lundi à 9 h et 9 h 30. À cette heure tardive, je n’ai pas pu obtenir la permission de travailler pendant deux ou trois heures de plus, même si j’étais tout à fait disposée à faire ce travail nécessaire. J’étais inquiète, après avoir été expulsée publiquement de l’équipe de l’AHV devant mon collègue de bureau.

Ma charge de travail n’a fait qu’augmenter depuis la mutation, et il n’est pas possible de respecter mes obligations envers le Barreau de l’Ontario sans un régime de travail de rechange.

De plus, en raison des exigences que vous imposez, je suis de plus en plus stressée, mes absences auprès de ma famille et au travail se multiplient, je suis humiliée devant mes supérieurs et mes collègues et mes relations avec eux, qui sont autrement excellentes, risquent d’en pâtir.

[…]

Je suis retournée voir la Dre Naiman en décembre; et elle a dit avoir l’intention de transmettre une lettre disant que ce que vous faites est contraire aux prescriptions de son évaluation fonctionnelle, qui demandait simplement que je travaille pendant environ 39 heures par semaine en moyenne sur une période de 4 semaines. Elle a déjà dit, en guise d’exemple dans ce formulaire, que je peux faire des semaines de 60 heures lorsqu’il le faut, pourvu que le nombre moyen d’heures par semaine soit conforme à la convention collective. La Dre Naiman a aussi dit – et je m’attendais à ce qu’elle le répète dans sa lettre mise à jour – qu’il était recommandé de réduire les HEURES de déplacement et d’accroître la marge de manœuvre au chapitre du régime de travail de rechange afin de diminuer le stress, de sorte que je puisse notamment travailler de façon plus productive dans un environnement calme. À l’heure actuelle, les membres de mon équipe et d’autres équipes profitent du même régime de travail de rechange que j’ai tenté d’obtenir. J’ai même exprimé la volonté d’envisager un changement d’équipe après six ans passés dans l’équipe de l’AHV, ainsi que d’autres options viables.

Je n’ai aucune idée pourquoi je n’ai pas reçu cette lettre de la Dre Naiman, bien que j’aie écrit à son cabinet, où le personnel est occupé, et l’aie appelé. Lors de mon dernier appel, un membre de son personnel m’a dit qu’elle avait eu un très grave accident de voiture. Je ne peux plus attendre de recevoir une lettre, surtout une lettre dans laquelle il ne sera affirmé qu’une mère de cinq enfants peut travailler pendant deux mois de plus par année sans que cela ait un impact sur la santé. Aucun professionnel de la santé n’écrirait cela.

[…]

[M. Andreopoulos à la fonctionnaire, 26 avril :]

Votre compréhension de la situation ne correspond pas à la mienne ou à celle de vos surveillants immédiats.

Au cours de la dernière année et demie, la direction a maintes fois communiqué clairement ses attentes concernant votre charge de travail et vos heures de travail. Vos gestionnaires actuels et précédents, qui supervisent directement votre travail, et moi‑même l’avons fait au moyen d’une correspondance et de courriels. Comme il a été mentionné précédemment, la direction est consciente des limitations d’ordre médical liées à vos heures de travail. Afin de répondre à vos besoins et de respecter les 37,5 heures en moyenne par semaine prescrites par votre médecin, vos chefs d’équipe ont pris soin de vous assigner du travail qui devrait être effectué dans les heures normales de travail.

Lorsque des mesures d’adaptation doivent être prises, la direction est responsable d’établir comment le travail vous est confié en fonction des renseignements médicaux connus. La décision doit également tenir compte des besoins opérationnels et de la nature de votre travail. Comme il vous a été déjà expliqué, vos chefs d’équipe ne peuvent tout simplement pas vous permettre de travailler pendant 60 heures par semaine et de prendre des congés compensatoires ou de travailler du domicile pendant le reste des semaines ou des portions importantes d’entre elles. Vos surveillants immédiats ont plutôt été en mesure de régler la question des limitations et de gérer celle des heures supplémentaires en affectant du travail qui ne devrait pas prendre plus de 37,5 heures par semaine à faire.

Or, vous continuez à faire des heures supplémentaires au-delà des modalités qui ont été établies en vue d’adapter le travail à votre situation. C’est-à-dire que du travail vous a été affecté pour que vous pussiez le faire durant les heures normales de travail, soit une semaine de 37,5 heures. Les heures excédentaires pendant lesquelles vous continuez de travailler dépassent ce qui est nécessaire et sont effectuées sans l’approbation préalable de la direction et sans autorisation médicale. On m’a récemment signalé que, pour le mois de mars, vous avez consigné 218 heures excédentaires au total. Pas plus tard que la semaine dernière, votre gestionnaire ou superviseur immédiat, Chris Greene, vous a rappelé de ne pas travailler un nombre excédentaire d’heures compte tenu du temps consigné pour février. Avant cela, vos gestionnaires ou superviseurs précédents ont fait de même. Pourtant, vous continuez à travailler pendant des heures excédentaires, contrairement aux instructions expresses de la direction.

La direction prend très au sérieux ses responsabilités à l’égard du processus d’adaptation. Par conséquent, votre gestionnaire ou surveillant immédiat doit savoir si la charge de travail attribuée ne peut pas être exécutée dans le délai que vos limitations imposent. Si vous ne pouvez pas terminer le travail dans ce délai, votre gestionnaire vous affectera de nouveau du travail en conséquence, en fonction de vos limitations médicales. Il faut veiller à maintenir le dialogue à ce sujet.

Encore une fois, si les limitations médicales ont changé, veuillez vous assurer de fournir à votre superviseur des renseignements médicaux à jour. Si vous n’êtes pas en mesure d’obtenir ces renseignements, une évaluation auprès de Santé Canada peut être organisée.

[…]

Vous continuez de prétendre que vous êtes tenue de travailler pendant les heures excédentaires afin de respecter vos obligations envers le Barreau de l’Ontario. Il est important pour moi de souligner que tous les juristes sont assujettis aux mêmes obligations envers le Barreau. La direction a pris en compte ces obligations en ce qui concerne la charge de travail qui vous est attribuée et qui doit être exécutée dans les heures normales de travail.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[108] En contre-interrogatoire, les courriels échangés dont il est question précédemment ont été portés à l’attention de la fonctionnaire. Elle a déclaré que tout dépend de ce qui se passe devant le tribunal.

[109] Une lettre du 23 septembre 2019 du service de consultation médicale Genesis Professional Group Inc., que la Dre Sheryl Brown a signée, a été déposée en preuve. En voici les passages pertinents :

[Traduction]

[…]

Je vous écris pour apporter des précisions concernant le formulaire d’évaluation fonctionnelle que la Dre Naiman a rempli, car je crois comprendre qu’il y a eu une certaine confusion à son sujet.

Comme la Dre Naiman l’a dit, ma patiente, Mme Anjie Tarek‑Kaminker, peut effectivement faire des heures excédentaires chaque semaine. Même 60 heures, comme la Dre Naiman l’a établi, sont acceptables d’un point de vue médical.

Bien que ce qui précède est vrai, nous ne sommes pas sans savoir que faire des heures travail excédentaire n’est pas viable à long terme. Dans le cas de Mme Tarek‑Kaminker en particulier, ses heures doivent idéalement être équilibrées pour correspondre à une moyenne d’environ 37,5 à 39 heures par semaine sur une période de 4 semaines donnée afin d’assurer une meilleure conciliation travail‑vie personnelle. En guise de précision, si une semaine a été très occupée, une autre semaine devrait l’être moins pour obtenir une semaine moyenne. Un congé compensatoire devrait donc être donné à ma patiente pour les heures de travail excédentaires effectuées pour qu’elle puisse retrouver un juste équilibre après des semaines très occupées. Il pourrait aussi s’agir d’offrir de façon proactive des formes de télétravail pour l’aider à assurer de manière plus durable un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle. Selon mon évaluation médicale, Mme Tarek‑Kaminker bénéficierait grandement de deux jours de télétravail par semaine pour veiller à son bien-être et à sa productivité à long terme.

L’employeur est bien avisé de suivre les indications de Mme Tarek‑Kaminker, qui est la mieux placée pour formuler ses besoins immédiats en matière de santé de façon à gérer adéquatement son stress, sa charge de travail et ses capacités. Le fait de donner à Anjie un certain contrôle et une certaine flexibilité sur ses conditions de travail, ses besoins en matière de santé et ses capacités est une approche encouragée et respectueuse qui contribuerait grandement à son bien-être professionnel et général.

Je tiens à préciser que les formulaires déjà remplis n’ont jamais été produits en vue de limiter le nombre maximal d’heures pendant lesquelles Mme Tarek‑Kaminker pouvait travailler, de façon à ce qu’elle puisse être privée, de façon punitive, de différents congés payés ou d’autres droits qui sont autrement offerts à ses collègues qui n’ont pas besoin de mesures d’adaptation. Encore une fois, l’employeur est invité à avoir un dialogue constructif avec ma patiente pour évaluer les besoins de cette dernière et trouver un moyen de voir à ce qu’elle demeure un membre en santé et productif de votre équipe et à examiner de nouveau son approche antérieure à l’égard des refus d’avantages sociaux, car ceux-ci ont des répercussions importantes sur son moral, sa santé et son bien-être.

[…]

 

[110] La Dre Brown n’a pas témoigné.

D. Comptabilisation des congés et du temps

[111] Au début de chaque exercice, les employés ont droit à la totalité de leurs congés annuels, malgré le fait que les congés annuels sont accumulés mensuellement, en fonction du nombre d’heures de travail par mois. De plus, chaque employé a droit à 37,50 heures (5 jours) de congé pour obligations familiales, d’un jour de congé pour raisons personnelles (7,5 heures) et d’un jour de congé pour bénévolat (7,5 heures). Si les congés annuels peuvent être reportés d’un exercice à l’autre dans une certaine mesure, le congé pour obligations familiales et les jours de congé pour raisons personnelles et pour bénévolat doivent être utilisés au cours de l’exercice désigné; ces derniers ne peuvent pas être reportés. Bref, ils sont utilisés ou perdus.

[112] Les registres des congés de la fonctionnaire pour les exercices 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017 ont été déposés en preuve. Ils révèlent ce qui suit au sujet des congés annuels :

· au début de l’exercice 2014-2015, la fonctionnaire a reporté 159,65 heures (21,28 jours) de l’exercice précédent et avait droit à 150 heures (15 jours) de congé, pour un total de 309,65 heures (41,286 jours) de congé annuel disponibles.

· au début de l’exercice 2015-2016, la fonctionnaire a reporté 0,1 heure de l’exercice précédent et avait droit à 162,5 heures (21,666 jours);

· au début de l’exercice 2016-2017, la fonctionnaire a reporté 30,175 heures de l’exercice précédent et avait droit à 165,5 heures de congé pour un total de 195,675 heures (26,09 jours) de congé annuel disponibles.

 

[113] Les registres n’indiquent pas pourquoi la fonctionnaire n’a eu droit en 2015-2016 qu’à 162,5 heures de congé annuel, alors qu’elle a eu droit à 165,5 heures en 2016-2017. Je n’ai entendu aucun témoignage à ce sujet.

[114] Selon les registres des congés, la fonctionnaire a utilisé les congés pour obligations familiales de la manière suivante : 36,185 heures pour l’exercice 2014‑2015, 37,185 heures pour l’exercice 2015‑2016 et 37,285 heures pour l’exercice 2016-2017.

[115] Les registres de 2014-2015 révèlent que la fonctionnaire a utilisé 7,5 heures de congé pour raisons personnelles. Les registres de 2015-2016 et de 2016-2017 ne font état d’aucun jour de congé pour raisons personnelles ou de congé pour bénévolat utilisé.

[116] En contre-interrogatoire, lorsque les registres des congés ont été portés à l’attention de la fonctionnaire, elle a confirmé n’avoir aucune raison de douter de leur contenu, quoiqu’elle ait admis ne pas les avoir examinés.

[117] Comme il a été mentionné plus tôt dans la présente décision, la fonctionnaire travaillait selon un horaire comprimé. Elle devait donc, au minimum, travailler pendant 7,895 heures par jour, plutôt que 7,5 heures par jour, du lundi au vendredi. Au lieu d’avoir une semaine de travail de 37,5 heures, elle avait une de 39,475 heures. Cet horaire lui permettait de faire 150 heures de travail sur 19 jours plutôt que sur 20 jours.

[118] Les dossiers iCase pour 2015‑2016 de la fonctionnaire ont été produits en preuve. Ils comportaient des indications écrites selon lesquelles des journées comprimées ont été prises, mais il ne semble pas que la fonctionnaire ait pris ses journées comprimées avec une quelconque régularité, par exemple tous les quatre vendredis ou jeudis. Je n’ai pas entendu par ailleurs quels jours elle prenait comme journées comprimées.

[119] D’après les dossiers iCase de la fonctionnaire, le mois d’octobre 2015 comportait 165 heures de travail, du lundi au vendredi, mais elle a comptabilisé 188,95 heures au total. Toutefois, d’après ses registres des congés, elle a pris deux jours de congé de maladie payé, pour un total de 15,8 heures. Elle a ainsi consigné 173,15 heures de travail au total. Voici comment le temps hebdomadaire a été comptabilisé :

[Traduction]

· du 1er au 3 octobre (du jeudi au samedi) : 16 heures;

· du 4 au 10 octobre (du dimanche au samedi) : 61,13 heures;

· du 12 au 16 octobre (du mardi au vendredi) : 33,05 heures (le 12 octobre étant l’Action de grâces, et le congé de maladie payé ayant été pris le 14 octobre);

· du 19 au 23 octobre (du lundi au vendredi) : 37,73 heures;

· du 26 au 30 octobre (du lundi au vendredi) : 26,78 heures (le congé de maladie payé ayant été pris le 26 octobre).

 

[120] Les dossiers iCase montrent que la seule semaine en 2015-2016 pour laquelle la fonctionnaire a comptabilisé plus de 60 heures était la semaine du 4 octobre 2015, soit 61,13 heures. Ils montrent aussi qu’elle a comptabilisé les heures totales effectuées les fins de semaine pour chaque mois, comme suit :

[Traduction]

 

· Avril 2015

 

 

3 heures

· Mai 2015

0 heure

· Juin 2015

0 heure

· Juillet 2015

32 heures

· Août 2015

1,5 heure

· Septembre 2015

6 heures

· Octobre 2015

6,7 heures

· Novembre 2015

0 heure

· Janvier 2016

14,67 heures

· Février 2016

13,28 heures

· Mars 2016

14 heures

 

[121] Dans son témoignage, la fonctionnaire a en outre déclaré avoir pris des congés pour les fêtes juives obligatoires et qu’elle prenait parfois des congés pour d’autres fêtes religieuses non obligatoires. J’ai entendu un témoignage à ce sujet, mais il est difficile de savoir pour quelles fêtes juives en particulier elle a pris un congé durant les exercices en question et comment ces congés ont été traités dans le système des congés.

[122] La fonctionnaire a formulé un certain nombre de commentaires différents au sujet de l’obligation d’emmener les enfants à plusieurs rendez‑vous, comme chez le médecin et le dentiste. Outre les échanges de courriels ponctuels et précis concernant un rendez‑vous en particulier, elle n’a fourni aucun détail sur les rendez‑vous pour les enfants ou sur les personnes qui les ont accompagnés.

[123] En ce qui concerne l’enfant décrit comme celui ayant de multiples problèmes de santé, la fonctionnaire a dit avoir assisté à des réunions en éducation spécialisée et avoir coordonné des réunions avec des professionnels de l’éducation et de la santé et entre eux relativement à la santé et le bien-être de l’enfant. Encore une fois, outre les échanges de courriels ponctuels et précis concernant un rendez‑vous ou une réunion en particulier, la fonctionnaire n’a fourni aucun détail sur les rendez‑vous pour l’enfant ou sur les personnes qui l’ont accompagné. Aucun détail concernant le nombre de réunions ayant eu lieu au cours d’une période donnée, la date de ces réunions ou la participation ou non de son époux ne m’a été communiqué.

[124] La fonctionnaire a affirmé que, en général, elle assistait aux réunions. Elle a dit que, selon elle, la plupart des réunions se tenaient en personne et habituellement pendant les heures d’école. Elle a confirmé qu’elles pouvaient avoir lieu lors de sa journée comprimée. En contre-interrogatoire, à la question de savoir si elle a déjà demandé à Mme Gruppuso de changer la date de sa journée comprimée pour qu’elle puisse assister à une réunion, elle a répondu : [traduction] « Non. » Elle a ajouté qu’elle ne le faisait qu’en dernier recours. Lorsque la question lui a été posée de nouveau, à savoir si elle a déjà demandé ce changement, elle a répondu qu’elle prévoyait la réunion un jeudi ou un vendredi ou prenait un jour de congé pour obligations familiales, si elle était au courant de la réunion à l’avance. Lorsque la question lui a été posée de nouveau, elle a répondu qu’elle ne pouvait pas dire qu’elle ne l’avait jamais demandé compte tenu du fait que, à certaines occasions, Mme Gruppuso refusait la demande parce que celle‑ci avait été présentée trop tard. Quand il a été signalé à la fonctionnaire que, si Mme Gruppuso avait refusé à certaines occasions d’acquiescer à la demande, il y a eu alors des moments où Mme Gruppuso a consenti à la demande, elle a dit ceci : [traduction] « Je suis certaine qu’elle l’a fait à une rare occasion. » Elle a ensuite ajouté que, un jour, elle avait eu une urgence concernant la garde de ses enfants et a essuyé le refus de Mme Gruppuso. La nature de l’urgence concernant la garde de ses enfants n’a pas été divulguée, pas plus que d’autres faits liés à cette déclaration. Mme Gruppuso n’a pas été contre-interrogée à ce sujet.

[125] Des courriels échangés les 14 et 15 août 2016 entre la fonctionnaire et Mme Gruppuso ont été déposés en preuve. En voici les passages pertinents :

[Traduction]

[La fonctionnaire à Mme Gruppuso, dimanche 14 août, à 19 h 38 :]

[…]

*Sous réserve des réductions que vous pouvez apporter à la charge de travail associée aux conférences préparatoires au procès de la Couronne cette semaine, si je peux faire la mienne du domicile le vendredi, cela me permettrait de faire une commission personnelle très importante, sans perdre la productivité que je ne peux pas me permettre de perdre et prendre plus de retard.

[…]

[Mme Gruppuso à la fonctionnaire, lundi 15 août, à 16 h 46 :]

[…]

Vendredi, je crois comprendre que [nom supprimé] a déjà terminé le travail en vue de la conférence préparatoire au procès de la Couronne prévue à 13 h 15. Vous ne serez donc responsable que des conférences préparatoires de 14 h 45, 15 h 30 et 16 h. Je comprends que vous avez une importante commission personnelle à faire vendredi, et je suis d’accord pour que vous travailliez du domicile ce jour-là pour cette raison.

[…]

 

[126] En contre-interrogatoire, lorsque les courriels échangés les 14 et 15 août ont été portés à l’attention de la fonctionnaire, elle a confirmé avoir été autorisée à travailler du domicile lorsqu’elle en faisait la demande.

[127] Des courriels échangés le 1er décembre 2016 entre la fonctionnaire et Mme Gruppuso ont été déposés en preuve. La fonctionnaire demandait si elle pouvait travailler du domicile, car elle devait y être en raison de travaux de réparation de la maison. Mme Gruppuso l’a autorisée à le faire. Encore une fois, en contre-interrogatoire, l’échange de courriels a été porté à l’attention de la fonctionnaire. Elle a confirmé avoir fait la demande et avoir été autorisée à travailler du domicile.

[128] En contre-interrogatoire, il a été signalé à la fonctionnaire que Mme Gruppuso a déclaré dans son témoignage que la fonctionnaire ne lui a pas dit avoir des réunions et n’a pas demandé à travailler du domicile et, que si la fonctionnaire l’avait demandé, elle lui aurait permis de le faire. La fonctionnaire a répondu ce qui suit : [traduction] « Si mon intention était de faire approuver tous mes faits et gestes par Chris Gruppuso, j’aurais dû lui demander sa permission tous les jours. Elle n’aurait pas vu cela d’un bon œil, car son horaire aurait été chamboulé. » Il lui a été demandé si elle avait des rendez‑vous tous les jours. La fonctionnaire a répondu qu’il y avait des appels téléphoniques, des rendez‑vous et des réunions. À la question de savoir si elle devait changer son horaire pour recevoir un appel téléphonique, elle a répondu qu’elle avait besoin d’un téléphone et d’un endroit où elle pouvait s’isoler. Lorsqu’il a été demandé à la fonctionnaire si elle était en mesure de planifier des appels dans son bureau de la Tour de la Bourse, elle a répondu qu’elle ne savait pas où elle serait la semaine suivante. Lorsqu’il lui a été signalé qu’elle pouvait organiser un appel pour qu’elle le reçoive lors de sa journée de préparation, elle a dit qu’elle ne savait pas où elle serait et quand aurait lieu sa journée de préparation.

[129] Je n’ai entendu aucun témoignage quant à savoir si la fonctionnaire avait un téléphone cellulaire personnel ou professionnel.

[130] En contre-interrogatoire, il a été porté à l’attention de la fonctionnaire qu’elle avait parlé d’aider l’enfant qui avait de la difficulté à faire ses devoirs et du fait que, parfois, elle s’assurait simplement qu’il les faisait. Elle a parlé du temps passé le soir et la fin de semaine et a dit avoir très peu de temps pour cela. Elle a parlé de la difficulté de son travail et du temps perdu pour se rendre au bureau et en revenir.

[131] La fonctionnaire a mentionné les nombreuses ressources dont avait besoin l’enfant ayant des difficultés, notamment une bonne d’enfants à temps plein et une bonne d’enfants à temps partiel. Selon elle, à un moment donné, elle avait trois bonnes d’enfants différentes; et, à l’occasion, lorsqu’elle en avait deux, les deux conduisaient. Elle a confirmé en contre-interrogatoire que les bonnes d’enfants conduisaient les enfants à certains de leurs rendez‑vous.

[132] Relativement à l’aide reçue de la famille élargie de la fonctionnaire, celle‑ci a déclaré que ses parents l’ont souvent aidée en soirée. À la question de savoir quand cela s’est produit, elle a répondu de 1998 à 2005 ou 2007. Elle a dit que sa mère ne surveillait pas seule les enfants, mais qu’elle avait besoin que son père soit là. La fonctionnaire n’a pas parlé davantage de ses parents. Questionnée au sujet des parents de son époux, elle a seulement dit qu’ils n’étaient [traduction] « pas aussi serviables ».

[133] Questionnée au sujet de l’aide de la collectivité, la fonctionnaire a dit que, parfois, son époux et elle imposaient à une autre famille qui participait aux activités sportives d’aller déposer ou chercher leurs enfants. Elle a précisé que son époux était très investi dans les activités sportives d’un enfant.

[134] En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a été questionnée au sujet des congés pris pour observance religieuse. L’avocat de l’employeur a laissé entendre que, d’après ce qu’elle avait déclaré dans son interrogatoire principal, elle n’avait pas droit à un congé. La fonctionnaire a répondu avoir eu 55 heures à rattraper. Elle a ajouté que, en ce qui concerne les jours fériés, elle avait une demande permanente de congé pour certains d’entre eux. L’avocat lui a ensuite dit que Mme Benzakein avait dit que la fonctionnaire pouvait rattraper le temps. Il a demandé si c’était ce qu’elle avait compris. La fonctionnaire a répondu que c’était le cas [traduction] « pour certaines personnes ». Lorsqu’il lui a été demandé si sa réponse signifiait qu’elle ne pouvait pas prendre de congé lors des jours fériés, la fonctionnaire a répondu qu’il existe de nombreuses règles différentes. Elle a expliqué qu’il y avait des problèmes, laissant entendre qu’elle pensait qu’il serait difficile de repousser le travail associé aux procès de juillet. Elle a convenu que les non‑Juifs ne sont peut-être pas au courant des fêtes juives, qu’elles ne sont pas observées par tous les Juifs ou que certains Juifs ne les observent pas toutes.

E. Évaluations du rendement

[135] Des copies des évaluations du rendement de la fonctionnaire pour les exercices 2015‑2016 (l’« évaluation du rendement de 2015‑2016 ») et 2016-2017 (l’« évaluation du rendement de 2016-2017 ») ont été déposées en preuve. De plus, une copie du message associé à l’évaluation par Mme Gruppuso du rendement de 2011‑2012 de la fonctionnaire (l’« évaluation du rendement de 2011‑2012 ») a été produite en preuve.

[136] Dans l’évaluation du rendement de 2011-2012, Mme Gruppuso a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Mme Tarek‑Kaminker a participé à plusieurs dossiers importants au sein d’équipes de procureurs. L’affaire [nom supprimé] a été la plus marquante.

Mme Tarek‑Kaminker est une juriste intelligente qui connaît bien le droit. Lorsque le procureur principal lui confie une tâche définie dans un cas, comme la rédaction d’arguments de droit sur un point, elle produit un excellent résultat.

Malheureusement, elle s’astreint à des normes irréalistes de perfection, tant sur le plan juridique qu’éthique, et exige la même chose des autres avec qui elle travaille. Dans la discussion avec elle sur son examen du rendement et son évaluation de l’employé, la cheffe d’équipe a insisté sur l’importance pour elle d’apprendre à accepter qu’il est nécessaire de prendre une décision imparfaite, mais expéditive dans les litiges, notamment sa propre décision et celle de son procureur principal. Cette approche améliorerait sa productivité, le plaisir qu’elle tire de son travail et la qualité de ses relations avec les procureurs adjoints.

[…]

 

[137] Dans l’évaluation du rendement de 2015-2016, Mme Gruppuso a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Compétence 2. Réflexion approfondie

Gestionnaire ou superviseur : Il s’agit d’un domaine sur lequel Mme Tarek‑Kaminker pourra se concentrer au cours de l’année à venir afin d’améliorer ses compétences en gestion du temps. En réfléchissant plus efficacement lorsque des tâches ou des dossiers lui sont assignés, Mme Tarek‑Kaminker devrait être mieux à même d’utiliser son temps plus efficacement. Étant donné le volume de travail entrepris par l’équipe de Toronto, Mme Tarek‑Kaminker doit devenir plus apte à établir l’ordre de priorité de sa charge de travail et à faire preuve de jugement. Cette démarche lui permettra d’utiliser son temps plus efficacement pour se concentrer sur les tâches importantes liées à des questions de procédure de premier plan. Par exemple, une note de service de 15 pages pour un cas courant exigeant deux agents, dont la rédaction a pris trop de temps, peut être extrêmement détaillée, mais n’aide pas beaucoup le procureur de la Couronne à la Cour supérieure de justice à tenir la conférence préparatoire si elle lui a été remise en retard.

Compétence 4. Faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action

Gestionnaire ou superviseur : Mme Tarek‑Kaminker continue de faire preuve d’initiative et agit rapidement pour remédier aux lacunes lorsqu’elle les cerne. Si c’est en général un trait de caractère louable, il s’agit d’un autre domaine où il faut exercer du jugement pour s’assurer que le temps est consacré le plus efficacement possible aux tâches qui méritent cette attention supplémentaire. Par exemple, la quête de documents certifiés pour des accusations de non-respect de conditions n’est pas toujours l’utilisation la plus efficace du temps d’un juriste lorsque d’autres dossiers de poursuite plus importants dans notre arriéré nécessitent une attention particulière.

[…]

Compétences techniques

Évaluation de fin d’exercice

Gestionnaire ou superviseur :

Dans l’ensemble, Mme Tarek‑Kaminker a « répondu » aux attentes durant la présente période d’évaluation. Cependant, il y a quelques domaines (gestion du temps et exercice du jugement) sur lesquels elle peut se concentrer pour améliorer la qualité de son travail et réduire le nombre d’heures excédentaires consacrées à des tâches sans valeur ajoutée pour la poursuite de ses causes. Il est prévu que la capacité de Mme Tarek‑Kaminker d’évaluer les cas et d’établir l’ordre de priorité des tâches s’améliorera au fur et à mesure qu’elle se consacrera activement aux poursuites à la Cour de justice de l’Ontario et à la Cour supérieure de justice. À cette fin, travailler avec un avocat chevronné de l’équipe lui permettrait d’avoir des commentaires personnalisés de façon continue.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[138] Dans l’évaluation du rendement de 2016-2017, Mme Gruppuso a écrit ce qui suit :

[…]

Compétence 2. Réflexion approfondie

Gestionnaire ou superviseur : Il s’agit d’un domaine où Mme Tarek‑Kaminker continue d’avoir des problèmes. Au cours de la prochaine période d’évaluation, elle devrait encore s’efforcer d’améliorer ses compétences en gestion du temps. Comme il a été mentionné précédemment, en réfléchissant en profondeur plus efficacement lorsque des tâches ou des dossiers lui sont assignés, Mme Tarek‑Kaminker devrait être mieux à même d’utiliser son temps plus de façon plus efficace. Étant donné le volume de travail entrepris par l’équipe de Toronto, Mme Tarek‑Kaminker doit apprendre à mieux prioriser ses tâches et à faire preuve de jugement. Cela lui permettra d’utiliser son temps plus efficacement pour se concentrer sur les tâches importantes liées à des questions de procédure de premier plan. Par exemple, passer des heures à rédiger une note de service de plusieurs pages sur une simple question de routine permet certes d’obtenir une évaluation « extrêmement détaillée », mais celle-ci ne sera guère utile à ses collègues qui s’occuperont par la suite du dossier.

[…]

Compétence 4. Faire preuve d’initiative et être orienté vers l’action

Gestionnaire ou superviseur : Mme Tarek‑Kaminker continue de faire preuve d’initiative et d’agir rapidement pour remédier aux lacunes lorsqu’elle les cerne. Si c’est en général un trait de caractère louable, il s’agit encore d’un domaine sur lequel Mme Tarek‑Kaminker peut continuer de travailler au cours de la prochaine période d’évaluation. Elle doit exercer du jugement pour s’assurer que son temps est consacré le plus efficacement possible aux tâches qui méritent cette attention supplémentaire. L’équipe de Toronto a un important arriéré de cas qui doivent être traités. Ils ne nécessitent pas tous une attention supplémentaire. Certains peuvent être traités plus rapidement, ce qui laisse plus de temps à consacrer à des poursuites complexes qui méritent un effort supplémentaire.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

 

[139] Dans la section des commentaires de l’employé de l’évaluation du rendement de 2016-2017, la fonctionnaire a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Je n’ai pas discuté des commentaires de ma gestionnaire dans ce formulaire.

Ma signature prouve que j’ai lu les commentaires de C. Gruppuso.

Je conteste tous les commentaires concernant mon efficacité et mon jugement.

Je remarque que la direction n’a jamais affecté le mentor dont la gestionnaire a fait mention dans les évaluations précédentes.

Je remplis le formulaire afin de pouvoir passer aux évaluations de l’année prochaine avec le gestionnaire Futerman. Le programme ne me permet pas d’aller de l’avant sans cocher les cases.

 

[140] En contre‑interrogatoire, la fonctionnaire a été questionnée au sujet de ses heures de travail. Elle a déclaré avoir travaillé de nombreuses fois en soirée et la fin de semaine et avoir souvent travaillé durant la pause‑repas. Ses évaluations du rendement (examens du rendement et évaluations de l’employé) ont été portées à son attention. Elle a confirmé que la direction a précisé ce qu’elle avait fait au sujet de son travail excédentaire.

F. Allumage des bougies du shabbat

[141] La fonctionnaire a témoigné de l’importance pour elle d’allumer des bougies tout juste avant le shabbat. Elle a ajouté que le régime de télétravail lui a permis d’être plus facilement certaine de pouvoir être au domicile, puisqu’il n’y avait pas d’inquiétudes quant aux déplacements. En contre-interrogatoire, elle a confirmé qu’il n’est pas prévu qu’elle comparaisse devant le tribunal tous les vendredis.

[142] La fonctionnaire a déclaré ne pas avoir été en mesure quelques fois d’allumer les bougies du vendredi soir. Lors de son interrogatoire principal, elle a dit avoir manqué une occasion précise : quand elle a été retenue au tribunal et n’a pas pu rentrer à temps pour s’acquitter de ses obligations. Sa fille aînée s’est chargée de le faire à sa place. La fonctionnaire a affirmé ne pas avoir pu allumer les bougies le vendredi précédant la reprise de l’audience le 10 décembre 2019. En contre-interrogatoire, la discussion s’est poursuivie, et la fonctionnaire a confirmé que, même si elle était en congé de maladie, elle avait conservé deux affaires et que l’affaire en instance était l’une de celles qu’elle avait conservées. Lorsqu’il lui a été demandé ce qu’il aurait fallu faire pour que quelqu’un la remplace au tribunal, la fonctionnaire a répondu qu’elle aurait dû consacrer des heures à informer un autre juriste de l’affaire. Elle a dit que l’audience s’est tenue un vendredi parce que la détermination de la peine était contestée et qu’elle n’avait aucun moyen de savoir quand l’audience prendrait fin, car des observations devaient être présentées en réplique.

[143] L’avocat de l’employeur a montré à la fonctionnaire une copie de la réponse au grief au premier palier (datée du 31 mai 2016), en particulier la mention selon laquelle l’employeur lui a accordé, dans la mesure du possible, de la souplesse dans ses heures de travail du vendredi de façon à lui laisser suffisamment de temps pour rentrer chez elle. Elle a déclaré que ce n’était pas assez et a laissé entendre qu’elle serait toujours [traduction] « captive » si elle était au tribunal et elle recevait la consigne de rencontrer le coordonnateur de procès ou si elle devait recevoir un appel d’urgence. Quand l’avocat de l’employeur lui a demandé si elle n’avait pas pu allumer les bougies plus d’une fois depuis le dépôt du grief, elle a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas, mais a dit qu’une fois elle n’avait pas pu le faire en raison de problèmes liés au métro. Elle n’a donné aucun autre détail ou exemple.

[144] Il n’est pas rare qu’une fois terminés l’interrogatoire principal, le contre‑interrogatoire et le réinterrogatoire, des questions importantes persistent dans l’esprit du juge ou de l’arbitre et qu’elles soient soulevées après ces étapes. C’est ce que j’ai fait dans la présente affaire. J’ai interrogé la fonctionnaire au sujet du fait, mentionné en contre‑interrogatoire, qu’elle n’a pas pu allumer les bougies le vendredi 6 décembre 2019, parce que, selon ses dires, elle avait été retenue au tribunal. Ce qui est ressorti des questions que j’ai posées à la fonctionnaire est qu’elle avait, lors d’une audience précédente, fixé elle‑même la date de sa comparution pour le vendredi 6 décembre 2019. Elle a confirmé avoir fixé la date et qu’elle savait que le 6 décembre 2019 était un vendredi. Elle n’a pas dit au juge ou à l’autre avocat présent qu’elle devait partir à une heure en particulier et qu’elle devait être au domicile afin d’observer une obligation religieuse. Rien n’indique que ses superviseurs étaient au courant de la situation ou qu’elle les avait mis au courant.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

[145] En plus de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, la fonctionnaire m’a renvoyé à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; la « LCDP ») et aux décisions suivantes : l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears, [1985] 2 RCS 536; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30; B. c. Ontario (Commission des droits de la personne), 2002 CSC 66; Saadati c. Moorhead, 2017 CSC 28; Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28; Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 RCS 868; Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 RCS 489; Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 154; Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 RCS 554; Turner c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 159; Radek v. Henderson Development (Canada), 2005 BCHRT 302; Baylis-Flannery v. Dewilde (Tri Community Physiotherapy), 2003 HRTO 28; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 RCS 525; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Deschênes) c. Centre hospitalier Robert-Giffard, 34 CHRR 436; Levac c. Forces armées canadiennes, 1991 CanLII 191; Kirby c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2015 CRTEFP 41; Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2014 CAF 110; Misetich v. Value Village Stores Inc., 2016 HRTO 1229; Syed c. Canada (Procureur général), 2020 CF 608; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27; Mellon c. Développement des Ressources humaines Canada, 2006 TCDP 3; Dupuis c. Canada (Procureur général), 2010 CF 511; S.L. c. Commission scolaire des Chênes, 2012 CSC 7; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, 1992 CanLII 81 (CSC); École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12; Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35; Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 71; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Seeley, 2014 CAF 111; et Douglas c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2020 CRTEFP 51.

[146] La fonctionnaire a demandé la réparation suivante :

• une déclaration qu’il y a eu violation de la convention collective et de la LCDP;

• une ordonnance enjoignant à l’employeur de mettre fin aux actes discriminatoires et de prendre les mesures d’adaptation qui avaient été prises précédemment et que les professionnels de la santé de la fonctionnaire ont recommandées;

• une indemnité de 20 000 $ pour la douleur et la souffrance que la fonctionnaire a subies en raison de la discrimination fondée sur la religion, conformément à l’al. 53(2)e) de la LCDP;

• une indemnité de 20 000 $ pour la douleur et la souffrance que la fonctionnaire a subies en raison de la discrimination fondée sur la situation de famille, conformément à l’al. 53(2)e) de la LCDP;

• une indemnité de 20 000 $ pour la douleur et la souffrance que la fonctionnaire a subies en raison de la discrimination fondée sur l’incapacité, conformément à l’al. 53(2)e) de la LCDP;

• une indemnité de 20 000 $ pour le comportement délibéré ou inconsidéré de l’employeur, conformément au par. 53(3) de la LCDP;

• tout autre réparation que la Commission juge appropriée.

 

[147] Dans sa réplique, la fonctionnaire a demandé que la décision soit rendue anonyme.

B. Pour l’employeur

[148] En plus de la LCDP, de l’arrêt Johnstone et des décisions Misetich et Syed, l’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Ajax (Town) v. Ajax Professional Fire Fighters’ Association, Local 1092, 2019 CanLII 69278; Andres c. Agence du revenu du Canada, 2014 CRTFP 86; Boudreau et al. c. Conseil du Trésor (Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2008 CRTFP 66; Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3; Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.); Edmonton (City) Police Service v. Edmonton Police Assn., [2019] A.G.A.A. no 4 (QL); Envirocon Environmental Services, ULC v. Suen, 2019 BCCA 46; Flatt c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 250; Guilbault v. Treasury Board (Department of National Defence), 2017 CRTEFP 1; Halfacree c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2012 CRTFP 130; Havard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTEFP 36; Leclair c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 97; Morrow c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources naturelles), 2017 CRTEFP 8; Nash c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 4; et Richmond c. Conseil du Trésor, CRTFP dossiers nos 166‑2‑23653, 23862, 24140 à 24151, 26000 à 26012 (19950515), [1995] C.R.T.F.P.C. no 43(QL) (confirmée dans l’affaire Richmond v. Canada (Attorney General), [1997] 2 FC 946).

[149] Pour ce qui est de rendre anonyme la présente décision, l’employeur m’a renvoyé aux décisions Reynolds c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTEFP 47 et Olynik c. Agence du revenu du Canada, 2020 CRTEFP 80.

[150] L’employeur s’est opposé à la demande visant à ce que la décision soit rendue de façon anonyme.

[151] L’employeur a demandé que le grief soit rejeté.

IV. Motifs

A. Demande de mise sous scellés des documents

[152] La fonctionnaire a présenté des copies de dossiers et de rapports médicaux que le pédiatre de ses enfants a signés au sujet des problèmes de santé de certains de ses enfants. Les parties ont convenu de la mise sous scellés des documents.

[153] Dans la décision Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, aux par. 9 à 11, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a déclaré ce qui suit :

[9] La mise sous scellés de documents ou de dossiers déposés en vue d’une audience judiciaire ou quasi judiciaire va à l’encontre du principe fondamental consacré dans notre système de justice selon lequel les audiences sont publiques et accessibles. La Cour suprême du Canada a statué que l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire était un droit protégé par la Constitution en vertu des dispositions sur la « liberté d’expression » de la Charte canadienne des droits et libertés; voir Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).

[10] Cependant, la liberté d’expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de non‑publication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par l’exigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

[11] Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non‑publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque.

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

 

[154] Comme il a été souligné récemment dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, au par. 7, la diffusion de renseignements personnels très sensibles, laquelle entraînerait non seulement un désagrément ou de l’embarras pour la personne touchée, mais aussi une atteinte à sa dignité, constitue une exception justifiable au principe de la publicité des débats judiciaires.

[155] Certains problèmes médicaux étaient pertinents pour l’audience et sont indirectement mentionnés dans la présente décision. Toutefois, les dossiers médicaux relatifs aux enfants de la fonctionnaire ne devraient pas être du domaine public, car ils constituent un risque sérieux pour la protection de leur vie privée et leur dignité, ce qui l’emporte sur les effets préjudiciables décrits dans l’arrêt Sierra Club. Par conséquent, j’ordonne la mise sous scellés des documents qui ont été déposés et désignés comme pièce G‑1, onglets 7 et 14, parce qu’ils contiennent des renseignements médicaux sur certains des enfants.

[156] Je ne suis pas disposé à ordonner la mise sous scellés des notes rédigées par les Dres Naiman et Brown, les médecins de la fonctionnaire, car ils ne contiennent aucun diagnostic, pronostic, plan de traitement ou renseignement personnel.

[157] Après examen des pièces durant la rédaction de la présente décision, j’ai constaté que, même si de nombreux documents contenaient des renseignements personnels caviardés qui n’étaient pas pertinents pour trancher le présent grief (comme le nom des enfants), il y a des passages où les parties ont omis de caviarder des renseignements personnels, dont l’adresse du domicile de la fonctionnaire. Elle devra passer en revue les documents déposés pour s’assurer que des renseignements comme l’adresse domiciliaire ou le nom des enfants ont été correctement caviardés. La Commission doit, pour une période de 30 jours, mettre sous scellés les pièces qui pourraient contenir par inadvertance des renseignements personnels pour permettre à la fonctionnaire de s’acquitter de cette tâche et de fournir à la Commission tout document de remplacement, au besoin.

B. Demande visant à rendre anonyme la présente décision

[158] La procédure a duré six jours en personne et deux jours par vidéoconférence. Les deux parties étaient représentées par un ou des avocats et ont présenté de vive voix un plaidoyer final. Après la clôture de l’audience, les parties m’ont remis des copies des grandes lignes de leur plaidoirie. Jusqu’à ce moment-là, il n’avait nullement été question d’anonymiser le nom de la fonctionnaire. La demande a été présentée dans ce qui semble être une réplique écrite à l’exposé écrit des arguments de l’employeur.

[159] Toutefois, la demande en question n’empêche pas la Commission de mettre sous scellés un document, d’ordonner qu’une version caviardée soit produite pour remplacer une version non caviardée ou d’anonymiser l’identité d’une personne, si cela n’est pas pertinent pour trancher le grief. Il n’est pas rare que les parties à une procédure omettent de se pencher sur la question de l’anonymisation des personnes ou du caviardage de renseignements contenus dans des documents déposés et qui seront rendus accessibles au grand public. La Commission est maître de sa procédure et a certainement le pouvoir de régler ces questions, si elle le souhaite et si c’est indiqué.

[160] Comme je l’ai mentionné plus tôt, certains des documents que les parties ont soumis à la présente audience contenaient des renseignements qui n’avaient pas à être du domaine public et qui n’ajoutaient rien à la procédure. Bien que certains passages aient été caviardés, d’autres renseignements semblent avoir été oubliés. Le fait que les parties ont omis ou négligé de signaler des passages devant être caviardés au cours de l’audience n’empêche pas d’une façon ou d’une autre la Commission de faire ce qui est approprié, qu’une telle demande soit présentée ou non durant la procédure.

[161] Dans Olynik, la Commission a déclaré ce qui suit :

[…]

[6] La « Politique sur la transparence et la protection de la vie privée » de la Commission aborde l’importance du principe de transparence judiciaire et les circonstances exceptionnelles pouvant justifier une dérogation à ce principe :

Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission déroge à son principe de transparence judiciaire pour accéder à des demandes visant la protection de la confidentialité d’éléments spécifiques de la preuve et adapter ses décisions au besoin pour protéger la vie privée d’une personne (notamment en tenant une audience à huis clos, en scellant des pièces présentées en preuve qui contiennent des renseignements médicaux ou personnels de nature délicate ou en protégeant l’identité de témoins ou de tierces parties). La Commission peut accorder de telles demandes lorsqu’elles respectent les normes applicables reconnues dans la jurisprudence.

[…]

 

[162] Dans Reynolds, la Commission a déclaré ce qui suit :

[…]

65 Le fonctionnaire a demandé que les pièces qui contenaient ses renseignements médicaux soient scellées. Je suis d’accord et j’ordonne que ces pièces énoncées à l’annexe A soient scellées. Il a également demandé que son nom soit anonymisé, ce qui a été rejeté au motif qu’il n’a pas démontré la raison pour laquelle la Commission devrait déroger à sa pratique de respecter le principe de transparence judiciaire et de publier le nom du fonctionnaire.

66 Comme il est énoncé dans la Politique sur la transparence et la protection de la vie privée de la Commission, le principe de transparence judiciaire est un principe important dans notre système juridique. Conformément à ce principe protégé par la Constitution, la Commission mène ses audiences en public, à moins de circonstances exceptionnelles. La Commission pratique une politique d’ouverture qui favorise la transparence de ses procédures, la responsabilisation et l’équité dans la conduite de ses audiences. Les décisions de la Commission identifient les parties et leurs témoins par leur nom et peuvent exposer des renseignements à leur sujet qui soient pertinents et nécessaires au règlement du différend. Il s’agit d’une politique publique disponible à tous et elle est partagée avec les parties au processus d’arbitrage.

67 Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission déroge à son principe de transparence judiciaire pour accéder à des demandes de protection de la confidentialité d’éléments spécifiques de la preuve et adapter ses décisions au besoin de protection de la vie privée d’une personne lorsque de telles demandes respectent les normes applicables reconnues dans la jurisprudence. L’anonymisation est rare dans la jurisprudence de la Commission, plus particulièrement quand ces droits peuvent être protégés par d’autres moyens tels qu’en scellant des pièces. Je suis convaincu que les droits à la vie privée du fonctionnaire peuvent être suffisamment protégés en scellant les pièces, et je n’ai pas entendu d’arguments contraires.

[…]

 

[163] Chaque cas doit être examiné en fonction de son bien‑fondé. Il n’est pas nécessaire de publier des renseignements qui sont de toute évidence de nature délicate, privés et non pertinents pour les conclusions. C’est pour cette raison que de nombreux documents contiennent des renseignements caviardés, car le grand public n’a pas besoin de connaître certains éléments comme l’adresse domiciliaire ou le numéro de téléphone d’une personne. Il est par ailleurs courant que des personnes jouent un rôle dans le récit plus vaste d’une affaire; toutefois, leur identité n’a pas besoin d’être divulguée, car elle n’est pas pertinente pour la décision. Souvent, ces personnes sont désignées de manière neutre comme « M. A. » ou « Mme B. » ou comme, dans les cas mettant en cause le Service correctionnel du Canada, « détenu C ».

[164] Au début de la procédure qui nous occupe, les parties ont dit avoir convenu de désigner les enfants de la fonctionnaire par une lettre et que je devrais faire de même dans les présents motifs, ce qui ne me posait aucun problème. Cependant, à mesure que l’affaire progressait et au cours de la rédaction de la décision, il est devenu évident que je n’avais pas vraiment à désigner les enfants par un nom ou une lettre. Je ne l’ai donc pas fait.

[165] Comme il est énoncé dans Reynolds, le principe de la publicité des débats judiciaires est un principe important de notre système juridique. Le fait que les audiences se déroulent en public favorise la transparence des processus ainsi que la responsabilisation et l’équité des procédures. Aucun argument ou raisonnement expliquant pourquoi la Commission devrait s’écarter du cadre normal d’identification des parties ne m’a été fourni. Par conséquent, la demande est rejetée.

C. Bien‑fondé du grief

[166] Pour les motifs exposés ci‑après, le grief est rejeté.

[167] Le fardeau de la preuve initiale incombe à la fonctionnaire et repose en grande partie sur les faits. En l’espèce, la fonctionnaire a prétendu avoir été victime de discrimination de la part de l’employeur en raison de son appartenance religieuse, de sa situation de famille et de son incapacité mentale ou physique, en violation de l’article sur l’élimination de la discrimination dans les conventions collectives.

[168] Dans Diks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2019 CRTEFP 3, la Commission a déclaré que le critère dans les cas de discrimination en milieu de travail est le suivant :

[…]

76 Afin de montrer qu’un employeur a fait preuve de discrimination, le fonctionnaire doit d’abord établir une preuve prima facie de l’existence de discrimination. La preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la fonctionnaire, en l’absence de réplique de l’employeur intimé (voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, 1985 CanLII 18 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 536, au paragraphe 28 (« O’Malley »)).

77 Un employeur faisant face à une preuve prima facie peut éviter une conclusion défavorable en déposant des éléments de preuve d’une explication raisonnable qui démontre que ses actions n’étaient pas, en fait, discriminatoires ou en établissant un moyen de défense prévu par la loi qui justifie la discrimination (A.B. c. Eazy Express Inc., 2014 TCDP 35, au paragraphe 13).

[…]

 

[169] Comme il est énoncé dans l’arrêt Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30, pour établir l’existence d’une discrimination prima facie, le plaignant (ou le fonctionnaire s’estimant lésé, selon le cas) doit démontrer qu’il a une caractéristique protégée contre la discrimination, qu’il a subi un effet préjudiciable quelconque et que la caractéristique protégée a constitué un facteur de l’effet préjudiciable. La preuve de l’intention discriminatoire n’est pas requise pour démontrer l’existence d’une discrimination prima facie. Au paragraphe 45, la Cour suprême du Canada a rejeté la suggestion d’ajouter un quatrième élément, soit la nécessité de conclure à un processus décisionnel stéréotypé ou arbitraire. En voici un extrait :

[45] […] L’objectif de protéger les gens contre un traitement arbitraire ou stéréotypé ou contre un traitement qui crée un désavantage par la perpétuation d’un préjudice est atteint par l’exigence qu’il y ait un lien entre le motif protégé et le traitement préjudiciable. L’existence d’un traitement arbitraire ou stéréotypé n’est pas une exigence distincte à laquelle il faut satisfaire pour établir la discrimination prima facie. En exigeant autre chose, on s’attache à tort à « la question de savoir s’il existe une attitude, plutôt qu’un effet, discriminatoire », ce dernier étant le point de mire de l’analyse sur la discrimination […].

 

[170] Avant d’aborder les détails des allégations de discrimination, je vais d’abord traiter de la question de la crédibilité de la fonctionnaire.

1. Témoignage et crédibilité de la fonctionnaire

[171] La fonctionnaire a témoigné pendant quatre jours. Une grande partie de la documentation a été déposée dans le RCD, sur consentement des parties. La fonctionnaire est l’auteure de la plupart des documents. Durant son témoignage, il est devenu évident qu’elle était souvent portée à utiliser l’hyperbole, qu’elle n’était pas tout à fait franche et qu’elle omettait des faits importants. Son témoignage concernant le pédiatre de ses enfants, le Dr Wise, et le fait qu’elle n’a pas allumé les bougies du shabbat sont deux exemples très troublants.

[172] Le RCD contenait deux lettres très détaillées du Dr Wise que la fonctionnaire a transmises à ses superviseurs, l’une en 2012 et l’autre en 2015. Elle a parlé brièvement de ces lettres lors de son interrogatoire principal, quoiqu’elle ait affirmé les avoir transmises à son employeur. Il lui a été demandé si, lorsqu’elle les a transmises, elle croyait qu’il y avait quelque chose d’inexact dans ces lettres. La fonctionnaire a répondu qu’elle ne le croyait pas.

[173] Lorsque les documents en question ont été présentés, ce que la fonctionnaire savait et n’a pas dit à l’audience, c’est que, en fait, le Dr Wise n’était pas l’auteur de ces documents, mais que son époux et elle les avaient rédigés et que le Dr Wise les a signés. Elle a déclaré que le Dr Wise n’aurait jamais signé quoi que ce soit avec lequel il n’était pas en accord.

[174] La fonctionnaire a abondamment prouvé durant son témoignage que le télétravail est pratique pour elle. Il lui a permis notamment d’atténuer le besoin de se rendre au centre-ville de Toronto et d’en revenir le vendredi. Il n’y avait donc aucun risque de rentrer en retard pour allumer les bougies du shabbat.

[175] Au cours du contre-interrogatoire, la fonctionnaire a témoigné au sujet d’une situation en particulier où elle n’a pas pu allumer les bougies et qui, par coïncidence, s’est produite le vendredi précédant la reprise d’une audience la semaine du 10 décembre 2019. Elle a dit être allée au tribunal le vendredi précédent, que la séance du tribunal a pris du retard et que, à la fin de la séance, elle n’a pas pu rentrer à temps pour s’acquitter de sa responsabilité d’allumer les bougies. Ce témoignage visait apparemment à démontrer que l’employeur l’a empêchée d’observer sa pratique et sa croyance religieuses sincères.

[176] Ce que la fonctionnaire a omis de dire dans son témoignage, à la fois lorsque son avocat l’a interrogée et lors du contre-interrogatoire, c’est que l’employeur n’avait rien à voir avec la date de la comparution en question devant le tribunal ou avec le fait qu’elle n’a pas pu allumer les bougies. Ce n’est qu’après que les deux avocats ont fini de l’interroger et que pendant que je lui posais des questions qu’il a été révélé que l’employeur n’a rien eu à voir avec le fait que la fonctionnaire n’a pas été en mesure d’allumer les bougies, mais que, en fait, elle n’a pas pu le faire à cause de ses actes ou de son inaction, qui ont donné lieu à la situation.

[177] Ce que la fonctionnaire n’a pas dit à l’audience, tant dans son interrogatoire principal que dans son contre-interrogatoire, c’est qu’elle avait fixé deux semaines auparavant l’audience du tribunal au vendredi en question. Lorsque je l’ai questionnée de nouveau à ce sujet, elle a confirmé n’avoir prévenu aucun participant à l’audience (le juge président ou l’avocat de la partie adverse) de la nécessité pour elle de quitter le tribunal de façon à être au domicile à temps pour allumer des bougies. La preuve n’a pas montré que sa superviseure est intervenue de quelque manière que ce soit afin de fixer au jour en question la poursuite de cette cause en particulier ou qu’elle savait même que la fonctionnaire l’avait fait.

[178] Au moment où la fonctionnaire a témoigné devant moi, celle‑ci était une membre chevronnée du Barreau de l’Ontario, ayant été admise quelque 23 ans plus tôt, en 1996. En plus d’être membre de la profession, elle est procureure de la Couronne et avocate plaidante. Elle exerce sa profession dans les salles d’audience et doit souvent composer avec des témoins qui ne sont pas tout à fait francs. La nature même de sa profession, son ancienneté et son emploi précis établissent qu’elle est bien consciente non seulement de l’importance d’être honnête, mais aussi des répercussions de ne pas être tout à fait honnête et franc.

[179] Le présent grief porte en grande partie sur les allégations de discrimination fondée sur la situation de famille et la religion de la fonctionnaire. Celle‑ci connaît le fondement juridique des mesures d’adaptation liées à la situation de famille parce qu’elle a mentionné l’arrêt Johnstone dans sa correspondance avec ses superviseurs. Elle connaissait l’importance qui serait accordée à la correspondance avec le pédiatre de la famille, mais elle semblait prête à ne pas être franche au sujet des lettres du pédiatre. En ce qui concerne l’allégation de discrimination fondée sur la religion, l’enjeu porte en grande partie sur la capacité de la fonctionnaire à rentrer chez elle du centre-ville de Toronto le vendredi. Lorsqu’elle a parlé du fait qu’elle n’a pas pu allumer à temps les bougies du shabbat, elle a donné un exemple précis. Encore une fois, elle a retenu des renseignements importants à ce sujet.

[180] Ce qui est le plus troublant dans ces deux cas, c’est que la fonctionnaire a retenu des renseignements qui étaient manifestement pertinents et importants pour l’audience. Dans le cas de l’allumage de bougies, sa cause repose en grande partie sur la façon dont le changement par l’employeur de son lieu de travail obligatoire était discriminatoire, car le changement a nui à sa capacité d’être au domicile à temps pour s’acquitter de ses obligations. Sa cause repose sur les mesures que l’employeur a prises pour éventuellement empêcher que cela se produise. Lorsqu’il a été demandé à la fonctionnaire de donner un exemple où elle n’a pas pu allumer les bougies à temps, elle a décrit un cas où elle a comparu devant le tribunal le vendredi, ce qui, si je ne l’avais pas questionnée davantage, m’aurait amenée à supposer que l’employeur avait quelque chose à voir avec cela. En fait, elle était en congé de maladie payé, avait conservé le dossier en question et avait elle-même fixé au vendredi la comparution devant le tribunal.

[181] Si je n’avais pas posé de questions à la fonctionnaire, l’impression aurait été en quelque sorte que l’établissement de la date de sa comparution était complètement indépendant de sa volonté et que son incapacité à rentrer à temps pour allumer les bougies était la faute d’autres personnes, implicitement celle de l’employeur. Après son témoignage durant l’interrogatoire principal, le contre-interrogatoire, puis le nouvel interrogatoire, la fonctionnaire n’a pas dit, jusqu’à ce que je lui pose la question, qu’elle avait fixé sa comparution devant le tribunal à la date et l’heure précises en question. Ce n’est pas tout : elle n’a pas informé le juge président ou l’avocat de la partie adverse de renseignements essentiels, c’est-à-dire qu’elle avait une obligation religieuse à respecter à une heure donnée.

[182] Dans les deux cas, les lettres du Dr Wise et l’allumage des bougies du shabbat, il est évident que la fonctionnaire a induit la Commission en erreur quant à des faits critiques relativement à sa situation.

[183] En plus des cas concernant les lettres du Dr Wise et le fait que la fonctionnaire n’a pas pu allumer les bougies le 6 décembre 2019, il y a eu d’autres cas où son témoignage était tellement dénué de détails et rempli d’hyperboles que très peu de poids à la preuve qu’elle a présentée devrait être accordé, étant donné qu’elle a délibérément omis des renseignements dans les cas susmentionnés.

[184] Une grande partie de la preuve concernant les responsabilités de la fonctionnaire à l’égard de ses enfants était présentée en termes généraux, comme l’obligation d’assister à des rendez‑vous de différents types, dont un exemple était des rendez‑vous dentaires. Elle a souligné que l’un des enfants avait un certain nombre de problèmes particuliers qui nécessitaient un nombre important de traitements, de rendez‑vous et donc de visites de sa part.

[185] Dans un courriel daté du 24 février 2016, la fonctionnaire a transmis à Mme Gruppuso des courriels qu’elle a échangés avec un cabinet dentaire, selon lesquels elle avait manqué un rendez‑vous dentaire pour l’un de ses enfants, qui n’était pas l’enfant reconnu comme ayant de multiples problèmes. Il était écrit ceci dans le courriel du 24 février 2016 : [traduction] « Comme vous pouvez le voir dans les courriels ci-dessous, les choses à la maison ont déjà commencé à nous donner des maux de tête. Ce ne sont là que deux exemples. Je n’oublierais JAMAIS une comparution devant le tribunal, mais j’ai maintenant manqué deux rendez‑vous dentaires pour cinq enfants différents, et le dentiste pourrait nous refuser. »

[186] Dans les courriels échangés que la fonctionnaire a joints et qui indiquent qu’un enfant a manqué un rendez‑vous à 8 h 30, la fonctionnaire a dit au cabinet dentaire qu’elle [traduction] « travaillait jour et nuit », tout comme son époux, et qu’ils n’ont pas reçu le rappel habituel. Dans le courriel du 24 février 2016, il est donné à penser que le dentiste pourrait les « refuser » en tant que patients, bien que les courriels joints ne portent que sur un rendez‑vous manqué et ne disent pas cela. Le rendez‑vous dentaire manqué dont il est question dans le courriel était prévu pour un mercredi, une journée où la fonctionnaire ne télétravaille pas normalement. En outre, elle semble blâmer le cabinet du dentiste, plutôt que le fait que son époux et elle n’ont pas fait le suivi du rendez‑vous.

[187] Une copie de la réponse au grief au premier palier (datée du 31 mai 2016) qui fait l’objet de la présente audience a également été déposée en preuve. Elle porte sur des rendez‑vous chez le dentiste et mentionne ceci :

[Traduction]

[…]

Au cours de l’audition du grief, vous avez mentionné être allée à plus de cinquante (50) rendez‑vous dentaires par année et que d’autres soins orthodontiques sont prévus pour vos enfants. Depuis l’audition du grief, vous avez transmis chacune des réclamations que vous avez présentées à la Great‑West, compagnie d’assurance-vie, et qui notent chacun de vos rendez‑vous des dernières années. D’après les réclamations, vingt (20) rendez‑vous ont été prévus du 16 avril 2015 au 19 avril 2016. Il semble par ailleurs qu’environ 11 des 20 rendez‑vous aient été fixés un jour autre qu’un jeudi ou un vendredi. Il semble également que quatre (4) rendez‑vous étaient pour vous ou votre époux, parmi les noms qui n’ont pas été vérifiés à partir du document.

[…]

 

[188] La fonctionnaire était à l’audience la seule témoin qui pouvait me dire combien de rendez‑vous dentaires ont été pris au cours de l’exercice 2015-2016, pour combien d’enfants et quand ces rendez‑vous étaient prévus. D’après son témoignage, elle était la personne responsable de ces questions, mais aucun élément de preuve à cet égard n’a été produit. Je suppose que des relevés existent, car elle a fait des réclamations pour recouvrer les dépenses en question dans le cadre du régime de soins dentaires de l’employeur, dont il est question dans la réponse au grief. La réponse indique aussi que la fonctionnaire a produit à l’intention de Mme Gruppuso des demandes de remboursement de frais pour des soins dentaires reçus lors [traduction] « des dernières années ». Elle mentionne également que, selon les relevés de dépenses qu’elle a produits, il y a eu 20 rendez‑vous au cours de la période d’un an allant du 16 avril 2015 au 19 avril 2016, bien que la fonctionnaire ait laissé entendre être allée à plus de 50 rendez‑vous dentaires par année. Dans la réponse, il est précisé en outre que quatre rendez‑vous ont été pris pour la fonctionnaire ou son époux, ce qui signifie que seulement 16 ont été pris pour les enfants. Il est par ailleurs indiqué que 11 des 20 rendez‑vous ont été fixés à une journée autre que le jeudi ou le vendredi, qui étaient les jours de télétravail de la fonctionnaire.

[189] Les deux exemples susmentionnés révèlent l’hyperbole à laquelle la fonctionnaire semblait encline lorsqu’elle m’a présenté les faits, mais aussi à ses superviseurs, aux moments pertinents, pour atteindre son objectif de maintien du télétravail. Étant donné sa propension à exagérer et à induire en erreur, je suis sceptique quant à la véracité d’une grande partie de ce qu’elle affirme lorsqu’une source indépendante d’elle n’étaye pas ses dires.

2. Allégation de discrimination fondée sur la situation de famille

[190] Les deux parties ont déclaré dans leurs observations finales que l’arrêt Johnstone est la décision qui fait définitivement jurisprudence en ce qui concerne la discrimination fondée sur la situation de famille. Le paragraphe 93 de l’arrêt expose une analyse à quatre volets dont un tribunal doit tenir compte pour décider s’il y a une preuve prima facie de discrimination en milieu de travail fondée sur un motif illicite, en l’occurrence la situation de famille en raison d’obligations liées à la garde d’enfants. Pour établir une preuve prime facie, la fonctionnaire devait démontrer ce qui suit :

1) qu’elle assume l’entretien et la surveillance d’un enfant ou d’enfants;

2) que l’obligation en cause relative à la garde des enfants fait jouer sa responsabilité légale envers ces enfants et qu’il ne s’agit pas simplement d’un choix personnel;

3) qu’elle a déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable;

4) que les règles attaquées régissant le milieu de travail entravent d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants.

 

[191] Chacun des quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Johnstone sert de point de départ au suivant. Cela signifie que, lorsque le plaignant invoque la discrimination fondée sur la situation de famille, il doit respecter tous les facteurs, à commencer par le premier. De plus, s’il ne respecte pas ce qui est nécessaire pour satisfaire à un facteur au cours de l’analyse, il ne pourra pas établir de preuve prima facie. Chacun des quatre volets de l’analyse est défini plus en détail aux paragraphes 94 à 97 de l’arrêt Johnstone.

[192] Le premier facteur oblige le plaignant à démontrer qu’il assume effectivement l’entretien et la surveillance des enfants. Pour ce faire, le plaignant doit être en mesure de démontrer qu’il entretient ce type de relation avec l’enfant ou les enfants en question et que le fait de ne pas répondre aux besoins de l’enfant ou des enfants entraîne sa responsabilité légale. Dans le cas d’une mère ou d’un père, cette conclusion découle naturellement de leur qualité de parent.

[193] Le deuxième facteur est étroitement lié au premier. Le plaignant doit démontrer que les besoins en matière de garde des enfants en cause découlent d’une obligation légale envers les enfants. Encore une fois, dans le cas d’une mère ou d’un père, cette conclusion découle naturellement de leur qualité de parent. Cependant, il peut s’agir d’un facteur un peu fluide, selon la situation. Une obligation légale envers un nourrisson, un tout‑petit ou un enfant allant à l’école primaire est habituellement, mais pas nécessairement, différente de celle qui peut exister envers un adolescent ou un ou plusieurs enfants en âge de fréquenter l’école secondaire.

[194] Le troisième facteur oblige le plaignant à démontrer qu’il a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable. Selon ce facteur, il est appelé à démontrer que ni lui ni son conjoint ne sont en mesure de s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants tout en conservant son emploi et qu’ils n’ont pas raisonnablement accès à des services de garde d’enfants ou à des mesures de substitution qui leur permettront de respecter leurs obligations professionnelles. Autrement dit, le plaignant doit démontrer qu’il est aux prises avec un véritable problème en ce qui concerne la garde d’enfants. Chaque cas est essentiellement un cas d’espèce.

[195] Le quatrième et dernier facteur exige que les règles controversées régissant le milieu de travail entravent d’une manière plus que négligeable ou insignifiante la capacité du plaignant de s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants. Il convient dans chaque cas d’examiner le contexte dans lequel se présente un conflit entre les besoins en matière de garde d’enfants et l’horaire de travail pour établir si l’entrave en question est plus que simplement négligeable ou insignifiante. Le quatrième facteur examine aussi les règles régissant le milieu de travail qui sont à l’origine du problème. En l’absence de règle ou de situation problématique en milieu de travail, tous les autres facteurs deviennent redondants.

[196] Pour les motifs exposés ci‑après, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi de preuve prima facie de discrimination, comme il est énoncé dans l’arrêt Johnstone. Par conséquent, en ce qui concerne l’allégation de discrimination fondée sur la situation de famille, son grief est rejeté.

[197] Il n’est pas contesté que la fonctionnaire est la mère des enfants qui ont été reconnus dans la présente affaire et que ces derniers vivaient avec elle et son époux au domicile familial ou aux domiciles familiaux mentionnés dans la présente décision au moment du grief et des faits qui ont donné lieu à celui-ci. Par conséquent, il ne fait aucun doute que la fonctionnaire satisfait au premier facteur du critère énoncé dans l’arrêt Johnstone.

[198] La preuve a révélé que les besoins en matière de garde d’enfants découlent d’une obligation légale envers les enfants. Toutefois, elle a aussi révélé que certaines choses ou certains besoins cernés ne découleraient pas nécessairement de l’obligation légale, mais qu’il serait préférable d’y donner suite en conjonction avec le troisième facteur de l’analyse.

[199] Le troisième facteur oblige la fonctionnaire à démontrer qu’elle a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable. Elle devait démontrer que ni elle ni son époux ne sont en mesure de s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants tout en conservant son emploi et qu’ils n’ont pas raisonnablement accès à des services de garde d’enfants ou à des mesures de substitution qui leur permettraient de respecter leurs obligations professionnelles La fonctionnaire n’a pas satisfait à ce critère pour un certain nombre de raisons.

[200] Je ne doute aucunement que le fait d’avoir 5 enfants (dont l’écart d’âge entre l’aîné et le cadet est de 14 ans, y compris, au moment du grief, un tout-petit et un enfant ayant de multiples problèmes de santé) rend la vie au foyer extrêmement occupée. La fonctionnaire et son époux étaient tous deux membres de professions libérales. D’après son témoignage, ils avaient de temps à autre non seulement une, mais deux ou même trois bonnes d’enfants à leur emploi. Néanmoins, presque tous les éléments de preuve qu’elle a présentés à l’appui de sa position portent sur l’entente de télétravail et la façon dont celle‑ci lui a permis d’accomplir facilement des tâches liées à sa famille et, dans une moindre mesure, à l’allumage des bougies du shabbat.

[201] Le télétravail est une manière pour un employé de s’acquitter de ses fonctions avec l’accord de son employeur. Il consiste à travailler à partir d’un endroit, habituellement le domicile de l’employé, plutôt que son lieu de travail habituel. Généralement, le télétravail est le plus propice aux emplois de bureau qui n’exigent pas une certaine forme de présence physique dans le lieu de travail. Ni la LCDP ni aucune clause des conventions collectives qui peut être pertinente en l’espèce ne prévoit que le télétravail est un droit protégé. Le télétravail peut néanmoins constituer le fondement de mesures d’adaptation qui peuvent être utilisées dans les cas où un droit protégé peut être en cause.

[202] Le départ de la fonctionnaire de l’EPR pour être mutée à l’équipe de l’AHV est à l’origine de la question à trancher en l’espèce. L’EPR mène des poursuites relatives à l’impôt sur le revenu, qui ont été décrites comme étant de plus grande envergure et plus longues et comme exigeant des périodes de travail considérables et prolongées à l’extérieur de la salle d’audience, ce qui est propice au télétravail. Quand la fonctionnaire faisait partie de l’EPR, elle avait quatre enfants, d’âges différents. Un régime de télétravail qui lui permettait de travailler de chez elle les jeudis et les vendredis avait été accepté. Elle bénéficiait, en plus d’un horaire comprimé, de ce qui a été décrit comme de modalités de travail flexible qui lui permettaient de commencer et de terminer le travail à des heures variables, selon les circonstances.

[203] La fonctionnaire est juive. D’après son témoignage, elle adhère à bon nombre des coutumes, des traditions et des règles de sa religion. Elle a admis que, souvent, elle pratique davantage sa religion que d’autres juifs pratiquants, y compris son époux. Certaines de ses croyances et observances religieuses sont, en retour, inextricablement liées au fonctionnement de son unité familiale, notamment d’inscrire les enfants à l’école de jour hébraïque, de suivre certaines règles concernant le shabbat, y compris l’allumage de bougies avant le coucher du soleil, et de manger de manière cachère. La fonctionnaire a également admis que, dans certaines situations, elle ne suivait pas des règles, comme celle d’utiliser ou de conduire une voiture ou de travailler le jour du shabbat.

[204] Je n’ai pas entendu de témoignage d’expert sur les principes et les pratiques de la religion juive. Toutefois, d’après le témoignage de la fonctionnaire, ils ressemblent beaucoup aux principes de plusieurs religions, dans lesquelles des règles peuvent exister, mais dont la nature exacte n’est pas toujours parfaitement claire, de sorte que les gens les interprètent souvent différemment. Même lorsque les règles sont claires, elles ne sont pas toujours suivies de la même manière par tout le monde. Quoi qu’il en soit, d’après la preuve, le régime de télétravail était commode et a bien servi les intérêts de la fonctionnaire en ce qui a trait aux responsabilités qu’elle assumait à l’égard de ses enfants. Certaines de ces responsabilités allaient de pair avec sa croyance religieuse au sujet de l’éducation des enfants conformément à leur religion, ce qui comprenait de les envoyer à l’école de jour hébraïque.

[205] En avril 2012, la fonctionnaire a été informée que, à compter du mois suivant, elle devait quitter l’EPR pour être mutée à l’équipe de l’AHV. Elle a continué de s’occuper de poursuites, mais la nature de son travail était bien différente. Porter des affaires en justice en tant que membre de l’équipe de l’AHV était un processus davantage judiciarisé : l’équipe menait un grand nombre de poursuites devant les cours provinciale et supérieure, en grande partie à l’AHV. Les procureurs avaient une lourde charge de travail, qui pouvait changer et qui changeait effectivement. Ils devaient exécuter diverses tâches liées à des poursuites au criminel, souvent de nombreuses tâches différentes dans de nombreux dossiers différents chaque jour. Mme Gruppuso, qui était responsable de l’équipe, devait composer avec ses ressources pour s’assurer que les comparutions devant le tribunal étaient respectées. Je ne doute aucunement que la tâche des membres de l’équipe de l’AHV de porter des affaires en justice était très différente de celle des membres de l’EPR et que la journée de travail d’un procureur de première ligne dans l’équipe de l’AHV était extrêmement occupée et souvent chaotique et comportait trop de travail et pas assez d’heures pour le faire.

[206] L’entente de télétravail de 2009 de la fonctionnaire a pris fin le 3 novembre 2009. Il semble qu’elle a continué de faire du télétravail après cela, même s’il n’y a aucune preuve documentaire montrant que l’employeur et elle ont signé une autre entente de télétravail alors qu’elle faisait encore partie de l’EPR. Par ailleurs, malgré le changement d’équipe, de l’EPR à l’équipe de l’AHV, en mai 2012, la fonctionnaire a continué de faire du télétravail en 2012, avant de prendre un congé de maternité en janvier 2013. S’il y a eu des discussions au sujet d’une nouvelle entente écrite de télétravail avec de nouveaux gestionnaires de son équipe de l’AHV – il y a des éléments de preuve selon lesquels des modalités de travail flexible et un régime de télétravail ont été approuvés et M. Andreopoulos lui a transmis une ébauche d’entente écrite –, aucune copie d’une telle entente n’a été déposée en preuve. Il ne ressort pas clairement de la preuve qu’un tel document a été signé. Cela dit, d’après la preuve, la fonctionnaire a continué de télétravailler, alors qu’elle faisait partie de l’équipe de l’AHV, après son retour de congé de maternité en janvier 2014.

[207] En juillet 2015, la fonctionnaire a transmis à M. Andreopoulos une nouvelle ébauche d’entente de télétravail, qui était fondée sur le modèle d’entente de prolongation du télétravail de 2009 (l’ébauche de l’entente de télétravail de 2015). Les seules différences importantes étaient les heures de début et de fin de sa journée de travail et la durée de l’entente (de janvier 2015 à janvier 2016). À la réception de la nouvelle ébauche d’entente de télétravail, M. Andreopoulos l’a transmise à Mme Gruppuso et lui a demandé s’il était possible de poursuivre l’entente de télétravail pour la fonctionnaire. Le 11 août 2015, M. Andreopoulos a envoyé un courriel à la fonctionnaire pour l’informer de sa demande à Mme Gruppuso. Cela a semblé être le début de ce qui peut être décrit uniquement comme la relation tumultueuse qui a émergé entre, d’une part, la fonctionnaire et, d’autre part, M. Andreopoulos et Mme Gruppuso.

[208] Au cours des mois qui ont suivi, des courriels ont été échangés entre la fonctionnaire, M. Andreopoulos et Mme Gruppuso. Le 4 octobre 2015, Mme Gruppuso a envoyé à la fonctionnaire un courriel lui posant une série de questions de clarification concernant sa demande de télétravail. Ces questions ont déjà été exposées dans la présente décision. Je ne les répéterai donc pas, sauf pour dire que, clairement, elles étaient fondées sur des formulations et des arguments figurant dans l’arrêt Johnstone. La fonctionnaire a répondu au courriel le 18 novembre 2015, mais n’a pas répondu aux questions de Mme Gruppuso. Cette dernière a ainsi envoyé un courriel à la fonctionnaire pour faire le suivi. Celle‑ci a répondu le 19 novembre 2015. D’après la réponse, il est clair qu’elle était mécontente des questions qui étaient posées. Comme elles ont déjà été énoncées plus tôt dans la présente décision, je ne les répéterai pas.

[209] Les échanges de courriels sur le sujet se sont poursuivis entre la fonctionnaire et Mme Gruppuso au cours des quelques mois suivants. Ils ont abouti à une réunion le 3 mars 2016, au cours de laquelle la fonctionnaire a été informée que son régime de télétravail prenait fin. Celle‑ci a envoyé un courriel à Mme Gruppuso le 15 mars 2015 pour résumer la réunion de son point de vue, courriel que Mme Gruppuso a transmis à MM. Pistyner et Andreopoulos. Il est clair que l’employeur n’était pas d’avis que la fonctionnaire lui avait fourni les renseignements nécessaires pour qu’il soit convaincu que des mesures d’adaptation étaient nécessaires selon l’arrêt Johnstone, ce qui a mis fin au régime de télétravail.

[210] Certains éléments de preuve de la fonctionnaire étaient très détaillés et précis, mais une grande partie de cette preuve détaillée était soit très accessoire soit, parfois, sans rapport avec les questions que je dois trancher. En ce qui concerne les faits cruciaux pour les questions que je dois trancher, la fonctionnaire a souvent parlé en termes généraux. Par conséquent, elle n’a pas produit la preuve nécessaire pour établir une preuve prime facie suivant le troisième facteur énoncé dans l’arrêt Johnstone.

[211] La fonctionnaire a cinq enfants. L’écart d’âge entre l’aîné et le cadet est de 14 ans. L’aîné entrait dans l’âge adulte au moment où le cadet commençait l’école. Je ne doute aucunement que la vie au foyer était extrêmement occupée. Toutefois, cela ne le distingue pas du foyer de tout autre employé du CT, du SPPC ou du bureau régional du Sud de l’Ontario du SPPC. Je n’ai entendu aucun témoignage qui la distinguerait d’autres employés qui ont des enfants, qui vivent dans la région du Grand Toronto, qui doivent se rendre au travail et qui ont une vie à l’extérieur de leur travail. En soi, cela ne satisfait pas aux critères énoncés dans les facteurs de l’arrêt Johnstone.

[212] La fonctionnaire a parlé longuement et de manière détaillée de certains des problèmes des enfants. Elle s’est beaucoup attardée à l’enfant qui a été reconnu comme ayant de nombreux problèmes de santé. Elle a parlé de l’aspect pratique du télétravail, qui lui faisait gagner un temps précieux, qu’elle passerait autrement en déplacement. Le télétravail lui permettait d’assister dans un court délai à des rencontres de parents. La fonctionnaire pouvait organiser des réunions ou des rendez‑vous pour qu’ils aient lieu les jours de télétravail. Je ne doute aucunement que le télétravail a facilité les choses pour la fonctionnaire, mais je n’ai entendu aucun détail à ce sujet.

[213] Le régime de télétravail a été annulé le 3 mars 2016. La présente audience a débuté le 2 avril 2019, soit plus de 3 ans après l’événement. La correspondance incluse dans le RCD mentionne que la fonctionnaire et sa gestionnaire ont échangé des courriels au sujet des critères énoncés dans l’arrêt Johnstone, et en ont parlé. Lorsque l’entente de télétravail a pris fin, la fonctionnaire était une avocate plaidante, forte de 20 ans d’expérience au Barreau de l’Ontario.

[214] La Cour d’appel fédérale a rendu en 2014 sa décision dans l’arrêt Johnstone. Il est clair que la fonctionnaire connaissait le cas au moment pertinent, puisqu’elle en a discuté avec l’employeur avant la fin de l’entente de télétravail. Elle était par ailleurs représentée par son agent négociateur, qui représente uniquement les juristes de la fonction publique fédérale. Il lui incombait de présenter à l’audience les éléments de preuve nécessaires pour établir son grief en se fondant sur l’arrêt Johnstone. Ce qu’elle devait faire, c’était de communiquer de l’information selon laquelle des efforts raisonnables avaient été déployés pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables. Il s’agissait exclusivement d’éléments de preuve dont elle a seulement la connaissance et le contrôle. C’est à cet égard que la fonctionnaire a échoué, précisément de la manière suivante :

1) bien que la fonctionnaire ait parlé de son rôle de cheffe d’équipe et d’intervenante clé relativement à l’effort de collaboration pour ce qui est de l’enfant ayant de nombreux problèmes de santé et bien qu’elle ait produit des documents à cet égard, aucune preuve n’a été présentée concernant le nombre de réunions qui ont eu lieu, les personnes qui y ont participé, le moment où elles ont eu lieu, leur durée et la question de savoir lesquelles et combien, le cas échéant, ont eu lieu pendant ses journées de télétravail ou comprimées;

 

2) bien que la fonctionnaire ait parlé du fait qu’elle est allée à des rendez‑vous, comme chez le médecin, le dentiste, l’orthodontiste et d’autres spécialistes, ainsi qu’à des rencontres avec des enseignants et des tuteurs, aucune preuve n’a été présentée non plus concernant le nombre de rendez‑vous ou de rencontres qui ont eu lieu, les personnes qui y ont participé, le moment où ils ont eu lieu, leur durée et la question de savoir lesquels et combien, le cas échéant, ont eu lieu pendant ses journées de télétravail ou comprimées;

 

3) comme il est mentionné dans la section sur la crédibilité de la fonctionnaire, il semble y avoir des éléments de preuve concernant les rendez‑vous chez le dentiste. Cependant, aucun détail n’a été communiqué, et le seul exemple fourni dans la documentation faisait référence à un rendez‑vous le mercredi, un jour où elle ne faisait pas de télétravail. Dans ce cas précis, la preuve a révélé que son époux et elle ont semblé avoir oublié le rendez‑vous;

 

4) bien que la fonctionnaire ait parlé du fait que les enfants fréquentaient l’école de jour hébraïque, je n’ai aucunement été informé de l’emplacement de l’école par rapport à son domicile. Les enfants pouvaient-ils s’y rendre à pied, ou fallait-il les y conduire? La fonctionnaire a parlé d’un arrangement de covoiturage, mais n’a donné aucun détail à ce sujet. Elle n’a pas dit s’il y avait une entente réciproque de covoiturage et si, dans l’affirmative, quelle en était la nature. Elle n’a pas précisé s’il y avait de multiples obligations et arrangements concernant le covoiturage;

 

5) en ce qui concerne le covoiturage, s’agissait-il seulement d’un problème le matin ou d’un problème après l’école également? Qu’en était‑il des activités après l’école, comme les activités parascolaires?

 

6) bien que la fonctionnaire ait parlé du fait qu’elle avait des bonnes d’enfants, qu’elle en avait parfois plus d’une et qu’elle a perdu les services de bonnes d’enfants, elle n’a donné aucun détail quant au nombre de bonnes d’enfants qu’elle a eues à quelque moment donné que ce soit, à leurs fonctions ou à leur capacité de conduire. Les bonnes d’enfants pouvaient-elles ou non faire du covoiturage?

 

7) je n’ai entendu aucun témoignage précis au sujet du rôle de l’époux de la fonctionnaire. Bien qu’il ait été mentionné dans certains de ses courriels, j’ai entendu dire, en somme, qu’il était chirurgien et que, au moment où elle commençait son interrogatoire principal, il travaillait dans deux hôpitaux différents et était très occupé. Je ne dispose d’aucune autre information à ce sujet. Je n’ai aucune idée du nombre d’heures qu’il a effectué durant l’une ou l’autre des périodes en cause dans le grief ni du rôle et des responsabilités qu’il a assumés dans le fonctionnement de l’unité familiale, y compris concernant tous les points que je viens de soulever;

 

8) mis à part l’absence d’éléments de preuve concernant l’époux de la fonctionnaire, les témoignages que j’ai entendus ont très peu porté sur sa famille élargie. Bien qu’il ait été question de parents et de beaux-parents, très peu de détails sont ressortis. J’ai eu l’impression que ses parents et ses beaux-parents vivaient à Toronto, mais, à part cela, très peu de renseignements m’ont été communiqués. La fonctionnaire a dit qu’il fut un temps où ses parents s’occupaient des enfants le soir. Cependant, après que des questions ont été posées à ce sujet, il a semblé que cela se soit produit bien avant la période en cause dans le grief, c’est‑à‑dire avant 2009. La seule autre chose que j’ai entendue, c’est que la mère ne pouvait pas s’occuper des enfants sans la présence du père. Je n’ai pas entendu si c’était parce que cinq enfants étaient trop pour elle ou si un problème de santé était en cause;

 

9) dans un courriel envoyé à Mme Gruppuso, la fonctionnaire a affirmé qu’elle présentait sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs liés aux soins à des aînés, mentionnant qu’elle prenait soin de sa mère et de sa grand‑mère. Je n’ai entendu aucun témoignage à ce sujet;

 

10) la fonctionnaire a mentionné une brouille quelconque avec son beau-père à propos d’une chose concernant l’un des enfants, mais les détails n’ont pas été fournis à l’audience. Cela s’est-il produit avant, pendant ou après la période en cause?

 

[215] La fonctionnaire a aussi parlé de certaines activités parascolaires des enfants et du rôle qu’elle a joué à cet égard. En guise d’exemple, elle a parlé du fait que, en route vers le domicile après le travail, elle est allée chercher un enfant et qu’elle l’a conduit à un événement sportif. À titre d’autre exemple, la fonctionnaire a parlé d’un moment où elle a travaillé tard au centre‑ville et a manqué la majeure partie d’un événement de remise de prix sportifs, alors qu’elle était gérante de l’équipe concernée. Elle a ajouté qu'elle a manqué des activités parascolaires des enfants et qu’il s’agissait d’un problème à la maison. La fonctionnaire a déposé en preuve une note au sujet de l’un de ses enfants, écrite alors qu’il était très jeune, qu’il fréquentait un camp et que sa mère lui manquait.

[216] Il n’est pas rare que les familles soient occupées. Plus la famille est grande, plus elle peut être occupée. Les exemples susmentionnés et les éléments de preuve que la fonctionnaire a fournis dans ce sens inspirent de l’empathie et font vibrer des cordes sensibles. Cependant, ils ne permettent pas de fonder une conclusion de discrimination ou de manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Je ne doute aucunement que les mêmes situations se produisent dans des dizaines de milliers de foyers partout au pays lorsque les parents sont incapables d’assister aux activités parascolaires importantes de leurs enfants ou lorsque des tout-petits sont laissés aux soins de gardiennes alors que leurs parents vont travailler.

[217] En somme, la fonctionnaire n’a pas établi qu’elle a déployé des efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable. Comme elle n’a pas été en mesure de satisfaire aux critères énoncés dans le troisième facteur de l’arrêt Johnstone, le quatrième facteur n’est pas pertinent.

3. Allégation de discrimination fondée sur la religion

[218] La fonctionnaire a témoigné au sujet de ses croyances et de ses observances religieuses. Elle a décrit un certain nombre de règles différentes, qui, d’après elle, devraient être respectées, en particulier les trois règles obligatoires suivantes : les juifs ne devraient pas travailler le shabbat, ils ne devraient pas conduire le shabbat et l’allumage de bougies devrait avoir lieu avant le coucher du soleil, tout juste avant le shabbat. D’après la preuve, la fonctionnaire choisissait à l’occasion de ne pas respecter les interdictions de conduire un véhicule et de travailler le shabbat, mais choisissait de suivre la règle consistant à allumer des bougies tout juste avant le shabbat.

[219] En bref, la fonctionnaire a choisi de ne pas suivre toutes les règles de sa religion, mais l’allumage de bougies était une obligation religieuse importante pour elle, et elle a choisi de s’y conformer strictement.

[220] La fonctionnaire a parlé de nombreux aspects différents de sa religion et de son importance pour elle. Cependant, le présent grief et l’élément de discrimination fondée sur la religion qui s’y rattache reposaient sur l’allumage des bougies du shabbat, qui a lieu une heure avant le coucher du soleil le vendredi et qui, selon elle, fait en sorte qu’elle doit bénéficier de mesures d’adaptation sous la forme du télétravail pour être en mesure de s’acquitter de ses obligations.

[221] Il est bien connu que, au Canada, l’heure du coucher du soleil varie de cinq heures ou plus entre le solstice d’été, le jour le plus long de l’année, en juin ,et le solstice d’hiver, le jour le plus court, le 21 décembre. Plus un point est situé au nord du pays par rapport à l’extrémité sud, plus l’écart est grand entre ces deux points. Compte tenu uniquement de ce qui précède, je suppose que, pour la fonctionnaire, qui se trouve à Toronto, les périodes les plus problématiques étaient les vendredis d’automne et d’hiver, où les jours sont plus courts et où le coucher du soleil a lieu en fin d’après‑midi.

[222] Je dispose de très peu d’éléments de preuve au sujet des présumés actes discriminatoires fondés sur la religion de l’employeur. Ce que j’ai entendu de la part de la fonctionnaire, c’est en grande partie à quel point la situation en question était peu pratique pour elle, car elle devait quitter son espace de travail du centre‑ville de Toronto et rentrer chez elle à temps pour allumer des bougies. Ce que j’ai surtout entendu, c’est que, en général, les déplacements étaient difficiles et qu’il pouvait y avoir des problèmes de circulation et de transport en commun.

[223] Toutefois, la preuve n’a pas montré que l’employeur a agi de manière discriminatoire à l’égard de la fonctionnaire et de ses croyances religieuses. Absolument rien ne permet de penser qu’il n’était pas disposé à lui accorder le temps dont elle avait besoin pour rentrer à temps afin d’allumer des bougies du shabbat ou pour remplir d’autres obligations religieuses. En fait, l’un des arguments que la fonctionnaire a fait valoir tout au long de la discussion sur le télétravail était essentiellement que les comparutions devant le tribunal avaient rarement lieu le vendredi, qui était donc la journée idéale pour le télétravail. C’est peut-être vrai, mais cet argument ne permet pas d’étayer son allégation voulant que le refus de lui permettre de télétravailler ait été discriminatoire pour des motifs liés à la religion. Le fait qu’il n’y avait aucun besoin réel d’être au centre‑ville permet de croire qu’elle pouvait y travailler et partir au besoin pour rentrer chez elle à temps afin d’allumer des bougies, sans être obligée d’être à un endroit particulier pendant un certain temps.

[224] Je ne doute aucunement que la circulation à Toronto peut être difficile. Je ne doute pas que le système de transport en commun a parfois des retards. J’ai pris le métro à Toronto pour me rendre à des audiences, et il y a eu des interruptions de service et des délais. C’est une réalité dans cette ville, comme dans beaucoup de grandes villes. Si le télétravail le vendredi est une mesure d’adaptation appropriée pour la fonctionnaire, qui doit être au domicile avant une heure précise, ce n’est certainement pas la seule mesure d’adaptation. La jurisprudence indique clairement qu’il n’est pas nécessaire qu’une mesure d’adaptation soit parfaite ni qu’elle soit celle que l’employé préfère.

[225] Le grief de la fonctionnaire à l’égard de l’allégation de discrimination fondée sur la religion portait principalement sur le fait qu’elle ne risquait pas de ne pas pouvoir allumer les bougies si elle télétravaillait le vendredi. Toutefois, la preuve n’appuie pas cette affirmation. Il est difficile de comprendre la mesure dans laquelle il est discriminatoire de ne pas pouvoir télétravailler quand le soleil se couche bien après 18 heures le vendredi durant de nombreux mois de l’année, alors que la seule situation, d’après les témoignages entendus, où elle n’a pas pu allumer les bougies (ce qui a été décrit plus tôt dans la présente décision) s’explique uniquement par les actes de la fonctionnaire et n’avait rien à voir avec l’employeur, si ce n’est que celle‑ci travaille comme procureure de la Couronne.

[226] Comme il est mentionné précédemment dans la présente décision, la fonctionnaire n’avait pas pu allumer les bougies alors que, de son propre chef, elle avait fixé une date d’audience à un vendredi après-midi. Elle n’avait pas reçu l’ordre de la fixer à la date ou à l’heure en question. Un autre procureur de la Couronne n’a pas fixé pour elle la date et l’heure de l’audience, qui n’ont pas été imposées non plus par un autre procureur de la Couronne ou sa superviseure. Elle a librement accepté de fixer l’audience à la date et à l’heure en question. La fonctionnaire n’a pas informé ses superviseurs qu’elle ne pouvait pas y assister ni leur a demandé de faire en sorte que quelqu’un d’autre y assiste à sa place. Elle n’a pas informé le juge président le procès ou l’avocat de la défense de son obligation de partir avant une certaine heure. De plus, elle ne leur a pas non plus dit qu’elle risquait de ne pas pouvoir rentrer chez elle à temps, lorsque cela était devenu évident.

[227] Comme il a été exposé précédemment, dans la section sur la crédibilité de la fonctionnaire, celle‑ci a consacré beaucoup de temps et d’énergie à faire valoir sa position selon laquelle le télétravail était nécessaire, particulièrement le vendredi. Même compte tenu de ce qui précède et du fait qu’elle a déposé un grief à ce sujet, le seul exemple précis dont elle a parlé en détail, lorsqu’elle a été questionnée sur le fait de ne pas pouvoir allumer les bougies, était celui qui s’est produit la veille de la deuxième semaine de l’audience de la procédure de règlement du grief et qui était le résultat de sa conduite. Étant donné l’importance énorme que la fonctionnaire accordait à ce sujet ainsi que le temps et les efforts qu’elle a consacrés à en débattre avec sa superviseure, elle s’est présentée au tribunal le vendredi avant la présente audience. Quand l’avocat de l’employeur l’a interrogée sur la fréquence à laquelle elle ne pouvait pas allumer les bougies, elle n’a pas vraiment pu donner d’exemple concret, à part celui dont j’ai déjà parlé. J’aurais cru qu’elle aurait soigneusement documenté les difficultés qu’elle a éprouvées à cet égard depuis mars 2019. Si elle l’a fait, elle n’en a produit aucun élément de preuve.

[228] La fonctionnaire a dit avoir d’autres obligations religieuses. Cependant, rien ne permet de penser qu’elle se soit vu refuser un congé afin de remplir ces autres obligations ou qu’elle ait fait l’objet de discrimination de quelque autre façon que ce soit en raison de ses croyances ou de sa pratique religieuses.

4. Allégation de discrimination fondée sur l’incapacité

[229] Rien ne permet de conclure que, avant le dépôt du grief, la fonctionnaire avait une incapacité. En fait, rien ne permet de penser qu’elle avait une incapacité et qu’elle a eu besoin de mesures d’adaptation en conséquence.

[230] En réponse à des questions que Mme Gruppuso avait posées plus tôt à la fonctionnaire, celle‑ci a formulé, dans un courriel adressé à Mme Gruppuso le 19 novembre 2015, un commentaire laissant entendre que la demande de mesures d’adaptation (télétravail et travail flexible) était fondée sur une question de santé personnelle. Le commentaire était le suivant : « Je suis aussi aidante naturelle conjointe pour ma mère et une grand-mère. La demande de mesures d’adaptation n’est pas fondée uniquement sur des responsabilités en matière de garde d’enfants. Elle est fondée sur des motifs liés aux soins à des aînés, à la religion et à mes propres besoins en santé. » Rien dans le courriel du 19 novembre n’indiquait ce qu’était le problème de santé.

[231] Aucun autre élément de preuve n’a été présenté concernant la question, qui ne semble pas avoir été soulevée de nouveau jusqu’à ce que Mme Gruppuso le fasse dans un courriel de suivi le 6 avril 2016, incidemment le même jour où le grief de la fonctionnaire a été déposé. Dans le courriel du 6 avril, Mme Gruppuso aborde le commentaire tiré du courriel du 19 novembre de la fonctionnaire de la manière suivante :

[…]

Dans votre courriel du 19 novembre 2015 et à la section I de votre courriel du 15 mars 2016 (11 h 32), vous avez également mentionné avoir besoin de mesures d’adaptation pour des motifs liés à votre propre état de santé. Je vous inviterais à transmettre des documents médicaux pertinents de votre médecin traitant qui décrivent les limitations fonctionnelles médicales ou les mesures médicales préventives dans votre cas.

[…]

 

[232] Aucun document médical n’a été transmis à l’employeur avant juin 2016. Par ailleurs, les documents n’ont pas été déposés en preuve. Le dossier de preuve contient toutefois la lettre du 12 juillet de Mme Gruppuso en réponse aux certificats médicaux reçus. La lettre du 12 juillet indique simplement que deux notes de la Dre Naiman ont été reçues dans le courriel du 10 juin 2016 de la fonctionnaire, que l’une des notes indique que cette dernière devait s’absenter du travail à compter du 20 juin et que la Dre Naiman réévaluerait son état de santé à la mi‑juillet pour déterminer une date de retour au travail. La deuxième note fait mention d’un bureau assis-debout et contient des renseignements concernant cette question, qui n’est pas en cause dans la présente affaire.

[233] La lettre du 12 juillet fait référence à une note du 7 juillet 2016 de la Dre Naiman, laquelle a été versée au dossier de preuve. Elle précise simplement qu’il a été conseillé à la fonctionnaire de ne pas travailler en raison de problèmes physiques et d’autres problèmes de santé et que la Dre Naiman a dit que la fonctionnaire tirerait avantage du travail flexible, du télétravail et d’une réduction des heures supplémentaires. Il n’est nullement fait mention d’une incapacité.

[234] Dans la lettre du 12 juillet, il est demandé que des renseignements soient transmis par la Dre Naiman et que la fonctionnaire remette des documents à la Dre Naiman pour que celle-ci puisse fournir à l’employeur un rapport à jour sur l’état de santé de la fonctionnaire. Cette dernière a transmis à l’employeur une note de la Dre Naiman, datée du 13 juillet 2016, qui mentionne simplement que la fonctionnaire a été autorisée à retourner au travail en date du 25 juillet 2016.

[235] La note du 8 août a été rédigée environ 4 mois après le dépôt du grief et 5 mois après la date, telle que précisée dans le grief, à laquelle la fonctionnaire a pris conscience de la situation qui a mené au grief. Comme les autres notes de la Dre Naiman, elle ne fait pas non plus mention d’une incapacité.

[236] Enfin, il y a la note du 23 septembre 2019. Elle a été rédigée 3 ans et demi ou 42 mois après la date du grief. Elle précise la date à laquelle la fonctionnaire a pris conscience de la situation qui a mené au grief. La note a été rédigée non pas par la Dre Naiman, mais par la Dre Brown.

[237] Rien dans la preuve ne révèle que la fonctionnaire a une incapacité. Ce que la preuve révèle, c’est qu’elle a parfois pris un congé de maladie après la fin de son régime de télétravail. D’après ce qu’elle a dit, la raison des congés de maladie semble être le stress lié à l’obligation de se présenter au bureau, plutôt que de pouvoir travailler du domicile, en plus de ce qu’elle percevait comme une charge excédentaire qui lui était imposée sur le plan familial à la suite de la décision de l’employeur.

[238] La Dre Naiman n’a pas témoigné. Ses notes cliniques ou ses dossiers n’ont pas été produits en preuve. La preuve très limitée concernant l’état de santé de la fonctionnaire provenait de cette dernière, laquelle n’a pas déclaré d’incapacité. Au mieux, elle a affirmé qu’elle croyait être atteinte d’une maladie qui semblait être le stress ou être liée au stress. Je ne suis pas prêt à accepter sa parole à ce sujet, étant donné les conclusions que j’ai déjà tirées quant à sa crédibilité. Tout le monde éprouve du stress. Les seules questions sont celles de savoir à quel point la personne est stressée, si elle est capable de composer avec le stress et si le stress affecte sa capacité de travailler. Je ne doute aucunement que la fonctionnaire a vécu et vit probablement encore du stress. Elle est mère de cinq enfants de différents âges. Elle exerce une profession libérale et est procureure de la Couronne, et son époux est également membre d’une profession libérale. Cela dit, il n’y a absolument aucune preuve montrant que la fonctionnaire ne pouvait pas effectuer les heures qui lui étaient demandées.

[239] Dans Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada), 2018 CRTEFP 76, aux par. 392 et 393, j’ai déclaré ce qui suit :

392 Dans Central Okanogan, la Cour suprême a énoncé que la recherche d’un compromis fait intervenir plusieurs parties. Même si, dans certains cas, la recherche par plusieurs parties peut être abordée simplement au moyen d’une courte lettre ou note du médecin de famille et peut être facilement mise en œuvre par un employeur, dans d’autres cas, les faits dicteront qu’un processus plus complet est nécessaire, ainsi qu’une discussion, des commentaires et une collaboration beaucoup plus approfondis sont nécessaires. Nous sommes en présence de l’un de ces cas.

393 Dans son témoignage devant moi, le Dr Suddaby a affirmé que la plupart des psychiatres et psychologues font des recommandations concernant des mesures d’adaptation qui ne sont pas appropriées parce qu’ils n’ont pas suffisamment de connaissances au sujet du milieu de travail ou de l’emploi visé. Il a déclaré que, lorsque tous les intervenants concernés communiquent de manière efficace avec le niveau de divulgation approprié, il est probable que l’employé sera dans une meilleure position. Les commentaires de tous les intervenants sont importants, mais très rares dans notre système de soins de santé. Les commentaires du Dr Suddaby sont particulièrement pertinents, surtout lorsqu’ils ont trait au fonctionnaire et à sa situation.

 

[240] Les médecins s’occupent de la santé des membres de la collectivité. Au même titre que d’autres professionnels, ils peuvent se spécialiser dans un domaine particulier. Comme il a été déclaré dans Herbert, parfois, une simple note d’un médecin de famille suffit à faciliter le processus d’adaptation en milieu de travail. À d’autres occasions, comme il est aussi déclaré dans Herbert, « […] la plupart des psychiatres et psychologues font des recommandations concernant des mesures d’adaptation qui ne sont pas appropriées parce qu’ils n’ont pas suffisamment de connaissances au sujet du milieu de travail ou de l’emploi visé ».

[241] Aucune des notes du médecin que la fonctionnaire a fournies, qu’elles proviennent de la Dre Naiman ou de la Dre Brown, n’est particulièrement utile. Aucune note ne fait mention d’un handicap ou d’une maladie physique ou mentale. Il semble que ce ne soit rien de plus que les écrits d’une personne qui a une certaine relation avec la fonctionnaire et qui prend sa défense. Je n’ai entendu aucun témoignage de la part de l’un ou l’autre des médecins. Aucun de leurs dossiers n’a été présenté en preuve. Une grande partie de la preuve à leur sujet provenait de la fonctionnaire. J’ai déjà parlé dans la section précédente de la valeur de ses preuves au chapitre de la crédibilité. Il n’est pas nécessaire de le faire de nouveau.

[242] Pour les motifs susmentionnés, la fonctionnaire n’a pas établi de preuve prima facie qu’elle a été victime de discrimination fondée sur l’incapacité.

5. Heures de travail et heures supplémentaires

[243] Il est clair pour moi que le thème sous-jacent de la présente affaire est le temps. J’ai entendu parler du temps sous toutes ses formes : le temps de déplacement, le temps consacré au travail, les heures de travail comprimées, les heures de congé, le temps pour assister à des rendez‑vous et à des réunions, les heures supplémentaires, la surcharge de travail et la mauvaise gestion du temps. Le tableau qui m’a été brossé est celui d’une professionnelle qui a trop de choses à faire en trop peu d’heures chaque jour. C’est trop souvent le cas pour des millions de parents qui travaillent au Canada. Toutefois, en l’espèce, c’est un thème qui se retrouve sous une ou plusieurs de ses nombreuses formes dans les allégations de discrimination que la fonctionnaire a avancées.

[244] La preuve que j’ai vue et entendue, tant au cours de l’audience qu’au moment de la passer en revue durant la rédaction de la présente décision, avait un thème récurrent : la « gestion du temps ». Nous devons tous gérer notre temps. Certains le font mieux que d’autres, et d’autres ont moins de choses à gérer. Il s’agit d’un fait plutôt malléable et changeant, selon la situation particulière de chacun. Ce qui est ressorti très tôt dans l’affaire, c’est que la fonctionnaire avait beaucoup de choses à gérer, dont certaines étaient liées au travail et d’autres, non. Une semaine de 7 jours compte 168 heures. La fonctionnaire est censée donner un minimum de 37,5 heures de travail à l’employeur, ce qui représente un peu plus du cinquième du temps total d’une semaine.

[245] Plusieurs des examens du rendement et des évaluations de l’employé de la fonctionnaire et un extrait de son examen du rendement et de son évaluation de l’employé pour 2011‑2012 ont été déposés en preuve. Ils avaient tous un thème en commun : la fonctionnaire consacrait beaucoup trop de temps aux tâches. De plus, le témoignage de vive voix de Mme Gruppuso allait dans le même sens, affirmant que la fonctionnaire consacrait trop de temps à des tâches qui auraient dû prendre moins de temps. La fonctionnaire a admis en contre‑interrogatoire avoir établi des normes très élevées et travaillé le soir et la fin de semaine pour s’assurer qu’elle faisait de son mieux et qu’elle satisfaisait à ces normes exceptionnellement élevées. La preuve documentaire indique clairement que, même après le dépôt du grief et du départ de la fonctionnaire en congé de maladie, ses superviseurs lui demandaient d’en faire moins. Mme Gruppuso a déclaré avoir réduit la charge de travail de la fonctionnaire par rapport à celle de certains de ses collègues.

[246] La fonctionnaire travaillait selon un horaire comprimé. C’était son choix; elle n’y était pas contrainte. À la lumière de son témoignage, je suppose qu’elle a choisi de travailler selon un horaire comprimé, car il prévoyait 13 jours de congé supplémentaires (« journées comprimées ») au cours de l’année, qu’elle pouvait utiliser à sa guise. Je n’ai pas entendu à quelle fin elle les a utilisés précisément. Cependant, d’après la preuve, je présume qu’ils ont été utilisés pour des choses comme des rendez‑vous et des réunions et pour s’acquitter d’obligations religieuses qui, autrement, tomberaient un jour de travail. Le choix de travailler selon un horaire comprimé avait toutefois pour effet d’ajouter du temps de travail supplémentaire à chaque jour, qui, d’après le témoignage de la fonctionnaire, était déjà rempli de choses qu’elle devait ou voulait faire.

[247] La fonctionnaire a souvent fait mention des heures excédentaires et des heures supplémentaires. Elle les a également mentionnées dans la correspondance avec l’employeur. Dans un courriel, elle a parlé de semaines de travail de 60 heures et de fins de semaine de 30 heures. Dans un autre, elle a parlé de plus de 400 heures excédentaires par rapport aux heures normales de travail par année. La fonctionnaire les a appelées « heures à la Torquemada » pour souligner qu’elle voulait effectuer les heures prévues dans les conventions collectives. Elle a utilisé le terme « Torquemada » dans son témoignage devant moi et dans le courriel du 2 décembre 2015 à Mme Gruppuso, dans lequel elle a déclaré ce qui suit :

[…]

HEURES SUPPLÉMENTAIRES. Il s’agit d’un problème différent, mais connexe. Il est quelque peu pernicieux de discuter de besoins opérationnels et de mesures d’adaptation dans le contexte d’une semaine de travail de plus de 60 heures et d’une fin de semaine de 31 heures, alors que ma convention collective précise un horaire hebdomadaire normal de 37,5 heures par semaine. Toute notre équipe est surchargée de travail. Souvent, c’est d’abord ceux qui ont besoin de mesures d’adaptation qui en souffrent, comme le canari dans la mine de charbon.

[…]

Les heures de travail à la Torquemada et les longs déplacements toute la semaine sont un obstacle facile à surmonter lorsqu’il y a de la compréhension et de la volonté. Le respect des heures normales de travail ne constitue pas un préjudice indu pour l’employeur. Si c’était le cas, il n’aurait pas signé une telle convention avec mon syndicat. L’employeur n’a pas rencontré d’obstacle en me laissant faire du télétravail pendant dix ans ou en permettant à d’autres employés d’en faire cinq jours par semaine pour des raisons ponctuelles.

[…]

 

[248] D’après le New Dictionary of the American Language, Second College Edition, « Torquemada » est le premier Grand Inquisiteur durant l’Inquisition espagnole. Lorsque l’avocat de l’employeur l’a interrogée au sujet de cette référence, la fonctionnaire a répondu qu’elle faisait référence à des heures de travail illimitées.

[249] Un examen attentif des dossiers iCase de la fonctionnaire pour juillet 2015 montre une tendance inhabituelle d’un nombre élevé d’heures quotidiennes comptabilisées, particulièrement pour les semaines du 20 et du 27 juillet. J’ai supposé que la fonctionnaire pouvait expliquer pourquoi des nombres anormalement élevés d’heures quotidiennes ont été comptabilisés pour cette période, notamment 11 heures pour le samedi 25 juillet et 18,98 heures pour le dimanche 26 juillet. Elle ne l’a pas fait.

[250] La fonctionnaire a peut-être fait des heures supplémentaires durant l’exercice 2015-2016, étant donné que, une fois, elle a effectué une semaine de 61,17 heures et que, une autre fois, elle a travaillé pendant 30 heures le samedi et le dimanche. Cependant, un examen minutieux de ses dossiers iCase n’a pas montré qu’elle a effectué d’heures excédentaires. Le nombre total d’heures de travail potentielles durant cet exercice est de 1 867,5, en tenant compte des jours fériés et des fins de semaine, et sans tenir compte d’aucune forme congé. Au total, quatre semaines de congé annuel équivaudraient à 150 heures, et cinq semaines, à 187,5 heures. D’après les registres des congés de la fonctionnaire pour 2015-2016, elle avait droit à 162,5 heures de congé annuel. Supposant que tout autre employé ayant 162,5 heures de congé les utilise, ainsi que ses jours de congé pour raisons personnelles et pour bénévolat, mais aucun autre congé, l’employé devrait comptabiliser 1 690 heures de travail.

[251] Les dossiers iCase révèlent que la fonctionnaire a comptabilisé 1 456,325 heures de travail, sans tenir compte de décembre. Le plus grand nombre d’heures de travail par mois qu’elle a comptabilisé en 2015‑2016 était de 209,42 heures en juillet 2015. Si j’additionne le nombre d’heures comptabilisé pour décembre 2015 (sans aucune déduction pour des congés, même si les registres des congés montrent qu’elle a utilisé 39,755 heures de congé ce mois-là) à son total pour le reste de l’année, le nombre total d’heures comptabilisées serait de 1 665,745. C’est quand même 36,755 heures de moins que le total d’heures effectuées par une personne prenant quatre semaines de congé annuel et les deux jours de congés pour raisons personnelles. Bref, il est difficile de voir comment la fonctionnaire peut comparer les heures qu’elle a effectuées en 2015-2016 à des heures à la Torquemada puisque ses dossiers montrent qu’elle n’a pas atteint le nombre minimal d’heures de travail.

[252] Les dossiers iCase ont révélé que la fonctionnaire a comptabilisé plus de 60 heures de travail pour une seule semaine seulement, soit la semaine du 4 octobre 2015, pour laquelle 61,17 heures de travail ont été inscrites. D’après les mêmes dossiers iCase, il n’y a qu’une seule fin de semaine (25 et 26 juillet 2015; 29,98 heures) où elle a effectué un nombre d’heures avoisinant 31 heures, malgré qu’elle ait comptabilisé 12,67 heures pour le vendredi 24 juillet. Il s’agit de la seule fin de semaine de 2015‑2016 pour laquelle la fonctionnaire a comptabilisé des heures de travail de près de 30 heures.

[253] Dans le courriel du 31 mars 2017 de la fonctionnaire, celle‑ci affirme avoir travaillé pendant 463,92 heures de plus que ce qui était exigé dans la convention collective en vigueur à l’époque. Si les dossiers iCase pour l’exercice 2015-2016 ont été déposés en preuve, aucun ne l’a été pour les exercices 2016-2017, 2017-2018 ou 2018-2019. La fonctionnaire a déposé son grief en avril 2016. Elle avait certainement la possibilité de conserver une copie de ses dossiers iCase pour les exercices à venir ou d’en demander une et de la produire à l’audience.

[254] Cela dit, un examen des conventions collectives – qui sont les ententes que l’agent négociateur de la fonctionnaire a conclues avec l’employeur – révèle que le travail excédentaire dont elle s’est plainte était quelque chose que ses collègues et elle auraient accepté. Il était quelque peu malhonnête de s’en plaindre, étant donné que la question du travail excédentaire a fait l’objet de négociations et a été inscrite dans la convention collective.

[255] Au début de la présente décision, j’ai énuméré les articles pertinents des trois conventions collectives et le passage pertinent de la décision arbitrale. La question des heures supplémentaires a fait l’objet d’une décision arbitrale (Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, 2009 CanLII 58615) rendue par une commission d’arbitrage établie par le prédécesseur de la Commission, la CRTFP. Celle‑ci a accordé des heures supplémentaires aux juristes qui formaient l’unité de négociation visée par la convention collective de 2010, et les dispositions relatives aux heures supplémentaires ont été intégrées à la convention collective de 2010. Cette démarche a permis d’harmoniser ces dispositions avec celles d’autres employés syndiqués du CT. Les dispositions relatives aux heures supplémentaires concernant les juristes étaient très semblables à celles des autres conventions collectives conclues entre le CT et d’autres agents négociateurs dans l’ensemble de la fonction publique fédérale.

[256] La situation a toutefois changé avec la convention collective de 2012. Les juristes ont accepté de renoncer à leurs heures supplémentaires payées, apparemment en échange d’une augmentation de salaire. Si les heures normales de travail ont été fixées à 37,5 heures par semaine, les conventions collectives ne prévoyaient plus d’heures supplémentaires. Rien dans la convention collective de 2012 n’empêchait l’employeur d’exiger que les juristes fassent des heures supplémentaires sans rémunération supplémentaire.

[257] Les employés reçoivent un salaire fixe établi en fonction d’un montant horaire ou annuel. Le montant annuel est payé pour les jours de travail fixes et réguliers conformément à la convention collective. Dans le cas de la fonctionnaire et de ses collègues, il s’agit de 37,5 heures par semaine durant l’exercice, moins les jours fériés et les congés payés auquel chaque employé a droit. Par exemple, un employé débutant reçoit l’équivalent de 3 semaines (37,5 heures par semaine) de congé annuel payé. Ce nombre de semaines augmente après un certain nombre d’années de service. Cependant, le nombre d’heures de travail de base ne change pas.

[258] La fonctionnaire a légitimement demandé à travailler selon un horaire comprimé et a été autorisée à le faire. En même temps, il est clair que, selon elle, il est inapproprié d’effectuer plus que le nombre minimal d’heures prévu dans les conventions collectives. Je m’attends à ce que le résultat lui semble davantage contraignant et injuste parce que le seul but de ses heures de travail comprimées est de réorganiser son temps de façon à ce qu’elle obtienne essentiellement 13 jours supplémentaires loin du travail. Cet arrangement perd quelque peu de son sens quand elle doit plus tard effectuer des heures excédentaires, y compris pendant sa journée comprimée, compte tenu du fait qu’elle n’est pas rémunérée pour ces heures, que ce soit sous forme de salaire ou de congé compensatoire.

[259] Je dis « semble » parce que la fonctionnaire n’est nullement traitée différemment des autres juristes, selon la convention collective que l’AJJ a négociée et que ses membres ont acceptée. La différence réside dans le choix de travailler selon un horaire comprimé. Les conventions collectives sont claires. Ce n’est pas l’employeur qui agit de façon discriminatoire. C’est le résultat du choix personnel de la fonctionnaire, de l’application de la convention conclue entre l’AJJ et le CT et de la nature du travail d’un procureur de la Couronne ou d’un avocat plaidant, qui exige souvent que ces juristes fassent des heures supplémentaires que les juristes ayant davantage de fonctions s’apparentant à celles d’un avocat-conseil n’auraient pas à faire et ne font pas. Les juristes assujettis aux conventions collectives sont tous régis par les mêmes exigences en matière de temps de travail. La fonctionnaire a simplement choisi de s’acquitter des siennes différemment.

[260] Je dis aussi « semble » parce que ce qui semble aggraver davantage la situation relativement à la gestion du temps pour la fonctionnaire, c’est qu’elle a choisi d’effectuer des heures excédentaires pour couvrir le temps qu’elle prenait afin de se conformer à ses croyances religieuses. Dans son témoignage, la fonctionnaire a mentionné avoir dû trouver 55 heures de plus pour compenser les jours de congé afin de pratiquer une religion.

[261] En tout, 55 heures excédentaires se traduisent par 7,33 jours pour une personne qui a une journée de travail de 7,5 heures ou par 7 jours pour une personne qui travaille selon un horaire comprimé, comme la fonctionnaire. D’une façon ou d’une autre, il s’agit d’ajouter les heures excédentaires à une journée de travail. Cela ne vient toutefois pas sans problème, car l’ajout ne serait-ce qu’une demi-heure supplémentaire à une journée de travail, pour arriver à 55 heures de plus, ferait en sorte que la fonctionnaire travaillerait durant 8,395 heures par jour pendant 110 jours.

[262] Durant l’exercice 2015-2016, il y a eu 242 jours ouvrables. Si les jours de congé annuel, le jour de congé pour raisons personnelles, le jour de congé pour bénévolat et les jours de congé pour obligations familiales de la fonctionnaire sont soustraits, il reste 213 jours ouvrables. Cela signifie que, pendant environ la moitié de l’année, elle travaille pendant près d’une heure de plus chaque jour, contrairement à ses collègues qui effectuent une journée normale de 7,5 heures. Toutefois, c’est de cette façon que la fonctionnaire a choisi de faire son travail. Il ne s’agit pas d’une forme quelconque d’actes discriminatoires de la part de l’employeur.

6. Discrimination intersectionnelle

[263] Aux paragraphes 143 et 144 de la décision Baylis‑Flannery, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[143] L’analyse du recoupement dans la discrimination est un exercice axé sur les faits dans le cadre duquel sont évalués la pertinence et les effets disparates de l’existence possible d’une discrimination composée, conformément à l’analyse du Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique dans l’affaire Comeau c. Cote, [2003] B.C.H.R.T.D. no 32 (QL), et du présent Tribunal dans l’affaire Morrison, précitée.

[144] […] Comme l’avocat du Tribunal l’a fait valoir, le thème commun de ces sources secondaires est que le fait de s’appuyer sur une analyse unidimensionnelle où l’on trouve de multiples motifs de discrimination a tendance à minimiser ou même à oblitérer les effets de la discrimination raciale sur les femmes de couleur qui ont été victimes de discrimination pour d’autres motifs, plutôt qu’à reconnaître la possibilité d’une discrimination composée qui a pu se produire.

 

[264] Au paragraphe 48 de l’arrêt Turner, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[48] Dans les observations écrites qu’il a présentées au Tribunal, l’appelant a également évoqué la notion de motifs combinés ou interreliés de discrimination, selon laquelle, pour l’essentiel, lorsque des motifs multiples de discrimination sont présents, leur effet combiné peut être plus grand que la somme de leurs effets individuels. Toujours selon la notion des motifs combinés ou interreliés, des analyses distinctes de chacun de ces motifs multiples minimisent ce qui, en fait, constitue de la discrimination composée. Lorsqu’ils sont analysés séparément, il se peut que chacun des motifs pris individuellement ne justifie pas une conclusion de discrimination, mais lorsque les motifs sont pris ensemble, il se peut qu’un tableau différent s’en dégage.

 

[265] Comme le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel fédérale l’ont établi, même les affaires qui donnent à penser qu’il y a discrimination intersectionnelle doivent être fondées sur des éléments de preuve pour établir une preuve prima facie. Le simple fait d’affirmer l’existence de plusieurs formes différentes de discrimination ne réduit en rien cette première étape fondamentale.

[266] La fonctionnaire n’a pas établi de quelque façon que ce soit de preuve prima facie de discrimination. La plupart des éléments de preuve présentés portaient en grande partie sur ses responsabilités au foyer qui étaient, à bien des égards, inextricablement liées à ses croyances religieuses. Toutefois, lorsque les faits avancés sont analysés soigneusement, il est possible de constater que son grief concerne le fait que l’employeur a changé la manière dont elle était autorisée à s’acquitter de ses fonctions, c’est‑à‑dire en faisant du télétravail. La fin du régime de télétravail ne permet pas d’établir d’une façon ou d’une autre de preuve prima facie de discrimination.

7. Allégation concernant des crédits de congé

[267] Comme il est mentionné précédemment, les dossiers iCase de la fonctionnaire pour l’exercice 2015-2016 ont été déposés en preuve. Ses registres des congés pour les exercices allant de 2016 à la fin de 2018 ont également été déposés en preuve.

[268] Dans le grief de la fonctionnaire, celle‑ci se plaint que l’employeur a soutenu à la réunion du 3 mars 2016 qu’elle devait des crédits de congé en raison de son horaire comprimé et demande, à titre de réparation, que l’employeur s’abstienne d’exiger ou de récupérer les crédits de congé qu’elle a accumulés.

[269] Comme je n’ai entendu aucun témoignage relativement à la façon dont les actes de l’employeur constituent une violation des conventions collectives ou à la nature des crédits de congé en cause, l’allégation est rejetée.

8. Pandémie de COVID-19 et plateformes d’audience par vidéoconférence

[270] Le grief en cause a été déposé en mars 2016. L’audience a débuté en personne à Toronto en avril 2019 et s’est poursuivie en décembre 2019, encore une fois à Toronto. La pandémie est devenue une crise au début de 2020. À la mi-mars 2020, le pays était en grande partie sous le coup d’une ordonnance de confinement à domicile. La Commission a annulé toutes ses audiences prévues à partir de la semaine du 16 mars 2020 jusqu’à la fin de juillet 2020 inclusivement, ce qui correspondait au calendrier complet de la Commission à ce moment-là. À la fin d’août et en septembre 2020, le Commission a commencé à instruire des affaires au moyen de plateformes de vidéoconférence comme Zoom et Microsoft Teams. Depuis, ses audiences qui ne pouvaient pas être tenues par écrit se sont déroulées de cette manière.

[271] Je sais que les tribunaux instruisent maintenant des affaires au moyen de plateformes de vidéoconférence et que les avocats peuvent y assister depuis leur domicile. Ces procédés ne modifient pas, toutefois, les faits de l’affaire de la fonctionnaire, car la pandémie est une crise sanitaire mondiale catastrophique dans laquelle des mesures d’urgence ont dû être mises en œuvre. Le fait que les tribunaux et les tribunaux administratifs se sont adaptés à cette façon de travailler ne modifie en rien les faits de l’affaire de façon à permettre que soit établie une discrimination prima facie, puisqu’il n’y en avait pas.

[272] Pour les motifs qui précèdent, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance figure à la page suivante.)


V. Ordonnance

[273] Le grief est rejeté.

[274] J’ordonne la mise sous scellé des onglets 7, 14 et 39 de la pièce G‑1.

[275] La fonctionnaire procède à l’examen du RCD et fournit à la Commission, dans les 30 jours suivant la date de la présente décision, un RCD caviardé et corrigé pour remplacer, au besoin, le RCD versé au dossier.

[276] J’ordonne la mise sous scellés de la pièce G‑1 pendant 30 jours à compter de la date de la présente décision.

Le 28 octobre 2021.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des

relations de travail et de l’emploi dans le

secteur public fédéral

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